Déjeuner au Pavyllon Ledoyen mardi, 31 mai 2022

La plus fidèle de mes dîners est Sarah, américaine et chirurgienne, qui très souvent ne vient en France que pour participer à l’un de mes dîners. Je l’invite à déjeuner deux jours avant le prochain dîner et le restaurant choisi est le Pavyllon Ledoyen car je tiens à présenter mes condoléances à Yannick Alléno après la perte si cruelle de son fils. Nous prendrons au verre un Corton Charlemagne Xavier Monnot 2019 fort agréable malgré son jeune âge et pour les côtes d’agneau une bouteille de Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 2014 qui vérifie une fois de plus l’intérêt que je lui porte.

Des parisiens malins savent que quand il fait beau, la terrasse du Pavyllon est la solution de rechange depuis que le Laurent est en rénovation.

Déjeuner avec 9 Montrachet du Domaine de la Romanée Conti lundi, 30 mai 2022

Un ami qui vend du vin organise aussi de temps à autre des événements. Il propose que nous déjeunions au restaurant le Grand Monarque de Chartres, sur le thème du Montrachet du Domaine de la Romanée Conti. Le propriétaire du restaurant, que j’ai connu il y a bien longtemps car il était aussi propriétaire du restaurant Le Petit Riche à Paris dans le secteur des banques, a décidé de mettre à notre disposition dix millésimes successifs de Montrachet du Domaine de la Romanée Conti et pour une raison que j’ignore le 2010 ne sera pas présent. Nous aurons donc neuf Montrachet.

Avec deux amis fidèles de mes repas, nous nous rendons au Grand Monarque où Pierre, l’organisateur, a déjà ouvert les vins à 10h30. Les bouchons sont alignés et nous prenons des photos de cet impressionnant alignement.

Comme nous sommes en avance, nous commandons un Champagne Selosse Millésimé 2008 en dehors de notre programme. Ce champagne est d’une invraisemblable noblesse. Puissant, raffiné, sublime, je trouve qu’il surpasse tous les champagnes de 2008 que j’ai eu la chance de boire, de cette immense année.

Les participants arrivent et nous serons dix de divers horizons, Singapour, Belgique, Suisse et autres. Parmi eux le vigneron champenois Jérôme Legras a apporté un Champagne Legras & Haas magnum 2008. Passer après le Selosse pourrait sembler une difficulté infranchissable mais ce champagne délicat et subtil s’en tire remarquablement bien. Ce Blanc de Blancs de Chouilly est d’une grâce particulière.

Le chef Thomas Parnaud, très intéressé par cette expérience a beaucoup travaillé pour les accords. Voici son menu : bouchées apéritives dont un pâté en croûte délicieux / mise en bouche / langoustine Royale triple zéro juste raidie, sauce mousseline coriandre, sarrasin, caviar d’Aquitaine de la maison Perlita / sandre ikéjimé du bassin de la Loire, blettes, feuille de yuzu, jus d’arêtes au safran / ris de veau et homard, jus de veau et émulsion homard, petits pois et morilles / comté de 24 mois et cône de chèvre / prédessert / intemporel millefeuille vanille bleue de la Réunion, caramel beurre salé.

Pierre, l’organisateur, a voulu présenter les Montrachet du Domaine de la Romanée Conti par couples, en juxtaposant deux vins de deux climats différents, une année chaude et une année plus froide et par un hasard arithmétique, la somme des années de chacun des quatre couples de deux Montrachet est 19. Les couples dans l’ordre sont : 2012 et 2007 / 2013 et 2006 / 2014 et 2005 / 2011 et 2008 et le repas se finira sur le 2009.

Le repas ne se prêtait pas à prendre des notes aussi mes commentaires seront-ils succincts. Ce qui m’a frappé le plus c’est l’incroyable diversité de ces vins. Aucun ne ressemble aux autres. La principale cause de variation est l’importance du botrytis qui généralement pour ces vins jeunes entraîne des couleurs plus intenses.

Malgré la difficulté de classer je me suis amusé à hiérarchiser les vins, en fonction de mon palais qui ne prétend pas être universel, comme le démontre chacun de mes dîners où les votes des participants sont vraiment différents, même s’il y a, bien sûr, des tendances communes.

Le premier de mon vote est le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2009 complexe, subtil, au nez incroyable de charme et d’intensité.

Le second est le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2008 superbe et riche, certainement le plus large de tous, mais coiffé au poteau par le 2009 à cause de son parfum.

Vient ensuite le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2005 beau, un peu plus complexe mais moins solaire que le 2008.

Le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2013 est subtil, élégant et complexe.

Le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2014 est élégant et frais et subtil aussi

Le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2012 est très beau, plus calme, élégant.

Le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2006 est peut-être le plus gastronomique après le 2008, aidé par le sandre superbe.

Le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2011 est un vin plus calme

Le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 2007 a un beau fruit, et se montre agréable.

Avant que nous ne passions à table, je redoutais une certaine fatigue du palais en goûtant à la suite neuf vins aussi riches aussi avais-je suggéré que l’on fasse un intermède avec un vin rouge. Un Château Haut-Brion 1966 avait été ouvert, au nez très rebutant de poussière mais qui s’est épanoui assez rapidement. Lorsqu’on m’a demandé si je maintenais mon désir, j’ai dit non, car nous étions sur une belle lancée. Aussi le Haut-Brion a été servi sur les fromages et j’ai annoncé à l’avance qu’il triompherait sur le chèvre contrairement au Montrachet. Tollé de la part de l’excellent maître d’hôtel mais les faits m’ont donné raison : c’est le Haut-Brion subtil, bien équilibré et solide qui a joué gagnant avec l’excellent chèvre.

J’avais apporté avec moi une bouteille dont la forme suggère un madère, mais n’a aucune indication, ni capsule ni étiquette. Je l’avais ouverte avant le repas et son parfum irréellement brillant indiquait un madère des années 20, sans doute centenaire, d’une bouteille des années 50. Ce Madère inconnu des années 20 absolument sublime, riche et profond a idéalement conclu ce repas.

Mais ce n’était pas fini. Nous avons visité la grande cave du restaurant qui comporte une cave Jacques Puisais et une cave Jean Carmet. On voit donc l’inclination vers la Loire et ses vins. Puis chose incroyable, le sommelier a ouvert quatre alcools du Domaine de la Romanée Conti. J’en ai bu trois, La Fine du Domaine de la Romanée Conti 2000 joyeuse et ensoleillée, le Marc du Domaine de la Romanée Conti 2000 sauvage et viril et le Marc du Domaine de la Romanée Conti 1994 extraordinaire, très au-dessus du 2000, la perfection du Marc.

Cela m’a poussé à accepter le don d’un convive, un cigare BEHIKE de Cohiba. Une petite merveille.

Pierre a fait une organisation parfaite. Le restaurant a été d’une générosité incroyable, le chef, présent souvent pour échanger nos impressions a fait une cuisine bourgeoise du plus haut niveau. En ce lieu qui porte au bonheur, nous avons vécu un repas exceptionnel.


La table

chaque place a ses verres avec indication du vin et le menu

les vins ont été ouverts à 10h30

j’ouvre le Madère que j’ai apporté

avant-programme

le repas

Déjeuner au restaurant Taillevent avec des demi-bouteilles mercredi, 25 mai 2022

Dans une semaine, je vais faire le dernier grand repas de mon année « scolaire » au restaurant Taillevent. Je vais livrer les vins du dîner et j’en profite pour venir déjeuner en invitant quelqu’un qui a une grande expertise des vins, mais des vins jeunes.

Il se trouve que j’ai acheté récemment des vins anciens en demi-bouteilles. C’est l’occasion de vérifier si la petitesse du format a une influence sur la longévité des vins. Je suis arrivé au restaurant avec très peu d’avance. On peut donc considérer que les vins sont ouverts au dernier moment. Aux quatre flacons apportés, j’ai ajouté le reliquat de deux vins bus au Yacht Club de France qui pourraient ainsi composer un programme excitant.

Le restaurant propose un repas à trois plats qui me paraît insuffisant pour la variété des vins que j’ai choisis. Le menu Héritage Taillevent à quatre plats me semble beaucoup plus conforme à la diversité des vins. Il comporte : langoustines, boudin « Tradition Taillevent », fenouil confit, sauce choron, graines de courges, Brocciu / filet de bœuf façon Wellington, morilles au sarrasin, asperges blanches gratinées au vieux Comté, pomme purée / plateau de fromages / Chocolat, chocolat, chocolat.

Le Champagne Pol Roger ½ bouteille 1969 a une belle couleur d’un ambre jeune. En bouche même si le champagne n’a pas de bulles il a un beau pétillant. Le champagne est large, riche et agréable à boire.

Le Champagne Ayala ½ bouteille 1979 est beaucoup plus fluide et frais que le Pol Roger. L’un, le 1969 est dans la force et la puissance et l’autre, le 1979 est dans la fraîcheur féminine. Aucun des deux ne semble avoir eu une évolution différente de celle qu’il aurait eue en bouteille.

Si les champagnes ont idéalement accompagné les subtils amuse-bouches et la langoustine, il me semble que les deux vins liquoreux vont accompagner idéalement le boudin.

Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 ouvert il y a deux jours a une belle fraîcheur qui m’évoque un peu les vins de glace autrichiens mais il est plus consistant qu’eux.

Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est absolument magique. Avec deux jours de plus il est d’une largeur incroyable. C’est un vin glorieux, souriant, riche et accompli. Il va trouver un étage supplémentaire de sa fusée avec les morilles qui sont à se damner.

Le filet de bœuf en croûte est copieux. Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes ½ bouteille 1971 lui aussi ne laisse pas penser qu’il aurait évolué différemment en bouteille. Il est riche et joyeux, subtil et entraînant et montre que son année est grande.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné ½ bouteille 1962 est un vin que j’adore et que je considère comme très proche du légendaire 1961. Celui-ci est merveilleux. Il a tout pour lui. Sa complexité est infinie et son épanouissement est parfait. C’est un très grand vin, idéal sur la viande.

Nous avons essayé les vins doux sur les fromages et pour le dessert au chocolat plus que copieux, c’est le Zind Humbrecht qui s’est montré le plus cohérent même si le Clos des Papes était possible.

Le classement que nous avons fait avec mon invité en retenant le meilleur de chaque série est : 1 – Hermitage 1962, 2 – Rangen de Thann 1994, 3 – Pol Roger 1969. Je suis très heureux d’avoir assemblé des vins d’une telle diversité.

La cuisine du chef Giuliano Sperandio est remarquable et devra être couronnée rapidement par des étoiles. J’ai retrouvé le Taillevent que j’aime, dans sa splendeur. C’est réconfortant.

Nous avons ensuite travaillé, le chef et moi, à la composition du menu du 265ème dîner. Je pense que nous allons nous régaler.

Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France lundi, 23 mai 2022

C’est à mon tour d’inviter mes amis du club dont nous sommes, sauf un, tous des conscrits. Etant sensible aux efforts et aux soins du gérant de la cuisine et la salle à manger du Yacht Club de France, Thierry Le Luc et du chef de cuisine Benoît Fleury, j’ai invité mes amis à déjeuner en ce lieu.

Nous aurons à l’apéritif des huîtres de Marennes et des bulots. Le menu sera : assiette de langoustines / filets de rougets français et noix de Saint-Jacques rôties, courgettes, mini giroles, pommes gaufrettes et sauce crustacés / fromages / tarte Tatin aux pommes et mangues.

Nous commençons par le Champagne Moët & Chandon Vintage 2002 que je trouve un peu épais et lourd, mais c’est parce que ma bouche n’est pas prête à le déguster. Il devient plus courtois sur les huîtres d’une fraîcheur marine rare.

C’est surtout le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007 que j’attendais sur les huîtres car le blanc de blancs est fouetté par les brises marines de ces huîtres. Les bulots parfaits parce que frais s’expriment bien avec le Moët.

L’assiette de langoustines est impressionnante de générosité. J’avais envisagé que pour le plat de poisson nous pourrions examiner comment fonctionnent les accords avec des vins secs et des vins plus doux. Dans ce programme, j’avais imaginé que le magnum d’Altenberg de Bergheim Marcel Deiss 1994 représenterait les vins secs. Erreur absolue. Ce vin à la couleur presque orangée est résolument doux et délicieux. Il est parfait avec les langoustines si douces.

Le plat de rouget mêle des saveurs distinctes mais cohérentes et la sauce va créer l’accord entre le poisson et les vins doux. Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est d’une grande délicatesse associée à une force plus grande que celle du vin de Marcel Deiss. C’est ce pinot gris qui profite le mieux de la sauce.

Une remarque au passage. Alexandre de Lur Saluces a toujours défendu l’accord des sauternes avec les asperges. J’ai pu constater que les vins d’Alsace de vendanges tardives se sont mariés avec bonheur aux asperges du plat de poisson.

J’avais apporté trois vins rouges qui avaient été servis hier au déjeuner d’anniversaire de ma fille et dont il restait de quoi déguster. Chacun de ces vins a gardé une belle solidité. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano 1967 est solide et parfait pour les fromages. Le Château Trotte Vieille 1967 est toujours aussi gracieux et le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est toujours aussi noble et puissant. Ils sont tous les trois adaptés aux beaux fromages.

J’ai tenté un Munster fort sur le vin de Deiss et cela a marché.

Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 nous emmène dans le territoire du Grüner Veltliner. Le vin est profond, riche, avec des notes de miel. Ce vin est frais et idéal pour la délicieuse tarte Tatin.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge années 60 est d’une grande élégance de champagne ancien. Il a agréablement créé le point final d’un repas réussi.

Nous avons parlé de tout et de rien et beaucoup moins de politique qu’en certains repas.

quelle taille !

Anniversaire chez ma fille aînée dimanche, 22 mai 2022

C’est l’anniversaire de ma fille aînée et je suis invité chez elle comme un peu plus d’une quinzaine de ses amis. J’ai décidé de contribuer au programme des vins. J’arrive vers 11 heures pour ouvrir mes vins. Avant l’arrivée des convives nous trinquons en famille sur un Champagne Billecart-Salmon Brut sans année qui est fort agréable à boire, frais et tonique.

Lorsque presque tout le monde est là je propose que nous buvions un Byrrh en bouteille d’un litre pour s’éclaircir le palais et le préparer aux champagnes. Ce vin doux est d’une douceur charmeuse extrême accompagnée d’une belle amertume de fruits orangés et leurs zestes, mais aussi de quinine et autres ingrédients. C’est tellement agréable qu’on en reprendrait mais le breuvage est comme les sirènes sur la mer, il est envoûtant et perfide. Je n’avais pas remarqué qu’il y avait écrit à la main sur l’étiquette « Mars 1938 ». J’aurais volontiers dit que ce Byrrh est des années 50. Il est probablement d’avant-guerre, ce qui ajoute à son charme.

J’ai apporté deux bouteilles de Champagne Pommery Brut Royal sans année. Je n’imaginais pas qu’ils soient aussi vieux car en retirant les bouchons et en voyant la couleur ambrée et l’absence de bulle, on est de plain-pied dans les années 60. Pour beaucoup, c’est une découverte car l’idée que les champagnes ne vieillissent pas a la peau dure et subsiste encore. Ce champagne est délicieux, rond et presque doux.

Le Château Brane Cantenac 1978 est d’une construction parfaite. Il est épanoui et serein. Le Château Trotte Vieille 1967 a une jeunesse qui surprend aussi les amis de ma fille. Il est d’un charme subtil.

Au contraire, le Château de Sales Pomerol 1985 est un solide guerrier droit et carré, vin conquérant. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano en Italie 1967 m’est totalement inconnu. Il est agréable à boire même si nous n’avons pas beaucoup de repères. Il est bien construit et aussi solide. Une belle découverte d’un vin simple.

Le Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 est une merveille de charme. Toute la Bourgogne se trouve dans ce vin charmeur, subtil et réussi. Un grand moment.

Le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est costaud. Conquérant il sait être accessible, il a des façons de toreros. C’est un vin noble et puissant et gouleyant.

Sur un délicieux roquefort nous avons bu deux bouteilles de 50 cl de Tokaji Escenzia Aszu 1988 toujours aussi doucereux et convivial. Un vrai bonheur.

La vraie curiosité, c’est le Champagne Vve Laurent Perrier Medium Demi Sec qui doit être très vieux, peut-être des années d’avant-guerre, que j’attendais doux et qui se révèle sec, dry, avec des saveurs énigmatiques, lançant nos papilles sur des pistes trompeuses, chargées d’énigmes. Plusieurs convives ont plébiscité ce champagne que je trouve inclassable tant il déroute. J’ai appris par la suite en me renseignant que le mot « Vve » (veuve) a disparu en 1948 sur les étiquettes. L’hypothèse avant-guerre est donc bonne.

Ma fille avait préparé des tas de petits fours d’apéritifs et des plats originaux délicieux. Ma petite-fille a réalisé un fraisier réussi d’un talent fou.

Dans une ambiance amicale et affectueuse, nous avons voyagé dans les saveurs des plats et dans l’éclectisme des vins. Chacun est reparti heureux d’avoir retrouvé des amis ou des parents pour un événement d’une grande sensibilité.

avant et après

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur jeudi, 19 mai 2022

Nous sommes quatre camarades de la même promotion de notre école à nous retrouver au restaurant Le Sergent Recruteur du chef Alain Pégouret. Sans qu’on me l’ai demandé, j’ai apporté trois vins. Nous n’en boirons que deux.

Les plats que nous prendrons sont : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / cabillaud dans l’inspiration d’un bœuf carotte épicé. C’est le sommelier Aurélien qui ouvre les bouteilles quand mes amis sont arrivés car je ne savais pas combien viendraient et j’ai attendu que nous soyons au complet.

L’Hermitage Blanc Chante Alouette Chapoutier n’a pas de millésime lisible et il n’a pas dû en avoir car les autres bouteilles que j’ai en cave ont la même absence d’année. Au vu du bouchon et à la couleur, je penserais à un vin des années 60. Il est agréable mais je suis un peu gêné par sa sécheresse. On imaginerait que l’on est en train de sucer des tiges de blé. Heureusement le tourteau le rend plus agréable.

Le vin rouge que j’ai apporté est un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1985 au beau niveau. Aurélien me dit qu’il n’est pas satisfait de l’odeur de ce vin. Il est vrai qu’il n’a pas bénéficié de l’oxygénation lente. Mais je suis moins critique et assez rapidement le vin va s’arrondir sur le très goûteux cabillaud. Il deviendra même très confortable.

La cuisine d’Alain Pégouret est bien faite et explore des accords audacieux pertinents. Ce fut un bon déjeuner amical. Nous avons beaucoup parlé de démographie, le sujet le plus préoccupant pour la planète. C’est agréable de bavarder avec des amis de plus de soixante ans.

Dîner au restaurant Ôrtensia mercredi, 18 mai 2022

Un ami a découvert un nouveau restaurant qu’il tient absolument à nous faire essayer. Il s’agit du restaurant Ôrtensia qui a pris la succession de l’Astrance où avait officié Pascal Barbot avec qui j’avais organisé des dîners mémorables. Le chef Terumitsu Saito et son associé ont réussi une décoration de grand talent. Le sommelier Romain me reconnait et bien sûr nous bavardons.

Etant avec ma femme en avance j’ai le temps de consulter la carte des vins et mon œil est attiré par la première page, celle des bières, où le nom de Cantillon est cité près de dix fois. Il se trouve que j’ai été extrêmement impressionné par cette brasserie que j’ai visitée il y a douze ans et qui m’a permis de goûter des bières hors norme remontant sur quarante ans. Il est impossible que je laisse passer l’occasion de boire des bières de cette qualité. Je vois d’autres vins qui me tentent mais il faudra les valider avec mon ami qui a la gentillesse de nous inviter.

Le menu sera fait de daurade, asperges, turbot, Wagyu et langue de wagyu. Seul le dessert est optionnel. Mes trois convives prendront un millefeuille et je prendrai des fraises des bois à la meringue.

Les amuse-bouches plantent le décor. Ils sont le fait d’un cuisinier de grand talent. Les saveurs sont subtiles, précises et complexes. De l’art pur. La Bière Cantillon Gueuze « Le Plaisir » est récente. Elle est marquée par une acidité très présente, qui élargit le goût en bouche. Elle est large, profonde et tellement déroutante. Elle s’accorde à toutes les myriades de saveurs d’une invention généreuse comme une aile de poulet qui cohabite avec du homard et de complexités aventureuses réussies.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Roussanne Vieilles Vignes 2019 est dans une période heureuse. Il est jeune mais on ne le sent pas tant son fruit est plein et joyeux. C’est un vin souriant qui va accompagner les deux poissons cuits à la perfection. Il connaîtra sans doute une période de calme et deviendra brillant dans vingt ans. Mais à ce stade de sa vie, il a toutes les qualités d’une belle jeunesse ensoleillée.

Entre les deux poissons il y a un plat à base d’asperge qui est accompagné par la Bière Cantillon Gueuze 2003. Elle est beaucoup plus sauvage que la bière « le plaisir » et elle explore des saveurs où le sel et les blés sont présents. Ce voyage dans l’inconnu ravit mon ami et son épouse. Et la cuisine française revue par un japonais talentueux est idéale pour cette bière énigmatique.

Le bœuf Wagyu est superbement cuit et forme un accord doctrinal avec le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2009 riche, vif, plein et si sereinement complexe. Un bijou. Ma femme est la seule qui a reconnu que le deuxième morceau de wagyu est la langue de l’animal. Le plat et l’accord sont un rêve.

Il est évidemment quasi impossible de hiérarchiser deux vins et deux bières, mais la prime à l’originalité ira aux deux bières et la prime à la noblesse ira au Rayas 2009.

La probabilité que Romain et moi connaissions la même brasserie était infime. Je suis content d’avoir saisi cette opportunité de découvrir ces bières irréelles. La cuisine du chef est inventive, subtile et remarquablement exécutée. Notre ami a eu raison de nous inviter car ce fut une magnifique expérience. A recommencer bien sûr.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France dimanche, 15 mai 2022

Ma femme voulait inviter deux de nos petites-filles au restaurant l’Ecu de France. Je décide au dernier moment de me joindre à ce groupe dont l’absence de parité est évidente. Sur le parking il y a deux gigantesques limousines blanches que l’on voit plus fréquemment à Las Vegas que dans les banlieues parisiennes. L’Ecu de France est connu pour accueillir les repas de mariages ou de grands événements.

Dans la carte des vins je choisis un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle et je demande à Hervé Brousse, le directeur du restaurant, qu’il choisisse la plus vieille bouteille qu’il a en cave. Le deuxième vin sera un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2013 pour lequel je souhaite qu’il ne soit ouvert que lorsque le plat qu’il accompagne sera servi sur table.

Les plats que j’ai choisis sont : ravioles de coquilles Saint-Jacques et viande de bœuf.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est élégant. Mais la bouteille la plus ancienne est malgré tout très jeune. C’est un champagne que l’on doit absolument laisser vieillir en cave. Malgré sa jeunesse, il accompagne subtilement l’amuse-bouche et le premier plat. C’est un champagne dont j’apprécie le romantisme.

Au restaurant, je demande qu’on ouvre les vins rouges jeunes au dernier moment pour profiter de l’éclosion de la fraîcheur des vins. Cette sensation dure environ pour la moitié de la bouteille puisqu’après, le vin ayant eu une aération plus grande, devient plus serein et moins fragile. Il est agréable de constater que boire le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2013 n’est pas un infanticide. Il a déjà une très belle personnalité, et la délicate fragilité qu’il montre au premier contact est un bonheur rare. Le vin est riche, plein d’énergie mais ce sont ses frémissements que j’adore.

Le vin devenu plus civilisé et plus carré accompagne la viande puis du fromage.

Le cadre hors du temps du restaurant, la gestion familiale et la cave si intelligemment gérée font de ce restaurant un havre de bonheur.

au restaurant Maison Rostang un sublime Lafite 1900 samedi, 7 mai 2022

Un ami américain, grand connaisseur de vins, m’annonce sa venue à Paris car il va visiter plusieurs grands vignobles. Il propose de m’inviter et me demande de fournir quelques vins. Sachant qu’il boit des vins prestigieux, j’ai préparé pour ce repas au restaurant Maison Rostang des vins dont je suis sûr qu’il ne les a jamais bus. Sa réaction me fait comprendre qu’il voudrait plus prestigieux, ce qui ne me gêne pas.

J’arrive au restaurant à 17 heures. J’ai dans ma besace six bouteilles. Je n’en ouvrirai que deux. Le parfum du Château Lafite 1900 est à se damner tant il est d’une perfection absolue. Riche, fruité, rond, séducteur, ce parfum devrait être inscrit au Guinness Book of Records, si on arrivait à conserver les parfums. Il est tellement puissant que je décide de mettre un bouchon neutre pour le conserver intact jusqu’à l’heure du repas.

A 18h30 j’ouvre un Champagne Gonet Père & Fils 1962 dont les arômes indiquent un âge certain mais une belle pureté. Je fais mettre au frais un vin blanc et j’attendrai l’arrivée de mon ami pour que l’on décide ce qui sera ouvert.

Mon ami arrive avec un autre ami que je connais et que je n’attendais pas. Il va falloir ouvrir d’autres vins. Je suggère le menu : asperges pour le champagne, langoustines pour le vin blanc que j’ai apporté et pigeon pour le Lafite.

La délicieuse amertume des asperges est idéale pour le Champagne Gonet Père & Fils 1962 à la couleur ambrée. La bulle est absente et le pétillant est très faible, donnant à ce champagne plus un goût de vin que de champagne. On s’aperçoit que le vin de base de ce champagne est noble et bien fait. Le vin est complexe avec des suggestions de saveurs alanguies et joliment vieillies. Il est agréable mais un peu plus âgé qu’il ne devrait.

La suite du repas se fera en dégustation à l’aveugle. L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin que j’ai acheté récemment, fasciné par sa magnifique couleur. Dans le verre, le vin est d’un or resplendissant très clair. Le nez est impressionnant de complexité et en bouche il est phénoménal. Je le rangerais volontiers parmi les plus grands blancs qui soient. Mes convives ont hésité entre Bourgogne et Rhône et ont cité des années autour de 1978. Ce vin riche, complexe, puissant et affirmé est exceptionnel.

Le Château Lafite 1900 a son nom et l’année gravés dans un écusson en verre collé à la bouteille. La bouteille a été soufflée manuellement et une irrégularité dans le goulot avait déchiré le bouchon à sa remontée. Le parfum est luxuriant, riche et séduisant. En bouche c’est la perfection absolue du bordeaux. J’avais acheté plusieurs bouteilles d’un même lot, et chaque fois que je l’ai bu, je l’ai trouvé parfait. Celui-ci est particulièrement percutant, alors qu’il a 122 ans. Mes amis ont évoqué les années trente ou quarante et ont été surpris qu’il soit aussi fringant. L’accord avec le pigeon est superbe.

Mon ami a tenu à nous faire boire une bouteille qu’il commande en cachette sur la carte du restaurant. Je vais donc maintenant devoir goûter à l’aveugle. L’idée d’un Bourgogne est assez évidente. Pour le domaine j’ai suggéré Rousseau et pour l’année, considérant que c’est un vin jeune, j’ai cité 1990 ce qui veut dire – pour moi – que c’est très jeune. Il s’agit en fait d’un Richebourg domaine Méo- Camuzet 2002. Nous prenons des fromages ce qui permet de boire ce vin et aussi le reste du vin blanc.

Le Richebourg est noble. On sent que c’est un Grand Cru. Il a déjà un bel accomplissement qui le rend très agréable à boire, mais après avoir bu le Lafite, on se rend compte qu’il faudra au moins 20 ans pour qu’on puisse le goûter à maturité.

La cuisine est superbe et le restaurant a gardé cette ambiance familiale qui fait son charme. Le service est très attentif. Mon classement des vins de ce repas est : 1 – Lafite 1900, 2 – Hermitage blanc 1959, 3 – Richebourg 2002, 4 – Gonet 1962.

Je suis content d’avoir revu ces amis et d’avoir ouvert un Lafite 1900 au sommet absolu de son art.

déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages vendredi, 6 mai 2022

J’ai de temps à autre présenté une énigme dans un mail d’envoi de mes bulletins. Et la récompense de ces énigmes est de déjeuner avec moi avec de belles bouteilles. L’idée m’est venue de tenter la même incitation à trouver une énigme sur Instagram où je jouis d’une écoute extrêmement amicale et bienveillante. Le sujet de l’énigme était de trouver le point commun qui existe entre deux vins algériens, le Royal Kebir de Frédéric Lung et un autre vin, le Sidi Brahim d’André Vigna. L’enjeu était de boire un vin du domaine de la Romanée Conti avec moi. Plusieurs personnes ont trouvé l’énigme et j’ai choisi deux gagnants, les plus rapides, car ils étaient difficiles à départager. La solution de l’énigme est que sur les étiquettes les mots Kebir et Vigna, qui ont chacun cinq lettres, sont représentés comme une croix, le mot étant à la fois horizontal et vertical, la lettre centrale, le B ou le G étant au centre de la croix. La récompense est un déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages. La gagnante est italienne vivant et travaillant à Toulouse. Le gagnant est américain de New York profitant de cette occasion pour faire un voyage à Paris avec sa fiancée. Les deux sont du même âge, de moins de trente ans.

Le jour venu je me présente à onze heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins. Les parfums sont prometteurs et celui de La Tâche 1954 est absolument typique avec la rose et le sel. J’ai composé le menu avec le chef Ken qui sera asperge, poisson cru, poisson cuit, agneau suivi par trois bœufs différents. Et nous ajouterons fromage et dessert aux fruits rouges.

Le Champagne Krug Private Cuvée est très probablement des années 50. Son bouchon est en effet venu sans la moindre résistance. La couleur est d’un acajou clair, les bulles ont disparu mais le pétillant en bouche est intact. Nous sommes dans un monde de champagnes que mes jeunes convives ne connaissent pas. Il y a du miel, des agrumes, une complexité extrême et une longueur qui n’en finit pas. Un amuse- bouche au poisson fort donne une énergie superbe au champagne.

J’avais demandé que les asperges n’aient aucun accompagnement pour que leur amertume excite le champagne et ce fut le cas. Le poisson cru servi avec de l’huile convient au champagne mais j’ai demandé qu’on nous donne le même poisson cru sans accompagnement pour l’essayer avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954. C’est une coquetterie, mais ça marche !

Ce La Tâche a tout ce qui fait un grand vin. Il est complexe, long, avec un sel persistant. Il est parfait sur l’agneau.

J’ai aussi apporté un Beaune Hospices de Beaune Cuvée des Dames Hospitalières P. Perret 1943. Sa couleur est beaucoup plus jeune que celle de La Tâche. Le nez est généreux et en bouche, le vin est large et d’une belle jeunesse. C’est un pur bonheur, franc.

La Tâche a très bien réagi sur le wagyu délicieux et fondant. Les fromages ont accompagné les deux rouges que l’on peut boire ensemble sans qu’ils se nuisent.

Le dessert a accueilli un Champagne Billecart Salmon rosé sans année très pertinent.

Nous avons classé le Beaune 1943 devant La Tâche 1954 malgré sa grande authenticité car il faisait un peu plus fatigué que le fringant 1943. J’ai rencontré deux jeunes personnes extrêmement sympathiques que je n’aurais eu aucune chance de rencontrer s’il n’y avait eu cette énigme Enigma. Je pense qu’ils garderont un souvenir heureux de cet agréable déjeuner. La réponse du restaurant Pages à mes désirs est exceptionnelle.