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279ème repas au restaurant Pages jeudi, 30 novembre 2023

Un Mexicain qui me suit sur Instagram m’a demandé d’organiser un de mes repas pour un petit groupe de quatre et il me donne un budget pour ce repas. Il demande aussi que son groupe participe à l’Académie des Vins Anciens. Il est prévu aussi que son groupe vienne assister à l’ouverture des vins à 10h30 avant le déjeuner au restaurant Pages que j’apprécie pour son adaptabilité à l’organisation de tels repas. Ce repas sera le 279ème de mes repas.

A 10h30 nous sommes présents tous les cinq. Je souhaite commencer par ouvrir La Tâche 1986 qui doit profiter du temps le plus long d’oxygénation lente. Le bouchon est extrêmement serré et j’ai de grandes difficultés à le tirer. Commencer de cette façon n’est sans doute pas très brillant pour impressionner mes convives car j’arriverai à tirer le bouchon seulement après l’avoir cassé en deux au milieu. J’aurais bien aimé le garder entier car il est beau. Le parfum est encore timide mais prometteur.

J’ouvre ensuite l’Hermitage blanc Chave 1993 et je suis face au même problème de bouchon trop serré, mais je m’en tire beaucoup mieux. Le nez est lui aussi timide mais moins que La Tâche. Il promet un beau résultat.

Le Chambertin 1990 a un bouchon qui vient entier sans problème et la délicatesse de son parfum annonce de belles choses.

L’Yquem 1944 a une bouteille magnifique, avec un niveau parfait. La couleur est d’un acajou presque noir en haut de bouteille et des reflets plus dorés en bas de bouteille du fait que la lumière traverse le verre du fond. Le bouchon est d’une qualité parfaite et le parfum est une explosion de fragrances séduisantes.

J’ajoute au programme convenu un Château l’Etoile Vin Jaune 1982 au parfum très fort d’un bel alcool car j’ai envie d’associer des blancs très différents.

Mes nouveaux amis qui avaient lu mes aventures attendaient que je propose, après la séance d’ouverture, d’aller au restaurant 116 pour boire une bière et sucer des édamamés. Ce que nous faisons, dans une ambiance de belle complicité. Cette étape au restaurant 116 fait partie du rite de mes repas au restaurant Pages.

Avant que mes convives n’arrivent, j’avais mis au point le menu avec le chef Ken et le pâtissier. L’idée du menu est de petits amuse-bouches, puis : filets de rouget crus / lieu jaune sauce umami / raviole de homard / veau avec une sauce au vin / wagyu et sa gaufre / saint-nectaire / dessert à la châtaigne.

J’ouvre le Champagne Dom Pérignon 1982 et un joli pschitt accompagne la sortie du bouchon. Le Champagne est magnifique, cohérent et c’est en fin de bouche qu’un joli fruit apparaît. J’adore le millésime 1982 et cette bouteille est d’une qualité particulière.

Pour le poisson cru, nous aurons le champagne et le Château l’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982 de la même année. Le vin jaune est fort et superbe. Je trouve que l’accord avec le poisson est plus excitant avec le vin jaune même si le champagne est beaucoup plus subtil.

Le poisson est accompagné de l’Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993. Sa fraîcheur à la longueur éternelle m’impressionne énormément. L’accord avec la sauce umami est divin. C’est un instant de pur bonheur.

La raviole de homard est à l’aise avec le champagne et le vin du Jura. La juxtaposition des trois vins, de Champagne, du Jura et du Rhône est idéale pour voyager dans toutes les gammes de goûts.

Le Chambertin Rossignol Trapet 1990 a une forte parenté avec le Chambertin Trapet 1990 que j’adore. Ils sont vraiment cousins. L’accord avec le veau discret est subtil. Ce chambertin exprime la sensibilité des vins de Bourgogne. Et nous allons connaître les mêmes sensations en faisant suivre ce vin par La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 que celles que nous avons eues avec les gagnants d’un championnat européen de dégustation à l’aveugle : le chambertin est si riche et si percutant qu’il domine, dans le cœur de mes amis, la subtilité du vin de la Romanée Conti.

J’aime beaucoup La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 au goût mêlant raffinement et puissance. Comme il y a une semaine je mets le vin de la Romanée Conti devant le chambertin et mes convives le mettent derrière.

Le wagyu, gras mais pas trop, est un compagnon idéal pour La Tâche.

Le Château d’Yquem 1944 est un vin d’une grâce infinie. Sa couleur annonce des goûts de marron, qui convergent vers le délicieux dessert aux châtaignes. C’est un régal raffiné.

La pertinence des accords a impressionné mes nouveaux amis mexicains.

Nous votons et c’est assez invraisemblable que nous ayons quatre gagnants mis en place de numéro un, alors que nous ne sommes que cinq. C’est le chambertin qui a deux votes de premier, ceux qui ont un vote de premier sont le Dom Pérignon, l’Hermitage blanc et l’Yquem. J’ai mis l’Hermitage en premier car la sensation de fraîcheur m’a impressionné fortement. Mes amis ont été étonné que nos votes puissent être aussi distincts.

Le vote global serait : 1 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 2 – Champagne Dom Pérignon 1982, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 6 – Château L’Etoile Vin Jaune JH Vandelle 1982.

Mon vote est : 1 – Hermitage Blanc Jean-Louis Chave 1993, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986, 3 – Chambertin Rossignol Trapet 1990, 4 – Château d’Yquem 1944, 5 – Champagne Dom Pérignon 1982.

Dans deux jours je vais revoir ces nouveaux amis à l’académie des vins anciens. Ce sera une toute autre expérience.

278th dinner in Château d’Yquem complete report of two days dimanche, 19 novembre 2023

(This translation of my notes concerning the 278th dinner corresponds to three articles in French)

The 278th dinner will be held tomorrow at the Château d’Yquem. I leave my home in the eastern suburbs of Paris at 7:30 a.m. to deliver the wines to the château so that they have time to rest there. To cover the first forty kilometers it takes me an hour and a half, as the traffic has exceeded the capacity of the car lanes. That we can imagine welcoming new populations to the Paris region is difficult to understand.

Trucks are extremely numerous on the highways and Eastern European countries must bless our 35-hour week law, because trucks from Poland, Hungary, Serbia, Lithuania and others represent almost all of those on the road, competed in the opposite direction by trucks from Italy, Spain and Portugal, because French trucks have almost disappeared, thanks to this wonderful law which made international transport impossible for French companies.

I am welcomed at the castle by the smile of Fatiha, who helped me during previous dinners at the castle and later by that of Laetitia, also present during these events. I salute Olivier Brulard, the chef de cuisine of the château, MOF 1996, with whom I had the 230th dinner in this place, five years ago now.

Olivier and I had already worked on the menu over the phone and we revised each dish together so that every detail will be perfect. Olivier understands well that each dish serves the wines, which means that each ingredient must be coherent in the construction of the dish. We understand each other half-heartedly and I like that. What impresses me is the care Olivier takes to find the best products. Whether quails or mushrooms, we are faced with the perfection of the product.

Chatting with Olivier is a real pleasure. Valérie Lailheugue, the historical secretary of Alexandre de Lur Saluces and now of Pierre Lurton comes to join me and we check all the details of the accommodation of those who will reside at the castle, the menus and all other details.

A tradition has been established since several dinners that I had at the château, which is that at lunch on the day of the dinner, I « invite » (in a way) to an informal meal those who make the wine and I share with them a very old Yquem from my cellar. At the last dinner I opened the 1893, a legendary vintage. Tomorrow, I will « receive » (so to speak) Lorenzo Pasquini, director of operations of the estate, Toni El Khawand, cellar master and Thomas Robert, head of cultivation. We therefore developed with Olivier Brulard the menu which will allow us to check some of the dinner dishes while adapting to the wines.

For this lunch I brought a Château Haut-Brion 1981 and a Yquem which I consider to be from a year close to 1880, because no year is readable on the label, the cork or the capsule. It turns out that I had put a photo of the label on Instagram which is a merchant label and not that of the domain. An astute reader found on my blog that I had opened a bottle with the same label in 2009. This bottle had a vintage: 1906. So we will probably drink a Yquem 1906 but I still believe that we are rather around from 1880.

It seems appropriate to open this Yquem now, because if I arrive at the château tomorrow around 11 a.m., the wine will not have enough time to develop. So I open it, with the intention of recorking the bottle. A new air will slowly blossom the wine. The scent of Yquem is extremely promising. The very black cap gives no legible indication.

The preparations having been made and the entire kitchen and castle team having been informed of the program, I go to Langon to the Maison Darroze hotel where I will sleep and where I will shortly have a dinner with three Americans who will participate in the dinner tomorrow at the Château d’Yquem.

I have known the Darroze house for decades, which enjoyed a fame that could be compared to that of the Auberge du Père Bize where political or entertainment celebrities flocked.

At 7:30 p.m., all four of us are at the table. Two American friends are my most loyal dinner guests and Bill, an incredible globetrotter, joined our group. He brought Un Château Guadet Saint-Emilion 2015, from an estate where he did the harvest.

For the aperitif, I choose a Champagne Philipponnat Clos des Goisses Extra Brut 2008 made from 55% chardonnay and 45% pinot noir. This champagne has a great personality. He is noble and lively, paving his way with conviction. It will gain with age in roundness and consistency, but it is already pleasant with its sharpness and its determination.

We choose a very generous four-course menu. Having the wine list in hand I see that the list includes very old bottles at attractive prices. A wine catches my eye. It’s a Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947. The head waiter to whom I showed this wine immediately jumped: « oh don’t take that, it’s very probably dead ». Audouze is stubborn. I ask him to go get it. He comes back with a 1947 wine which is not the right one and which I don’t like. He goes back to the cellar and brings the wine I wanted. The level has fallen but not abnormally.

I reassure the head waiter that I won’t make a fuss if the wine isn’t good. He seems reassured. I take out my tools and carefully I manage to extract the cork. Bill is surprised that I play the surgeon who « operates » on the bottle. The nose is quite dusty but not off-putting. There will not be enough time for slow oxygenation to do its job. Too bad.

The very pleasant foie gras goes well with champagne. The chef opens the Château Guadet Saint-Emilion 2015 and the nose gives me this thought: all wines of this age have the same scent. Indeed, it is rich, powerful, and all well-made wines have the same message at this age.

On the palate, the wine would probably not have much to say but fortunately the fish dish, the best dish of our meal, made the Saint-Emilion shine. The agreement is superb.

The main course based on poultry is far from having the level of the fish main course. The Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947 with its discreet and subtle scent is tired. But if we ignore his fatigue, he tells infinitely more things than the young Bordeaux. You just have to listen to its subtleties which are just waiting to blossom.

The delicious soufflé is pantagruelian.

We are far from the luster of the Darroze house during its splendor, but we had a very pleasant time with a superb fish dish and a tired relic from 1947.

  • * *

After a restful night, I arrive at the Château d’Yquem at 11 a.m. Olivier Brulard has planned the lunch menu: lightly smoked roast Breton lobster on our vine shoots, golden apple and truffle juice / beautiful Méracq poultry, castle citrus fruits and oak lentins / Roquefort Le 12 AOP and Régalis César du Mont Royal / mango and tangy delicacies with passion fruit juice.

I want to open the Yquem 1874 which is planned for this evening with the following idea: This wine was reconditioned at the château in 1989. However, there have been some fake Yquems on the market presented as being reconditioned at the château but in fact made by counterfeiters. I would like my guests this lunchtime to give me their olfactory opinion on this 1874. And, smelling the two wines, I would like to reserve the best of the two for dinner. We would drink the one that seemed less brilliant to us.

Lorenzo Pasquini, operating director of the estate, Toni El Khawand, cellar master and Thomas Robert, head of cultivation, join me in the beautiful and large dining room that we will have this evening. Usually we took the smallest dining room but these three people who are so important to the life of the estate will use it for an olfactory practice session with an olfactory analysis teacher.

They accept the exercise that I propose to them. For my nose, I find that the minty impression of the 1874 is a little strong while the supposed 1906 with the original cork opened yesterday is very comfortable and consistent with what we expect. The three are unanimous in declaring that the 1874 conforms to what it should be because we often find this beautiful minty trace in wines from this period.

It seems obvious that the 1874 remains assigned to dinner. We will therefore drink the probable 1906.

I go with Lorenzo to the cellar to choose a wine. It will be Yquem 2001, this vintage that I love. I wanted the lobster to host the red wine and the Yquem poultry, but Lorenzo prefers the opposite order. ‘No worries’ as we say more and more often in urban exchanges and not only in the south of France.

The Château d’Yquem 2001 is a very great Yquem but it has become more seated, comfortable, while I loved its wild side which almost made me faint when I drank it for the first time during its launch. The lobster is of exceptional quality.

Château Haut Brion 1981 is from a vintage that has been underestimated for far too long. This balanced wine is of certain solidity. He is frank and very pleasant and deserves much more than the image given to him. For decades I have considered 1981 a great year.

The Château d’Yquem 1906 is captivating. Let’s imagine a flying saucer that sends waves in all directions. This Yquem is like that. It is round and sends complexities in all directions. It is magical and I fall under its spell, because despite a slightly dark color and a discreet fragrance, it is a festival of emotion. And I realize that it could enter the circle of the most beautiful Yquems that I have drunk. It’s not as big as the magical 1861, but it’s not far off.

I will have advanced the science of Olivier Brulard who defended Roquefort as a partner of Yquem. I told him that Roquefort is not suitable and that Stilton is the ideal companion. The stilton won by technical knockout in the first round. There was no match.

Yquem was brilliant at all times and although 1906 is the natural lead since I drank one from a bottle with the same label, I think this wine is more in keeping with the period around 1880.

Lorenzo, Toni and Thomas go to their olfaction session while I will now open the dinner wines in the beautiful dining room where we just had our lunch. I am in an extremely serene and happy mood and I put a lot of attention into my actions when removing the corks.

Y d’Yquem 1960 has the scent of a great wine with strong botrytis. As this is Y’s second vintage, the sorting of the grapes had accepted a lot of botrytized grapes. This scent is engaging. The Jurançon 1993 has a nose of lychee which is of significant intensity.

The Hermitage blanc 1928 from an unknown domain has a discreet nose which will blossom and promise. The Cheval Blanc 1934 has an extraordinary nose and is so full that I decided to put a glass stopper to keep this perfect perfume. The Ausone 1985 has a rich scent but less bright than that of the 1934.

The noses of the two Nuits Saint Georges are large. That of Henri Jayer is extremely subtle.

I had announced a Chambertin Coron Père & Fils 1929 because I have several, but I had read too quickly. On the torn label, the word Chambertin is on the right, which implies that it is preceded by Gevrey or Charmes. As for the name of the merchant, the top of the capsule indicates René Téze in Ambrières. The perfume seems to me to be one of the most beautiful that I have opened, except Cheval Blanc.

The power of the nose of Château Chalon 1945 is unrivaled. The 1934 Yquem recorked at the château and remaining at the château, which is the contribution of Pierre Lurton, seems to me to be incredibly young and has a lively scent.

I now open the champagnes. The Dom Ruinart 1990 gives me a nice spritz even if it is not thunderous. The two older champagnes are dirty under the cap and their corks break when twisted. The nose of the Veuve Clicquot 1947 is very discreet and that of the Dom Pérignon 1962 has a beautiful personality.

Throughout the opening, I was focused, looking for the right gesture and I was amazed to see that all the wines were almost perfect. Heaven was with me.

The guests who have rooms are arriving little by little. Quickly, I’m going to try to rest before welcoming the guests for a tour of the castle and a tasting before dinner.

  • * *

The 278th dinner is held at the Château d’Yquem. I brought the wines yesterday, I opened them this afternoon. Participants who have a room at the castle arrived at 5 p.m. The appointment for the visit to the castle is scheduled for 6:30 p.m. but we are informed that Pierre Lurton, president of Yquem and Cheval Blanc will be late.

So it is Léo who guides visitors to the castle, who takes us to the cellars and praises the quality of the management of the vines, the organization of the harvest so that the botrytis has its best effect.

Pierre Lurton joins us for the tasting in the beautiful tasting room. We begin to taste the Y d’Yquem 2021 which despite its age has a magnificent presence and freshness which make it a remarkable wine at this age of its life.

We were supposed to taste the Yquem 2017 then the 2009 but it is reasonable to only taste the Château d’Yquem 2009 because we have a long dinner program. We had already tasted the 2009 during the last dinner in Yquem. He has retained this astonishing freshness and an obvious joie de vivre. It’s a great Yquem with a bright future.

We return to the large living room for an aperitif. In the program sent to registrants there were two champagnes but I felt that it was necessary to add a champagne that was easier to understand, to prepare our palates for future wines. So we start with a Champagne Dom Ruinart 1990 which I love because 1990 was a year of total success for Dom Ruinart.

The appetizers are: Imperial Beluga Caviar (1st exceptional Beluga Caviar, 100% French and matured in New Aquitaine) / king crab, morning yuzu and garden flowers / parmesan shortbread, Culatello di Zibello.

Champagne combines the freshness of youth with the serenity of success. It’s pure happiness. The appetizers are, like the cuisine of chef Olivier Brulard, based on quality products. The Dom Ruinart 1990 is a very great champagne that I cherish.

There are twelve of us, including Pierre Lurton, president of Yquem, two Americans who are my most loyal dinner guests, a couple of French friends, a globe-trotting American, an American of Spanish origin, a Spaniard, a Bordeaux native, a French man with origins in Eastern Europe and the only new one of my dinners who lives in Portugal. The dinner will be held in English but Pierre Lurton, very fit and full of humor, will tell us some stories and puns that are difficult to translate.

We sit down at the table. The menu is distributed to everyone. It is written as follows: the best of Landes foie gras, three gourmet recipes to taste / Scallops cooked naturally in a shell with Alba white truffle, « Served like a Garden » / silky turbot « Belle Meunière », porcini mushrooms with Bordeaux corks picked with dew / special « well-bred » quail from Pierre Duplantier, return from the vines / Girondin game venison, spicy autumn casserole, pepper sauce / 18 Month vintage Comté / stilton, Ford farmhouse cheddar and English Shropshire selected by Dominique Bouchait MOF cheese maker / Ente plums from the new harvest enhanced with château wine, candied orange zest and « Candi » hazelnuts.

It is a menu based on the highest quality products and we have worked with the chef to ensure that every ingredient is completely consistent with the wines which must be highlighted by the dishes.

Sébastien served the wines, which is not easy as there are so many requirements.

Champagne Veuve Clicquot 1947 and Champagne Dom Pérignon 1962 are served with the first course of foie gras. They are very different. Dom Pérignon is more welcoming and comfortable while Veuve Clicquot is much more tense and complex. It’s hard to compare them but both are superb. The votes will go towards 1947.

On the next course I have planned three wines, one of which I added to the planned program, the Jurançon and I must say that on the delicious shells I am very proud to have planned these three wines. Because the 1960 Y d’Yquem is absolutely glorious. This is the second vintage of Y, the first being 1959 and this one is imperial, with a marked botrytis which gives it a nice width.

The Jurançon Domaine de Souch dry 1993 which follows it has a nose of lychee and a strong energy of straight and dry but great intensity. Highly fruity with green vegetables, it traces its path and it is then that the Hermitage Blanc 1928 appears, with a subtle and delicate nose, a racy and accomplished taste, calm and serene, which calms the passion of Jurançon. You can switch from one to the other because the shell accepts all three wines, and this variety of tastes is magical. I think I had a great intuition to create this merry-go-round of tastes where the Y is royal, the Jurançon scoundrel and mad dog, and the Hermitage has the wisdom of the ancient and a remarkable serenity. For me, it’s a big emotional moment of the meal.

There are occasions in my life as a wine lover when I encounter perfect wines. Château Cheval Blanc 1934 is one of them, because it reaches a level of perfection that we feel. It is balanced, rich, obvious like a riddle that has been solved.

Next to it, the Château Ausone 1985 is a beautiful ‘jeune premier’, rich and expressive, but it is clear that the Cheval Blanc steals the show. Turbot shows us that it is a fish made for red wines and porcini mushrooms are real sweets because they are so good.

Olivier Brulard showed me the splendid quails yesterday. They have a magical flesh that will allow two wines to coexist. The Nuits-Saint-Georges aux Murgers Méo Camuzet 2000 is young and solid, readable and frank. He is rich. The Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981 is all delicacy and subtlety. One would have thought that the 1981 would have been much more popular due to the fact that the winemaker is Henri Jayer who is crowned with glory, but to my great surprise, the Méo Camuzet will be in the votes of six guests, and the Henri Jayer also of six guests. They therefore deserved to be associated with quail, ideal for those two beautiful, expressive and frank Burgundies.

The Gevrey-Chambertin René Téze à Ambrières 1929 is served with venison. I have a particular love for the 1929 vintage which I consider to be the greatest of the 20th century. This wine has a balance that makes it almost eternal. It would have been my favorite if it weren’t for the devilish Yquem wines. The venison is truly made for such an accomplished wine and it is sweetness upon sweetness and excellence upon excellence.

For Château Chalon Jean Bourdy 1945 I did not try to complicate things and the delicious Comtés are the best companions for this wine of rare power and very strong alcohol. This 1945 is a great success. He won’t attract many votes because he is exactly what is expected of him. There is no element of surprise.

The two Yquems will accompany two dishes, a cheese dish and a dessert made with subtle plums. The Château d’Yquem 1934 is Pierre Lurton’s contribution to our dinner, the vintage of which is that of the birth of Alexandre de Lur Saluces who has just left us this year. We have a strong thought for this great man who was a great character in Sauternes but also in the world of wine. This Yquem kept at the château and reconditioned at the château is very clear with a golden tone and is characterized by incredible youth. He is as lively as a wild horse and his imprint is overjoyed.

The Château d’Yquem 1874 that I opened before lunch had been reconditioned in 1989. The three people involved in the production of Yquem wines confirmed the sincerity of this wine. It is dark and on the palate it is absolutely rich and expressively noble. It’s fireworks in the mouth. He is so attractive that we are dazzled. It is 149 years old and its vigor is that of a young wine. What happiness.

I feel that the guests are captivated by the fact that the fourteen wines were all at the peak of what they can be and I admit that I am also struck by the perfection of these wines. I’m sure my opening method works wonders since I say it all the time, but at this point it’s almost unreal. It seems to me that the atmosphere and my joy of being in Yquem will have played a role in the behavior of all the wines.

It’s time to vote for our six favorite wines. Usually I ask for a vote of five wines but as there are fourteen a vote of six wines seems possible. Some people said that these votes are of little use, but when they saw the result they understood that these votes are very enlightening.

Seven guests put the Yquem 1974 first, four put the Cheval Blanc 1934 first and the Bordeaux resident put the Henri Jayer first, which proves a great open-mindedness. Thirteen wines had at least one vote which is remarkable. The one who didn’t have any is the Dom Ruinart and this is understandable for two reasons, we drank it in another room and we drank it first. It is logically easy to forget.

The consensus vote is: 1 – Château d’Yquem 1874, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Y d’Yquem 1962, 4 – Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981, 5 – Château d’Yquem 1934, 6 – Hermitage Blanc 1928 and 6 tied: Gevrey-Chambertin René Tèze & Fils 1929.

My vote is: 1 – Château d’Yquem 1874, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Gevrey-Chambertin René Téze in Ambrières 1929, 4 – Y d’Yquem 1962, 5 – Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981 , 6 – Hermitage Blanc 1928.

The combinations food and wine were perfectly relevant. It is difficult to choose the best pairings. I think the most beautiful is the turbot with the two Bordeaux, and the scallops with the three white wines which formed a magical trio.

Olivier Brulard was very happy to design dishes for the wines and adapt them in collaboration with me. I was very happy with this collusion with him. And his art of choosing the right products impressed me.

The Yquem team is experienced in providing great service. The whole team was happy and motivated.

But before putting an end to this story, there is one thing that pleases me the most. I have always preferred Yquems with original corks to Yquems which have changed corks during their life. The Yquem 1861 with the original cork, which seems unreal as a wine whichkeeps the same cork for one and a half century seems impossible. This 1861 coming from my cellar, is the greatest Yquem that I drank in 2006 at Château d’Yquem, because of its original cork, because there has an unrivaled authenticity.

At lunchtime, when we could smell the Yquem 1906 with the original cork and the 1874 reconditioned in 1989, it appeared to us that the 1874 had to remain on the dinner program and we drank the 1906 (which at my meaning is rather to date from around 1880) at lunch.

Well, while the 1874 won hands down at the dinner, for my taste, the 1906 (or 1880) is far superior to the 1874 because of the special taste of uncorked Yquem, and I would rank this Yquem in the Yquem firmament which I drank, in 2nd place after the 1861 or at least in the first five, because of its original cork and an unrivaled subtle complexity.

I have drunk incredible vintages of Yquem, and I only want to discover more.

This 278th meal with passionate and charming guests, with a very motivated chef and unrealistically perfect wines is one of the greatest dinners I have organized.

278ème dîner à Yquem visite, dégustation et dîner dimanche, 19 novembre 2023

(les articles étant publiés du plus récent aux plus anciens, il est recommandé de lire les deux articles ci-dessous, dans un ordre montant, pour avoir la chronologie des faits)

Le 278ème dîner se tient au château d’Yquem. J’avais apporté les vins hier, je les ai ouverts cet après-midi. Les participants qui ont une chambre au château sont arrivés à 17 heures. Le rendez-vous pour la visite du château est prévue à 18h30 mais on nous apprend que Pierre Lurton, président d’Yquem et de Cheval Blanc aura du retard.

Aussi est-ce Léo qui guide les visiteurs du château, qui nous emmène vers les caves et vante la qualité de la gestion des vignes, de l’organisation des vendanges pour que le botrytis ait son meilleur effet.

Pierre Lurton nous rejoint pour la dégustation dans la belle salle de dégustation. Nous commençons à goûter le Y d’Yquem 2021 qui malgré son âge a une magnifique présence et une fraîcheur qui en font un vin remarquable à cet âge de sa vie.

Nous devions goûter l’Yquem 2017 puis le 2009 mais il est raisonnable de ne goûter que le Château d’Yquem 2009 car nous avons un long programme au dîner. Nous avions déjà goûté le 2009 lors du dernier dîner à Yquem. Il a gardé cette étonnante fraîcheur et une joie de vivre évidente. C’est un grand Yquem promis à un avenir brillant.

Nous retournons au grand salon pour l’apéritif. Dans le programme envoyé aux inscrits il y avait deux champagnes mais j’ai estimé qu’il fallait ajouter un champagne plus facile à appréhender, pour préparer nos palais aux vins futurs. Nous commençons donc par un Champagne Dom Ruinart 1990 que j’adore parce que 1990 est une année de totale réussite pour Dom Ruinart.

Les amuse-bouches sont : Caviar Beluga Impérial (1er Caviar Beluga d’exception 100% français et affiné en Nouvelle Aquitaine) / crabe royal, yuzu du matin et fleurs de Jardin / sablé parmesan, Culatello di Zibello.

Le champagne combine la fraîcheur de la jeunesse avec la sérénité de la réussite. C’est un pur bonheur. Les amuse-bouches sont comme la cuisine du chef Olivier Brulard fondés sur des produits de qualité. Le Dom Ruinart 1990 est un très grand champagne que je chéris.

Nous sommes douze, dont Pierre Lurton président d’Yquem, deux américaines qui sont les plus fidèles de mes dîners, un couple d’amis français, un américain globe-trotter, un américain d’origine espagnole, un espagnol, un bordelais, un français d’origine d’Europe de l’Est et le seul nouveau de mes dîners qui vit au Portugal. Le dîner se tiendra en anglais mais Pierre Lurton très en forme et plein d’humour nous racontera quelques histoires et jeux de mots difficiles à traduire.

Nous passons à table. Le menu est distribué à chacun. Il est ainsi rédigé : le meilleur du foie gras landais, trois recettes gourmandes à déguster / Saint Jacques cuisinée au naturel en coquille à la truffe blanche d’Alba, « Servie comme un Jardin » / turbot soyeux « Belle Meunière », cèpes bouchons bordelais cueillis à la rosée / la caille spéciale « bien élevée » de Pierre Duplantier, retour des vignes / chevreuil de chasse girondin, cocotte épicée d’automne, sauce poivrade / Comté millésimé 18 Mois / stilton, cheddar fermier Ford et Shropshire anglais sélectionnés par Dominique Bouchait MOF fromager / prunes d’Ente de la nouvelle récolte sublimées au vin du château, zestes d’oranges confites et noisettes « Candi ».

C’est un menu fondé sur des produits de la plus haute qualité et nous avons travaillé avec le chef pour que tout ingrédient soit complètement cohérent avec les vins qui doivent être mis en valeur par les mets.

Sébastien a fait le service des vins ce qui n’est pas facile tant il y a d’exigences.

Le Champagne Veuve Clicquot 1947 et le Champagne Dom Pérignon 1962 sont servis avec le premier plat de foie gras. Ils sont très différents. Le Dom Pérignon est plus accueillant et confortable alors que le Veuve Clicquot est beaucoup plus tendu et complexe. Il est difficile de les comparer mais tous les deux sont superbes. Les votes iront du côté du 1947.

Sur le plat suivant j’ai prévu trois vins dont un que j’ai rajouté au programme prévu, le Jurançon et je dois dire que sur les délicieuses coquilles je suis très fier d’avoir prévu ces trois vins. Car le Y d’Yquem 1960 est absolument glorieux. C’est le second millésime d’Y, le premier étant 1959 et celui-ci est impérial, avec un botrytis marqué qui lui donne une belle largeur.

Le Jurançon Domaine de Souch sec 1993 qui le suit a un nez de litchi et une forte énergie de vin droit et sec mais fonceur. Hautement fruité de légumes verts, il trace sa route et c’est alors que l’Hermitage Blanc 1928 apparaît, au nez subtil et délicat, au goût racé et accompli, calme et serein, qui calme la fougue du Jurançon. On peut passer de l’un à l’autre car la coquille accepte les trois vins, et cette variété de goûts est magique. Je pense avoir eu une belle intuition pour créer ce manège de goûts où le Y est royal, le Jurançon canaille et chien fou, et l’Hermitage a la sagesse de l’ancien et une sérénité remarquable. Pour moi, c’est une grande étape du repas.

Il est des moments dans ma vie d’amateur de vins où je rencontre des vins parfaits. Le Château Cheval Blanc 1934 est de ceux-là, car il s’installe à un niveau de perfection que l’on ressent. Il est équilibré, riche, évident comme une énigme que l’on a résolue.

A côté de lui, le Château Ausone 1985 est un beau jeune premier, riche et expressif, mais il est clair que le Cheval Blanc lui vole la vedette. Le turbot nous démontre qu’il est un poisson fait pour les vins rouges et les cèpes sont de vrais bonbons tant ils sont bons.

Olivier Brulard m’avait montré hier les cailles splendides. Elles ont une chair magique qui va permettre à deux vins de cohabiter. Le Nuits-Saint-Georges aux Murgers Méo Camuzet 2000 est jeune et solide, lisible et franc. Il est riche. Le Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981 est tout en délicatesse et en subtilité. On aurait pu penser que le 1981 aurait été nettement plus aimé du fait que le vigneron est Henri Jayer qui est auréolé de gloire, mais à ma grande surprise, le Méo Camuzet sera dans les votes de six convives, et le Henri Jayer aussi de six convives. Ils méritaient donc d’être associés à la caille, idéale pour ceux deux beaux bourgognes expressifs et francs.

Le Gevrey-Chambertin René Téze à Ambrières 1929 est servi avec le chevreuil. J’ai un amour particulier pour le millésime 1929 que je considère comme le plus grand du 20ème siècle. Ce vin a un équilibre qui le rend quasi éternel. Il aurait été mon chouchou s’il n’y avait pas les diaboliques vins d’Yquem. Le chevreuil est vraiment fait pour un vin aussi accompli et c’est douceur sur douceur et excellence sur excellence.

Pour le Château Chalon Jean Bourdy 1945 je n’ai pas cherché à complique les choses et les délicieux comtés sont les meilleurs compagnons de ce vin d’une puissance rare et d’un alcool très fort. Ce 1945 est d’une grande réussite. Il n’attirera pas beaucoup de votes car il est exactement ce qu’on attend de lui. Il n’y a pas l’effet de surprise.

Les deux Yquem vont accompagner deux plats, un plat de fromage et un dessert à base de prunes subtiles. Le Château d’Yquem 1934 est l’apport de Pierre Lurton à notre dîner, dont le millésime est celui de la naissance d’Alexandre de Lur Saluces qui vient de nous quitter cette année. Nous avons une pensée forte pour ce grand homme qui a été un grand personnage du Sauternes mais aussi dans le monde du vin. Cet Yquem gardé au château et reconditionné au château est d’une grande clarté d’un ton doré et se caractérise par une jeunesse incroyable. Il est vif comme un cheval sauvage et son empreinte est folle de joie.

Le Château d’Yquem 1874 que j’avais ouvert avant le déjeuner avait été reconditionné en 1989. Les trois acteurs de la fabrication des vins d’Yquem ont confirmé la sincérité de ce vin. Il est foncé et en bouche il est d’une richesse absolue et d’une noblesse expressive. C’est un feu d’artifice en bouche. Il est tellement séduisant que nous sommes éblouis. Il a 149 ans et sa vigueur est celle d’un vin jeune. Quel bonheur.

Je sens que les convives sont subjugués par le fait que les quatorze vins ont tous été au sommet de ce qu’ils peuvent être et j’avoue que je suis aussi frappé par la perfection de ces vins. Je suis sûr que ma méthode d’ouverture fait des miracles puisque je le dis tout le temps, mais à ce point, c’est presque irréel. Il me semble que l’atmosphère et ma joie d’être à Yquem auront joué dans le comportement de tous les vins.

Il est temps de voter pour les six vins que nous avons préféré. D’habitude je demande un vote de cinq vins mais comme il y en a quatorze un vote de six vins paraît possible. Certains ont dit que ces votes ne servent pas à grand-chose, mais quand ils ont vu le résultat ils ont compris que ces votes sont très éclairants.

Sept convives ont mis en premier l’Yquem 1974, quatre ont mis le Cheval Blanc 1934 en premier et le bordelais a mis le Henri Jayer en premier ce qui prouve une belle ouverture d’esprit. Treize vins ont eu moins un vote ce qui est remarquable. Celui qui n’en a pas eu est le Dom Ruinart et ceci se comprend pour deux raisons, on l’a bu dans une autre salle et on l’a bu en premier. Il est logiquement facile à oublier.

Le vote du consensus est : 1 – Château d’Yquem 1874, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Y d’Yquem 1962, 4 – Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981, 5 – Château d’Yquem 1934, 6 – Hermitage Blanc 1928 et 6 ex aequo : Gevrey-Chambertin René Tèze & Fils 1929.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1874, 2 – Château Cheval Blanc 1934, 3 – Gevrey-Chambertin René Téze à Ambrières 1929, 4 – Y d’Yquem 1962, 5 – Nuits-Saint-Georges aux Murgers Henri Jayer 1981, 6 – Hermitage Blanc 1928.

Les accords ont été d’une pertinence parfaite. Il est difficile de choisir les meilleurs accords. Je pense que le plus beau est le turbot avec les deux bordeaux, et les Saint-Jacques avec les trois vins blancs qui formaient un trio magique.

Olivier Brulard était très heureux de concevoir des plats pour les vins et de les adapter en complicité avec moi. J’ai été très heureux de cette connivence avec lui. Et son art de choisir les bons produits m’a impressionné.

L’équipe d’Yquem est rodée pour assurer un grand service. Toute l’équipe était joyeuse et motivée.

Mais avant de mettre un point final à ce récit, il y a une chose qui me plait au plus haut point. Depuis toujours je préfère les Yquem aux bouchons d’origine aux Yquem qui ont changé de bouchon au cours de leur vie. L’Yquem 1861 au bouchon d’origine, ce qui paraît irréel, provenant de ma cave, est le plus grand Yquem que j’ai bu en 2006 au château d’Yquem, à cause de son bouchon d’origine, car il y a une authenticité inégalable.

A l’heure du déjeuner, quand nous avons pu sentir l’Yquem 1906 au bouchon d’origine et le 1874 reconditionné en 1989, il nous est apparu que le 1874 devait rester au programme du dîner et nous avons bu le 1906 (qui à mon sens est plutôt à dater autour de 1880) au déjeuner.

Eh bien, si le 1874 a gagné haut la main lors du dîner, pour mon goût, le 1906 (ou 1880) est de loin supérieur au 1874 à cause du goût spécial des Yquem non rebouchés, et je rangerais cet Yquem au firmament des Yquem que j’ai bus, au 2ème rang après le 1861 ou au moins dans les cinq premiers, à cause de son bouchon d’origine et d’une complexité subtile inégalable.

J’ai bu 102 millésimes d’Yquem, et je n’ai qu’une envie, c’est d’en découvrir d’autres.

Ce 278ème repas avec des convives passionnés et charmants, avec un chef très motivé et des vins irréellement parfaits est un des plus grands dîners que j’aie organisés.

278ème dîner à Yquem déjeuner avec le staff d’Yquem et ouverture des vins dimanche, 19 novembre 2023

(les articles étant publiés du plus récent aux plus anciens, il est recommandé de lire l’article ci-dessous avant celui-ci, pour avoir la chronologie des faits)

Après une nuit reposante, je me présente au château d’Yquem à 11 heures. Olivier Brulard a prévu le menu du déjeuner : homard breton rôti légèrement fumé sur nos sarments, pomme dorée et jus truffé / belle volaille de Méracq, agrumes du château et lentins de chênes / roquefort Le 12 AOP et Régalis César du Mont Royal / mangue et gourmandises acidulées au jus de passion.

J’ai envie d’ouvrir l’Yquem 1874 qui est prévu pour ce soir avec l’idée suivante : Ce vin a été reconditionné au château en 1989. Or il y a eu sur le marché quelques faux Yquem présentés comme étant reconditionnés au château mais en fait fabriqués par des faussaires. J’aimerais que mes convives de ce midi me donnent leur avis olfactif sur ce 1874. Et, sentant les deux vins, j’aimerais réserver le meilleur des deux au dîner. Nous boirions celui qui nous paraîtrait moins brillant.

Lorenzo Pasquini directeur d’exploitation du domaine, Toni El Khawand, maître de chai et Thomas Robert chef de culture me rejoignent dans la belle et grande salle à manger que nous aurons ce soir. D’habitude nous prenions la plus petite salle à manger mais ces trois personnes si importantes pour la vie du domaine vont l’utiliser pour une séance de pratique olfactive avec un professeur d’analyse olfactive.

Ils acceptent l’exercice que je leur propose. Pour mon nez, je trouve que l’impression mentholée du 1874 est un peu forte alors que le supposé 1906 au bouchon d’origine ouvert hier est très confortable et conforme à ce qu’on attend. Les trois sont unanimes pour déclarer que le 1874 est conforme à ce qu’il doit être car on trouve souvent sur les vins de cette époque cette belle trace mentholée.

Il paraît évident que le 1874 reste affecté au dîner. Nous boirons donc le probable 1906.

Je vais avec Lorenzo en cave pour choisir un vin. Ce sera Yquem 2001, ce millésime que j’adore. Je voulais que le homard accueille le vin rouge et la volaille l’Yquem, mais Lorenzo préfère l’ordre inverse. ‘Pas de souci’ comme on dit de plus en plus souvent dans les échanges urbains et pas seulement dans le sud de la France.

Le Château d’Yquem 2001 est un très grand Yquem mais il est devenu plus assis, confortable, alors que j’adorais son côté sauvage qui m’avait presque fait m’évanouir lorsque je l’avais bu pour la première fois lors de son lancement. Le homard est d’une qualité exceptionnelle.

Le Château Haut Brion 1981 est d’un millésime qui a été beaucoup trop longtemps sous-estimé. Ce vin équilibré est d’une solidité certaine. Il est franc et fort plaisant et mérite beaucoup plus que l’image qu’on lui donne. Cela fait des décennies que je considère 1981 comme une grande année.

Le Château d’Yquem 1906 est envoûtant. Imaginons une soucoupe volante qui envoie des ondes dans toutes les directions. Cet Yquem est comme cela. Il est rond et envoie des complexités dans toutes les directions. Il est magique et je tombe sous son charme, car malgré une couleur un peu sombre et un parfum discret, il est un festival d’émotion. Et je me rends compte qu’il pourrait entrer dans le cercle des plus beaux Yquem que j’ai bus. Il n’est pas aussi grand que le magique 1861, mais il n’en est pas loin.

J’aurai fait avancer la science d’Olivier Brulard qui défendait le roquefort comme partenaire d’Yquem. Je lui avais dit que le roquefort ne va pas et que le stilton est le compagnon idéal. Le stilton a gagné par K.O. technique au premier round. Il n’y a pas eu de match.

L’Yquem s’est montré brillant à tout moment et même si 1906 est la piste naturelle puisque j’en avais bu un dans une bouteille à la même étiquette, je pense que ce vin est plus conforme à la période autour de 1880.

Lorenzo, Toni et Thomas vont à leur séance d’olfaction tandis que je vais maintenant ouvrir les vins du dîner dans la belle salle à manger où nous venons d’avoir notre déjeuner. Je suis d’humeur extrêmement sereine et heureuse et je mets beaucoup d’attention dans mes gestes pour lever les bouchons.

L’Y d’Yquem 1960 a un parfum de grand vin au botrytis fort. Comme c’est le deuxième millésime d’Y, le tri des raisins avait laissé passer beaucoup de grains botrytisés. Ce parfum est engageant. Le Jurançon 1993 a un nez de litchi qui est d’une intensité prégnante.

L’Hermitage blanc 1928 au domaine inconnu a un nez discret qui va s’épanouir et promet. Le Cheval Blanc 1934 a un nez extraordinaire et tellement épanoui que je décide de mettre un bouchon en verre pour garder ce parfum parfait. L’Ausone 1985 a un parfum riche mais moins brillant que celui du 1934.

Les nez des deux Nuits Saint Georges sont grands. Celui du Henri Jayer est d’une subtilité are.

J’avais annoncé une Chambertin Coron Père & Fils 1929 car j’en ai plusieurs, mais j’avais lu trop vite. Sur l’étiquette déchirée, le mot Chambertin est à droite, ce qui suppose qu’il est précédé par Gevrey ou Charmes. Quant au nom du négociant, le haut de la capsule indique René Téze à Ambrières. Le parfum me semble être un des plus beaux de ce que j’ai ouvert, sauf le Cheval Blanc.

La puissance du nez du Château Chalon 1945 est inégalable. L’Yquem 1934 rebouché au château et resté au château, qui est la contribution de Pierre Lurton, me paraît d’une incroyable jeunesse et a un parfum vif.

J’ouvre maintenant les champagnes. Le Dom Ruinart 1990 me gratifie d’un beau pschitt même s’il n’est pas tonitruant. Les deux champagnes plus anciens, sont sales sous la coiffe et leurs bouchons se brisent à la torsion. Le nez du Veuve Clicquot 1947 est très discret et celui du Dom Pérignon 1962 de belle personnalité.

Tout au long de l’ouverture, j’ai été concentré, cherchant le geste juste et je me suis émerveillé de voir que tous les vins sont quasiment parfaits. Le ciel était avec moi.

Les invités qui ont des chambres arrivent peu à peu. Vite, je vais essayer de me reposer avant de recevoir les convives pour une visite du château et une dégustation avant le dîner.

quelques photos des beaux salons

278ème dîner – arrivée à Yquem et dîner à Langon dimanche, 19 novembre 2023

Le 278ème dîner va se tenir demain au château d’Yquem. Je pars de chez moi en banlieue Est à 7h30 du matin pour livrer les vins au château afin qu’ils aient le temps de se reposer sur place. Pour faire les premiers quarante kilomètres il me faut une heure et demie, tant la circulation a dépassé les capacités des voies pour automobiles. Que l’on puisse imaginer accueillir des populations nouvelles en région parisienne tient de l’aveuglement.

Les camions sont extrêmement nombreux sur les autoroutes et les pays d’Europe de l’est doivent bénir notre loi sur les 35 heures, car les camions de Pologne, Hongrie, Serbie, Lituanie et autres représentent la quasi-totalité de ceux qui circulent, concurrencés en sens inverse par les camions d’Italie, Espagne et Portugal, car les camions français ont quasiment disparu, grâce à cette merveilleuse loi qui a rendu impossible le transport international aux sociétés françaises.

Je suis accueilli au château par le sourire de Fatiha, qui m’a aidé lors de précédents dîners au château et plus tard par celui de Laetitia aussi présente lors de ces événements. Je salue Olivier Brulard, le chef de cuisine du château, MOF 1996, avec qui j’avais réalisé le 230ème dîner en ce lieu, il y a maintenant cinq ans.

Nous avions déjà avec Olivier travaillé sur le menu au téléphone et nous révisons ensemble chaque plat pour que chaque détail soit parfait. Olivier comprend bien que chaque plat est au service des vins, ce qui implique que chaque ingrédient doive être cohérent dans la construction du plat. Nous nous comprenons à demi-mot et cela me plait. Ce qui m’impressionne, c’est le soin que met Olivier à trouver les meilleurs produits. Que ce soient les cailles ou les champignons, on est face à la perfection du produit.

Discuter avec Olivier est un vrai plaisir. Valérie Lailheugue, la secrétaire historique d’Alexandre de Lur Saluces et maintenant de Pierre Lurton vient me rejoindre et nous vérifions tous les détails de l’hébergement ce ceux qui résideront au château, les menus et tous autres détails.

Une tradition s’est mise en place depuis plusieurs dîners que j’ai faits au château, c’est qu’au déjeuner du jour du dîner, « j’invite » (en quelque sorte) à un repas informel ceux qui font le vin et je partage avec eux un très vieux Yquem de ma cave. Au dernier dîner j’avais ouvert le 1893, d’un millésime mythique. Demain, je « recevrai » (si on peut dire) Lorenzo Pasquini directeur d’exploitation du domaine, Toni El Khawand, maître de chai et Thomas Robert chef de culture. Nous avons donc mis au point avec Olivier Brulard le menu qui permettra de vérifier certains des plats du dîner tout en s’adaptant aux vins.

J’ai apporté pour ce déjeuner un Château Haut-Brion 1981 et un Yquem que je considère d’une année proche de 1880, car aucune année n’est lisible sur l’étiquette, le bouchon ou la capsule. Il se trouve que j’avais mis sur Instagram une photo de l’étiquette qui est une étiquette de marchand et non celle du domaine. Un lecteur avisé a trouvé sur mon blog que j’avais ouvert une bouteille dotée de la même étiquette en 2009. Cette bouteille avait un millésime : 1906. Nous boirons donc sans doute un Yquem 1906 mais je persiste à croire qu’on est plutôt autour de 1880.

Il me semble pertinent d’ouvrir cet Yquem maintenant, car si j’arrive au château demain vers 11 heures, le vin n’aura pas assez de temps pour s’épanouir. Je l’ouvre donc, avec l’intention de reboucher la bouteille. Un air nouveau épanouira le vin lentement. Le parfum de l’Yquem est extrêmement prometteur. Le bouchon très noir ne donne aucune indication lisible.

Les préparatifs étant faits et toute l’équipe de cuisine et du château étant informée du programme, je me rends à Langon à l’hôtel Maison Darroze où je coucherai et où j’aurai dans peu de temps un dîner avec trois américains qui participeront au dîner demain au château d’Yquem.

Je connais la maison Darroze depuis des décennies, qui a connu une célébrité que l’on pourrait comparer à celle de l’Auberge du Père Bize où se pressaient les célébrités politiques ou du spectacle.

A 19h30, nous sommes tous les quatre à table. Deux amies américaines sont les plus fidèles de mes dîners et Bill, un incroyable globe-trotter s’est joint à notre groupe. Il a apporté Un Château Guadet Saint-Emilion 2015, d’un domaine où il a fait les vendanges.

Je choisis pour l’apéritif un Champagne Philipponnat Clos des Goisses Extra Brut 2008 fait à 55% de chardonnay et 45% de pinot noir. Ce champagne a une grande personnalité. Il est noble et vif, traçant son chemin avec conviction. Il va gagner avec l’âge en rondeur et cohérence, mais il est déjà plaisant par son tranchant et sa détermination.

Nous choisissons un menu à quatre plats très copieux. Ayant la carte des vins en main je vois que la carte comporte de très vieilles bouteilles à des prix attractifs. Un vin attire mon œil. C’est un Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947. Le chef de salle à qui je montre ce vin a immédiatement un sursaut : « oh ne prenez pas ça, c’est très probablement mort ». Audouze est têtu. Je demande qu’il aille le chercher. Il revient avec un vin de 1947 qui n’est pas le bon et qui ne me plait pas. Il repart en cave et apporte le vin que je voulais. Le niveau a baissé mais pas de façon anormale.

Je rassure le chef de salle que je ne ferai pas d’histoire si le vin n’est pas bon. Il semble rassuré. Je sors mes outils et avec précaution j’arrive à extraire le bouchon. Bill est étonné que je joue au chirurgien qui « opère » la bouteille. Le nez est assez poussiéreux mais pas rebutant. Il n’y aura pas assez de temps pour que l’oxygénation lente puisse faire son travail. Tant pis.

Le foie gras très agréable convient bien au champagne. Le chef de salle ouvre le Château Guadet Saint-Emilion 2015 et le nez me donne cette pensée : tous les vins de cet âge ont le même parfum. En effet, c’est riche, puissant, et tous les vins bien faits ont le même discours à cet âge.

En bouche, le vin n’aurait sans doute pas grand-chose à dire mais fort heureusement le plat de poisson, meilleur plat de notre repas, fait briller le saint-émilion. L’accord est superbe.

Le plat de résistance à base de volaille est loin d’avoir le niveau du plat de poisson. Le Beaune Grèves Domaine Ropiteau Mignon 1947 au parfum discret et subtil est fatigué. Mais si on fait abstraction de sa fatigue, il raconte infiniment plus de choses que le jeune bordeaux. Il suffit d’écouter ses subtilités qui ne demandent qu’à éclore.

Le soufflé délicieux est pantagruélique.

On est loin du lustre de la maison Darroze du temps de sa splendeur, mais nous avons passé un très agréable moment avec un plat de poisson superbe et une relique fatiguée de 1947.

le chef me montre les cailles pour demain

je vais ouvrir l’Yquem qui sera servi a déjeuner demain

dîner à Langon

Déjeuner avec des amateurs belges mardi, 14 novembre 2023

Il y a plusieurs mois, j’avais déjeuné avec deux jeunes belges amateurs de vins qui avaient proposé de partager de belles bouteilles. L’ambiance amicale de ce déjeuner a donné envie de « remettre le couvert ». Les amis belges sont passés de deux à quatre et le déjeuner se tiendra au restaurant Pages. Il était convenu de se retrouver à 11 heures pour l’ouverture des vins, mais comme je suis arrivé plus tôt, j’ai eu le temps d’ouvrir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969.

Le niveau est un peu bas, la capsule est intacte et en enfonçant le tirebouchon, je sens que le bouchon est très serré. Une fois de plus je constate qu’un bouchon très serré ne signifie pas étanchéité. Des bouteilles perdent souvent plus de volume avec des bouchons très serrés qu’avec des bouchons peu serrés ou qui menacent de tomber dans le liquide.

Le bouchon est dur comme du bois sec et sur 80% de la longueur on le voit sec et portant des signes de moisissure, mais heureusement le bas du bouchon est de belle qualité. Et je suis aux anges en sentant ce breuvage qui me semble divin. Mes amis auront le même sourire en le sentant.

Je poursuis avec les vins des amis belges. Le Château Grillet 1979 a un nez de bouchon. Nous verrons. Tous les bouchons viennent entiers et sans problème. Le parfum du Château Lafite 1954 est enthousiasmant et plus riche que ce que j’attendrais de cette année et le parfum de l’Ausone 1937 est glorieux. Celui du Clos de Tart 1953 est beaucoup plus discret et on attendra son éveil.

Je croyais le Château Lafue 1928 reconditionné, un Sainte-Croix du Mont, mais non. Il est étonnamment clairet et annonce un liquoreux devenant sec.

Nous sommes très heureux qu’à part le Grillet, tous les vins n’offrent que de belles promesses. J’ouvre alors le Krug Private Cuvée années 60 au niveau très haut. Le bouchon est d’une qualité exceptionnelle et le nez n’annonce que du bonheur.

Il me semble que l’on devrait commencer par un champagne « de début » avant ‘d’attaquer’ le Krug, afin de se faire le palais. Pierre-Alexandre nous vante les mérites d’un Champagne Marteaux Guillaume Cuvée Esprit Terroir 2016 dégorgé en 2022 fait des trois cépages, non dosé. Il a raison de l’avoir recommandé car ce champagne n’a pas la dureté des non dosés et se montre même joliment gastronomique. Une belle surprise.

J’avais mis au point le menu avec le chef Ken qui sera : mini-barquette de tartare de bœuf et verdure / poisson cru à l’huile / raviole de homard / cabillaud sauce au vin / canard de Challans et endives / wagyu en deux services et gaufres / tarte Tatin.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 est d’une rare noblesse. Tout en lui est parfait, au goût idéal. J’avais acheté un lot de ce champagne qui se montre chaque fois idéal. Avec le poisson cru, l’accord est magique.

Le Château Grillet 1979 est marqué par un nez de bouchon, mais le milieu de bouche est absolument sain, sans trace de bouchon, qui ne réapparaît que dans le finale. Je me concentre sur le goût du milieu de bouche et le vin me plait beaucoup, très adapté à la raviole de homard. Il est à noter que le nez de bouchon aura complètement disparu environ trente minutes plus tard.

Le Château Lafite-Rothschild 1954 a un parfum irréellement séduisant. Il est raffiné. En bouche je retrouve les marqueurs de Lafite, le charbon comestible et la truffe. Sa densité me surprend car je n’attendrais pas une telle richesse pour un 1954. Avec le cabillaud, l’accord est divin.

Il y a bien longtemps, j’avais profité des ‘reliques’ de cave du restaurant Laurent comptant beaucoup de bordeaux de 1937. Les prix étaient bas car les risques étaient grands. J’ai donc gardé de 1937 l’image d’un millésime incertain, alors que c’est probablement la cave du Laurent qui ne permettait pas un vieillissement de longue durée. J’appréhendais le Château Ausone 1937 avec précaution mais le nez à l’ouverture m’avait rassuré. Servi maintenant, c’est un empereur, c’est César toisant Vercingétorix. Le canard est un compagnon idéal de ce riche et grandiose saint-émilion.

Un des amis demande lequel nous préférons des deux bordeaux et nous sommes tous du même avis : même si l’Ausone est un puissant guerrier, notre cœur balance du côté du subtil et émouvant Lafite.

Le Clos de Tart 1953 pourrait être jugé plaisant, mais je ne reconnais aucune caractéristique d’un Clos de Tart. C’est un bon bourgogne mais qui n’a pas la prestance que devrait avoir ce vin si subtil et rare. Le wagyu l’aide bien mais le cœur n’y est pas.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 est une merveille dans un état parfait. Il a les marqueurs des vins de la Romanée Conti, la rose et le sel, riches à l’extrême. J’entre en pamoison. Pour mon goût, ce vin est la perfection de la Romanée Conti. Et le wagyu apporte du gras qui fait éclore la rose.

Le Château Lafue Sainte-Croix du Mont 1928 m’avait surpris par sa couleur très claire annonçant sans doute un liquoreux devenu sec. Il montre en fait un très bel équilibre au doucereux délicat. Combien d’amateurs connaisseurs de vins ne diraient pas Sauternes en buvant ce Lafue à l’aveugle ? Le plaisir de ces appellations de vins doux du bordelais est total. La tarte Tatin revisitée par le chef pâtissier est superbe et met en valeur le liquoreux.

La cuisine du chef Ken a été absolument pertinente et a ébloui mes nouveaux amis, les plus originaux des accords étant avec le poisson cru et avec le cabillaud. Mais le canard avec l’Ausone et le wagyu avec le Richebourg ont été des accords puissants.

Il est temps de voter. Je pensais que le Richebourg serait le gagnant, mais la subtilité délicate du Lafite a impressionné mes convives qui lui ont donné trois places de premier contre deux places pour le Richebourg.

Le vote du consensus est : 1 – Château Lafite-Rothschild 1954, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 – Champagne Krug Private Cuvée années 60, 4 – Château Ausone 1937, 5 – Château Lafue Sainte-Croix du Mont 1928, 6 – Clos de Tart 1953.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Champagne Krug Private Cuvée années 60, 3 – Château Lafite-Rothschild 1954, 4 – Château Ausone 1937, 5 – Château Grillet 1979.

Je suis ravi que mes jeunes amis trouvent normal d’apporter un Ausone 1937 dans un repas partagé. Cela prouve que la reconnaissance des vins anciens a vraiment progressé dans le monde du vin. Et cela m’encourage à continuer à faire la promotion et le partage des vins anciens, si porteurs de plaisirs et de moments mémorables.

Une fois de plus Pages a réalisé un menu idéal pour les vins. La complicité que j’ai avec l’équipe de Pages a eu une récompense. Nous leur faisons goûter les vins du repas, ce qui les fait entrer dans ce monde merveilleux.

Déjeuner avec quatre vins centenaires vendredi, 3 novembre 2023

Il y a juste un an j’avais déjeuné avec Warnet, jeune amateur de vins très compétent et curieux. Il avait apporté Moët 1911 et 1928 et j’avais apporté un Pétrus 1989.Warnet m’envoie un message disant qu’il aimerait partager un Moët des années 1880 avec moi. Pour trouver ce que j’aimerais partager avec lui, je me promène dans les allées de ma cave, attendant qu’un vin me fasse un clin d’œil pour que je le choisisse.

La ‘pêche’ est bonne car je croise le chemin d’un Champagne Pommery & Gréno 1947 étiqueté pour le couronnement de la Reine Elizabeth en 1953, puis d’un Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 à l’étiquette comme neuve, puis d’un Château Margaux sans étiquette mais dont la capsule très lisible indique le nom du vin, d’une bouteille soufflée bouche ou soufflée main et que celui qui me l’a vendu attribue à 1905 et enfin une demi-bouteille de Beaune des Hospices Clos des Avaux Jolliot Paullin 1904. Ce choix me paraît d’un éclectisme fou.

A 10h30 je suis au restaurant Pages pour ouvrir mes bouteilles. J’avais dit à Warnet qu’on ne boirait pas tous mes apports aussi sans l’attendre je décide de ne pas ouvrir le champagne de 1947. Nous fêterons la Reine une autre fois. Mon convive me dira qu’il aurait fait le même choix qui nous permet de boire ce midi des vins qui sont tous centenaires.

Les deux rouges ont le même comportement à l’ouverture : le bouchon colle à la paroi et ce qui remonte est dissymétrique. Il faut cureter pour enlever ce qui vient en mille morceaux. Le parfum du Margaux ne demande qu’à s’ouvrir et celui du Clos des Avaux est poussiéreux mais moins d’une minute après on sent que le fruit est en train d’éclore.

Les deux champagnes étant anciens, il n’y a aucun obstacle à les ouvrir maintenant. Les deux bouchons sont superbes et viennent entiers. La qualité des bouchons est parfaite, au point que l’on peut lire ce qui est écrit alors que le bouchon très noir du Margaux est illisible.

Warnet peut lire sur le bouchon du Moët « White Seal » et après recherche il datera son champagne en 1887. Sur le bouchon du 1921 on peut lire Extra Dry et 1921. Ce sont vraiment de beaux bouchons. Les parfums sont aussi prometteurs.

Selon la tradition nous allons au 116, le restaurant voisin qui appartient aussi au chef Teshi. Nous buvons une bière japonaise en grignotant des édamamés, récompense après les ouvertures.

Avant que n’arrive Warnet, j’avais fait le menu avec le chef Ken qui se présente ainsi : Ceviche de lieu jaune, espuma lait-ribot / tartelette de tartare de bœuf, oignons caramélisés / carpaccio de daurade royale / cabillaud sauce umami / fricassée de homard grillé, giroles, jus de veau / canard colvert façon lièvre à la royale, purée de panais à l’anis, tubercule de cerfeuil rôti / wagyu maturé cuisson Binchotan, gaufre de pomme de terre et crème de persillade / dessert de Lucas : pignon de pin, extrait de sapin, châtaigne, tuile, chips et crème glacée.

Le Champagne Moët & Chandon que nous pensons de 1880 mais qui est de 1887 a une belle couleur ambrée et un nez délicat et subtil. En bouche, ce qui me frappe, c’est que ce champagne a strictement le goût historique de Moët & Chandon. Les 1911, 1914, 1928 ou 1934 sont absolument dans la même lignée. C’est un champagne chaleureux et réconfortant, au goût que l’on rêverait de trouver pour tous les champagnes. Le carpaccio de daurade est idéal pour le mettre en valeur et le cabillaud goûteux et divinement cuit lui rend sa politesse.

Arrive maintenant un de ces accords fusionnels que je cherche en permanence mais que je trouve très peu souvent car ils sont rares. Le Château Margaux 1905 a un goût qui est en prolongement total avec le goût du homard. Les deux s’emboîtent comme les doigts d’une main avec le gant idéal. C’est saisissant, car quand on atteint une telle symbiose, on la sent au plus profond de soi-même. Le Margaux est très féminin, gracile et subtil comme une jolie femme en crinolines qui joue de son éventail pour cacher les œillades assassines qu’elle délivre alentour. Et le homard répond à ses désirs. C’est un moment exceptionnel, intense, qui nous émeut.

Le canard traité comme un lièvre à la royale est magnifique, mais le bourgogne est plus magique encore. Qui pourrait imaginer qu’un 1904 en demi-bouteille, d’un niveau très bas, puisse être une telle merveille ? Ce Beaune des Hospices Clos des Avaux Jolliot Paullin 1904 est une merveille et du niveau d’un Grand Cru. Il est une synthèse du goût d’un bourgogne Côtes de Beaune parfait. Quel charme et quel accomplissement. Nous restons sans voix car ceci paraît irréel. Une telle plénitude, une absence totale d’âge, cela est confondant. L’accord est superbe et original et plus classique avec le wagyu.

Le Champagne Duc de Roucher Extra Dry Cuvée England 1921 a une couleur ambrée acceptable. Le pétillant est présent au goût, même s’il est faible. Ce qui frappe, c’est le côté extrêmement solide de ce champagne. Il est carré et fait pour l’éternité. On attend d’un Extra Dry un champagne doux et fortement dosé mais l’âge a atténué le doucereux. Le 1921 est plus monotone que le 1887 et n’a pas une aussi forte personnalité. Le dessert est un peu trop doux pour le champagne qui est trop dominant alors qu’il aurait fallu qu’il soit excité par le plat.

Que de merveilles ! Warnet va voter ainsi : 1904, 1887, 1905, 1921. Mon vote est 1904, 1905, 1887, 1921. La palme de l’accord va au Margaux et homard.

Pierre-Alexandre nous a servi des liqueurs « La Gauloise » qui sont faites comme des chartreuses. La jaune est d’une grande séduction et d’une douceur idéale. Nous la préférons à la verte, plus brutale.

Pendant le repas j’ai versé des verres de tous les vins à l’équipe de Pages. Leurs yeux émerveillés faisaient plaisir à voir. Ce n’est pas tous les jours que l’on a à une table quatre vins centenaires.

Ce fut un repas mémorable et très grand.

La pause après les ouvertures

277th meal at Restaurant Pages mercredi, 11 octobre 2023

I interact quite often with wine lovers who express themselves on Instagram. One day one of them living in Singapore told me that he was coming to France with friends, invited to events in Champagne. He would like me to organize a meal for five people and point out wine trails that he would like to explore. Among my suggestions, he chose Lafite 1961, Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 and a Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970.

During another discussion he said he had been disappointed by a Dom Pérignon 1952 and I told him that if he came to see me, I would make him drink a 1952 which I considered excellent. Gang tells me that he and his friends will bring a Cristal Roederer 1988 and a magnum of Krug Grande Cuvée with a cream label, which is more than thirty years old.

The scene is set and I suggest that we meet at the Pages restaurant.

I now need to find my wines in the cellar. The Champagne Dom Pérignon 1952 has a beautiful presentation and through the glass I sense a beautiful champagne. The Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 comes directly from the Domaine, but when I shared this wine a few years ago, brought by Anne-Claude Leflaive, it had shown at the tasting TCA (trichhloroanisole), which is characterized by a taste of cap. This pushes me to add wines to my program.

I have four Château Lafite-Rothschild 1961, one of which in my main cellar has a low level (even though it says high level in my inventory). I look for the other three in another cellar, but I can’t find them. I decided to add a Château Ausone 1929 which seems to me to have a good presentation.

Furthermore, I chose one of the three Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970 that I own. It will be the one with the best level. It has no label but is clearly identified by the very explicit cap.

For good measure, I added a 1972 La Tâche, low grade but good looking.

I had to provide four wines. There will be six, to cover any eventuality.

On the appointed day, I arrive shortly before 10:30 a.m. at the Pages restaurant to open my wines. I ask Chef Ken what dishes are planned and we start sketching out the menu. Two of my guests arrive to attend the opening of the wines. By a pleasant coincidence I manage to remove all the corks whole, which greatly impresses them.

The nose of the Lafite 1961 is a little weak but gives great hope. That of Ausone 1929 is frankly closed. The nose of the 1992 Chevalier Montrachet looks glorious. The scent of La Tâche 1972 is not very engaging and many wine lovers would put it aside. On the contrary, that of Richebourg 1970 looks brilliant.

A few changes are being made with Chef Ken to take odors into account. We have an hour and a half left before the other guests arrive. According to tradition we will have a beer at 116, the neighboring restaurant while nibbling on edamame. Everything is ready for what will be the 277th of my meals.

The other guests arrive at 12:30 p.m. Among them a woman from London, who is a big influencer in the wine world and reminds me that we met at a dinner I organized at the 67 Pall Mall club in London.

I asked Chef Ken, given the abundance of champagne, to prepare raw fish and Wagyu carpaccio. We start with a Champagne Cristal Roederer 1988 which made a nice spritz at the opening. The color is light for a champagne of this age. Instantly, I am struck by the brilliance of this infinitely complex champagne. What happiness. What delights me is that this champagne is anything but conventional. He explores flavors off the beaten track. He calls out and I really like it.

The wines that make up Champagne Krug Grande Cuvée crème magnum label are around forty years old. This is the second contribution of my new friends after the Cristal Roederer. It’s a magnificent champagne but I also know it by heart, it transports me less than the Cristal Roederer. But its grandeur will mark the meal.

I asked Pierre-Alexandre to serve at the same time the Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1992 from an exceptional year. Instantly, the first sip is like fireworks. My mouth explodes with happiness because the wine is full, complete, accomplished, coherent, perfect. It brings a rare joy of living. And it is wise to drink it at the same time as champagnes because the pleasures are added.

For the Wagyu, I serve Champagne Dom Pérignon 1952. I am faced with pure perfection and I would be ready to lock myself in a bubble of happiness, as with the few wines which have paralyzed me like the Hermitage La Chapelle 1961 or Montrachet Bouchard 1865. Because I am facing a perfect wine. And the delicious herbs that accompany Wagyu give a masterful excitement to this ideal champagne.

The lobster is accompanied by the brilliant Chevalier Montrachet.

For fish, we have the two Bordeaux. Château Lafite-Rothschild 1961, which had a low level, has been reconstituted and no fault can be found. It has a very rich truffle taste and is a great Bordeaux, just like my friends wanted.

I had high expectations from the Château Ausone 1929, which had a very beautiful appearance, but if it has the breadth of the 1929 wines, I found it less energetic than I hoped.

The two Romanée Conti wines appear on delicious veal. The Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970, with its beautiful level and beautiful color, is in full possession of its means. It is rich, full, broad and solid but it also has a delicate charm. It drinks well, with a nice length finish.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1972 does not have a perfect color and it is not at the level it should be, but it is in the spirit of Romanée Conti and I think that if I were drinking this wine with Aubert de Villaine , we would find the graceful subtleties of Romanée Conti behind the veil which stifles its qualities. A Saint-Nectaire excites La Tâche in a good way.

The pastry chef has made a delicate dessert with a nutty flavor that allows the Krug Grande Cuvée to remind us how refined it is.

We vote. Six of us chose our five favorites from eight wines. Three wines will have first votes, the Dom Pérignon 1952 has three first votes, the Chevalier Montrachet 1992 has two and the Krug Grande Cuvée has one.

The consensus vote is: 1 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 2 – Dom Pérignon 1952, 3 – Krug Grande Cuvée magnum cream label, 4 – Richebourg Domaone de la Romanée Conti 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

My vote is: 1 – Dom Pérignon 1952, 2 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 3 – Cristal Roederer 1988, 4 – Richebourg DRC 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

The atmosphere at this meal was exceptional. Even though we are from very different parts of the world, we chatted as if we had been friends forever. The cuisine was perfect and the service excellent, Naoko, wife of chef Teshi, the owner of the restaurant, brought her smile and her attention to perfection. Pierre-Alexandre did a perfect wine service. The entire kitchen team prepared dishes with great precision. It is therefore without hesitation that I class this dinner as the 277th, a great moment of sharing.

277ème repas au restaurant Pages mercredi, 11 octobre 2023

J’échange assez souvent avec des amoureux du vin qui s’expriment sur Instagram. Un jour l’un d’entre eux habitant Singapour me dit qu’il vient en France avec des amis, invité à des événements en Champagne. Il aimerait que j’organise un repas pour cinq personnes et indique des pistes de vins qu’il aimerait explorer. Parmi mes propositions, il choisit Lafite 1961, Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 et un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970.

Lors d’une autre discussion il avait dit avoir été déçu par un Dom Pérignon 1952 et je lui avais répondu que s’il venait me voir, je lui ferais boire un 1952 que j’estime excellent. Gang m’annonce que ses amis et lui apporteront un Cristal Roederer 1988 et un magnum de Krug Grande Cuvée à étiquette crème, qui a plus de trente ans.

Le décor est planté et je propose que nous nous retrouvions au restaurant Pages.

Il me faut maintenant trouver mes vins en cave. Le Champagne Dom Pérignon 1952 est d’une belle présentation et à travers le verre je pressens un beau champagne. Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992 vient directement du Domaine, mais quand j’ai partagé ce vin il y a quelques années, apporté par Anne-Claude Leflaive, il avait montré à la dégustation du TCA (trichhloroanisole), qui se caractérise par un goût de bouchon. Ceci me pousse à rajouter des vins à mon programme.

J’ai quatre Château Lafite-Rothschild 1961 dont un dans ma cave principale a un niveau bas (alors qu’il est écrit niveau haut dans mon inventaire). Je cherche les trois autres dans une autre cave, mais je ne réussis pas à les trouver. J’ai décidé d’ajouter un Château Ausone 1929 qui me semble avoir une bonne présentation.

Par ailleurs, j’ai choisi l’un des trois Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970 que je possède. Ce sera celui qui a le meilleur niveau. Il n’a pas d’étiquette mais est clairement identifié par le bouchon très explicite.

Pour faire bonne mesure, j’ai ajouté une La Tâche 1972, de faible niveau mais de belle apparence.

Je devais fournir quatre vins. Il y en aura six, pour parer à toute éventualité.

Le jour dit, j’arrive peu avant 10h30 au restaurant Pages pour ouvrir mes vins. Je demande au chef Ken les plats qui sont prévus et nous commençons à esquisser le menu. Deux de mes convives arrivent pour assister à l’ouverture des vins. Par un hasard agréable j’arrive à extirper tous les bouchons entiers ce qui les impressionne fortement.

Le nez du Lafite 1961 est un peu faible mais laisse un bel espoir. Celui de l’Ausone 1929 est franchement fermé. Le nez du Chevalier Montrachet 1992 s’annonce glorieux. Le parfum de La Tâche 1972 n’est pas très engageant et beaucoup d’amateurs le mettraient de côté. Au contraire celui du Richebourg 1970 s’annonce brillant.

Quelques changements se font avec le chef Ken pour tenir compte des odeurs. Il nous reste une heure trente avant que les autres convives n’arrivent. Selon la tradition nous allons boire une bière au 116, le restaurant voisin en grignotant des édamamés. Tout est prêt pour ce qui sera le 277ème de mes repas.

Les autres convives arrivent à 12h30. Parmi eux une femme de Londres, qui est une grande influenceuse dans le monde du vin et me rappelle que nous nous sommes rencontrés lors d’un dîner que j’ai organisé au club 67 Pall Mall de Londres.

J’ai demandé au chef Ken, devant l’abondance des champagnes, de préparer un poisson cru et du Wagyu en carpaccio. Nous commençons par un Champagne Cristal Roederer 1988 qui a fait un joli pschitt à l’ouverture. La couleur est claire pour un champagne de cet âge. Instantanément, je suis frappé par le brio de ce champagne aux complexités infinies. Quel bonheur. Ce qui me ravit c’est que ce champagne est tout sauf conventionnel. Il explore des saveurs hors des sentiers battus. Il interpelle et ça me plait énormément.

Les vins qui composent le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème magnum ont autour de quarante ans. C’est après le Cristal Roederer le deuxième apport de mes nouveaux amis. C’est un champagne magnifique mais je le connais par cœur aussi, il me transporte moins que le Cristal Roederer. Mais sa grandeur va marquer le repas.

J’ai demandé à Pierre-Alexandre de servir en même temps le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1992 d’une année exceptionnelle. Instantanément, la première gorgée est comme un feu d’artifice. Ma bouche explose de bonheur car le vin est plein, complet, abouti, cohérent, parfait. Il apporte une joie de vivre rare. Et c’est judicieux de le boire en même temps que les champagnes car les plaisirs s’ajoutent.

Pour le Wagyu, je fais servir le Champagne Dom Pérignon 1952. Je suis en face de la perfection pure et je serais prêt à m’enfermer dans une bulle de bonheur, comme avec les quelques vins qui m’ont tétanisé comme l’Hermitage La Chapelle 1961 ou le Montrachet Bouchard 1865. Car je suis en face d’un vin parfait. Et les délicieuses herbes fines qui accompagnent le Wagyu donnent une excitation magistrale à ce champagne idéal.

Le homard est accompagné par le brillantissime Chevalier Montrachet.

Pour le poisson, nous avons les deux Bordeaux. Le Château Lafite-Rothschild 1961 qui avait un niveau bas s’est reconstitué et on ne lui trouve aucun défaut. Il a un goût de truffe très riche et c’est un grand bordeaux, comme mes amis le souhaitaient.

J’attendais beaucoup du Château Ausone 1929 d’un très bel aspect, mais s’il a la largeur des vins de 1929, je le trouve moins énergique que ce que j’espérais.

Sur un veau délicieux apparaissent les deux vins de la Romanée Conti. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1970 au beau niveau et à la belle couleur est en pleine possession de ses moyens. Il est riche, plein, large et solide mais il a aussi un charme délicat. Il se boit bien, avec un finale d’une belle longueur.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1972 n’a pas une couleur parfaite et il n’est pas au niveau qu’il devrait avoir, mais « il raconte » la Romanée Conti et je pense que si je buvais ce vin avec Aubert de Villaine, nous lui trouverions les subtilités gracieuses de la Romanée Conti derrière le voile qui étouffe ses qualités. Un saint-nectaire excite La Tâche dans le bon sens.

Le pâtissier a fait un dessert délicat au goût de noix qui permet au Krug Grande Cuvée de nous rappeler à quel point il est raffiné.

Nous votons. Nous sommes six à désigner nos cinq préférés de huit vins. Trois vins auront des votes de premier, le Dom Pérignon 1952 a trois votes de premier, le Chevalier Montrachet 1992 en a deux et le Krug Grande Cuvée en a un.

Le vote du consensus est : 1 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 2 – Dom Pérignon 1952, 3 – Krug Grande Cuvée magnum étiquette crème, 4 – Richebourg Domaone de la Romanée Conti 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

Mon vote est : 1 – Dom Pérignon 1952, 2 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1992, 3 – Cristal Roederer 1988, 4 – Richebourg DRC 1970, 5 – Château Lafite-Rothschild 1961.

L’ambiance de ce repas a été exceptionnelle. Alors que nous sommes de régions du monde très différentes, nous avons bavardé comme si nous étions amis depuis toujours. La cuisine a été parfaite et le service excellent, Naoko, femme de chef Teshi, le propriétaire du restaurant, a apporté son sourire et son souci de perfection. Pierre-Alexandre a fait un service du vin parfait. Toute l’équipe de cuisine a fait des plats d’une grande justesse. C’est donc sans hésiter que je classe ce dîner comme le 277ème, un grand moment de partage.

Déjeuner de récompense d’une énigme sur Instagram mercredi, 20 septembre 2023

De temps à autre, j’aime poser des énigmes sur mon compte Instagram. La dernière est venue d’une bouteille de Lafite-Rothschild 1981 que l’on a bue dans un repas que j’ai raconté dans un précédent bulletin. La bouteille était enveloppée dans un fin papier rose fané, collé aussi bien au verre qu’à l’étiquette. Il était impossible de lire l’année et si j’avais tiré sur le papier, l’étiquette serait venue avec le papier rendant le millésime illisible. J’ai photographié la bouteille de dos, aucun élément ne permettant d’identifier et j’ai demandé sur Instagram que l’on trouve le vin et l’année. Le gagnant partagerait un grand vin avec moi.

Il y a eu un gagnant qui m’a expliqué que le papier rose est celui de Lafite et que grâce à la hauteur de la surépaisseur du goulot, qu’on pouvait deviner, il avait pu dire que le vin était de 1982 plus ou moins un an. J’étais content que l’énigme ait un gagnant. Matic vit en Slovénie. Il est architecte et passionné de vin.

Parallèlement, Adrien, un français vivant à Singapour s’était inscrit à un dîner que j’ai été obligé d’annuler. Imaginant qu’il avait pris un billet d’avion pour venir au dîner, sans poser de question je lui ai proposé de se joindre au déjeuner que je peux appeler « Enigma », et qu’il serait mon invité.

Nous serons donc trois à déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur. J’arrive à dix heures pour ouvrir mes vins ainsi que le vin d’Adrien, un Haut-Brion 1986.

Le champagne Salon 1997 est ouvert par Aurélien, le sommelier devenu aussi directeur de salle, parce que je n’ai pas assez de force pour l’extirper. Le Haut-Brion 1986 a un bouchon de belle qualité. Le parfum est prometteur, mais le vin devra s’élargir.

Le Château Lafite-Rothschild 1962 est le vin que j’ai choisi pour le gagnant de l’énigme, accompagné d’autres vins. Le bouchon vient entier, de belle qualité, et le parfum délicat promet d’être grand.

J’ai aussi apporté l’Echézeaux de la Romanée Conti que nous avions partagé hier au restaurant Pages que je cache pour en faire la surprise. Et le Tokaji Escenzia 1988 reste dans ma musette et n’apparaîtra que si le déjeuner s’y prête.

Ayant fini ma tâche, je me promène par un matin ensoleillé autour de l’Ile Saint-Louis et autour de Notre Dame. Il y a beaucoup de touristes et de parisiens de l’île. Mon Dieu que Paris est joli quand les rues sont propres et les piétons charmants. J’ai habité l’île quand j’étais jeune marié et j’ai retrouvé des émotions d’un Paris calme et serein.

Matic et Adrien arrivent. Ils sont tous deux de 1990. Des gamins !

Nous trinquons au Champagne Salon 1997 qui est de belle noblesse mais n’est pas glorieux. C’est parce qu’il a besoin d’être associé à des mets. Avec les rillettes il prend de l’envol. Il deviendra spectaculaire lorsqu’il sera associé à une bouillabaisse, dont la sauce propulse le Salon à des hauteurs infinies. Quel grand champagne de gastronomie, mon préféré parmi les jeunes Salon.

Pour le homard, nous buvons le Château Haut-Brion 1986. Ce vin est riche puissant, solide comme un rugbyman, élégant, et explosant de truffe. Là aussi, c’est avec la bisque légère mais insistante que le vin devient superbe.

Le plat de viande de bœuf maturé est exactement comme je l’aime, précis, droit, lisible. Alain Pégouret connaît mes goûts puisque nous avons fait ensemble plus d’une quarantaine de dîners. C’est à ce moment que je sers l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti dont il restait la moitié de la bouteille. Et j’ai demandé à chacun de manger une pomme de terre soufflée couverte de sel, ce qui s’impose pour la Romanée Conti. Quelle immense surprise pour moi, car ce vin qui avait hier un bas niveau et montrait sa fatigue est aujourd’hui entraînant et émouvant. Il est à dix étages au-dessus de l’émotion de la veille. Et cela m’a donné l’idée et l’envie, pour les vins de la Romanée Conti qui ont perdu du volume, de les ouvrir la veille et non pas quatre heures avant. Mes convives sont aux anges, et ils ressentent bien à quel point ce vin dégage quelque chose d’immatériel, comme lorsqu’on entre dans une cathédrale.

Le Château Lafite-Rothschild 1962 se résumerait par deux mots : charme et distinction. Mais c’est surtout le charme que l’on ressent. C’est un grand vin qui n’a pas la puissance du Haut-Brion 1986 mais qui est plus complet, raffiné et élégant. L’accord avec la sauce lourde est idéal.

Quatre fromages vont accompagner chacun l’un des vins. Les conversations sont si agréables que nous prenons le temps de choisir un dessert au chocolat qui accompagne le Tokaji Escenzia Aszu 1988 envoûtant, séduisant et léger par rapport à d’autres Tokaji, qui est marqué de la même différence qu’un Sauternes qui a « mangé » son sucre a avec un Sauternes au fort botrytis.

Nous avons voté pour nos trois préférés et dans l’ordre Matic a mis : Echézeaux, Lafite et Haut-Brion, Adrien a choisi : Lafite, Echézeaux, Haut-Brion et j’ai classé : Lafite, Haut-Brion et Echézeaux. C’est particulièrement intéressant que ces deux jeunes amateurs aient mis premier ou second l’Echézeaux que beaucoup d’autres amateurs inattentifs auraient éliminé en le trouvant au premier contact impossible à boire et auraient peut-être, hélas, vidés dans l’évier.

Nous avons beaucoup parlé. Ils étaient émus de goûter les vins de ce repas. Ce fut un grand moment de partage causé par une énigme. Du vrai bonheur.