Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

Dîner au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris vendredi, 19 novembre 2021

Dans deux jours se tiendra à l’hôtel du Marc, demeure de réception du Champagne Veuve-Clicquot Ponsardin, l’un de mes dîners. Des participantes américaines sont parmi les plus fidèles de mes dîners et sont devenues des amies de ma femme et moi. Nous les invitons au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris. Le lieu est agréable, à la décoration riche et élégante. Notre table est grande pour quatre personnes mais nous verrons très vite pourquoi : chaque plat est accompagné d’assiettes ou de saucières ajoutant l’abondance à l’abondance.

Etant avec ma femme en avance, j’ai le temps de consulter le livre de cave qui est imposant. Alors que le Cheval Blanc et Yquem sont des vins du même groupe que la Samaritaine, j’ai du mal à comprendre pourquoi les prix sont si dissuasifs. Il y a dans cette carte des prix dans toutes les directions, de l’inaccessible au tentant. J’ai pu trouver pour le repas des vins de haute qualité.

Le Champagne Pierre Péters Cuvée les Chétillons 2013 va accompagner les canapés et les prémices, dont voici la description : Canapés : consommé Eugène, consommé de perdreau torréfié, infusion de sarriette, essence de bois de genévrier, whisky tourbé, échalote et fenouil sués, poivre Voatsiperifery / bouillon ‘chemin d’automne’ eau de châtaigne torréfiée. Prémices : vinaigrette ‘berlugane’, endocarpe de pamplemousse, mandarine et citron vert, gingembre, miel de fleur, infusion de marjolaine, mandarine Mikan, citron vert et orange sanguine pressée, huile de Bouteillan, huile d’olive infusée à la mandarine, poivre de Sancho.

Arnaud Donckele est le prince des sauces et des acidités. Chaque bouchée est un envol vers l’Olympe. Tout est si précis, mesuré et gourmand que l’on est pris dans un tourbillon de saveurs parfaites. Le champagne est très vif, précis et se met au service des goûts qu’il accompagne. On se régale.

Chacun a choisi son menu. Voici le mien : Sardine, brochet, poireaux, POUR crème Saint-Antoine / sandre, choux, bergamote, POUR soupe ‘songe de vigne’ / lièvre, céleri fane, passion, POUR jus ‘bois tison’ / Normandie affective, pomme, cannelle, pomeau.

Chaque intitulé de plat a le mot ‘POUR’, ce qui semblerait indiquer que le plat est fait pour la sauce et non l’inverse. D’ailleurs Arnaud Donckele nous recommande à tout instant de commencer par goûter la sauce. Voici le ‘POUR’ du sandre : Soupe ‘songe de vigne’ : fumet de sandre au vin rouge pinot noir, cognac, pastis, peau de bergamote, beurre d’écrevisse, cardamome noire, marjolaine, vinaigre de vieux vin, safran, infusion de bergamote, bois de fenouil, citronnelle et gingembre, huile d’olive bergamote, baie de genièvre.

On est dans la sophistication absolue avec un résultat d’une gourmandise idéale. Je fais servir par Emmanuel le compétent sommelier le vin blanc et le vin rouge pour qu’on puisse choisir lequel accompagnera les plats, au gré de chacun.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 2007 est la dernière de la cave. Le vin est époustouflant de générosité, d’ampleur et de largeur. Sa palette aromatique est infinie et cela convient parfaitement à la complexité des sauces et des acidités. Ce vin est au sommet de son art.

Nous allons faire le trou normand, qui n’en est pas un, en cuisine et mes amies américaines sont subjuguées. Le ballet de l’équipe de cuisine est calme et serein. Chacun sait ce qu’il doit faire et apporte une implication totale.

Le lièvre n’est pas à la royale, il explore d’autres voies tout aussi passionnantes. Le Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape rouge 2009 est dans un état de maturité absolue. Il est une heureuse surprise car je ne l’attendais pas aussi épanoui. Les trois vins se sont comportés au sommet de leur art et le Rayas blanc est au firmament.

Nous avons tous pris le dessert Normandie affective car c’est la région d’origine d’Arnaud Donckele. Il y a marqué sur le menu pour les desserts « harmonie de création et d’amusement entre Maxime et Arnaud » et cela résume bien ce que l’on ressent de la volonté d’Arnaud. Tout est joyeux et souriant. Arnaud vient fréquemment à notre table servir les sauces, ajouter un commentaire ou un conseil. Nous sommes au paradis.

Le service est attentionné, l’atmosphère est à la joie et au plaisir gustatif. C’est un sans-faute enthousiasmant.

254ème dîner au restaurant Pages vendredi, 15 octobre 2021

Le 254ème dîner se tient au restaurant Pages. Nous sommes dix et il est à signaler que six convives sont des nouveaux. C’est une bonne nouvelle qui montre l’intérêt pour ces diners. Deux femmes sont présentes dans un groupe où les mâles ne sont dominants que numériquement.

Je commence les ouvertures des vins à partir de 17 heures car Matthieu, le sommelier du restaurant, m’a déconseillé de venir à 16 heures du fait que des clients du service du midi risquaient d’être encore présents. Tous les bouchons sont venus entiers ou avec de faibles brisures. Est-ce un effet des conditions atmosphériques d’avoir des comportements de bouchons qui se ressemblent, c’est une énigme que je vais essayer de résoudre par l’expérience.

Les opérations d’ouverture étant rapidement menées je me rends au Bistrot 116 où l’équipe de cuisine du restaurant Pages prend son dîner. Selon la tradition, je viens pour boire une bière japonaise Asahi tout en grignotant des édamamés. Je suis rapidement rejoint par un ami, l’un des convives du repas.

Tout le monde est à l’heure, ce qui mérite d’être signalé. Je présente la philosophie de mes dîners, qui est importante pour bien profiter de cette expérience. Nous prenons l’apéritif avec un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990 sur des gougères au parmesan. Le champagne ouvert vers 19 heures est très clair, solide, carré, grand champagne d’un bel équilibre. Il est large en bouche et joyeux. Il n’a pas d’âge tant il est fringant.

Le menu qui a été mis au point avec le chef Ken et son équipe est : sashimi de daurade / risotto de champignons, bouillon sous-bois / canard de Challans, sauce au vin rouge, panais / bœuf de maturation : Black Angus d’Irlande 5 semaines et filet de Normande 4 semaines, purée de pommes de terre / Joshu-Wagyu, gaufre de pommes de terre / Stilton / tarte au pamplemousse / financiers.

Le Champagne Moët et Chandon 1953 impressionne tout le monde par sa couleur ambrée. Il n’y a plus qu’une rare bulle mais le pétillant est présent et le champagne est d’un charme fou. Il a une longueur dix fois supérieure au Henriot. L’accord avec la daurade crue est éblouissant. Toute la table, majoritairement ignorante des champagnes anciens est émerveillée de découvrir à quel point les champagnes anciens sont porteurs de complexités beaucoup plus riches que les champagnes jeunes. Et le fait qu’un champagne de 31 ans puisse être considéré comme jeune est aussi troublant.

Le délicieux risotto accueille deux vins totalement différents. Le Pavillon blanc de Château Margaux 1979 est solide et construit et impressionne par le fait qu’il n’a pas d’âge. Si on disait qu’il est de 2005, personne ne le contredirait or ce vin blanc si jeune a 42 ans. Il est d’un bel équilibre expressif.

A côté de lui le Gewurztraminer Dopff Eichberg Récolte Tardive 1976 doté d’une médaille d’or dans un concours à Macon en 1977 est d’une approche curieuse, car il combine un caractère sec avec le charme des vendanges tardives. Doté de saveurs d’une rare complexité, mêlant le salin, le minéral et le pétroleux des gewurztraminers, il est idéal avec le risotto alors que le bordeaux blanc a la solidité pour se marier aux champignons.

Le canard est associé à deux bordeaux, l’un de la rive gauche, Château Brane-Cantenac 1962 de l’appellation Margaux et l’autre de la rive droite, Château Clinet 1967 de l’appellation Pomerol. Le 1962 est d’une solide charpente, débordant de saveurs truffées. Le Clinet est plus discret, plus en suggestions. Il s’efface un peu devant le Margaux conquérant qui s’est approprié la belle chair du canard.

Pour les deux filets de bœuf il y a deux bourgognes. Le Morey-Saint-Denis Grivelet Père & Fils 1976 est très agréable, avec la finesse d’un bourgogne raffiné. Mais il ne peut rien faire face au Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1959 qui occupe tout l’espace. Quel grand bourgogne qui combine richesse et ampleur avec une délicatesse et une noblesse remarquables. J’attendais beaucoup de ce 1959 et il tient ses promesses. C’est, à ce stade, mon vin préféré. L’Angus a une très forte personnalité et le chambertin s’en empare.

Le Wagyu est d’une extrême tendreté et le poivre parsemé avec une rare justesse permet un accord avec l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964 qui est de toute première grandeur. Et l’Hermitage est d’une noblesse extrême. C’est un immense vin du Rhône, avec un message extrêmement lisible et habile. Nous sommes tous conquis par ce vin resplendissant. Une merveille.

Jusqu’à présent, nous avons eu plusieurs fois deux vins pour un même plat. Pour le Château Filhot Sauternes 1972 nous allons faire le contraire et avoir deux plats pour un même vin. Avec le stilton parfaitement à point, le sauternes léger est d’une grâce extrême profitant de la salinité du fromage. Et le sauternes est Fregoli, puisqu’il arrive à trouver un accord complètement opposé avec le pamplemousse traité dans une belle pureté. Ce Filhot délicat est d’un rare plaisir que l’on n’attendrait pas de ce millésime souvent oublié.

Le Rivesaltes Collection Cazes 1935 ne peut pas être qualifié de délicat. C’est un fonceur, à l’alcool riche et au bouquet rayonnant. Les financiers sont idéaux pour adoucir la pétulance de ce 1935 qui paraît si jeune.

Ce qui est impressionnant c’est que nous avons progressé en allant crescendo et sans qu’apparaisse le moindre passage à vide. Tout le repas est une succession de réussites dans les accords mets et vins.

Il est temps de voter. Chacun désigne ses cinq vins préférés. Seuls trois vins ont eu l’honneur d’être désignés premiers. L’Hermitage 1964 a eu six votes de premier, le champagne Moët 1953 a eu trois votes de premier et le chambertin 1959 un vote de premier.

Le classement global est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964, 2 – Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1959, 3 – Champagne Moët et Chandon 1953, 4 – Gewurztraminer Dopff Eichberg Récolte Tardive 1976, 5 – Château Brane-Cantenac 1962, 6 – Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990.

Mon vote est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1964, 2 – Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1959, 3 – Gewurztraminer Dopff Eichberg Récolte Tardive 1976, 4 – Champagne Moët et Chandon 1953, 5 – Château Brane-Cantenac 1962.

Voter pour les accords mets et vins n’a pas été envisagé mais pour mon goût le plus bel accord est celui du Wagyu avec l’Hermitage suivi du risotto avec le Gewurztraminer et de la daurade avec le Moët 1953.

Les conversations sont allées bon train, tant nous avions de choses à nous dire. Dans une ambiance enjouée et avec une cuisine brillante et un service des vins exemplaire, nous avons vécu l’un des plus beaux de mes dîners.

253ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude Arnaud Donckele mercredi, 8 septembre 2021

Le 253ème repas de wine-dinners a eu une longue gestation. Je connais depuis plus de dix ans Arnaud Donckele et lorsqu’il a été décidé qu’il dirigera le restaurant gastronomique de la Samaritaine, l’idée nous est venue de faire un grand repas avant l’ouverture officielle du restaurant. Mais les dates de la fin des travaux pharaoniques dans ce gigantesque immeuble reculaient et reculaient sans cesse. De plus le Covid a mis une incertitude sur les possibilités de faire des repas.

L’horizon s’étant éclairci, la date d’ouverture officielle du restaurant Plénitude Arnaud Donckele de Cheval Blanc Paris a été annoncée et la date du repas que nous ferions ensemble a été fixée à trois jours avant l’ouverture officielle. Nous avons travaillé à la mise au point du menu et nous avions déjà eu avec Arnaud des discussions sur la philosophie des repas. Les voies qu’explore Arnaud ne sont pas celles que j’explore, mais peuvent se rencontrer. Nous avons dû travailler pour en faire une synthèse. J’ai fixé des pistes telles que rouget pour un Pétrus, ris de veau pour un Corton-Charlemagne, pamplemousse pour un Yquem et Arnaud, en visionnaire, a tout de suite compris comment traduire ces pistes en plats cohérents. Et notre complicité a permis de faire un repas structuré.

Le génie des sauces du chef a conduit à des plats extraordinaires. Arnaud a privatisé pour nous le restaurant pour un déjeuner. Il a été omniprésent, servant les plats et servant lui-même les sauces dans nos assiettes, ce que je considère comme un privilège et un signe d’amitié.

Quand les convives sont arrivés, il les a salués en disant : « ce que vous allez manger, ce sont les plats de François Audouze. Moi, je n’y suis pour rien ». Nous avons ri. Et tout au long du repas les participants ont pu voir à quel point il s’est impliqué. Aucun plat n’est un plat de la carte. Ce sont des créations pour cet événement et ils ne sont pas reconductibles. C’est ce que le chef a expliqué au moment où dans le fumoir, nous avons fumé des cigares et bu un Rhum de la Martinique.

Les vins avaient été livrés deux jours avant le déjeuner et redressés la veille au soir. Le jour venu, je me présente à l’hôtel Cheval Blanc Paris un peu avant 9 heures. Emmanuel, le sommelier, me propose d’ouvrir les vins dans le fumoir. Le bouchon du Laville Haut-Brion vient entier comme presque tous les bouchons. Le nez du Laville est noble. Le parfum du riesling paraît fermé. Celui du Corton-Charlemagne de Coche-Dury n’est pas aussi tonitruant que ce que j’attendais mais il est subtil. Le parfum du Pétrus 1989 est miraculeux, celui de La Tâche très discret et celui de l’Yquem 1947 est la splendeur la plus absolue. Il est royal. Je devrais m’agenouiller devant le parfum du Constantia, réel chef d’œuvre. Son bouchon est le seul qui se brise en de nombreux morceaux, car ce minuscule bouchon s’est collé au verre et ne glisse pas dans son petit goulot.

Tout étant rondement mené j’ai le temps de regarder le site merveilleux de la Samaritaine et de saluer Arnaud Donckele, souriant et heureux que nous tentions cette expérience. A 11 heures j’ouvre les deux champagnes. Le bouchon du 1979 est étonnamment court et celui du 1981 libère une belle explosion gazeuse.

Les convives sont tous à l’heure. En trinquant avec un Champagne Krug 1979 je peux donner les « consignes » aux trois nouveaux. Nous sommes huit, avec une condamnable absence de parité.

Le Champagne Krug 1979 a une jolie couleur d’un ambre clair et le premier contact montre une acidité très présente mais je préviens mes convives que les amuse-bouches vont effacer cette acidité. Et c’est le cas, avec des huîtres merveilleuses et des bulots fumés comme je n’en ai jamais mangés. Le champagne est large et opulent, bien typé et c’est un des meilleurs 1979 que j’aie eu la chance de boire.

Voici le menu du repas. Le début de l’intitulé est souvent lié aux suggestions que j’ai faites, et à partir du mot « pour », c’est le génie du chef qui donne au plat une cohérence gustative et un supplément d’âme :

Sandre / chair d’araignée / caviar pour vinaigrette « berlugane »

Homard / choux brulés / pinces pour soupe  »vigne cardinale »

Ris de veau / carottes fondantes pour jus condimenté « dévoyé »

Rouget / céleri / crocus pour bouillon « bravade »

Pigeon / pomme de terre / Peranzane pour sauce « olive giboyeuse »

Bleu ciré dans le vaisselier lacté

Composition satinée pamplemousse / mangue / crème lactique / safran pour sauce « esquisse rose »

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1981 est très différent du Krug 1979. On le sent plus complexe, plus raffiné, plus noble. Le 1979 est un fonceur, le 1981 est un esthète. C’est d’ailleurs l’un des Clos du Mesnil que je préfère, après le légendaire 1979. Le plat gourmand est large et idéal pour ce fin champagne.

Le homard côtoie deux vins. Le Château Laville Haut-Brion Blanc 1950 a une couleur très claire comme le plus souvent pour ce vin qui ne bronze pas avec l’âge. Le nez est impérial et riche et en bouche, le vin est un festival de saveurs riches et inhabituelles. On aurait du mal à dire que c’est un bordeaux blanc tant ses richesses ressemblent à celles d’un Hermitage blanc. Je suis conquis par l’originalité de ce vin qui me semble meilleur que ce qu’aurait donné un Haut-Brion blanc du même âge.

Le Riesling Léon Beyer vers 1950 a hélas un nez de bouchon. Même si le vin n’a pas de goût de bouchon, on est mal à l’aise avec son parfum. C’est pourtant un beau riesling cohérent et minéral, mais le cœur n’y est pas. Le homard est une merveille et embellit le Laville.

Le Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997 n’a pas l’approche tonitruante de certains millésimes riches de ce vin, mais il a la belle sophistication des Corton-Charlemagne d’un domaine qui porte cette appellation au firmament. L’association avec un ris de veau est mon idée et comme au rugby, c’est Arnaud Donckele qui a transformé l’essai avec une sauce à se damner. L’accord est parfait.

Le Pétrus 1989 a un nez impressionnant. Quelle richesse de truffe et de charbon ! En bouche il est tout simplement miraculeux. Un ami présent avait bu avec moi au Château de Saran un Pétrus 1990. Ce 1989 est transcendantal par rapport à son cadet. C’est un vin sublime qui justifie pleinement la réputation dont jouit Pétrus. On est au nirvana et le rouget traité par Arnaud est de la consistance qui fait le génie de cette association qui est une de mes coquetteries. Un rouget servi après un ris de veau n’est pas banal et ce fut réussi.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 est d’un des millésimes que je préfère pour La Tâche, le plus grand étant 1962. Le parfum de ce vin n’est pas aussi puissant que ce que j’attendais. C’est un grand vin, en possession de tous ses moyens, mais il a du mal à m’émouvoir après la prestation du Pétrus. Le pigeon est absolument magique, interprété de la plus belle façon. L’accord avec La Tâche est particulièrement réussi.

Le Château d’Yquem 1947 va accompagner deux services, celui du fromage bleu et celui du dessert. Arnaud Donckele a défendu son choix du fromage bleu ciré, mais ce choix qui a été fait par curiosité ne m’a pas fait changer d’idée : Stilton est le fromage qui convient aux vieux Yquem. Ce sera une occasion de nous revoir pour tester les deux. Il y a dans le bleu ciré du gras qui ne colle pas au sublime Yquem. Ce qui me fascine toujours avec ces Yquem légendaires c’est que tout en eux est parfait. Le dessert où le pamplemousse rose est le guide est une merveille.

Nous nous rendons dans le fumoir pour goûter le White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862. Arnaud est très fier de cette possibilité de fumoir et il a raison. Nous bavardons avec Arnaud Donckele et c’est un plaisir et un privilège de discuter avec lui de gastronomie. Le Constantia est dans son registre aussi parfait que ne l’est l’Yquem 1947 en lequel tout est dosé pour notre bonheur. Le gras de l’Yquem, sa sucrosité, sa longueur appartiennent aux plus grands des Yquem et à mon goût ce 1947 surpasse le 1921 si chéri des experts.

Le Constantia est tout en douceur, avec des saveurs et des odeurs de mille et une nuits. J’avais demandé des financiers nature et à la rose et ceux que le pâtissier a réalisés mettent en valeur la grâce de ce breuvage divin que Napoléon adorait.

Cela fait trente ans que je ne fume plus, mais j’ai gardé des boîtes à cigares. J’en ai apporté une pour que mes amis et moi fumions ces reliques qui les étonnent car les cigares sont loin d’être secs. J’ai aussi apporté un Rhum de la Martinique Nady années 50 / 60 absolument délicieux et typé avec des petites notes vanillées, qui est un bonheur pour déguster les cigares.

Dans le fumoir nous avons voté pour les vins sans inclure le Rhum. Trois vins seulement ont été classés premiers : Pétrus 1989 a eu quatre votes de premier, La Tâche a eu trois votes de premier et le Constantia a eu un seul vote de premier, le mien.

Le classement du consensus est : 1 – Pétrus 1989, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 4 – Château d’Yquem 1947, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1981, 6 – Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 1997.

Mon classement est : 1 – White Constantia J.P. CLOETE Afrique du Sud # 1862, 2 – Pétrus 1989, 3 – Château d’Yquem 1947, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990, 5 – Château Laville Haut-Brion Blanc 1950.

Un tel repas avec la complicité d’un chef du talent d’Arnaud est la récompense de ma démarche gastronomique. C’est ce dont je rêve et nous l’avons fait. Arnaud est le prince des sauces mais pas seulement, car l’architecture du repas a été parfaite.

Les vins se sont montrés très grands. Les accords ont été pertinents. J’ai un petit faible pour rouget et Pétrus, pigeon et La Tâche, dessert et Yquem. Le service a été d’une grande justesse. Ce repas devrait être canonisé au Panthéon de la Gastronomie. C’est un immense bonheur. Merci Arnaud.

la lie de La Tâche

Constantia choisi dans la collection

les vins dans ma cave

les vins dans le fumoir du restaurant

l’entrée de l’hôtel

la salle à manger

la petite pièce où sont gardées des vaisselles de « grand-mère »

la vue sur la Seine

les plats

252ème repas dans la maison du sud lundi, 16 août 2021

Depuis une quinzaine d’années, le dîner du 15 août est un point culminant gastronomique de notre été. Deux amis ayant déménagé à plus d’une centaine de kilomètres, j’ai estimé plus prudent de faire ce repas non pas à dîner mais à déjeuner. Nous serons six dont cinq qui boivent du vin.

La mise au point du menu de ce repas ayant donné lieu à tellement de soins et fut une telle réussite qu’il me paraît justifié que ce repas soit compté comme un des dîners de wine-dinners. Ce sera donc le 252ème dîner.

Le repas va commencer après l’apéritif par un foie gras composé par ma femme, avec des gouttes de Porto Quinta do Noval 1964 et des gouttes d’un cognac millésimé 1925. Il y aura ensuite des langoustines cuites à la seconde près, avec une goutte d’huile d’olive associée à une trace de mandarine.

Le clou du repas sera le bœuf Wagyu qui accompagnera trois vins rouges. Du fromage suivra et les dessert sera une tarte Tatin. Le choix des plats a influencé le choix des vins mais l’inverse s’est produit en de nombreuses occasions.

Le matin du 15 août, à 8 heures commence la séance d’ouverture des vins. Le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002 a un nez relativement fermé mais devrait s’épanouir. L’ami qui a apporté le Château Latour sans étiquette et de niveau entre mi et basse épaule avait suggéré qu’il s’agisse d’un 1972. En fait, en scrutant la capsule du Latour qui a toujours le millésime – belle tradition – on peut deviner 1953 et le bouchon de belle qualité confirme 1953. Le nez est lui aussi un peu fermé mais l’on sent un vin riche.

Le niveau dans le goulot de la Côte-Rôtie La Mouline 1984 est impressionnant, si proche du bouchon. Le nez du vin est subtil et délicat. A l’inverse, le nez du Penfolds Grange 1991 au niveau aussi exceptionnel est une bombe olfactive. Le nez de l’Yquem 2004 est d’un charme fou.

Un peu après 9 heures les vins sont ouverts et il me semble opportun d’ouvrir dès maintenant le magnum de champagne Salon 1999, dont le bouchon a failli m’échapper des mains, tant sa force d’explosion est grande. Le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2011 est le seul vin que j’ai ouvert à 11 heures.

Je me félicite d’avoir deux armoires à vins qui permettent de garder à bonne température les vins ouverts, 15 ° pour les vins rouges et les sauternes et 8 ° pour les vins blancs et champagnes. C’est absolument indispensable de garder les vins ainsi car nous sommes en pleine canicule avec un soleil étouffant. Il faut donc servir les verres et vite remettre les bouteilles au frais.

L’apéritif commence selon un tout nouveau rite : manger une ou deux fraises puis boire le champagne. Avec le Champagne Salon magnum 1999 cela marche à la perfection car le champagne s’imprègne de la fraîcheur de la fraise, alors qu’à mon grand étonnement, cela n’avait pas marché avec le magnum de Dom Pérignon 1992. Viennent ensuite des anchois, des sardines, de la poutargue, du jambon Jabugo, une crème d’artichaut tartinée sur du pain, une anchoïade, des chips à la truffe et une originale combinaison de burrata avec des coquilles Saint-Jacques crues. Ce qui est fascinant, c’est de voir l’adaptabilité du Salon, à l’aise sur toutes les saveurs. C’est un champagne encore jeune mais très solide et qui deviendra dans vingt ans une référence de Salon. Il avait commencé sa vie dans une timide discrétion et depuis il a acquis sérénité et solidité. C’est un grand champagne.

Avec le foie gras, le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 22 septembre 2011 montre une personnalité affirmée. Très typé il me plait beaucoup et je le consacrerai dans mes votes. Avec le foie gras si doux il s’exprime de façon tonitruante. Il a acquis une maturité idéale et son expression est digne des meilleurs champagnes de Selosse, et le délai de dix ans entre dégorgement et dégustation me semble idéal.

Les langoustines sont idéalement cuites, à la seconde près et nous pensons tous que ma femme a réalisé un plat qui vaut trois étoiles. Une goutte d’huile parfumée de mandarine ajoute une petite touche qui colle parfaitement avec le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2002. Au premier abord le vin est marqué par un goût de bouchon, qui ne se retrouve pas en bouche. Et ce nez de bouchon va disparaître très vite. Le vin est large, opulent, de belle mâche. J’ai un faible pour les Bâtard-Montrachet que je trouve guerriers. Le plat est absolument divin.

Nous avons acheté sur internet en Belgique deux fois 800 grammes de Wagyu. Ils seront servis en deux fois. Trois vins vont les accompagner. Le Château Latour 1953 a toutes les caractéristiques d’un Latour, avec cette profondeur, cette droiture et un côté incisif. Il est agréable, mais il a un peu souffert de la perte de volume dans la bouteille. Il est agréable mais n’est pas totalement grand.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1984 est d’une couleur clairette. Le vin est tout en douceur, charmant et élégant. Ceux qui feraient des réserves sur le millésime 1984 en seront pour leurs frais, car cette Mouline est le compagnon idéal du Wagyu. L’osmose est parfaite et c’est ce qui pèsera dans la balance au moment des votes.

Le Penfolds Grange 1991 est une bombe olfactive d’une puissance infinie. J’adore un tel vin extrême qui va encore plus loin que Vega Sicilia Unico dans la richesse. Ce vin me passionne. C’est une réussite dans la richesse. Il sera mon chouchou mais il est évident qu’il joue sa partition sans se soucier du Wagyu. Il vit sa vie, parade, alors que La Mouline s’ajuste à la superbe viande fondante qui collaborerait avec beaucoup d’autres vins, dont des blancs et des liquoreux.

Les vins rouges s’accommodent maintenant de fromages divers dont un camembert Jort fait pour le vin australien et de divers chèvres plus amis du bordeaux.

La tarte Tatin accompagne un beau Château d’Yquem 2004 à la robe encore jeune, et l’on s’aperçoit que le choix d’un jeune Yquem est judicieux, car l’Yquem 1989 qui aurait pu être choisi aurait écrasé la tarte de sa puissance. L’Yquem 2004 me semble promis à un bel avenir.

Nous sommes tous aux anges, tant les accords ont été d’une pertinence totale. Nous sommes ravis de la qualité du Wagyu, qui nous poussera à en recommander.

Il est temps de voter. La Mouline Guigal 1984 a eu trois votes de premier et le Penfolds Grange 1991 deux places de premier.

Le classement final des cinq votants est : 1 – Mouline 1984, 2 – Penfolds 1991, 3 – yquem 2004, 4 Latour 1953, 5 – Initial Selosse, 6 – Bâtard-Montrachet 2002.

Mon classement est : 1 – Penfolds 1991, 2 – Initial Selosse, 3 – Mouline 1984, 4 – Salon 1999, 5 – Yquem 2004.

la bouteille du Latour n’a pas d’étiquette. Le millésime est visible sur la capsule et sur le bouchon

251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur dimanche, 20 juin 2021

Il y a trois jours, j’avais livré les vins du 251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur, ce qui m’avait permis de renouer avec la cuisine d’Alain Pégouret, le chef avec lequel j’ai fait le plus grand nombre de mes dîners, car il était le chef du restaurant Laurent. De bon matin, vers 8 heures, j’ouvre dans ma cave neuf millésimes consécutifs du Château Corbin-Michotte, Saint-Emilion, de 2010 à 2018, car j’ai prévu pour les convives du déjeuner de faire ensuite avec moi la dégustation verticale de ce vin. Mes convives ne sont pas prévenus.

J’arrive ensuite vers 9h30 au Sergent Recruteur pour ouvrir les vins du déjeuner. Le Corton Grèves 1919 a été certainement reconditionné puisque l’étiquette porte « appellation contrôlée » mention qui n’existait pas à cette époque. Je pensais à un rebouchage du domaine Louis Latour dans les années soixante, mais le bouchon est venu en tellement de morceaux que le rebouchage est sans doute plus ancien. Le plus beau des bouchons est celui du Rota 1858, tout petit, d’un liège exceptionnel, la bouteille n’ayant rien perdu de son volume en 163 ans. Tous les parfums sont parfaits les plus beaux étant celui du Rota 1858, du Bâtard-Montrachet 1990 et du Porto 1872. Je fais sentir les vins à Norman le sommelier et à Benjamin chef de salle. J’ai apporté en cuisine le Rota 1858 et le Porto 1872 afin que le chef et son équipe voient comment orienter les sauces et les saveurs en fonction de ce qu’ils sentent.

Il se trouve que j’ai vécu deux ans dans l’île Saint-Louis, aussi, les ouvertures faites, j’ai flâné dans l’ile et j’ai pris une bière sur la terrasse d’un café en ayant Notre-Dame en face de moi. L’esprit « Ile Saint-Louis » est revenu me charmer. Un moment de grand bonheur.

Nous sommes six à déjeuner dont seulement cinq buveurs. Un seul est nouveau dans ce repas. Le menu mis au point il y a trois jours et créé par le chef Alain Pégouret est : rillettes de maquereau sur toast et bâtonnet de comté / tourteau en gelée de homard / turbot cuit à la nacre / homard rôti, sauce des sucs à peine caramélisés, panisse / bouillon de poule / volaille culoiselle rôtie à l’ail noir / pigeon rôti, jus de pigeon / la cerise gourmande, chantilly à la fleur de sakura.

J’avais ouvert les champagnes une heure trente avant le service et le 1973 m’avait offert un joli pschitt alors que le 1961, du fait d’un bouchon trop recroquevillé était resté muet. Le Champagne Dom Pérignon 1973 est dans un beau stade de son évolution. Il est expressif, suggérant plus qu’il n’affirme, avec de jolies subtilités. Les toasts aux rillettes excitent délicieusement ce champagne raffiné.

Le Champagne ‘Perfection’ Jacquesson 1961 est beaucoup plus marqué par l’âge. Il faut s’acclimater à ses goûts tertiaires et alors le miracle se produit grâce à la gelée du tourteau qui donne un coup de jeune au champagne qui devient délicieux. C’est, je crois, le plus bel accord du repas, Alain Pégouret étant depuis toujours le prince des tourteaux.

Le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 a un nez irréel. D’une puissance incroyable, celle des grands Bâtards. Le turbot est cuit à la perfection et la pomme de terre comme la sauce forte auraient dû être mis en sourdine pour laisser la place à l’accord divin de la chair du poisson avec le vin puissant riche, au fruit généreux.

Le Rota vin d’Espagne 1858 est une apparition divine. Vif comme un madère, chaleureux comme un de mes vins de Chypre de 1845, ce vin est l’expression du bonheur absolu. Tout est en charme, mais un charme conquérant. Avec le homard, nous vivons une extase d’autant qu’il est copieux.

Après ce moment de grâce absolue, il fallait que le palais se repose. C’est Alexandre de Lur Saluces qui m’avait dit que lorsqu’un liquoreux apparaît en cours de repas, il faut boire une tasse de bouillon de poule et le palais est prêt à affronter les rouges. Ce fut fort judicieux et c’est ce que nous avons fait.

Le Château Branaire Saint-Julien 1947 est remarquable. Son nez est subtil et raffiné, sa bouche est pleine de charbon et de truffe laissant une belle empreinte avec un finale précis. La volaille a une mâche d’une douceur infinie qui convient au vin.

Le Corton Grèves Louis Latour 1919 est certainement la plus grosse surprise pour tout le monde. Comment un vin de cent deux ans peut-il avoir une telle prestance ? Il est vif, précis, charmeur et délicieusement bourguignon avec une belle râpe que j’aime dans le finale. Le pigeon est délicieux et l’accord, classique, se trouve idéalement. Ce vin est une vraie synthèse de l’esprit bourguignon.

Lorsque nous avions bâti le menu il y a trois jours, Alain Pégouret avait suggéré que nous utilisions son dessert à la cerise, ce qui me paraissait logique. A l’ouverture, le Nectar Do Douro J.A. Simoés 1872 sentait la cerise ce qui a réjoui l’équipe de cuisine. Le Porto servi dans les verres est clairet, d’un rose pâle, ce qu’on ne pouvait soupçonner car la bouteille est opaque. Il s’agit donc d’un porto blanc d’une douceur exaltante. Quel raffinement. Les cerises se marient avec le vin dont l’alcool est plus sensible que celui du Rota 1858, et la chantilly est plutôt une gêne pour l’accord. C’est sur la cerise pure que le vin de 149 ans s’épanouit.

Il est temps de voter. Nous sommes cinq à voter pour nos cinq préférés de sept vins. Trois vins ont été nommés premiers, le Rota 1858 trois fois, le Dom Pérignon 1973 une fois et le Corton 1919 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 4 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961, 5 – Champagne Dom Pérignon 1973, 6 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872.

Mon vote est : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872, 4 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 5 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961.

La suite du programme se fera dans ma cave. Le repas a été particulièrement brillant par la qualité des produits, des cuissons et des sauces et les vins ont été tous dans un état d’absolue perfection.

Après l’ouverture matinale des vins j’ai arpenté l’île Saint-Louis où j’ai vécu de 1965 à 1967. Période divine

dîner du 210618 SERGENT RECRUTEUR 251ème

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 16 juin 2021

Le 251ème repas, le dernier avant les vacances, était prévu sous forme d’un déjeuner dans ma cave. Mais les restaurants sont de nouveau ouverts et ne sont plus disponibles pour réaliser des repas privés. Les vins qui sont prévus méritent autre chose qu’une dinette aussi est-ce l’occasion de reprendre contact avec Alain Pégouret, le chef qui a fait la cuisine pour le plus grand nombre de mes dîners. C’était au restaurant Laurent. Il officie maintenant « chez lui » au restaurant Le Sergent Recruteur. Je vais apporter les vins du futur déjeuner et j’en profite pour inviter des personnes avec lesquelles j’envisage des événements pour le deuxième semestre 2021. Nous sommes quatre.

Alain Pégouret est tout souriant et nous allons voir dans sa façon de cuisiner à quel point il est heureux chez lui. Sur ma suggestion nous prenons tous le menu dégustation qui est ainsi rédigé : amuse-bouche / mise en bouche / truite irisée au goût légèrement fumé, crème fouettée au sirop d’érable, marmelade citron, cardamome et condiments / girolles juste saisies, lasagne et jaune d’œuf à peine coulant, relevé par une écume poulette Yuzu et craquelin / volaille Culoiselle rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha / cerises gourmandes sur un biscuit moelleux, au pain d’épices, chantilly à la fleur de Sakura, glace au lait d’amande.

Le premier champagne est un Champagne l’Ame de la Terre Françoise Bedel 2002. Pour un champagne de femme, je le trouve sacrément musclé et incisif. C’est le pinot noir qui lui donne un côté cinglant. J’adore ce champagne sans concession et très gastronomique. Avec l’amuse-bouche où trône une moule sur une délicieuse salade crémée, le champagne fait des merveilles. Il a besoin de mets pour s’exprimer.

Le Champagne La Colline Inspirée Blanc de Blancs Jacques Lassaigne sans année est l’opposé du précédent, tout en charme et douceur. Heureusement les champagnes ont été servis dans cet ordre. La truite est divine et le vin brille. C’est un plat osé qui explore des saveurs abruptes et on sent à quel point le chef est libre. Les girolles s’accordent aussi mais pourquoi ne pas essayer aussi le Bandol Cabassaou Domaine Tempier 2006 ? Ce vin est une merveille d’équilibre, carré, droit et persuasif. Quel vin agréable. La volaille est divine. Nous sommes d’accord autour de la table de penser que ce restaurant doit avoir au plus vite deux étoiles. Le chef paraît tellement à son aise et heureux qu’il ose des saveurs passionnantes.

Il y a à notre table un chocolatier célèbre et un des objets du déjeuner est de voir comment nous pourrions faire des événements autour du chocolat et de vins antiques. Aussi ai-je apporté une bouteille entamée depuis des mois, un Tokaji des années 1860 et daté postérieurement avec Christie’s comme étant autour de 1840. Dans les mignardises il y a des palets au chocolat ce qui nous permet de vérifier que le doucereux si complexe de ce Tokaji est un bonheur sur du chocolat.

Je suis ravi d’avoir retrouvé Alain Pégouret dans ce restaurant. Il est heureux, il fait une cuisine de haute qualité. Nous avons bâti le menu du 251ème repas. Je pense que ce sera une réussite.

Déjeuner au siège du champagne Salon samedi, 22 mai 2021

Le lendemain du dîner au château de Saran, nous nous dirigeons vers Le Mesnil-sur-Oger pour déjeuner au siège du champagne Salon. Lorsque j’avais organisé le dîner à Saran, j’avais proposé à mes amis d’ajouter une suite avec ce déjeuner que Didier Depond, président de Salon et Delamotte avait accepté de tenir.

J’avais demandé à chacun d’apporter un grand vin et l’un des amis avait livré nos bouteilles une semaine avant. Didier Depond a accepté d’ouvrir nos vins aux aurores.

Il fait beau lorsque nous arrivons au siège de Salon aussi, après une succincte visite de cave au cours de laquelle Didier Depond a fait dégorger à la volée une bouteille de Salon 2012, vin qui sera commercialisé à l’automne 2021, nous buvons dans le jardin, dont les vignes sont de la parcelle historique de la propriété d’Aimé Salon, le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2014 qui lui aussi sera commercialisé prochainement.

Les Delamotte Blanc de blancs sont des champagnes très agréables et frais et ce 2014 promet d’être grand. Il est maintenant déjà très large et plaisant. De belles gougères mettent en valeur ce jeune et beau champagne.

Nous passons à table et le menu a été conçu et réalisé par le chef du restaurant Royal Champagne, Jean-Denis Rieubland : verrines de tourteau à l’avocat / turbot de ligne rôti aux asperges et agrumes / volaille de Bresse aux morilles / comté, parmesan, chaource et camembert / tarte sablée aux framboises, glace vanille.

On nous sert deux champagnes 2012. Le Champagne Salon 2012 dégorgé à la volée en cave il y a moins d’une heure est non dosé et doté d’une belle fraîcheur florale. Une amie chinoise qui est de notre groupe en raffole.

Le Champagne Salon 2012 dosé pour sa commercialisation, donc le 2012 tel qu’il sera proposé, montre déjà une maturité étonnante. Il est prêt à être bu tel qu’il est sans attendre. Son registre est romantique. Nous sommes plusieurs à le préférer au non dosé, mais l’avis de notre amie chinoise ne se conteste pas.

Le Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996 offre un parfum qui n’appartient qu’à ce domaine. Il est d’une puissance extrême, avec une explosion de pétrole tant il est minéral. En bouche il est beaucoup plus cohérent, construit, avec des complexités infinies. C’est un immense bourgogne blanc, de la race des géants. N’étaient ses prix stratosphériques, on en boirait tous les jours.

Le Pétrus 1990 est mon apport. Il est à la fois d’une belle maturité mais encore d’une belle jeunesse, tendu, tranchant et vif. Il évoque la truffe et a un grain d’une belle densité. Je l’aime beaucoup et il s’accorde bien au délicieux turbot.

Le Champagne Delamotte Collection Blanc de Blancs 1970 est un grand champagne qui a été apprécié mais que j’ai trouvé un peu trop fort, trop affirmé.

Le Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994 apporté par l’amie chinoise est d’une grâce infinie, confirmant à quel point le talent d’Henri Jayer fait des prodiges d’élégance. C’est un vin magnifique qui s’accorde bien au poulet.

Le Champagne Salon 1996 est un très grand Salon, riche, puissant, d’un grand équilibre et d’une longueur infinie. Didier Depond nous dit, et cela est intéressant, que tout le monde s’extasie sur le 1996 et que le 1995 n’a pas la même faveur, alors que pour lui, le plus grand est le 1995. Il faudra vite vérifier.

Les fromages s’accordent avec les vins précédents, pour autant que l’on en ait gardé dans son verre. Le Corton Charlemagne reste impérial.

Le Champagne Salon 1964 ne vient pas de la cave de Salon mais de l’apport d’un ami fidèle de mes dîners. Le bouchon superbe laisse échapper une belle explosion gazeuse ce qui indique que ce 1964 a été admirablement conservé. Ce champagne est absolument divin, à la couleur ambrée et très belle, à la bulle active, et se montre d’un charme extrême. Il a des complexités qui n’appartiennent qu’aux champagnes anciens. Je suis aux anges.

La diversité des vins est telle que voter n’est pas facile. Nous sommes huit à voter et deux vins sont dans les huit votes : le Corton Charlemagne et le Salon 1996. Un vin a sept votes, celui d’Henri Jayer et le Pétrus a six votes. Ce qui est intéressant à signaler c’est que le Salon 1964 est celui qui a le plus de votes de premier, avec trois votes de premier mais n’a au total que quatre votes. Ce qui veut dire que les champagnes anciens ne sont pas encore compris par tous les amateurs.

Quatre vins ont été nommés premiers, le Salon 1964 trois fois, le Corton Charlemagne deux fois, tandis que Delamotte 1970, le Vosne-Romanée et le Salon 1996 ont eu chacun un vote de premier.

Le classement du consensus serait : 1 – Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996, 2 – Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994, 3 – Champagne Salon 1996, 4 – Champagne Salon 1964, 5 – Pétrus 1990, 6 – Champagne Delamotte Collection Blanc de Blancs 1970.

Mon vote est : 1 – Champagne Salon 1964, 2 – Vosne Romanée Beaumonts Henri Jayer 1994, 3 – Pétrus 1990, 4 – Corton Charlemagne Jean-François Coche Dury 1996, 5 – Champagne Salon 1996.

Ce déjeuner amical avec Didier Depond dans une ambiance chaleureuse fait partie des moments impromptus, décidés par amitié, qui me vont droit au cœur.

la bouteille de Pétrus 1990 dans ma cave

la vigne primitive de Salon

Didier Depond devant la vigne initiale

la salle de dégustation

en cave. la case des 1964. celui que nous boirons ne vient pas de la cave de Salon

les vins

la couleur du 1964

Didier Depond heureux de ce repas

250ème dîner au château de Saran samedi, 22 mai 2021

Nous quittons Hautvillers, berceau de Pierre Dom Pérignon et nous nous rendons au château de Saran pour le 250ème diner. Du fait du confinement, nous devons respecter des règles de distanciation aussi serons-nous seulement sept à dîner. La table magistrale qui accueillerait volontiers des festins de rois Vikings va nous permettre d’avoir deux mètres de distance entre chacun des convives et ses voisins. Cela n’a gêné en rien l’atmosphère gaie et complice du dîner.

Avant cela, nous prenons l’apéritif au château. Vincent Chaperon maître de cave de Dom Pérignon nous rejoint. Nous buvons un Champagne Dom Pérignon magnum 2008. J’ai un amour particulier pour ce champagne promis au plus grand avenir. Les petits amuse-bouches composés par Marco Fadiga sont comme on peut l’imaginer parfaitement adaptés à ce champagne joyeux, solaire, accueillant.

Nous passons du château au bâtiment annexe où se trouve la grande salle à manger avec sa table imposante.

Le menu composé en collaboration avec le chef Marco Fadiga est : langoustines légèrement fumées et rôties, gel de fleurs d’hibiscus / mousseline de carottes au cumin, huître Sorlut n° 1 pochée / Maklouba d’agneau aux aubergines, coriandre et épices b’Har / pigeon en deux façons, les filets servis avec une sauce sang, mûre et truffe, les cuisses rôties au jus oriental / canard Apicius en deux services, purée de panais / foie gras poché dans un bouillon, sauce café / soufflé aux fruits exotiques, sorbet au pamplemousse, écorces d’oranges amères.

L’Y d’Yquem 1985 a une couleur très claire, à peine dorée et son nez est imposant. C’est un vin riche, avec de légères traces de botrytis qui font tout son charme. 1985 est une année de grande réussite pour Y. L’accord avec les langoustines divinement cuites, c’est-à-dire à peine, est parfait, mais on aurait pu éviter de fumer les langoustines car le fumé asséche l’accord. Ce Y est un grand vin, qui n’aura pas l’honneur des votes, mais on sait que dans des repas très longs, la mémoire oublie les vins du début.

Le Champagne Dom Pérignon P2 2002 est un champagne absolument superbe et épanoui, combinant sérénité et jeunesse. L’accord avec la carotte est particulièrement osé, mais il est réussi et l’imposante huître n° 1 est parfaite pour ce beau champagne.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 avait à l’ouverture un parfum plus discret que celui de l’Y. Il est encore discret mais on va prendre conscience des complexités infinies de ce grand vin. L’accord avec l’agneau est évidemment osé, mais j’adore casser les codes et c’est probablement le plus bel accord de ce repas. Le Montrachet solide et d’un équilibre parfait est un vin glorieux mais peut-être aujourd’hui plus discret que d’autres 2001 que j’ai bus.

Le pigeon en deux façons va accueillir deux vins. Le Château Haut-Bailly 1900 va subjuguer tout le monde. Il a 120 ans, mais aussi bien sa couleur que son goût sont d’une grande jeunesse. C’est un vin solide, construit, puissant et même entraînant tant il nous convainc. Il m’évoque Cary Grant, l’acteur qui fut séduisant et élégant à tous les âges de sa vie.

Le Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1966 est une splendeur absolue. La décennie des années 60 est certainement la plus belle décennie pour les champagnes et pour Dom Pérignon, et au sein de cette décennie, 1966 est l’année que je préfère. Quel grand champagne que j’adore, même si mon cœur a tendance à pencher vers les dégorgements d’origine. L’association d’un vin rouge et d’un champagne sur le même plat est inhabituelle. Ils ne se fécondent pas, mais leur association est plaisante.

Pour le canard Apicius, on a fait deux présentations puisque là aussi il y a un vin rouge et un champagne. Le Château Lafite-Rothschild 1961 est solide et carré, exhalant la truffe et le graphite, mais n’atteint pas le niveau des plus grands Lafite 1961 que j’ai eu l’occasion de boire.

Le Champagne Dom Pérignon Rosé P3 magnum 1988 est un grand cadeau que nous a fait Vincent Chaperon, comme le légendaire 1966 bu sur le pigeon. C’est un rosé abouti, complet, inspiré. Le canard l’épouse sans condition.

J’ai estimé un jour que le plat qui met idéalement en valeur une Romanée-Conti est un foie gras poché dans un bouillon de légumes, et servi sans son bouillon. Il se trouve que j’ai un amour particulier pour le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915. C’est un vin que j’ai bu treize fois et que j’ai mis dans mes dîners huit fois. Sept fois sur huit je l’ai mis dans les trois premiers de mon classement. Mon amour pour lui est donc justifié. Il méritait de bénéficier de l’association avec le plat que je réserve aux Romanée-Conti. Ce fut une bonne idée car le chef l’a remarquablement exécuté. Le vin est intemporel. Il est droit, carré mais en même temps subtil et complexe. C’est un bourgogne de plaisir. Il est raffiné. Je l’adore comme on le verra dans les votes.

Le Château Guiraud Sauternes 1893 est d’une bouteille ancienne superbe, n’a pas d’étiquette mais la capsule et le bouchon renseignaient sur son nom et sur son année. Le niveau dans la bouteille était presque dans le goulot. Sa couleur est plutôt claire, tendant vers le rose. Son parfum est infini. On peut dire que c’est un sauternes parfait, d’une année mythique. Le soufflé est absolument divin. Un détail est amusant. Lorsque j’étais venu il y a une semaine vérifier certains plats avec le chef, j’avais eu l’opportunité de goûter cet excellent soufflé. Mais il était copieux. Aussi avais-je demandé au chef de réduire la taille du soufflé. Ce qui fut fait. Mais un des convives ayant adoré ce plat a demandé s’il pouvait en avoir un peu plus et toute la table a eu un deuxième service du soufflé. Le chef avait donc vu juste lors de mon essai. L’accord Guiraud et soufflé est divin.

Vincent Chaperon a fait ajouter à notre programme un Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1975 d’une extrême élégance, ponctuant parfaitement ce repas.

Il est temps de voter, chacun désignant ses cinq vins préférés. Il est intéressant de constater que trois vins ont eu 7 votes des 7 participants, et ce sont les trois vins centenaires, le 1900, le 1915 et le 1893. Cette concentration de perfection pour des vins antiques a remis en cause beaucoup des repères de Vincent Chaperon qui n’imaginait pas de telles performances de la part des vins anciens. Les trois vins qui ont eu des votes de premier sont le Haut-Bailly 1900 trois fois, le Dom Pérignon 1966 deux fois, comme le Nuits Cailles 1915.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Haut-Bailly 1900, 2 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, 3 – Champagne Dom Pérignon P3 1966 magnum, 4 – Château Guiraud Sauternes 1893, 5 – Champagne Dom Pérignon P3 1975 magnum, 6 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001.

Mon vote est : 1 – Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915, 2 – Château Haut-Bailly 1900, 3 – Champagne Dom Pérignon P3 1966 magnum, 4 – Château Guiraud Sauternes 1893, 5 – Champagne Dom Pérignon P3 1975 magnum.

Les accords mets et vins ont été extrêmement pertinents et comme l’un des fidèles participants l’a dit, il aime lorsque l’on casse les codes. Ainsi la mousseline de carottes au cumin avec le Dom Pérignon 2002, le foie gras poché avec le Nuits Cailles sont de belles tentatives. Le plus original et sans doute le plus bel accord est celui de l’agneau avec le Montrachet, mais la langoustine divine avec l’Y ou le soufflé avec le Guiraud pourraient relever le défi du plus bel accord.

L’ambiance chaleureuse et enjouée fut parfaite. Merci à Dom Pérignon d’avoir permis de faire ce dîner au château de Saran. Mon plus grand sujet de fierté est que les trois vins centenaires de ce dîner ont été au sommet de leur art au point qu’ils obtiennent au final les places de premier, deuxième et quatrième. Il fallait un 250ème dîner brillant. Il le fut.

Nous avons prévu de refaire un dîner au château de Saran avec un nombre plus important de convives. Appelons-le pour l’instant : le « 25ème déconfiné ».

Le chateau :

mes vins en cave

mes vins dans la cuisine du château de Saran

l’étiquette du Haut-Bailly 1900 faite pour une vente caritative au profit du sauvetage de Venise est identique à celle du Mouton 1918 dont l’étiquette figure en haut et à gauche de la première page de ce blog.

superbe bouteille de Nuits Cailles 1915

 

Ouverture des vins du 250ème dîner et dégustation à Hautvillers samedi, 22 mai 2021

J’arrive à 13h30 au château de Saran à Chouilly pour ouvrir les vins du dîner. Si je suis en avance, c’est parce qu’à 16 heures, nous aurons une dégustation de Dom Pérignon à Hautvillers. Je commence les ouvertures. Beaucoup de bouchons vont se sectionner, sans que des miettes ne tombent dans le liquide. Le parfum du Y d’Yquem 1985 et beaucoup plus intense que celui du Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2001 ce qui est inattendu.

L’objet de tous mes soins est le Château Haut-Bailly 1900. La bouteille vient de la cave de la maison Nicolas, qui a mis une étiquette spéciale pour une vente caritative organisée pour le sauvetage de Venise en 1972. Il est donc probable qu’elle ait été reconditionnée pour cette vente. Le niveau est beau et le parfum est superbe.

Le plus beau parfum est celui du Château Guiraud 1893, au bouchon d’origine, au niveau parfait et à la couleur rose orangée plutôt claire pour ce millésime, ce qui n’a pas atténué la puissance des fragrances infinies.

Marco Fadiga le chef du château m’a préparé un petit casse-croûte. Tout me semblant en ordre, je me dirige vers Hautvillers où nous serons reçus par Marie-Philomène qui nous fera visiter l’église d’Hautvillers, où reposent Dom Pérignon et Dom Ruinart et nous racontera des anecdotes de la vie du moine visionnaire, Dom Pérignon.

Daniel Carvajal Pérez est un jeune colombien qui travaille avec Vincent Chaperon, le chef de caves de Dom Pérignon. Il est responsable du patrimoine œnologique. Il va mener notre dégustation avec beaucoup de talent et d’empathie.

Le Champagne Dom Pérignon 2010 a un nez superbe et une bulle fine. Le nez est racé, salin, avec un peu de floral. Il se caractérise par sa grâce, sa finesse et sa générosité. Son finale est frais comme un bonbon anglais.

Nous avons côte à côte le Champagne Dom Pérignon 2002 d’origine et le Champagne Dom Pérignon P2 2002, dégorgé il y a environ cinq ans (P2 voulant dire deuxième plénitude, dégorgé généralement une quinzaine d’années après la version d’origine). Le 2002 d’origine, appelons-le P1 est fabuleux, plus que le P2. Le P1 est glorieux et le P2 est très élégant. Daniel estime que le P2 vieillira mieux ce qui donne lieu à des discussions passionnantes et souriantes, parce que je ne suis pas de son avis.

Ensuite le Champagne Dom Pérignon P1 2000 est associé au Champagne Dom Pérignon P2 2000. Celui d’origine évoque le miel et il est plus difficile à comprendre, alors que le P2 est plus frais, plus agréable. Daniel nous dit que 2000 est un millésime Janus, qui a deux visages et je préfère le P2 au P1, contrairement au millésime 2002. Le 2000 P1 est moins cohérent et le P2 gagne par sa fraîcheur.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1996 est très frais, floral, fait de fleurs blanches et de citron. En bouche des fruits exotiques apparaissent. C’est un vin fin et précis. C’est un très bon champagne.

Nous avons ensemble le Champagne Dom Pérignon rosé 2006 et le Champagne Dom Pérignon rosé 2005, les deux étant de dégorgement d’origine. Le 2006 est peut-être un peu fort pour un rosé. Le 2005 est plus salin plus timide et plus frais mais il manque un peu d’affirmation.

Le Champagne Dom Pérignon rosé P2 1996 a un nez très beau et un bel équilibre. C’est un vin élégant.

Nous goûtons maintenant à l’aveugle un champagne de belle bulle, ancien, ce doit être un P3. Il a du charme, des fleurs séchées et des agrumes frais. C’est un Champagne Dom Pérignon P3 1970 à la complexité parfaite.

Mon classement est : 1 – 1970 P3, 2 – 2002 P1, 3 – 1996 P2, 4 – 1996 rosé P2. Le plaisir a été grand et amplifié par la qualité des commentaires de Daniel, qui a une belle vision de ce grand champagne.

Il est temps de repartir au château de Saran pour le 250ème diner.

L’église d’Hautvillers :

la tombe de Dom Pierre Pérignon