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Déjeuner suite à une énigme sur Instagram dimanche, 21 mai 2023

Il y a quelques années, j’avais mis sur les mails d’envoi de mes bulletins des énigmes, pour que les lecteurs s’amusent à chercher les réponses, avec pour récompense de déjeuner avec moi autour de grands vins. J’ai repris cette idée sur Instagram pour animer le dialogue avec des abonnés de tous pays.

La récente énigme datait du 27 février 2023. Les réponses furent extrêmement rapides et elles favorisaient les français par rapport aux américains qui se lèvent beaucoup plus tard. Johan était le premier vainqueur, puis Pierre qui me connaît bien et avec Pierre-Antoine, je voulais figer la liste des gagnants, car la récompense prévue était un déjeuner pour lequel j’apporterais un vin du domaine de la Romanée Conti.

Peu de temps après, voulant vider ma messagerie des spams reçus récemment, je vois qu’Adrian, un espagnol, avait répondu avant Johan. Je n’allais pas dire à Pierre-Antoine qu’il ne serait pas invité aussi quatre personnes furent déclarées gagnantes, un espagnol, un suisse, un français vivant près de la Suisse et un français se partageant entre Paris et la Champagne. Il fallut ajuster les agendas pour que tous se mettent d’accord sur une date. Nous avons trouvé une solution.

Le gagnant espagnol veut apporter deux vins espagnols et je lui suggère de n’en apporter qu’un. L’ami français (avec qui je déjeunais hier autour de son Montrachet 1926) veut apporter un vin. J’ai donc rempli ma musette de plus de vins qu’il ne faut, et je choisirai en fonction des apports.

L’enjeu était de boire une bouteille de la Romanée Conti, mais avec quatre gagnants il me semble qu’il en faut deux.

A 11 heures j’arrive au restaurant Pages où je suis accueilli par de larges sourires de l’équipe qui travaille en cuisine. Je commence l’ouverture par La Tâche 1963 et en enlevant la capsule, se libère une masse poussiéreuse noire. Le bouchon que je tire se soulève et exhale une vilaine senteur vinaigrée de serpillère. Masquée par mon silence, c’est une tempête sous mon crâne. Je maugrée. Je me dis : « non pas ça, hier j’ai eu une La Tâche 1956 morte. Pas deux fois ! ». J’enlève le bouchon et je sens le vin. Rien. Pas un seul petit signe de déviation. Le nez est clairement celui d’un vin du Domaine, avec toutes les caractéristiques que j’aime. Comment est-ce possible que l’odeur du bouchon n’ait pas laissé de trace dans le vin, je ne sais pas, mais je fais : « ouf ».

L’ouverture de l’Echézeaux 1989 est beaucoup plus facile et sans incident. Des deux vins d’Adrian je choisis le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 dont le parfum est une merveille.

Le bouchon du Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 me fait souffrir car il y a dans le goulot une telle surépaisseur de verre que le liège vient en mille morceaux. J’ouvre le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 de Pierre qui montre un parfum charmant et je finis par le magnum du Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 au parfum d’une belle intensité.

Selon la tradition nous nous rendons avec trois des gagnants à la brasserie 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés. C’est un rite et un plaisir.

Pendant la séance d’ouverture j’ai mis au point avec le chef Ken le menu en m’inspirant des plats qui sont normalement prévus mais en les adaptant. Après des amuse-bouches délicats il y aura une entrée à base d’artichaut, du cabillaud cru puis du cabillaud cuit avec une sauce au vin rouge, une viande de bœuf en deux cuissons et une gaufre de pomme de terre et petit pois, du wagyu servi simplement sans accompagnement, du saint-nectaire et un original millefeuille grillé à la vanille.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est un champagne d’une simplicité d’approche que j’adore. Tout en lui est lisible, cohérent, rond et agréable. Il est solide et très gastronomique. Il accompagne les amuse-bouches, la composition à base d’artichaut et le poisson cru, et sera pertinent sur l’excellent dessert. Je trouve ce 1996 un peu moins vif qu’il y a quelques années. Il retrouvera de nouvelles énergies.

Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 a une très jolie couleur. Il est franc et droit, et trouve un bel accord avec le poisson cru. Il n’est pas très complexe mais se montre très jeune, pur et plaisant.

Le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 est un vin plutôt léger surtout si on le compare aux trois autres rouges, mais son côté aérien et frais est fort agréable. Son acidité est belle. Il n’a pas d’âge et la sauce au vin du cabillaud va le mettre en valeur. Nous nous faisons plaisir.

Les deux vins de la Romanée Conti sont servis ensemble. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 est absolument divine, et avec Pierre nous convenons qu’elle est encore supérieure à La Tâche 1965 que nous avons adorée hier. Ce vin est idéal, parfait, avec une émotion extrême, tant sa subtilité est infinie. On est dans ce que la Romanée Conti fait de mieux. Aubert de Villaine m’avait dit il y a peu de jours que je trouve dans les petites années des plaisirs extrêmes et ce 1963 est un exemple parfait et convaincant, car les petites années révèlent pour moi d’extrêmes subtilités.

Je sens les gagnants très émus d’entrer ainsi dans le monde de la Romanée Conti. On ne pouvait pas rêver mieux.

Il va se passer quelque chose d’assez extraordinaire avec l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989. Au moment où on le découvre il est droit, carré, solide et facile à lire. Un bon second à côté de La Tâche. Mais il va progresser à une allure incroyable, gagnant en complexité, en largeur, en affirmation, et devient un vin immense, très au-dessus de ce que je pouvais imaginer, tout en plaisir. Cette ascension sera telle que deux convives mettront dans leur vote l’Echézeaux devant La Tâche pourtant sublime.

Les deux vins étaient agréables sur la viande bœuf mais c’est surtout sur le délicieux wagyu qu’ils s’expriment, le gras de la viande amplifiant toutes leurs subtilités.

Le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 offre un parfum d’une pureté absolue. S’il était seul, sans les bourguignons, on l’applaudirait, car il a une construction parfaite et raffinée. C’est l’excellence du vin espagnol avec une grande finesse. Le saint-nectaire met en valeur sa maturité accomplie.

Le millefeuille très original redonne au champagne l’occasion de nous faire plaisir.

C’est le moment des votes. Trois places de premier vont à La Tâche 1963 et deux places de premier pour l’Echézeaux 1989. Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Champagne Henriot 1996, 4 – Viña Tondonia 1970.

Mon vote est : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Viña Tondonia 1970, 4 – Pavillon Blanc 1979.

L’ambiance de notre table était formidable. C’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. Mes convives étaient aux anges, ravis d’avoir abordé le domaine de la Romanée Conti avec des vins aussi parfaits et émouvants. J’ai fait servir en cuisine un verre de chacun des vins du Domaine et j’ai pu voir à quel point le chef Ken était ému de boire des vins aussi brillants.

A la table voisine, deux chinoises regardaient avec envie les vins que nous buvions. Nous avons bavardé à la fin du repas avec elles. Ce serait assez amusant qu’à la suite de ce contact je puisse faire à nouveau des repas à Pékin.

La cuisine du chef Ken est particulièrement pertinente pour les vins du repas. Je suis content d’avoir créé l’énigme qui m’a permis de rencontrer des amateurs aussi passionnés et conviviaux.

 

Magnifique dîner au restaurant Paul Bocuse dimanche, 7 mai 2023

Thomas a participé à plusieurs dîners dont le 249ème tenu à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët où avaient été servis trois Vosne-Romanée Cros-Parantoux des trois vignerons qui en ont des parcelles, Henri Jayer, Emmanuel Rouget et Méo-Camuzet. On en retrouvera la mémoire dans ce repas.

Il fête cette année ses 40 ans et depuis trois ans il a cherché à rassembler les plus prestigieux vins du millésime 1983 pour faire un repas d’anthologie avec des amis connaisseurs. Il veut le faire au restaurant Paul Bocuse à Collonges-au-Mont-d ‘Or et m’a demandé de prendre contact avec le directeur général du restaurant, Vincent Le Roux, pour mettre au point le menu.
Il souhaite aussi que je définisse les vins du repas ainsi que leur ordre. Hier nous avions dîné pour vérifier la pertinence des plats et mettre en place les derniers ajustements.

Le jour J, j’arrive à 16 heures pour ouvrir les vins et dès mon arrivée le chef exécutif Gilles Reinhardt vient me saluer et m’explique qu’il n’avait pas pu rester hier pour que l’on commente les plats et me dit qu’il a été navré de ce contretemps. J’apprécie énormément qu’il ait eu cette sympathique attitude.

L’ouverture des vins se fait en présence de Thomas et de Maxime Valéry chef sommelier. Les bouchons viennent assez facilement sauf celui du Cheval Blanc 1983 très serré dans son goulot. Le bouchon de La Tâche 1983 vient en charpie car en haut du goulot il y a une surépaisseur de verre qui déchire le bouchon lorsqu’on le tire.

Le plus beau parfum est celui du Chablis Les Clos Dauvissat 1983 en magnum. Sa couleur est belle et ce vin promet.

A 20 heures nous sommes huit et il n’y a que des hommes, amis de Thomas. Nous sommes dans un salon de taille idéale et Maxime Valéry va nous accompagner tout au long du repas et va même participer aux votes en fin de repas.

Le menu préparé par le chef exécutif Gilles Reinhardt qui est MOF est : les amuse-bouches / fine tartelette croustillante, chou-fleur en différentes textures et caviar osciètre royal / quenelles de sandre et homard sauce champagne / omble de fontaine bio, risotto végétal, jus d’arêtes au vin rouge / découverte de l’agneau laiton de l’Aveyron, petits pois à la française / canette des Dombes en deux services / le citron jaune bio, rafraîchi aux feuilles de céleri et agrumes confits aux baies de genièvre.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 magnum à l’ouverture avait explosé et sauté en l’air ce qui est rare pour un champagne de quarante ans, mais dû à la température qu’il avait. Il est servi maintenant un peu chaud mais cela lui va assez bien. C’est un champagne vif, pour lequel la puissance compte plus que le charme. Les millésimes des Dom Pérignon ont tous des personnalités différentes et celui-ci est dans le camp des Dom Pérignon vifs et doux à la fois. Il est large et adapté aux amuse-bouches délicats et subtils.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 montre immédiatement qu’il est plus complexe et plus fin. C’est une autre version du champagne noble. Mais je trouve qu’il manque un peu d’émotion comme un acteur qui récite son texte sans trop de passion. C’est évidemment un grand champagne mais pas au niveau qu’il devrait avoir, comme le démontrera le vin qui suit. La tartelette est un pur régal qui cohabite le mieux avec le Dom Pérignon pour le caviar et le poisson cru alors que le jaune d’œuf avec le caviar trouve un bel écho avec le Krug.

Sonnez, trompettes de la renommée, car arrive maintenant le Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum sur la légendaire quenelle. Le nez de ce vin est irréel tant il est puissant, affirmé et expressif. En bouche, c’est un vin parfait qui exsude des saveurs glorieuses. Nous faisons tous silence pour nous imprégner de ce divin breuvage. Magnifique vin intense, doré et rond, et accord sublime avec l’onctueuse quenelle. C’est un immense moment.

Le Château Cheval Blanc Saint-Emilion 1983 est associé à l’omble qui est un plat que j’adore et que j’avais estimé hier digne compagnon d’un rouge. Le jus d’arêtes est moins intense qu’hier alors que c’est lui qui crée l’accord. Le Cheval Blanc est au sommet de son art, d’une truffe forte et riche et d’une personnalité épanouie. Thomas et Alexander avaient bu plusieurs grands bordeaux de 1983 récemment et le Cheval Blanc avait dominé les autres dont Margaux et Latour qui sont pourtant de solides gaillards. Celui-ci est très grand et n’aura pas la consécration de votes qu’il mériterait dans un autre dîner car comme au rugby, les cinq bourgognes vont faire un barrage infranchissable aux votes finaux pour lui.

L’agneau accompagne les deux premiers bourgognes. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983 apparaît pour certains plus vieux qu’il ne devrait être et ils font mauvaise mine, alors que je me dis : « enfin un vin de mon monde », bien sûr avec humour. Les amis glorifient donc le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1983 alors que je le trouve un peu aqueux et timide. Il va sans dire que les deux sont de très grands vins, mais la force du Roumier associée à une belle maturité même si elle est un peu précoce, me séduisent absolument, alors que la timidité du Rousseau n’arrive pas à me convaincre. L’agneau est absolument superbe et s’affronte au Chambolle-Musigny pour mon plus grand plaisir.

La canette des Dombes est présentée en deux services. Les deux vins d’Henri Jayer seront servis lors de la première étape. La découpe des canettes est faite par Jean-Philippe Merlin, le directeur de salle historique qui a découpé plus de quarante mille oiseaux pendant sa carrière chez Paul Bocuse.

L’Echézeaux Henri Jayer 1983 et le Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983 sont deux vins tellement sublimes et subtils qu’une nouvelle fois il faut se recueillir pour écouter leur message. Tout est en subtilité et les deux vins se montrent extrêmement différents. Un ami voit dans le Cros Parantoux des accents de Richebourg alors que je lui vois des accents de Saint-Vivant, ce qui montre la diversité des goûts. Sept votants mettront le Cros Parantoux devant l’Echézeaux. Je serai le seul avec le sommelier à mettre l’Echézeaux devant le Cros Parantoux. J’ai trouvé une expression virile de l’Echézeaux quasiment parfaite alors que le Cros Parantoux exceptionnel lui aussi n’avait pas la même force de persuasion à mon goût.

Quel cadeau de Thomas d’avoir mis ces deux vins dans son repas d’anniversaire ! Et les deux vins étaient au rendez-vous car malgré ma remarque, nous avons eu devant nous l’expression la plus aboutie de l’âme du vin bourguignon d’exception.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983 est le seul vin non apporté par Thomas. C’est mon cadeau. Il est servi en même temps que la seconde partie du plat de la canette des Dombes, riche et complexe dans sa conception mais de goût généreux. On sait que j’ai tendance à aimer particulièrement les vins que j’apporte mais je crois que j’ai raison en ce cas. Immédiatement ce vin me donne l’impression d’une totale perfection, ce que je n’ai ressenti que pour le Chablis Dauvissat dans ce dîner. Et ce sentiment de perfection me marque. Mon voisin de table aura la même analyse. C’est impressionnant car pour mon goût La Tâche dépasse les quatre bourgognes précédents, malgré leurs immenses qualités. Je ressens l’équilibre, la puissance bien maîtrisée et une fraîcheur rare. Avec le plat en croûte, le bonheur est à son comble.

Il est déjà tard aussi paraît-il opportun que l’on vote au moment où le Château d’Yquem 1983 va être servi. Je propose qu’Yquem ne fasse pas partie des votes pour gagner du temps. Cet Yquem est particulièrement bon et se présente comme une belle synthèse de ce qu’est l’âme d’Yquem, avec un beau botrytis, une grande solidité et une richesse certaine. Il est cohérent dans tous ses aspects et le dessert crée un des plus beaux accords du repas, la délicate meringue faisant saliver l’Yquem.

Pendant que nous buvons l’Yquem, un des deux grooms vient jouer de son orgue de Barbarie, un serveur apporte une assiette avec une bougie allumée et nous applaudissons Thomas pour son anniversaire et pour sa générosité.

Les votes de premier sont concentrés sur trois vins, le Cros Parantoux Henri Jayer ayant quatre votes de premier, La Tâche trois votes de premier et le Chablis deux votes de premier et malgré ce plus petit nombre de votes de premier, ce sera le Chablis qui finira premier car il a reçu des votes de tous les participants, plus le sommelier qui a aussi voté. Tous les vins ont eu au moins un vote.

Le vote du consensus est : 1 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 2 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983, 6 – Champagne Dom Pérignon 1983 magnum.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Chablis Les Clos Dauvissat 1983 magnum, 3 – Echézeaux Henri Jayer 1983, 4 – Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1983, 5 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Roumier 1983.

Ce repas a été un repas d’anthologie. Thomas y a mis tout son cœur. Les plats ont été adaptés en taille et en préparation. Tout a été absolument succulent. La quenelle est légendaire et j’ai un amour particulier pour l’omble. Les accords ont été superbes, le plus beau étant la quenelle avec le chablis, suivi de l’Yquem avec le citron jaune. Le service a été extrêmement attentif à cette expérience rare et Maxime Valéry a fait un service des vins original et précis, en une expérience nouvelle pour lui.

Les équipes motivées et souriantes ont contribué à la réussite d’un très grand repas qu’avec l’accord enthousiaste de Thomas je classe 276ème des dîners dont j’ai participé à la création. Une belle aventure.


mes apports dont des cadeaux

la Tâche sera ma contribution au dîner

les vins du dîner

l’ouverture des vins

le limonaire pour l’anniversaire de Thomas

275th lunch at Plénitude Restaurant dimanche, 30 avril 2023

The 275th wine-dinner event, a lunch, is being held at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant at the Cheval Blanc hotel in Paris. At 9:30 a.m., I go to the hotel entrance and the porter, like the employees in charge of luggage, says to me « hello Mr. Audouze ». I walk through the front door and the person in charge of reception, whom I already know, says ‘hello Mr. Audouze’. The sommelier not being available yet, I ask this charming lady if I can have a coffee. I go up to the seventh floor where there is a bar and they say ‘hello Monsieur Audouze’.

I will learn later that Alexandre Larvoir, the manager of the Plénitude restaurant had a note with my photo distributed to all the places I could go, which explains why I was recognized. It’s fun and it’s a great idea.

As soon as I can, I start opening the wines and the weather conditions must be strong because many corks give the impression of being swollen to the point that I had to use the Durand corkscrew which combines a classic wick with a bimetal which goes up the corks more easily but which I avoid using because the bimetallic strip tears the edge of the corks which is annoying for my collection of corks.

The 1966 Château Carbonnieux Blanc has a pronounced cork nose and what bothers me is that the cork also smells of cork. I will monitor the evolution of this perfume.

The champagnes open easily but the cap of the Dom Pérignon 1966 breaks into a thousand pieces which is unpleasant and has existed for years.

Even with the Durand, the Chablis Rebourseau and Philippon 1923 cork fell apart. Its scent is promising.

The two Bordeaux have absolutely perfect corks and their flavors are superb, that of Haut-Brion 1929 being divine.

The Echezeaux has a cork entirely surrounded by fat and comes whole. The neck is covered with this grease and I clean it with my fingers which turn black. I had a picture taken of my dirty hand. It’s impressive. But what is incredible is that the perfume of the wine is moving as it expresses what makes the soul of Romanée Conti.

I had to use the Durand for the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 as the cork was difficult to eradicate. It is black on three quarters. The nose is more solid and makes me think of the warrior character of Richebourg more than the subtlety of Romanée Conti, but the wine looks great on the nose diagnosis.

The Rayas 1976 has an engaging fragrance and the Yquem 1967 offers a breathtaking bouquet of scents. Malaga 1872 has a heavy wax that is very hard and difficult to remove. The perfume is a journey into the beyond as the sweet and the dry interlace.

All is well except for the Carbonnieux. Two hours later the cork nose has almost disappeared and shortly before the arrival of the guests there is almost no more fault, but not completely.

Arnaud Donckele comes to greet me and tells me that he wanted to integrate my personality into his creation, which must represent our two visions. The opportunities to put his talent at the service of legendary and ancient wines are rare. He appreciates all the more that we intertwine our intuitions.

Guests are punctual. There will be eleven of us, all of the same gender, and my guests come from three countries, England, Germany and Poland.

I present my dinners that none of the guests have practiced and on delicate appetizers we drink Champagne Krug 1989. It has no more bubbles, its color is a summer wheat gold and its personality is triumphant. It is a great harmonious, balanced and joyful champagne. For my guests it is an opportunity to enter a world they do not know, that of old champagnes.

We sit down to eat. The menu created by Arnaud Donckele from our common reflection is: oyster, caviar, agaric for Gratin ‘champenois’ / rabbit, brocoletti, mousseron for vinaigrette ‘Saint-Saëns’ / white asparagus, green mango, herbs for coulis ‘Narcisse’ / red mullet, baker’s, crocus, for ‘one-eyed’ sabayon / veal, morels, walnut for ‘clavelin’ sabayon / pigeon, giblet, herbs for ‘delicacy’ salmis / emotional memory for ‘orchard balm’ juice.

We see that the word ‘for’ exists in the title of each dish, because the flesh or the solid is at the service – so to speak – of the sauce. When Arnaud comes to see us at some point during the meal, he will say: « start with the sauce ».

Champagne Dom Pérignon 1966 is absolutely divine and its sparkling is more pronounced than that of Krug. I drank this vintage of Dom Pérignon 27 times and in my opinion it is the greatest 1966 that I have drunk. What Grace. So much the Krug is in affirmation, so much the Dom Pérignon is in suggestion. The pairing with the oyster is perfect.

I warned my guests that the Château Carbonnieux Blanc Léognan 1966 had a cork nose when opened, and in the glasses whose top is very narrow compared to the opulence of the shape of the glass, the small residual cork nose is amplified. But on the palate, what remains of the cork nose is insignificant on the palate. I had warned that I could open another white wine but no one was bothered to the point that a guest ranked this wine second in his vote.

The Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923 accompanies the Carbonnieux on the rabbit executed in a masterful way. I wanted us to drink a hundred-year-old wine. This Chablis is all about delicacy. He is airy and shows no signs of fatigue. It is not very complex, it is moving. And it creates an agreement with the sauce which is anthological.

One of the guests had said at the beginning of his first contact: « I don’t recognize a Chablis in this wine » and I reassured him because, just as an old champagne is in another world than a current champagne, a century-old Chablis no longer has the characteristics of a young Chablis and what counts is the emotion it provides. Everyone will understand this since this wine will be included in nine out of eleven vote sheets. A success.

I say to my friendly guests: the Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1989 is a return to the world of wine that you know, since it has all the characteristics of a dazzling young wine. In another meal, he would be a winner, he is so brilliant. But here the attention is more towards old wines. I thought of the Montrachets. This Musigny is more incisive and sharp whereas the Montrachets are broader and opulent. Both are expressions of the absolute excellence of white Burgundy wine. The pairing with the asparagus and its sauce is magical.

An anecdote concerning Ausone 1955 and Haut-Brion 1929 which appear now. When I open the wines a few hours before the meal, I don’t taste, to have a slow oxygenation in its purity. I only feel. During lunch, wines are served by the sommelier. I ask him to serve me the first drops so that I can let everyone know if there is a problem. So I drink before the dish is served. But in my meals, the wines are served after the dish is on the table, so that the guests do not drink a wine with the memory of the previous dish. Wine should be drunk after the first bite of the dish designed for him. To inform the guests, I do the opposite. We had just had the asparagus with a green herb sauce. I taste the wines and the smell is not nice and for both wines their finish is too short. So I inform my guests that both wines might have problems and that I will open another wine if they are not satisfied.

I receive my dish, I drink the wines which have not the slightest problem. Everyone enjoyed it and no one asked me to open another wine. This shows the influence of a dish on wine’s taste.

Château Ausone Saint-Emilion 1955 has a very expressive nose and on the palate the wine is strong, powerful, intense and rich. It is a conqueror with a trace of truffle in the middle of the mouth.

Château Haut-Brion 1929 is all nobility with a certain refinement. Its length is superb. Our table will be split in two, with supporters from Ausone and others from Haut-Brion. If Haut-Brion did not shine as much as that, it is because a small veil of dust reduced the pleasure without masking the message of the wine and its nobility. The guests were happy to see that Bordeaux can reach such riches. And what was their surprise to see that these two wines go well with a fleshy and powerful red mullet.

The Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957 which had stained my hands has a nose that I love, which expresses the soul of Romanée Conti wines with salt and rose, these markers that I love. What a moving wine.

The Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 is solid. Its fragrance is rich and its taste like its nose reminds me of the pride of Richebourg. La Romanée Conti can have this facet. But the grace and dazzling finesse of Romanée Conti are also there. It is a very great wine but my heart will go to Echézeaux. The pairing of the two wines with the veal is very subtle.

Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976 is so easy to understand! After four red wines that demand attention, the palate settles into a conformable armchair and listens to a reassuring message, which obviously does not exclude richness and complexity. That’s what the pigeon needed. This wine is great but still quite far from the mythical 1978.

The Château d’Yquem 1967 is splendid. Its fragrance is inimitable. It’s an explosion of scents. I must say that the dessert is absolutely magical and blew me away. We can understand that in a temple that belongs to LVMH we had the opportunity hundreds of times to try perfect pairings with Yquem, but I am still blown away. The 1967 is now more mellowed and plays more on its grace than on its power.

We will see in the votes that my guests, more concerned about entering the unknown world of old wines, will vote less for wines like Rayas or like Yquem because the surprise is less strong.

Alexandre Larvoir tells us that his team will have to prepare the dining room for the dinner that will follow and suggests that we go to the smoking room to taste the Malaga 1872. We therefore voted by drinking the Malaga 1872 which is not part of the wines to be ranked, each voting for their five favorite wines.

Yet the Malaga 1872 deserves our attention, because it combines sweet and salty, sweet wine and dry wine. This kaleidoscopic and confusing complexity is a refined pleasure.

All the wines, without the Malaga, had at least one vote, which makes me happy because each wine was able to be in the top five of at least one voter. Five wines have had the privilege of being named first, Echézeaux four times, Romanée Conti three times, Chablis twice, Krug 1989 once and Rayas 1976.

The ranking of the eleven guests is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 3 – Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Château Ausone Saint- Emilion 1955, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976.

My ranking is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Haut-Brion 1929, 4 – Chablis Supérieur Rebourseau and Philippon 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon 1966.

What pleases me the most is that Chablis came third. It was ranked in the top five by nine out of eleven diners. That a hundred-year-old wine and Chablis achieve such a performance delights me with ease.

The service is always of the highest quality. Maelys, Anaïs and Marion served us remarkably well. They combine professionalism and beauty. As usual Emmanuel Cadieu made a perfect wine service.

For my taste, the best pairing is rabbit with Carbonnieux and Chablis, then asparagus and white Musigny. The most original is the pairing between the red mullet and the two Bordeaux wines.

Placing the rabbit at the top of the meal and before the red mullet is one of the caprices that I appreciate, because I like breaking the codes, and doing it with the complicity of Arnaud Donckele and above all his talent, it’s a Supreme hapiness.

275ème déjeuner au restaurant Plénitude samedi, 29 avril 2023

Le 275ème événement de wine-dinners, un déjeuner, se tient au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc à Paris. A 9h30, je me présente à l’entrée de l’hôtel et le portier comme les employés chargés des bagages me disent ‘bonjour monsieur Audouze’. Je passe la porte d’entrée et la responsable de l’accueil, que je connais déjà, me dit ‘bonjour monsieur Audouze’. Le sommelier n’étant pas encore disponible, je demande à cette charmante dame si je peux prendre un café. Je monte au septième étage où il y a un bar et on me dit ‘bonjour monsieur Audouze’.

J’apprendrai plus tard qu’Alexandre Larvoir, le directeur du restaurant Plénitude a fait diffuser une note avec ma photo dans tous les endroits où je pourrais aller, ce qui explique qu’on m’ait reconnu. C’est amusant et c’est une très belle idée.

Dès que je peux, je commence l’ouverture des vins et les conditions atmosphériques doivent être fortes car beaucoup de bouchons donnent l’impression d’être gonflés au point que j’ai dû utiliser le tirebouchon Durand qui combine une mèche classique avec un bilame qui remonte plus facilement les bouchons mais que j’évite d’utiliser car le bilame déchire le bord des bouchons ce qui est gênant pour ma collection de bouchons.

Le Château Carbonnieux Blanc 1966 a un nez de bouchon prononcé et ce qui me gêne est que le bouchon sent aussi le bouchon. Je surveillerai l’évolution de ce parfum.

Les champagnes s’ouvrent facilement mais la coiffe du Dom Pérignon 1966 se brise en mille morceaux ce qui est désagréable et a existé pendant des années.

Même avec le Durand le bouchon du Chablis Rebourseau et Philippon 1923 est venu en miette. Son parfum est prometteur.

Les deux bordeaux ont des bouchons absolument parfaits et leurs parfums sont superbes, celui du Haut-Brion 1929 étant divin.

L’Echézeaux a un bouchon entièrement entouré d’une graisse et vient entier. Le goulot est couvert de cette graisse et je le nettoie avec mes doigts qui deviennent noirs. J’ai fait prendre une photo de ma main salie. C’est impressionnant. Mais ce qui est incroyable, c’est que le parfum du vin est émouvant tant il exprime ce qui fait l’âme de la Romanée Conti.

J’ai dû utiliser le Durand pour la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 tant le bouchon était difficile à extirper. Il est noir sur les trois quarts. Le nez est plus solide et me fait songer au caractère guerrier du Richebourg plus qu’à la subtilité de la Romanée Conti, mais le vin s’annonce grand au diagnostic du nez.

Le Rayas 1976 a un parfum engageant et l’Yquem 1967 offre un bouquet de senteurs époustouflant. Le Malaga 1872 a une lourde cire très dure et difficile à enlever. Le parfum est un voyage dans l’au-delà tant le doux et le sec s’entrelacent.

Tout va bien sauf pour le Carbonnieux. Deux heures après le nez de bouchon a presque disparu et peu avant l’arrivée des convives il n’y a quasiment plus de défaut, mais pas totalement.

Arnaud Donckele vient me saluer et me dit qu’il a voulu intégrer ma personnalité dans sa création, qui doit représenter nos deux visions. Les occasions de mettre son talent au service de vins légendaires et anciens sont rares. Il apprécie d’autant plus que nous entremêlions nos intuitions.

Les convives sont ponctuels. Nous serons onze, tous mêmement genrés, et mes convives viennent de trois pays, Angleterre, Allemagne et Pologne.

Je présente mes dîners qu’aucun des convives n’a pratiqués et sur de délicates mises en bouche nous buvons le Champagne Krug 1989. Il n’a plus aucune bulle, sa couleur est d’un or de blé d’été et sa personnalité est triomphante. C’est un grand champagne harmonieux, équilibré et joyeux. Pour mes convives c’est l’occasion d’entrer dans un monde qu’ils ne connaissent pas, celui des champagnes anciens.

Nous passons à table. Le menu créé par Arnaud Donckele à partir de notre réflexion commune est : huître, caviar, agaric pour Gratin ‘champenois’ / lapin, brocoletti, mousseron pour vinaigrette ‘Saint-Saëns’ / asperge blanche, mangue verte, herbettes pour coulis ‘Narcisse’ / rouget, boulangère, crocus, pour sabayon ‘borgne’ / veau, morille, noix pour sabayon ‘clavelin’ / pigeon, grenaille, abattis pour salmis ‘délicatesse’ / souvenir affectif pour jus ‘baume du verger’.

On voit que le mot ‘pour‘ existe dans l’intitulé de chaque plat, car la chair ou le solide est au service – si l’on peut dire – de la sauce. Quand Arnaud viendra nous voir à un moment du repas, il dira : « commencez par la sauce ».

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est absolument divin et son pétillant est plus prononcé que celui du Krug. J’ai bu 27 fois ce millésime de Dom Pérignon et à mon sens c’est le plus grand 1966 que j’aie bu. Quelle grâce. Tant le Krug est en affirmation, tant le Dom Pérignon est en suggestion. L’accord avec l’huître est parfait.

J’ai prévenu mes convives que le Château Carbonnieux Blanc Léognan 1966 avait à l’ouverture un nez de bouchon, et dans les verres dont le haut est très étroit par rapport à l’opulence de la forme du verre le petit nez de bouchon résiduel est amplifié. Mais en bouche, ce qui reste du nez de bouchon est insignifiant au palais. J’avais prévenu que je pourrais ouvrir un autre vin blanc mais personne n’a été gêné au point qu’un convive a classé ce vin second de son vote.

Le Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923 accompagne le Carbonnieux sur le lapin exécuté de façon magistrale. Je voulais que l’on boive un vin de cent ans. Ce chablis est tout en délicatesse. Il est aérien et ne montre aucun signe de fatigue. Il n’est pas très complexe, il est émouvant. Et il crée un accord avec la sauce qui est anthologique.

Un des convives avait dit au début de sa prise de contact : « je ne reconnais pas un chablis en ce vin » et je l’ai rassuré car de même qu’un champagne ancien est dans un autre monde qu’un champagne actuel, un chablis centenaire n’a plus les caractéristique d’un jeune chablis et ce qui compte, c’est l’émotion qu’il procure. Tout le monde le comprendra puisque ce vin sera inscrit dans neuf feuilles de votes sur onze. Un succès.

Je dis à mes sympathiques convives : le Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1989 est un retour dans le monde du vin que vous connaissez, puisqu’il a toutes les caractéristiques d’un vin jeune éblouissant. Dans un autre repas, il serait un vainqueur tant il est brillant. Mais ici l’attention est plus vers les vins anciens. J’ai pensé aux montrachets. Ce Musigny est plus incisif et tranchant alors que les montrachets sont plus larges et opulents. Les deux sont des expressions de l’excellence absolue du vin blanc de Bourgogne. L’accord avec les asperges et sa sauce est magique.

Une anecdote qui concerne Ausone 1955 et Haut-Brion 1929 qui apparaissent maintenant. Quand j’ouvre les vins quelques heures avant le repas, je ne goûte pas, pour avoir une oxygénation lente dans sa pureté. Je sens seulement. Pendant le déjeuner, les vins sont servis par le sommelier. Je lui demande de me servir les premières gouttes afin que j’informe tout le monde s’il y a un problème. Alors, je bois avant que le plat ne soit servi. Or dans mes repas, les vins sont servis après que le plat est sur table, afin que les convives ne boivent pas un vin avec le souvenir du plat précédent. Le vin doit être bu après la première bouchée du plat conçu pour lui. Pour informer les invités, je fais le contraire. Nous venions d’avoir les asperges avec une sauce verte aux herbes. Je goûte les vins et l’odeur n’est pas sympathique et pour les deux vins leur finale est trop court. J’informe donc mes invités que les deux vins pourraient avoir des problèmes et que j’ouvrirais un autre vin s’ils ne sont pas satisfaits.

Je reçois mon plat, je bois les vins qui n’ont pas le moindre problème. Tout le monde a apprécié et personne n’a demandé que j’ouvre un autre vin.

Le Château Ausone Saint-Emilion 1955 a un nez très expressif et en bouche le vin est fort, puissant, intense et riche. C’est un conquérant avec une trace de truffe dans le milieu de bouche.

Le Château Haut-Brion 1929 est tout en noblesse avec un raffinement certain. Sa longueur est superbe. Notre table va se diviser en deux, avec des supporters d’Ausone et d’autres de Haut-Brion. Si Haut-Brion n’a pas brillé autant que cela c’est qu’un petit voile de poussière réduisait le plaisir sans masquer le message du vin et sa noblesse. Les convives ont été heureux de voir que les bordeaux peuvent atteindre de telles richesses. Et quelle ne fut pas leur surprise de voir que ces deux vins s’accordent avec un rouget charnu et puissant.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957 qui avait tâché mes mains a un nez que j’adore, qui exprime l’âme des vins de la Romanée Conti avec le sel et la rose, ces marqueurs que j’adore. Quel vin émouvant.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 est solide. Son parfum est riche et son goût comme son nez m’évoquent la fierté du Richebourg. La Romanée Conti peut avoir cette facette. Mais la grâce et l’éblouissante finesse de la Romanée Conti sont aussi là. C’est un très grand vin mais mon cœur ira vers l’Echézeaux. L’accord des deux vins avec le veau est tout en subtilité.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976 est tellement facile à comprendre ! Après quatre vins rouges qui demandent de l’attention, le palais s’installe dans un fauteuil conformable et on écoute un message rassurant, qui n’exclut évidemment pas la richesse et la complexité. C’est ce qu’il fallait pour le pigeon. Ce vin est grand mais quand même assez loin du mythique 1978.

Le Château d’Yquem 1967 est splendide. Son parfum est inimitable. C’est une explosion de senteurs. Je dois dire que le dessert est absolument magique et m’a bluffé. On peut comprendre qu’en un temple qui appartient à LVMH on a eu l’occasion des centaines de fois d’essayer des accords parfaits avec Yquem, mais je suis quand même soufflé. Le 1967 est maintenant plus assagi et joue plus sur sa grâce que sur sa puissance.

On verra dans les votes que mes convives, plus soucieux d’entrer dans le monde inconnu des vins anciens voteront moins pour des vins comme le Rayas ou comme l’Yquem car la surprise est moins forte.

Alexandre Larvoir nous annonce qu’il va falloir préparer la salle à manger pour le dîner qui va suivre et nous suggère d’aller au fumoir pour goûter le Malaga 1872. Nous avons donc voté en buvant le Malaga 1872 qui ne fait pas partie des vins à hiérarchiser, chacun votant pour ses cinq vins préférés.

Pourtant le Malaga 1872 mérite notre attention, car il combine le sucré et le salé, le vin doux et le vin sec. Cette complexité kaléidoscopique et déroutante est un plaisir raffiné.

Tous les vins, sans le Malaga, ont eu au moins un vote, ce qui me fait plaisir car chaque vin a pu être dans les cinq premiers d’au moins un votant. Cinq vins ont eu le privilège d’être nommés premier, l’Echézeaux quatre fois, la Romanée Conti trois fois, le Chablis deux fois, le Krug 1989 une fois comme le Rayas 1976.

Le classement des onze convives est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 3 – Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1955, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976.

Mon classement est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Haut-Brion 1929, 4 – Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon 1966.

Ce qui me réjouit le plus est que le Chablis soit arrivé troisième. Il a été classé dans les cinq premiers par neuf convives sur onze. Qu’un vin de cent ans et de Chablis arrive à une telle performance me ravit d’aise.

Le service est toujours de la plus grande qualité. Maelys, Anaïs et Marion nous ont servis de façon remarquable. Elles combinent le professionnalisme et la beauté. Comme d’habitude Emmanuel Cadieu a fait un service du vin parfait.

Pour mon goût, le plus bel accord est le lapin avec le Carbonnieux et le Chablis puis l’asperge et le Musigny blanc. Le plus original est l’accord entre le rouget et les deux bordeaux.

Le fait de placer le lapin en tête de repas et avant le rouget est un des caprices que j’apprécie, car j’aime casser les codes, et le faire avec la complicité d’Arnaud Donckele et surtout son talent, c’est un bonheur suprême.

le bouchon de l’Echézeaux était si gras que mes mains sont devenues noires

la table dite ‘François Audouze’

Préparation d’un dîner avec Arnaud Donckele samedi, 1 avril 2023

Dans environ un mois un déjeuner se tiendra au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris. Selon la tradition ce repas se tiendra sur la « table François Audouze », table que j’ai fait construire, avec l’accord d’Arnaud Donckele, pour accueillir une douzaine de personnes et me permettant de parler à tout le monde, de la forme d’une ellipse.

Selon la même tradition je viens préparer le menu avec Arnaud Donckele, avec Bertrand Noeureuil le chef de cuisine de Plénitude, Alexandre Larvoir, le directeur de Plénitude et Emmanuel Cadieu le sommelier chef, en charge de la sommellerie de tous les restaurants de l’immeuble de la Samaritaine.

Avant même que la réunion ne commence, une sirène envahit l’espace sonore et on demande à tout le personnel de l’immeuble de descendre dans la rue pour un exercice de simulation d’une alerte incendie. Je descends donc avec toute l’équipe de cuisine, alors que, fort curieusement, les clients de l’hôtel ne sont pas obligés de le faire. Je fais des photos de l’équipe de cuisine sous la gigantesque et éphémère statue de l’artiste japonaise Yayoi Kusama. Je rencontre des membres de la direction des restaurants dont plusieurs me connaissent parce que l’on s’est rencontrés dans d’autres lieux comme le Meurice ou le Crillon.

De retour, et encore une fois selon la tradition, j’ai apporté un vin pour que mes interlocuteurs puissent approcher des goûts qu’ils ne côtoient quasiment jamais. J’ai apporté une bouteille de Champagne Krug Private Cuvée années 60. Lorsque je l’ouvre, le fil du muselet se casse à la torsion et le bouchon remonte tout seul tant il s’est recroquevillé dans le goulot. Un tel comportement m’indique que le champagne est plutôt des années 50. Il n’y a aucun pschitt et je suis obligé de nettoyer le goulot pour éviter que des poussières ne tombent dans le vin.

La couleur est d’un ambre plutôt clair. Il n’y a aucune bulle mais d’emblée on constate que le pétillant est bien présent. Ouvert au dernier moment le champagne présente des amertumes qui vont rapidement s’estomper. Arnaud Donckele, qui nous a rejoints alors qu’une partie du menu avait été mise au point, dit que beaucoup de gens ne verraient que de la fatigue dans le message de ce champagne qui offre des complexités qu’aucun champagne jeune ne pourrait offrir.

Petit à petit le champagne s’élargit et montre à quel point ce Private Cuvée peut être complexe, riche, entraînant et convainquant. C’est la noblesse pure du champagne.

La complicité entre Arnaud Donckele et Bertrand Noeureuil me fascine toujours. Ils « voient » le plat de la même façon. Arnaud souhaite que des essais soient faits pour certains plats et me demande de venir les vérifier en pensant aux vins qu’ils accompagneront.

C’est Arnaud lui-même qui me conduit et m’accompagne au restaurant Langosteria, le restaurant italien du Cheval Blanc Paris. Lorsqu’on arrive avec Arnaud Donckele, l’accueil est évidemment très chaleureux.

On me propose des calamars grillés fort agréables et je choisis une sole de petit bateau qui sera accompagnée d’une sauce tomate très italienne.

Cette collation me permet de finir le champagne Krug qui devient de plus en plus agréable, large et gourmand.

Les préparations de repas avec Arnaud Donckele sont un exercice que j’adore.


la salle du restaurant

L’exercice d’alerte avec l’équipe de cuisine

Langosteria

274ème dîner au restaurant Pages vendredi, 24 mars 2023

Jean-Baptiste a assisté à la dernière séance de l’Académie des Vins Anciens. Il me contacte en me disant qu’il sera sur Paris avec ses deux frères et son père et serait heureux que je dîne avec eux. Il y aura dans la liste de ses apports un Rayas blanc 1959 qui suffit à lui seul pour me convaincre d’accepter de les rejoindre.

Je propose pour ce diner que nous allions au restaurant Pages. Le matin même, Jean-Baptiste m’informe que son père ne pourra pas venir du fait de la grève de la SNCF. J’appelle un ami qui se libère pour le dîner pour que notre table soit de cinq.

J’arrive peu après 16 heures au restaurant Pages pour ouvrir mes vins. Je serai rejoint par Jean-Baptiste vers 17h30. J’ai le temps de composer le menu avec le chef Ken. Ken écrit le menu sur une ardoise murale et nous aurons plusieurs fois l’occasion d’effacer des lignes et de recommencer.

Le Château Trotanoy 1er Cru de Pomerol 1926 a un bouchon parfait qui vient entier. Le parfum à l’ouverture est jeune et vibrant. Le vin est prometteur.

Le Château Rayas Blanc 1959 a une couleur ambrée. Le bouchon vient bien et le parfum est généreux, vif et lui aussi prometteur.

Jean-Baptiste n’avait pas inclus dans son mail le Château Gilette Doux 1950 qui change tout ce que nous avions conçu pour le dessert. Le pâtissier va changer de plat avec une faculté d’adaptation qui mérite les compliments.

Les autres ouvertures sont sans histoire. Ouvertures faites, nous allons au bistrot 116 pour boire une bière et sucer les cosses d’édamamés selon la tradition qui ponctue les séances d’ouverture des vins.

Le menu mis au point avec le chef, dans lequel j’ai voulu faire quelques extravagances, est :

Velouté de brocolis et crème d’anchois / tartelette de céleri & pomme granny Smith / roulé truite & betterave / Sashimi de bar et huile d’olive / Saint Pierre et coques, bouillon Pages / Queue de homard, bisque au vin jaune et comté / Bouillon de volaille en trou normand / Poularde, œuf 65°, écume d’épeautre & gnocchis de cresson / Asperges croquantes en trois façons (crues/tempura/vapeur), condiment gribiche / Saint Nectaire / Suprêmes d’agrumes, voile au thé Earl Gray.

Les amuse-bouches se prennent avec le Champagne Dom Pérignon 2008 commandé sur place par mon ami qui nous a rejoints. Ce champagne est large, solide, serein et de bel équilibre. Mais j’ai l’impression qu’il faudrait le laisser tranquille quelques années pour qu’il atteigne un autre niveau de maturité. Ce champagne est promis à un très grand avenir.

Le bar cru à l’huile d’olive est associé au Château Chalon Bourdy 1942 que j’avais apporté au château de Louvois. Il est toujours aussi fringant, puissant, au parfum fort. L’accord est splendide.

Le parfum du Château Trotanoy 1926 est probablement le plus extraordinaire parfum qu’un vin de Bordeaux puisse offrir. Il est au niveau du parfum de Margaux 1900 ou Pétrus 1950. Il est au sommet et tellement envoûtant que l’on n’a pratiquement pas envie de boire le vin tant on est enivré par ces fragrances douces et raffinées. En bouche, la surprise est la même que pour le nez. Le vin n’a pas d’âge, riche, avec ce grain de truffe et de charbon si caractéristique des grands Pomerols. Nous sommes tous comme tétanisés par tant de perfection. L’année 1926 est une grande année et je me souviens que Pétrus 1926 est un monument. On est à ce niveau.

L’accord avec le saint-pierre est pertinent. J’ai servi à l’équipe de cuisine un verre de ce vin et quand le chef Ken est venu nous saluer en fin de repas, il nous a dit qu’il a essayé de vérifier l’accord du poisson avec le vin et il a été convaincu alors qu’il n’était pas nécessairement sûr que mon choix fût le bon.

Pour le homard, le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape Blanc 1959 nous est servi. Sa couleur est un peu ambrée mais acceptable. Son parfum est riche, conquérant, large, et montre sa puissance. En bouche c’est un régal. C’est un fonceur qui veut envahir le palais pour imposer sa vision du vin. Il est là, « je suis Rayas et aimez-moi ». L’accord avec la bisque de homard est d’anthologie. Ce vin puissant et riche est vraiment plaisant. On se régale et sa réputation n’est pas usurpée. Il est au sommet de ce qu’on pourrait attendre.

Le plat de poularde, avec ses trois parties est un régal pur. L’œuf est une grande réussite. Le Corton Rapet Père et Fils 1969 présente tous les signes de la délicatesse bourguignonne. C’est un vent de fraîcheur très agréable. Et l’accord avec la chair douce de la poularde est de grand bonheur. Mais curieusement, ce vin ne va pas tenir la longueur, ce qui est rare, et son parfum va lentement s’éteindre. C’est dommage, car la première sensation était d’un grand plaisir.

Pour les asperges en trois façons, quoi de mieux que de revenir au si généreux Château Chalon Bourdy 1942 ? Le traitement des asperges est original et l’accord est naturel. Un grand moment.

J’avais choisi de séparer les deux bordeaux pour qu’il n’y ait pas de confrontation directe et je crois avoir bien fait, car le Château Canon Saint-Emilion 1966 est superbe. L’idée qui me vient à l’esprit est que ce vin est le gendre idéal. Il a tout pour lui, la rondeur, l’élégance, le charme et l’absence de défaut. Rond et ensoleillé il est parfait, mais presque trop. Ce ne sont pas toujours les éphèbes parfaits qui sont les plus grands séducteurs. En tout cas, avec ce vin, on prend du plaisir.

Le Château Gilette Doux 1950 est une merveille. Et contrairement à ce que je viens d’exprimer pour le Saint-Emilion, sa perfection est de totale séduction. J’aime beaucoup les sauternes qui ne sont pas trop botrytisés et ce Gilette est idéal. Le dessert créé à la dernière minute par le pâtissier correspond tellement au vin ! C’est un accord d’une subtilité totale. Le plus bel accord du repas même si d’autres ont été exceptionnels. Le Gilette dans cet état, c’est-à-dire moins puissant que la crème de tête, est un régal absolu.

Tant de perfection nous donne le tournis. Je suis si fier d’avoir composé le menu avec le chef Ken pour un repas de grande cohérence et de belles inventions que je compterai ce repas parmi les repas de wine-dinners. Il portera le numéro 274.

Nous sommes cinq à voter pour les cinq vins que nous préférons parmi les sept. Le Trotanoy 1926 reçoit quatre votes de premier, et le Gilette 1950 un vote de premier. Quatre vins ont des votes de tous. Le Corton ne reçoit qu’un vote, mais de second et le Dom Pérignon 2008 n’a pas de vote ce qui est compréhensible car un vin jeune a toujours du mal à trouver sa place dans un repas de vins anciens.

Une fois n’est pas coutume, le vote global est le même que mon vote : 1 – Château Trotanoy 1926, 2 – Château Gilette Doux 1950, 3 – Château Rayas Blanc 1959, 4 – Château Chalon Jean Bourdy 1942, 5 – Château Canon Saint-Emilion 1966, 6 – Corton Rapet Père et Fils 1969.

Pour mémoire, pour tous mes repas seulement 22 d’entre eux ont eu des votes où les trois premiers du vote global ont été les mêmes que mes trois premiers. Voici donc le 23ème.

Nous nous connaissions à peine et nous avons passé un repas mémorable dans une ambiance de grande complicité.

273rd wine-dinner at the Maison Rostang restaurant vendredi, 3 mars 2023

The 273rd wine-dinner is held at the Maison Rostang restaurant. This dinner is no coincidence. During a recent dinner, due to a misunderstanding of the order of the wines, a wine was served for the fish which concerned the meats upsetting the rest of the services. There was no extreme gravity and no one complained, but it was a shame. So I suggested to the participants that we all meet at a future dinner.

I was very surprised that it was so easy to find a date that suited everyone when there were Spaniards, Swiss and English at our table. Tonight we are together again, forming a very warm group.

I started opening the wines at 3:45 p.m. and the ease with which the corks came seems to me to be linked to atmospheric situations because more and more I notice that the corks of the wines of a meal often have similar behaviors without we achieve absolute uniformity.

The flavors of the wines all seemed to me encouraging, even superb. The perfume of Rayne Vigneau 1929 is an olfactory bomb, as well as that of Madeira 1860 and the most subtle of the perfumes are those of Pétrus 1975 and Echézeaux 1958. Haut-Brion blanc 1955 and Côtes du Jura 1911 have perfumes very elegant. I don’t think I’ve ever been so serene after an opening session where the twelve wines presented themselves as well as one could expect.

A very big surprise is that the Dom Pérignon 1964 cork came out with an almost powerful pschitt which I did not expect.

Friends having arrived early, I had a very pleasant Champagne Gosset blanc de blancs served, to wait for the other guests.

Everyone is on time and for once I don’t need to explain the philosophy of these meals and the best way to enjoy them. An eleventh participant having joined our group, I shortened the instructions for him.

Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2002 is highlighted by the Gosset which preceded. This champagne combines a strong bubble, a sign of youth with a beautiful maturity already noticeable. It is rich, long, gourmet. It belongs to the champagne aristocracy. The small appetizers show the dexterity of the chef.

The menu created by chef Nicolas Beaumann is: appetizers from Maison Rostang / langoustines poached in a consommé, smoked with marjoram then roasted, cockles in broth and passion fruit and head juice / Saint- Jacques in millefeuille of smoked truffle, velvet of roasted Jerusalem artichokes, barberry / fillet of red mullet, juice like a stew of the seas bound with its liver / supreme of Bresse poultry in black coat, whole roasted celery with hazelnuts and black sesame / Roasted pigeon supreme, candied artichokes in walnut water, pigeon juice / 24-month-old Comté cheese / Stilton / Mango tatin / the financier from Maison Rostang.

From the first sip I feel that Champagne Dom Pérignon 1964 is in a state of absolute perfection. This champagne is square, solid, tall and imposing. It is at the top of what it can give, wide, complex and full of charm. I have a love for the 60s decade of Dom Pérignon. The two favorites are the charming 1966 and the solid 1964.

The first two courses will accompany the 1964 champagne and the two whites. Château Haut Brion Blanc 1955 has a pretty, very light color for its age. The wine is graceful, fluid and of infinite length. This is one of the greatest Haut-Brion whites I have had the chance to drink, perhaps just behind the mythical 1947. It is very gourmet and goes well with poached langoustines.

The Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979 is an invader. It’s Schwarzenegger as a cyborg. It is conquering, powerful and it is the only one of the three wines that supports and confronts the smoked truffle millefeuille. A Corton Charlemagne at the top of its game.

At this stage, the guests are overwhelmed by the perfection of these three wines and the relevance of the pairings. I feel stunned by this extraordinary start so the question is: can the sequel be at this level?

The answer will come from Pétrus Pomerol 1975 which is crazy young, a heavy chew with black truffle grains and a rare length. It is racy and the red mullet highlights it. Red mullet with Pétrus is one of my coquetries. Since I present it in my dinners, it is always with red mullet. None of the guests imagined that such an agreement could exist. The perfection of the start of the meal continues.

The poultry is accompanied by two wines. Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958 has a bewitching fragrance where refined salt is the marker of a dazzling wine. The message of the wine is of total complexity and leads us into absolute bliss. What charm, what velvet, what subtlety, what nobility.

My guests are on cloud nine and they tend to overlook the Charmes-Chambertin Domaine Armand Rousseau 1964 and I disagree. Because we are facing two expressions of Burgundy. The 1958 has airy nobility while the 1964 is more peasant with a square and earthy taste. And I find that the solidity of this 1964 is very close to the solidity of Dom Pérignon. We feel they are cousins in the same vintage. The poultry is exceptionally tender.

The 1929 Domaine Unknown Musigny has a very young blood red color and a discreet fragrance. In the mouth it is coherent, solid like a 1929 and pleasant with the pigeon, perhaps not enough blood. I told my friends that I had drunk this wine at the Académie des Vins Anciens with Aubert de Villaine who did not like it because he found it hermitaged. I understand the repulsion of a winemaker who seeks authenticity, but at the time I liked this pleasant wine. I find the same impression of a gourmet wine that we do not see too much boosted by the addition of richer wine. It provides pleasure.

The Côtes du Jura white Maison Bourdy 1911 is in a very old bottle whose neck is so conical that the bottom of the cork has dimensions of less than half of the top of the cork. The yellow wax had taken great effort to remove. The wine is fluid and long. It does not have the power of a yellow wine but has a subtle grace that makes it extremely charming. He is 111 years old but does not have the slightest sign of age.

I wanted to combine two Sauternes of very similar ages because they are diametrically opposed. Château d’Yquem 1918 has a light orange pink color while Château de Rayne Vigneau Sauternes 1929 has a dark color like dark chocolate.

Yquem is resolutely dry, with no apparent trace of botrytis. It is long and charming, of infinite complexity and finds in the Stilton an ideal partner. I love this 1918.

Rayne Vigneau with a fragrance to die for is incredibly strong. Its botrytis is at its peak and it is the Sauternes we dream of, so generous is it. An immense wine highlighted by the mango tatin.

The dinner having lasted long hours, I asked for a vote before the Madeira Cruz 1860 was served. It has an imposing alcoholic strength and a complexity that I love. There are spices and citrus fruits that change every moment. It is a great Madeira that you would never say is 160 years old, but it is its age because the bottle is authentic. The financier is ideal for taming his passion.

We vote while we drink Madeira out of the competition. Four wines monopolized the votes: the Echézeaux had ten votes, including six first votes. The Corton Charlemagne had nine votes including four first, the Pétrus had eleven votes including one first and the Dom Pérignon had ten votes without a first vote.

The overall vote is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979, 3 – Pétrus Pomerol 1975, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 6 – Château d’Yquem 1918.

My vote is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Pétrus Pomerol 1975, 3 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château d’Yquem 1918.

I don’t think I’ve ever had such a perfect dinner. There have been dinners with rarer or more capped wines, but never a program where each of the twelve wines is at a stage of absolute perfection. My guests agreed and it will no doubt give us the desire to start again.

The kitchen was of absolute relevance. Chef Nicolas Beaumann was not there, which I did not know, but his assistant Pauline Nicolas, absolutely charming and smiling, succeeded in all the dishes and all the cooking. The cooking of the red mullet was ideal. The best match for me is red mullet and Pétrus, then scallops with Corton Charlemagne.

Jérémy Magnon has done high-level, relevant and attentive sommelier work that deserves compliments.

Stéphane Manigold, the owner of the restaurant, came to chat with us at the end of the meal. He continues to develop his group in the restaurant business. He saw how enthusiastic my guests and friends were.

Meals like this are timeless memories.

273ème dîner de wine-dinners au restaurant Maison Rostang vendredi, 3 mars 2023

Le 273ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Maison Rostang. Ce dîner n’est pas le fruit du hasard. Lors d’un récent dîner, par une faute de compréhension de l’ordre des vins, on a servi un vin pour les poissons qui concernait les viandes bouleversant la suite des services. Il n’y avait pas une gravité extrême et personne ne s’est plaint, mais c’était dommage. Aussi ai-je proposé aux participants que nous nous retrouvions tous lors d’un prochain dîner.

J’ai été fort surpris que l’on trouve si facilement une date qui convienne à tous alors qu’il y avait des espagnols, des suisses et des anglais à notre table. Ce soir nous sommes donc de nouveau ensemble, formant un groupe très chaleureux.

J’ai commencé l’ouverture des vins dès 15h45 et la facilité avec lesquels les bouchons sont venus me semble liée à des situations atmosphériques car de plus en plus je constate que les bouchons des vins d’un repas ont souvent des comportements proches sans qu’on atteigne des uniformités absolues.

Les parfums des vins me sont apparus tous encourageants, voire superbes. Le parfum du Rayne Vigneau 1929 est une bombe olfactive, ainsi que celui du Madère 1860 et les plus subtils des parfums sont ceux du Pétrus 1975 et de l’Echézeaux 1958. Le Haut-Brion blanc 1955 et le Côtes du Jura 1911 ont des parfums fort élégants. Je crois n’avoir jamais été aussi serein après une séance d’ouverture où les douze vins se présentent au mieux de ce qu’on peut attendre.

Une très grande surprise est que le bouchon du Dom Pérignon 1964 est sorti avec un pschitt presque puissant que je n’attendais pas.

Des amis étant arrivés en avance, j’ai fait servir un Champagne Gosset blanc de blancs fort agréable, pour attendre les autres convives.

Tout le monde est à l’heure et pour une fois je n’ai pas besoin d’expliquer la philosophie de ces repas et la meilleure façon d’en profiter. Un onzième participant s’étant ajouté à notre groupe, j’ai abrégé les consignes pour lui.

Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2002 est mis en valeur par le Gosset qui a précédé. Ce champagne combine une forte bulle, signe de jeunesse avec une belle maturité déjà sensible. Il est riche, long, gastronomique. Il appartient à l’aristocratie du champagne. Les petits amuse-bouches montrent la dextérité du chef.

Le menu créé par le chef Nicolas Beaumann est : les mises en appétit de la Maison Rostang / les langoustines pochées dans un consommé, fumées à la marjolaine puis rôties, coques au bouillon et fruit de la passion et jus des têtes en corsé / les Saint-Jacques en millefeuille de truffe fumée, velours de topinambours rôtis, épine-vinette / filet de rouget, jus comme un civet des mers lié de son foie / suprême de volaille de Bresse en habit noir, céleri rôti entier à la noisette et sésame noir / suprême de pigeon rôti, artichauts confits dans une eau de noix, jus de pigeon / Comté 24 mois / Stilton / Tatin de mangue / le financier de la Maison Rostang.

Dès la première gorgée je ressens que le Champagne Dom Pérignon 1964 est dans un état de perfection absolue. Ce champagne est carré, solide, grand et imposant. Il est au sommet de ce qu’il peut donner, large, complexe et plein de charme. J’ai un amour pour la décennie des années 60 de Dom Pérignon. Les deux préférés sont le 1966 tout en charme et le 1964 tout en solidité.

Les deux premiers plats vont accompagner le champagne 1964 et les deux blancs. Le Château Haut Brion Blanc 1955 a une jolie couleur très claire pour son âge. Le vin est gracieux, fluide et d’une longueur infinie. C’est l’un des plus grands Haut-Brion blancs que j’ai eu la chance de boire, peut-être juste derrière le mythique 1947. Il est très gastronomique et se marie aux langoustines pochées.

Le Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979 est un envahisseur. C’est Schwarzenegger en cyborg. Il est conquérant, puissant et c’est le seul des trois vins qui supporte et affronte le millefeuille de truffe fumée. Un Corton Charlemagne au sommet de sa forme.

A ce stade, les convives sont subjugués par la perfection de ces trois vins et par la pertinence des accords. Je les sens assommés par ce démarrage extraordinaire aussi la question est : la suite peut-elle être à ce niveau ?

La réponse va venir du Pétrus Pomerol 1975 qui est d’une jeunesse folle, d’une mâche lourde aux grains de truffe noire et d’une longueur rare. Il est racé et le rouget le met en valeur. Le rouget avec Pétrus est une de mes coquetteries. Depuis que j’en présente dans mes dîners, c’est toujours avec du rouget. Aucun des convives n’imaginait qu’un tel accord puisse exister. La perfection du début de repas continue.

La volaille est accompagnée de deux vins. L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958 a un parfum envoûtant où le sel raffiné est le marqueur d’un vin éblouissant. Le message du vin est d’une complexité totale et nous entraîne dans une félicité absolue. Quel charme, quel velours, quelle subtilité, quelle noblesse.

Mes convives sont sur un petit nuage et ils ont tendance à négliger le Charmes-Chambertin Domaine Armand Rousseau 1964 et je ne suis pas d’accord. Car nous sommes face à deux expressions de la Bourgogne. Le 1958 a la noblesse aérienne alors que le 1964 est plus paysan au goût carré et terrien. Et je trouve que la solidité de ce 1964 est très proche de la solidité du Dom Pérignon. On les sent cousins dans le même millésime. La volaille est d’une tendreté rare.

Le Musigny domaine inconnu 1929 a une couleur d’un rouge sang très jeune et un parfum discret. En bouche il est cohérent, solide comme un 1929 et agréable avec le pigeon peut-être pas assez sanguin. J’ai raconté à mes amis que j’avais bu ce vin à l’Académie des Vins Anciens avec Aubert de Villaine qui ne l’aimait pas car il le trouvait hermitagé. Je comprends la répulsion d’un vigneron qui cherche l’authenticité mais à l’époque j’avais aimé ce vin plaisant. Je retrouve la même impression d’un vin gourmand que l’on ne voit pas trop dopé par une addition de vin plus riche. Il offre du plaisir.

Le Côtes du Jura blanc Maison Bourdy 1911 est dans une bouteille très vieille dont le goulot est tellement conique que le bas du bouchon a des dimensions de moins de la moitié du haut du bouchon. La cire jaune m’avait demandé de gros efforts pour l’enlever. Le vin est fluide et long. Il n’a pas la puissance d’un vin jaune mais a une grâce subtile qui le rend extrêmement charmant. Il a 111 ans mais n’a pas le moindre signe d’âge.

J’ai voulu associer deux sauternes d’âges très proches car ils sont diamétralement opposés. Le Château d’Yquem 1918 a une robe d’un rose orange clair alors que le Château de Rayne Vigneau Sauternes 1929 a une robe foncée comme un chocolat noir.

L’Yquem est résolument sec, sans trace apparente de botrytis. Il est long et charmant, à la complexité infinie et trouve dans le Stilton un partenaire idéal. J’adore ce 1918.

Le Rayne Vigneau au parfum à se damner est d’une force incroyable. Son botrytis est à son paroxysme et c’est le sauternes dont on rêve, tant il est généreux. Un vin immense mis en valeur par la Tatin de mangue.

Le dîner ayant duré de longues heures, j’ai demandé que l’on vote avant que le Madère Cruz 1860 ne soit servi. Il est d’une force alcoolique imposante et d’une complexité que j’adore. Il y a des épices et des agrumes qui changent à chaque instant. C’est un grand madère à qui l’on ne donnerait jamais 160 ans, mais c’est bien son âge car la bouteille est authentique. Le financier est idéal pour dompter sa fougue.

Nous votons pendant que l’on boit le madère hors concours. Quatre vins ont trusté les votes : l’Echézeaux a eu dix votes dont six votes de premier. Le Corton Charlemagne a eu neuf votes dont quatre de premier, le Pétrus a eu onze votes dont un de premier et le Dom Pérignon a eu dix votes sans vote de premier.

Le vote global est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979, 3 – Pétrus Pomerol 1975, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 6 – Château d’Yquem 1918.

Mon vote est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Pétrus Pomerol 1975, 3 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château d’Yquem 1918.

Je crois n’avoir jamais fait un dîner aussi parfait. Il y a eu des dîners avec des vins plus rares ou plus capés, mais jamais un programme où chacun des douze vins est à un stade de perfection absolue. Mes convives en sont convenus et cela nous donnera sans doute l’envie de recommencer.

La cuisine a été d’une pertinence absolue. Le chef Nicolas Beaumann n’était pas là, ce que je ne savais pas, mais son adjointe Pauline Nicolas absolument charmante et souriante a réussi tous les plats et toutes les cuissons. La cuisson du rouget était idéale. Le plus bel accord est pour moi le rouget et le Pétrus, puis la Saint-Jacques avec le Corton Charlemagne.

Jérémy Magnon a fait un travail de sommellerie de haute volée, pertinent et attentif qui mérite des compliments.

Stéphane Manigold, le propriétaire du restaurant, est venu bavarder avec nous en fin de repas. Il ne cesse de développer son groupe dans la restauration. Il a vu à quel point mes convives et amis étaient enthousiasmés.

Des repas comme celui-ci sont des souvenirs immémoriaux.

Le 272ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance samedi, 25 février 2023

Le 272ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Garance. C’est la troisième fois que je fais un dîner en ce lieu dont Guillaume Muller est devenu le propriétaire. Le jeune chef Clément Pecot est en fonction depuis quelques mois. Huit personnes se sont inscrites et nous pourrions être dix aussi ai-je mis un message sur Instagram indiquant qu’une place est disponible. En moins de temps qu’il ne fallait pour écrire, la place est prise. Nous sommes dix.

Lorsque je compose le programme des vins d’un dîner, je travaille sur l’inventaire de ma cave. Ensuite, je vais vérifier en cave si les vins sont bien à l’endroit qui est indiqué et si les niveaux sont satisfaisants. Ayant lancé les inscriptions pendant que j’étais dans le sud, je n’avais pas eu le temps de contrôler les vins. Je l’ai fait après avoir formé la table.

Une bonne nouvelle est que tous les vins annoncés sont présents en cave, mais deux bouteilles me semblent avoir des niveaux un peu bas. Pour éviter tout problème, je rajoute deux vins. Le Château Haut-Batailley 1961 au niveau un peu bas sera accompagné d’un Léoville-Poyferré 1959 et le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 sera accompagné d’un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974. Quand les convives se sont rendu compte qu’au lieu d’avoir un vin du domaine de la Romanée Conti ils en auraient deux, tout d’un coup, la vie devenait plus belle.

J’ai fait livrer les vins le matin du jour du dîner, avec pour compléter ceux du restaurant 80 verres que j’utilise normalement pour l’académie des vins anciens. La séance d’ouverture des vins démarre à 16h30. Un ami fidèle de mes dîners a souhaité assister à l’ouverture. Il pourra ainsi témoigner de la véracité de ce que je raconterai sur les effets étonnants de l’oxygénation lente (la méthode Audouze) sur l’épanouissement des vins.

Pour deux vins au liège léger collé aux parois j’ai utilisé le bilame Durand qui permet de décoller les bouchons. Les autres ouvertures n’ont pas créé de vrai problème, mais en voulant ouvrir les vins avec précaution j’ai mis près de deux heures pour les douze vins. A ce rythme, tout sommelier professionnel serait immédiatement congédié, mais c’est indispensable de traiter ainsi les vins anciens.

Les odeurs les plus puissantes sont celles du Château Chalon 1959 et de l’Yquem 1957. Une très plaisante fragrance est celle du Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960. Pour beaucoup de vins la première odeur est marquée par une odeur de serpillière ou de linge mouillé, mais aucune mauvaise odeur ne me semble devoir subsister. Je suis donc confiant dans la réussite de tous les vins. La plus grande interrogation avant d’ouvrir était Palmer 1937, car ce millésime subtil est beaucoup moins régulier que le solide 1934. Je me souviens que le restaurant Laurent avait un stock important de vins de Bordeaux de 1937 et Philippe Bourguignon le directeur m’en proposait à bas prix car il savait qu’une bouteille sur deux pouvait avoir des problèmes.

Il reste une heure et demi avant que les convives n’arrivent aussi Guillaume nous offre un verre de Champagne Eric Taillet Blanc de Meunier Exclusiv’T Brut sans année dégorgé en juin 2022. Le goût est frais et vivant mais le vin manque un peu de largeur et de corps. Proposé au verre, ce champagne se justifie comme une entrée en matière d’un bon repas.

Nous sommes dix dont seulement une femme. Il y a deux américains, un alsacien et le gros de la troupe est parisien.

Le menu mis au point avec Guillaume Muller et réalisé par Clément Pecot est : brioche à la fleur de sel / huître et consommé de bœuf / coquille saint jacques, champignon de Paris / homard sauce civet / veau, betterave fumée / bœuf de la ferme de Garance, purée de céleri truffé / comté / tarte tatin.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 avait fait un joli pschitt à l’ouverture. Il a une belle bulle fine et une couleur d’un or clair. En bouche ce champagne a l’équilibre serein des champagnes anciens. Il est rond, agréable et joyeux, avec une jolie acidité et accompagne la belle et copieuse brioche. Sa cohérence me séduit.

Le Champagne Dom Pérignon 1988 est d’une couleur moins ensoleillée que celle du Mumm. Son pschitt avait été moins sonore que celui du 1979 pourtant plus ancien. L’attaque de ce champagne noble montre qu’il est racé et complexe. Mais je le trouve moins guerrier que ce que j’attendais. La délicieuse huître, et surtout le bouillon, forment un accord magique avec le champagne.

L’« Y » vin blanc d’Yquem 1962 est un vin d’une extrême précision. On peut sentir qu’il y a un peu de botrytis qui rend plus doucereux ce vin mais il reste résolument sec. Un accord fusionnel se forme avec le champignon de Paris. Sa longueur est sensible.

Le Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960 est un vin tasteviné. Il accompagne lui aussi les coquilles Saint-Jacques. A l’ouverture le nez de ce vin était impérial. Il l’est toujours. Il est difficile de comparer le très réussi « Y » et ce bourgogne, mais le bourguignon dégage un charme particulier fondé sur une grande complexité et une belle largeur. Les deux vins ne se nuisent pas et ne rivalisent pas. Ils sont parfaits tous les deux.

Nous aurons maintenant trois vins sur le homard à la sauce civet. Le Château Haut-Batailley 1961 est d’une folle jeunesse par sa couleur de sang de pigeon et son goût de fruit rouge. Il est solide ce gaillard de Pauillac et d’une belle richesse.

A côté, le Château Léoville-Poyferré 1959 est très beau mais un peu plus discret. C’est un vin que j’ai bu maintes fois, solide et vaillant, mais le 1961 a mis la barre un peu plus haut.

Le Château Palmer 1937 est une merveille. Quel bonheur de charme et de noblesse. Il est dans un état de perfection idéal et s’il se marie avec la mâche généreuse du homard c’est surtout la sauce qui met en valeur ce vin de 85 ans qui ne montre pas de signe de vieillesse. Une grande réussite.

Le grand moment est l’apparition des deux vins de la Romanée Conti. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 expose un sel très pénétrant, le marqueur si fort des vins du domaine, mais aussi un goût de rose discrète qui donne au vin un charme infini. Nous buvons l’expression la plus intéressante possible des vins du domaine. J’avais déjà bu 14 vins du domaine de 1974, année théoriquement faible mais réussie pour ce vin de la Romanée Conti. Le veau est tellement tendre qu’il glisse comme un patineur avec le vin. Le vin obtiendra un vote de plébiscite de république bananière.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 est d’une appellation plus capée et d’une année plus brillante que celle du vin de 1974, mais ce Richebourg a beaucoup plus de retenue. Il est consensuel, alors que le 1974 est un brigand de grand chemin. Alors, c’est le brigand qui triomphe. S’il n’y avait pas ce Grands Echézeaux, nous aurions aimé ce beau Richebourg, mais la séduction est trop forte du côté du plus jeune. La betterave n’apporte rien à l’accord qui repose uniquement sur le veau.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955 est fascinant car il a des accents de sel qui ressemblent à ceux des vins de la Romanée Conti. Brillant vin du Rhône qui est très au-dessus de ce que j’attendais, il forme avec le bœuf délicieux, de race limousine, provenant de la ferme de Garance, propriété de la famille de Guillaume, un accord parfait sublimé par la purée truffée. Le vin riche est subtil et l’accord est l’un des meilleurs du repas.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1959 a un nez puissant, pénétrant et en bouche l’opulence est certaine. C’est un grand Château Chalon intense, accompagné d’un excellent comté. La mâche du comté fait vibrer ce vin à la longueur infinie dans un des accords les plus emblématiques du patrimoine culinaire français.

La tarte Tatin est particulièrement gourmande et convient au Château d’Yquem 1957 qui combine un gras sensible sans être excessif avec une belle fluidité. Le parfum est divin, la bouche est divine et le goût est inextinguible. On a tout le bonheur d’Yquem en ce vin.

Avant de parler des votes, une anecdote me semble mériter d’être contée. Au cours d’une discussion, un convive compare deux vins, je ne sais plus lesquels, mais le fait qu’on puisse les comparer me paraît impensable. Pour montrer l’incongruité de l’association je veux faire une comparaison avec deux peintres. Je ne me souviens plus du nom du peintre que je veux prendre pour exemple et je donne des indices pour essayer de qualifier sa peinture. Toute la table cherche ce que je veux dire et c’est le serveur Xavier, qui plaçait des assiettes, qui lance : Bernard Buffet. Je suis resté ébahi que le serveur, tout à son travail, réponde aussi vite. Je voulais montrer à l’ami qui avait proféré une comparaison irrecevable, que son assertion était la même que si l’on mettait sur le même plan Bernard Buffet et Léonard de Vinci. Il est des choses que l’on n’a pas le droit de dire. Ce charmant serveur m’a subjugué.

Il est rare d’avoir autant de difficultés à classer les vins de ce repas tant les vins ont été remarquables et les accords judicieux. Deux vins émergent pour presque tous les participants, mais les vins qui les suivent sont difficiles à hiérarchiser. Le Grands Echézeaux obtient cinq places de premier et le Palmer trois places de premier. Le Bienvenues Bâtard Montrachet obtient un vote de premier comme le Châteauneuf-du-Pape. Seulement deux vins n’ont pas eu de vote, l’Y d’Yquem 1962 et le Léoville-Poyferré 1959 alors que ce sont de grands vins, car le vin avec lequel ils faisaient équipe leur faisait de l’ombre.

Le classement du consensus serait : 1 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Château Palmer 1937, 3 – Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955, 4 – Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960, 5 – Château d’Yquem 1957, 6 – Château Haut-Batailley 1961.

Mon classement est : 1 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Château Palmer 1937, 3 – Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955, 4 – Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960, 5 – Château Haut-Batailley 1961.

Les quatre premiers vins de mon vote sont les mêmes et dans le même ordre que ceux du vote global.

C’est assez amusant de constater que c’est le vin que j’ai rajouté au dernier moment sans prévenir personne qui a triomphé. Je suis content d’avoir fait ce cadeau.

La cuisine a été simple mais délicieuse et goûteuse, fondée sur les produits et la lisibilité des sauces. Les plus beaux accords sont l’huître au consommé de bœuf avec le Dom Pérignon, le jus de viande du homard avec le Palmer 1937, la tendreté du bœuf avec le Châteauneuf et la Tatin avec l’Yquem. Dans une ambiance joyeuse, ce repas fut une véritable réussite.

271st lunch in Apartment of Moët Hennessy dimanche, 12 février 2023

The lunch will be the second that I organize at the Apartment of Moët Hennessy where this group receives its important customers. It is thanks to Stanislas Rocoffort de Vinnière that I have this opportunity and the director of the premises, Nicolas Modock will manage the implementation of the meal which will be carried out by chef Teshi, owner of the restaurant Pages with his team. This will be the 271st wine-dinner meal.

The wines were delivered two days ago and I show up at 9:30 to open them. There were relatively few difficulties for the openings. The corks of the three Romanée Conti wines are very tight in the necks and require effort to remove them. The cork of the Chambertin Charles Viénot 1959 released a small break in the liquid. The bottle being opaque I could not spot this small piece that Stanislas later had in his glass. A small incident of the same nature concerned the Musigny 1906 with an even more opaque bottle than that of the 1959.

The most brilliant flavors are those of the Veuve Clicquot 1949, divine when it opens, the Cyprus 1869 wine, the Yquem of course, and the Romanée Conti, already bewitching when it opens.

The perfume of the Hermitage is promising whereas that of the Trapet wine seems a little too shy to me.

The real problem, which scares me, is the scent offered by La Tâche 1990. The neck smells strongly of cork and I’m afraid that this smell will linger. But I feel a few minutes later that an improvement is possible. I then have the idea that ventilation would accelerate the disappearance of the bad smell. By taking a small book and waving it over the neck, we can hope for this improvement. I am surrounded during the opening of the wines by Nicolas, Constantin and Charlène who work in this place and are curious to see my way of opening the wines. I offer Charlène to handle the fan and after several minutes, the bad smell has completely disappeared. I still think that La Tâche will not be at the level of perfection it should be, but at least it will be pleasantly drinkable and I was pleased that it got five votes in the final ranking at the end of the meal.

We are eleven, including four new ones. There are three Spaniards who have already come, a couple living in Portugal and six French.

In the beautiful reception room, we toast on a Champagne Dom Pérignon rosé 2008. It is a rosé that I adore, an obvious success and a year that promises. It has a great charm and also a conquering personality.

As soon as I am served the Champagne Dom Pérignon Œnothèque rosé 1966 disgorged in 2007, I want to let my joy explode, because we are climbing at full speed to the top of Olympus. This rosé is transcendental. It is of a continuous, slippery message, unfolding an extreme complexity but also a harmony which is the key to its success. What a great champagne. I can’t get over this superb perfection. Foie gras canapes, Scampi beignets and veal tartare served with bottarga highlight this gastronomic and serene champagne. It’s a huge champagne.

We go to the table and here is the menu that I had developed with Naoko, chef Teshi’s wife and made by him: langoustine and caviar carpaccio, caviar cream sauce, onion brunoise and celery with sherry / turbot , umami « PAGES » sauce / Brittany lobster, Comté and miso sauce / roasted pigeon, blood sauce, mashed potatoes / Simmental and Wagyu beef, beef jus, sautéed new potatoes / mango mille-feuille / Financier .

At the opening, the perfume of Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949 seemed exceptional to me. It is now, and the champagne tastes better than the taste of the 1949 magnum that the three Spaniards had shared with me at a recent dinner. I find this 1949 on the same level as the magnum of Veuve Clicquot 1947 served at the Hôtel du Marc of Veuve Clicquot which lit up the 196th dinner. This straight and balanced champagne is of an extreme accuracy of tone and a pleasant length. The caviar cream sauce is original and delicious. It is the onion tips that elegantly excite the champagne. A delight. The dish is perfect.

I often hesitate in my dinners to serve very old white wines, because they are not always understood. The Pavillon Blanc de Château Margaux 1929 will not have this risk because it is open, understandable, fluid and straightforward. It is generous and pleasant, simple, problem-free. We would give him without hesitation 80 years younger as he is straight and open. The scallop lutee letting the aroma of truffle explode is a marvel, which will create the most perfect harmony of the meal. Everyone is amazed that a 93-year-old white man can offer such youth.

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004 offers a generous, on its seduction more than its power. And the agreement is wonderful, the wine being just as complex as the dish can be. It is madrigal against madrigal, the competition being without winner, each playing so that the other triumphs.

Teshi’s talent on these three seafood dishes made us think he was close to the three Michelin stars. There will now be three dishes whose wines come in pairs.

The Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959 is extremely intense. The wine is incisive, linear, playing with persuasion. It is rich too, at the top of its game. I did not expect such power from this still young, very expressive and powerful wine.

The Chambertin Jean and Jean-Louis Trapet 1990 is one of the 1990s that I prefer and very successful, but next to the Viénot, its kindness paralyzes it. It is subtle but a little off. My table neighbor tells me that if this Trapet had been served on its own, we would have loved it. He is right because the Viénot has paralyzed him a little. The lobster which is served as at the Pages restaurant is delicious and its very strong sauce may have scared off the 1990.

I wanted this meal to have a strong moment, that of putting La Tâche and Romanée Conti side by side from a mythical year for both of them, 1990. I wanted there to be no competition or of confrontation between them and in fact there is none.

Even if La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 no longer has any olfactory fault, the wine is not at the level that I know of. It is good, expressive, but the touch of genius will not be there.

While the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990 exudes the spirit of the estate. The nose is typical, the wine offers notes of salt and rose which are strong markers. This is a Romanée Conti at the height of her art, all in subtlety. The pigeon is of beautiful flesh but the blood sauce is excessive for the wine. A lighter sauce would have been needed to enhance this complex wine. La Tâche was not unworthy but the Romanée Conti showed a very beautiful expression of the genius of the Romanée Conti.

Two wines from two regions will accompany two different types of beef. The Simmental beef presented in a generous portion is clearly better than the small portion Simmental from the Pages restaurant. The Grand Musigny Faiveley 1906, which I saw on the capsule that it is Faiveley négociant and not Domaine, finds with it an ideal companion. This 116 year old wine is incredible. It has an energy and a depth that are impressive. It is of good density, rich with almost fruit, and its richness moves me to the point that I will make it the winner of my vote, because to be faced with such a dashing 116-year-old wine is the reward for my approach to ancient wines. I have a strong emotion.

While for the two previous dishes one wine took precedence over the other, on these two meats, the two so different wines will play at their best level.

If Musigny goes well with Simmental, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 is the ideal companion for a magnificent Wagyu. This Hermitage is magnificent, with a very varied and superb palette of tastes. This is one of the great successes of the Hermitage La Chapelle. It hesitates between power and complexity and plays both. We can go from one wine to another because they do not harm each other, so different and both so pleasant.

Château d’Yquem 1924, reconditioned in 1994, is dark chocolate in color. The nose is caramel, but on the palate it also evokes sunny mango. Its fragrance is generous and voluptuous. The pastry is a little too marked compared to the mango which should have been dominant. But this dessert is delicious.

The Cyprus Wine 1869 had a conquering nose on opening with liquorice, pepper, cumin and a trace of camphor which has now disappeared. The intense fragrance is very seductive. The wine is strong, lively, extremely dense. I have a particular love for this pregnant wine with infinite length, enhanced by a very successful financier.

We must vote on our five favorite wines of the thirteen wines of the meal. Eleven out of thirteen figured in the votes which is pleasing. The only two without a vote are the 2008 rosé from Dom Pérignon, which makes sense because it preceded the meal and was followed by the sublime 1966 rosé. The other wine without a vote is the Chambertin Trapet to which the Charles Viénot made a shadow.

Seven wines have been named first at least once, which is remarkable and shows two things: on the one hand the diversity of the choices of the guests since our impressions are different, and on the other hand that I do not influence the votes of participants, if there are seven different champions. The Romanée Conti 1990 had three first votes, the Montrachet 2004 and the Musigny 1906 each had two first votes and the wines which had one first vote were the Dom Pérignon rosé 1966, the Pavillon Blanc de Château Margaux 1929, Hermitage La Chapelle 1962 and Cyprus wine 1869.

The consensus ranking is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 2 – Grand Musigny Faiveley 1906, 3 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004, 4 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 5 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 6 – Chateau d’Yquem 1924.

My ranking is: 1 – Grand Musigny Faiveley 1906, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 4 – Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959, 5 – Cyprus wine 1869.

The most extraordinary pairing is that of scallops with Pavillon Blanc 1929 followed by turbot with Montrachet de la Romanée Conti 2004. Ryuji Teshima‘s cuisine was absolutely remarkable, acclaimed by all the guests. The service was perfect, dishes like wines by the sommelier Clément.

In the lounge we tasted a very expressive, fluid and racy Hennessy Richard Cognac on fresh chocolates.

In a smiling atmosphere, it was an absolutely successful lunch.

(pictures are in the article in French, just below)