Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

275ème déjeuner au restaurant Plénitude samedi, 29 avril 2023

Le 275ème événement de wine-dinners, un déjeuner, se tient au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc à Paris. A 9h30, je me présente à l’entrée de l’hôtel et le portier comme les employés chargés des bagages me disent ‘bonjour monsieur Audouze’. Je passe la porte d’entrée et la responsable de l’accueil, que je connais déjà, me dit ‘bonjour monsieur Audouze’. Le sommelier n’étant pas encore disponible, je demande à cette charmante dame si je peux prendre un café. Je monte au septième étage où il y a un bar et on me dit ‘bonjour monsieur Audouze’.

J’apprendrai plus tard qu’Alexandre Larvoir, le directeur du restaurant Plénitude a fait diffuser une note avec ma photo dans tous les endroits où je pourrais aller, ce qui explique qu’on m’ait reconnu. C’est amusant et c’est une très belle idée.

Dès que je peux, je commence l’ouverture des vins et les conditions atmosphériques doivent être fortes car beaucoup de bouchons donnent l’impression d’être gonflés au point que j’ai dû utiliser le tirebouchon Durand qui combine une mèche classique avec un bilame qui remonte plus facilement les bouchons mais que j’évite d’utiliser car le bilame déchire le bord des bouchons ce qui est gênant pour ma collection de bouchons.

Le Château Carbonnieux Blanc 1966 a un nez de bouchon prononcé et ce qui me gêne est que le bouchon sent aussi le bouchon. Je surveillerai l’évolution de ce parfum.

Les champagnes s’ouvrent facilement mais la coiffe du Dom Pérignon 1966 se brise en mille morceaux ce qui est désagréable et a existé pendant des années.

Même avec le Durand le bouchon du Chablis Rebourseau et Philippon 1923 est venu en miette. Son parfum est prometteur.

Les deux bordeaux ont des bouchons absolument parfaits et leurs parfums sont superbes, celui du Haut-Brion 1929 étant divin.

L’Echézeaux a un bouchon entièrement entouré d’une graisse et vient entier. Le goulot est couvert de cette graisse et je le nettoie avec mes doigts qui deviennent noirs. J’ai fait prendre une photo de ma main salie. C’est impressionnant. Mais ce qui est incroyable, c’est que le parfum du vin est émouvant tant il exprime ce qui fait l’âme de la Romanée Conti.

J’ai dû utiliser le Durand pour la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 tant le bouchon était difficile à extirper. Il est noir sur les trois quarts. Le nez est plus solide et me fait songer au caractère guerrier du Richebourg plus qu’à la subtilité de la Romanée Conti, mais le vin s’annonce grand au diagnostic du nez.

Le Rayas 1976 a un parfum engageant et l’Yquem 1967 offre un bouquet de senteurs époustouflant. Le Malaga 1872 a une lourde cire très dure et difficile à enlever. Le parfum est un voyage dans l’au-delà tant le doux et le sec s’entrelacent.

Tout va bien sauf pour le Carbonnieux. Deux heures après le nez de bouchon a presque disparu et peu avant l’arrivée des convives il n’y a quasiment plus de défaut, mais pas totalement.

Arnaud Donckele vient me saluer et me dit qu’il a voulu intégrer ma personnalité dans sa création, qui doit représenter nos deux visions. Les occasions de mettre son talent au service de vins légendaires et anciens sont rares. Il apprécie d’autant plus que nous entremêlions nos intuitions.

Les convives sont ponctuels. Nous serons onze, tous mêmement genrés, et mes convives viennent de trois pays, Angleterre, Allemagne et Pologne.

Je présente mes dîners qu’aucun des convives n’a pratiqués et sur de délicates mises en bouche nous buvons le Champagne Krug 1989. Il n’a plus aucune bulle, sa couleur est d’un or de blé d’été et sa personnalité est triomphante. C’est un grand champagne harmonieux, équilibré et joyeux. Pour mes convives c’est l’occasion d’entrer dans un monde qu’ils ne connaissent pas, celui des champagnes anciens.

Nous passons à table. Le menu créé par Arnaud Donckele à partir de notre réflexion commune est : huître, caviar, agaric pour Gratin ‘champenois’ / lapin, brocoletti, mousseron pour vinaigrette ‘Saint-Saëns’ / asperge blanche, mangue verte, herbettes pour coulis ‘Narcisse’ / rouget, boulangère, crocus, pour sabayon ‘borgne’ / veau, morille, noix pour sabayon ‘clavelin’ / pigeon, grenaille, abattis pour salmis ‘délicatesse’ / souvenir affectif pour jus ‘baume du verger’.

On voit que le mot ‘pour‘ existe dans l’intitulé de chaque plat, car la chair ou le solide est au service – si l’on peut dire – de la sauce. Quand Arnaud viendra nous voir à un moment du repas, il dira : « commencez par la sauce ».

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est absolument divin et son pétillant est plus prononcé que celui du Krug. J’ai bu 27 fois ce millésime de Dom Pérignon et à mon sens c’est le plus grand 1966 que j’aie bu. Quelle grâce. Tant le Krug est en affirmation, tant le Dom Pérignon est en suggestion. L’accord avec l’huître est parfait.

J’ai prévenu mes convives que le Château Carbonnieux Blanc Léognan 1966 avait à l’ouverture un nez de bouchon, et dans les verres dont le haut est très étroit par rapport à l’opulence de la forme du verre le petit nez de bouchon résiduel est amplifié. Mais en bouche, ce qui reste du nez de bouchon est insignifiant au palais. J’avais prévenu que je pourrais ouvrir un autre vin blanc mais personne n’a été gêné au point qu’un convive a classé ce vin second de son vote.

Le Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923 accompagne le Carbonnieux sur le lapin exécuté de façon magistrale. Je voulais que l’on boive un vin de cent ans. Ce chablis est tout en délicatesse. Il est aérien et ne montre aucun signe de fatigue. Il n’est pas très complexe, il est émouvant. Et il crée un accord avec la sauce qui est anthologique.

Un des convives avait dit au début de sa prise de contact : « je ne reconnais pas un chablis en ce vin » et je l’ai rassuré car de même qu’un champagne ancien est dans un autre monde qu’un champagne actuel, un chablis centenaire n’a plus les caractéristique d’un jeune chablis et ce qui compte, c’est l’émotion qu’il procure. Tout le monde le comprendra puisque ce vin sera inscrit dans neuf feuilles de votes sur onze. Un succès.

Je dis à mes sympathiques convives : le Musigny Blanc Comte Georges De Vogüé 1989 est un retour dans le monde du vin que vous connaissez, puisqu’il a toutes les caractéristiques d’un vin jeune éblouissant. Dans un autre repas, il serait un vainqueur tant il est brillant. Mais ici l’attention est plus vers les vins anciens. J’ai pensé aux montrachets. Ce Musigny est plus incisif et tranchant alors que les montrachets sont plus larges et opulents. Les deux sont des expressions de l’excellence absolue du vin blanc de Bourgogne. L’accord avec les asperges et sa sauce est magique.

Une anecdote qui concerne Ausone 1955 et Haut-Brion 1929 qui apparaissent maintenant. Quand j’ouvre les vins quelques heures avant le repas, je ne goûte pas, pour avoir une oxygénation lente dans sa pureté. Je sens seulement. Pendant le déjeuner, les vins sont servis par le sommelier. Je lui demande de me servir les premières gouttes afin que j’informe tout le monde s’il y a un problème. Alors, je bois avant que le plat ne soit servi. Or dans mes repas, les vins sont servis après que le plat est sur table, afin que les convives ne boivent pas un vin avec le souvenir du plat précédent. Le vin doit être bu après la première bouchée du plat conçu pour lui. Pour informer les invités, je fais le contraire. Nous venions d’avoir les asperges avec une sauce verte aux herbes. Je goûte les vins et l’odeur n’est pas sympathique et pour les deux vins leur finale est trop court. J’informe donc mes invités que les deux vins pourraient avoir des problèmes et que j’ouvrirais un autre vin s’ils ne sont pas satisfaits.

Je reçois mon plat, je bois les vins qui n’ont pas le moindre problème. Tout le monde a apprécié et personne n’a demandé que j’ouvre un autre vin.

Le Château Ausone Saint-Emilion 1955 a un nez très expressif et en bouche le vin est fort, puissant, intense et riche. C’est un conquérant avec une trace de truffe dans le milieu de bouche.

Le Château Haut-Brion 1929 est tout en noblesse avec un raffinement certain. Sa longueur est superbe. Notre table va se diviser en deux, avec des supporters d’Ausone et d’autres de Haut-Brion. Si Haut-Brion n’a pas brillé autant que cela c’est qu’un petit voile de poussière réduisait le plaisir sans masquer le message du vin et sa noblesse. Les convives ont été heureux de voir que les bordeaux peuvent atteindre de telles richesses. Et quelle ne fut pas leur surprise de voir que ces deux vins s’accordent avec un rouget charnu et puissant.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957 qui avait tâché mes mains a un nez que j’adore, qui exprime l’âme des vins de la Romanée Conti avec le sel et la rose, ces marqueurs que j’adore. Quel vin émouvant.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 est solide. Son parfum est riche et son goût comme son nez m’évoquent la fierté du Richebourg. La Romanée Conti peut avoir cette facette. Mais la grâce et l’éblouissante finesse de la Romanée Conti sont aussi là. C’est un très grand vin mais mon cœur ira vers l’Echézeaux. L’accord des deux vins avec le veau est tout en subtilité.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976 est tellement facile à comprendre ! Après quatre vins rouges qui demandent de l’attention, le palais s’installe dans un fauteuil conformable et on écoute un message rassurant, qui n’exclut évidemment pas la richesse et la complexité. C’est ce qu’il fallait pour le pigeon. Ce vin est grand mais quand même assez loin du mythique 1978.

Le Château d’Yquem 1967 est splendide. Son parfum est inimitable. C’est une explosion de senteurs. Je dois dire que le dessert est absolument magique et m’a bluffé. On peut comprendre qu’en un temple qui appartient à LVMH on a eu l’occasion des centaines de fois d’essayer des accords parfaits avec Yquem, mais je suis quand même soufflé. Le 1967 est maintenant plus assagi et joue plus sur sa grâce que sur sa puissance.

On verra dans les votes que mes convives, plus soucieux d’entrer dans le monde inconnu des vins anciens voteront moins pour des vins comme le Rayas ou comme l’Yquem car la surprise est moins forte.

Alexandre Larvoir nous annonce qu’il va falloir préparer la salle à manger pour le dîner qui va suivre et nous suggère d’aller au fumoir pour goûter le Malaga 1872. Nous avons donc voté en buvant le Malaga 1872 qui ne fait pas partie des vins à hiérarchiser, chacun votant pour ses cinq vins préférés.

Pourtant le Malaga 1872 mérite notre attention, car il combine le sucré et le salé, le vin doux et le vin sec. Cette complexité kaléidoscopique et déroutante est un plaisir raffiné.

Tous les vins, sans le Malaga, ont eu au moins un vote, ce qui me fait plaisir car chaque vin a pu être dans les cinq premiers d’au moins un votant. Cinq vins ont eu le privilège d’être nommés premier, l’Echézeaux quatre fois, la Romanée Conti trois fois, le Chablis deux fois, le Krug 1989 une fois comme le Rayas 1976.

Le classement des onze convives est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 3 – Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1955, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1976.

Mon classement est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1957, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Haut-Brion 1929, 4 – Chablis Supérieur Rebourseau et Philippon 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon 1966.

Ce qui me réjouit le plus est que le Chablis soit arrivé troisième. Il a été classé dans les cinq premiers par neuf convives sur onze. Qu’un vin de cent ans et de Chablis arrive à une telle performance me ravit d’aise.

Le service est toujours de la plus grande qualité. Maelys, Anaïs et Marion nous ont servis de façon remarquable. Elles combinent le professionnalisme et la beauté. Comme d’habitude Emmanuel Cadieu a fait un service du vin parfait.

Pour mon goût, le plus bel accord est le lapin avec le Carbonnieux et le Chablis puis l’asperge et le Musigny blanc. Le plus original est l’accord entre le rouget et les deux bordeaux.

Le fait de placer le lapin en tête de repas et avant le rouget est un des caprices que j’apprécie, car j’aime casser les codes, et le faire avec la complicité d’Arnaud Donckele et surtout son talent, c’est un bonheur suprême.

le bouchon de l’Echézeaux était si gras que mes mains sont devenues noires

la table dite ‘François Audouze’

Préparation d’un dîner avec Arnaud Donckele samedi, 1 avril 2023

Dans environ un mois un déjeuner se tiendra au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris. Selon la tradition ce repas se tiendra sur la « table François Audouze », table que j’ai fait construire, avec l’accord d’Arnaud Donckele, pour accueillir une douzaine de personnes et me permettant de parler à tout le monde, de la forme d’une ellipse.

Selon la même tradition je viens préparer le menu avec Arnaud Donckele, avec Bertrand Noeureuil le chef de cuisine de Plénitude, Alexandre Larvoir, le directeur de Plénitude et Emmanuel Cadieu le sommelier chef, en charge de la sommellerie de tous les restaurants de l’immeuble de la Samaritaine.

Avant même que la réunion ne commence, une sirène envahit l’espace sonore et on demande à tout le personnel de l’immeuble de descendre dans la rue pour un exercice de simulation d’une alerte incendie. Je descends donc avec toute l’équipe de cuisine, alors que, fort curieusement, les clients de l’hôtel ne sont pas obligés de le faire. Je fais des photos de l’équipe de cuisine sous la gigantesque et éphémère statue de l’artiste japonaise Yayoi Kusama. Je rencontre des membres de la direction des restaurants dont plusieurs me connaissent parce que l’on s’est rencontrés dans d’autres lieux comme le Meurice ou le Crillon.

De retour, et encore une fois selon la tradition, j’ai apporté un vin pour que mes interlocuteurs puissent approcher des goûts qu’ils ne côtoient quasiment jamais. J’ai apporté une bouteille de Champagne Krug Private Cuvée années 60. Lorsque je l’ouvre, le fil du muselet se casse à la torsion et le bouchon remonte tout seul tant il s’est recroquevillé dans le goulot. Un tel comportement m’indique que le champagne est plutôt des années 50. Il n’y a aucun pschitt et je suis obligé de nettoyer le goulot pour éviter que des poussières ne tombent dans le vin.

La couleur est d’un ambre plutôt clair. Il n’y a aucune bulle mais d’emblée on constate que le pétillant est bien présent. Ouvert au dernier moment le champagne présente des amertumes qui vont rapidement s’estomper. Arnaud Donckele, qui nous a rejoints alors qu’une partie du menu avait été mise au point, dit que beaucoup de gens ne verraient que de la fatigue dans le message de ce champagne qui offre des complexités qu’aucun champagne jeune ne pourrait offrir.

Petit à petit le champagne s’élargit et montre à quel point ce Private Cuvée peut être complexe, riche, entraînant et convainquant. C’est la noblesse pure du champagne.

La complicité entre Arnaud Donckele et Bertrand Noeureuil me fascine toujours. Ils « voient » le plat de la même façon. Arnaud souhaite que des essais soient faits pour certains plats et me demande de venir les vérifier en pensant aux vins qu’ils accompagneront.

C’est Arnaud lui-même qui me conduit et m’accompagne au restaurant Langosteria, le restaurant italien du Cheval Blanc Paris. Lorsqu’on arrive avec Arnaud Donckele, l’accueil est évidemment très chaleureux.

On me propose des calamars grillés fort agréables et je choisis une sole de petit bateau qui sera accompagnée d’une sauce tomate très italienne.

Cette collation me permet de finir le champagne Krug qui devient de plus en plus agréable, large et gourmand.

Les préparations de repas avec Arnaud Donckele sont un exercice que j’adore.


la salle du restaurant

L’exercice d’alerte avec l’équipe de cuisine

Langosteria

274ème dîner au restaurant Pages vendredi, 24 mars 2023

Jean-Baptiste a assisté à la dernière séance de l’Académie des Vins Anciens. Il me contacte en me disant qu’il sera sur Paris avec ses deux frères et son père et serait heureux que je dîne avec eux. Il y aura dans la liste de ses apports un Rayas blanc 1959 qui suffit à lui seul pour me convaincre d’accepter de les rejoindre.

Je propose pour ce diner que nous allions au restaurant Pages. Le matin même, Jean-Baptiste m’informe que son père ne pourra pas venir du fait de la grève de la SNCF. J’appelle un ami qui se libère pour le dîner pour que notre table soit de cinq.

J’arrive peu après 16 heures au restaurant Pages pour ouvrir mes vins. Je serai rejoint par Jean-Baptiste vers 17h30. J’ai le temps de composer le menu avec le chef Ken. Ken écrit le menu sur une ardoise murale et nous aurons plusieurs fois l’occasion d’effacer des lignes et de recommencer.

Le Château Trotanoy 1er Cru de Pomerol 1926 a un bouchon parfait qui vient entier. Le parfum à l’ouverture est jeune et vibrant. Le vin est prometteur.

Le Château Rayas Blanc 1959 a une couleur ambrée. Le bouchon vient bien et le parfum est généreux, vif et lui aussi prometteur.

Jean-Baptiste n’avait pas inclus dans son mail le Château Gilette Doux 1950 qui change tout ce que nous avions conçu pour le dessert. Le pâtissier va changer de plat avec une faculté d’adaptation qui mérite les compliments.

Les autres ouvertures sont sans histoire. Ouvertures faites, nous allons au bistrot 116 pour boire une bière et sucer les cosses d’édamamés selon la tradition qui ponctue les séances d’ouverture des vins.

Le menu mis au point avec le chef, dans lequel j’ai voulu faire quelques extravagances, est :

Velouté de brocolis et crème d’anchois / tartelette de céleri & pomme granny Smith / roulé truite & betterave / Sashimi de bar et huile d’olive / Saint Pierre et coques, bouillon Pages / Queue de homard, bisque au vin jaune et comté / Bouillon de volaille en trou normand / Poularde, œuf 65°, écume d’épeautre & gnocchis de cresson / Asperges croquantes en trois façons (crues/tempura/vapeur), condiment gribiche / Saint Nectaire / Suprêmes d’agrumes, voile au thé Earl Gray.

Les amuse-bouches se prennent avec le Champagne Dom Pérignon 2008 commandé sur place par mon ami qui nous a rejoints. Ce champagne est large, solide, serein et de bel équilibre. Mais j’ai l’impression qu’il faudrait le laisser tranquille quelques années pour qu’il atteigne un autre niveau de maturité. Ce champagne est promis à un très grand avenir.

Le bar cru à l’huile d’olive est associé au Château Chalon Bourdy 1942 que j’avais apporté au château de Louvois. Il est toujours aussi fringant, puissant, au parfum fort. L’accord est splendide.

Le parfum du Château Trotanoy 1926 est probablement le plus extraordinaire parfum qu’un vin de Bordeaux puisse offrir. Il est au niveau du parfum de Margaux 1900 ou Pétrus 1950. Il est au sommet et tellement envoûtant que l’on n’a pratiquement pas envie de boire le vin tant on est enivré par ces fragrances douces et raffinées. En bouche, la surprise est la même que pour le nez. Le vin n’a pas d’âge, riche, avec ce grain de truffe et de charbon si caractéristique des grands Pomerols. Nous sommes tous comme tétanisés par tant de perfection. L’année 1926 est une grande année et je me souviens que Pétrus 1926 est un monument. On est à ce niveau.

L’accord avec le saint-pierre est pertinent. J’ai servi à l’équipe de cuisine un verre de ce vin et quand le chef Ken est venu nous saluer en fin de repas, il nous a dit qu’il a essayé de vérifier l’accord du poisson avec le vin et il a été convaincu alors qu’il n’était pas nécessairement sûr que mon choix fût le bon.

Pour le homard, le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape Blanc 1959 nous est servi. Sa couleur est un peu ambrée mais acceptable. Son parfum est riche, conquérant, large, et montre sa puissance. En bouche c’est un régal. C’est un fonceur qui veut envahir le palais pour imposer sa vision du vin. Il est là, « je suis Rayas et aimez-moi ». L’accord avec la bisque de homard est d’anthologie. Ce vin puissant et riche est vraiment plaisant. On se régale et sa réputation n’est pas usurpée. Il est au sommet de ce qu’on pourrait attendre.

Le plat de poularde, avec ses trois parties est un régal pur. L’œuf est une grande réussite. Le Corton Rapet Père et Fils 1969 présente tous les signes de la délicatesse bourguignonne. C’est un vent de fraîcheur très agréable. Et l’accord avec la chair douce de la poularde est de grand bonheur. Mais curieusement, ce vin ne va pas tenir la longueur, ce qui est rare, et son parfum va lentement s’éteindre. C’est dommage, car la première sensation était d’un grand plaisir.

Pour les asperges en trois façons, quoi de mieux que de revenir au si généreux Château Chalon Bourdy 1942 ? Le traitement des asperges est original et l’accord est naturel. Un grand moment.

J’avais choisi de séparer les deux bordeaux pour qu’il n’y ait pas de confrontation directe et je crois avoir bien fait, car le Château Canon Saint-Emilion 1966 est superbe. L’idée qui me vient à l’esprit est que ce vin est le gendre idéal. Il a tout pour lui, la rondeur, l’élégance, le charme et l’absence de défaut. Rond et ensoleillé il est parfait, mais presque trop. Ce ne sont pas toujours les éphèbes parfaits qui sont les plus grands séducteurs. En tout cas, avec ce vin, on prend du plaisir.

Le Château Gilette Doux 1950 est une merveille. Et contrairement à ce que je viens d’exprimer pour le Saint-Emilion, sa perfection est de totale séduction. J’aime beaucoup les sauternes qui ne sont pas trop botrytisés et ce Gilette est idéal. Le dessert créé à la dernière minute par le pâtissier correspond tellement au vin ! C’est un accord d’une subtilité totale. Le plus bel accord du repas même si d’autres ont été exceptionnels. Le Gilette dans cet état, c’est-à-dire moins puissant que la crème de tête, est un régal absolu.

Tant de perfection nous donne le tournis. Je suis si fier d’avoir composé le menu avec le chef Ken pour un repas de grande cohérence et de belles inventions que je compterai ce repas parmi les repas de wine-dinners. Il portera le numéro 274.

Nous sommes cinq à voter pour les cinq vins que nous préférons parmi les sept. Le Trotanoy 1926 reçoit quatre votes de premier, et le Gilette 1950 un vote de premier. Quatre vins ont des votes de tous. Le Corton ne reçoit qu’un vote, mais de second et le Dom Pérignon 2008 n’a pas de vote ce qui est compréhensible car un vin jeune a toujours du mal à trouver sa place dans un repas de vins anciens.

Une fois n’est pas coutume, le vote global est le même que mon vote : 1 – Château Trotanoy 1926, 2 – Château Gilette Doux 1950, 3 – Château Rayas Blanc 1959, 4 – Château Chalon Jean Bourdy 1942, 5 – Château Canon Saint-Emilion 1966, 6 – Corton Rapet Père et Fils 1969.

Pour mémoire, pour tous mes repas seulement 22 d’entre eux ont eu des votes où les trois premiers du vote global ont été les mêmes que mes trois premiers. Voici donc le 23ème.

Nous nous connaissions à peine et nous avons passé un repas mémorable dans une ambiance de grande complicité.

273rd wine-dinner at the Maison Rostang restaurant vendredi, 3 mars 2023

The 273rd wine-dinner is held at the Maison Rostang restaurant. This dinner is no coincidence. During a recent dinner, due to a misunderstanding of the order of the wines, a wine was served for the fish which concerned the meats upsetting the rest of the services. There was no extreme gravity and no one complained, but it was a shame. So I suggested to the participants that we all meet at a future dinner.

I was very surprised that it was so easy to find a date that suited everyone when there were Spaniards, Swiss and English at our table. Tonight we are together again, forming a very warm group.

I started opening the wines at 3:45 p.m. and the ease with which the corks came seems to me to be linked to atmospheric situations because more and more I notice that the corks of the wines of a meal often have similar behaviors without we achieve absolute uniformity.

The flavors of the wines all seemed to me encouraging, even superb. The perfume of Rayne Vigneau 1929 is an olfactory bomb, as well as that of Madeira 1860 and the most subtle of the perfumes are those of Pétrus 1975 and Echézeaux 1958. Haut-Brion blanc 1955 and Côtes du Jura 1911 have perfumes very elegant. I don’t think I’ve ever been so serene after an opening session where the twelve wines presented themselves as well as one could expect.

A very big surprise is that the Dom Pérignon 1964 cork came out with an almost powerful pschitt which I did not expect.

Friends having arrived early, I had a very pleasant Champagne Gosset blanc de blancs served, to wait for the other guests.

Everyone is on time and for once I don’t need to explain the philosophy of these meals and the best way to enjoy them. An eleventh participant having joined our group, I shortened the instructions for him.

Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2002 is highlighted by the Gosset which preceded. This champagne combines a strong bubble, a sign of youth with a beautiful maturity already noticeable. It is rich, long, gourmet. It belongs to the champagne aristocracy. The small appetizers show the dexterity of the chef.

The menu created by chef Nicolas Beaumann is: appetizers from Maison Rostang / langoustines poached in a consommé, smoked with marjoram then roasted, cockles in broth and passion fruit and head juice / Saint- Jacques in millefeuille of smoked truffle, velvet of roasted Jerusalem artichokes, barberry / fillet of red mullet, juice like a stew of the seas bound with its liver / supreme of Bresse poultry in black coat, whole roasted celery with hazelnuts and black sesame / Roasted pigeon supreme, candied artichokes in walnut water, pigeon juice / 24-month-old Comté cheese / Stilton / Mango tatin / the financier from Maison Rostang.

From the first sip I feel that Champagne Dom Pérignon 1964 is in a state of absolute perfection. This champagne is square, solid, tall and imposing. It is at the top of what it can give, wide, complex and full of charm. I have a love for the 60s decade of Dom Pérignon. The two favorites are the charming 1966 and the solid 1964.

The first two courses will accompany the 1964 champagne and the two whites. Château Haut Brion Blanc 1955 has a pretty, very light color for its age. The wine is graceful, fluid and of infinite length. This is one of the greatest Haut-Brion whites I have had the chance to drink, perhaps just behind the mythical 1947. It is very gourmet and goes well with poached langoustines.

The Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979 is an invader. It’s Schwarzenegger as a cyborg. It is conquering, powerful and it is the only one of the three wines that supports and confronts the smoked truffle millefeuille. A Corton Charlemagne at the top of its game.

At this stage, the guests are overwhelmed by the perfection of these three wines and the relevance of the pairings. I feel stunned by this extraordinary start so the question is: can the sequel be at this level?

The answer will come from Pétrus Pomerol 1975 which is crazy young, a heavy chew with black truffle grains and a rare length. It is racy and the red mullet highlights it. Red mullet with Pétrus is one of my coquetries. Since I present it in my dinners, it is always with red mullet. None of the guests imagined that such an agreement could exist. The perfection of the start of the meal continues.

The poultry is accompanied by two wines. Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958 has a bewitching fragrance where refined salt is the marker of a dazzling wine. The message of the wine is of total complexity and leads us into absolute bliss. What charm, what velvet, what subtlety, what nobility.

My guests are on cloud nine and they tend to overlook the Charmes-Chambertin Domaine Armand Rousseau 1964 and I disagree. Because we are facing two expressions of Burgundy. The 1958 has airy nobility while the 1964 is more peasant with a square and earthy taste. And I find that the solidity of this 1964 is very close to the solidity of Dom Pérignon. We feel they are cousins in the same vintage. The poultry is exceptionally tender.

The 1929 Domaine Unknown Musigny has a very young blood red color and a discreet fragrance. In the mouth it is coherent, solid like a 1929 and pleasant with the pigeon, perhaps not enough blood. I told my friends that I had drunk this wine at the Académie des Vins Anciens with Aubert de Villaine who did not like it because he found it hermitaged. I understand the repulsion of a winemaker who seeks authenticity, but at the time I liked this pleasant wine. I find the same impression of a gourmet wine that we do not see too much boosted by the addition of richer wine. It provides pleasure.

The Côtes du Jura white Maison Bourdy 1911 is in a very old bottle whose neck is so conical that the bottom of the cork has dimensions of less than half of the top of the cork. The yellow wax had taken great effort to remove. The wine is fluid and long. It does not have the power of a yellow wine but has a subtle grace that makes it extremely charming. He is 111 years old but does not have the slightest sign of age.

I wanted to combine two Sauternes of very similar ages because they are diametrically opposed. Château d’Yquem 1918 has a light orange pink color while Château de Rayne Vigneau Sauternes 1929 has a dark color like dark chocolate.

Yquem is resolutely dry, with no apparent trace of botrytis. It is long and charming, of infinite complexity and finds in the Stilton an ideal partner. I love this 1918.

Rayne Vigneau with a fragrance to die for is incredibly strong. Its botrytis is at its peak and it is the Sauternes we dream of, so generous is it. An immense wine highlighted by the mango tatin.

The dinner having lasted long hours, I asked for a vote before the Madeira Cruz 1860 was served. It has an imposing alcoholic strength and a complexity that I love. There are spices and citrus fruits that change every moment. It is a great Madeira that you would never say is 160 years old, but it is its age because the bottle is authentic. The financier is ideal for taming his passion.

We vote while we drink Madeira out of the competition. Four wines monopolized the votes: the Echézeaux had ten votes, including six first votes. The Corton Charlemagne had nine votes including four first, the Pétrus had eleven votes including one first and the Dom Pérignon had ten votes without a first vote.

The overall vote is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979, 3 – Pétrus Pomerol 1975, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 6 – Château d’Yquem 1918.

My vote is: 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Pétrus Pomerol 1975, 3 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château d’Yquem 1918.

I don’t think I’ve ever had such a perfect dinner. There have been dinners with rarer or more capped wines, but never a program where each of the twelve wines is at a stage of absolute perfection. My guests agreed and it will no doubt give us the desire to start again.

The kitchen was of absolute relevance. Chef Nicolas Beaumann was not there, which I did not know, but his assistant Pauline Nicolas, absolutely charming and smiling, succeeded in all the dishes and all the cooking. The cooking of the red mullet was ideal. The best match for me is red mullet and Pétrus, then scallops with Corton Charlemagne.

Jérémy Magnon has done high-level, relevant and attentive sommelier work that deserves compliments.

Stéphane Manigold, the owner of the restaurant, came to chat with us at the end of the meal. He continues to develop his group in the restaurant business. He saw how enthusiastic my guests and friends were.

Meals like this are timeless memories.

273ème dîner de wine-dinners au restaurant Maison Rostang vendredi, 3 mars 2023

Le 273ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Maison Rostang. Ce dîner n’est pas le fruit du hasard. Lors d’un récent dîner, par une faute de compréhension de l’ordre des vins, on a servi un vin pour les poissons qui concernait les viandes bouleversant la suite des services. Il n’y avait pas une gravité extrême et personne ne s’est plaint, mais c’était dommage. Aussi ai-je proposé aux participants que nous nous retrouvions tous lors d’un prochain dîner.

J’ai été fort surpris que l’on trouve si facilement une date qui convienne à tous alors qu’il y avait des espagnols, des suisses et des anglais à notre table. Ce soir nous sommes donc de nouveau ensemble, formant un groupe très chaleureux.

J’ai commencé l’ouverture des vins dès 15h45 et la facilité avec lesquels les bouchons sont venus me semble liée à des situations atmosphériques car de plus en plus je constate que les bouchons des vins d’un repas ont souvent des comportements proches sans qu’on atteigne des uniformités absolues.

Les parfums des vins me sont apparus tous encourageants, voire superbes. Le parfum du Rayne Vigneau 1929 est une bombe olfactive, ainsi que celui du Madère 1860 et les plus subtils des parfums sont ceux du Pétrus 1975 et de l’Echézeaux 1958. Le Haut-Brion blanc 1955 et le Côtes du Jura 1911 ont des parfums fort élégants. Je crois n’avoir jamais été aussi serein après une séance d’ouverture où les douze vins se présentent au mieux de ce qu’on peut attendre.

Une très grande surprise est que le bouchon du Dom Pérignon 1964 est sorti avec un pschitt presque puissant que je n’attendais pas.

Des amis étant arrivés en avance, j’ai fait servir un Champagne Gosset blanc de blancs fort agréable, pour attendre les autres convives.

Tout le monde est à l’heure et pour une fois je n’ai pas besoin d’expliquer la philosophie de ces repas et la meilleure façon d’en profiter. Un onzième participant s’étant ajouté à notre groupe, j’ai abrégé les consignes pour lui.

Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2002 est mis en valeur par le Gosset qui a précédé. Ce champagne combine une forte bulle, signe de jeunesse avec une belle maturité déjà sensible. Il est riche, long, gastronomique. Il appartient à l’aristocratie du champagne. Les petits amuse-bouches montrent la dextérité du chef.

Le menu créé par le chef Nicolas Beaumann est : les mises en appétit de la Maison Rostang / les langoustines pochées dans un consommé, fumées à la marjolaine puis rôties, coques au bouillon et fruit de la passion et jus des têtes en corsé / les Saint-Jacques en millefeuille de truffe fumée, velours de topinambours rôtis, épine-vinette / filet de rouget, jus comme un civet des mers lié de son foie / suprême de volaille de Bresse en habit noir, céleri rôti entier à la noisette et sésame noir / suprême de pigeon rôti, artichauts confits dans une eau de noix, jus de pigeon / Comté 24 mois / Stilton / Tatin de mangue / le financier de la Maison Rostang.

Dès la première gorgée je ressens que le Champagne Dom Pérignon 1964 est dans un état de perfection absolue. Ce champagne est carré, solide, grand et imposant. Il est au sommet de ce qu’il peut donner, large, complexe et plein de charme. J’ai un amour pour la décennie des années 60 de Dom Pérignon. Les deux préférés sont le 1966 tout en charme et le 1964 tout en solidité.

Les deux premiers plats vont accompagner le champagne 1964 et les deux blancs. Le Château Haut Brion Blanc 1955 a une jolie couleur très claire pour son âge. Le vin est gracieux, fluide et d’une longueur infinie. C’est l’un des plus grands Haut-Brion blancs que j’ai eu la chance de boire, peut-être juste derrière le mythique 1947. Il est très gastronomique et se marie aux langoustines pochées.

Le Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979 est un envahisseur. C’est Schwarzenegger en cyborg. Il est conquérant, puissant et c’est le seul des trois vins qui supporte et affronte le millefeuille de truffe fumée. Un Corton Charlemagne au sommet de sa forme.

A ce stade, les convives sont subjugués par la perfection de ces trois vins et par la pertinence des accords. Je les sens assommés par ce démarrage extraordinaire aussi la question est : la suite peut-elle être à ce niveau ?

La réponse va venir du Pétrus Pomerol 1975 qui est d’une jeunesse folle, d’une mâche lourde aux grains de truffe noire et d’une longueur rare. Il est racé et le rouget le met en valeur. Le rouget avec Pétrus est une de mes coquetteries. Depuis que j’en présente dans mes dîners, c’est toujours avec du rouget. Aucun des convives n’imaginait qu’un tel accord puisse exister. La perfection du début de repas continue.

La volaille est accompagnée de deux vins. L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958 a un parfum envoûtant où le sel raffiné est le marqueur d’un vin éblouissant. Le message du vin est d’une complexité totale et nous entraîne dans une félicité absolue. Quel charme, quel velours, quelle subtilité, quelle noblesse.

Mes convives sont sur un petit nuage et ils ont tendance à négliger le Charmes-Chambertin Domaine Armand Rousseau 1964 et je ne suis pas d’accord. Car nous sommes face à deux expressions de la Bourgogne. Le 1958 a la noblesse aérienne alors que le 1964 est plus paysan au goût carré et terrien. Et je trouve que la solidité de ce 1964 est très proche de la solidité du Dom Pérignon. On les sent cousins dans le même millésime. La volaille est d’une tendreté rare.

Le Musigny domaine inconnu 1929 a une couleur d’un rouge sang très jeune et un parfum discret. En bouche il est cohérent, solide comme un 1929 et agréable avec le pigeon peut-être pas assez sanguin. J’ai raconté à mes amis que j’avais bu ce vin à l’Académie des Vins Anciens avec Aubert de Villaine qui ne l’aimait pas car il le trouvait hermitagé. Je comprends la répulsion d’un vigneron qui cherche l’authenticité mais à l’époque j’avais aimé ce vin plaisant. Je retrouve la même impression d’un vin gourmand que l’on ne voit pas trop dopé par une addition de vin plus riche. Il offre du plaisir.

Le Côtes du Jura blanc Maison Bourdy 1911 est dans une bouteille très vieille dont le goulot est tellement conique que le bas du bouchon a des dimensions de moins de la moitié du haut du bouchon. La cire jaune m’avait demandé de gros efforts pour l’enlever. Le vin est fluide et long. Il n’a pas la puissance d’un vin jaune mais a une grâce subtile qui le rend extrêmement charmant. Il a 111 ans mais n’a pas le moindre signe d’âge.

J’ai voulu associer deux sauternes d’âges très proches car ils sont diamétralement opposés. Le Château d’Yquem 1918 a une robe d’un rose orange clair alors que le Château de Rayne Vigneau Sauternes 1929 a une robe foncée comme un chocolat noir.

L’Yquem est résolument sec, sans trace apparente de botrytis. Il est long et charmant, à la complexité infinie et trouve dans le Stilton un partenaire idéal. J’adore ce 1918.

Le Rayne Vigneau au parfum à se damner est d’une force incroyable. Son botrytis est à son paroxysme et c’est le sauternes dont on rêve, tant il est généreux. Un vin immense mis en valeur par la Tatin de mangue.

Le dîner ayant duré de longues heures, j’ai demandé que l’on vote avant que le Madère Cruz 1860 ne soit servi. Il est d’une force alcoolique imposante et d’une complexité que j’adore. Il y a des épices et des agrumes qui changent à chaque instant. C’est un grand madère à qui l’on ne donnerait jamais 160 ans, mais c’est bien son âge car la bouteille est authentique. Le financier est idéal pour dompter sa fougue.

Nous votons pendant que l’on boit le madère hors concours. Quatre vins ont trusté les votes : l’Echézeaux a eu dix votes dont six votes de premier. Le Corton Charlemagne a eu neuf votes dont quatre de premier, le Pétrus a eu onze votes dont un de premier et le Dom Pérignon a eu dix votes sans vote de premier.

Le vote global est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Corton Charlemagne Domaine Bonneau du Martray 1979, 3 – Pétrus Pomerol 1975, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 6 – Château d’Yquem 1918.

Mon vote est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1958, 2 – Pétrus Pomerol 1975, 3 – Château de Rayne-Vigneau Sauternes 1929, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – Château d’Yquem 1918.

Je crois n’avoir jamais fait un dîner aussi parfait. Il y a eu des dîners avec des vins plus rares ou plus capés, mais jamais un programme où chacun des douze vins est à un stade de perfection absolue. Mes convives en sont convenus et cela nous donnera sans doute l’envie de recommencer.

La cuisine a été d’une pertinence absolue. Le chef Nicolas Beaumann n’était pas là, ce que je ne savais pas, mais son adjointe Pauline Nicolas absolument charmante et souriante a réussi tous les plats et toutes les cuissons. La cuisson du rouget était idéale. Le plus bel accord est pour moi le rouget et le Pétrus, puis la Saint-Jacques avec le Corton Charlemagne.

Jérémy Magnon a fait un travail de sommellerie de haute volée, pertinent et attentif qui mérite des compliments.

Stéphane Manigold, le propriétaire du restaurant, est venu bavarder avec nous en fin de repas. Il ne cesse de développer son groupe dans la restauration. Il a vu à quel point mes convives et amis étaient enthousiasmés.

Des repas comme celui-ci sont des souvenirs immémoriaux.

Le 272ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance samedi, 25 février 2023

Le 272ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Garance. C’est la troisième fois que je fais un dîner en ce lieu dont Guillaume Muller est devenu le propriétaire. Le jeune chef Clément Pecot est en fonction depuis quelques mois. Huit personnes se sont inscrites et nous pourrions être dix aussi ai-je mis un message sur Instagram indiquant qu’une place est disponible. En moins de temps qu’il ne fallait pour écrire, la place est prise. Nous sommes dix.

Lorsque je compose le programme des vins d’un dîner, je travaille sur l’inventaire de ma cave. Ensuite, je vais vérifier en cave si les vins sont bien à l’endroit qui est indiqué et si les niveaux sont satisfaisants. Ayant lancé les inscriptions pendant que j’étais dans le sud, je n’avais pas eu le temps de contrôler les vins. Je l’ai fait après avoir formé la table.

Une bonne nouvelle est que tous les vins annoncés sont présents en cave, mais deux bouteilles me semblent avoir des niveaux un peu bas. Pour éviter tout problème, je rajoute deux vins. Le Château Haut-Batailley 1961 au niveau un peu bas sera accompagné d’un Léoville-Poyferré 1959 et le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 sera accompagné d’un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974. Quand les convives se sont rendu compte qu’au lieu d’avoir un vin du domaine de la Romanée Conti ils en auraient deux, tout d’un coup, la vie devenait plus belle.

J’ai fait livrer les vins le matin du jour du dîner, avec pour compléter ceux du restaurant 80 verres que j’utilise normalement pour l’académie des vins anciens. La séance d’ouverture des vins démarre à 16h30. Un ami fidèle de mes dîners a souhaité assister à l’ouverture. Il pourra ainsi témoigner de la véracité de ce que je raconterai sur les effets étonnants de l’oxygénation lente (la méthode Audouze) sur l’épanouissement des vins.

Pour deux vins au liège léger collé aux parois j’ai utilisé le bilame Durand qui permet de décoller les bouchons. Les autres ouvertures n’ont pas créé de vrai problème, mais en voulant ouvrir les vins avec précaution j’ai mis près de deux heures pour les douze vins. A ce rythme, tout sommelier professionnel serait immédiatement congédié, mais c’est indispensable de traiter ainsi les vins anciens.

Les odeurs les plus puissantes sont celles du Château Chalon 1959 et de l’Yquem 1957. Une très plaisante fragrance est celle du Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960. Pour beaucoup de vins la première odeur est marquée par une odeur de serpillière ou de linge mouillé, mais aucune mauvaise odeur ne me semble devoir subsister. Je suis donc confiant dans la réussite de tous les vins. La plus grande interrogation avant d’ouvrir était Palmer 1937, car ce millésime subtil est beaucoup moins régulier que le solide 1934. Je me souviens que le restaurant Laurent avait un stock important de vins de Bordeaux de 1937 et Philippe Bourguignon le directeur m’en proposait à bas prix car il savait qu’une bouteille sur deux pouvait avoir des problèmes.

Il reste une heure et demi avant que les convives n’arrivent aussi Guillaume nous offre un verre de Champagne Eric Taillet Blanc de Meunier Exclusiv’T Brut sans année dégorgé en juin 2022. Le goût est frais et vivant mais le vin manque un peu de largeur et de corps. Proposé au verre, ce champagne se justifie comme une entrée en matière d’un bon repas.

Nous sommes dix dont seulement une femme. Il y a deux américains, un alsacien et le gros de la troupe est parisien.

Le menu mis au point avec Guillaume Muller et réalisé par Clément Pecot est : brioche à la fleur de sel / huître et consommé de bœuf / coquille saint jacques, champignon de Paris / homard sauce civet / veau, betterave fumée / bœuf de la ferme de Garance, purée de céleri truffé / comté / tarte tatin.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 avait fait un joli pschitt à l’ouverture. Il a une belle bulle fine et une couleur d’un or clair. En bouche ce champagne a l’équilibre serein des champagnes anciens. Il est rond, agréable et joyeux, avec une jolie acidité et accompagne la belle et copieuse brioche. Sa cohérence me séduit.

Le Champagne Dom Pérignon 1988 est d’une couleur moins ensoleillée que celle du Mumm. Son pschitt avait été moins sonore que celui du 1979 pourtant plus ancien. L’attaque de ce champagne noble montre qu’il est racé et complexe. Mais je le trouve moins guerrier que ce que j’attendais. La délicieuse huître, et surtout le bouillon, forment un accord magique avec le champagne.

L’« Y » vin blanc d’Yquem 1962 est un vin d’une extrême précision. On peut sentir qu’il y a un peu de botrytis qui rend plus doucereux ce vin mais il reste résolument sec. Un accord fusionnel se forme avec le champignon de Paris. Sa longueur est sensible.

Le Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960 est un vin tasteviné. Il accompagne lui aussi les coquilles Saint-Jacques. A l’ouverture le nez de ce vin était impérial. Il l’est toujours. Il est difficile de comparer le très réussi « Y » et ce bourgogne, mais le bourguignon dégage un charme particulier fondé sur une grande complexité et une belle largeur. Les deux vins ne se nuisent pas et ne rivalisent pas. Ils sont parfaits tous les deux.

Nous aurons maintenant trois vins sur le homard à la sauce civet. Le Château Haut-Batailley 1961 est d’une folle jeunesse par sa couleur de sang de pigeon et son goût de fruit rouge. Il est solide ce gaillard de Pauillac et d’une belle richesse.

A côté, le Château Léoville-Poyferré 1959 est très beau mais un peu plus discret. C’est un vin que j’ai bu maintes fois, solide et vaillant, mais le 1961 a mis la barre un peu plus haut.

Le Château Palmer 1937 est une merveille. Quel bonheur de charme et de noblesse. Il est dans un état de perfection idéal et s’il se marie avec la mâche généreuse du homard c’est surtout la sauce qui met en valeur ce vin de 85 ans qui ne montre pas de signe de vieillesse. Une grande réussite.

Le grand moment est l’apparition des deux vins de la Romanée Conti. Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 expose un sel très pénétrant, le marqueur si fort des vins du domaine, mais aussi un goût de rose discrète qui donne au vin un charme infini. Nous buvons l’expression la plus intéressante possible des vins du domaine. J’avais déjà bu 14 vins du domaine de 1974, année théoriquement faible mais réussie pour ce vin de la Romanée Conti. Le veau est tellement tendre qu’il glisse comme un patineur avec le vin. Le vin obtiendra un vote de plébiscite de république bananière.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1967 est d’une appellation plus capée et d’une année plus brillante que celle du vin de 1974, mais ce Richebourg a beaucoup plus de retenue. Il est consensuel, alors que le 1974 est un brigand de grand chemin. Alors, c’est le brigand qui triomphe. S’il n’y avait pas ce Grands Echézeaux, nous aurions aimé ce beau Richebourg, mais la séduction est trop forte du côté du plus jeune. La betterave n’apporte rien à l’accord qui repose uniquement sur le veau.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955 est fascinant car il a des accents de sel qui ressemblent à ceux des vins de la Romanée Conti. Brillant vin du Rhône qui est très au-dessus de ce que j’attendais, il forme avec le bœuf délicieux, de race limousine, provenant de la ferme de Garance, propriété de la famille de Guillaume, un accord parfait sublimé par la purée truffée. Le vin riche est subtil et l’accord est l’un des meilleurs du repas.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1959 a un nez puissant, pénétrant et en bouche l’opulence est certaine. C’est un grand Château Chalon intense, accompagné d’un excellent comté. La mâche du comté fait vibrer ce vin à la longueur infinie dans un des accords les plus emblématiques du patrimoine culinaire français.

La tarte Tatin est particulièrement gourmande et convient au Château d’Yquem 1957 qui combine un gras sensible sans être excessif avec une belle fluidité. Le parfum est divin, la bouche est divine et le goût est inextinguible. On a tout le bonheur d’Yquem en ce vin.

Avant de parler des votes, une anecdote me semble mériter d’être contée. Au cours d’une discussion, un convive compare deux vins, je ne sais plus lesquels, mais le fait qu’on puisse les comparer me paraît impensable. Pour montrer l’incongruité de l’association je veux faire une comparaison avec deux peintres. Je ne me souviens plus du nom du peintre que je veux prendre pour exemple et je donne des indices pour essayer de qualifier sa peinture. Toute la table cherche ce que je veux dire et c’est le serveur Xavier, qui plaçait des assiettes, qui lance : Bernard Buffet. Je suis resté ébahi que le serveur, tout à son travail, réponde aussi vite. Je voulais montrer à l’ami qui avait proféré une comparaison irrecevable, que son assertion était la même que si l’on mettait sur le même plan Bernard Buffet et Léonard de Vinci. Il est des choses que l’on n’a pas le droit de dire. Ce charmant serveur m’a subjugué.

Il est rare d’avoir autant de difficultés à classer les vins de ce repas tant les vins ont été remarquables et les accords judicieux. Deux vins émergent pour presque tous les participants, mais les vins qui les suivent sont difficiles à hiérarchiser. Le Grands Echézeaux obtient cinq places de premier et le Palmer trois places de premier. Le Bienvenues Bâtard Montrachet obtient un vote de premier comme le Châteauneuf-du-Pape. Seulement deux vins n’ont pas eu de vote, l’Y d’Yquem 1962 et le Léoville-Poyferré 1959 alors que ce sont de grands vins, car le vin avec lequel ils faisaient équipe leur faisait de l’ombre.

Le classement du consensus serait : 1 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Château Palmer 1937, 3 – Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955, 4 – Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960, 5 – Château d’Yquem 1957, 6 – Château Haut-Batailley 1961.

Mon classement est : 1 – Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Château Palmer 1937, 3 – Châteauneuf-du-Pape Château de Mont-Redon 1955, 4 – Bienvenues Bâtard Montrachet Bouchard Père & Fils 1960, 5 – Château Haut-Batailley 1961.

Les quatre premiers vins de mon vote sont les mêmes et dans le même ordre que ceux du vote global.

C’est assez amusant de constater que c’est le vin que j’ai rajouté au dernier moment sans prévenir personne qui a triomphé. Je suis content d’avoir fait ce cadeau.

La cuisine a été simple mais délicieuse et goûteuse, fondée sur les produits et la lisibilité des sauces. Les plus beaux accords sont l’huître au consommé de bœuf avec le Dom Pérignon, le jus de viande du homard avec le Palmer 1937, la tendreté du bœuf avec le Châteauneuf et la Tatin avec l’Yquem. Dans une ambiance joyeuse, ce repas fut une véritable réussite.

271st lunch in Apartment of Moët Hennessy dimanche, 12 février 2023

The lunch will be the second that I organize at the Apartment of Moët Hennessy where this group receives its important customers. It is thanks to Stanislas Rocoffort de Vinnière that I have this opportunity and the director of the premises, Nicolas Modock will manage the implementation of the meal which will be carried out by chef Teshi, owner of the restaurant Pages with his team. This will be the 271st wine-dinner meal.

The wines were delivered two days ago and I show up at 9:30 to open them. There were relatively few difficulties for the openings. The corks of the three Romanée Conti wines are very tight in the necks and require effort to remove them. The cork of the Chambertin Charles Viénot 1959 released a small break in the liquid. The bottle being opaque I could not spot this small piece that Stanislas later had in his glass. A small incident of the same nature concerned the Musigny 1906 with an even more opaque bottle than that of the 1959.

The most brilliant flavors are those of the Veuve Clicquot 1949, divine when it opens, the Cyprus 1869 wine, the Yquem of course, and the Romanée Conti, already bewitching when it opens.

The perfume of the Hermitage is promising whereas that of the Trapet wine seems a little too shy to me.

The real problem, which scares me, is the scent offered by La Tâche 1990. The neck smells strongly of cork and I’m afraid that this smell will linger. But I feel a few minutes later that an improvement is possible. I then have the idea that ventilation would accelerate the disappearance of the bad smell. By taking a small book and waving it over the neck, we can hope for this improvement. I am surrounded during the opening of the wines by Nicolas, Constantin and Charlène who work in this place and are curious to see my way of opening the wines. I offer Charlène to handle the fan and after several minutes, the bad smell has completely disappeared. I still think that La Tâche will not be at the level of perfection it should be, but at least it will be pleasantly drinkable and I was pleased that it got five votes in the final ranking at the end of the meal.

We are eleven, including four new ones. There are three Spaniards who have already come, a couple living in Portugal and six French.

In the beautiful reception room, we toast on a Champagne Dom Pérignon rosé 2008. It is a rosé that I adore, an obvious success and a year that promises. It has a great charm and also a conquering personality.

As soon as I am served the Champagne Dom Pérignon Œnothèque rosé 1966 disgorged in 2007, I want to let my joy explode, because we are climbing at full speed to the top of Olympus. This rosé is transcendental. It is of a continuous, slippery message, unfolding an extreme complexity but also a harmony which is the key to its success. What a great champagne. I can’t get over this superb perfection. Foie gras canapes, Scampi beignets and veal tartare served with bottarga highlight this gastronomic and serene champagne. It’s a huge champagne.

We go to the table and here is the menu that I had developed with Naoko, chef Teshi’s wife and made by him: langoustine and caviar carpaccio, caviar cream sauce, onion brunoise and celery with sherry / turbot , umami « PAGES » sauce / Brittany lobster, Comté and miso sauce / roasted pigeon, blood sauce, mashed potatoes / Simmental and Wagyu beef, beef jus, sautéed new potatoes / mango mille-feuille / Financier .

At the opening, the perfume of Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949 seemed exceptional to me. It is now, and the champagne tastes better than the taste of the 1949 magnum that the three Spaniards had shared with me at a recent dinner. I find this 1949 on the same level as the magnum of Veuve Clicquot 1947 served at the Hôtel du Marc of Veuve Clicquot which lit up the 196th dinner. This straight and balanced champagne is of an extreme accuracy of tone and a pleasant length. The caviar cream sauce is original and delicious. It is the onion tips that elegantly excite the champagne. A delight. The dish is perfect.

I often hesitate in my dinners to serve very old white wines, because they are not always understood. The Pavillon Blanc de Château Margaux 1929 will not have this risk because it is open, understandable, fluid and straightforward. It is generous and pleasant, simple, problem-free. We would give him without hesitation 80 years younger as he is straight and open. The scallop lutee letting the aroma of truffle explode is a marvel, which will create the most perfect harmony of the meal. Everyone is amazed that a 93-year-old white man can offer such youth.

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004 offers a generous, on its seduction more than its power. And the agreement is wonderful, the wine being just as complex as the dish can be. It is madrigal against madrigal, the competition being without winner, each playing so that the other triumphs.

Teshi’s talent on these three seafood dishes made us think he was close to the three Michelin stars. There will now be three dishes whose wines come in pairs.

The Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959 is extremely intense. The wine is incisive, linear, playing with persuasion. It is rich too, at the top of its game. I did not expect such power from this still young, very expressive and powerful wine.

The Chambertin Jean and Jean-Louis Trapet 1990 is one of the 1990s that I prefer and very successful, but next to the Viénot, its kindness paralyzes it. It is subtle but a little off. My table neighbor tells me that if this Trapet had been served on its own, we would have loved it. He is right because the Viénot has paralyzed him a little. The lobster which is served as at the Pages restaurant is delicious and its very strong sauce may have scared off the 1990.

I wanted this meal to have a strong moment, that of putting La Tâche and Romanée Conti side by side from a mythical year for both of them, 1990. I wanted there to be no competition or of confrontation between them and in fact there is none.

Even if La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 no longer has any olfactory fault, the wine is not at the level that I know of. It is good, expressive, but the touch of genius will not be there.

While the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990 exudes the spirit of the estate. The nose is typical, the wine offers notes of salt and rose which are strong markers. This is a Romanée Conti at the height of her art, all in subtlety. The pigeon is of beautiful flesh but the blood sauce is excessive for the wine. A lighter sauce would have been needed to enhance this complex wine. La Tâche was not unworthy but the Romanée Conti showed a very beautiful expression of the genius of the Romanée Conti.

Two wines from two regions will accompany two different types of beef. The Simmental beef presented in a generous portion is clearly better than the small portion Simmental from the Pages restaurant. The Grand Musigny Faiveley 1906, which I saw on the capsule that it is Faiveley négociant and not Domaine, finds with it an ideal companion. This 116 year old wine is incredible. It has an energy and a depth that are impressive. It is of good density, rich with almost fruit, and its richness moves me to the point that I will make it the winner of my vote, because to be faced with such a dashing 116-year-old wine is the reward for my approach to ancient wines. I have a strong emotion.

While for the two previous dishes one wine took precedence over the other, on these two meats, the two so different wines will play at their best level.

If Musigny goes well with Simmental, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 is the ideal companion for a magnificent Wagyu. This Hermitage is magnificent, with a very varied and superb palette of tastes. This is one of the great successes of the Hermitage La Chapelle. It hesitates between power and complexity and plays both. We can go from one wine to another because they do not harm each other, so different and both so pleasant.

Château d’Yquem 1924, reconditioned in 1994, is dark chocolate in color. The nose is caramel, but on the palate it also evokes sunny mango. Its fragrance is generous and voluptuous. The pastry is a little too marked compared to the mango which should have been dominant. But this dessert is delicious.

The Cyprus Wine 1869 had a conquering nose on opening with liquorice, pepper, cumin and a trace of camphor which has now disappeared. The intense fragrance is very seductive. The wine is strong, lively, extremely dense. I have a particular love for this pregnant wine with infinite length, enhanced by a very successful financier.

We must vote on our five favorite wines of the thirteen wines of the meal. Eleven out of thirteen figured in the votes which is pleasing. The only two without a vote are the 2008 rosé from Dom Pérignon, which makes sense because it preceded the meal and was followed by the sublime 1966 rosé. The other wine without a vote is the Chambertin Trapet to which the Charles Viénot made a shadow.

Seven wines have been named first at least once, which is remarkable and shows two things: on the one hand the diversity of the choices of the guests since our impressions are different, and on the other hand that I do not influence the votes of participants, if there are seven different champions. The Romanée Conti 1990 had three first votes, the Montrachet 2004 and the Musigny 1906 each had two first votes and the wines which had one first vote were the Dom Pérignon rosé 1966, the Pavillon Blanc de Château Margaux 1929, Hermitage La Chapelle 1962 and Cyprus wine 1869.

The consensus ranking is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 2 – Grand Musigny Faiveley 1906, 3 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004, 4 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 5 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 6 – Chateau d’Yquem 1924.

My ranking is: 1 – Grand Musigny Faiveley 1906, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 4 – Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959, 5 – Cyprus wine 1869.

The most extraordinary pairing is that of scallops with Pavillon Blanc 1929 followed by turbot with Montrachet de la Romanée Conti 2004. Ryuji Teshima‘s cuisine was absolutely remarkable, acclaimed by all the guests. The service was perfect, dishes like wines by the sommelier Clément.

In the lounge we tasted a very expressive, fluid and racy Hennessy Richard Cognac on fresh chocolates.

In a smiling atmosphere, it was an absolutely successful lunch.

(pictures are in the article in French, just below)

271ème déjeuner à l’Appartement Moët Hennessy dimanche, 12 février 2023

Le déjeuner sera le deuxième que j’organise à l’Appartement de Moët Hennessy où ce groupe reçoit ses importants clients. C’est grâce à Stanislas Rocoffort de Vinnière que j’ai cette opportunité et le directeur des lieux, Nicolas Modock va gérer la mise en œuvre du repas qui sera réalisé par le chef Teshi, propriétaire du restaurant Pages avec son équipe. Ce sera le 271ème repas de wine-dinners.

Les vins ont été livrés il y a deux jours et je me présente à 9h30 pour les ouvrir. Il y a eu relativement peu de difficultés pour les ouvertures. Les bouchons des trois vins de la Romanée Conti sont très serrés dans les goulots et demandent des efforts pour les retirer. Le bouchon du Chambertin Charles Viénot 1959 a laissé échapper une petite brisure dans le liquide. La bouteille étant opaque je n’ai pas pu repérer ce petit morceau que Stanislas a eu plus tard dans son verre. Un petit incident de même nature a concerné le Musigny 1906 à la bouteille encore plus opaque que celle du 1959.

Les parfums les plus brillants sont ceux du Veuve Clicquot 1949, divin à l’ouverture, du vin de Chypre 1869, de l’Yquem bien sûr, et de la Romanée Conti déjà envoûtante à son éclosion.

Le parfum de l’Hermitage est prometteur alors que celui du vin de Trapet me paraît un peu trop timide.

Le vrai problème, qui me fait peur, est la senteur que propose La Tâche 1990. Le goulot sent fortement le bouchon et j’ai peur que cette odeur ne subsiste. Mais je ressens quelques minutes plus tard qu’une amélioration est possible. J’ai alors l’idée qu’une ventilation accélérerait la disparition de la mauvaise odeur. En prenant un petit livre que l’on agite au-dessus du goulot, on peut espérer cette amélioration. Je suis entouré pendant l’ouverture des vins par Nicolas, Constantin et Charlène qui travaillent en ce lieu et sont curieux de voir ma façon d’ouvrir les vins. Je propose à Charlène de manier l’éventail et après de longues minutes, la mauvaise odeur a complètement disparu. Je pense malgré tout que La Tâche ne sera pas au niveau de perfection qu’il devrait avoir, mais au moins il sera agréablement buvable et j’ai eu le plaisir qu’il obtienne cinq votes dans le classement final en fin de repas.

Nous sommes onze, dont quatre nouveaux. Il y a trois espagnols déjà venus, un couple vivant au Portugal et six français.

Dans la belle salle de réception, nous trinquons sur un Champagne Dom Pérignon rosé 2008. C’est un rosé que j’adore, d’une réussite évidente et d’une année qui promet. Il a un charme certain et aussi une personnalité conquérante.

Dès que l’on me sert le Champagne Dom Pérignon Œnothèque rosé 1966 dégorgé en 2007, j’ai envie de laisser exploser ma joie, car on grimpe à toute vitesse au sommet de l’Olympe. Ce rosé est transcendantal. Il est d’un message continu, glissant, déroulant une complexité extrême mais aussi une harmonie qui est la clé de son succès. Quel grand champagne. Je n’en reviens pas de cette superbe perfection. Les canapés au foie gras, les beignets de Scampi et le tartare de veau servi avec de la poutargue mettent en valeur ce champagne gastronomique et serein. C’est un immense champagne.

Nous passons à table et voici le menu que j’avais mis au point avec Naoko, la femme du chef Teshi et réalisé par lui : carpaccio de langoustine et caviar, sauce à la crème caviar, brunoise d’oignon et céleri au xérès / turbot, sauce « PAGES » umami / homard de Bretagne, sauce au comté et miso / pigeonneau rôti, sauce au sang, purée de pommes de terre / bœuf Simmental et Wagyu, jus de bœuf, pommes grenaille sautées / mille-feuille aux mangues / Financier.

A l’ouverture, le parfum du Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949 m’était apparu exceptionnel. Il l’est et le goût du champagne est meilleur que le goût du magnum de 1949 que les trois espagnols avaient partagé avec moi lors d’un récent dîner. Je trouve ce 1949 au même niveau que le magnum de Veuve Clicquot 1947 servi à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot qui avait illuminé le 196ème dîner. Ce champagne droit et équilibré est d’une justesse de ton extrême et d’une longueur aimable. La sauce crème caviar est originale et gourmande. Ce sont les pointes d’oignons qui excitent élégamment le champagne. Un régal. Le plat est parfait.

J’hésite souvent dans mes dîners de servir des vins blancs très vieux, car ils ne sont pas toujours compris. Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1929 n’aura pas ce risque car il est ouvert, compréhensible, fluide et droit. Il est généreux et agréable, simple, sans problème. On lui donnerait sans hésiter 80 ans de moins tant il est droit et ouvert. La coquille Saint-Jacques lutée laissant exploser le parfum de truffe est une merveille, qui créera l’accord le plus parfait du repas. Tout le monde est étonné qu’un blanc de 93 ans puisse offrir une telle jeunesse.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004 offre un parfum généreux, opulent mais sans excès. Et le plat divin du turbot subtil l’oblige à jouer de sa séduction plus que de sa puissance. Et l’accord se trouve à merveille, le vin se montrant tout aussi complexe que le plat peut l’être. C’est madrigal contre madrigal, la compétition étant sans gagnant, chacun jouant pour que l’autre triomphe.

Le talent de Teshi sur ces trois plats marins nous a fait penser qu’il tutoyait les trois étoiles. Il y aura maintenant trois plats dont les vins viennent par deux.

Le Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959 est d’une intensité extrême. Le vin est incisif, linéaire, jouant de persuasion. Il est riche aussi, au sommet de son art. Je n’attendais pas une telle puissance de ce vin encore jeune, très expressif et percutant.

Le Chambertin Jean et Jean-Louis Trapet 1990 est un des 1990 que je préfère et très réussi mais à côté du Viénot, sa gentillesse le paralyse. Il est subtil mais un peu éteint. Mon voisin de table me dit que si ce Trapet avait été servi seul, nous l’aurions adoré. Il a raison car le Viénot l’a un peu tétanisé. Le homard qui est servi comme au restaurant Pages est gourmand et sa sauce très forte a peut-être effrayé le 1990.

Je voulais dans ce repas qu’il y ait un moment fort, celui de mettre côte à côte La Tâche et la Romanée Conti d’une année mythique pour les deux, 1990. Je souhaitais qu’il n’y ait pas de compétition ou de confrontation entre eux et en fait il n’y en a pas.

Même si La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 n’a plus aucun défaut olfactif, le vin n’est pas au niveau que je lui connais. Il est bon, expressif, mais la touche de génie ne sera pas là.

Alors que la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990 respire l’esprit du domaine. Le nez est typique, le vin offre les notes de sel et de rose qui sont des marqueurs forts. C’est une Romanée Conti au sommet de son art, tout en subtilité. Le pigeon est de belle chair mais la sauce au sang est excessive pour le vin. Il aurait fallu une sauce plus légère pour mettre en valeur ce vin si complexe. La Tâche n’a pas démérité mais la Romanée Conti a montré une très belle expression du génie de la Romanée Conti.

Deux vins de deux régions vont accompagner deux bœufs différents. Le bœuf Simmental présenté en une généreuse portion se montre nettement meilleur que le Simmental en petite portion du restaurant Pages. Le Grand Musigny Faiveley 1906 dont j’ai vu sur la capsule que c’est Faiveley négociant et non domaine, trouve avec lui un compagnon idéal. Ce vin de 116 ans est incroyable. Il a une énergie et une profondeur qui sont impressionnantes. Il est de belle densité, riche avec presque du fruit, et sa richesse m’émeut au point que j’en ferai le gagnant de mon vote, car être face à un vin de 116 ans aussi fringant, c’est la récompense de ma démarche vers les vins anciens. J’ai une forte émotion.

Alors que pour les deux plats précédents un vin prenait le pas sur l’autre, sur ces deux viandes, les deux vins si différents joueront à leur meilleur niveau.

Si le Musigny s’accordait au Simmental, l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 est le compagnon idéal d’un magnifique Wagyu. Cet Hermitage est magnifique, d’une palette de goûts très variée et superbe. C’est l’une des grandes réussites de l’Hermitage La Chapelle. Il hésite entre puissance et complexité et joue des deux. On peut aller d’un vin à l’autre car ils ne se nuisent pas, si différents et les deux si plaisants.

Le Château d’Yquem 1924 reconditionné en 1994 est d’une couleur de chocolat noir tant il est foncé. Le nez est de caramel, mais en bouche il évoque aussi la mangue ensoléillée. Son parfum est généreux et voluptueux. Le millefeuille est un peu trop marqué par rapport à la mangue qui aurait dû être dominante. Mais ce dessert est délicieux.

Le Vin de Chypre 1869 avait un nez conquérant à l’ouverture avec de la réglisse, du poivre, du cumin et une trace de camphre qui a maintenant disparu. Le parfum intense est d’une grande séduction. Le vin est fort, entraînant, d’une densité extrême. J’ai un amour particulier pour ce vin prégnant à la longueur infinie, mis en valeur par un financier très réussi.

Nous devons voter sur nos cinq vins préférés des treize vins du repas. Onze sur treize ont figuré dans les votes ce qui est plaisant. Les deux seuls sans vote sont le rosé 2008 de Dom Pérignon, ce qui est logique car il a précédé le repas et a été suivi par le sublime rosé 1966. L’autre vin sans vote est le Chambertin Trapet auquel le Charles Viénot a fait de l’ombre.

Sept vins ont été nommés premier au moins une fois ce qui est remarquable et montre deux choses : d’une part la diversité des choix des convives puisque nos impressions sont différentes, et d’autre part que je n’influence pas les votes de participants, s’il existe sept champions différents. La Romanée Conti 1990 a eu trois votes de premier, le Montrachet 2004 et le Musigny 1906 ont eu chacun deux votes de premier et les vins qui ont eu un vote de premier sont le Dom Pérignon rosé 1966, le Pavillon Blanc de Château Margaux 1929, l’Hermitage La Chapelle 1962 et le vin de Chypre 1869.

Le classement du consensus est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 2 – Grand Musigny Faiveley 1906, 3 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004, 4 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 5 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 6 – Château d’Yquem 1924.

Mon classement est : 1 – Grand Musigny Faiveley 1906, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 4 – Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959, 5 – Vin de Chypre 1869.

L’accord le plus extraordinaire est celui de la coquille Saint-Jacques avec le Pavillon Blanc 1929 suivi du turbot avec le Montrachet de la Romanée Conti 2004. La cuisine de Ryuji Teshima a été absolument remarquable, plébiscitée par tous les convives. Le service a été parfait, des plats comme des vins par le sommelier Clément.

Dans le salon nous avons goûté un Cognac Hennessy Richard très expressif, fluide et racé sur de frais chocolats. Dans une ambiance souriante, ce fut un déjeuner absolument réussi.

réveillon de la Saint-Sylvestre 2022 dimanche, 1 janvier 2023

Le réveillon de la Saint-Sylvestre se tient dans notre maison du sud. Tous les vins sauf un proviennent de ma cave de la région parisienne et sont venus avec moi en train. A 15 heures commence l’ouverture des vins du dîner.

Le Château Le Pape Léognan 1929 n’a pas d’étiquette mais la capsule donne le nom et l’année très lisibles. Le niveau est haut pour un vin de cet âge et le bouchon est très court et vient sans problème. Le parfum m’évoque immédiatement la noblesse et la solidité du millésime 1929, l’un des tout premiers du siècle.

J’avais pris un Château Haut-Brion 1923 pour célébrer l’entrée dans le millésime 2023 avec un vin de cent ans. Le niveau dans la bouteille est très bas. Le bouchon extrêmement long est levé tout doucement et vient entier. Le parfum est rassurant, car il n’est pas abîmé par le niveau très bas. Il y a bien sûr des signes de vieillesse, mais je pense que le vin va se reconstituer.

Le Meursault Hospices de Beaune Cuvée Lopin 1955 est un vin que j’ai acheté de la cave de l’Institut de France où il y a un grand nombre de vins dont les bouchons ont été changés et personne à l’Institut ne savait comment et pourquoi cela avait été fait. Il y a donc une inconnue pour chaque bouteille. Je lève un bouchon neutre et l’odeur est rassurante. Le vin ne semble pas madérisé et n’est pas dévié. Il profitera de l’oxygénation lente jusqu’au moment où il sera servi.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992 a un niveau parfait et un bouchon de grande qualité. Son parfum est timide mais sans problème. En six ou sept heures il s’épanouira.

Le Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947 est d’une bouteille de grande beauté, avec un beau niveau. Son parfum est magnifique et généreux.

Pour ouvrir le Château d’Yquem 1986, j’utilise un tirebouchon classique. Je lève le bouchon de quelques millimètres et normalement, le tirebouchon devrait être remplacé par une longue mèche pour la levée complète. Mais lorsque je veux enlever le tirebouchon, le bouchon tourne avec lui. Impossible de le lever. Logiquement le bouchon devrait remonter sans problème mais en fait une surépaisseur du verre l’empêche de remonter. Je fais donc ces efforts très lents, mais la mèche du tirebouchon est petite et le bouchon très long. A un moment le bas du bouchon se brise et tombe dans le liquide. N’ayant pas les outils que j’utilise à Paris, je suis obligé de carafer le vin. Comme c’est un jeune Yquem offert par un de nos amis, il ne souffrira pas.

Le Champagne Pol Roger Goût Français Grand Vin # 1940 est un cadeau d’un ami que je n’ai pas vu depuis des années. Il m’a fait savoir qu’il a deux vieux Pol Roger dont il a changé les bouchons pour mettre des bouchons jeunes et m’a indiqué que selon lui, cette opération ne réduit pas la vivacité des bulles. J’ai déjà bu en famille la bouteille la plus basse, vraiment très basse et qui m’avait fait bonne impression, et nous allons boire celle-ci. Pour chaque bouteille il avait joint l’ancien bouchon qui permet d’estimer l’âge. J’ai pensé années 40 mais la mention « interdit d’exporter » pourrait indiquer années 50. Le nez du champagne est prometteur.

Le dernier vin que j’ouvre est le Champagne Dom Pérignon Moët & Chandon 1966, de l’année que je préfère dans la décennie 1960 – 1969. Le bouchon est court et délivre un pschitt discret. L’odeur évoque une belle suavité.

Les amis arrivent à 19 heures. Nous sommes six. Une amie a apporté ce qui fera l’apéritif : poutargue, Pata Negra, toasts au foie gras, asperges, petits toasts de mimolette avec une confiture à la mirabelle et petits toasts de roquefort à la confiture de framboise.

Je sers le Champagne Pol Roger Goût Français Grand Vin # 1940. Quelle surprise ! le champagne est doux, très doux, ce qui est amusant car généralement on disait des champagnes très dosés qu’ils avaient le goût américain. Or Pol Roger les nomme Goût Français. Le champagne est délicieux, expressif, et ce sera la plus belle surprise du repas pour son originalité. Il va avec la poutargue, naturellement avec les toasts. C’est un champagne de grand plaisir.

Nous passons à table et le menu est ainsi construit : comparaison de deux caviars, l’osciètre de Kaviari et un caviar malossol lituanien / coquilles Saint-Jacques crues avec un caviar Baeri / pommes de terre cuites à la vapeur, à la crème et à la truffe / filets de pigeon et purée Robuchon / fromages / Stilton / tarte Tatin.

Le Champagne Dom Pérignon Moët & Chandon 1966 est noble, large et incisif. Il trace sa route. Il convient parfaitement aux deux caviars très différents, le malossol qui est croquant et subtil et l’osciètre fonceur et profond. Le Dom Pérignon est très élégant, charmeur, lui aussi fonceur tant il délivre son message avec une droiture rare. L’accord avec le champagne est divin.

Le Meursault Hospices de Beaune Cuvée Lopin 1955 est servi sur les coquilles et le Baeri. Ce vin est d’une belle complexité et délivre ses subtilités en salves successives. Chaque gorgée n’est pas la même que la précédente ce qui est plaisant et le différencie du champagne 1966 qui ne dévie jamais de sa trajectoire. Le sucré de la coquille est idéal pour mettre en valeur ce meursault qui ne peut pas cacher son âge même s’il est bon.

Les pommes de terre truffées accueillent les deux bordeaux. Le Château Le Pape Léognan 1929 a une couleur d’un rouge sang, d’une jeunesse étonnante. Il est magistral, intense, truffé, long et imposant, et montre parfaitement ce qui fait de 1929 une année mythique. C’est un grand vin qui me plaira tellement que j’en ferai mon gagnant malgré les superbes vins qui vont suivre.

Le Château Haut-Brion 1923 a une couleur plus terreuse. En le buvant, il y a à un moment une trace d’acidité qui ne gêne pas le reste du message. Il est complexe, chaleureux, noble et distingué et chacun arrive à ne pas être rebuté par la trace acide car ce vin figurera dans tous les votes. Il est superbe mais blessé et nous ne sommes pas gênés par sa blessure. L’accord de la crème des pommes de terre est plus brillant avec le Haut-Brion qu’avec le Château Le Pape.

Les deux vins qui suivent accompagnent les filets de pigeon et la purée gourmande. La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992 a un nez subtil et gracieux qui évoque toutes les qualités de la Romanée Conti. Le vin est frais, avec ses traces de rose et de sel et mes amis s’extasient, car le vin est élégant, d’un charme raffiné. Je suis moins impressionné car les Richebourg 1963 et 1969 que j’ai bus lors des réveillons de Noël sont à des hauteurs impressionnantes, du fait de l’âge, qui sourit aux vins du domaine.

Le Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947 est exceptionnel. Le niveau est haut, le nez est imposant mais gourmand et en bouche c’est une plénitude. Il est riche, entreprenant, large et joyeux. Un vin exceptionnel qui sera classé premier dans le décompte du consensus. Une merveille.

J’avais acheté une dizaine de fromages différents. Après l’apéritif copieux et les plats successifs l’esprit n’était pas à prendre du fromage, sauf à goûter un excellent Stilton qui va accompagner le Château d’Yquem 1986. Il est déjà joliment doré, son parfum est idéal et en bouche il est ensoleillé. Yquem est toujours parfait et le Stilton lui convient dans cette jeunesse.

La tarte Tatin de mon épouse devrait être couronnée de mille médailles. C’est moi qui ai eu l’honneur et le courage de retourner le plat à tarte. La pomme est fondante à souhait et l’accord avec l’Yquem est brillant.

Ayant organisé le choix des vins et avec ma femme le choix des plats, ce repas sera classé dans les dîners de wine-dinners, au numéro 270.

Nous sommes cinq à voter pour nos cinq vins préférés. Trois vins sur les huit ont eu des votes de tout le monde : le Châteauneuf du Pape, la Romanées Saint-Vivant et le Haut-Brion 1923. Trois vins ont eu des votes de premier, le Châteauneuf du Pape deux fois, la Romanée Saint-Vivant deux fois et le Château Le Pape Léognan 1929 une fois.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947, 2 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992, 3 – Château Haut-Brion 1923, 4 – Château Le Pape Léognan 1929, 5 – Champagne Pol Roger Goût Français Grand Vin # 1940, 6 – Château d’Yquem 1986.

Mon classement est : 1 – Château Le Pape Léognan 1929, 2 – Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992, 4 – Château Haut-Brion 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon Moët & Chandon 1966.

Nos amis ont été impressionnés par la pertinence des accords. Je suis heureux que mes vins se soient comportés aussi bien. Nous avons franchi le passage d’un millésime à un autre de la plus belle des façons.

269th dinner at the Pages restaurant samedi, 19 novembre 2022

The 269th dinner is held at the Pages restaurant. I arrive around 4 p.m. and begin to open the wines. The 1959 Chablis Regnard has an awful corky taste that seems so strong to me that I highly doubt it will come back to life. Conversely, Beaune du Château Bouchard without year that I imagine from the 50s has an exciting scent. I brought a bottle of Château d’Arlay Côtes du Jura white 1973 which will complement the Chablis.

The Angélus Saint-Emilion 1950 emits an unpleasant camphor smell. What will become of the wine, it is difficult to say. The Montrose 1928, on the contrary, has a very engaging sweetness. We should be in front of a great wine. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 is promising. Phew, because it is this wine that should be the crown of the evening.

Château Rayas 1976 and Hermitage Jean Louis Chave 1962 are so solid that there is no doubt. Château Chalon Clément 1906 in an old blown and opaque bottle has a discreet fragrance, which is the opposite of Yquem 1949, which is an olfactory bomb. We can expect a brilliant wine.

I decide to open the champagnes without waiting, which I don’t usually do. The Salon 2006 cork claps in my hand with a loud clang and the scent promises a champagne of great power. The cap of the Veuve Clicquot 1949 magnum comes without any pschitt and the perfume of the wine pleases me enormously. The most beautiful perfumes seem to me to be those of Yquem, Veuve Clicquot and Montrose.

The opening operation ended at 5:30 p.m. and uncertainties remain. The Chablis scares me very much and the Angélus is a question mark. I added two wines to the announced program, the Salon champagne and the Château d’Arlay. So there is no danger.

The staff of the Pages restaurant have dinner at 6 p.m. at Brasserie 116, which is just next door and is owned by the owners of Pages. According to tradition, I go there to drink a beer, which allows me to wait for the arrival of the guests.

We are eleven guests, including four from Spain, two from England, two from Switzerland, one American, one French and me. The four women are all from different countries. The menu was composed with Ken, the chef and with Pierre-Alexandre who combines the functions of room manager and sommelier. It is prepared as follows: appetizers: butternut velouté with 4 spices, mackerel and lemon crud, parmesan shortbread with celeriac / Jerusalem artichoke with scallop tartare / lobster and its yellow wine and Comté sauce / red mullet and its red wine sauce / duck and red wine and blood sauce, ravioli and roasted turnips / hare, celery puree and potato puree / wagyu beef, potato waffle, beef jus / Comté cheese 36 months / tart citrus / financial.

The weakness of the Chablis made me add the 1973 Jura wine, which I will therefore put at the top of the meal, which leads me to ask Ken to provide a plate of mollusk shell for this wine.

We drink the Champagne Salon 2006 standing up, which is glorious. Its perfume is engaging as it is generous, and in mouth, the Salon is full, broad, conquering. This young champagne is absolutely successful.

We sit down to eat and Pierre-Alexandre serves me a glass of Veuve Clicquot Magnum 1949 Champagne. Amazement! The color of champagne is that of a rain-soaked cloud. It is an intense gray and is not engaging. If such a champagne were ordered in a restaurant, the immediate reflex would be to refuse it. Everyone looks for my reaction and the surprise is immense. The nose is pleasant and soft and the champagne has a crazy charm. We even smell a little sparkle. It is particularly pleasant on appetizers which it accompanies with great subtlety. We are all under the spell of this champagne which will receive a vote of second, which is impressive. It is round and offers joyful complexities. It is a great champagne and I am happy that my guests were able to overcome the awful color of this champagne.

I had in mind cockles that would have been cooked to bring out a slightly sweet side for the Château d’Arlay Côtes du Jura white 1973, but in fact the cockles are too iodized for this slightly fragile Jura wine to respond to them. The wine is pleasant but lacks a bit of breadth.

I insisted so much on the fact that the Chablis 1er Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959 would be corked that everyone reacted positively to this wine, which has lost at least 95% of the corky taste it had when it was opened. . A guest will follow it during the meal and will become passionate about it because indeed at some point, all traces of cork will have disappeared, and the wine will even collect votes at the end of the meal. I wouldn’t have imagined it.

The Beaune du Château Bouchard Père & Fils white around 1950 is a wine that I love. Most often it is not vintage and is for great years like 1929 with unforgettable memories. This white wine is joyful, broad, engaging, ready for all culinary alliances. It shines on mackerel as on scallops.

L’Angélus Saint-Emilion 1950 failed to come back to life. A nasty smell of camphor remains. We recognize in the background the taste of a noble Saint-Émilion, but the pleasure is not there. It is therefore the Château Montrose L. Charmolüe 1928 which will accompany the delicious lobster. This wine is great, magnified by a vintage of anthology. Around me the guests are astonished that a 94-year-old wine can have such youth. This is the magic of wine. It has a nice richness, a solid chew. It is a doctrinal wine that knows how to give pleasure.

When I am served La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 I see with horror that they are serving red mullet at the same time. In fact Pierre-Alexandre was disturbed by the addition of a dish and a wine and served the wines too quickly without respecting the planned program. I have decided to accept the situation since the rest of the meal will be out of step. You might as well live it with a positive attitude, which each guest has understood and accepted. At the end of the meal, I suggested that our cosmopolitan group get back together in a few months, for a similar dinner with « real » food and wine pairings.

That being said, we were able to enjoy all the following wines without ever suffering in their tasting.

So they serve me La Tâche and my heart sinks. The attack of the wine is so fresh that I am in heaven. It is a marvelous wine, balanced, powerful but subtle, with an incredible charm. This is the eighth Romanée Conti wine that I drink from 1943. All have been perfect and this one is magical. That is charm in my glass. You have to eat the red mullet by calming your mouth and you get there. The delicious duck is more conducive to Burgundy wine.

By putting together the two Rhône wines we will find the coherence of the agreements, with the magical hare à la Royale and the melting and delicious Wagyu. Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976 surprises me because it has accents of Algerian wines, with coffee and tobacco. It amuses me to think that a Rhône wine could have been hermitaged with a wine from Algeria, but of course this is not the case, because this wine from a year of drought has suffered the consequences. It is a very good wine, adored by many around the table, but it is not one of the greatest Rayas.

Next to him, I have the eyes of Chimène for the Hermitage Jean Louis Chave 1962. What a great, subtle and delicate wine. It has the same extreme freshness in the attack that I felt with La Tâche. This wine is happiness and with Japanese meat, it is a rare pleasure.

The Comté is actually 42 months old, and I find it delicious because its age is not too marked. Château Chalon Clément Jura 1906 has a very pretty color. He is dashing but maybe not enough for his 116 years. I was expecting a slightly more concentrated wine. He lost strength.

The new pastry chef at the Pages restaurant has created a dessert for Château d’Yquem 1949 which is a marvel of taste and relevance for wine. Cheer. Yquem is simply glorious and it shows once again that when Yquem is great, it is perfect. Its fragrance is brilliant and its inextinguishable taste is majestic.

This dinner was anything but ordinary. The atmosphere was one of absolute joy. We voted. Five wines were ranked first. La Tâche 1943 received seven first votes and four other wines had one first vote: Veuve Clicquot 1949, Montrose 1928, Hermitage 1962 and Yquem 1949. The only wines without votes are the Angélus and the two wines of the Jura. Nine wines therefore had votes, each voting for their five favourites, which shows a good sample of qualities.

The consensus vote would be: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 2 – Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949, 3 – Château d’Yquem 1949, 4 – Hermitage Jean Louis Chave 1962, 5 – Château Montrose L. Charmolüe 1928, 6 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976.

My vote is: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 2 – Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949, 3 – Hermitage Jean Louis Chave 1962, 4 – Château d’Yquem 1949, 5 – Beaune from Château Bouchard Père & Fils circa 1950.

What about this meal? First of all that it is probably the most cosmopolitan of my dinners with five countries represented. This is due to the contacts that have been created with my subscribers on Instagram, which today exceed 45,000. I did not imagine exchanges of such kindness with very competent amateurs from all countries.

The second point is that the catering industry in Paris is facing a great difficulty in recruiting. Many restaurants, including Pages, are suffering from this condition. Pierre-Alexandre is obliged to be both director and sommelier. When I asked him if he had printed a menu for this meal, with the list of wines consistent with the list of dishes, he had not had time to do so and that certainly played into the inadequacy of food and wine services, but I am also responsible for having added a dish and a wine.

The third point is the extreme understanding and open-mindedness of my guests. Ranking the Veuve Clicquot second of the votes is wonderful. And accepting with a good heart the approximations of the services of the dishes, it is remarkable. And the unexpected did not take away the pleasure of this meal.

It will be a pleasure to meet again with such charming guests.