Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

271ème déjeuner à l’Appartement Moët Hennessy dimanche, 12 février 2023

Le déjeuner sera le deuxième que j’organise à l’Appartement de Moët Hennessy où ce groupe reçoit ses importants clients. C’est grâce à Stanislas Rocoffort de Vinnière que j’ai cette opportunité et le directeur des lieux, Nicolas Modock va gérer la mise en œuvre du repas qui sera réalisé par le chef Teshi, propriétaire du restaurant Pages avec son équipe. Ce sera le 271ème repas de wine-dinners.

Les vins ont été livrés il y a deux jours et je me présente à 9h30 pour les ouvrir. Il y a eu relativement peu de difficultés pour les ouvertures. Les bouchons des trois vins de la Romanée Conti sont très serrés dans les goulots et demandent des efforts pour les retirer. Le bouchon du Chambertin Charles Viénot 1959 a laissé échapper une petite brisure dans le liquide. La bouteille étant opaque je n’ai pas pu repérer ce petit morceau que Stanislas a eu plus tard dans son verre. Un petit incident de même nature a concerné le Musigny 1906 à la bouteille encore plus opaque que celle du 1959.

Les parfums les plus brillants sont ceux du Veuve Clicquot 1949, divin à l’ouverture, du vin de Chypre 1869, de l’Yquem bien sûr, et de la Romanée Conti déjà envoûtante à son éclosion.

Le parfum de l’Hermitage est prometteur alors que celui du vin de Trapet me paraît un peu trop timide.

Le vrai problème, qui me fait peur, est la senteur que propose La Tâche 1990. Le goulot sent fortement le bouchon et j’ai peur que cette odeur ne subsiste. Mais je ressens quelques minutes plus tard qu’une amélioration est possible. J’ai alors l’idée qu’une ventilation accélérerait la disparition de la mauvaise odeur. En prenant un petit livre que l’on agite au-dessus du goulot, on peut espérer cette amélioration. Je suis entouré pendant l’ouverture des vins par Nicolas, Constantin et Charlène qui travaillent en ce lieu et sont curieux de voir ma façon d’ouvrir les vins. Je propose à Charlène de manier l’éventail et après de longues minutes, la mauvaise odeur a complètement disparu. Je pense malgré tout que La Tâche ne sera pas au niveau de perfection qu’il devrait avoir, mais au moins il sera agréablement buvable et j’ai eu le plaisir qu’il obtienne cinq votes dans le classement final en fin de repas.

Nous sommes onze, dont quatre nouveaux. Il y a trois espagnols déjà venus, un couple vivant au Portugal et six français.

Dans la belle salle de réception, nous trinquons sur un Champagne Dom Pérignon rosé 2008. C’est un rosé que j’adore, d’une réussite évidente et d’une année qui promet. Il a un charme certain et aussi une personnalité conquérante.

Dès que l’on me sert le Champagne Dom Pérignon Œnothèque rosé 1966 dégorgé en 2007, j’ai envie de laisser exploser ma joie, car on grimpe à toute vitesse au sommet de l’Olympe. Ce rosé est transcendantal. Il est d’un message continu, glissant, déroulant une complexité extrême mais aussi une harmonie qui est la clé de son succès. Quel grand champagne. Je n’en reviens pas de cette superbe perfection. Les canapés au foie gras, les beignets de Scampi et le tartare de veau servi avec de la poutargue mettent en valeur ce champagne gastronomique et serein. C’est un immense champagne.

Nous passons à table et voici le menu que j’avais mis au point avec Naoko, la femme du chef Teshi et réalisé par lui : carpaccio de langoustine et caviar, sauce à la crème caviar, brunoise d’oignon et céleri au xérès / turbot, sauce « PAGES » umami / homard de Bretagne, sauce au comté et miso / pigeonneau rôti, sauce au sang, purée de pommes de terre / bœuf Simmental et Wagyu, jus de bœuf, pommes grenaille sautées / mille-feuille aux mangues / Financier.

A l’ouverture, le parfum du Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949 m’était apparu exceptionnel. Il l’est et le goût du champagne est meilleur que le goût du magnum de 1949 que les trois espagnols avaient partagé avec moi lors d’un récent dîner. Je trouve ce 1949 au même niveau que le magnum de Veuve Clicquot 1947 servi à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot qui avait illuminé le 196ème dîner. Ce champagne droit et équilibré est d’une justesse de ton extrême et d’une longueur aimable. La sauce crème caviar est originale et gourmande. Ce sont les pointes d’oignons qui excitent élégamment le champagne. Un régal. Le plat est parfait.

J’hésite souvent dans mes dîners de servir des vins blancs très vieux, car ils ne sont pas toujours compris. Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1929 n’aura pas ce risque car il est ouvert, compréhensible, fluide et droit. Il est généreux et agréable, simple, sans problème. On lui donnerait sans hésiter 80 ans de moins tant il est droit et ouvert. La coquille Saint-Jacques lutée laissant exploser le parfum de truffe est une merveille, qui créera l’accord le plus parfait du repas. Tout le monde est étonné qu’un blanc de 93 ans puisse offrir une telle jeunesse.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004 offre un parfum généreux, opulent mais sans excès. Et le plat divin du turbot subtil l’oblige à jouer de sa séduction plus que de sa puissance. Et l’accord se trouve à merveille, le vin se montrant tout aussi complexe que le plat peut l’être. C’est madrigal contre madrigal, la compétition étant sans gagnant, chacun jouant pour que l’autre triomphe.

Le talent de Teshi sur ces trois plats marins nous a fait penser qu’il tutoyait les trois étoiles. Il y aura maintenant trois plats dont les vins viennent par deux.

Le Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959 est d’une intensité extrême. Le vin est incisif, linéaire, jouant de persuasion. Il est riche aussi, au sommet de son art. Je n’attendais pas une telle puissance de ce vin encore jeune, très expressif et percutant.

Le Chambertin Jean et Jean-Louis Trapet 1990 est un des 1990 que je préfère et très réussi mais à côté du Viénot, sa gentillesse le paralyse. Il est subtil mais un peu éteint. Mon voisin de table me dit que si ce Trapet avait été servi seul, nous l’aurions adoré. Il a raison car le Viénot l’a un peu tétanisé. Le homard qui est servi comme au restaurant Pages est gourmand et sa sauce très forte a peut-être effrayé le 1990.

Je voulais dans ce repas qu’il y ait un moment fort, celui de mettre côte à côte La Tâche et la Romanée Conti d’une année mythique pour les deux, 1990. Je souhaitais qu’il n’y ait pas de compétition ou de confrontation entre eux et en fait il n’y en a pas.

Même si La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1990 n’a plus aucun défaut olfactif, le vin n’est pas au niveau que je lui connais. Il est bon, expressif, mais la touche de génie ne sera pas là.

Alors que la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990 respire l’esprit du domaine. Le nez est typique, le vin offre les notes de sel et de rose qui sont des marqueurs forts. C’est une Romanée Conti au sommet de son art, tout en subtilité. Le pigeon est de belle chair mais la sauce au sang est excessive pour le vin. Il aurait fallu une sauce plus légère pour mettre en valeur ce vin si complexe. La Tâche n’a pas démérité mais la Romanée Conti a montré une très belle expression du génie de la Romanée Conti.

Deux vins de deux régions vont accompagner deux bœufs différents. Le bœuf Simmental présenté en une généreuse portion se montre nettement meilleur que le Simmental en petite portion du restaurant Pages. Le Grand Musigny Faiveley 1906 dont j’ai vu sur la capsule que c’est Faiveley négociant et non domaine, trouve avec lui un compagnon idéal. Ce vin de 116 ans est incroyable. Il a une énergie et une profondeur qui sont impressionnantes. Il est de belle densité, riche avec presque du fruit, et sa richesse m’émeut au point que j’en ferai le gagnant de mon vote, car être face à un vin de 116 ans aussi fringant, c’est la récompense de ma démarche vers les vins anciens. J’ai une forte émotion.

Alors que pour les deux plats précédents un vin prenait le pas sur l’autre, sur ces deux viandes, les deux vins si différents joueront à leur meilleur niveau.

Si le Musigny s’accordait au Simmental, l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 est le compagnon idéal d’un magnifique Wagyu. Cet Hermitage est magnifique, d’une palette de goûts très variée et superbe. C’est l’une des grandes réussites de l’Hermitage La Chapelle. Il hésite entre puissance et complexité et joue des deux. On peut aller d’un vin à l’autre car ils ne se nuisent pas, si différents et les deux si plaisants.

Le Château d’Yquem 1924 reconditionné en 1994 est d’une couleur de chocolat noir tant il est foncé. Le nez est de caramel, mais en bouche il évoque aussi la mangue ensoléillée. Son parfum est généreux et voluptueux. Le millefeuille est un peu trop marqué par rapport à la mangue qui aurait dû être dominante. Mais ce dessert est délicieux.

Le Vin de Chypre 1869 avait un nez conquérant à l’ouverture avec de la réglisse, du poivre, du cumin et une trace de camphre qui a maintenant disparu. Le parfum intense est d’une grande séduction. Le vin est fort, entraînant, d’une densité extrême. J’ai un amour particulier pour ce vin prégnant à la longueur infinie, mis en valeur par un financier très réussi.

Nous devons voter sur nos cinq vins préférés des treize vins du repas. Onze sur treize ont figuré dans les votes ce qui est plaisant. Les deux seuls sans vote sont le rosé 2008 de Dom Pérignon, ce qui est logique car il a précédé le repas et a été suivi par le sublime rosé 1966. L’autre vin sans vote est le Chambertin Trapet auquel le Charles Viénot a fait de l’ombre.

Sept vins ont été nommés premier au moins une fois ce qui est remarquable et montre deux choses : d’une part la diversité des choix des convives puisque nos impressions sont différentes, et d’autre part que je n’influence pas les votes de participants, s’il existe sept champions différents. La Romanée Conti 1990 a eu trois votes de premier, le Montrachet 2004 et le Musigny 1906 ont eu chacun deux votes de premier et les vins qui ont eu un vote de premier sont le Dom Pérignon rosé 1966, le Pavillon Blanc de Château Margaux 1929, l’Hermitage La Chapelle 1962 et le vin de Chypre 1869.

Le classement du consensus est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 2 – Grand Musigny Faiveley 1906, 3 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2004, 4 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 5 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 6 – Château d’Yquem 1924.

Mon classement est : 1 – Grand Musigny Faiveley 1906, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1990, 3 – Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1949, 4 – Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1959, 5 – Vin de Chypre 1869.

L’accord le plus extraordinaire est celui de la coquille Saint-Jacques avec le Pavillon Blanc 1929 suivi du turbot avec le Montrachet de la Romanée Conti 2004. La cuisine de Ryuji Teshima a été absolument remarquable, plébiscitée par tous les convives. Le service a été parfait, des plats comme des vins par le sommelier Clément.

Dans le salon nous avons goûté un Cognac Hennessy Richard très expressif, fluide et racé sur de frais chocolats. Dans une ambiance souriante, ce fut un déjeuner absolument réussi.

réveillon de la Saint-Sylvestre 2022 dimanche, 1 janvier 2023

Le réveillon de la Saint-Sylvestre se tient dans notre maison du sud. Tous les vins sauf un proviennent de ma cave de la région parisienne et sont venus avec moi en train. A 15 heures commence l’ouverture des vins du dîner.

Le Château Le Pape Léognan 1929 n’a pas d’étiquette mais la capsule donne le nom et l’année très lisibles. Le niveau est haut pour un vin de cet âge et le bouchon est très court et vient sans problème. Le parfum m’évoque immédiatement la noblesse et la solidité du millésime 1929, l’un des tout premiers du siècle.

J’avais pris un Château Haut-Brion 1923 pour célébrer l’entrée dans le millésime 2023 avec un vin de cent ans. Le niveau dans la bouteille est très bas. Le bouchon extrêmement long est levé tout doucement et vient entier. Le parfum est rassurant, car il n’est pas abîmé par le niveau très bas. Il y a bien sûr des signes de vieillesse, mais je pense que le vin va se reconstituer.

Le Meursault Hospices de Beaune Cuvée Lopin 1955 est un vin que j’ai acheté de la cave de l’Institut de France où il y a un grand nombre de vins dont les bouchons ont été changés et personne à l’Institut ne savait comment et pourquoi cela avait été fait. Il y a donc une inconnue pour chaque bouteille. Je lève un bouchon neutre et l’odeur est rassurante. Le vin ne semble pas madérisé et n’est pas dévié. Il profitera de l’oxygénation lente jusqu’au moment où il sera servi.

La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992 a un niveau parfait et un bouchon de grande qualité. Son parfum est timide mais sans problème. En six ou sept heures il s’épanouira.

Le Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947 est d’une bouteille de grande beauté, avec un beau niveau. Son parfum est magnifique et généreux.

Pour ouvrir le Château d’Yquem 1986, j’utilise un tirebouchon classique. Je lève le bouchon de quelques millimètres et normalement, le tirebouchon devrait être remplacé par une longue mèche pour la levée complète. Mais lorsque je veux enlever le tirebouchon, le bouchon tourne avec lui. Impossible de le lever. Logiquement le bouchon devrait remonter sans problème mais en fait une surépaisseur du verre l’empêche de remonter. Je fais donc ces efforts très lents, mais la mèche du tirebouchon est petite et le bouchon très long. A un moment le bas du bouchon se brise et tombe dans le liquide. N’ayant pas les outils que j’utilise à Paris, je suis obligé de carafer le vin. Comme c’est un jeune Yquem offert par un de nos amis, il ne souffrira pas.

Le Champagne Pol Roger Goût Français Grand Vin # 1940 est un cadeau d’un ami que je n’ai pas vu depuis des années. Il m’a fait savoir qu’il a deux vieux Pol Roger dont il a changé les bouchons pour mettre des bouchons jeunes et m’a indiqué que selon lui, cette opération ne réduit pas la vivacité des bulles. J’ai déjà bu en famille la bouteille la plus basse, vraiment très basse et qui m’avait fait bonne impression, et nous allons boire celle-ci. Pour chaque bouteille il avait joint l’ancien bouchon qui permet d’estimer l’âge. J’ai pensé années 40 mais la mention « interdit d’exporter » pourrait indiquer années 50. Le nez du champagne est prometteur.

Le dernier vin que j’ouvre est le Champagne Dom Pérignon Moët & Chandon 1966, de l’année que je préfère dans la décennie 1960 – 1969. Le bouchon est court et délivre un pschitt discret. L’odeur évoque une belle suavité.

Les amis arrivent à 19 heures. Nous sommes six. Une amie a apporté ce qui fera l’apéritif : poutargue, Pata Negra, toasts au foie gras, asperges, petits toasts de mimolette avec une confiture à la mirabelle et petits toasts de roquefort à la confiture de framboise.

Je sers le Champagne Pol Roger Goût Français Grand Vin # 1940. Quelle surprise ! le champagne est doux, très doux, ce qui est amusant car généralement on disait des champagnes très dosés qu’ils avaient le goût américain. Or Pol Roger les nomme Goût Français. Le champagne est délicieux, expressif, et ce sera la plus belle surprise du repas pour son originalité. Il va avec la poutargue, naturellement avec les toasts. C’est un champagne de grand plaisir.

Nous passons à table et le menu est ainsi construit : comparaison de deux caviars, l’osciètre de Kaviari et un caviar malossol lituanien / coquilles Saint-Jacques crues avec un caviar Baeri / pommes de terre cuites à la vapeur, à la crème et à la truffe / filets de pigeon et purée Robuchon / fromages / Stilton / tarte Tatin.

Le Champagne Dom Pérignon Moët & Chandon 1966 est noble, large et incisif. Il trace sa route. Il convient parfaitement aux deux caviars très différents, le malossol qui est croquant et subtil et l’osciètre fonceur et profond. Le Dom Pérignon est très élégant, charmeur, lui aussi fonceur tant il délivre son message avec une droiture rare. L’accord avec le champagne est divin.

Le Meursault Hospices de Beaune Cuvée Lopin 1955 est servi sur les coquilles et le Baeri. Ce vin est d’une belle complexité et délivre ses subtilités en salves successives. Chaque gorgée n’est pas la même que la précédente ce qui est plaisant et le différencie du champagne 1966 qui ne dévie jamais de sa trajectoire. Le sucré de la coquille est idéal pour mettre en valeur ce meursault qui ne peut pas cacher son âge même s’il est bon.

Les pommes de terre truffées accueillent les deux bordeaux. Le Château Le Pape Léognan 1929 a une couleur d’un rouge sang, d’une jeunesse étonnante. Il est magistral, intense, truffé, long et imposant, et montre parfaitement ce qui fait de 1929 une année mythique. C’est un grand vin qui me plaira tellement que j’en ferai mon gagnant malgré les superbes vins qui vont suivre.

Le Château Haut-Brion 1923 a une couleur plus terreuse. En le buvant, il y a à un moment une trace d’acidité qui ne gêne pas le reste du message. Il est complexe, chaleureux, noble et distingué et chacun arrive à ne pas être rebuté par la trace acide car ce vin figurera dans tous les votes. Il est superbe mais blessé et nous ne sommes pas gênés par sa blessure. L’accord de la crème des pommes de terre est plus brillant avec le Haut-Brion qu’avec le Château Le Pape.

Les deux vins qui suivent accompagnent les filets de pigeon et la purée gourmande. La Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992 a un nez subtil et gracieux qui évoque toutes les qualités de la Romanée Conti. Le vin est frais, avec ses traces de rose et de sel et mes amis s’extasient, car le vin est élégant, d’un charme raffiné. Je suis moins impressionné car les Richebourg 1963 et 1969 que j’ai bus lors des réveillons de Noël sont à des hauteurs impressionnantes, du fait de l’âge, qui sourit aux vins du domaine.

Le Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947 est exceptionnel. Le niveau est haut, le nez est imposant mais gourmand et en bouche c’est une plénitude. Il est riche, entreprenant, large et joyeux. Un vin exceptionnel qui sera classé premier dans le décompte du consensus. Une merveille.

J’avais acheté une dizaine de fromages différents. Après l’apéritif copieux et les plats successifs l’esprit n’était pas à prendre du fromage, sauf à goûter un excellent Stilton qui va accompagner le Château d’Yquem 1986. Il est déjà joliment doré, son parfum est idéal et en bouche il est ensoleillé. Yquem est toujours parfait et le Stilton lui convient dans cette jeunesse.

La tarte Tatin de mon épouse devrait être couronnée de mille médailles. C’est moi qui ai eu l’honneur et le courage de retourner le plat à tarte. La pomme est fondante à souhait et l’accord avec l’Yquem est brillant.

Ayant organisé le choix des vins et avec ma femme le choix des plats, ce repas sera classé dans les dîners de wine-dinners, au numéro 270.

Nous sommes cinq à voter pour nos cinq vins préférés. Trois vins sur les huit ont eu des votes de tout le monde : le Châteauneuf du Pape, la Romanées Saint-Vivant et le Haut-Brion 1923. Trois vins ont eu des votes de premier, le Châteauneuf du Pape deux fois, la Romanée Saint-Vivant deux fois et le Château Le Pape Léognan 1929 une fois.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947, 2 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992, 3 – Château Haut-Brion 1923, 4 – Château Le Pape Léognan 1929, 5 – Champagne Pol Roger Goût Français Grand Vin # 1940, 6 – Château d’Yquem 1986.

Mon classement est : 1 – Château Le Pape Léognan 1929, 2 – Châteauneuf-du-Pape Brotte et Armenier 1947, 3 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1992, 4 – Château Haut-Brion 1923, 5 – Champagne Dom Pérignon Moët & Chandon 1966.

Nos amis ont été impressionnés par la pertinence des accords. Je suis heureux que mes vins se soient comportés aussi bien. Nous avons franchi le passage d’un millésime à un autre de la plus belle des façons.

269th dinner at the Pages restaurant samedi, 19 novembre 2022

The 269th dinner is held at the Pages restaurant. I arrive around 4 p.m. and begin to open the wines. The 1959 Chablis Regnard has an awful corky taste that seems so strong to me that I highly doubt it will come back to life. Conversely, Beaune du Château Bouchard without year that I imagine from the 50s has an exciting scent. I brought a bottle of Château d’Arlay Côtes du Jura white 1973 which will complement the Chablis.

The Angélus Saint-Emilion 1950 emits an unpleasant camphor smell. What will become of the wine, it is difficult to say. The Montrose 1928, on the contrary, has a very engaging sweetness. We should be in front of a great wine. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 is promising. Phew, because it is this wine that should be the crown of the evening.

Château Rayas 1976 and Hermitage Jean Louis Chave 1962 are so solid that there is no doubt. Château Chalon Clément 1906 in an old blown and opaque bottle has a discreet fragrance, which is the opposite of Yquem 1949, which is an olfactory bomb. We can expect a brilliant wine.

I decide to open the champagnes without waiting, which I don’t usually do. The Salon 2006 cork claps in my hand with a loud clang and the scent promises a champagne of great power. The cap of the Veuve Clicquot 1949 magnum comes without any pschitt and the perfume of the wine pleases me enormously. The most beautiful perfumes seem to me to be those of Yquem, Veuve Clicquot and Montrose.

The opening operation ended at 5:30 p.m. and uncertainties remain. The Chablis scares me very much and the Angélus is a question mark. I added two wines to the announced program, the Salon champagne and the Château d’Arlay. So there is no danger.

The staff of the Pages restaurant have dinner at 6 p.m. at Brasserie 116, which is just next door and is owned by the owners of Pages. According to tradition, I go there to drink a beer, which allows me to wait for the arrival of the guests.

We are eleven guests, including four from Spain, two from England, two from Switzerland, one American, one French and me. The four women are all from different countries. The menu was composed with Ken, the chef and with Pierre-Alexandre who combines the functions of room manager and sommelier. It is prepared as follows: appetizers: butternut velouté with 4 spices, mackerel and lemon crud, parmesan shortbread with celeriac / Jerusalem artichoke with scallop tartare / lobster and its yellow wine and Comté sauce / red mullet and its red wine sauce / duck and red wine and blood sauce, ravioli and roasted turnips / hare, celery puree and potato puree / wagyu beef, potato waffle, beef jus / Comté cheese 36 months / tart citrus / financial.

The weakness of the Chablis made me add the 1973 Jura wine, which I will therefore put at the top of the meal, which leads me to ask Ken to provide a plate of mollusk shell for this wine.

We drink the Champagne Salon 2006 standing up, which is glorious. Its perfume is engaging as it is generous, and in mouth, the Salon is full, broad, conquering. This young champagne is absolutely successful.

We sit down to eat and Pierre-Alexandre serves me a glass of Veuve Clicquot Magnum 1949 Champagne. Amazement! The color of champagne is that of a rain-soaked cloud. It is an intense gray and is not engaging. If such a champagne were ordered in a restaurant, the immediate reflex would be to refuse it. Everyone looks for my reaction and the surprise is immense. The nose is pleasant and soft and the champagne has a crazy charm. We even smell a little sparkle. It is particularly pleasant on appetizers which it accompanies with great subtlety. We are all under the spell of this champagne which will receive a vote of second, which is impressive. It is round and offers joyful complexities. It is a great champagne and I am happy that my guests were able to overcome the awful color of this champagne.

I had in mind cockles that would have been cooked to bring out a slightly sweet side for the Château d’Arlay Côtes du Jura white 1973, but in fact the cockles are too iodized for this slightly fragile Jura wine to respond to them. The wine is pleasant but lacks a bit of breadth.

I insisted so much on the fact that the Chablis 1er Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959 would be corked that everyone reacted positively to this wine, which has lost at least 95% of the corky taste it had when it was opened. . A guest will follow it during the meal and will become passionate about it because indeed at some point, all traces of cork will have disappeared, and the wine will even collect votes at the end of the meal. I wouldn’t have imagined it.

The Beaune du Château Bouchard Père & Fils white around 1950 is a wine that I love. Most often it is not vintage and is for great years like 1929 with unforgettable memories. This white wine is joyful, broad, engaging, ready for all culinary alliances. It shines on mackerel as on scallops.

L’Angélus Saint-Emilion 1950 failed to come back to life. A nasty smell of camphor remains. We recognize in the background the taste of a noble Saint-Émilion, but the pleasure is not there. It is therefore the Château Montrose L. Charmolüe 1928 which will accompany the delicious lobster. This wine is great, magnified by a vintage of anthology. Around me the guests are astonished that a 94-year-old wine can have such youth. This is the magic of wine. It has a nice richness, a solid chew. It is a doctrinal wine that knows how to give pleasure.

When I am served La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 I see with horror that they are serving red mullet at the same time. In fact Pierre-Alexandre was disturbed by the addition of a dish and a wine and served the wines too quickly without respecting the planned program. I have decided to accept the situation since the rest of the meal will be out of step. You might as well live it with a positive attitude, which each guest has understood and accepted. At the end of the meal, I suggested that our cosmopolitan group get back together in a few months, for a similar dinner with « real » food and wine pairings.

That being said, we were able to enjoy all the following wines without ever suffering in their tasting.

So they serve me La Tâche and my heart sinks. The attack of the wine is so fresh that I am in heaven. It is a marvelous wine, balanced, powerful but subtle, with an incredible charm. This is the eighth Romanée Conti wine that I drink from 1943. All have been perfect and this one is magical. That is charm in my glass. You have to eat the red mullet by calming your mouth and you get there. The delicious duck is more conducive to Burgundy wine.

By putting together the two Rhône wines we will find the coherence of the agreements, with the magical hare à la Royale and the melting and delicious Wagyu. Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976 surprises me because it has accents of Algerian wines, with coffee and tobacco. It amuses me to think that a Rhône wine could have been hermitaged with a wine from Algeria, but of course this is not the case, because this wine from a year of drought has suffered the consequences. It is a very good wine, adored by many around the table, but it is not one of the greatest Rayas.

Next to him, I have the eyes of Chimène for the Hermitage Jean Louis Chave 1962. What a great, subtle and delicate wine. It has the same extreme freshness in the attack that I felt with La Tâche. This wine is happiness and with Japanese meat, it is a rare pleasure.

The Comté is actually 42 months old, and I find it delicious because its age is not too marked. Château Chalon Clément Jura 1906 has a very pretty color. He is dashing but maybe not enough for his 116 years. I was expecting a slightly more concentrated wine. He lost strength.

The new pastry chef at the Pages restaurant has created a dessert for Château d’Yquem 1949 which is a marvel of taste and relevance for wine. Cheer. Yquem is simply glorious and it shows once again that when Yquem is great, it is perfect. Its fragrance is brilliant and its inextinguishable taste is majestic.

This dinner was anything but ordinary. The atmosphere was one of absolute joy. We voted. Five wines were ranked first. La Tâche 1943 received seven first votes and four other wines had one first vote: Veuve Clicquot 1949, Montrose 1928, Hermitage 1962 and Yquem 1949. The only wines without votes are the Angélus and the two wines of the Jura. Nine wines therefore had votes, each voting for their five favourites, which shows a good sample of qualities.

The consensus vote would be: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 2 – Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949, 3 – Château d’Yquem 1949, 4 – Hermitage Jean Louis Chave 1962, 5 – Château Montrose L. Charmolüe 1928, 6 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976.

My vote is: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 2 – Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949, 3 – Hermitage Jean Louis Chave 1962, 4 – Château d’Yquem 1949, 5 – Beaune from Château Bouchard Père & Fils circa 1950.

What about this meal? First of all that it is probably the most cosmopolitan of my dinners with five countries represented. This is due to the contacts that have been created with my subscribers on Instagram, which today exceed 45,000. I did not imagine exchanges of such kindness with very competent amateurs from all countries.

The second point is that the catering industry in Paris is facing a great difficulty in recruiting. Many restaurants, including Pages, are suffering from this condition. Pierre-Alexandre is obliged to be both director and sommelier. When I asked him if he had printed a menu for this meal, with the list of wines consistent with the list of dishes, he had not had time to do so and that certainly played into the inadequacy of food and wine services, but I am also responsible for having added a dish and a wine.

The third point is the extreme understanding and open-mindedness of my guests. Ranking the Veuve Clicquot second of the votes is wonderful. And accepting with a good heart the approximations of the services of the dishes, it is remarkable. And the unexpected did not take away the pleasure of this meal.

It will be a pleasure to meet again with such charming guests.

269ème dîner au restaurant Pages samedi, 19 novembre 2022

Le 269ème dîner se tient au restaurant Pages. J’arrive vers 16 heures et je commence à ouvrir les vins. Le Chablis Regnard 1959 a un affreux goût de bouchon qui me semble si puissant que je doute fortement de son retour à la vie. A l’inverse, le Beaune du Château Bouchard sans année que j’imagine des années 50 a un parfum enthousiasmant. J’ai apporté une bouteille de Château d’Arlay Côtes du Jura blanc 1973 qui viendra en renfort du chablis.

L’Angélus Saint-Emilion 1950 émet une odeur camphrée désagréable. Que deviendra le vin, il est difficile de le dire. Le Montrose 1928 au contraire est d’une douceur très engageante. On devrait se trouver en face d’un grand vin. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 est prometteuse. Ouf, car c’est ce vin qui devrait être le phare de la soirée.

Le Château Rayas 1976 et l’Hermitage Jean Louis Chave 1962 sont tellement solides qu’il n’y a aucun doute. Le Château Chalon Clément 1906 dans une bouteille ancienne soufflée et opaque a un parfum discret, ce qui est l’inverse de l’Yquem 1949 qui est une bombe olfactive. On peut s’attendre à un vin brillant.

Je décide d’ouvrir sans attendre les champagnes ce que je ne fais pas habituellement. Le bouchon du Salon 2006 claque dans ma main avec un bruit fort et le parfum promet un champagne de grande puissance. Le bouchon du magnum de Veuve Clicquot 1949 vient sans aucun pschitt et le parfum du vin me plait énormément. Les plus beaux parfums me semblent être ceux de l’Yquem, du Veuve Clicquot et du Montrose.

L’opération d’ouverture est finie à 17h30 et des incertitudes subsistent. Le Chablis me fait très peur et l’Angélus est un point d’interrogation. J’ai ajouté deux vins par rapport au programme annoncé, le champagne Salon et le Château d’Arlay. Il n’y a donc aucun péril.

Le personnel du restaurant Pages dîne à 18 heures à la brasserie 116 qui est juste voisin et appartient aux propriétaires de Pages. Selon la tradition j’y vais pour boire une bière, ce qui me permet d’attendre l’arrivée des convives.

Nous sommes onze convives, dont quatre venant d’Espagne, deux d’Angleterre, deux de Suisse, une américaine, un français et moi. Les quatre femmes sont toutes de pays différents. Le menu a été composé avec Ken, le chef et avec Pierre-Alexandre qui cumule les fonctions de directeur de salle et de sommelier. Il est ainsi élaboré : amuse-bouches : velouté de butternut aux 4 épices, maquereau et crème de citron, sablé de parmesan au céleri rave / topinambour au tartare de Saint-Jacques / homard et sa sauce au vin jaune et Comté / rouget et sa sauce au vin rouge / canard et sauce au vin rouge et sang, raviole et navets rôtis / lièvre, purée de céleri et purée de pomme de terre / bœuf wagyu, gaufre de pomme de terre, jus de bœuf / Comté 36 mois / tarte aux agrumes / financier.

La faiblesse du chablis m’a fait ajouter le vin du Jura de 1973 que je mettrai donc en tête de repas ce qui me pousse à demander à Ken de prévoir une assiette de coques pour ce vin.

Nous buvons debout le Champagne Salon 2006 qui est glorieux. Son parfum est engageant tant il est généreux, et en bouche le Salon est plein, large, conquérant. Ce jeune champagne est absolument réussi.

Nous passons à table et Pierre-Alexandre me sert un verre de Champagne Veuve Clicquot Magnum 1949. Stupeur ! La couleur du champagne est celle d’un nuage gorgé de pluie. Elle est d’un gris intense et n’est pas engageante. Si un tel champagne était commandé dans un restaurant, le réflexe immédiat serait de le refuser. Tout le monde me regarde le goûter et la surprise est immense. Le nez est agréable et doux et le champagne a un charme fou. On sent même un peu de pétillant. Il est particulièrement agréable sur les amuse-bouches qu’il accompagne avec beaucoup de subtilité. Nous sommes tous sous le charme de ce champagne qui recevra un vote de second, ce qui est impressionnant. Il est rond et offre des complexités joyeuses. C’est un grand champagne et je suis heureux que mes convives aient su surmonter l’affreuse couleur de ce champagne.

J’avais en tête des coques qui auraient été cuites pour faire apparaître un côté légèrement sucré pour le Château d’Arlay Côtes du Jura blanc 1973,
mais en fait les coques sont trop iodées pour ce vin du Jura un peu frêle pour leur répondre. Le vin est agréable mais manque un peu de largeur.

J’ai tellement insisté sur le fait que le Chablis 1er Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959 serait bouchonné que tout le monde réagit positivement à ce vin qui a perdu au moins 95% du goût de bouchon qu’il avait à l’ouverture. Un convive va le suivre pendant le repas et en deviendra passionné car effectivement à un moment, toute trace de bouchon aura disparu, et le vin recueillera même des votes en fin de repas. Je ne l’aurais pas imaginé.

Le Beaune du Château Bouchard Père & Fils blanc vers 1950 est un vin que j’adore. Le plus souvent il n’est pas millésimé et l’est pour de grandes années comme 1929 au souvenir inoubliable. Ce vin blanc est joyeux, large, engageant, prêt à tous les alliances culinaires. Il brille sur le maquereau comme sur les coquilles Saint-Jacques.

L’Angélus Saint-Emilion 1950 n’a pas réussi son retour à la vie. Une vilaine odeur de camphre subsiste. On reconnaît en filigrane le goût d’un noble saint-émilion, mais le plaisir n’est pas là. C’est donc le Château Montrose L. Charmolüe 1928 qui va accompagner le délicieux homard. Ce vin est grand, magnifié par un millésime d’anthologie. Le vois autour de moi les convives étonnés qu’un vin de 94 ans puisse avoir une telle jeunesse. C’est la magie du vin. Il a une belle richesse, une mâche solide. C’est un vin doctrinal qui sait donner du plaisir.

Lorsque l’on me sert La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943 je vois avec effroi que l’on sert en même temps les rougets. En fait Pierre-Alexandre a été troublé par l’ajoute d’un plat et d’un vin et a servi les vins trop vite sans respecter le programme prévu. J’ai pris le parti d’accepter la situation puisque toute la suite du repas va se faire en décalage. Autant la vivre avec une attitude positive, ce que chaque convive a compris et admis. J’ai suggéré en fin de repas, que notre groupe cosmopolite se reforme dans quelques mois, pour un dîner similaire avec de « vrais » accords mets et vins.

Ceci étant dit, nous avons pu profiter de tous les vins qui suivent sans jamais souffrir dans leur dégustation.

On me sert donc La Tâche et mon cœur chavire. L’attaque du vin est d’une telle fraîcheur que je suis aux anges. C’est un vin merveilleux, équilibré, puissant mais subtil, d’un charme inouï. C’est le huitième vin de la Romanée Conti que je bois de 1943. Tous ont été parfaits et celui-ci est magique. C’est du charme dans mon verre. Il faut manger le rouget en calmant sa bouche et on y arrive. Le délicieux canard est plus propice au vin de Bourgogne.

En mettant ensemble les deux vins du Rhône on va retrouver la cohérence des accords, avec le magique lièvre à la Royale et le Wagyu fondant et délicieux. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976 m’étonne car il a des accents de vins algériens, avec le café et le tabac. Ça m’amuse de penser qu’un vin du Rhône ait pu être hermitagé avec un vin d’Algérie, mais bien sûr ce n’est pas le cas, car ce vin d’une année de sécheresse en a accusé les conséquences. C’est un très bon vin, adoré par plusieurs autour de la table, mais ce n’est pas l’un des plus grands Rayas.

A côté de lui, j’ai les yeux de Chimène pour l’Hermitage Jean Louis Chave 1962. Quel grand vin subtil et délicat. Il a la même fraîcheur extrême dans l’attaque que celle que j’ai ressentie avec La Tâche. Ce vin est du bonheur et avec la viande japonaise, c’est un plaisir rare.

Le Comté est en fait de 42 mois, et je le trouve délicieux car son âge n’est pas trop marqué. Le Château Chalon Clément Jura 1906 a une très jolie couleur. Il est fringant mais peut-être pas assez pour ses 116 ans. Je m’attendais à un vin un peu plus concentré. Il a perdu de la vigueur.

Le nouveau pâtissier du restaurant Pages a composé un dessert pour le Château d’Yquem 1949 qui est une merveille de goût et de pertinence pour le vin. Bravo. L’Yquem est tout simplement glorieux et il montre une fois de plus que lorsque Yquem est grand, il est parfait. Son parfum est brillantissime et son goût inextinguible est majestueux.

Ce dîner a été tout sauf banal. L’ambiance était d’une joie absolue. Nous avons voté. Cinq vins ont été classés premiers. La Tâche 1943 a reçu sept votes de premier et quatre autres vins ont eu un vote de premier : Veuve Clicquot 1949, Montrose 1928, l’Hermitage 1962 et l’Yquem 1949. Les seuls vins sans votes sont l’Angélus et les deux vins du Jura. Neuf vins ont donc eu des votes, chacun votant pour ses cinq favoris, ce qui montre un bel échantillon de qualités.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 2 – Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949, 3 – Château d’Yquem 1949, 4 – Hermitage Jean Louis Chave 1962, 5 – Château Montrose L. Charmolüe 1928, 6 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943, 2 – Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949, 3 – Hermitage Jean Louis Chave 1962, 4 – Château d’Yquem 1949, 5 – Beaune du Château Bouchard Père & Fils vers 1950.

Que dire de ce repas ? Tout d’abord qu’il est probablement le plus cosmopolite de mes dîners avec cinq pays représentés. Cela est dû aux contacts qui se sont créés avec mes abonnés sur Instagram, qui dépassent aujourd’hui les 45.000. Je n’imaginais pas des échanges d’une telle gentillesse avec des amateurs très pointus de tous pays.

Le second point est que la restauration à Paris fait face à une grande difficulté de recrutement. Beaucoup de restaurants, dont Pages, souffrent ce cet état. Pierre-Alexandre est obligé d’être à la fois directeur et sommelier. Quand je lui ai demandé s’il avait imprimé un menu pour ce repas, avec la liste des vins en cohérence avec la liste des plats, il n’avait pas eu le temps de le faire et cela a joué certainement dans l’inadéquation des services des mets et des vins, mais je suis aussi responsable en ayant ajouté un plat et un vin.

Le troisième point est l’extrême compréhension et ouverture d’esprit de mes convives. Classer le Veuve Clicquot à la si triste couleur deuxième des votes, c’est merveilleux. Et accepter de bon cœur les approximations des services des plats, c’est remarquable. Et l’imprévu n’a enlevé en rien le plaisir de ce repas.

Champagne Salon 2006

Magnum Champagne Veuve Clicquot 1949

Château d’Arlay Côtes du Jura white 1973

le bouchon du vin d’Arlay est en bas de la photo. 

Chablis 1er Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959

Beaune du Château Bouchard blanc # 1950

Château L’Angélus Saint-Emilion 1950

Château Montrose L. Charmolüe 1928

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1943

Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1976

Hermitage Jean Louis Chave 1962

Château Chalon Clément Jura 1906

Château d’Yquem 1949

les bouchons

le repas

la table en fin de repas

le classement des vins en fin de repas

268ème repas à l’Appartement Moët Hennessy vendredi, 21 octobre 2022

Stanislas Roccofort de Vinnière est en charge des relations avec les grands clients particuliers du groupe Moët Hennessy. A ce titre, il a à sa disposition l’usage d’un appartement privé où sont reçus ces clients précieux. Cela faisait longtemps que Stanislas souhaitait qu’un de mes repas se fasse en ce lieu. Nous y avons travaillé et ce jour va se tenir dans l’Appartement Moët Hennessy le 268ème de mes repas, à déjeuner.

Les vins ont été apportés peu de jours avant le repas et mis verticaux la veille. Je me présente à 9h30 pour ouvrir les vins. Normalement je le fais dans l’ordre de service des vins et je finis par les champagnes. Mais je vais commencer par le magnum de Romanée Conti car un ami ayant vu la photo a émis un doute sur l’authenticité du vin. En effet il n’y a aucun numéro sur l’étiquette alors que les vins sont toujours numérotés. Une omission est possible mais autant vérifier pour savoir au plus vite si je dois ouvrir une bouteille de secours.

La bouteille du 1961 est fermée par une cire très ancienne largement cassée mais ne permettant en aucun cas que l’on ait changé de bouchon. Ce qui reste de la cire n’a aucune indication, histoire de maintenir le suspense. Je casse la cire et une lunule de verre du bord du goulot se brise. Je retire le bouchon qui est noir sur toute sa longueur et vient en plusieurs morceaux. Le suspense continue. Il est donc temps de sentir et de goûter le vin ce que je ne fais normalement pas pour garder la pureté de la méthode d’oxygénation lente, en ne remuant pas la bouteille.

La couleur est d’un rouge clair qui est sympathique. Le nez est volontiers terrien et poussiéreux ce qui ne m’émeut pas car cela arrive souvent avec les vins de la Romanée Conti. En bouche, le vin fait son âge. Il n’est pas encore épanoui, mais rien ne permet de dire que ce ne serait pas une Romanée Conti. Je vais donc continuer à sentir pour suivre l’évolution du parfum, mais à ce stade il n’y a aucune raison d’avoir peur.

L’Y d’Yquem 1962 à la belle couleur dorée a un nez épanoui où l’on ressent des accents d’Yquem, mais secs. Le Montrachet Comtes Lafon 1978 a un parfum puissant d’un charme fou. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2003 a un bouchon tellement serré que je suis obligé de demander de l’aide à Nicolas, le manager de l’appartement, car mes efforts ne suffisent pas. Le nez de ce vin est d’une grande précision, surclassé par l’opulence du parfum du Comtes Lafon.

Le Clos Des Lambrays 1978 me semble avoir un nez de bouchon. Espérons qu’il disparaisse. Le Musigny Domaine Georges de Vogüé 1955 a un bouchon qui se déchire en mille morceaux et cela est dû au fait qu’il y a un pincement dans le goulot. La partie du bouchon sous le pincement ne peut sortir qu’en charpie. Le parfum du Musigny est si extraordinaire de générosité et de perfection que je préfère remettre un bouchon sur le goulot pour garder le miracle de cette odeur divine.

La Tâche 1969 a un bouchon qui vient entier. Le tiers supérieur du bouchon est noir, signe généralement d’une différence de température entre des lieux de stockage de ce vin. Le vin m’offre un de ces parfums qui font ma joie : cela sent la terre, le sel, la vieille armoire, mais je sais à l’avance que le vin s’assemblera, selon une évolution positive tant de fois ressentie.

Comme si je n’avais pas assez de l’énigme de la Romanée Conti, l’Yquem 1899 se présente avec une capsule qui n’est pas frappée du chiffre du millésime. Dans ce cas, le bouchon porte une indication de l’année de l’habillage nouveau de la bouteille. Mais là, on voit un bouchon où des écritures ont existé, mais sont presque complètement effacées. Le bouchon n’a pas 123 ans, il est assez vieux, mais rien n’indique qu’il est d’Yquem. Tout indique un faux, sauf que le parfum du vin est à se damner. La couleur du vin est noire, et tout indique un très bel Yquem. Si un faussaire a fait ce vin, il l’a fait avec de l’Yquem 1899 !

Pour que le suspense ne finisse pas là, j’ouvre le Porto Ferreira 1815 dont le bouchon collé au verre sort en totale charpie. Et les morceaux dont le bas du bouchon tombent dans le liquide ce qui impose de carafer le vin, de laver la bouteille et de remettre le vin dans sa bouteille d’origine. Pendant ces opérations je sens le vin qui ne me semble pas avoir 207 ans. Il fallait bien que le suspense continue.

Je commence à ouvrir les champagnes. Je n’ai plus l’habitude d’ouvrir les jeunes champagnes, aussi le bouchon du Dom Ruinart 2010 m’échappe des mains et saute dans la pièce, avec un pschitt de canon d’artillerie. Le Dom Ruinart 1988 a un joli pschitt mais plus civilisé. Sa couleur est belle. Le bouchon s’est brisé à la torsion, comme celui du Dom Pérignon rosé 1982.

J’ai fini toutes les opérations d’ouverture à 11h30. Il est rare que je prenne deux heures pour ouvrir les vins du repas.

Le repas a été mis au point avec le chef Teshi, propriétaire du restaurant Pages et avec son épouse Naoko. Nous nous connaissons bien aussi la mise au point du repas a été facile. J’ai participé à la mise au point du service avec le personnel de service et avec le sommelier Pierre qui a fait un beau travail de service des vins.

Le menu est : Pata Negra de 36 mois / tourteau et tarte à l’édamamé / mille-feuille de saumon / huîtres avec une gelée d’algues / carpaccio de loup et caviar d’Aquitaine / cabillaud à la sauce « Pages » / homard breton, bisque au comté et vin jaune / saint-pierre à la sauce vin rouge / pigeon vendéen à la sauce au sang / wagyu poêlé, pommes de terre grillées / stilton / tarte à la mangue / financier nature / chocolat grenache.

Nous sommes onze dont dix hommes majoritairement français et deux belges. L’apéritif est pris dans le salon après une présentation par Nicolas des merveilles d’artisanat qui contiennent des vins et alcools avec une rare sophistication.

Le Champagne Dom Ruinart 2010 est une mise en bouche souhaitée par Stanislas. Il promet, mais il est encore bien jeune. Il a donné les trois coups de la pièce qui va se jouer

Le Champagne Dom Ruinart 1988 a été annoncé par moi par erreur comme étant de 1964. Il se trouve que j’aime beaucoup le 1964 que j’ai souvent bu et comme l’étiquette est quasiment la même, j’ai annoncé 1964 et on l’a bu comme tel. Cela prouve que sa maturité permettait d’accepter cette date, mais aussi qu’un 1964 paraissait jeune. A ce détail près, tout le monde adore ce magnifique champagne épanoui, large et solaire. Pour beaucoup c’est une découverte très positive.

Nous passons à table. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 est très raffiné. Mais nous avons encore en bouche le charme du Dom Ruinart aussi paraît-il plus discret. L’accord du Krug avec la gelée des huîtres est un des plus beaux du repas. La gelée élargit toutes les complexités du noble Clos du Mesnil.

Comme je n’avais pas annoncé que le carpaccio de bar allait aussi avec le Krug il faut servir en avance l’Y d’Yquem 1962 qui se révèle charmant et joliment marin avec le bar mais aussi avec le cabillaud à la sauce umami, une spécialité de Pages que j’adore.

Les deux montrachets vont accompagner le homard. Le Montrachet Comtes Lafon 1978 a un parfum extraordinaire de générosité, large et souriant. Ce vin est grand, mais le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2003 au parfum plus discret est un miracle en bouche. Il n’a aucun botrytis, il est bien sec et comme il a très peu d’énergie par rapport à d’autres années tonitruantes, il se montre exceptionnel. C’est peut-être l’un des plus grands montrachets du domaine que je bois, du fait de sa gracilité.

Le Clos Des Lambrays 1978 a hélas un léger goût de bouchon qui va empêcher que l’on en profite.

Le Musigny Domaine Georges de Vogüé 1955 est tellement extraordinaire de largeur, de puissance et de cohérence que tout le monde comprend en quoi les vins anciens ne peuvent ni de près ni de loin être surpassés par des vins jeunes. Le pigeon au sang est idéal pour mettre en valeur la glorieuse générosité de ce vin.

Le pigeon est aussi associé avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 et je jubile. Car ce vin est tout ce que j’aime dans les vins de la Romanée Conti. Un côté salin, un certain ascétisme, une grande discrétion qui ne révèle les subtilités du vin que si on veut les écouter. Je nage dans le bonheur, mais je ne revendique aucune objectivité. Il est dans le même esprit mais peut-être un peu plus riche que La Tâche 1956 que j’avais bue la veille.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti Magnum 1961 est servie sur le wagyu. Je sens autour de moi que l’on se régale car le vin a maintenant atteint sa cohérence. C’est un vin riche et solide, à la puissance contrôlée et à la longueur infinie. Son finale est envoûtant. Je regrette un peu de ne pas sentir plus de sel, mais le souvenir que je peux avoir des dix vins du domaine que j’ai bus dans ce millésime sont dans cette situation. Pour moi la cohérence avec 1961 est sûre. Mes convives savourent et les votes le montreront.

Stanislas avait aussi prévu qu’un jeune Yquem précéderait l’ancien. Le Château d’Yquem 2005 est jeune bien sûr, mais il a déjà une personnalité bien affirmé et sa fluidité permet qu’on l’aime.

Le Château d’Yquem 1899 est phénoménal. Sa couleur noire est d’une grande densité et en bouche, c’est un soleil brûlant qui prend possession du palais. Ce vin est un rêve qui s’exprime aussi bien avec le stilton, idéal pour faire briller les sauternes, qu’avec la mangue qui reste, décidément, le fruit qui met en valeur les Yquem. Ce 1899 est sur une planète idéale où l’âge n’existe plus. Cet Yquem « est ». Il est là, sans âge, avec une perfection de goût, magique. On devrait ne boire que cela sur l’Olympe.

Le Porto Ferreira 1815 que j’ai acheté il y a quelques années à un ami ne me semble absolument pas aussi ancien. Il se pourrait qu’il soit de cet âge, mais il a un goût de « déjà vu » qui empêche que je l’aime.

Nous passons au salon pour le champagne et pour garder l’attention de tous, je fais voter pour les cinq vins préférés. Aussi le Champagne Dom Pérignon Rosé 1982 ne fera pas partie des votes. Ce vin légendaire, le rosé préféré de Richard Geoffroy qui faisait Dom Pérignon, est extrêmement agréable et va préparer notre palais à accueillir le Cognac Richard Hennessy fait avec des eaux-de-vie les plus anciennes de ce qui se commercialise, en dehors d’un cognac qui résume toute l’histoire des meilleures sélections des huit générations de maîtres de chais. Ce Richard est d’un raffinement particulier, où la puissance est d’une élégance raffinée.

Nous sommes seulement dix à voter pour nos cinq préférés. Seuls trois vins sur quatorze ont obtenu des votes de premiers. La Romanée Conti 1961 a eu cinq votes de premier, soit la moitié de la table, La Tâche a eu trois votes de premier et l’Yquem a eu deux votes de premier. Il est à noter que le domaine de la Romanée Conti a raflé 80% des votes de premier, score de république bananière.

L’Yquem a eu dix votes et trois vins ont eu neuf votes, le Montrachet 2003, le Musigny 1955 et La Tâche.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1899, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 3 – Magnum de Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961, 4 – Musigny Domaine Georges de Vogüé 1955, 5 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2003, 6 – Champagne Dom Ruinart 1988.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2003, 3 – Musigny Domaine Georges de Vogüé 1955, 4 – Champagne Dom Ruinart 1988, 5 – Château d’Yquem 1899.

La forme de la table permettait que chacun puisse parler avec chacun, mais l’ambiance a fait que j’ai parlé presque tout le temps, puisque beaucoup de participants me questionnaient sur mon expérience. Chacun a été subjugué par la pertinence des accords mets et vins. Certains ont dit que la cuisine de ce repas méritait les trois étoiles.

Tout fut absolument idéal et les plats d’une pureté extrême, avec des sauces à mourir, ont fait de ce repas un exemple de la plus haute gastronomie.

Il y avait des suspenses, il n’y en a plus. On a oublié les deux vins faibles. Ce fut un immense repas.


la présentation des vins à l’Appartement

un bijou de présentation d’une collection de Dom Pérignon

Champagne Dom Ruinart 2010

Champagne Dom Ruinart 1988

Champagne Krug Clos du Mesnil 1982

Y d’Yquem 1962

Montrachet Comtes Lafon 1978

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2003

Clos Des Lambrays 1978

Musigny Domaine Georges de Vogüé 1955

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969

Magnum de Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1961

Château d’Yquem 2005

Château d’Yquem 1899

Porto 1815

Champagne Dom Pérignon Rosé 1982

les bouchons

le repas

267ème repas au restaurant Maison Rostang jeudi, 20 octobre 2022

Le 267ème repas est un déjeuner au restaurant Maison Rostang organisé par un ami de longue date qui réunit chaque année des amis à l’un de mes repas. Ce sont tous des hommes qui réussissent dans les affaires, majoritairement dans la cinquantaine, bons vivants de province, connaisseurs et amateurs de grands vins.

Je suis venu au restaurant à 9h30 pour ouvrir les vins qui avaient été livrés il y a plusieurs jours et avaient été redressés debout en caisse la veille par Jérémie, le sommelier qui a accompagné ce déjeuner avec talent.

Lorsque l’atmosphère extérieure est assez humide et chaude comme depuis quelques jours, les bouchons sont venus facilement même si souvent ils ont été extirpés en morceaux. Les parfums les plus engageants sont ceux du Champagne Lanson 1949 et du Château Filhot 1935. Le parfum du Châteauneuf-du-Pape 1949 est de vinasse, avec une acidité vinaigrée, avec un bouchon totalement imbibé mais beau.

Le Chablis 1971 me semble bouchonné. Je le fais sentir à Jérémie qui le trouve convenable. Je ressens et effectivement, l’odeur est moins marquée que la première approche. Nous verrons.

J’ai eu une frayeur en ouvrant le Lafite 1971. La capsule paraît authentique, tout semble normal, mais en levant le bouchon, je vois qu’il n’a aucune inscription. L’idée d’un faux est évidente, et je sens le vin avec Jérémie. Tout indique que ce puisse être Lafite et que 1971 soit probable. En regardant à nouveau le bouchon, je vois des traces d’écriture qui pourraient faire penser à Lafite. Mais le doute existe. A vérifier. Le parfum du Fleurie 1938 me paraît engageant et je le verrais bien faire des prouesses.

Il y a du bon et de l’incertain. A suivre.

Nous serons dix. Le menu qui a été mis au point avec le chef Nicolas Beaumann se présente ainsi : canapés / amuse-bouche / les langoustines pochées dans un consommé puis rôties, coques au bouillon et fruit de la passion, sarrasin soufflé, bouillon de langoustines mousseux / le homard rôti, céleri cuit en croûte de sel et jus de la presse au vin de syrah / le pigeon cuit à l’étouffée, artichaut braisé aux saveurs de noix et olives, jus de pigeon / le lièvre à la royale / stilton / palet de mangue fraîche, crème légère à l’agastache et gavottes à la cervoise / le soufflé chaud au chocolat, noisettes torréfiées.

Le Champagne Dom Pérignon 1988 avait fait un beau pschitt à l’ouverture, libérant des petites bulles sympathiques. La couleur est d’un bel ambre. Le champagne est délicieux, cohérent, charmant et noble. Il est tellement accompli qu’on en ferait volontiers son ordinaire.

Lorsque le Champagne Lanson 1949 apparaît, je suis aux anges. Son bouchon s’était brisé à l’ouverture, retiré sans pschitt. Son parfum était d’une délicatesse infinie. Il l’est encore et en bouche c’est du bonheur pur. Il a une acidité magnifiquement dosée. C’est un champagne noble, sans âge car il ne paraît pas plus vieux que le Dom Pérignon de 39 ans plus jeune. Un pur régal.

Les langoustines dont d’une subtilité absolue, cuites à la perfection. Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1979 est puissant, vif et tranchant, affuté et de beau plaisir. Il est noble.

Hélas, le Chablis Grand Cru Les Vaudésirs Domaine Albert Long-Dépaquit 1971 est fortement bouchonné. J’ai espéré que cela n’affecte pas son goût et j’ai cherché à le croire, mais force est de constater que ce vin n’est pas à la hauteur. C’est dommage.

Le homard est puissant et le Château Ausone Saint-Emilion 1959 le lui rend bien. Quel grand vin racé, vif. Tout le monde convient qu’une telle réussite serait impossible à trouver avec un Ausone jeune. On a là un Ausone épanoui et prêt à braver l’éternité. Il est majestueux. Il sera couronné par les votes et il le mérite.

Lorsque Jérémie me verse un verre de Château Lafite Rothschild Pauillac 1971 je le vois clairet et pas du tout Lafite, à l’œil. Mais un convive a un verre extrêmement sombre avec de la lie noire. Je lui propose d’échanger nos verres, ce qui est fait. L’ami est beaucoup plus heureux avec ce verre. J’entends que certains aiment ce vin, même s’il est loin de l’Ausone, et que certains reconnaissent Lafite. Je ne reconnais pas Lafite mais la bouteille a peut-être vécu des périodes difficiles avec une dépigmentation du vin dans le haut de la bouteille. La capsule, l’âge du bouchon, tout montre que la bouteille est authentique même sans écritures visibles de Lafite. Mais le vin ne facilite pas qu’on le trouve authentique. La capsule m’interdit de dire que c’est un faux. Le liquide m’y conduit. Laissons cette énigme dans cet état. Il suffit de se souvenir que l’Ausone 1959 est une merveille.

Sur le délicieux pigeon il y a un seul vin et je suis fort marri, car le Fleurie Etienne Maraux 1938 est loin d’avoir le corps que son parfum initial suggérait. Il n’est pas mauvais, mais il n’a rien. Pas assez pour avoir envie de l’aimer. C’est dommage car j’adore les vieux beaujolais.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 est une merveille de La Tâche car il a le sel que j’aime tant. Il est tellement typé que je suis aux anges. Ce sera mon chouchou dans les votes. Des amis trouvent que le lièvre à la royale est trop épicé. Un des convives est restaurateur. Il a été étoilé et a réalisé un de mes dîners il y a quelques années. Il est comme moi heureux de cette présentation du lièvre qui permet de beaux accords.

Le Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949 est un solide gaillard, puissant, carré, d’un charme naturel serein. Et c’est bien que le bourguignon et le rhodanien aient été mis ensemble car ils sont tellement différents qu’ils se complètent. Un régal d’avoir ces deux vins si grands ensemble.

Le Château Filhot Sauternes 1935 est une merveille ensoleillée. Il a la puissance – qui n’est pas la qualité principale qu’on lui reconnait – et une étonnante fraîcheur. Ce sauternes est un de mes chouchous dans ce millésime particulièrement attrayant par sa subtilité.

Ne sachant pas ce que ce vin serait, j’avais goûté le Pinot-Gris Ai-Danil Collection Massandra 1938 vers 10 heures ce matin. Le nez m’évoquait du marc, alors que la bouche est toute doucereuse. C’est un dandy élégant qui dégage un charme particulier. Je l’aime d’autant plus qu’il offre un goût qui m’est inconnu. Un ami dit qu’il évoque le café, mais c’est beaucoup plus la figue qui apparaît. Suave et noble, il crée un très bel accord avec le délicieux soufflé.

Il y a eu des performances très diverses, mais les belles performances nous ont enthousiasmé. Nous votons pour nos cinq vins préférés. Quatre vins ont été nommés premiers. La Tâche 1956 a été nommée quatre fois premier, l’Ausone 1959 trois fois, Le Châteauneuf 1959 deux fois et le Lanson 1949 une fois. Les seuls vins sans vote sont le chablis et le Fleurie.

Le classement du consensus serait : 1 – Château Ausone Saint-Emilion 1959, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956, 3 – Champagne Lanson 1949, 4 – Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1949, 5 – Château Filhot Sauternes 1935, 6 – Château Lafite Rothschild Pauillac 1971.

Mon classement est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Champagne Lanson 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1959, 4 – Pinot-Gris Ai-Danil Collection Massandra 1938, 5 – Château Filhot Sauternes 1935.

Si je n’ai pas mis le Châteauneuf dans mon vote c’est parce que je le connais très bien et je n’ai pas eu la surprise d’autres vins. La cuisine a été d’une grande qualité, les plats créant de beaux accords. Le service est efficace et Jérémie a bien géré les cent verres qui formaient une forêt sur la table.

J’ai offert en fin de repas une Chartreuse verte de 54° mise en bouteille en 2021 qui a marqué par sa fraîcheur étonnante le beau point final d’un repas amical et réussi.

vraie ou fausse ?

Mise au point d’un repas à Plénitude vendredi, 14 octobre 2022

J’ai en programme un déjeuner extravagant avec des vins rarissimes pour un groupe qui s’est formé à la suite de précédents dîners. Ce déjeuner se fera au restaurant Plénitude avec le chef ‘sextuplement’ étoilé Arnaud Donckele. Nous avons une réunion de travail pour mettre au point le menu avec Arnaud, avec Bertrand Noeureuil le chef attaché au restaurant et Alexandre Larvoir, directeur du restaurant. Le sommelier Emmanuel Cadieu est retenu par d’autres obligations.

Chaque fois que nous faisons cet exercice d’élaboration d’un menu j’apporte un vin pour que les participants goûtent des vins qu’ils n’ont pas l’habitude de boire. Cette fois-ci, c’est un Constantia Red d’Afrique du Sud vers 1862 que j’ai apporté, qui avait été ouvert avant les vacances. Le fond de bouteille est épais, presque marron noir, et s’est enflé. Le parfum est saisissant et j’y vois de la rose, ce qui explique peut-être que je demande souvent pour ce vin des financiers à la rose qu’Arnaud, pour me taquiner, appelle les financiers Audouze, comme le fait la charmante Yuki, ancienne pâtissière du restaurant Pages, qui a gardé cette recette qu’elle appelle : financier François. Elle a une pâtisserie nouvellement nommée Rayonnance.

Le Constantia a une attaque très suave avec des accents de caramel. Ce qui est fascinant, c’est que le finale est étonnamment frais, presque mentholé. Une belle énigme.

Je suis très impressionné par la complicité qui existe entre les deux chefs. Ils se comprennent à demi-mot, et les plats s’imaginent dans la bonne humeur. Si le repas a lieu, il sera extraordinaire.

Rendez-vous à l’appartement M-H et déjeuner au restaurant Pages mercredi, 21 septembre 2022

Stanislas est en charge de la relation avec les grands clients particuliers de Moët Hennessy. Il m’avait fait visiter un bel appartement au centre de Paris où l’on reçoit ces importantes personnes et l’idée de faire un repas en ce lieu était lancée. Il s’agirait d’un déjeuner avec le chef Teshi propriétaire du restaurant Pages et avec son épouse Naoko qui composeraient le menu pour mes vins. Nous avons fait ensemble plus d’une quinzaine de repas aussi le courant passera facilement.

A l’heure du déjeuner je me présente à cet appartement où Stanislas nous fait goûter un Champagne Dom Pérignon P2 2003. Il y a un jeune ami fidèle de mes repas, une chanteuse qui a aussi des activités financières, de jeunes personnes dynamiques dont un qui s’occupe de cryptomonnaies et de métavers. Ils trinquent avec nous. Je trouve le champagne un peu sec et serré, qui n’a pas trouvé la largeur qu’il pourrait avoir. Peut-être un effet de stockage.

Teshi et Naoko travaillent avec moi sur le menu et le directeur du lieu évoque les sujets matériels de verrerie et d’autres questions. Stanislas nous sert maintenant un Champagne Dom Pérignon rosé 2008 absolument excellent et promis à un bel avenir. Il est souriant et charmant.

Nous nous rendons à pied au restaurant Pages où Stanislas a retenu une table. Un notaire et un président de fondation nous rejoignent. On nous sert le Champagne Dom Ruinart 2010 tout jeune mais qui a déjà un corps bien affirmé. Il promet. Les amuse-bouche sont raffinés.

J’ouvre le vin que j’ai apporté, un Vega Sicilia Unico 1991 au parfum à se damner. Il évoque des grains de cassis que l’on croque joyeusement. On nous sert un cabillaud surmonté d’une coque et entouré d’une sauce légèrement vinaigrée et fortement teintée d’herbes vertes fortes. J’ai alors une intuition. Sans avoir goûté le plat, je pense que le vin espagnol trouvera un bel écho avec ce cabillaud, ce qui est assez paradoxal. J’essaie et c’est d’un raffinement subtil, les herbes vertes excitant le juteux Vega. Je partage cet essai avec quelques convives qui approuvent cet accord ‘hors piste’.

Vient ensuite le Champagne La Grande Dame de Veuve Clicquot 2012 à la forte personnalité qui se marie bien à une viande blanche aux haricots blancs et carottes.

On nous sert un Charmes-Chambertin Vieilles Vignes Dominique Laurent 2010 qui est absolument charmant et subtil, vin de grande émotion et un Latricières-Chambertin Grand Cru David Duband 2017 qui me parle beaucoup moins, trop jeune pour être émouvant.

Vient ensuite un Termanthia Numenthia Bodega 2015 vin espagnol qui appartient au groupe Moët Hennessy. C’est un vin lourd et puissant qui aurait pu attirer mon attention, mais le Vega Sicilia Unico 1991 est tellement extraordinaire que je succombe à son charme. Quel vin juteux, joyeux et racé.

Des figues fraîches avec une crème à la noix s’accorde délicieusement avec le Tokaji Escenzia Aszu 1988 que j’ai apporté qui est d’une douceur incomparable. Le restaurant Pages a évolué dans sa cuisine. Le nouveau pâtissier a envie de réussir ce qui est motivant et le chef Ken est toujours aussi créatif. Ce déjeuner d’amitié fut fort agréable. Maintenant, c’est à Teshi, Naoko et moi de préparer le grand repas programmé.

Great lunch with friends amateurs lundi, 25 juillet 2022

Justin participated in the Ultimate lunch at the Plénitude Arnaud Donckele restaurant. He wants to organize a meal of this caliber and tells me that he is staying in Saint-Tropez. I invite him to lunch at our house in the south. He comes with his wife, a friend Craig and Craig’s daughter Olympia. We had long discussions with my wife to set up a menu and I chose the wines after doing several programs.

The menu will be: aperitif with gouda with pesto, anchoïade, rillette / comparison of two caviars, osciètra prestige and Baeri, with baguette and butter / smoked salmon heart / potatoes and Baeri caviar / onion tart / fruit tart summer.

I opened the wines at nine in the morning. Both champagnes have corks that sheared off when I tried to remove them. Chevalier-Montrachet has an extraordinary nose of fruity generosity. The Vega Sicilia Unico has a glorious nose and a beautiful youth. I do not open more wines. We will advise when the time comes because it is very hot.

Our friends are punctual. It is scorching hot.

Champagne Dom Pérignon 1971 has a beautiful amber color, almost the same as the apple juice served for Olympia. The bubble is present and a nice pschitt had accompanied the opening when my corkscrew had pulled the lunula from the bottom of the cork. From the first sip, we know we are in front of a sumptuous champagne. What grace, what presence, what intensity. A great, charming and noble champagne. We happened to drink a Moët & Chandon Brut Impérial 1971 not long ago. Despite the performance of Dom Pérignon, I have a preference for the broader, more generous and richer Moët. It must also be said that my heart swings towards the one we did not expect at this level.

Gouda is absolutely perfect for champagne with its delicious fatness. But it is the rillette which is the best accomplice.

Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle non vintage is probably from the beginning of the 1970s or the end of the 60s. Its color is very close to the color of Dom Pérignon. I like this champagne because it is the most convincing testimony to the considerable contribution of aging to the quality and emotion of a champagne. If the Dom Pérignon is glorious, the Grand Siècle is more romantic and subtle. The two caviars make the delicate champagne shine.

The Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1995 has an incredible fragrance. That’s what strikes me the most. This perfume is indefinable based on unknown fruits. On the palate, what is striking is the richness of this full, broad and complex wine. A real treat. With salmon, it is ideal. Its color is a beautiful light gold and Justin tells me that unfortunately, in the United States it is difficult to have such perfect wines from this period.

I had considered for the red wine to have a sirloin of beef but due to the heat, my wife preferred to make an onion tart which goes wonderfully with the Vega Sicilia Unico 1989. The level in the bottle was less than half a centimeter from the bottom of the cork, which is perfect, like the quality of the cork. The nose at the opening was of a beautiful richness and a great youth despite its 33 years, rich in blackcurrant and black fruits. On the palate, this wine is glorious, remarkably natural. What could be more pleasant than this juicy, easy-going wine? But it is noble, complex, and flamboyant.

For dessert, I fetch a Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 from a refrigerator. Open, the pleasure was there. This champagne has a lovely sparkle and the pinkish color is engaging. With fruit tart, this champagne is ideal, and what is amazing is that it has no signs of age. He is expressive, gentle, friendly and very pleasant, without asking the slightest question. It is quite significant that Olympia, authorized by her father to taste the wines, made this rosé her favorite. This proves that he is frank and charming.

Justin prefers the 1971 Dom Pérignon and I prefer the 1995 Chevalier Montrachet, but what is interesting is that all five wines were perfect. And I’m happy with the choice of wines I made, to put three very different old champagnes and a white wine and a red wine from the aristocracy of pure pleasure wines.

The lunch atmosphere was very friendly and promises new adventures to come.

Some rests of wines remained. The next day, the perfume of Chevalier Montrachet was still captivating, magical and enigmatic. Immense. And the wine was still pleasant.

Déjeuner avec des amis et des vins éclectiques dimanche, 24 juillet 2022

Justin a participé au déjeuner Ultimate au restaurant Plénitude Arnaud Donckele. Il souhaite organiser un repas de ce calibre et m’annonce qu’il séjourne à Saint-Tropez. Je l’invite à déjeuner dans notre maison du sud. Il vient avec son épouse, un ami Craig et Olympia la fille de Craig. Nous avons eu de longs échanges avec ma femme pour mettre en place un menu et j’ai choisi les vins après avoir fait plusieurs programmes.

Le menu sera : apéritif avec gouda au pesto, anchoïade, rillette / comparaison de deux caviars, osciètre prestige et Baeri, avec baguette et beurre / cœur de saumon fumé / pommes de terre et caviar Baeri / tarte aux oignons / tarte aux fruits d’été.

J’ai ouvert les vins à neuf heures du matin. Les deux champagnes ont des bouchons qui se sont cisaillés lorsque j’ai essayé de les retirer. Le Chevalier-Montrachet a un nez extraordinaire de générosité fruitée. Le Vega Sicilia Unico a un nez glorieux et d’une belle jeunesse. Je n’ouvre pas plus de vins. Nous aviserons le moment venu car il fait très chaud.

Nos amis sont ponctuels. Il fait une chaleur caniculaire.

Le Champagne Dom Pérignon 1971 a une belle couleur ambrée, presque la même que celle du jus de pomme servi à Olympia. La bulle est présente et un gentil pschitt avait accompagné l’ouverture lorsque mon tirebouchon avait tiré la lunule du bas de bouchon. Dès la première gorgée, on sait qu’on est en face d’un somptueux champagne. Quelle grâce, quelle présence, quelle intensité. Un grand champagne charmeur et noble. Il se trouve que nous avons bu un Moët & Chandon Brut Impérial 1971 il y a peu. Malgré la prestation du Dom Pérignon, j’ai une préférence pour le Moët plus large, plus généreux et plus riche. Il faut dire aussi que mon cœur balance vers celui que l’on n’attendait pas à ce niveau.

Le gouda est absolument parfait pour le champagne avec son gras délicieux. Mais c’est la rillette qui est le meilleur complice.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle sans année est probablement du début des années 1970 ou de la fin des années 60. Sa couleur est très proche de la couleur du Dom Pérignon. J’aime ce champagne parce qu’il est le témoignage le plus convaincant de l’apport considérable du vieillissement à la qualité et l’émotion d’un champagne. Si le Dom Pérignon est glorieux, le Grand Siècle est plus romantique et subtil. Les deux caviars font briller le délicat champagne.

Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1995 a un parfum inouï. C’est ce qui me marque le plus. Ce parfum est indéfinissable à base de fruits inconnus. En bouche, ce qui frappe c’est la richesse de ce vin plein, large et complexe. Un véritable régal. Avec le saumon, il est idéal. Sa robe est d’un bel or clair et Justin me dit qu’hélas, aux Etats-Unis il est difficile d’avoir des vins aussi parfaits de cette époque.

J’avais envisagé pour le vin rouge d’avoir un faux-filet de bœuf mais du fait de la chaleur, ma femme a préféré faire une tarte à l’oignon qui côtoie merveilleusement le Vega Sicilia Unico 1989. Le niveau dans la bouteille était à moins d’un demi-centimètre du bas du bouchon ce qui est parfait, comme la qualité du bouchon. Le nez à l’ouverture était d’une belle richesse et d’une grande jeunesse malgré ses 33 ans, riche de cassis et de fruits noirs. En bouche ce vin est glorieux, d’un naturel remarquable. Quoi de plus agréable que ce vin juteux facile à vivre. Mais il est noble, complexe, et flamboyant.

Pour le dessert je vais chercher dans un réfrigérateur un Champagne Perrier-Jouët rosé 1966. J’ai acheté il y a plus de trente ans une belle quantité de ce rosé et aussi de l’année 1969. Et chaque fois que j’en ai ouvert, le plaisir était au rendez-vous. Ce champagne a un beau pétillant et la couleur rosée est engageante. Avec la tarte aux fruits, ce champagne est idéal, et ce qui est étonnant, c’est qu’il n’a aucun signe d’âge. Il est expressif, doux, aimable et très plaisant, sans qu’on se pose la moindre question. Il est assez significatif qu’Olympia, autorisée par son père à goûter les vins, ait fait de ce rosé son préféré. Cela prouve qu’il est franc et charmeur.

Justin préfère le Dom Pérignon 1971 et je préfère le Chevalier Montrachet 1995, mais ce qui est intéressant, c’est que les cinq vins ont été parfaits. Et je suis content du choix de vins que j’ai fait, de mettre trois champagnes anciens très différents et un vin blanc et un vin rouge de l’aristocratie des vins de pur plaisir.

L’ambiance du déjeuner a été très amicale et promet de nouvelles aventures prochaines.

Des vins restaient. Le lendemain, le parfum du Chevalier Montrachet était encore envoûtant, magique et énigmatique. Immense. Et le vin était encore plaisant.