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261ème repas de wine-dinners au restaurant Plénitude lundi, 28 mars 2022

Le 261ème repas de wine-dinners commence d’une bien curieuse façon. Le confinement ou ses suites avaient ralenti le rythme des repas aussi j’avais envie de créer un dîner en pensant à deux amis fidèles dont j’apprécie la compagnie. Je leur soumets mon projet et l’un d’eux me dit : « nous aimerions pour une fois un repas où il n’y aurait que des vins de légende, comme l’Hermitage La Chapelle 1961 ». Je leur dis qu’un tel repas nous entraînerait dans une zone de budgets difficilement accessibles mais ils m’encouragent à faire un projet.

Lorsque je leur présente, ils me font penser à un sketch de Fernand Raynaud où un naïf a été chargé de passer à la douane des paquets de sucre (ou tout au moins désignés tels). Interpellé par des douaniers il appelle au téléphone son donneur d’ordre et après avoir trahi tous leurs secrets, il lui dit : « dis, Tonton, pourquoi tu tousses ». Leur réaction m’aurait poussé à leur dire : « mes amis pourquoi toussez-vous », car ils ont décliné mon offre comme je le subodorais.

Le projet ayant été conçu je n’allais pas l’abandonner et c’est grâce à Instagram que j’ai pu constituer une table presque complète puisque j’ai été conduit à inviter mes deux filles pour que nous puissions être dix. Il me paraissait évident que ce repas devait se faire avec Arnaud Donckele chef talentueux. Je ne savais pas en travaillant avec lui au menu, qu’il allait passer de trois à six étoiles au guide rouge. Ce fut annoncé deux jours avant notre repas. L’ambiance le jour dit fut particulièrement enjouée.

Je suis arrivé au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris à 9h30 pour ouvrir les vins. Le bouchon du Lafite blanc 1959 s’est brisé en plusieurs morceaux et dégage une sublime fragrance. Le bouchon du Mouton 1945 très fortement collé au verre est venu en charpie. Le parfum est magique. Le Lafite 1869 a une étiquette récente et n’a pas d’indication de date de rebouchage. Lorsque je sors le bouchon qui a probablement une cinquantaine d’années, je suis rassuré car il me paraît totalement authentique. Et le parfum du vin est d’un équilibre qui suggère fortement un vin préphylloxérique. Je suis heureux.

Le nez de la Romanée Conti 1999 a toutes les composantes d’une grande Romanée Conti mais le vin est un peu discret. A côté de lui le parfum de l’Echézeaux Henri Jayer 1990 en magnum a toute la finesse que j’attendais. Il est d’une subtilité rare.

Les parfums des deux vins du Rhône sont généreux et brillants. On va se régaler. L’Yquem 1858 montre à l’odeur qu’il a mangé son sucre et cela me rappelle le Filhot 1858 que j’ai bu qui lui aussi avait mangé son sucre. On sera donc dans des saveurs raffinées plus que conquérantes.

Au contraire, le Constantia « Red » au bouchon qui se désagrège est une bombe de fragrances. Quelle puissance et quelle richesse en ce vin. Les parfums les plus riches sont ceux du Constantia et du Vin blanc de Lafite. Les plus nobles sont ceux du Mouton 1945, de La Chapelle 1961 et de l’Ermitage Cuvée Cathelin 1991.

Finissant cette séance si cruciale des ouvertures, je peux dire que tous les vins montrent ce que j’attendais et ils promettent les qualités que j’espérais. Les deux champagnes de 1943 sont ouverts à 11 heures et le jeune champagne est ouvert à 10 heures.

La belle salle du restaurant au premier étage de la Samaritaine, offrant une vue sur la Seine et sur le Pont Neuf nous est réservée. Une attention toute particulière nous attendait. Lorsque j’avais fait un dîner au Yacht Club de Monaco, le restaurant avait fait construire une table selon mes recommandations, de forme elliptique. Le restaurant Plénitude a eu la même attention pour ce repas, au point d’appeler cette table de mon nom. Les faits prouveront que cette table est idéale.

J’avais pensé que commencer notre repas avec deux champagnes de 1943 pourrait ne pas les mettre en situation idéale aussi, sans l’avoir annoncé, j’ai fait servir un Champagne Salon 2006. Un des convives dira : si un Champagne Salon sert à éclaircir la bouche, on est dans le luxe pur. Ce 2006 me plait par sa largeur et son équilibre. Il est solide et vieillira bien.

Le menu créé par Arnaud Donckele pour les vins est ainsi rédigé : Langoustine, artichaut, caviar, pour vinaigrette Cornaline / Rouget, Boulangère, crocus, pour Sabayon Borgne / ris de veau, oignon doux, céleri, pour jus dévoyé / pigeon, abattis, herbettes, pour jus délicatesse / composition satinée / financier à la rose.

On remarque que chaque plat est présenté en trois mots et que le plat n’existe que « pour » la sauce. Le chef est un magicien des sauces et nous allons le vérifier.

Nous passons à table. Nous sommes dix. Les seuls français sont mes deux filles et un convive fidèle. Il y a un belge, des britanniques de naissance ou de cœur, des suisses et un américain. Le repas se tient en anglais.

Les amuse-bouches sont merveilleux et notamment des huîtres qui sont probablement les plus raffinées que je n’aie jamais dégustées. Le Champagne Dom Pérignon 1943 montre son âge mais aussi ses très belles qualités. Il a le charme et l’ampleur des grands Dom Pérignon.

Le Champagne Salon 1943 a le même panache que le Salon 1943 bu au siège du champagne Salon que je considère comme mon plus grand Salon. On est ici au même niveau de perfection. Le bouchon indique qu’il s’agit d’un dégorgement récent fait au domaine. Sa structure carrée, solide, faite pour braver le temps est impressionnante. Du fait de sa plus grande fraîcheur je préfère de loin le Salon, et à ma grande surprise j’entends trois voisins de table à ma droite qui préfèrent le Dom Pérignon. On verra aux votes que la balance a pesé de leur côté. Etonnant pour moi. A ces différences près, ce sont deux champagnes d’exception, nobles et imposants.

Sur la divine langoustine (ça rime), il y a deux blancs que tout oppose. Mais quel brio. C’est la première fois que je bois ce rarissime Vin blanc de Lafite 1959. Son nez est riche et généreux et en bouche c’est incroyable de séduction et même d’envoûtement. Je dirais volontiers que ce vin blanc surclasse tous les vins blancs secs de Bordeaux. Pourquoi a-t ‘il été abandonné, je ne sais pas, mais quel dommage. Ce vin est impérial.

A côté de lui le Montrachet Domaine Leflaive 1996 est impressionnant d’ampleur et de suavité. Il est riche mais aérien. Mes convives dont certains ont eu des problèmes avec des blancs de Bourgogne aux bouchons désastreux sont admiratifs de l’état parfait de ce grand vin et de sa largeur en bouche.

Tout au long du repas nous allons remarquer que dans les paires de vins associés à un plat un vin est plus accueillant à la chair et l’autre plus accueillant à la sauce. N’ayant pas pris de notes, je ne saurais pas le restituer, ce qui est dommage.

Arnaud Donckele tout sourire vient nous saluer et explique l’intérêt qu’il trouve à cuisiner pour des vins rares et anciens et le plaisir de nos échanges. Il dit même à un moment : « le chef en fait, c’est François Audouze ». C’est gentil, mais le chef immense, c’est lui, sans autre forme de procès.

Sur le rouget exceptionnel nous goûtons deux bordeaux rouges que 76 ans séparent. Le Château Lafite 1869 est solide et raffiné. Il a la structure charpentée des vins préphylloxériques et le goût de truffe que l’on retrouve dans les grands Lafite.

A côté de lui le Château Mouton-Rothschild 1945 est conforme à sa légende. C’est la définition du Bordeaux parfait où toutes les composantes des goûts sont assemblées. C’est un des plus grands vins du monde et cette bouteille est au sommet de sa qualité. Ces deux vins de Bordeaux sont dans leur rectitude d’une expression exceptionnelle. Deux trésors.

Le ris de veau va côtoyer deux vins hors norme. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 a tous les atouts d’une grande Romanée Conti. Comme le fanatique de voitures mythiques qui sait reconnaître une McLaren à un kilomètre de distance uniquement par le bruit du moteur, je sais décrypter les subtilités de ce vin dans un millésime exceptionnel. Mais il est encore trop jeune pour mon goût et un peu trop discret. Il est grand, mais il le sera tellement plus dans vingt ans que mon plaisir s’en ressent.

Avant le repas, je pensais que le vin qui m’impressionnerait le plus serait l’Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, bouteille rarissime. Au nez, je suis comblé, car toutes les finesses sont là. En bouche, je suis aussi comblé par son expression raffinée. Mais j’ai commis une erreur. D’habitude j’aime boire les vins de la Romanée Conti sur un foie gras poché tout simple. Pour ce repas, j’ai suggéré un ris de veau et je pense que ma proposition ne fut pas la bonne, même si le plat est remarquable, car il y avait plus de puissance dans le plat que ce que les deux ravissants vins ne pouvaient soutenir. Cela n’enlève rien aux qualités de ces deux vins mythiques.

Le pigeon est une merveille. Lors de mon parcours dans le monde du vin c’est l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961 qui m’est apparu comme le plus grand et émouvant vin rouge. Et pourtant la compétition est rude. Je retrouve dans cette bouteille aujourd’hui les mêmes raisons de le placer au firmament. Il a tout, la générosité, l’ouverture, la lisibilité, l’assurance, et un charme insistant. C’est une pure merveille d’équilibre. Il sera mon vainqueur.

L’Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991 est pour moi le plus grand millésime de ce vin. Quelle jeunesse, quelle noblesse, quelle jouissance. Une pure merveille de jeunesse gourmande. Là, tout est réuni pour le bonheur parfait, pigeon et ces deux Hermitages. Un grand moment de bonheur.

Le Château d’Yquem 1858 a une belle couleur ambrée mais avec des rayons de soleil. La composition satinée du pâtissier est une réussite totale avec un dosage des acidités parfait. Cet Yquem a mangé son sucre c’est-à-dire qu’il se présente plus sec qu’il ne devrait. Il manque de l’opulence enivrante des grands Yquem. J’ai la chance d’accepter les sauternes secs auxquels je trouve d’autres subtilités, mais je comprends aussi que l’on puisse regretter le manque d’ampleur.

Le Great Constantia Red J.P. Cloete South Africa circa 1860 a une couleur assez incroyable de vieux cuivre qui brille au soleil. Le nez est invasif, luxuriant. En bouche on a toutes les saveurs du monde les plus séductrices. Dense, riche, complexe ce vin est sur une autre planète gustative.

Il y a tellement de vins extraordinaires que faire un classement est quasiment impossible. En ce qui me concerne, je ne crois pas que je ferais le même classement si on me demandait de le refaire une heure plus tard. Le Salon 2006 n’est pas inclus dans le champ des votes. Tous les vins ont eu au moins un vote. Le vin qui a eu le plus de votes est le Vin Blanc de Lafite 1959. Quelle belle surprise.

Cinq vins ont été nommés premiers ce qui est un beau résultat, l’Hermitage la Chapelle trois fois, comme l’Ermitage Cathelin. Le Mouton 1945 a été nommé premier deux fois. L’Echézeaux Henri Jayer et le Dom Pérignon ont été votés premier une fois chacun.

Le vote du consensus est : 1 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 3 – Vin blanc de Lafite 1959, 4 – Château Mouton-Rothschild 1945, 5 – Echézeaux Henri Jayer Magnum 1990, 6 – Champagne Dom Pérignon 1943.

Mon vote est : 1 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1961, 2 – Château Mouton-Rothschild 1945, 3 – Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991, 4 – Vin blanc de Lafite 1959, 5 – Constantia South Africa circa 1860.

Les plats ont été présentés en anglais et en français d’une façon très élégante. Le service des plats est parfait. Le service des vins par Emmanuel a été lui aussi parfait et intelligent. Au lieu d’aller au fumoir nous sommes montés au septième étage pour fumer les cigares que j’avais apportés et gouter le Rhum Nady Martinique que j’avais aussi apporté. A un moment je me suis rendu compte que j’étais le seul à fumer alors que j’ai arrêté de fumer depuis 31 ans. Cocasse. Mais au moins nous avons eu le prétexte pour continuer à parler de ce repas inoubliable. La cuisine d’Arnaud Donckele est d’une sensibilité et d’un talent extrêmes et mes vins se sont montrés au sommet de leur art quel que soit l’âge qu’ils eussent.

J’ai été appelé à organiser un repas hors norme. Il le fut au-dessus de toutes mes espérances. C’est le plus grand des 261 repas que j’ai eu l’honneur d’organiser. C’est inoubliable.


La vue du restaurant Plénitude

la table fabriquée pour ce repas, appelée la table François Audouze

les bouchons des deux 1943

le cadeau offert à Arnaud Donckele pour ses 6 étoiles : un Vin de l’Etoile pour lequel j’ai écrit sur l’étiquette : le vin des six étoiles

 

le rhum bu au 7ème étage de l’hôtel Cheval Blanc Paris

260th wine-dinner in restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Since the beginning of my dinners, I have had 27 with the restaurant Taillevent. I want to do a new one in this place that I like, but I don’t know the new chef, Giuliano Sperandio. Director Baudoin Arnould creates contact with the chef so that we can develop the menu for the 260th wine-dinner. Immediately we understand each other. The chef understands and approves the fact that each dish must be consistent for the wine. Hence a search for simplicity that is not a limitation of creativity. On the dishes that I proposed, the chef made relevant additions and suggestions.

The wines were brought to the restaurant a week in advance. When the day comes, I arrive to open the wines at 4 p.m. By a rare chance, all the corks come out whole, except that of the Chypre 1870 because believing that the cork is short, I did not use the long wick, which resulted in the cork tearing. The aromas of the wines are all promising, the Nénin 1961 needing to blossom. The flavors of sweet wines are by far the most powerful and the one that moves me the most is that of Ausone 1937 with a depth of truffle taste. Having finished at 5 a.m., I have three hours ahead of me to think, meditate and rest, chatting with the friendly sommelier manager Paul Robineau. The chef comes to greet me and we finalize the final adjustments. His suggestions appeal to me. At 6 p.m. I open the magnum of champagne and at 7 p.m. the older champagne.

There will be ten of us, including ten males, which should earn us a heavy fine for not respecting parity. There are six new ones, which I really appreciate.

The aperitif is taken standing up in the beautiful, elegant wood-paneled Saturn lounge. Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 has a strong bubble. In my opinion, it is an archetypal champagne because it has everything we love in a balanced and expressive champagne. If we had to define the champagne we would like to drink, it would be this one. It is consensual and pleasant. The truffle gougères are powerful and the relatively soft ham highlights this beautiful champagne.

To show that the chef wanted to cook for wine, here is how he worded his menu: appetizer / scallops / turbot / lobster / pigeon / stilton / mango / rose financier. I love the intentions expressed in this clean presentation.

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 has a pretty color of pink amber. The palate is round, consistent, very smooth. The evocations of pink citrus fruits are of a certain charm. It is a great champagne from a year that I consider to be one of the greatest of the century. I read on the faces of my guests the astonishment to see that a 56-year-old champagne can be so lively and brilliant.

The pairing of the turbot with the two whites is spectacular. The Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 is a marvel of white, complex, noble racy. This white is at the top of its game. It is the most subtle of the wines of this meal logically crowned with the place of first.

If the Ramonet is Louis XV, the Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985 is Usain Bolt, because this wine is a bomb of energy, but of subtle energy. This Rayas is joyful and lively and it goes best with turbot. Rayas knows how to combine power and complexity.

The lobster is truffled which will create a bridge with the Château Ausone Saint-Emilion 1937 whose nose and mouth exude truffles. This wine which cannot hide that it is old is of a rare subtlety. To many around the table, it’s a surprise that an 85-year-old wine can have this energy and refinement.

As soon as I raise the glass of Château Nénin Pomerol 1961 to my lips, I know that I am in front of a perfect wine. Its structure is so well assembled that it is in perfect condition. He will no doubt improve further with time, but he is already in ideal shape. It does not have the charm of Ausone, but it is large. The pairing of simple, cooked-to-the-second lobster is perfect with both wines.

The Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées General Gouachon 1945 Tasteviné 1950 is a wine full of subtlety and velvet. The year 1945 gave him a solid balance. It is the expression of a refined Burgundy. It’s Lamartine or Chateaubriand. He’s got everything.

While I had feasted on the promise of La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 when I smelled it more than five hours ago, I find this wine too discreet. It is subtle but it does not have the aura of La Tâche, such a noble and conquering wine. Should it have been opened several hours before, it is possible, because this wine has no faults, it is just a little too timid. The rich pigeon failed to tickle him as he found the right partner with the elegant 1945 Burgundy.

When I announced that we were going to drink Château Climens Barsac 1949 first with stilton and then with a mango dessert, I saw the astonishment of the guests that one could look for such opposite pairings. Their astonishment will be even greater when they have found that these agreements are of absolute relevance. The Climens is quite simply the perfect wine, dynamic, powerful but charming like the snake which knew how to push Eve to eat the apple. Everything about this Barsac is luxury, pleasure, refinement. It is drunk greedily.

The financier with the rose is one of my coquetries and it is remarkably executed. And this is the first time that I feel as strongly that the Vin de Chypre 1870 tastes of rose. This heavy, powerful, high-alcohol wine is both sweet and dry, with strong spice. It has an inextinguishable length.

We are all amazed because no wine was weak, even though La Tâche lacked its usual prestige, and all the pairings were brilliant.

I don’t think I’ve ever seen such diversity in the votes. It’s incredible. If some imagine that I influence the votes, they will see that they are wrong. Let us judge: we are ten to vote for the five best of ten wines. All the wines had at least two votes, which is very rare because very often there are one or two wines that do not receive any votes. Then six wines were named first, which is really rare. Rayas had three first votes, Ramonet and Climens each had two first votes and Ausone, Nuits-Saint-Georges and La Tâche each had one first vote. Such a diversity of votes is hard to imagine.

The classification of the whole table is: 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape white 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Imperial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

My ranking is: 1 – Château Climens 1949, 2 – Cyprus wine 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

The six new participants are of a certain enthusiasm and have promised to return to new dinners. As usual at Taillevent, the food and wine service was perfect. The chef gave a performance worthy of all praise because he put his talent at the service of the wine. This 260th was a particularly successful dinner.

260ème dîner au restaurant Taillevent samedi, 26 février 2022

Depuis le début de mes dîners, j’en ai fait 27 avec le restaurant Taillevent. J’ai envie d’en faire un nouveau en ce lieu que j’apprécie, mais je ne connais pas le nouveau chef, Giuliano Sperandio. Le directeur Baudoin Arnould crée le contact avec le chef pour que nous mettions au point le menu du 260ème dîner de wine-dinners. Immédiatement nous nous comprenons. Le chef comprend et approuve le fait que chaque plat doit être cohérent pour le vin. D’où une recherche de simplicité qui n’est pas une limitation de la créativité. Sur les plats que j’ai proposés, le chef a fait des ajoutes toutes pertinentes.

Les vins ont été apportés au restaurant une semaine à l’avance. Le jour venu, je viens ouvrir les vins à 16 heures. Par un hasard rare, tous les bouchons sortent entiers, sauf celui du Chypre 1870 car croyant que le bouchon est court, je n’ai pas utilisé la longue mèche, ce qui a entraîné que le bouchon se déchire. Les parfums des vins sont tous prometteurs, le Nénin 1961 ayant besoin de s’épanouir. Les parfums des liquoreux sont de loin les plus puissants et celui qui m’émeut le plus est celui de l’Ausone 1937 avec une profondeur de goût de truffe. Ayant fini à 5 heures, j’ai devant moi trois heures pour penser, méditer et me reposer, bavardant avec le sympathique responsable de la sommellerie Paul Robineau. Le chef vient me saluer et nous mettons au point les derniers ajustements. Ses suggestions me plaisent. A 18 heures j’ouvre le magnum de champagne et à 19 heures le champagne plus ancien.

Nous serons dix, dont dix mâles, ce qui devrait nous valoir une forte amende pour non-respect de la parité. Il y a six nouveaux, ce que j’apprécie beaucoup.

L’apéritif se prend debout dans le beau salon Saturne lambrissé et élégant. Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989 a une forte bulle. C’est à mon sens un champagne archétypal car il a tout ce que l’on aime dans un champagne équilibré et expressif. Si l’on devait définir le champagne que l’on aimerait boire, ce serait celui-ci. Il est consensuel et agréable. Les gougères à la truffe sont puissantes et le jambon relativement doux met en valeur ce beau champagne.

Pour montrer que le chef a voulu cuisiner pour le vin, voici comment il a libellé son menu : mise en bouche / Saint-Jacques / turbot / homard / pigeon / stilton / mangue / financier à la rose. J’adore les intentions qui s’expriment dans cette présentation épurée.

Le Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966 a une jolie couleur d’un ambre rose. La bouche est ronde, cohérente, toute en douceur. Les évocations d’agrumes roses sont d’un charme certain. C’est un grand champagne d’une année que je considère comme l’une des plus grandes du siècle. Je lis sur les visages de mes convives l’étonnement de constater qu’un champagne de 56 ans peut être aussi vif et brillant.

L’accord du turbot avec les deux blancs est spectaculaire. Le Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992 est une merveille de blanc, complexe, noble, racé. Ce blanc est au sommet de son art. C’est le plus subtil des vins de ce repas couronné logiquement de la place de premier.

Si le Ramonet est Louis XV, le Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985 est Usain Bolt, car ce vin est une bombe d’énergie, mais d’énergie subtile. Ce Rayas est joyeux et entraînant et c’est lui qui s’accorde le mieux au turbot. Le Rayas sait combiner puissance et complexité.

Le homard est truffé ce qui va créer un pont avec le Château Ausone Saint-Emilion 1937 dont le nez et la bouche exsudent la truffe. Ce vin qui ne peut pas cacher qu’il est ancien est d’une subtilité rare. Pour beaucoup autour de la table, c’est une surprise qu’un vin de 85 ans puisse avoir cette énergie et ce raffinement.

Dès que je porte le verre du Château Nénin Pomerol 1961 à mes lèvres, je sais que je suis en face d’un vin parfait. Sa structure est tellement bien assemblée qu’il est dans un état parfait. Il va sans doute s’améliorer encore avec le temps, mais il est déjà dans une forme idéale. Il n’a pas le charme de l’Ausone, mais il est grand. L’accord du homard simple et cuit à la seconde près est parfait avec les deux vins.

Le Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950 est un vin tout en subtilité et en velours. L’année 1945 lui donne un équilibre solide. Il est l’expression d’un Bourgogne raffiné. C’est Lamartine ou Chateaubriand. Il est tout en mesure.

Alors que je m’étais régalé des promesses de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992 au moment où je l’ai senti il y a plus de cinq heures, je trouve ce vin trop discret. Il est subtil mais il n’a pas l’aura de La Tâche vin si noble et si conquérant. Aurait-il fallu l’ouvrir plusieurs heures avant, c’est possible, car ce vin n’a pas de défaut, il est juste un peu trop timide. Le pigeon riche n’a pas réussi à le titiller alors qu’il a trouvé le bon partenaire avec l’élégant bourgogne de 1945.

Lorsque j’ai annoncé que nous allions boire le Château Climens Barsac 1949 d’abord avec du stilton puis avec un dessert à la mangue, j’ai vu l’étonnement des convives que l’on puisse chercher des accords aussi opposés. Leur étonnement sera encore plus grand quand ils auront constaté que ces accords sont d’une pertinence absolue. Le Climens est tout simplement le vin parfait, dynamique, puissant mais charmeur comme le serpent qui a su pousser Ève à manger la pomme. Tout dans ce Barsac est luxure, plaisir, raffinement. Il se boit goulûment.

Le financier à la rose est une de mes coquetteries et il est remarquablement exécuté. Et c’est la première fois que je ressens aussi fort que le Vin de Chypre 1870 a un goût de rose. Ce vin lourd, puissant et fort en alcool est à la fois doux et sec, avec de fortes épices. Il a une longueur inextinguible.

Nous sommes tous émerveillés car aucun vin n’a été faible, même si La Tâche n’avait pas son prestige habituel, et tous les accords ont été brillants.

Je crois n’avoir jamais vu une telle diversité dans les votes. C’est incroyable. Si certains imaginent que j’influence les votes, ils verront qu’ils sont dans l’erreur. Qu’on en juge : nous sommes dix à voter pour les cinq meilleurs de dix vins. Tous les vins ont eu au moins deux votes, ce qui est très rare car il y a très souvent un ou deux vins qui ne recueillent aucun vote. Ensuite, six vins ont été nommés premiers, ce qui est vraiment rare. Le Rayas a eu trois votes de premier, le Ramonet et le Climens ont eu chacun deux votes de premier et l’Ausone, le Nuits-Saint-Georges et La Tâche ont eu chacun un vote de premier. Une telle diversité de votes est difficile à imaginer.

Le classement de l’ensemble de la table est : 1 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 2 – Château Climens 1949, 3 – Château Ausone Saint-Emilion 1937, 4 – Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985, 5 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 6 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1992.

Mon classement est : 1 – Château Climens 1949, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992, 4 – Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966, 5 – Château Ausone Saint-Emilion 1937.

Les six nouveaux participants sont d’un enthousiasme certain et se sont promis de revenir à de nouveaux dîners. Comme à l’accoutumée au Taillevent le service des plats et des vins a été parfait. Le chef a fait une prestation digne de tous les éloges car il a mis son talent au service du vin. Ce 260ème fut un dîner particulièrement réussi.

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin magnum 1989

Champagne Moët et Chandon Brut Impérial 1966

Bâtard-Montrachet Grand Cru Domaine Ramonet 1992

Château Rayas Châteauneuf du Pape blanc 1985

Château Ausone Saint-Emilion 1937

Château Nénin Pomerol 1961

Nuits-Saint-Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945

La Tâche Domaine de la Romanée Conti   1992

Château Climens 1949

Vin de Chypre 1870

je n’ai jamais vu des verres aussi vides en fin de repas !

259th dinner in Restaurant Pages samedi, 5 février 2022

At 4:10 p.m. at the Pages restaurant, the opening of the wines for the 259th dinner begins. The ambient atmospheric conditions will make certain corks difficult to extract, including that of the Vega Sicilia Unico 1960 which will fall into the liquid and force the wine to be decanted to remove the cork and put the wine back in its bottle. It is no longer slow oxygenation but oxygenation at a forced rate. The Lynch Bages 1924 has a beautiful, engaging fragrance, which will no longer be the case when served. Volnay 1937 also has a beautiful fragrance. The decanted and then re-bottled Vega Sicilia is reassuring and the Royal Kebir 1947 has a marked coffee nose and shows great promise.

In the program that I had proposed, the star was to be a Romanée Conti 1965. If there is a wine that should have no inventory error in my cellar, it is Romanée Conti. However, while preparing the wines for dinner, I did not find the Romanée Conti 1965. Unthinkable! I then decided to put in a Romanée Conti 1962, from a year with a better reputation than 1965, and so that no one would express regret, I added a bottle of La Tâche 1965. Now is the time to open these two wines from Romanée Conti. La Tâche 1965 has a nose of earth and dust so intense that I have the greatest doubts about its future performance.

The Romanée Conti 1962 has no capsule but wax, largely cracked. The cork is black and the flavor is worse than that of La Tâche, with sour and vinegary notes. AIE Aie Aie ! I wanted to please and that may not be the case. The Yquem 1948 and the Chypre 1870 have noses of a perfection unattainable by other wines.

At 6 p.m. I open the magnum of Dom Pérignon 1993 and at 6:45 p.m. I open the Pommery 1973 which offers me an incredible surprise. I pull the cork which jumps out of my hands and falls more than four meters further from the table where I operate. How is it possible that an almost 50-year-old champagne is so explosive? I cannot believe it.

Definitely the openings were marked by surprises in all directions and the table service will offer us others.

The guests are all on time at 8 p.m. We are ten including three women. There are two new participants from Dubai for this dinner.

The menu prepared by chef Ken and his team is: parmesan cabbage / scallops in two ways / lobster with red wine bisque sauce / pigeon, black garlic gnocchi, salmis sauce / grilled wagyu / poached foie gras / stilton / exotic tart / financial.

Champagne Pommery Brut 1973 is exceptional. It combines a beautiful maturity with a crazy youth because its bubble is active as announced by the explosion of the cork. In my opinion, this is the very definition of beautiful mature champagne.

Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1993 pleases my neighbor very much, who adores its youth, whereas I personally find it very difficult to like it. It is strongly dosed and seems to me too rejuvenated compared to the original 1993. The scallops are presented first raw then just pan-fried. I prefer the champagne over the seared shells while other diners prefer it over the raw shell.

I like to make unlikely combinations such as putting a Bordeaux and a Burgundy together on lobster. The noses of both wines have cork sketches. Château Lynch Bages 1924, whose fragrance I liked when it opened, now has a cork nose that will not disappear.

The Volnay Santenots Joseph Drouhin 1937, on the contrary, very quickly loses the tiny trace of cork and shows an extreme charm, voluptuous and all in suggestion. This delicate and subtle wine is beautifully young. I am happy that it had several votes when the number of great wines is important.

On the pigeon, we taste a Spanish wine and an Algerian wine. Both are flawless and generous. The Vega-Sicilia Unico 1960 is splendid and of very young fruit, with an extreme freshness in the finish.

The Royal Kebir Frédéric Lung red Algeria 1947 is very exotic compared to the Vega. It is much more enigmatic and shows a rare breadth. It is a splendid wine, probably the most robust of the Algerian wines that I have had the chance to drink. Both wines go well with the perfectly cooked pigeon.

The originality of this dinner is that we programmed the rich wines of Spain and Algeria before the wines of Romanée Conti, while the reverse order would have been more logical. So that our palates are ready to welcome Burgundy wines, I asked Matthieu, the excellent sommelier, to keep some Dom Pérignon 1993 which is served with a brioche. So we’re ready for what’s next.

I took so many precautions to prevent any unpleasant surprises that no one believes that La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965 could have been dusty when opened, because it presents itself with a salty scent so representative of the wines of the Romanée Conti and Romanée Conti itself. The wine is sublime, as if the faults of six hours ago had not existed. This 1965 is more typical Romanée Conti than La Tâche as it is delicate. It is a superb and long wine. The association with wagyu has something unnatural because the fat in the meat is very strong. But in fact the agreement is found judiciously.

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1962 will not have the chance of La Tâche. It no longer has vinegary notes, it is coherent, but it lacks emotion. She’ll still get two votes, but I consider her an extinct wine. Poached foie gras is one of my coquetries to accompany a Romanée Conti (a guest created a word for my coquetries; he calls them audouzades). Tonight the poached foie gras is a little too discreet and lacks the vibrancy to wake up the 1962.

Château d’Yquem 1948 has a glorious golden color. The wine is superbly serene. The Yquems, when they are big, are very big. The stilton from the Barthélémy house is exactly what is needed, refined but not too much. Yuki‘s mango pie is of a rare lightness. And Yquem is grandiose in both chords.

Yuki’s Financier is ideal for the 1870 Cyprus Wine, sweet on the attack and dry on the finish. This 152-year-old wine has a freshness that time does not moderate.

It’s time to vote for our five favorite wines out of the ten of the meal. La Tâche 1965 is the clear winner with five first places. I am very happy that the 1973 Pommery got two first places because generally at the end of the meal we forget to vote for the wines at the start of the meal. The Château d’Yquem 1948 also has two first places and the Royal Kebir 1947 has one.

The overall vote is: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, 2 – Royal Kebir Frédéric Lung red Algeria 1947, 3 – Château d’Yquem 1948, 4 – Champagne Pommery brut 1973, 5 – Cyprus wine 1870, 6 – Volnay Santenots Joseph Drouhin 1937.

My vote is: 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, 2 – Royal Kebir Frédéric Lung red Algeria 1947, 3 – Vega-Sicilia Unico Vino Fino 1960, 4 – Château d’Yquem 1948, 5 – Cyprus wine 1870.

The kitchen of the Pages restaurant is refined and it is exactly what is needed for old wines. The cooking is divine, like that of the lobster and that of the pigeon. The service is competent and attentive. Unfortunately, we will no longer find Lumi who will fly towards new adventures. She had a significant part in the success of the thirteen dinners that I had the pleasure of organizing in this restaurant which is so attentive to the needs of the wines. Lumi will be replaced by Antoine, whom I have known in other places.

The wine service by Matthieu was of great relevance.

The Romanée Conti 1962 which took the place of a 1965 was not there. La Tâche 1965 satisfied us. The charming guests, from all walks of life, brought their smiles to make this meal one of the nicest I have organized.

259ème dîner au restaurant Pages vendredi, 4 février 2022

A 16h10 au restaurant Pages, commence l’ouverture des vins du 259ème dîner. Les conditions atmosphériques ambiantes vont faire que certains bouchons vont être difficiles à extraire, dont celui du Vega Sicilia Unico 1960 qui va tomber dans le liquide et obliger à carafer le vin pour enlever le bouchon et remettre le vin dans sa bouteille. Ce n’est plus de l’oxygénation lente mais de l’oxygénation à rythme forcé. Le Lynch Bages 1924 a un beau parfum engageant ce qui ne sera plus le cas au moment du service. Le Volnay 1937 a lui aussi un beau parfum. Le Vega Sicilia carafé puis remis en bouteille est rassurant et le Royal Kebir 1947 a un nez marqué de café et montre une belle promesse.

Dans le programme que j’avais proposé, la vedette devait être une Romanée Conti 1965. S’il est un vin qui devrait n’avoir aucune erreur d’inventaire dans ma cave, c’est bien la Romanée Conti. Or en préparant les vins du dîner, je ne retrouve pas la Romanée Conti 1965. Impensable ! Je décide alors de mettre une Romanée Conti 1962, d’une année de plus belle réputation que 1965 et pour que personne n’exprime de regret, j’ajoute une bouteille de La Tâche 1965. C’est maintenant le moment d’ouvrir ces deux vins de la Romanée Conti. La Tâche 1965 a un nez de terre et de poussière à un point tellement intense que j’ai les plus grands doutes sur sa future prestation.

La Romanée Conti 1962 n’a pas de capsule mais de la cire, largement craquelée. Le bouchon est noir et le parfum est pire que celui de La Tâche, avec des notes suries et vinaigrées. Aïe, aïe, aïe ! J’ai voulu faire plaisir et ce ne sera peut-être pas le cas. L’Yquem 1948 et le Chypre 1870 ont des nez d’une perfection inatteignable par d’autres vins.

A 18 heures j’ouvre le magnum de Dom Pérignon 1993 et à 18h45 j’ouvre le Pommery 1973 qui m’offre une surprise incroyable. Je tire le bouchon qui me saute des mains et va retomber plus de quatre mètres plus loin de la table où j’opère. Comment est-ce possible qu’un champagne de presque 50 ans soit aussi explosif ? Je n’en reviens pas.

Décidément les ouvertures ont été marquées par des surprises dans tous les sens et le service à table va nous en offrir d’autres.

Les convives sont tous à l’heure à 20 heures. Nous sommes dix dont trois femmes. Il y a deux nouveaux participants venus de Dubaï pour ce dîner.

Le menu préparé par le chef Ken et son équipe est : choux au parmesan / Saint-Jacques en deux façons / homard sauce bisque vin rouge / pigeon, gnocchi ail noir, sauce salmis / wagyu grillé / foie gras poché / stilton / tarte exotique / financiers.

Le Champagne Pommery brut 1973 est exceptionnel. Il combine une belle maturité avec une folle jeunesse car sa bulle est active comme l’annonçait l’explosion du bouchon. C’est à mon sens la définition même du beau champagne mature.

Le Champagne Dom Pérignon P2 magnum 1993 plait énormément à ma voisine qui adore sa jeunesse alors que j’ai personnellement beaucoup de mal à l’aimer. Il est fortement dosé et me semble trop rajeuni par rapport au 1993 d’origine. Les coquilles Saint-Jacques sont présentées d’abord crues puis juste poêlées. Je préfère le champagne sur les coquilles poêlées alors que d’autres convives le préfèrent sur la coquille crue.

J’aime faire des associations improbables telles que de mettre un bordeaux et un bourgogne ensemble sur du homard. Les nez des deux vins ont des esquisses de bouchon. Le Château Lynch Bages 1924 dont le parfum m’avait plu à l’ouverture a maintenant un nez de bouchon qui ne disparaîtra pas.

Le Volnay Santenots Joseph Drouhin 1937 au contraire perd très vite l’infime trace de bouchon et se montre d’un charme extrême, voluptueux et tout en suggestion. Ce vin délicat et subtil est d’une belle jeunesse. Je suis content qu’il ait eu plusieurs votes alors que le nombre de grands vins est important.

Sur le pigeon, nous goûtons un vin espagnol et un vin algérien. Les deux sont sans défaut et généreux. Le Vega-Sicilia Unico 1960 est splendide et d’un fruit très jeune, avec une extrême fraîcheur dans le finale.

Le Royal Kebir Frédéric Lung rouge Algérie 1947 est très exotique par rapport au Vega. Il est beaucoup plus énigmatique et montre une ampleur rare. C’est un vin splendide, probablement le plus charpenté des vins algériens que j’aie eu la chance de boire. Les deux vins s’accordent avec le pigeon parfaitement cuit.

L’originalité de ce dîner c’est que l’on a programmé les vins riches d’Espagne et d’Algérie avant les vins de la Romanée Conti, alors que l’ordre inverse eût été plus logique. Aussi pour que nos palais soient prêts à accueillir les vins bourguignons, j’ai demandé à Matthieu, l’excellent sommelier, de garder du Dom Pérignon 1993 qui est servi avec une brioche. Nous sommes donc prêts pour la suite.

J’ai tellement pris de précautions pour prévenir toute mauvaise surprise que personne ne croit que La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965 ait pu être poussiéreuse au moment de l’ouverture, car elle se présente avec un parfum salin si représentatif des vins de la Romanée Conti et de la Romanée Conti elle-même. Le vin est sublime, comme si les défauts d’il y a six heures n’avaient pas existé. Ce 1965 est plus typée Romanée Conti que La Tâche tant il est délicat. C’est un vin superbe et long. L’association à du wagyu a quelque chose d’antinaturel car le gras de la viande est très fort. Mais en fait l’accord se trouve judicieusement.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1962 n’aura pas la chance de La Tâche. Elle n’a plus de notes vinaigrées, elle est cohérente, mais il lui manque l’émotion. Elle recevra quand même deux votes, mais je la considère comme un vin éteint. Le foie gras poché est une de mes coquetteries pour accompagner une Romanée Conti (un convive a créé un mot pour mes coquetteries ; il les nomme des audouzades). Ce soir le foie poché est un peu trop discret et manque de vibration pour réveiller le 1962.

Le Château d’Yquem 1948 est d’une couleur d’un or glorieux. Le vin est superbe de sérénité. Les Yquem, quand ils sont grands, sont très grands. Le stilton de la maison Barthélémy est exactement ce qu’il faut, affiné mais pas trop. La tarte à la mangue de Yuki est d’une rare légèreté. Et l’Yquem est grandiose dans les deux accords.

Le financier de Yuki est idéal pour le Vin de Chypre 1870, doucereux à l’attaque et sec sur le finale. Ce vin de 152 ans a une fraîcheur que le temps ne modère pas.

Il est temps de voter pour nos cinq vins préférés sur les dix du repas. La Tâche 1965 est le gagnant incontestable avec cinq places de premier. Je suis très heureux que le Pommery 1973 ait eu deux places de premier car généralement en fin de repas on oublie de voter pour les vins du début de repas. Le Château d’Yquem 1948 a lui aussi deux places de premier et le Royal Kebir 1947 en a une.

Le vote global est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, 2 – Royal Kebir Frédéric Lung rouge Algérie 1947, 3 – Château d’Yquem 1948, 4 – Champagne Pommery brut 1973, 5 – Vin de Chypre 1870, 6 – Volnay Santenots Joseph Drouhin 1937.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, 2 – Royal Kebir Frédéric Lung rouge Algérie 1947, 3 – Vega-Sicilia Unico Vino Fino 1960, 4 – Château d’Yquem 1948, 5 – Vin de Chypre 1870.

La cuisine du restaurant Pages est épurée et c’est exactement ce qu’il faut pour les vins anciens. Les cuissons sont divines, comme celle du homard et celle du pigeon. Le service est compétent et attentif. Nous allons hélas ne plus retrouver Lumi qui va voler vers de nouvelles aventures. Elle a eu une part significative dans la réussite des treize dîners que j’ai eu le plaisir d’organiser dans ce restaurant si attentif aux besoins des vins. Lumi sera remplacée par Antoine que j’ai connu en d’autres lieux.

Le service des vins par Matthieu a été d’une grande pertinence.

La Romanée Conti 1962 qui prenait la place d’une 1965 n’était pas au rendez-vous. La Tâche 1965 nous a comblés. Les convives charmants, de tous horizons, ont apporté leurs sourires pour que ce repas constitue l’un des plus sympathiques que j’aie organisés.

Réveillon de fin d’année samedi, 1 janvier 2022

Le réveillon de fin d’année se tiendra pour une fois à notre domicile de la région parisienne. Avec des amis et des membres de ma famille nous serons huit. Le choix des mets et des vins a été fait en collaboration avec mon épouse avec des ajustements progressifs.

Vers midi je décide d’ouvrir les deux magnums du repas pour qu’ils profitent d’une bonne aération. A 16 heures c’est le tour des bouteilles. Le parfum du Richebourg de la Romanée Conti est un miracle, tant il est l’idéal des parfums de ce domaine. Le sauternes a aussi un parfum généreux. Tous les bouchons viennent sans problème. Et c’est à 18 heures que j’ouvre le champagne de 1955 pour qu’il jouisse d’une aération qui l’épanouira.

Des amis qui dormiront à la maison sont arrivés vers 18 heures aussi pour attendre les autres invités j’ouvre un champagne non prévu au programme, un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2007. Quelle belle surprise de voir ce champagne à ce niveau. Il est jeune mais offre une largeur généreuse du plus bel effet. Il est gourmand, ce qui est sympathique.

Lorsque tous les invités sont présents, je sers le Champagne Salon magnum 1995. Il a une bulle active, une couleur claire et l’on sent d’emblée que c’est un seigneur, plus complexe que le 2007 mais aussi plus serré. Il est vif et tranchant avec une belle longueur. J’attendais sans doute un peu plus de rondeur de ce champagne. Cela viendra avec le temps.

Nous grignotons des amandes au sel truffé, une gougère présentée en une couronne torique, une jolie préparation à base d’œufs de saumon de taille respectable, du jambon Pata Negra, de la mimolette bien douce, et surtout des tranches de boudin blanc poêlé qui créent le plus bel accord avec le beau champagne.

L’idée me vient d’essayer le boudin blanc sur le deuxième champagne d’apéritif, le Champagne Charles Heidsieck Royal 1955 qui se présente dans un flacon de toute beauté. Ce champagne est grandiose, large, épanoui et d’une complexité extrême qui montre à quel point l’âge profite aux champagnes, car ce 1955 est transcendant par rapport au 1995 qui devra attendre de longues années avant d’offrir autant de plaisir que celui-ci. En buvant, je me demande si ce Heidsieck ne se situerait dans le haut de la hiérarchie des champagnes que j’ai bus. Il est exceptionnel, rond et accueillant et forme avec le boudin blanc un accord magique.

Nous passons à table. Selon une tradition bien ancrée, chaque convive doit trouver sa place en résolvant une énigme qui donne son prénom. Comme chaque année c’est introuvable mais donne l’occasion de s’amuser. Chacun trouve sa place et selon la même tradition je fais un discours de moins de quatre minutes, pour le plaisir d’accueillir mes amis et parents.

Pour le caviar Osciètre Kaviari au lieu des habituels champagnes, j’ai prévu deux Chablis que l’on va s’amuser à comparer. Le Chablis Grand Cru Valmur Vocoret 1971 et le Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971. Il ne s’agit pas de décortiquer les avantages respectifs de Valmur et des Clos mais de voir si ces vins nous plaisent avec le caviar. Le Valmur est un vin vertical, droit, tranchant, alors que Les Clos est un vin horizontal ou plutôt rond. Autour de la table certains préfèreront le tranchant alors que d’autres dont moi préfèreront la rondeur des Clos. Mais le plus important est ailleurs, c’est que les deux chablis de 50 ans sont parfaits avec le caviar, et que les deux vins sont intemporels. Et c’est, à mon sens, lié à l’ouverture des vins longtemps à l’avance, ce qui les rend larges et équilibrés et dotés de leur vivacité originelle. Ces deux chablis sont superbes. Ils sont vifs et charmants.

Ils accompagnent aussi des cœurs de saumon particulièrement goûteux et le champagne de 1955 est presque supérieur dans l’accord avec le saumon.

A l’ouverture du Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1956 au niveau superbe, j’avais failli m’évanouir de plaisir tant le parfum était archétypal, ‘rose et sel’, si représentatif du domaine. Au service maintenant, le vin est un miracle. Il est clairet sur les premiers verres, et foncera au fur et à mesure jusqu’à devenir presque noir en fin de bouteille laissant une lie dont je me suis régalé. Tout en lui est finesse et subtilité. J’ai un amour particulier pour le millésime 1956, si difficile lorsqu’il a été fait, mais qui a trouvé avec l’âge une vraie résurrection. J’en ai bu 23 fois. Le Wagyu bien gras et goûteux met en valeur la subtilité du vin à la belle longueur. Je suis aux anges et mes invités aussi.

Le Vega Sicilia Unico Magnum 1998 ouvert à midi, donc bu plus de onze heures après, combine des contraires. Il est en effet extrêmement puissant et riche mais il est aussi frais, fluide, rafraîchissant. Il a même un finale qui a des accents mentholés. C’est un vin que j’adore pour ses contrastes. Le bœuf Angus est riche et sanguin et forme un accord plus que pertinent.

Le vin espagnol côtoie quelques fromages et nous allons associer un beau stilton sec et salé au Château d’Arche Sauternes 1955. Je l’ai choisi parce qu’il a la même année que le champagne Heidsieck et c’est un bon choix car ce sauternes précis, ample mais réservé est d’une belle élégance. L’accord est toujours parfait.

Ma femme a composé selon une recette de Valérie Costa un dessert au chocolat assorti de quelques grains de caviar ce qui excite joliment le dessert. Le Rivesaltes Collection Cazes 1935 provoque un bonheur gustatif inégalable car le goût du chocolat et le goût du vin sont strictement identiques. C’est impressionnant et j’adore lorsque cela se produit. C’est rare mais totalement gratifiant quand mets et vin se confondent. Certains amis ont associé le dessert à un Madère Sec João Marcello Gomes vers 1950. Ils n’ont pas vécu la même fulgurance sauf un convive qui a mis le Madère premier de son vote.

Nos votons et le temps passant, puisque nous avons changé d’année, j’ai mis quatrième le champagne 1955 que j’aurais dû mettre second. La mémoire oublie souvent les premiers vins.

Le classement global est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Champagne Charles Heidsieck Royal 1955, 3 ex aequo – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971 et Rivesaltes Cazes Collection 1935, 5 – Vega Sicilia Unico Magnum 1998.

Mon classement est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Rivesaltes Cazes Collection 1935, 3 – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971, 4 – Champagne Charles Heidsieck Royal 1955.

Ce repas parfait pour les accords, la cuisine et les vins mérite par sa conception d’être classé dans mes dîners. C’est le 258ème.

le 257ème dîner se tient au restaurant Maison Rostang dimanche, 12 décembre 2021

Un ami fidèle de mes dîners avait invité en 2018 des camarades de classe. C’était le 227ème dîner. Il avait voulu recommencer en 2020 mais c’est le Covid qui n’a pas voulu et a fait repousser ce dîner deux fois. La troisième tentative est la bonne et ce sera le 257ème dîner qui se tiendra au restaurant Maison Rostang.

Les vins ont été livrés il y a une semaine. Le jour venu, je prends la trousse avec mes outils d’ouverture. Il se trouve que j’ai deux trousses de même forme et de même couleur. Je soupèse l’une d’elles. Au poids, au toucher elle me semble la bonne. Un taxi me conduit jusqu’au restaurant où j’arrive à 16 heures. Jérémie, le sympathique sommelier va chercher la caisse des bouteilles qu’il a mises à la verticale la veille, comme je le lui avais demandé. J’ouvre la trousse. Catastrophe, ce n’est pas la trousse avec les longues mèches mais une autre avec des accessoires utiles, mais sans mèches. Je n’arriverais jamais à lever les bouchons déchirés. Fort heureusement j’ai pris un Durand, qui est un astucieux tirebouchon qui combine la mèche d’un tirebouchon avec un bilame, qui officient ensemble. Cet outil est extrêmement pratique mais il a un défaut : ses lames latérales blessent le bouchon, ce que je ne souhaite pas puisque je collectionne les bouchons.

Nécessité fait loi, j’utilise le Durand. L’avantage de cet outil, c’est que l’on va dix fois plus vite qu’avec mes mèches, mais l’on n’éprouve pas les mêmes sensations. J’ai un petit doute sur le nez du Puligny-Montrachet qui pourrait être bouchonné. Le nez du Rayne Vigneau est absent. Au moment d’ouvrir l’Yquem 1980, je me dis que ce vin étant jeune, je pourrais l’ouvrir avec un limonadier classique alors que j’ai utilisé le Durand pour tous les autres. Patatras ! La partie basse du bouchon toute humide et imprégnée ne monte pas avec le haut du bouchon. Impossible de la rattraper. Avec Jérémie nous transvaserons le vin dans une carafe, Jérémie extirpera le bouchon « à la ficelle », technique que j’ai utilisée de nombreuses fois, ce qui permet ensuite de remettre le vin dans sa bouteille. Pendant ces opérations le parfum de l’Yquem inonde la pièce. Il est divin. Parmi les parfums les plus engageants il y a celui du Brane-Cantenac 1928, du Chambertin Clos de Bèze 1961, du Château Rayas 1988 et du Paternina Rioja 1928.

J’ai fini les opérations d’ouvertures avant 17 heures. Il me reste trois heures avant l’arrivée des convives. Jérémie m’offre une bière blonde de la Parisienne, mais je n’ai pas grand-chose à faire. Aussi j’envoie un message à Charles, l’organisateur de ce repas, lui demandant de venir plus tôt s’il le peut. Très gentiment il le fera.

Nous bavardons sur les qualités potentielles des vins ouverts et je dis à Charles qu’il ne m’étonnerait pas que le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 soit dans les premiers ou premier, car chaque fois que je l’ai mis dans mes dîners, probablement une douzaine de fois, il a été dans les premiers ou premier.

Charles m’annonce que deux amis pourraient avoir un léger retard et suggère que l’on prenne un vin de la cave du restaurant malgré le fait que j’ai prévu quatorze vins pour onze convives. Charles commande un Champagne Jacques Selosse millésimé 2007 qui a été dégorgé en novembre 2019.

Il ne paraît pas choquant que nous le goûtions avant les premières arrivées. Le champagne a un ambre très léger, une bulle active. En bouche il est extrêmement atypique. Je lui trouve un goût de vieux parchemin. Il a le charme de la visite d’une vieille église. On est face à un champagne d’un autre temps, d’une autre planète.

Les invités qui arrivent goûtent ce champagne qui ne laisse pas indifférent tant il sort des sentiers battus. Les retardataires ne le sont pas tant que cela aussi nous nous asseyons pour prendre l’apéritif, Covid oblige. Nous sommes onze dont quatre femmes.

Le Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982 est d’un charme et d’un équilibre enthousiasmants. Il est mis en valeur par le 2007 car il rassure, fluide, large, et d’une belle sérénité. Les petits amuse-bouches de début de repas ont des goûts prononcés superbes.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964 a un nez légèrement imprécis qui va disparaître assez rapidement. J’avais ouvert les champagnes à 19 heures. J’aurais dû les ouvrir à 18 heures. Le goût de ce champagne est d’une personnalité extrême, un pur velours. Il est large et doux, calme et subtil. Un vrai bonheur qui trouble plusieurs convives car il leur est difficile d’imaginer qu’un champagne de 57 ans puisse avoir une aussi belle jeunesse.

Le menu composé par Nicolas Baumann est ainsi conçu : langoustines pochées dans un consommé puis rôties, coques au bouillon, sarrasin soufflé, bouillon de langoustines mousseux / homard bleu laqué au barbecue, coussins de céleri et chèvre frais de chez Fabre, jus de la presse lié au corail / dos de chevreuil rôti, la gigue confite, salsifis rafraîchis à la menthe, jus d’airelles au vin de syrah / suprême de pigeon, petit chou farci et jus d’un salmis / stilton / ananas rôti et en fines lanières à cru, sorbet ananas / mignardises.

Les deux blancs sont associés à la langoustine. Le Château Haut Brion blanc 1966 est d’une couleur claire, frais et riche. Il offre une densité forte et une belle longueur. C’est un grand vin blanc noble.

Le Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère 1980 est aussi très clair et il n’a pas du tout le nez de bouchon que je redoutais. Il a même un parfum plus épanoui que celui du bordeaux. La juxtaposition montre que le vin bourguignon n’a pas le coffre et la densité du bordelais qui surclasse le Puligny, même s’il est agréable.

L’association homard et bordeaux rouge est un de mes plaisirs. Le crustacé aura trois compagnons que j’ai voulu de périodes distinctes. Le Château Haut-Brion 1980 est droit, classique, bien né et construit mais manquant un peu de folie pour mon goût.

Le Château La Gaffelière Naudes Saint-Emilion 1953 a une couleur presque noire et une richesse doublée d’une énergie peu commune. Il est puissant et conquérant.

Le Château Brane-Cantenac Margaux 1928 a le charme féminin des vins de Margaux et il ajoute l’équilibre et la prestance de l’année 1928. C’est un vin élégant qui ne fait pas son âge. Pour mon goût le classement de ces trois vins irait du plus ancien au plus récent. Les votes des convives ne diront pas la même chose.

Sur le chevreuil il y a un bourgogne et un vin du Rhône. Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 a un nez d’une expressivité extrême. En bouche, son charme est infini. Il est délicat, racé, subtil. On n’arrêterait pas de boire un vin aussi équilibré et parfait. C’est un ange.

Le Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988 est d’un millésime que j’adore pour ce vin. Son parfum fait clairement la différence avec celui du chambertin en étant résolument rhodanien. Il a beaucoup de charme, il est solide et bien fait, mais ne peut pas lutter avec le chambertin.

L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin solide, bien construit, mais qui manque un peu de flamboyance. Il aura quelques votes de six convives mais le vin espagnol lui fait de l’ombre.

Le Rioja Ollauri Paternina 1928 a un nez d’une rare délicatesse et je ressens des fruits roses dans son parfum. En bouche il combine élégance et puissance dans un registre très affirmé. Comme pour le Brane Cantenac on peut constater qu’un vin de 93 ans peut avoir une énergie exceptionnelle. Ce vin aura les faveurs de mon vote.

Le Château d’Yquem 1980 est un sauternes magnifique dont le parfum est le plus exubérant de tous les vins tout en étant raffiné. Il est nettement plus riche et subtil que ce qu’on lit dans les livres pour son année. L’accord avec un beau stilton est un vrai bonheur.

Le Château Rayne Vigneau 1942 souffre hélas d’un nez bouchonné. Il se pourrait qu’il disparaisse mais à ce stade du repas nous n’avons pas le temps d’attendre.

J’ai apporté un Marc de Champagne Oudinot & Fils 45° années 40 dont la bouteille avait déjà été ouverte il y a quelques mois. Il est particulièrement fort mais dès qu’on s’est habitué à sa puissance on s’aperçoit qu’il est frais, fluide, fruité et joliment ensorceleur. C’est probablement l’un des meilleurs marcs que j’aie bus.

Nous sommes onze à voter pour nos cinq préférés de 13 vins, le Selosse et le Marc ne participant pas au concours. Cinq vins seront nommés premiers, le chambertin quatre fois, le Haut-Brion blanc deux fois, comme le Haut-Brion rouge ainsi que le Rioja 1928 et l’Yquem quant à lui aura un vote de premier.

Tous les vins auront eu au moins un vote sauf le Rayne-Vigneau et il est apparu une diversité des votes qui tient à la forme de la table. La table est en longueur, Charles est en face de moi, et il y a quatre convives à ma gauche et cinq convives à ma droite formant des groupes qui vont voter différemment. Ainsi, cinq votants à ma gauche ont glorifié le Haut-Brion 1980 alors que les cinq à ma droite ne lui ont donné aucun vote. Pour le Dom Ruinart 1964 les quatre votes sont tous à ma droite et rien à ma gauche. De même l’Hermitage 1959 a eu six votes dont cinq à ma droite et un à ma gauche. Il est certain que lorsqu’il y a une table en longueur, trois conversations se forment, à droite, à gauche et au centre, et dans chaque groupe il y a un convive qui va influencer la vision des autres. C’est une constatation que j’ai déjà faite, mais peut-être pas aussi nettement que ce soir.

Le vote global est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 2 – Château Haut-Brion 1980, 3 – Rioja Ollauri Paternina 1928, 4 – Château d’Yquem 1980, 5 – Château Brane-Cantenac 1928, 6 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988.

Mon vote est : 1 – Rioja Ollauri Paternina 1928, 2 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 3 – Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988, 4 – Château Brane-Cantenac 1928, 5 – Château d’Yquem 1980.

Ce n’était pas facile de servir tous ces nombreux vins à onze convives. Jérémie le sommelier s’en est très bien chargé après un démarrage un peu difficile, vite oublié. La cuisine a été pertinente et magnifiquement réalisée par un chef heureux de cuisiner et une équipe soudée. L’ambiance joyeuse créée par ce groupe d’amis a fait de ce repas un repas réussi.

Champagne Perrier Jouët Belle Epoque 1982

Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs 1964

Château Haut Brion blanc 1966

Puligny-Montrachet Clos de la Mouchère 1980

Château Haut-Brion 1980

Château La Gaffelière Naudes 1953

Château Brane-Cantenac 1928

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961

Château Rayas Châteauneuf du Pape 1988

Hermitage de Boissieu 1959

Rioja Ollauri Paternina 1928

Château d’Yquem 1980

Château Rayne Vigneau 1942

Marc de Champagne Oudinot & Fils 45° années 40

le chef fait du repassage

256th dinner at the Pages restaurant dimanche, 5 décembre 2021

During the lunch that I was able to organize at the Plénitude restaurant in Cheval Blanc Paris, three days before the official opening of the restaurant, which was the 253rd of my meals, two Belgian participants, delighted with this meal, asked me to organize a dinner for themselves and some of their friends. We will therefore be seven for the 256th dinner at the Pages restaurant.

I show up shortly after 4 p.m. at the restaurant to open my wines. Matthieu, the excellent sommelier stayed by my side during this operation and it is pleasant for me to be able to discuss and smell the wines while sharing our impressions. There weren’t too many difficulties, but as often old bottles have a neck that is not cylindrical. If it is pinched, it is impossible to pull the cork out without it tearing into many pieces. This was the case for Haut-Bages Libéral 1928, the fragrance of which seduced me with its extreme complexity, almost as beautiful as the fragrance of Latour 1928. The fragrance of Romanée Conti 1967 is strictly what one would expect, with evocations of salt and rose. The most powerful nose is that of Meursault 1990. The Yquem 1906 has a stopper that was changed in the 1960s. The scent of this wine is quite discreet but very smooth.

Opening the bottles on the counter that separates the room from the kitchen, I see the cooks at work and I see Alice marinating mackerel fillets in two kinds of oils. And I feel like trying to combine a little mackerel with the Yquem 1906. Only a few drops will be taken. I am experimenting with Chef Ken and Alice at the same time, and it matches well with raw mackerel with dried traces of oil.

According to tradition when the opening ceremony is over, I go to Bistro 116 to drink a Japanese beer and munch on edamame, while the restaurant staff have their dinner.

At 6.30 p.m. I open the Krug Private Cuvée and I also open the Heidsieck 1907 champagne. It takes at least ten minutes and I see that the muselet is recent. I was told that the original cork had been preserved. It seems plausible to me, the stopper being a very beautiful cork.

The Belgian group of guests is punctual. There will be seven men with no parity and the funny thing is that a close table will be four women, as if gender separation is the rule tonight.

The menu designed by the Pages restaurant and its chef Ken is: parmesan gougères / pan-fried scallops / turbot, pointed cabbage, umami sauce, pork belly / pigeon salmis sauce, grilled Taglioni / Joshu-Wagyu / poached foie gras / stilton / exotic mango and passion fruit tart.

The Champagne Krug Private Cuvée years 60-70 has an active bubble which is a nice surprise. Its color is clear. It is very lively, noble and precise, and the gougères pleasantly calm its energy. I like its breadth and freshness.

Matthieu will serve two of the three whites on the Saint-Jacques and the three on the turbot. The Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 has a slightly corked nose with no real influence on the taste and this corky nose will disappear when we taste the fish. It is a rich wine of the finest decade for this wine classified by Curnonsky among the five greatest white wines of France. He would have been appreciated if he was alone but there is competition.

The Hermitage Chante Alouette Chapoutier white 1955 is very amber. The nose is very subtle and on the palate the wine is rich and opulent with great personality. He is greedy and charming, very distinctive. The Saint-Jacques are hearty and beautifully cooked. A delight.

The Meursault J.F. Coche Dury 1990 has by far the most beautiful scent of all the wines of the meal, or at least the most overwhelming. The wine is tall, maybe a bit monolithic but straight and rich. The flesh of the turbot is divine and the sauce is perhaps a little too strong even if it is refined.

The pigeon, pure wonder, welcomes two exceptional wines. My guests are amazed at the youthful colors of the two 1928 wines. The Château Haut Bages Liberal Pauillac 1928 is a huge surprise because its fragrance is noble and refined and on the palate it is of rare mastery. If it weren’t for the other Pauillac, we’d make it a star.

But there is the 1928 Château Latour Pauillac which is a perfect wine. Can’t imagine it could be better. He has everything going for him, nobility, seduction, velvety, energy. This wine is a marvel. One thing that made me extremely happy was that one of the guests who had come to lunch at the Samaritaine was tearful, he was so moved by the perfection of the Latour. If we used Robert Parker’s hundred point scoring and gave 100 points to a 2009 Latour, we would have to give 500 points to a 1928 Latour of this impossible quality. The agreement with the pigeon, on the blood, is an incomparable happiness.

My neighbor who went to Kobe in Japan tells me that the Wagyu we eat is so much better than anything he has eaten there. It is true that this flesh is pure candy. And the Chambertin Louis Latour 1961, very representative of its appellation, rich, round, balanced, happy, is the ideal partner for meat. This solid and stable wine is a rock, a standard of Chambertin.

When I had built my wine program, the Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea was to be served just after the Krug and when we decided to put the Romanée Conti with the poached foie gras, I I imagined that the very sweet champagne would go well with foie gras. And so this dish welcomes both wines. But by tasting the champagne which has much less dosage than the previous 1907s that I drank, it seemed to me that the champagne could be detrimental to the Romanée Conti so I decided that the champagne would be drunk after the foie gras, on an emergency Saint-Nectaire.

On poached foie gras, the Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 creates a beautiful accord. Its nose is archetypal, pink and salt and in the mouth we have the beautiful classicism of Romanée Conti in a subtle and discreet version. I’m so happy. She is a beautiful Romanée Conti who is not thunderous. Its length is refined.

The 1907 Heidsieck Monopole (American Taste) Champagne found in the Baltic Sea has a color which might be off-putting as it is a bit gray and the last glasses have a bit of deposit. There is still bubble which is amazing and the champagne has a great energy and a dosage that does not really « taste American ». What is immediately striking is its complexity. We travel into the subtle unknown. Like the average of the table, I give it second place in the classification of wines, because its enigmatic character is fascinating. He is unlike anything known, but he has charm and conviction.

Château d’Yquem 1906 has a beautiful amber color. Its scent is not thunderous but has all the complexity of a great Yquem. The accord with stilton is natural. Yuki, the young pastry chef, has made a delicious pie where the mango is refreshed with a passion fruit juice, which excites Yquem well. I told Ken that if we make this dish again we would have to remove the passion fruit kernels and just keep the juice.

My new friends are won over by Pages’ cuisine, which means that each dish goes straight to the essentials, without fuss, with quality products and exemplary cooking.

We are going to vote for our five favorite wines and what is quite astonishing is that five wines will be named first while there are only seven of us to vote. I personally put Romanée Conti first in my vote because I am a lover of this wine, but if I want to be objective it is Latour 1928 which is the greatest wine of this meal, because this wine is perfect .

All the wines were of interest, even the Coulée de Serrant, the only wine that did not receive a vote, because of its cork nose which subsequently disappeared.

The overall vote is: 1 – Château Latour Pauillac 1928, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea, 3 – Chambertin Louis Latour 1961, 4 – Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955, 5 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 6 – Meursault JF Coche Dury 1990.

My vote is: 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 found in the Baltic Sea, 3 – Château Latour Pauillac 1928, 4 – Champagne Krug Private Cuvée years 60-70, 5 – Château Haut Bages Liberal Pauillac 1928.

The atmosphere with real wine lovers was extremely nice. It is highly likely that we will meet again. And undoubtedly at the Pages restaurant, which offers high-quality cuisine perfectly suited to the wines.

256ème dîner au restaurant Pages dimanche, 5 décembre 2021

Lors du déjeuner que j’ai pu organiser au restaurant Plénitude de Cheval Blanc Paris, trois jours avant l’ouverture officielle du restaurant, qui fut le 253ème de mes repas, deux participants belges, ravis de ce repas, m’ont demandé d’organiser pour eux-mêmes et certains de leurs amis un dîner. Nous serons donc sept pour le 256ème dîner au restaurant Pages.

Je me présente peu après 16 heures au restaurant pour ouvrir mes vins. Matthieu, l’excellent sommelier est resté à mes côtés pendant cette opération et c’est agréable pour moi de pouvoir discuter et sentir les vins en échangeant nos impressions. Il n’y a pas eu trop de difficultés, mais comme souvent les bouteilles anciennes ont un goulot qui n’est pas cylindrique. S’il est pincé, il est impossible de tirer le bouchon sans qu’il ne se déchire en de nombreux morceaux. Ce fut le cas pour le Haut-Bages Libéral 1928 dont le parfum m’a séduit par son extrême complexité, presque aussi beau que le parfum du Latour 1928. Le parfum de la Romanée Conti 1967 est strictement ce que l’on peut attendre, avec des évocations de sel et de rose. Le nez le plus puissant est celui du Meursault 1990. L’Yquem 1906 a un bouchon qui a été changé dans les années 60. Le parfum de ce vin est assez discret mais d’une grande suavité.

Ouvrant les bouteilles sur le comptoir qui sépare la salle de la cuisine, je vois les cuisiniers travailler et je vois Alice qui fait mariner des filets de maquereau dans deux sortes d’huiles. Et l’envie me prend d’essayer d’associer un peu de maquereau avec l’Yquem 1906. On ne prélèvera que quelques gouttes. Je fais l’expérience en même temps que Ken le chef de cuisine et Alice et l’accord est pertinent avec le maquereau cru dont on a séché les traces d’huile.

Selon la tradition lorsque la cérémonie d’ouverture est terminée, je vais au Bistrot 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés, pendant que le personnel du restaurant prend son dîner.

A 18h30 j’ouvre le Krug Private Cuvée et j’ouvre aussi le champagne Heidsieck 1907. La couche de cire qui recouvre le bouchon, mise après la sortie de l’eau de la bouteille en 1998, est tellement épaisse que l’opération me prend au moins dix minutes et je constate que le muselet est récent. On m’avait dit que le bouchon originel avait été conservé. Ça me paraît plausible, le bouchon étant d’un très beau liège.

Le groupe de convives belge est ponctuel. Nous serons sept hommes, sans aucune parité et ce qui est amusant c’est qu’une table proche sera de quatre femmes, comme si la séparation des sexes était la règle pour ce soir.

Le menu conçu par le restaurant Pages et son chef Ken est : gougères au parmesan / Saint-Jacques poêlées / turbot, chou pointu, sauce umami, ventrèche de porc / pigeon sauce salmis, Taglioni / Joshu-Wagyu grillé / foie gras poché / stilton / tarte exotique mangue et fruit de la passion.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60-70 a une bulle active ce qui est une belle surprise. Sa couleur est claire. Il est d’une grande vivacité, noble et précis et les gougères apaisent agréablement son énergie. J’aime son amplitude et sa fraîcheur.

Matthieu va servir deux des trois blancs sur les Saint-Jacques et les trois sur le turbot. Le Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly Savennières 1962 a un nez légèrement bouchonné sans vraie influence sur le goût et ce nez de bouchon disparaîtra au moment où l’on goûtera le poisson. C’est un vin riche de la plus belle décennie pour ce vin classé par Curnonsky parmi les cinq plus grands vins blancs de France. Il aurait été apprécié s’il était seul mais il y a de la concurrence.

L’Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955 est très ambré. Le nez est de grande subtilité et en bouche le vin est riche et opulent avec une grande personnalité. Il est gourmand et charmeur, très typé. Les Saint-Jacques sont copieuses et magnifiquement cuites. Un régal.

Le Meursault J.F. Coche Dury 1990 a de loin le plus beau parfum de tous les vins du repas ou du moins le plus envahissant. Le vin est grand, peut-être un peu monolithique mais droit et riche. La chair du turbot est divine et la sauce est peut-être un peu trop marquée même si elle est raffinée.

Le pigeon, pure merveille, accueille deux vins exceptionnels. Mes convives s’étonnent de la jeunesse des couleurs des deux vins de 1928. Le Château Haut Bages Libéral Pauillac 1928 est une immense surprise car son parfum est noble et raffiné et en bouche il est d’une maîtrise rare. S’il n’y avait pas l’autre Pauillac, on en ferait une vedette.

Mais il y a le Château Latour Pauillac 1928 qui est un vin parfait. On ne peut pas concevoir qu’il puisse être meilleur. Il a tout pour lui, noblesse, séduction, velouté, énergie. Ce vin est une merveille. Une chose m’a fait un extrême plaisir c’est que l’un des convives qui était venu au déjeuner à la Samaritaine a eu la larme à l’œil, tant il a été ému par la perfection du Latour. Si l’on utilisait la notation sur cent points de Robert Parker et si l’on donnait 100 points à un Latour 2009, il faudrait donner 500 points à un Latour 1928 de cette impossible qualité. L’accord avec le pigeon, sur le sang, est un bonheur incomparable.

Mon voisin qui est allé à Kobé au Japon me dit que le Wagyu que nous mangeons est très nettement supérieur à tout ce qu’il a mangé sur place. C’est vrai que cette chair est un pur bonbon. Et le Chambertin Louis Latour 1961 très représentatif de son appellation, riche, rond, équilibré, joyeux est le partenaire idéal de la viande. Ce vin solide et stable est un roc, un étalon du chambertin.

Lorsque j’avais bâti mon programme de vin, le Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique devait être servi juste après le Krug et lorsque l’on a décidé de mettre la Romanée Conti avec le foie gras poché, j’ai imaginé que le champagne très doux irait bien avec le foie gras. Et donc ce plat accueille les deux vins. Mais en goûtant le champagne qui a beaucoup moins de dosage que des précédents 1907 que j’ai bus, il m’apparaît que le champagne risque de porter préjudice à la Romanée Conti aussi ai-je décidé que le champagne serait bu après le foie gras, sur un Saint-Nectaire de secours.

Sur le foie gras poché, la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967 crée un bel accord. Son nez est archétypal, rose et sel et en bouche on a le beau classicisme de la Romanée Conti sur une version subtile et discrète. Je suis aux anges. C’est une belle Romanée Conti qui n’est pas tonitruante. Sa longueur est raffinée.

Le Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique est d’une couleur qui pourrait rebuter car elle est un peu grise et les derniers verres ont un peu de dépôt. Il y a encore de la bulle ce qui est étonnant et le champagne est d’une grande énergie et d’un dosage qui ne fait pas vraiment « goût américain ». Ce qui frappe immédiatement c’est sa complexité. On voyage dans l’inconnu subtil. Comme la moyenne de la table je lui donne la deuxième place au classement des vins, car son caractère énigmatique est passionnant. Il ne ressemble à rien de connu mais il a du charme et de la conviction.

Le Château d’Yquem 1906 est d’une belle couleur ambrée. Son parfum n’est pas tonitruant mais a toute la complexité d’un grand Yquem. L’accord avec le stilton est naturel. Yuki, la jeune pâtissière, a fait une délicieuse tarte où la mangue est rafraîchie par un jus de fruit de la passion, qui excite bien l’Yquem. J’ai dit à Ken que si l’on refait ce plat il faudrait enlever les grains de fruit de la passion pour ne conserver que le jus.

Mes nouveaux amis sont conquis par la cuisine de Pages qui fait que chaque plat va directement à l’essentiel, sans chichi, avec des produits de qualité et des cuissons exemplaires. Nous allons voter pour nos cinq vins préférés et ce qui assez étonnant, c’est que cinq vins seront nommés premiers alors que nous ne sommes que sept à voter. J’ai mis personnellement la Romanée Conti en premier de mon vote parce que je suis un amoureux de ce vin, mais si je veux être objectif c’est bien Latour 1928 qui est le plus grand vin de ce repas, car ce vin est parfait.

Tous les vins ont eu de l’intérêt, même la Coulée de Serrant, seul vin qui n’a pas eu de vote, à cause de son nez de bouchon qui a disparu par la suite.

Le vote global est : 1 – Château Latour Pauillac 1928, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique, 3 – Chambertin Louis Latour 1961, 4 – Hermitage Chante Alouette Chapoutier blanc 1955, 5 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 6 – Meursault J.F. Coche Dury 1990.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1967, 2 – Champagne Heidsieck Monopole (American Taste) 1907 trouvé en Mer Baltique, 3 – Château Latour Pauillac 1928, 4 – Champagne Krug Private Cuvée années 60-70, 5 – Château Haut Bages Libéral Pauillac 1928.

L’ambiance avec de vrais amateurs de vins a été extrêmement sympathique. Il est hautement probable que nous nous reverrons. Et sans doute au restaurant Pages qui a fait une cuisine de haute qualité parfaitement adaptée aux vins.

       

255ème dîner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot lundi, 22 novembre 2021

 

Le 196ème dîner de wine-dinners s’était tenu à l’hôtel du Marc demeure de réception du champagne Veuve Clicquot, car je souhaitais ouvrir un champagne Veuve Clicquot trouvé dans la mer Baltique et daté autour de 1840. Ayant maintenant envie d’ouvrir un champagne Juglar daté autour de 1820, qui est probablement le champagne le plus vieux que l’on puisse boire aujourd’hui, l’idée de l’ouvrir à l’hôtel du Marc puisque les deux champagnes étaient dans le même bateau m’est apparue intéressante. Je m’en suis ouvert à Didier Mariotti maître de chai de Veuve Clicquot qui a approuvé ce projet.

Les vins du repas ont été apportés il y a trois semaines. Le jour venu, c’est à 15h30 que je commence à ouvrir les vins du dîner. Je croyais pouvoir ouvrir le Bourgogne blanc de Vogüé 1995 avec un tirebouchon classique du fait de sa jeunesse, mais une moitié seulement est remontée, le bas du bouchon imbibé ne remontant qu’avec une longue mèche. Le parfum du vin est superbe. Par la suite, beaucoup de bouchons sont remontés en miettes, sauf le bouchon du Haut-Brion probablement de 1880 au liège parfait. Aucun parfum ne me semble rédhibitoire, celui du Haut-Brion me semblant très discret. Faut-il ouvrir le Juglar # 1820 aussi tôt ? Il me semble prudent de l’ouvrir en milieu de repas, juste après avoir bu les bordeaux. Le sympathique sommelier qui est à mes côtés remonte donner l’information en cuisine pour que le chef adapte ses temps de cuissons à cet intermède.

Nous serons douze au dîner dont Didier Mariotti qui nous reçoit avec un cadre de Moët-Hennessy, deux amies américaines fidèles de mes dîners et qui avec deux autres amis avaient participé au 196ème dîner tenu en ce lieu. Un seul convive participe à son premier dîner. Un chinois, deux chinoises et deux américaines font partie du groupe qui parlera le plus souvent en anglais.

A 19 heures, l’apéritif se prend avec un Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 1990. Le nez de ce champagne est sublime et racé et en bouche il montre une largeur et une énergie superbes. L’ampleur de ce champagne brillant me semble dû au format jéroboam qui lui donne un registre extrême. Mais Didier Mariotti dit que selon lui le format idéal est le magnum et que le jéroboam a moins d’effet. J’avoue avoir du mal à imaginer qu’un magnum offre plus de générosité que ce magistral jéroboam. Ce 1990 est exceptionnel. Les diverses mises en bouche sont variées et excellentes.

Le menu composé par le chef de cuisine Christophe Pannetier qui avait déjà fait le menu du précédent dîner est : le turbot, jus de rôti aux champignons sylvestres / le homard bleu en civet à la truffe / les ris de veau en pot au feu à la truffe / le pigeonneau royal en deux services, suprême rôti à la goutte de sang et salmis de cuisses en Parmentier / le chevreuil en noisettes et bois de salsifis / le foie gras poché dans un bouillon marin fumé / la mangue confite au naturel.

Sur le turbot, nous avons deux vins blancs. Le domaine de Vogüé fait un Musigny blanc qui est un grand cru. Il y a plus de trente ans, la vigne avait été replantée et le domaine avait estimé que le vin fait par de jeunes vignes ne méritait pas l’appellation du grand cru. Ils ont appelé leur vin « Bourgogne blanc ». Nous buvons donc un Bourgogne Blanc Comte de Vogüé 1995. Il est absolument superbe, large, riche, opulent et mériterait bien d’avoir son appellation Musigny qui n’est réapparue que sur de récents millésimes, les vignes étant jugées de suffisante maturité.

Le Montrachet Domaine des Comtes Lafon 1978 est une mauvaise surprise, car il a une acidité qui le rétrécit. Le plaisir n’est pas là. C’est dommage car le millésime 1978 est une réussite exceptionnelle pour les montrachets.

Le homard bleu absolument délicieux accueille deux bordeaux rouges. Le Château Montrose L. Charmolüe 1918 est d’une couleur claire et d’un parfum très délicat. Il est expressif, racé, pur et n’a pas de trace d’âge alors qu’il a 103 ans. Il est très joyeux.

Pour l’autre vin, je suis très impressionné par l’ouverture d’esprit de mes convives. Je dis toujours : « on ne juge pas un vin, on essaie de le comprendre et plus on sera humble mieux on le comprendra ». Mes amis ont eu l’attitude qu’il fallait. Lorsque le sommelier me sert en premier le Château Haut-Brion probable 1880, je ressens une forte odeur de poussière, qui devrait gêner la dégustation, mais je sens derrière le rideau de poussière que le milieu de bouche et le finale sont d’une grande pureté et d’un grand intérêt. Le vin a un réel message et quelques minutes plus tard le rideau de poussière aura disparu, laissant la place à un goût profond et racé. Jamais nous n’aurions eu le plaisir de ce vin si nous avions refusé d’aller plus loin que le rideau de poussière.

La bouteille du Haut-Brion n’avait pas d’étiquette. A travers le verre foncé, j’avais pu entrevoir les deux « 8 » du millésime et la forme de la bouteille, probablement plus ancienne que 1880 corroborait la période. La capsule superbe indiquait le nom et le bouchon venu entier faisait son âge, ce qui signifie que le vin n’avait jamais été reconditionné.

Nous descendons en cave pour que j’ouvre le Champagne Juglar Mer Baltique lot 15 – réf B33 # 1820 qui avait été vendu aux enchères en même temps que le Veuve Clicquot vers 1840. La date est estimée à 1820 car la maison Juglar a cessé de faire du champagne sous ce nom en 1829. Contrairement aux Heidsieck 1907 trouvés dans un bateau en mer baltique qui ont pu garder leur bouchon originel, les champagnes de cet autre bateau ont dû être rebouchés car hors de l’eau les bouchons allaient s’émietter. A l’occasion de ce rebouchage, l’expert mondial Richard Juhlin a goûté chacune des bouteilles et avait donné des notes, 94/100 au Veuve Clicquot vers 1840 et 86/100 au Juglar que nous allons boire. C’est pour cette raison que j’ai pensé ouvrir le champagne assez tard pour éviter qu’il ne se dégrade s’il est d’une moindre qualité.

L’odeur en cave du Juglar ressemble beaucoup à l’odeur du Veuve Clicquot de la Baltique. L’image qui me vient est du lait conservé dans une bouteille ouverte pendant plus d’un mois. C’est relativement désagréable, mais pas outrageusement rebutant.

Nous remontons de la cave pour la suite du repas et le Champagne Veuve Clicquot magnum Vintage 1952 accompagne un ris de veau curieusement trop peu cuit. Alors que le chef a fait des plats de grande qualité, ce ris de veau n’est pas plaisant. Est-ce ma faute car mes suggestions auraient été mal comprises ? Je ne l’exclus pas. Le champagne est d’une belle complexité, très riche mais je suis un peu gêné par la force de la bulle. Didier a une réaction d’une grande générosité. Il fait ouvrir un deuxième magnum de 1952 qui se montre différent. Le premier à la forte bulle a plus d’acidité et une plus grande longueur. Le second plus doux et plus large est plus facile à vivre. Je préfère en fait le premier du fait de sa longueur et sa vivacité plus complexe. Les deux montrent une belle personnalité et une belle fraîcheur.

Pour le pigeonneau servi en deux services nous avons deux bourgognes. Le Corton Bernard 1919 est absolument superbe, franc, riche, droit, facile à comprendre, un vin idéal. Alors qu’il y a dans ce dîner des vins prestigieux, c’est une belle surprise de constater qu’il sera nommé second dans le vote d’ensemble. A 102 ans, il est d’une énergie remarquable et sans le moindre défaut.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vigne Originelle Française non reconstituée 1937 est un vin préphylloxérique, provenant d’une parcelle vinifiée séparément, de vignes ancestrales. Ce vin est absolument sublime avec les marqueurs caractéristiques du domaine, la rose et le sel, mais avec une solidité de charpente que seuls les vins préphylloxériques sont capables d’offrir. Le plat est superbe et le vin est transcendant. C’est d’ailleurs lui qui sera nommé premier des vins du repas.

Il se trouve que Didier Mariotti est un membre de la famille Rousseau. C’est pour lui que j’ai inclus dans le dîner un Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948. Subtil, frais, élégant, ce vin est admirable. Il représente la Bourgogne qu’on aime, paysanne et terrienne. J’ai trouvé ce vin raffiné et aérien.

J’avais pris, comme je le fais parfois, un vin de secours dont nous n’avons pas besoin, tant il y a de vins au programme, mais dans l’ambiance de cette soirée, avec des convives amis que j’apprécie, j’ai ouvert un Chambolle-Musigny Les Amoureuses Comte Georges de Vogüé 1943, bouteille très rare. Ce vin a eu très peu de votes car il n’était pas inscrit sur les feuilles de vote, mais il aurait pu figurer dans les trois premiers du classement tant il représente une forme de perfection dans un millésime irréprochable. C’est un très grand vin.

Mes amis avaient su ne pas s’arrêter à l’attaque rebutante du Haut-Brion # 1880. Ils vont avoir la même attitude pour le Champagne Juglar Mer Baltique lot 15 – réf B33 # 1820. Le parfum de lait tourné est désagréable mais comme le passage de l’ombre à la lumière, la bouche est un miracle. Le champagne est très dosé, plus que ne l’était le Veuve Clicquot du même bateau et son goût est un moment de pur bonheur. Nous avons en bouche le « goût américain » tel que les champenois le concevaient pour leurs clients et j’ai m’impression que ce goût est strictement le même que ce qu’il était il y a 200 ans. Je suis comme dans un rêve. C’est une telle récompense ! Et le parfum n’altère pas le goût. Alors que je suis amoureux du Richebourg préphylloxérique, j’ai mis le Juglar premier de mon vote, car le goût doucereux de ce champagne très dosé qui n’a pas une ride est unique et tellement authentique. L’association avec un foie gras poché, que je réserve habituellement aux Romanée Conti a créé un accord idéal.

Après tant d’émotions, le Château La Tour Blanche Sauternes 1928 particulièrement brillant, large, intense et ensoleillé n’a pas eu l’attention qu’il aurait dû avoir. Les sauternes de 1928 sont des réussites complètes. La Tour Blanche en est un exemple.

Nous aurons un champagne rosé pour conclure le dîner dans la jolie salle qui sert de bar aussi il est plus facile de procéder aux votes en étant assis, exercice particulièrement difficile ce soir. Quatre vins auront des votes de premier, le Richebourg 1937 quatre fois comme le Corton 1919, le champagne Juglar # 1820 a trois votes de premier et le Bourgogne blanc 1995 a un vote de premier

Le vote global est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vieilles Vignes Françaises 1937 (préphylloxérique), 2 – Corton Bernard 1919, 3 – Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948, 4 – Champagne Juglar Mer Baltique # 1820, 5 – Champagne Veuve Clicquot magnum Vintage 1952, 6 – Bourgogne Blanc Comte de Vogüé 1995.

Mon vote est : 1 – Champagne Juglar Mer Baltique # 1820, 2 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vieilles Vignes Françaises 1937 (préphylloxérique), 3 – Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948, 4 – Corton Bernard 1919, 5 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 1990.

Nous nous sommes ensuite rendus au bar joliment décoré pour boire un Champagne Veuve Clicquot magnum rosé 1976, superbe conclusion, vin d’une belle richesse raffinée. Il y a dans ce bar un imposant baby-foot où l’on peut jouer à trois ou quatre de chaque côté. J’étais gardien de but de l’une des équipes. Il me semble que nous avons gagné, mais je n’en suis pas sûr.

J’ai particulièrement apprécié l’ouverture d’esprit de tous les convives qui n’ont pas été rebutés par le paravent de poussière du Haut-Brion # 1880 qui masquait un vin réellement complexe et par le parfum difficile du Juglar # 1820 qui était suivi par le « goût américain » très pur d’un champagne absolument splendide.

Le Richebourg est le plus grand vin de la soirée, mais nous avons eu tellement de saveurs inoubliables que ce repas restera comme un des plus beaux qui aient été faits. La maison Veuve Clicquot a participé généreusement au succès de ce repas, dont le chef de cuisine qui a réalisé des plats de grande qualité. Un champagne de 200 ans qui offre un goût inoubliable, trois vins de plus de cent ans dont un a été classé deuxième. En paraphrasant Isabelle d’Orléans, comtesse de Paris, nous pourrons dire : « tout nous est bonheur ».

Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Jéroboam 1990

Bourgogne Blanc Comte de Vogüé 1995

Montrachet Domaine des Comtes Lafon 1978

Château Haut-Brion probable 1880

Château Montrose L Charmolue 1918

Champagne Veuve Clicquot magnum Vintage 1952

Corton Bernard 1919

Richebourg Domaine de la Romanée Conti Vieilles Vignes Françaises 1937 (préphylloxérique)

Clos de la Roche Domaine Armand Rousseau 1948

Amoureuses Comte Georges de Vogüé 1943

Champagne Juglar Mer Baltique lot 15 – réf B33 # 1820

Château La Tour Blanche Sauternes 1928

Champagne Veuve Clicquot magnum rosé 1976

les vins dans ma cave

les vins dans la cave de l’hôtel du Marc

la salle à manger

le repas

les verres