Réveillon de fin d’annéesamedi, 1 janvier 2022

Le réveillon de fin d’année se tiendra pour une fois à notre domicile de la région parisienne. Avec des amis et des membres de ma famille nous serons huit. Le choix des mets et des vins a été fait en collaboration avec mon épouse avec des ajustements progressifs.

Vers midi je décide d’ouvrir les deux magnums du repas pour qu’ils profitent d’une bonne aération. A 16 heures c’est le tour des bouteilles. Le parfum du Richebourg de la Romanée Conti est un miracle, tant il est l’idéal des parfums de ce domaine. Le sauternes a aussi un parfum généreux. Tous les bouchons viennent sans problème. Et c’est à 18 heures que j’ouvre le champagne de 1955 pour qu’il jouisse d’une aération qui l’épanouira.

Des amis qui dormiront à la maison sont arrivés vers 18 heures aussi pour attendre les autres invités j’ouvre un champagne non prévu au programme, un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2007. Quelle belle surprise de voir ce champagne à ce niveau. Il est jeune mais offre une largeur généreuse du plus bel effet. Il est gourmand, ce qui est sympathique.

Lorsque tous les invités sont présents, je sers le Champagne Salon magnum 1995. Il a une bulle active, une couleur claire et l’on sent d’emblée que c’est un seigneur, plus complexe que le 2007 mais aussi plus serré. Il est vif et tranchant avec une belle longueur. J’attendais sans doute un peu plus de rondeur de ce champagne. Cela viendra avec le temps.

Nous grignotons des amandes au sel truffé, une gougère présentée en une couronne torique, une jolie préparation à base d’œufs de saumon de taille respectable, du jambon Pata Negra, de la mimolette bien douce, et surtout des tranches de boudin blanc poêlé qui créent le plus bel accord avec le beau champagne.

L’idée me vient d’essayer le boudin blanc sur le deuxième champagne d’apéritif, le Champagne Charles Heidsieck Royal 1955 qui se présente dans un flacon de toute beauté. Ce champagne est grandiose, large, épanoui et d’une complexité extrême qui montre à quel point l’âge profite aux champagnes, car ce 1955 est transcendant par rapport au 1995 qui devra attendre de longues années avant d’offrir autant de plaisir que celui-ci. En buvant, je me demande si ce Heidsieck ne se situerait dans le haut de la hiérarchie des champagnes que j’ai bus. Il est exceptionnel, rond et accueillant et forme avec le boudin blanc un accord magique.

Nous passons à table. Selon une tradition bien ancrée, chaque convive doit trouver sa place en résolvant une énigme qui donne son prénom. Comme chaque année c’est introuvable mais donne l’occasion de s’amuser. Chacun trouve sa place et selon la même tradition je fais un discours de moins de quatre minutes, pour le plaisir d’accueillir mes amis et parents.

Pour le caviar Osciètre Kaviari au lieu des habituels champagnes, j’ai prévu deux Chablis que l’on va s’amuser à comparer. Le Chablis Grand Cru Valmur Vocoret 1971 et le Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971. Il ne s’agit pas de décortiquer les avantages respectifs de Valmur et des Clos mais de voir si ces vins nous plaisent avec le caviar. Le Valmur est un vin vertical, droit, tranchant, alors que Les Clos est un vin horizontal ou plutôt rond. Autour de la table certains préfèreront le tranchant alors que d’autres dont moi préfèreront la rondeur des Clos. Mais le plus important est ailleurs, c’est que les deux chablis de 50 ans sont parfaits avec le caviar, et que les deux vins sont intemporels. Et c’est, à mon sens, lié à l’ouverture des vins longtemps à l’avance, ce qui les rend larges et équilibrés et dotés de leur vivacité originelle. Ces deux chablis sont superbes. Ils sont vifs et charmants.

Ils accompagnent aussi des cœurs de saumon particulièrement goûteux et le champagne de 1955 est presque supérieur dans l’accord avec le saumon.

A l’ouverture du Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1956 au niveau superbe, j’avais failli m’évanouir de plaisir tant le parfum était archétypal, ‘rose et sel’, si représentatif du domaine. Au service maintenant, le vin est un miracle. Il est clairet sur les premiers verres, et foncera au fur et à mesure jusqu’à devenir presque noir en fin de bouteille laissant une lie dont je me suis régalé. Tout en lui est finesse et subtilité. J’ai un amour particulier pour le millésime 1956, si difficile lorsqu’il a été fait, mais qui a trouvé avec l’âge une vraie résurrection. J’en ai bu 23 fois. Le Wagyu bien gras et goûteux met en valeur la subtilité du vin à la belle longueur. Je suis aux anges et mes invités aussi.

Le Vega Sicilia Unico Magnum 1998 ouvert à midi, donc bu plus de onze heures après, combine des contraires. Il est en effet extrêmement puissant et riche mais il est aussi frais, fluide, rafraîchissant. Il a même un finale qui a des accents mentholés. C’est un vin que j’adore pour ses contrastes. Le bœuf Angus est riche et sanguin et forme un accord plus que pertinent.

Le vin espagnol côtoie quelques fromages et nous allons associer un beau stilton sec et salé au Château d’Arche Sauternes 1955. Je l’ai choisi parce qu’il a la même année que le champagne Heidsieck et c’est un bon choix car ce sauternes précis, ample mais réservé est d’une belle élégance. L’accord est toujours parfait.

Ma femme a composé selon une recette de Valérie Costa un dessert au chocolat assorti de quelques grains de caviar ce qui excite joliment le dessert. Le Rivesaltes Collection Cazes 1935 provoque un bonheur gustatif inégalable car le goût du chocolat et le goût du vin sont strictement identiques. C’est impressionnant et j’adore lorsque cela se produit. C’est rare mais totalement gratifiant quand mets et vin se confondent. Certains amis ont associé le dessert à un Madère Sec João Marcello Gomes vers 1950. Ils n’ont pas vécu la même fulgurance sauf un convive qui a mis le Madère premier de son vote.

Nos votons et le temps passant, puisque nous avons changé d’année, j’ai mis quatrième le champagne 1955 que j’aurais dû mettre second. La mémoire oublie souvent les premiers vins.

Le classement global est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Champagne Charles Heidsieck Royal 1955, 3 ex aequo – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971 et Rivesaltes Cazes Collection 1935, 5 – Vega Sicilia Unico Magnum 1998.

Mon classement est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1956, 2 – Rivesaltes Cazes Collection 1935, 3 – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971, 4 – Champagne Charles Heidsieck Royal 1955.

Ce repas parfait pour les accords, la cuisine et les vins mérite par sa conception d’être classé dans mes dîners. C’est le 258ème.