Déjeuner au restaurant Taillevent avec des demi-bouteilles mercredi, 25 mai 2022

Dans une semaine, je vais faire le dernier grand repas de mon année « scolaire » au restaurant Taillevent. Je vais livrer les vins du dîner et j’en profite pour venir déjeuner en invitant quelqu’un qui a une grande expertise des vins, mais des vins jeunes.

Il se trouve que j’ai acheté récemment des vins anciens en demi-bouteilles. C’est l’occasion de vérifier si la petitesse du format a une influence sur la longévité des vins. Je suis arrivé au restaurant avec très peu d’avance. On peut donc considérer que les vins sont ouverts au dernier moment. Aux quatre flacons apportés, j’ai ajouté le reliquat de deux vins bus au Yacht Club de France qui pourraient ainsi composer un programme excitant.

Le restaurant propose un repas à trois plats qui me paraît insuffisant pour la variété des vins que j’ai choisis. Le menu Héritage Taillevent à quatre plats me semble beaucoup plus conforme à la diversité des vins. Il comporte : langoustines, boudin « Tradition Taillevent », fenouil confit, sauce choron, graines de courges, Brocciu / filet de bœuf façon Wellington, morilles au sarrasin, asperges blanches gratinées au vieux Comté, pomme purée / plateau de fromages / Chocolat, chocolat, chocolat.

Le Champagne Pol Roger ½ bouteille 1969 a une belle couleur d’un ambre jeune. En bouche même si le champagne n’a pas de bulles il a un beau pétillant. Le champagne est large, riche et agréable à boire.

Le Champagne Ayala ½ bouteille 1979 est beaucoup plus fluide et frais que le Pol Roger. L’un, le 1969 est dans la force et la puissance et l’autre, le 1979 est dans la fraîcheur féminine. Aucun des deux ne semble avoir eu une évolution différente de celle qu’il aurait eue en bouteille.

Si les champagnes ont idéalement accompagné les subtils amuse-bouches et la langoustine, il me semble que les deux vins liquoreux vont accompagner idéalement le boudin.

Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 ouvert il y a deux jours a une belle fraîcheur qui m’évoque un peu les vins de glace autrichiens mais il est plus consistant qu’eux.

Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est absolument magique. Avec deux jours de plus il est d’une largeur incroyable. C’est un vin glorieux, souriant, riche et accompli. Il va trouver un étage supplémentaire de sa fusée avec les morilles qui sont à se damner.

Le filet de bœuf en croûte est copieux. Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes ½ bouteille 1971 lui aussi ne laisse pas penser qu’il aurait évolué différemment en bouteille. Il est riche et joyeux, subtil et entraînant et montre que son année est grande.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné ½ bouteille 1962 est un vin que j’adore et que je considère comme très proche du légendaire 1961. Celui-ci est merveilleux. Il a tout pour lui. Sa complexité est infinie et son épanouissement est parfait. C’est un très grand vin, idéal sur la viande.

Nous avons essayé les vins doux sur les fromages et pour le dessert au chocolat plus que copieux, c’est le Zind Humbrecht qui s’est montré le plus cohérent même si le Clos des Papes était possible.

Le classement que nous avons fait avec mon invité en retenant le meilleur de chaque série est : 1 – Hermitage 1962, 2 – Rangen de Thann 1994, 3 – Pol Roger 1969. Je suis très heureux d’avoir assemblé des vins d’une telle diversité.

La cuisine du chef Giuliano Sperandio est remarquable et devra être couronnée rapidement par des étoiles. J’ai retrouvé le Taillevent que j’aime, dans sa splendeur. C’est réconfortant.

Nous avons ensuite travaillé, le chef et moi, à la composition du menu du 265ème dîner. Je pense que nous allons nous régaler.

Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France lundi, 23 mai 2022

C’est à mon tour d’inviter mes amis du club dont nous sommes, sauf un, tous des conscrits. Etant sensible aux efforts et aux soins du gérant de la cuisine et la salle à manger du Yacht Club de France, Thierry Le Luc et du chef de cuisine Benoît Fleury, j’ai invité mes amis à déjeuner en ce lieu.

Nous aurons à l’apéritif des huîtres de Marennes et des bulots. Le menu sera : assiette de langoustines / filets de rougets français et noix de Saint-Jacques rôties, courgettes, mini giroles, pommes gaufrettes et sauce crustacés / fromages / tarte Tatin aux pommes et mangues.

Nous commençons par le Champagne Moët & Chandon Vintage 2002 que je trouve un peu épais et lourd, mais c’est parce que ma bouche n’est pas prête à le déguster. Il devient plus courtois sur les huîtres d’une fraîcheur marine rare.

C’est surtout le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007 que j’attendais sur les huîtres car le blanc de blancs est fouetté par les brises marines de ces huîtres. Les bulots parfaits parce que frais s’expriment bien avec le Moët.

L’assiette de langoustines est impressionnante de générosité. J’avais envisagé que pour le plat de poisson nous pourrions examiner comment fonctionnent les accords avec des vins secs et des vins plus doux. Dans ce programme, j’avais imaginé que le magnum d’Altenberg de Bergheim Marcel Deiss 1994 représenterait les vins secs. Erreur absolue. Ce vin à la couleur presque orangée est résolument doux et délicieux. Il est parfait avec les langoustines si douces.

Le plat de rouget mêle des saveurs distinctes mais cohérentes et la sauce va créer l’accord entre le poisson et les vins doux. Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est d’une grande délicatesse associée à une force plus grande que celle du vin de Marcel Deiss. C’est ce pinot gris qui profite le mieux de la sauce.

Une remarque au passage. Alexandre de Lur Saluces a toujours défendu l’accord des sauternes avec les asperges. J’ai pu constater que les vins d’Alsace de vendanges tardives se sont mariés avec bonheur aux asperges du plat de poisson.

J’avais apporté trois vins rouges qui avaient été servis hier au déjeuner d’anniversaire de ma fille et dont il restait de quoi déguster. Chacun de ces vins a gardé une belle solidité. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano 1967 est solide et parfait pour les fromages. Le Château Trotte Vieille 1967 est toujours aussi gracieux et le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est toujours aussi noble et puissant. Ils sont tous les trois adaptés aux beaux fromages.

J’ai tenté un Munster fort sur le vin de Deiss et cela a marché.

Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 nous emmène dans le territoire du Grüner Veltliner. Le vin est profond, riche, avec des notes de miel. Ce vin est frais et idéal pour la délicieuse tarte Tatin.

Le Champagne Mumm Cordon Rouge années 60 est d’une grande élégance de champagne ancien. Il a agréablement créé le point final d’un repas réussi.

Nous avons parlé de tout et de rien et beaucoup moins de politique qu’en certains repas.

quelle taille !

Anniversaire chez ma fille aînée dimanche, 22 mai 2022

C’est l’anniversaire de ma fille aînée et je suis invité chez elle comme un peu plus d’une quinzaine de ses amis. J’ai décidé de contribuer au programme des vins. J’arrive vers 11 heures pour ouvrir mes vins. Avant l’arrivée des convives nous trinquons en famille sur un Champagne Billecart-Salmon Brut sans année qui est fort agréable à boire, frais et tonique.

Lorsque presque tout le monde est là je propose que nous buvions un Byrrh en bouteille d’un litre pour s’éclaircir le palais et le préparer aux champagnes. Ce vin doux est d’une douceur charmeuse extrême accompagnée d’une belle amertume de fruits orangés et leurs zestes, mais aussi de quinine et autres ingrédients. C’est tellement agréable qu’on en reprendrait mais le breuvage est comme les sirènes sur la mer, il est envoûtant et perfide. Je n’avais pas remarqué qu’il y avait écrit à la main sur l’étiquette « Mars 1938 ». J’aurais volontiers dit que ce Byrrh est des années 50. Il est probablement d’avant-guerre, ce qui ajoute à son charme.

J’ai apporté deux bouteilles de Champagne Pommery Brut Royal sans année. Je n’imaginais pas qu’ils soient aussi vieux car en retirant les bouchons et en voyant la couleur ambrée et l’absence de bulle, on est de plain-pied dans les années 60. Pour beaucoup, c’est une découverte car l’idée que les champagnes ne vieillissent pas a la peau dure et subsiste encore. Ce champagne est délicieux, rond et presque doux.

Le Château Brane Cantenac 1978 est d’une construction parfaite. Il est épanoui et serein. Le Château Trotte Vieille 1967 a une jeunesse qui surprend aussi les amis de ma fille. Il est d’un charme subtil.

Au contraire, le Château de Sales Pomerol 1985 est un solide guerrier droit et carré, vin conquérant. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano en Italie 1967 m’est totalement inconnu. Il est agréable à boire même si nous n’avons pas beaucoup de repères. Il est bien construit et aussi solide. Une belle découverte d’un vin simple.

Le Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 est une merveille de charme. Toute la Bourgogne se trouve dans ce vin charmeur, subtil et réussi. Un grand moment.

Le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est costaud. Conquérant il sait être accessible, il a des façons de toreros. C’est un vin noble et puissant et gouleyant.

Sur un délicieux roquefort nous avons bu deux bouteilles de 50 cl de Tokaji Escenzia Aszu 1988 toujours aussi doucereux et convivial. Un vrai bonheur.

La vraie curiosité, c’est le Champagne Vve Laurent Perrier Medium Demi Sec qui doit être très vieux, peut-être des années d’avant-guerre, que j’attendais doux et qui se révèle sec, dry, avec des saveurs énigmatiques, lançant nos papilles sur des pistes trompeuses, chargées d’énigmes. Plusieurs convives ont plébiscité ce champagne que je trouve inclassable tant il déroute. J’ai appris par la suite en me renseignant que le mot « Vve » (veuve) a disparu en 1948 sur les étiquettes. L’hypothèse avant-guerre est donc bonne.

Ma fille avait préparé des tas de petits fours d’apéritifs et des plats originaux délicieux. Ma petite-fille a réalisé un fraisier réussi d’un talent fou.

Dans une ambiance amicale et affectueuse, nous avons voyagé dans les saveurs des plats et dans l’éclectisme des vins. Chacun est reparti heureux d’avoir retrouvé des amis ou des parents pour un événement d’une grande sensibilité.

avant et après

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur jeudi, 19 mai 2022

Nous sommes quatre camarades de la même promotion de notre école à nous retrouver au restaurant Le Sergent Recruteur du chef Alain Pégouret. Sans qu’on me l’ai demandé, j’ai apporté trois vins. Nous n’en boirons que deux.

Les plats que nous prendrons sont : tourteau de Roscoff en gelée de homard persillé, fouetté de fenouil et de corail / cabillaud dans l’inspiration d’un bœuf carotte épicé. C’est le sommelier Aurélien qui ouvre les bouteilles quand mes amis sont arrivés car je ne savais pas combien viendraient et j’ai attendu que nous soyons au complet.

L’Hermitage Blanc Chante Alouette Chapoutier n’a pas de millésime lisible et il n’a pas dû en avoir car les autres bouteilles que j’ai en cave ont la même absence d’année. Au vu du bouchon et à la couleur, je penserais à un vin des années 60. Il est agréable mais je suis un peu gêné par sa sécheresse. On imaginerait que l’on est en train de sucer des tiges de blé. Heureusement le tourteau le rend plus agréable.

Le vin rouge que j’ai apporté est un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1985 au beau niveau. Aurélien me dit qu’il n’est pas satisfait de l’odeur de ce vin. Il est vrai qu’il n’a pas bénéficié de l’oxygénation lente. Mais je suis moins critique et assez rapidement le vin va s’arrondir sur le très goûteux cabillaud. Il deviendra même très confortable.

La cuisine d’Alain Pégouret est bien faite et explore des accords audacieux pertinents. Ce fut un bon déjeuner amical. Nous avons beaucoup parlé de démographie, le sujet le plus préoccupant pour la planète. C’est agréable de bavarder avec des amis de plus de soixante ans.

Dîner au restaurant Ôrtensia mercredi, 18 mai 2022

Un ami a découvert un nouveau restaurant qu’il tient absolument à nous faire essayer. Il s’agit du restaurant Ôrtensia qui a pris la succession de l’Astrance où avait officié Pascal Barbot avec qui j’avais organisé des dîners mémorables. Le chef Terumitsu Saito et son associé ont réussi une décoration de grand talent. Le sommelier Romain me reconnait et bien sûr nous bavardons.

Etant avec ma femme en avance j’ai le temps de consulter la carte des vins et mon œil est attiré par la première page, celle des bières, où le nom de Cantillon est cité près de dix fois. Il se trouve que j’ai été extrêmement impressionné par cette brasserie que j’ai visitée il y a douze ans et qui m’a permis de goûter des bières hors norme remontant sur quarante ans. Il est impossible que je laisse passer l’occasion de boire des bières de cette qualité. Je vois d’autres vins qui me tentent mais il faudra les valider avec mon ami qui a la gentillesse de nous inviter.

Le menu sera fait de daurade, asperges, turbot, Wagyu et langue de wagyu. Seul le dessert est optionnel. Mes trois convives prendront un millefeuille et je prendrai des fraises des bois à la meringue.

Les amuse-bouches plantent le décor. Ils sont le fait d’un cuisinier de grand talent. Les saveurs sont subtiles, précises et complexes. De l’art pur. La Bière Cantillon Gueuze « Le Plaisir » est récente. Elle est marquée par une acidité très présente, qui élargit le goût en bouche. Elle est large, profonde et tellement déroutante. Elle s’accorde à toutes les myriades de saveurs d’une invention généreuse comme une aile de poulet qui cohabite avec du homard et de complexités aventureuses réussies.

Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel Roussanne Vieilles Vignes 2019 est dans une période heureuse. Il est jeune mais on ne le sent pas tant son fruit est plein et joyeux. C’est un vin souriant qui va accompagner les deux poissons cuits à la perfection. Il connaîtra sans doute une période de calme et deviendra brillant dans vingt ans. Mais à ce stade de sa vie, il a toutes les qualités d’une belle jeunesse ensoleillée.

Entre les deux poissons il y a un plat à base d’asperge qui est accompagné par la Bière Cantillon Gueuze 2003. Elle est beaucoup plus sauvage que la bière « le plaisir » et elle explore des saveurs où le sel et les blés sont présents. Ce voyage dans l’inconnu ravit mon ami et son épouse. Et la cuisine française revue par un japonais talentueux est idéale pour cette bière énigmatique.

Le bœuf Wagyu est superbement cuit et forme un accord doctrinal avec le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2009 riche, vif, plein et si sereinement complexe. Un bijou. Ma femme est la seule qui a reconnu que le deuxième morceau de wagyu est la langue de l’animal. Le plat et l’accord sont un rêve.

Il est évidemment quasi impossible de hiérarchiser deux vins et deux bières, mais la prime à l’originalité ira aux deux bières et la prime à la noblesse ira au Rayas 2009.

La probabilité que Romain et moi connaissions la même brasserie était infime. Je suis content d’avoir saisi cette opportunité de découvrir ces bières irréelles. La cuisine du chef est inventive, subtile et remarquablement exécutée. Notre ami a eu raison de nous inviter car ce fut une magnifique expérience. A recommencer bien sûr.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France dimanche, 15 mai 2022

Ma femme voulait inviter deux de nos petites-filles au restaurant l’Ecu de France. Je décide au dernier moment de me joindre à ce groupe dont l’absence de parité est évidente. Sur le parking il y a deux gigantesques limousines blanches que l’on voit plus fréquemment à Las Vegas que dans les banlieues parisiennes. L’Ecu de France est connu pour accueillir les repas de mariages ou de grands événements.

Dans la carte des vins je choisis un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle et je demande à Hervé Brousse, le directeur du restaurant, qu’il choisisse la plus vieille bouteille qu’il a en cave. Le deuxième vin sera un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2013 pour lequel je souhaite qu’il ne soit ouvert que lorsque le plat qu’il accompagne sera servi sur table.

Les plats que j’ai choisis sont : ravioles de coquilles Saint-Jacques et viande de bœuf.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est élégant. Mais la bouteille la plus ancienne est malgré tout très jeune. C’est un champagne que l’on doit absolument laisser vieillir en cave. Malgré sa jeunesse, il accompagne subtilement l’amuse-bouche et le premier plat. C’est un champagne dont j’apprécie le romantisme.

Au restaurant, je demande qu’on ouvre les vins rouges jeunes au dernier moment pour profiter de l’éclosion de la fraîcheur des vins. Cette sensation dure environ pour la moitié de la bouteille puisqu’après, le vin ayant eu une aération plus grande, devient plus serein et moins fragile. Il est agréable de constater que boire le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2013 n’est pas un infanticide. Il a déjà une très belle personnalité, et la délicate fragilité qu’il montre au premier contact est un bonheur rare. Le vin est riche, plein d’énergie mais ce sont ses frémissements que j’adore.

Le vin devenu plus civilisé et plus carré accompagne la viande puis du fromage.

Le cadre hors du temps du restaurant, la gestion familiale et la cave si intelligemment gérée font de ce restaurant un havre de bonheur.

au restaurant Maison Rostang un sublime Lafite 1900 samedi, 7 mai 2022

Un ami américain, grand connaisseur de vins, m’annonce sa venue à Paris car il va visiter plusieurs grands vignobles. Il propose de m’inviter et me demande de fournir quelques vins. Sachant qu’il boit des vins prestigieux, j’ai préparé pour ce repas au restaurant Maison Rostang des vins dont je suis sûr qu’il ne les a jamais bus. Sa réaction me fait comprendre qu’il voudrait plus prestigieux, ce qui ne me gêne pas.

J’arrive au restaurant à 17 heures. J’ai dans ma besace six bouteilles. Je n’en ouvrirai que deux. Le parfum du Château Lafite 1900 est à se damner tant il est d’une perfection absolue. Riche, fruité, rond, séducteur, ce parfum devrait être inscrit au Guinness Book of Records, si on arrivait à conserver les parfums. Il est tellement puissant que je décide de mettre un bouchon neutre pour le conserver intact jusqu’à l’heure du repas.

A 18h30 j’ouvre un Champagne Gonet Père & Fils 1962 dont les arômes indiquent un âge certain mais une belle pureté. Je fais mettre au frais un vin blanc et j’attendrai l’arrivée de mon ami pour que l’on décide ce qui sera ouvert.

Mon ami arrive avec un autre ami que je connais et que je n’attendais pas. Il va falloir ouvrir d’autres vins. Je suggère le menu : asperges pour le champagne, langoustines pour le vin blanc que j’ai apporté et pigeon pour le Lafite.

La délicieuse amertume des asperges est idéale pour le Champagne Gonet Père & Fils 1962 à la couleur ambrée. La bulle est absente et le pétillant est très faible, donnant à ce champagne plus un goût de vin que de champagne. On s’aperçoit que le vin de base de ce champagne est noble et bien fait. Le vin est complexe avec des suggestions de saveurs alanguies et joliment vieillies. Il est agréable mais un peu plus âgé qu’il ne devrait.

La suite du repas se fera en dégustation à l’aveugle. L’Hermitage de Boissieu 1959 est un vin que j’ai acheté récemment, fasciné par sa magnifique couleur. Dans le verre, le vin est d’un or resplendissant très clair. Le nez est impressionnant de complexité et en bouche il est phénoménal. Je le rangerais volontiers parmi les plus grands blancs qui soient. Mes convives ont hésité entre Bourgogne et Rhône et ont cité des années autour de 1978. Ce vin riche, complexe, puissant et affirmé est exceptionnel.

Le Château Lafite 1900 a son nom et l’année gravés dans un écusson en verre collé à la bouteille. La bouteille a été soufflée manuellement et une irrégularité dans le goulot avait déchiré le bouchon à sa remontée. Le parfum est luxuriant, riche et séduisant. En bouche c’est la perfection absolue du bordeaux. J’avais acheté plusieurs bouteilles d’un même lot, et chaque fois que je l’ai bu, je l’ai trouvé parfait. Celui-ci est particulièrement percutant, alors qu’il a 122 ans. Mes amis ont évoqué les années trente ou quarante et ont été surpris qu’il soit aussi fringant. L’accord avec le pigeon est superbe.

Mon ami a tenu à nous faire boire une bouteille qu’il commande en cachette sur la carte du restaurant. Je vais donc maintenant devoir goûter à l’aveugle. L’idée d’un Bourgogne est assez évidente. Pour le domaine j’ai suggéré Rousseau et pour l’année, considérant que c’est un vin jeune, j’ai cité 1990 ce qui veut dire – pour moi – que c’est très jeune. Il s’agit en fait d’un Richebourg domaine Méo- Camuzet 2002. Nous prenons des fromages ce qui permet de boire ce vin et aussi le reste du vin blanc.

Le Richebourg est noble. On sent que c’est un Grand Cru. Il a déjà un bel accomplissement qui le rend très agréable à boire, mais après avoir bu le Lafite, on se rend compte qu’il faudra au moins 20 ans pour qu’on puisse le goûter à maturité.

La cuisine est superbe et le restaurant a gardé cette ambiance familiale qui fait son charme. Le service est très attentif. Mon classement des vins de ce repas est : 1 – Lafite 1900, 2 – Hermitage blanc 1959, 3 – Richebourg 2002, 4 – Gonet 1962.

Je suis content d’avoir revu ces amis et d’avoir ouvert un Lafite 1900 au sommet absolu de son art.

déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages vendredi, 6 mai 2022

J’ai de temps à autre présenté une énigme dans un mail d’envoi de mes bulletins. Et la récompense de ces énigmes est de déjeuner avec moi avec de belles bouteilles. L’idée m’est venue de tenter la même incitation à trouver une énigme sur Instagram où je jouis d’une écoute extrêmement amicale et bienveillante. Le sujet de l’énigme était de trouver le point commun qui existe entre deux vins algériens, le Royal Kebir de Frédéric Lung et un autre vin, le Sidi Brahim d’André Vigna. L’enjeu était de boire un vin du domaine de la Romanée Conti avec moi. Plusieurs personnes ont trouvé l’énigme et j’ai choisi deux gagnants, les plus rapides, car ils étaient difficiles à départager. La solution de l’énigme est que sur les étiquettes les mots Kebir et Vigna, qui ont chacun cinq lettres, sont représentés comme une croix, le mot étant à la fois horizontal et vertical, la lettre centrale, le B ou le G étant au centre de la croix. La récompense est un déjeuner nommé « Enigma » au restaurant Pages. La gagnante est italienne vivant et travaillant à Toulouse. Le gagnant est américain de New York profitant de cette occasion pour faire un voyage à Paris avec sa fiancée. Les deux sont du même âge, de moins de trente ans.

Le jour venu je me présente à onze heures au restaurant Pages pour ouvrir les vins. Les parfums sont prometteurs et celui de La Tâche 1954 est absolument typique avec la rose et le sel. J’ai composé le menu avec le chef Ken qui sera asperge, poisson cru, poisson cuit, agneau suivi par trois bœufs différents. Et nous ajouterons fromage et dessert aux fruits rouges.

Le Champagne Krug Private Cuvée est très probablement des années 50. Son bouchon est en effet venu sans la moindre résistance. La couleur est d’un acajou clair, les bulles ont disparu mais le pétillant en bouche est intact. Nous sommes dans un monde de champagnes que mes jeunes convives ne connaissent pas. Il y a du miel, des agrumes, une complexité extrême et une longueur qui n’en finit pas. Un amuse- bouche au poisson fort donne une énergie superbe au champagne.

J’avais demandé que les asperges n’aient aucun accompagnement pour que leur amertume excite le champagne et ce fut le cas. Le poisson cru servi avec de l’huile convient au champagne mais j’ai demandé qu’on nous donne le même poisson cru sans accompagnement pour l’essayer avec La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954. C’est une coquetterie, mais ça marche !

Ce La Tâche a tout ce qui fait un grand vin. Il est complexe, long, avec un sel persistant. Il est parfait sur l’agneau.

J’ai aussi apporté un Beaune Hospices de Beaune Cuvée des Dames Hospitalières P. Perret 1943. Sa couleur est beaucoup plus jeune que celle de La Tâche. Le nez est généreux et en bouche, le vin est large et d’une belle jeunesse. C’est un pur bonheur, franc.

La Tâche a très bien réagi sur le wagyu délicieux et fondant. Les fromages ont accompagné les deux rouges que l’on peut boire ensemble sans qu’ils se nuisent.

Le dessert a accueilli un Champagne Billecart Salmon rosé sans année très pertinent.

Nous avons classé le Beaune 1943 devant La Tâche 1954 malgré sa grande authenticité car il faisait un peu plus fatigué que le fringant 1943. J’ai rencontré deux jeunes personnes extrêmement sympathiques que je n’aurais eu aucune chance de rencontrer s’il n’y avait eu cette énigme Enigma. Je pense qu’ils garderont un souvenir heureux de cet agréable déjeuner. La réponse du restaurant Pages à mes désirs est exceptionnelle.

Règles pour la 36ème séance de l’académie des vins anciens le 9 juin 2022 lundi, 2 mai 2022

Règles pour la 36ème séance de l’académie des vins anciens le 9 juin 2022

Pour participer à une séance il faut suivre le cheminement habituel :

  • Si l’on vient sans bouteille de vin, respecter les dates de paiement.
  • Si l’on veut venir avec un vin, proposer un vin ancien et fournir tous éléments sur le vin, dont le niveau dans la bouteille (chaque photo ne devra pas dépasser 500 Ko et devra être lisible)
  • Obtenir mon agrément pour la ou les bouteilles proposées
  • Respecter les critères d’âge :
  • Champagnes d’apéritif : pas de règles. Seront des cadeaux des académiciens qui veulent en apporter, au-delà de leur apport
  • Champagnes : avant 1997
  • Vins blancs : avant 1991
  • Vins rouges et liquoreux : avant 1972

Dates à respecter

  • Livrer les vins à partir du 2 mai et avant le 20 mai
    selon le processus décrit ici :
  • soit livrer sa bouteille au siège du champagne Henriot (65 Rue d’Anjou 75008 Paris). Appeler avant. Notre contact sur place est Madame Mathilde Jauneau : mjauneau@mdhenriot.com (téléphone : 01 47 42 18 06)
  • soit expédier sa bouteille à l’adresse : François Audouze Société ACIPAR, 44 rue André Sakharov 93140 BONDY.
  • Payer sa participation dans les délais prévus (avant le 15 mai)
  • Chèque à l’ordre de « François Audouze AVA » à adresser à François Audouze société ACIPAR 44 rue Andrei Sakharov 93140 BONDY, qui est de : 160 € si on apporte un vin agréé ou 270 € si on vient sans vin.
  • Ou bien avant 15 mai pour le paiement à RIB FRANCOIS AUDOUZE AVA : FR7630003030000005024474342

– Le lieu de la réunion est : RESTAURANT MACEO 15 r Petits Champs 75001 PARIS

– Heure de la réunion : 9 juin à 19h et fin impérative 0h00.

Recommandations supplémentaires :

– ne pas mettre de chèque dans le colis qui comporte votre vin. Les chèques doivent être envoyés à part.

– ne pas coller quoi que ce soit sur la bouteille. Tout ce qui est collé est difficile à enlever.

Remarque générale importante :

L’expérience des 35 séances précédentes (sauf la 33ème, parfaite) est que je suis obligé de gérer beaucoup trop de cas particuliers au dernier moment. On va essayer de ne pas subir les impondérables.

Mettre ma secrétaire en copie de tous vos mails, à winedinners.paris@gmail.com

264ème dîner à la maison mardi, 26 avril 2022

Le lendemain du magnifique dîner avec des vins de la Romanée Conti est le jour de mon anniversaire et nous allons recevoir nos trois enfants et des amis. Nous serons neuf dont huit buveurs.

Nous avons mis au point le menu du dîner et je vais laisser libre cours à mon imagination pour les vins. Compte tenu de la diversité des vins et de la préparation façon wine–dinners, ce repas sera compté comme le 264ème dîner de wine-dinners.

J’ouvre en premier le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 en magnum vers trois heures de l’après-midi et je n’ai jamais vu une bouteille aussi difficile à ouvrir. Avec un casse-noix j’essaie de faire tourner le bouchon. Impossible. Je recommence des dizaines de fois et la résistance est extrême. Après de nombreux essais le bouchon se cisaille, le bas restant coincé dans le goulot. Impossible de planter un tirebouchon dans un liège si dense. Après environ vingt minutes de combat le bouchon est enfin enlevé. Le pschitt est sensible.

La grande surprise, c’est que je vais devoir engager le même combat avec le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985 dont le bouchon résiste de la même façon et se cisaille aussi. Est-ce que les conditions atmosphériques jouent un rôle ? Il y a de l’orage et du tonnerre. Y aurait-il une influence, je ne sais.

J’ai choisi en cave un Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947 dont la couleur est d’un blanc orangé très engageant et dont l’étiquette est délicieusement kitsch. Le beau bouchon tombe dans le vin lorsque je tente de piquer la pointe du tirebouchon. Il me faut carafer au plus vite et la couleur dans la carafe est celle d’un vin rosé. Le nez est engageant.

J’ouvre ensuite une bouteille de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954 qui est la plus basse des bouteilles basses dont j’ai acheté un lot. La baisse de niveau est de plus de 15 centimètres. Le haut du bouchon est dur comme du ciment. Le bouchon vient en morceaux mais normalement.

L’Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959 a un niveau parfait. L’ouverture est sans histoire et le vin a un parfum superbe.

J’ai en cave un lot de Château Filhot Sauternes 1891 dont les niveaux sont affreusement bas. J’en choisis deux. Une bouteille dont 80% du vin s’est évaporé et une autre dont la moitié s’est évaporée.

La première bouteille sent la poussière et me semble définitivement morte. Je verse le contenu dans un verre pour observer l’évolution qui me paraît définitivement compromise. Au contraire la bouteille qui a encore la moitié de son contenu offre à l’ouverture un parfum prometteur. Tout indique que le vin va se reconstituer.

Lorsque tout le monde est présent, nous prenons l’apéritif qui comprend des chips avec ou sans truffe, de la rillette, du foie gras, du jambon ibérique, etc. Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 en magnum est d’une belle énergie, large grâce aux cinq heures d’aération. C’est un beau champagne encore très jeune malgré ses 32 ans.

Le menu créé par la cheffe Silke Audouze est : Apéritif / Tarte à l’oignon / Caviar Osciètre prestige sur pomme de terre / Coquilles Saint-Jacques juste poêlée / Wagyu, écrasé de pommes de terre truffées / Fromages de nos belles régions de France / La Tarte Tatin blonde / La Tarte tatin brune.

Pour la tarte à l’oignon au goût sucré, je sers le Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947 qui est plus blanc que rosé dans nos verres. Il est incroyablement grand au point qu’il aura cinq votes de premier sur les huit votes possibles. Il est rond, précis, fruité, goûteux. Un régal. Et la tarte est faite pour lui. C’est un grand moment.

Le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985 accompagne le caviar délicieux sur une pomme de terre et les coquilles Saint-Jacques. Il est beaucoup plus vif et prenant que le Veuve Clicquot. Il est à un moment de plénitude dans sa vie. Plein d’énergie et très long, c’est un grand champagne.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954 démontre, s’il en était besoin, que les bourgognes et particulièrement ceux de la Romanée Conti, résistent aux baisses de niveau, car ce vin exprime de façon délicate l’âme des vins du domaine. Tout est grâce, subtilité et suggestion. Et le millésime 1954 se montre élégant. Le wagyu est exactement ce qu’il faut pour qu’il s’exprime car la viande est cuite en grande délicatesse, avec une pomme de terre truffée douce.

L’Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959 au niveau parfait est un solide gaillard. Fort, équilibré, en pleine possession de ses moyens, c’est le gendre idéal, le premier de la classe, celui qui reçoit le prix de camaraderie. Il est à l’aise et on l’adore.

Comme il fait soif, mon fils va chercher dans sa cave personnelle un Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1985 qui est parfaitement adapté mais ne peut pas lutter avec son aîné.

Sur les deux tartes Tatin, une blonde et une brune, le Château Filhot Sauternes 1891 se montre résolument sauternes, avec un gras agréable et ne montre aucun signe de fatigue ce qui est surprenant. Il est velouté et un léger manque d’énergie ne gâte pas le plaisir.

J’ai voulu que mes enfants et mes amis puissent goûter au Sherry du Cap 1862 qui a été ouvert pour un récent dîner. Il est sec et élégant, raffiné et sans signe d’âge malgré ses 160 ans.

Ma fille aînée m’a offert un Calvados Pays d’Auge Adrien Camut vers 1980/1990 que nous avons partagé. Par certains aspects dont la fraîcheur, il m’évoque le calvados que j’ai tant aimé d’un chauffeur de mon entreprise il y a bien longtemps. Un vrai bonheur.

Nous avons voté. Nous sommes huit. Le Châteauneuf-du-Pape blanc 1947 truste cinq votes de premier. L’Hermitage 1959 a deux votes de premier et La Tâche a un vote de premier.

Le classement de notre table est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947, 2 – Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954, 4 – Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985, 5 – Château Filhot Sauternes 1891, 6 – Sherry du Cap 1862.

Mon vote est : 1 – Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959, 2 – Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954, 4 – Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985, 5 – Calvados Pays d’Auge Adrien Camut vers 1980/1990.

L’ambiance festive, affectueuse, a fait de ce repas un moment de bonheur parfait.