Présentation des vins de 2019 du domaine de la Romanée Conti jeudi, 8 décembre 2022

Comme chaque année Aubert de Villaine, qui dirige le domaine de la Romanée Conti vient présenter au siège de la société Grains Nobles les vins du dernier millésime mis en bouteille. Ce sera le 2019. Il devait être accompagné de son neveu Bertrand de Villaine, qui n’a pas pu se libérer de ses obligations.

Aubert de Villaine nous annonce qu’il s’est mis en retrait et pas en retraite, car il continue à s’intéresser à ce qui se passe au domaine. Il présente le millésime 2019 qui peut être considéré comme un grand millésime. C’est un millésime complet, d’une année passionnante que l’on peut qualifier de facile. L’hiver a été peu pluvieux, la chaleur a commencé très tôt, le débourrement a été précoce. Il n’y a pas eu de risque de gel. Il a fait chaud et les travaux ont dû être accélérés, la taille, l’ébourgeonnage, ce qui a posé des problèmes de timing. La floraison a été précoce et il y a eu un manque d’eau. Il y a eu du millerandage conduisant à un avortement partiel des grains de raisin, mais ce qui est aussi un signe de qualité.

Il a fait très chaud en juin, puis en juillet avec des périodes de canicule et une accélération de la maturité. Il y a eu des baies qui brûlent avec le risque que la vigne se mette en mode de survie, mais ça s’est bien passé. Il y a eu une petite pluie le 5 septembre et la maturité est allée très vite. On a évité la sur-maturité. La vendange a commencé le 15 septembre et le Montrachet a été vendangé plus tard.

Le profil de 2018 était très différent avec une vigne plus stressée. 2019 a fait des vins magnifiques avec des raisins juteux aux couleurs magnifiques, comparables au millésime 1865. C’est intéressant qu’Aubert de Villaine mentionne 1865 car dans la revue Vigneron qui vient d’être publiée je consacre un article d’une page au millésime 1865 qui dans plusieurs régions est considéré comme un millésime unique. Voilà une nouvelle convergence que je peux ajouter à celles que j’avais faites.

Aubert de Villaine nous fait méditer sur le fait que 1864 est très proche de 2018 et 1865 très proche de 2019, ce qui semble indiquer que le comportement de la vigne lors d’un millésime influence la vigne lors du millésime qui suivra.

C’est une réflexion que j’ai eue aussi, mais en tant que dégustateur. Pourquoi 1899 et 1900 sont des millésimes mythiques comme 1928 et 1929, 1989 et 1990 et j’y ai ajouté une interrogation qui est la suivante : pourquoi les années mythiques se succèdent d’une année sur l’autre ou bien avec un intervalle d’un an : 1869 & 1870, 1899 & 1900, 1928 & 1929, 1945 & 1947, 1959 & 1961, 1989 & 1990. Un millésime n’est donc jamais isolé dans le fil du temps.

Nous passons maintenant à la dégustation.

Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2019 a donné très peu de bouteilles du fait d’une très grande sélection. Le nez est extrêmement intense et incroyable. La bouche est flatteuse et charmante. Le vin est gourmand et superbe avec une belle fraicheur. Il y a eu 100% de vendange entière ce qui donne une petite touche végétale qui explique la fraîcheur.

J’ai eu la chance de déguster ce Corton depuis la première année qui est 2009. Le progrès de ce vin est éblouissant. La réussite est certaine. Ce vin est impressionnant.

L’Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez d’un raffinement extrême, fait de velours. L’attaque en bouche est forte. Le vin est viril. Il a une puissance inhabituelle. Il aura une longévité extrême. Il a une belle fluidité, il est droit et solide, très concentré. Il a 90% de bois neuf, mais on ne le sent pas, comme pour le Corton je dirai que ce vin est impressionnant.

Le Grands Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez plus calme, mais on sent qu’il annonce une bouche superbe. Et effectivement l’attaque est superbe et plus élégante que l’Echézeaux. Son finale est plus court, mais quelle grâce. C’est un vin de plaisir où l’on sent un peu de chocolat. Aubert de Villaine dit que c’est un vin discret.

La Romanée Saint-Vivant Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un parfum élégant et noble. En bouche le vin est renversant. Il a la douceur, le charme, la noblesse. Je note : c’est fou. C’est un vin immense de qualité. Aucun vin ancien ne pourrait donner l’émotion que porte ce vin jeune. Il y en aura d’autres mais quelle fraîcheur, quelle finesse. Ce vin éblouissant est parfait.

Le Richebourg Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez puissant et élégant. En bouche il combine puissance, équilibre et gourmandise. Il passe en force mais on voit bien qu’il est grand. Il a des petites pointes de poivre.

La Tâche Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 est servi dans de grands verres Riedel qui ont un peu perturbé ma dégustation. Ainsi je trouve le nez fermé et cela subsistera en changeant de verre. La bouche est pleine de grâce. C’est un très grand vin mais qui me semble plus discret que les autres. Il faudra l’attendre et il sera très grand. Sa finesse et sa complexité font qu’il sera très grand mais j’ai senti Michel Bettane et Bernard Burtschy plus laudatifs que je ne l’ai été. Je suis sans doute passé à côté.

La Romanée Conti Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 a un nez élégant où je trouve plus de fruit rouge que dans les autres vins. La bouche est tellement agréable, de fraîcheur et de subtilité. Mais c’est surtout le finale qui est d’une largeur aromatique formidable. Le finale fabuleux m’émerveille. Le milieu de bouche est joyeux et gourmand mais c’est vraiment dans le finale que le vin est immense. On s’habitue à sa gourmandise et je sens le cousinage avec la Romanée Saint-Vivant.

Ce que je retiens à ce stade, c’est l’immense progrès du Corton, la grâce de la Romanée Saint-Vivant et le finale de la Romanée Conti. Sans oublier bien sûr que les autres sont superbes, confirmant la qualité du millésime.

Le Montrachet Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2019 est d’une couleur très claire qui confirme l’absence de botrytis. Le nez est incroyable de force. Il a des pointes de pierre à fusil. C’est le Montrachet absolu. Quelle classe. C’est un régal. C’est un monstre de bonheur, extraordinaire et hors norme. Il est la perfection absolue et on ne peut pas imaginer qu’il puisse devenir meilleur. Il est étonnant et évidemment le premier de cette dégustation. Il est très certainement un des plus grands Montrachet Domaine de la Romanée Conti que j’ai bus.

Si je pense aux émotions ressenties, je dirais : 1 – l’extraordinaire Montrachet, 2 – la grâce divine de la Romanée Saint-Vivant, 3 – le finale entraînant de la Romanée Conti, 4 – la réussite de l’Echézeaux, 5 – le niveau atteint par le Corton.

Selon la tradition nous avons dîné avec Aubert de Villaine, Michel Bettane et Bernard Burtschy, l’équipe de Grains Nobles et deux élèves de Sciences Po qui ont aidé au service des vins et sont passionnés de vins. J’avais apporté un Vega Sicilia Unico 2000 au finale d’une fraîcheur mentholée, qui a accompagné la simple et sentimentale cuisine du lieu que j’apprécie.

Cette soirée fut mémorable avec des vins jeunes au sommet de leurs qualités.


Aubert de Villaine salue un habitué américain

la couleur de la Romanée Conti

le dîner

déjeuner à la maison lundi, 5 décembre 2022

Ma fille aînée et ses filles viennent déjeuner à la maison. Ma femme a prévu un curry d’agneau à la cardamome et pour l’apéritif du boudin blanc et d’autres petits amuse-bouches. Il me semble qu’un vin blanc serait plus adapté à l’apéritif et pour le plat, j’imagine un rouge ancien assez fort.

Le Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Alain Robin 1983 a une jolie couleur vue à travers le verre légèrement poussiéreux. Le niveau est proche du bouchon. A l’ouverture à 9 heures du matin, le nez est marqué et prometteur. Comme je l’imaginais, l’accord avec le boudin blanc coupé en lamelles et poêlé est divin, la gourmandise du boudin faisant sourire ce joli vin blanc, minéral, fruité et cohérent.

C’est un vin très agréable et gastronomique qui accompagnerait des poissons de rivières en sauce.

Le Château La Gaffelière Naudes Saint-Emilion 1953 a un niveau haute épaule et un nez à l’ouverture racé. Il est maintenant à table épanoui, et montre sa puissance et sa noblesse. Il est particulièrement long en bouche. Ma petite-fille lui trouve un goût de feu de cheminée. C’est vrai et cela lui donne encore plus de noblesse.

L’accord avec le curry d’agneau est réussi, même s’il n’était pas évident sur le papier. L’année 1953 est brillante en ce moment. Sa puissance et sa jeunesse sont une belle surprise pour un vin de presque 70 ans.

Le dessert est de petites tartes individuelles au citron avec des meringues. J’avais gardé suffisamment d’une bouteille de Vin de Chypre 1870. C’est toujours un enchantement de voir la vivacité et la complexité d’un vin de 152 ans si conquérant et si joyeux. Sa puissance lui permet d’affronter les saveurs citronnées. Un régal. Ce fut un beau déjeuner.

37ème séance de l’Académie des Vins Anciens samedi, 3 décembre 2022

La 37ème séance de l’Académie des Vins Anciens se tient au restaurant Macéo. Je suis arrivé au restaurant à 15 heures pour ouvrir les vins. Il y aura une cinquantaine de vins pour les 37 inscrits aussi vais-je ouvrir les vins des trois groupes dans l’ordre de service en passant d’un groupe à l’autre pour que le temps d’aération soit le même pour tous les groupes. C’est une opération très fatigante car il y a de nombreux goulots qui ne sont pas cylindriques dont le pincement entraîne une déchirure des bouchons qui remontent en charpie. Pour les trois vins du Jura de 1914, les bouchons sont durs comme du béton et extrêmement serrés. Il me faudra une force herculéenne pour les extirper.

Le vin allemand de 1979 a une odeur de bouchon qui est probablement la pire de ce que j’ai pu sentir. La tentation serait de l’éliminer mais il faut toujours laisser une chance au vin, même si je n’y crois pas. L’une des deux bouteilles de Château La Mouline 1961, celle du groupe 3, a le bouchon qui a sombré dans la bouteille. Je considère que le vin ne sera pas buvable aussi, comme la table 3 a 13 convives au lieu de 12, je décide de leur affecter le Château Gruaud-Larose 1962 au nez superbe.

Les vins offrent des parfums variables, le Vieux Château Certan 1967 me paraît fatigué, les trois vins d’Algérie qui, je l’espère, seront les vedettes de la table 1 ont des parfums très engageants. Le Châteauneuf-du-Pape 1961 a un parfum qui m’inquiète alors que celui de 1969 est prometteur. Tous les vins d’Alsace ont de beaux parfums forts. Les vins bourguignons sont en pleine forme.

J’ai vu de nombreux bouchons présentant des petits trous indiquant la présence de parasites, dont les trois vins du Jura et d’autres encore.

Béatrice, qui m’aide à gérer les verres et les vins a ouvert quelques vins, dont les liquoreux et les champagnes ce qui fait que l’opération d’ouverture est finie à 17h30. Il y a longtemps qu’aucun académicien n’est venu m’aider pour les ouvertures, certains apportant des vins de réconfort pour les ouvreurs.

Voici le programme des vins de ce dîner dont j’ai fourni 26 d’entre eux.

Les champagnes anciens, bruts sans année : Champagne Gardet Extra Quality Finest Réserve Brut – Champagne GH Mumm Cordon Rouge – Champagne Heidsieck Monopole Dry – Champagne Lanson Extra Quality Brut Rosé – Champagne Martin Laurent Brut – Champagne Mercier Private Brut.

Les vins du groupe 1 : Vin blanc illisible Hospices de Beaune 1953 – Bâtard Montrachet Pasquier-Desvignes & Cie 1929 – Côtes du Jura Blanc 1914 – Château Gruaud-Larose Saint-Julien Cordier 1962 – Vieux Château Certan Pomerol 1967 – Gevrey-Chambertin Bouchard Aîné et Fils 1953 – Côtes du Jura Rouge 1914 – Châteauneuf du Pape CH Bader-Mimeur 1961 – Le Rabelais Haut Dahra Ets Jouvin Alger 1951 – TSMARA Domaine du Fendeck Comte Hubert d’Hespel 1929 – Sidi Brahim Grand Vin Vieux Haut Mascara # 1930 – Vouvray Vernon Négociant 1947 – Malvoisie Coteaux d’Ancenis Louis Guindon 1964 – Marsala Superiore Florio &Co ACI 1840.

Les vins du groupe 2 : Riesling Bott Frères Greiner 1967 – Eberstadt WeingartnerTrollinger Genossencchaft 1979 – Puligny Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1980 – Château La Lagune Haut Médoc 1970 – Château Beychevelle Saint-Julien 1970 – Château La Mouline Moulis en Médoc 1961 – Château La Conseillante Pomerol 1962 – Château Haut-Marbuzet, Saint-Estèphe 1962 – Château de Pez Saint Estèphe 1955 – Châteauneuf-du-Pape Château des Fines Roches 1969 – Clos Fontindoule Monbazillac G. Cros années 60 – Loupiac Cru Peytoupin Vve Robert Cartier 1964 – Sainte Croix du Mont Bouchard Père & Fils 1955.

Les vins du groupe 3 : Pouilly Fuissé Debaix Frères blanc 1961 – Puligny Montrachet Les Folatières Savour Club 1982 – Chablis Grand Cru Blanchots caves du Nectar Bourguignon 1963 – Gewurztraminer Clos St Imer Goldert Ernest Burn 1989 – Château Trotte Vieille 1973 – Lynch Bages 1970 – Château La Mouline Moulis en Médoc 1961 – Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967 – Pommard – Epenots Armand Girardin 1938 – Côtes du Jura Rouge (ou blanc ?) 1914 – Loupiac Nicolas années 60 – Sauternes Lahon Frères 1939 – Cérons JH Rivière Fils 1947.

L’invitation est de venir à 19 heures mais dès 18 heures les premiers académiciens se présentent ce qui poussera à ouvrir les champagnes beaucoup plus tôt. J’en avais prévu neuf, mais Adrian Williamson, le directeur des lieux qui a géré cette séance avec efficacité m’avait dit que c’est beaucoup trop aussi nous n’avons bu que six bouteilles avant de passer à table. Tous ces champagnes sans année sont des années 60 ou des années 70. Le Mumm Cordon rouge, le Mercier et le Lanson se sont montrés particulièrement brillants. Pour beaucoup, ces champagnes anciens aux couleurs ambrées sont de belles découvertes. Les délicieuses gougères mettent en valeur ces champagnes

Nous passons à table avant 20 heures. Le menu sera : truite en gravlax, citron confit et chou-fleur dans tous ses états / cabillaud sauvage rôti et moules safranées, pak choï / navarin d’épaule d’agneau, navet boule d’or / fromages affinés par la maison Bordier et fromages des membres / honeycake au miel de sarrasin, curd de mangue et fruit de la passion.

Tous les plats ont été pertinents et goûteux. Seul le dessert n’apportait rien aux vins.

J’avais posé sur chaque table les vins rouges dans l’ordre de service. Cela a facilité le service et a permis que chaque convive se concentre sur les vins de sa table. De ce fait que je n’ai pas goûté des vins des autres tables.

Le Vin blanc illisible Hospices de Beaune 1953 a un nez extraordinaire et le vin en bouche est une réussite absolue. C’est un très grand vin, de la qualité d’un grand cru, avec un fruit généreux et une mâche joyeuse.

Boire un Bâtard Montrachet de 1929 est extrêmement rare. Le Bâtard Montrachet Pasquier-Desvignes & Cie 1929 est assez énigmatique. Il délivre de belles complexités et des goûts très inhabituels, mais il lui manque un soupçon de charme pour qu’on puisse l’aimer.

J’ai mis à ma gauche à la table 1 un ami généreux qui a apporté trois vins du Jura de 1914 dont il m’a dit ceci : les bouteilles sont issues de la cave du commandant Georges-Emile Grand (1886-1974). Les bouteilles ont été achetées à l’époque et ont été conservées dans cette cave jusqu’à son partage récent entre les descendants. Les millésimes étaient écrits à la craie et les bouteilles rangées par casiers. L’ami avait bu un 1929 plaisant ce qui m’avait poussé à faire ce cadeau à l’académie.

Je suis servi en premier du Côtes du Jura Blanc 1914 et mon ami est servi en dernier aussi la couleur de son verre est nettement foncée par rapport à mon verre clairet. L’ami estime que son verre est plus riche et goûteux que le mien. Je le goûte et je préfère nettement mon verre clairet donnant un vin frais, fluide et très plaisant même s’il n’est pas très complexe. Boire ce vin de 108 ans est très enthousiasmant.

Des amis m’ont dit que le Château Gruaud-Larose Saint-Julien Cordier 1962 que j’avais transféré à leur table s’est montré brillant.

Quelle surprise avec le Vieux Château Certan Pomerol 1967 dont je n’avais pas aimé le parfum. Il est brillant, pur et n’a pas un gramme de défaut. C’est un vin très plaisant.

Le Gevrey-Chambertin Bouchard Aîné et Fils 1953 est d’une pureté et d’un charme que je n’imaginais pas à ce niveau. C’est un très grand vin d’une subtilité rare. Je l’ai adoré. Et les deux 1953 de ma cave, le blanc et celui-ci se sont montrés parfait.

Le Côtes du Jura Rouge 1914 a des accents charmants, mais est peu porteur d’émotion.

Le Châteauneuf du Pape CH Bader-Mimeur 1961 avait un parfum indécis. Il s’est élargi avec l’aération mais il manque un peu d’émotion. Il faut dire que je suis tellement impatient d’accueillir les trois vins algériens que j’abrège mon parcours avec ce vin du Rhône.

Le Rabelais Haut Dahra Ets Jouvin Alger 1951 a un parfum très algérien avec des évocations de tabac et de café. En bouche c’est une surprise car ce vin plaisant a de forts accents de marc. Nous nous sommes amusés à dire qu’un vin algérien hermitagé au marc est particulièrement original. Le vin est bon, mais la trace de marc est forte.

Il va se passer maintenant quelque chose d’inouï. On me sert le Sidi Brahim Grand Vin Vieux Haut Mascara # 1930 car je goûte en premier tous les vins. Je bois le vin, je ferme les yeux, je mets mes mains sur mes yeux, et je m’enferme dans une bulle imaginaire, où n’existent plus ni le temps ni l’espace. Je suis en train de boire un vin parfait, le vin qui a un tel pouvoir qu’il me crée un choc physique.

En face de moi, l’ami qui a apporté le Sidi Brahim s’inquiète. Que se passe-t-il ? Ai-je souffert de goûter ce vin ? Je le rassure et je lui explique que quelques vins dans ma vie ont été d’une telle perfection que mon corps a ressenti fortement le génie magique du vin. Ceci m’est arrivé pour un Yquem 1900, pour un Hermitage La Chapelle 1961 et pour un Montrachet Bouchard Père et Fils 1865. Cela m’est sans doute arrivé d’autres fois mais ces trois exemples percutants sont rejoints par ce Sidi Brahim. Pour que l’on comprenne bien, j’ai bu des vins absolument transcendantaux comme Les Gaudichots 1929 de la Romanée Conti, comme Pétrus 1950 en magnum. Ils étaient brillantissimes, et certainement plus complexe que ce vin algérien, mais pas au point de me donner ce choc physique de l’apparition de la beauté absolue.

Et ce Sidi Brahim, totalement cohérent, rond, parfait, a ce pouvoir inouï de représenter la perfection absolue. Alors, je suis revenu de mon petit nuage pour boire les autres vins, encore ému.

Le vin que j’attendais le plus est le TSMARA Domaine du Fendeck Comte Hubert d’Hespel 1929 qu’une charmante dame m’avait proposé d’apporter, en souvenir de son grand-père qui possédait ce vin. Elle m’avait demandé quoi en faire et je lui ai proposé de le boire à l’académie. Ce vin est parfait, d’une complexité beaucoup plus grande que celle du Sidi Brahim, très algérien et évoquant un cousinage avec les grands Royal Khebir. Ce qui en fait un vin rarissime, c’est son millésime. Il n’a aucune trace de vieillesse. Il est grand, noble, mais ne peut atteindre l’émotion que m’a donné le Sidi Brahim.

Le Vouvray Vernon Négociant 1947 est absolument remarquable de douceur et de fraîcheur. Il a une longueur extrême que donne sa fraîcheur.

Le Malvoisie Coteaux d’Ancenis Louis Guindon 1964 est une belle curiosité. Il y a des saveurs épicées et des douceurs rares, mais ce vin sec n’atteint pas l’émotion du Vouvray.

Le Marsala Superiore Florio &Co ACI 1840 avait été apporté par l’un des plus fidèles et généreux des membres de l’académie. Il était sans illusion car il est évident que ce vin est plus jeune d’au moins un siècle que ce qui est annoncé sur l’étiquette, car la présence alcoolique est trop forte. Il est délicieux à boire pour un vin qui aurait cent ans de moins.

Tout s’est passé au mieux. J’ai eu une surprise en allant à la table 2 pour demander si le vin allemand avait été écarté. Non seulement il a été bu mais certains l’ont aussi aimé. Etait-ce le jour des miracles ?

Mon classement met le Sidi Brahim vers 1930 à des années lumières au-dessus des autres. Ensuite, le Tsmara 1929 mérite d’être second. Je mettrai ensuite trois vins qui se sont montrés superbes, le Vin blanc illisible Hospices de Beaune 1953, le Gevrey-Chambertin Bouchard Aîné et Fils 1953 et le Vouvray Vernon Négociant 1947.

Au titre des curiosités, les deux vins du Jura de 1914, la Malvoisie 1964 et le vin d’algérien 1951 méritent d’être cités. L’ambiance à notre table était chaleureuse, ouverte et attentive aux vins anciens. Ce fut une magnifique séance de l’Académie des Vins Anciens.


la composition des groupes se fait dans ma cave

des photos de l’ouverture des vins

le repas

les photos des vins des trois groupes et des champagnes sont dans les articles ci-dessous.

Académie du 1er décembre – les champagnes jeudi, 1 décembre 2022

Académie du 1er décembre – les champagnes

Champagne Bollinger Special cuvée Brut

Champagne Gardet Extra Quality Finest Réserve Brut

Champagne GH Mumm Cordon Rouge

Champagne Heidsieck Monopole Dry

Champagne Lanson Extra Quality Brut Rosé

Champagne Martin Laurent Brut

Champagne Mercier Private Brut

Champagne Pommery Brut

Champagne Pommery Brut

Académie du 1er décembre 2022 – vins du groupe 1 jeudi, 1 décembre 2022

Académie du 1er décembre 2022 – vins du groupe 1

Vin blanc illisible Hospices de Beaune 1953

Bâtard Montrachet Pasquier-Desvignes & Cie 1929

Côtes du Jura Blanc 1914

Château Gruaud-Larose Saint-Julien Cordier 1962

Vieux Château Certan Pomerol 1967

Gevrey-Chambertin Bouchard Aîné et Fils 1953

Côtes du Jura Rouge 1914

Châteauneuf du Pape CH Bader-Mimeur 1961

Le Rabelais Haut Dahra Ets Jouvin Alger 1951

TSMARA Domaine du Fendeck Comte Hubert d’Hespel 1929

Sidi Brahim Grand Vin Vieux Haut Mascara # 1930

Vouvray Vernon Négociant 1947

Malvoisie Coteaux d’Ancenis Louis Guindon 1964

Marsala Superiore Florio &Co ACI 1840

Académie du 1er décembre 2022 – vins du groupe 2 jeudi, 1 décembre 2022

Académie du 1er décembre 2022 – vins du groupe 2

Riesling Bott Frères Greiner 1967

Eberstadt WeingartnerTrollinger Genossencchaft 1979

Puligny Montrachet Clos de la Mouchère Nicolas 1980

Château La Lagune Haut Médoc 1970

Château Beychevelle Saint-Julien 1970

Château La Mouline Moulis en Médoc 1961

Château La Conseillante Pomerol 1962

Château Haut-Marbuzet, Saint-Estèphe 1962

Château de Pez Saint Estèphe 1955

Châteauneuf-du-Pape Château des Fines Roches 1969

Clos Fontindoule Monbazillac G. Cros années 60

Loupiac Cru Peytoupin Vve Robert Cartier 1964

Sainte Croix du Mont Bouchard Père & Fils 1955

Académie du 1er décembre 2022 – vins du groupe 3 jeudi, 1 décembre 2022

Académie du 1er décembre 2022 – vins du groupe 3

Pouilly Fuissé Debaix Frères blanc 1961

Puligny Montrachet Les Folatières Savour Club 1982

Chablis Grand Cru Blanchots caves du Nectar Bourguignon 1963

Gewurztraminer Clos St Imer Goldert Ernest Burn 1989

Château Trotte Vieille 1973

Lynch Bages 1970

Château La Mouline Moulis en Médoc 1961

Chambolle Musigny Joseph Drouhin 1967

Pommard – Epenots Armand Girardin 1938

Côtes du Jura Rouge (ou blanc ?) 1914

Loupiac Nicolas années 60

Sauternes Lahon Frères 1939

Cérons JH Rivière Fils 1947

deuxième journée du Grand Tasting dimanche, 27 novembre 2022

La deuxième journée du Grand Tasting commence par la plus prestigieuse Masterclass appelée traditionnellement « Le Génie du Vin ». Les vins sont présentés par les propriétaires ou les maîtres de chais. La présentation générale et les commentaires sont faits par Michel Bettane et Thierry Desseauve et je suis toujours subjugué par l’étendue de leurs connaissances.

Le Champagne Deutz Amour de Deutz 2002 est présenté par Michel Davesne et Caroline Latrive, deux maîtres de chais dont l’une succèdera à l’un. C’est le septième millésime de ce vin créé en 1993. Il vieillit dix ans sur lattes. Le nez est élégant. Le vin est gourmand, de belle maturité. Il est très agréable à boire, de belle énergie. Il a été dégorgé à la mise sur le marché en 2012. Il est souple et gastronomique cumulant fruits et fleurs en une structure soyeuse.

Le Corton Charlemagne Maison Champy 2003 est présenté par Dimitri Bazas. Il est fait par moitié de grappes du domaine et d’achats de raisins. La Maison Champy est la seule de la Bourgogne à avoir été nommée entreprise du patrimoine vivant.

Le nez est d’une force percutante. L’attaque est belle, souple mais puissante. Le vin est racé, vif, combinant douceur et élégance avec une belle râpe bourguignonne, que l’on voit surtout avec les vins rouges. Michel Bettane parle de luminosité car il voit du vert dans la couleur du vin. C’est un vin magnifique de grande élégance. Réchauffé dans le verre, il est d’une grande cohésion gourmande.

Jean-Louis Chave ne pouvant pas présenter son vin, c’est Guillaume Puzo, grand dégustateur de l’équipe des organisateurs qui présente avec brio l’Hermitage Jean-Louis Chave rouge 1999. Le nez est d’une rare subtilité. C’est assez difficile de le boire après le Corton Charlemagne mais il me convainc par un beau fruit. Il devient de plus en plus élégant et gourmand. C’est un vin de grande gastronomie. Il est très cohérent et agréable à boire.

Le Château Léoville Las Cases 1996 est présenté par Jean-Guillaume Prats qui évoque la résilience d’une famille soudée et unie, celle de Jean-Hubert Delon. Le vin est de cabernet-sauvignon. Le nez est très bordelais, riche de truffe et noble. La bouche est fraîche et douce, avec une belle amertume, des épices et du cigare. C’est un vin magique qui va continuer à s’élargir au fil des années. Il est large et généreux, très noble à boire.

Le Château Cos d’Estournel 1990 est présenté par Dominique Arangoïts directeur technique qui rappelle que Cos veut dire colline de cailloux. Jean-Guillaume Prats connait bien ce vin qu’il a dirigé et dont sa famille a été propriétaire. Le nez est élégant, l’attaque est superbe, le vin est fluide, plein et subtil. C’est un vin précieux. Son finale est gourmand. Son fruit noir est acide et très beau. C’est un vin sans concession, puissant, fait pour la gastronomie et pour une longue garde.

Don Pablo Alvarez propriétaire de Bodegas Vega Sicilia est venu présenter le Vega Sicilia Unico 2010, mais il laissera s’exprimer Gonzalo Iturriaga directeur technique de tous les vignobles du groupe. Gonzalo parle de ce vin comme d’un vin éternel. Le nez est magique de joli fruit entre cassis, menthe, anis. Ce nez est d’une folle complexité. La bouche est douce et puissante, un bouquet de fleurs et de fruits. Le vin est gourmand et soyeux. C’est un rêve absolu avec une myriade de goûts qui vous assaillent. Il est d’une jeunesse folle miraculeuse. C’est un kaléidoscope de saveurs combinant fraîcheur, richesse et complexité. Ce qui est amusant, c’est qu’il met en valeur le fond de verre de l’Hermitage Chave 1999. Ce vin est fou.

Le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Maison Hugel 1989 est présenté par Jean-Frédéric Hugel qui dirige la maison Hugel. La robe est dorée. Son nez est un feu d’artifice. Tout en ce vin est parfait et intense. C’est un vin miraculeux. Le botrytis est superbe. Ce vin tellement gourmand est une réussite absolue. Il est frais, aérien et d’une densité folle. Une merveille qui sera le vainqueur de cette Masterclass mais aussi des deux jours de Grand Tasting. Jean-Frédéric dit que ce vin est arrogant de jeunesse. Il a raison.

Le Porto Fonseca Vintage 1997 a bien du mal à passer après le vin de Hugel. Il a une robe brune et une jolie attaque de vin fluide et léger. Il y a de la cerise, du tabac et un peu de café. Il a des accents d’alcool, de marc, parfois un peu appuyés. Il est gourmand mais le souvenir du Hugel est trop fort.

Mon classement de cette Masterclass sera : 1 – Gewurztraminer Hugel 1989, 2 – Vega Sicilia Unico 2010, 3 – Hermitage Chave 1999, 4 – Corton Charlemagne Champy 2003, 5 – Amour de Deutz 2002.

Une Masterclass de grande qualité avec des commentaires brillants des organisateurs. A juste titre Michel Bettane a mis en valeur l’extrême pertinence de la température de service de chaque vin. On l’a ressenti.

Après la très belle présentation du « Génie du Vin », je me promène dans les allées. Je m’arrête au stand Penfolds. Je demande à la charmante personne : « avez-vous Penfolds Grange ? ». Elle me regarde et me pose des questions. Apparemment je passe avec succès cet examen car elle cherche derrière une tenture une bouteille de Penfolds Grange 2018 dont elle me sert un verre en cachette. Ce vin n’est évidemment pas présenté au stand. Dès la première gorgée, mon amour pour ce vin splendide est récompensé. Quelle générosité, quelle structure. Ce vin, comme Vega Sicilia Unico, combine richesse, puissance et fraîcheur mentholée. Un régal.

Lors de mes pérégrinations je suis arrêté par un petit groupe de quatre personnes dont un jeune chinois de haute taille qui me dit qu’en Chine je suis considéré comme une idole. Il ajoute que des milliers de mails s’échangent au sujet de ce que je raconte sur Instagram. Il ajoute qu’il serait honoré si je buvais le vin qu’il fait. Ceci se réalisera quelques heures plus tard lorsque je croiserai à nouveau leur groupe. Nous allons dans la salle où Frank Ramage gère la préparation des Masterclass. Le jeune chinois ouvre sa bouteille fermée par une capsule métallique et c’est un vin effervescent clairet qui est versé dans nos verres. Il explique que c’est un « champagne » fait sur une base de riesling. Frédéric Panaïotis, le maître de chais et directeur de la Maison Ruinart goûte avec moi et confirme le riesling. Comme moi il trouve le vin très pur et précis. Mais ce Domaine le Moodie Ba-Zing-Gaa ! Chine 2022 est tellement jeune qu’il manque de complexité. Elle n’apparaîtra que lorsque ses vignes auront vieilli.

Ce qui m’a plu, c’est l’enthousiasme de ce jeune vigneron chinois qui rêve de me recevoir en Chine.

Dans mes promenades, j’ai bavardé avec la nouvelle propriétaire du Château de Poncié qui appartenait auparavant à Bouchard Père & Fils et dont j’ai bu des millésimes canoniques dont un du 19ème siècle.

Je suis allé saluer le propriétaire de Chante Cocotte, un vin du Pays d’Oc. Cet homme très actif sur Instagram est d’une très grande érudition, d’un humour joyeux et communicatif et, ce qui ne gâte rien, ses vins sont de grande qualité, dont son Chante Cocotte vin du Pays d’Oc 2018 très subtil.

La Masterclass qui suit s’appelle « Le roi chambertin du domaine Trapet : le lieu, le style, le climat ». Jean-Louis Trapet est venu avec sa femme et ses deux fils. Il a apporté tellement de notes sur des sujets historiques qu’il a du mal à trouver ses feuilles et il pourrait raconter mille histoires s’il n’était freiné par l’horaire à respecter.

Jean-Louis dit que toute l’histoire depuis 1860 est un travail de famille. Il raconte les choix qui ont dû être faits à l’occasion du phylloxéra et rappelle que le 1893, d’un millésime très chaud, fut un éclatant succès.

Le Chambertin domaine Trapet 2020 a un nez très subtil et pur. En bouche il y a une belle attaque fruitée, toute en suggestion. Le fruit est beau et le vin est subtil. Il est encore en éclosion, mais il est plutôt ouvert pour un vin si jeune avec une belle intensité de fruits rouges.

Le Chambertin domaine Trapet 2015 a un nez de vin plus concentré. Il a beaucoup de rondeur et de cohérence. C’est un vin de douceur et d’élégance. Son finale est d’une grande finesse.

Le Chambertin domaine Trapet 2005 a un nez très élégant et pur. La bouche est large et gourmande. C’est un grand vin ensoleillé. Il a fluidité, charme et fraîcheur.

Le Chambertin domaine Trapet 1985 est servi en magnum. Normalement les vins sont vérifiés par le vigneron lui-même et par l’équipe de préparation de la dégustation. Le verre qu’on me donne a une fatigue qui est tout-à-fait anormale pour un 1985. Je veux aller voir en coulisse s’il existe un verre d’un meilleur magnum, mais dans ma précipitation je m’étale de tout mon long car j’ai ignoré une marche pour accéder à l’estrade. Rien de cassé heureusement. La femme de Frank Ramage me tend un verre en me disant qu’il est pire, mais je le trouve plutôt meilleur. Je dirai en fin de dégustation à Jean-Louis Trapet que je connais assez pour lui en faire la remarque que cette fatigue excessive est un problème de cave. Il en conviendra.

C’est dommage de ne pas avoir bu un grand 1985 mais cela n’enlève en rien à la dégustation des 2020, 2015 et 2005 qui montre à quel point le chambertin conçu par Trapet est un des plus subtils et émouvants qui existent.

Le Grand Tasting se termine toujours par une mise en valeur des brillants liquoreux de Bordeaux. La Masterclass s’appelle « Grands Crus classés de Sauternes et Barsac en 1855, dans les années solaires ». Ce qui est intéressant à signaler c’est que les six maisons représentées se sentent solidaires pour assurer la promotion de leurs vins que les jeunes boivent de moins en moins et leurs efforts ont dû payer, puisqu’ils annoncent que la demande est très forte et les prix en sensible hausse. Tant mieux pour ces vins de si grand plaisir.

Le Château Rayne-Vigneau 2016 présenté par Amélie Flé-Schultz a un nez parfait, une belle attaque saline. Le vin est d’un or clair limpide. La bouche est fraîche et d’un équilibre absolu.

Le Château Lafaurie Peyraguey 2015 présenté par Vincent Cruège est beau, mais moins cohérent que Rayne-Vigneau.

Le Château Coutet 2010 est un Barsac dont la famille Lur-Saluces a été propriétaire pendant deux siècles. Il a une bouche charmante marquée par la fraîcheur. Son style est tranchant et on sent du gingembre en fin de bouche. C’est un vin agréable et frais.

Le Château Doisy-Daëne 2009 présenté par Jean-Jacques Dubourdieu a un nez vif et clair. Très frais et fluide ce vin est très grand, gourmand et parfait.

Le Château Suduiraut 2005 présenté par Pierre Montégut a une couleur divine. Il est beaucoup plus foncé, d’un or doré (si l’on peut dire). L’attaque est d’une grande fraîcheur. Le vin est élégant et superbe, très riche et puissant.

Le Château Guiraud 2003 est présenté par Sandrine Garbaye qui vient juste d’entrer en ce château après tant d’années de réussite au château d’Yquem. Le nez est franc et discret. C’est le plus gras de tous, épais et solide mais s’adoucit à la dégustation.

Les plus frais et agréables à boire sont pour moi les 2016, 2010 et 2005, mais les six sont absolument superbes. Ce sont tous des vins extrêmement plaisants et gourmands, que l’on devrait trouver plus souvent sur les tables, à l’instar de ce que je fais dans mes dîners, puisqu’il y a toujours deux liquoreux en fin de repas.

Que dire de ce Grand Tasting ? C’est un rendez-vous incontournable pour les amateurs de vins, pour avoir accès à des vins qui se trouvent rarement dans les commerces de proximité. Les Masterclass sont intelligentes et bien organisées avec des commentaires pertinents. Les deux vins les plus mémorables que j’ai bus sont le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1959 en magnum, champagne magique et le spectaculaire Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Maison Hugel 1989. Mais j’ajouterai aussi le Champagne Dom Pérignon 2008 rosé, l’immense Vega Sicilia Unico 2010 et le Penfolds Grange 2018, trois belles émotions. Vive le Grand Tasting.


la Masterclass « le Génie du Vin »

le jeune vigneron chinois

la Masterclass domaine Trapet

 

Premier jour du Grand Tasting de Bettane et Desseauve samedi, 26 novembre 2022

Le Grand Tasting de Michel Bettane et Thierry Desseauve est le grand événement des amateurs de vin du fait de la qualité des vins présentés au Carrousel du Louvre. Il y a un grand nombre de stands de vignerons de toutes régions et il y a des Masterclass à thèmes.

Lorsque j’arrive à la Masterclass « Grand Siècle par Laurent-Perrier, un champagne à la conquête de l’année parfaite », elle est presque terminée. Grâce à l’amitié que j’ai avec Frank Ramage, l’homme qui orchestre la distribution des verres et la présentation des vins, on me donne des verres des quatre vins présentés, les Champagnes Laurent-Perrier Grand Siècle itération 25, 24, 23 et 22. Les assemblages de chaque année ont maintenant un numéro, comme le fait aussi la maison Krug avec sa Grande Cuvée.

Le style de ces champagnes est inimitable et pour mon goût, le champagne Grand Siècle est le plus romantique de tous les champagnes. C’est l’itération 25 qui est pour moi la plus élégante et je suis content que Lucie Pereyre de Nonancourt, la petite fille de Bernard de Nonancourt, ait le même jugement.

Je me rends ensuite à la Masterclass « Champagne Henriot, aux origines d’une maison » présentée par Alice Tétienne, chef de cave. Elle dit une phrase qui me plait beaucoup : « le vin s’écrit à la vigne » et considère que son rôle est de pérenniser l’excellence des cuvées de son domaine.

Le Champagne Henriot Brut Souverain Blanc est de belle pureté. Il n’est pas très long. Il est plaisant et assez gourmand avec 40% de vins de réserve remontant en 1969 et 60% de vins de 2016.

Le Champagne Henriot Cuvée Hemera 2006 montre une très grande différence qualitative. Il est vif, énergique, superbe. J’aime ce champagne qui est fait exactement comme la cuvée des Enchanteleurs que j’adore.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 est absolument fabuleux et me fait dire : « oh, là, là ». Il est ciselé et de belle acidité.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1959 servi en magnum est un immense cadeau de la maison Henriot. C’était le millésime préféré de Joseph Henriot que j’ai eu la chance de boire trois fois avec lui. Le dégorgement est récent. Le nez est impérial, annonçant une personnalité glorieuse. La bouche est belle, saline. Il évoque le poivre blanc et il est floral. C’est un vin de légende.

La Master Classe suivante a pour titre : « Charles Heidsieck années chaudes, années froides, même exigence, même qualité ». Elle est animée par Cyril Brun chef de caves. Le Brut millésimé est fait de 60% de chardonnay et de 40% de pinot noir, de vins de douze villages.

Je boirai le Champagne Charles Heidsieck 2006 en deux verres, un premier décevant et un deuxième conforme à ce qu’il devrait. Mon voisin de dégustation qui me connait et me lit ne comprenait pas que nous puissions avoir des jugements si différents sur ce vin, mais mon premier verre avait tout d’un vin d’une bouteille à problème. Avec le deuxième verre j’ai en face de moi un nez puissant et large, une belle bouche large, un vin accompli au beau finale, bien gras et opulent.

Le Champagne Charles Heidsieck 2012 a un nez superbe et élégant. En bouche c’est un vin frais, très agréable au finale un peu doux. Le dosage est faible, ce qui me plait bien. Il a une belle acidité et une très grande pureté.

Le Champagne Charles Heidsieck 2013 est un vin qui sera mis sur le marché en 2023, d’un millésime de grande qualité. Le nez est très élégant, la bouche est fluide avec un peu de litchi ce qui est le signe d’un vin jeune. Il est tranchant comme un couteau et n’est pas large. Cyril vante ses amers nobles et son côté salin.

Le Champagne Charles Heidsieck 2008 a un nez superbe, noble et large. Son attaque est fluide et convaincante. C’est un grand vin d’une complexité extrême, de grande acidité.

En fin de dégustation j’ai noté que le 2006 est le plus charmeur et le plus puissant, que le 2012 est charmant, que le 2013 est plaisant maintenant et promet et que le 2008 est le plus prometteur, celui que j’adore.

Ce qui est amusant c’est qu’à la fin je ne savais pas quel champagne est d’une année chaude ou froide, car tous m’ont séduit.

Entre les dégustations à thème je suis allé me promener dans les stands, où je reconnais de moins en moins de personnes, car les stands sont tenus plus par des commerçants que par ceux qui font le vin. Mais bien sûr il y a des exceptions.

Il y a dans une zone de stands uniquement des vins italiens. Quelqu’un me reconnait par mon visage montré sur Instagram et me demande que l’on fasse des photos de lui et moi ensemble, pour qu’il les montre à ses amis vignerons. Il me dit que j’ai une audience en Italie de très haut niveau. Son sourire aurait donné du courage à un mourant.

Une autre anecdote du même genre concerne la Masterclass qui offre à déguster le Klein Constantia qui sera présenté par Hans Atrom directeur général et actionnaire de ce domaine. Je passe dans la salle pour me rendre à une autre Masterclass et il m’appelle, me serre la main avec un grand sourire. Nous nous sommes promis de nous revoir bientôt pour parler du passé de ce vin et de son futur. Il m’a quand même tendu un verre de Klein Contantia 2015 qui est frais et superbe de complexité mais à qui il faudra deux siècles pour approcher le mythe des Constantia antiques que j’adore.

La Masterclass à laquelle je me rends est « Plénitude 2, la seconde vie de Dom Pérignon » présentée par Jean-Baptiste Terlay, chef de chais.

Le Champagne Dom Pérignon 2012 est jugé très proche du 2002 par le chef de chais. Son nez est fort et minéral. L’attaque est belle et l’on sent le silex, la coquille d’huître et son côté salin. Avec le temps apparaît son côté toasté. C’est un vin de belle droiture.

Le Champagne Dom Pérignon 2003 dégorgé et dosé en 2013 a un nez beaucoup plus discret. Il a une belle rondeur à l’attaque. Il est de bel équilibre, rond, au finale un peu court. Il a peu d’acidité mais une grande fraîcheur.

Le Champagne Dom Pérignon 2003 P2 dégorgé 9 ans plus tard que le P1 a un nez qui ressemble à celui du 2012. Il pétrole. Ce qui est étonnant, c’est qu’il ne fait pas plus jeune que le 2003 P1. C’est un P2 qui ne fait pas P2. Il est d’une belle fraîcheur. Le P1 me paraît à la fois plus dense et plus fluide. Ce sont des différences à la marge car les deux sont très grands.

Le Champagne Dom Pérignon 2004 P2 a eu un énorme rendement, le plus fort du siècle. Le nez est élégant, moins fort que celui du 2003 P2. La fluidité est magique. C’est un beau vin de bel équilibre, assez strict mais noble. Il est pur, élégant et frais, lumineux avec une belle acidité. Un vin superbe.

Le Champagne Dom Pérignon 2008 rosé a un nez discret. L’attaque est fabuleuse. Ce rosé est tellement grand que j’en suis amoureux. Il est fluide, frais, superbe. C’est une réussite absolue.

Je finis cette première journée par ce vin sublime, qui avec l’Henriot 1959 sont deux émotions extrêmes.


présentation des champagnes Charles Heidsieck

rencontre avec le dirigeant de Klein Constantia avant sa Masterclass

Déjeuner au restaurant l’Écu de France mercredi, 23 novembre 2022

Un ami néerlandais avait réussi à percer le secret du restaurant mystère dont je ne voulais pas révéler le nom. Il a donc souvent investi cet endroit et nous avons décidé que de temps à autre nous nous retrouverions au restaurant l’Écu de France. Nous sommes trois.

J’ai apporté la bouteille du Krug Rosé ouvert il y a deux jours dont il reste plus de la moitié. Ce qui m’étonne, c’est qu’en enlevant le bouchon qui est le bouchon originel de la bouteille, le pschitt est encore plus significatif que celui ressenti à l’ouverture dimanche dernier. Le champagne s’est élargi et il est encore plus large et opulent qu’il ne l’était. C’est un réel plaisir.

L’amuse-bouche est un lit de betteraves, miso et œuf de truite. Alors que la betterave rouge n’est pas franchement l’amie des vins, elle s’accorde très bien avec le champagne. Accord couleur sur couleur, cela marche assez souvent.

Le menu que je prends est : escalope de foie gras poêlé, crème de Porto blanc et nougatine croquante / filet de bœuf de Simmental, mousseline de pomme de terre truffée et petit violet / brie de Meaux aux brisures de truffe et tomme des montagnes.

Le Chablis Montée de Tonnerre Premier Cru Raveneau 2017 est précis, fluide, minéral, élégant et agréable à boire. Il est long, direct et avec un finale minéral. Je suis impressionné par sa précision. L’accord avec le foie gras poêlé se trouve naturellement.

Le Chambertin Armand Rousseau 2017 est d’une pure élégance. Si délicat et frais. Un pur délice. Ce qui me frappe, c’est l’élégance. Il est vraiment agréable à boire même si c’est un bébé.

La cuisine a fait de beaux progrès. L’accueil familial de la famille Brousse participe à l’attrait de ce restaurant traditionnel.