264ème dîner à la maison mardi, 26 avril 2022

Le lendemain du magnifique dîner avec des vins de la Romanée Conti est le jour de mon anniversaire et nous allons recevoir nos trois enfants et des amis. Nous serons neuf dont huit buveurs.

Nous avons mis au point le menu du dîner et je vais laisser libre cours à mon imagination pour les vins. Compte tenu de la diversité des vins et de la préparation façon wine–dinners, ce repas sera compté comme le 264ème dîner de wine-dinners.

J’ouvre en premier le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 en magnum vers trois heures de l’après-midi et je n’ai jamais vu une bouteille aussi difficile à ouvrir. Avec un casse-noix j’essaie de faire tourner le bouchon. Impossible. Je recommence des dizaines de fois et la résistance est extrême. Après de nombreux essais le bouchon se cisaille, le bas restant coincé dans le goulot. Impossible de planter un tirebouchon dans un liège si dense. Après environ vingt minutes de combat le bouchon est enfin enlevé. Le pschitt est sensible.

La grande surprise, c’est que je vais devoir engager le même combat avec le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985 dont le bouchon résiste de la même façon et se cisaille aussi. Est-ce que les conditions atmosphériques jouent un rôle ? Il y a de l’orage et du tonnerre. Y aurait-il une influence, je ne sais.

J’ai choisi en cave un Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947 dont la couleur est d’un blanc orangé très engageant et dont l’étiquette est délicieusement kitsch. Le beau bouchon tombe dans le vin lorsque je tente de piquer la pointe du tirebouchon. Il me faut carafer au plus vite et la couleur dans la carafe est celle d’un vin rosé. Le nez est engageant.

J’ouvre ensuite une bouteille de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954 qui est la plus basse des bouteilles basses dont j’ai acheté un lot. La baisse de niveau est de plus de 15 centimètres. Le haut du bouchon est dur comme du ciment. Le bouchon vient en morceaux mais normalement.

L’Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959 a un niveau parfait. L’ouverture est sans histoire et le vin a un parfum superbe.

J’ai en cave un lot de Château Filhot Sauternes 1891 dont les niveaux sont affreusement bas. J’en choisis deux. Une bouteille dont 80% du vin s’est évaporé et une autre dont la moitié s’est évaporée.

La première bouteille sent la poussière et me semble définitivement morte. Je verse le contenu dans un verre pour observer l’évolution qui me paraît définitivement compromise. Au contraire la bouteille qui a encore la moitié de son contenu offre à l’ouverture un parfum prometteur. Tout indique que le vin va se reconstituer.

Lorsque tout le monde est présent, nous prenons l’apéritif qui comprend des chips avec ou sans truffe, de la rillette, du foie gras, du jambon ibérique, etc. Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1990 en magnum est d’une belle énergie, large grâce aux cinq heures d’aération. C’est un beau champagne encore très jeune malgré ses 32 ans.

Le menu créé par la cheffe Silke Audouze est : Apéritif / Tarte à l’oignon / Caviar Osciètre prestige sur pomme de terre / Coquilles Saint-Jacques juste poêlée / Wagyu, écrasé de pommes de terre truffées / Fromages de nos belles régions de France / La Tarte Tatin blonde / La Tarte tatin brune.

Pour la tarte à l’oignon au goût sucré, je sers le Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947 qui est plus blanc que rosé dans nos verres. Il est incroyablement grand au point qu’il aura cinq votes de premier sur les huit votes possibles. Il est rond, précis, fruité, goûteux. Un régal. Et la tarte est faite pour lui. C’est un grand moment.

Le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985 accompagne le caviar délicieux sur une pomme de terre et les coquilles Saint-Jacques. Il est beaucoup plus vif et prenant que le Veuve Clicquot. Il est à un moment de plénitude dans sa vie. Plein d’énergie et très long, c’est un grand champagne.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954 démontre, s’il en était besoin, que les bourgognes et particulièrement ceux de la Romanée Conti, résistent aux baisses de niveau, car ce vin exprime de façon délicate l’âme des vins du domaine. Tout est grâce, subtilité et suggestion. Et le millésime 1954 se montre élégant. Le wagyu est exactement ce qu’il faut pour qu’il s’exprime car la viande est cuite en grande délicatesse, avec une pomme de terre truffée douce.

L’Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959 au niveau parfait est un solide gaillard. Fort, équilibré, en pleine possession de ses moyens, c’est le gendre idéal, le premier de la classe, celui qui reçoit le prix de camaraderie. Il est à l’aise et on l’adore.

Comme il fait soif, mon fils va chercher dans sa cave personnelle un Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1985 qui est parfaitement adapté mais ne peut pas lutter avec son aîné.

Sur les deux tartes Tatin, une blonde et une brune, le Château Filhot Sauternes 1891 se montre résolument sauternes, avec un gras agréable et ne montre aucun signe de fatigue ce qui est surprenant. Il est velouté et un léger manque d’énergie ne gâte pas le plaisir.

J’ai voulu que mes enfants et mes amis puissent goûter au Sherry du Cap 1862 qui a été ouvert pour un récent dîner. Il est sec et élégant, raffiné et sans signe d’âge malgré ses 160 ans.

Ma fille aînée m’a offert un Calvados Pays d’Auge Adrien Camut vers 1980/1990 que nous avons partagé. Par certains aspects dont la fraîcheur, il m’évoque le calvados que j’ai tant aimé d’un chauffeur de mon entreprise il y a bien longtemps. Un vrai bonheur.

Nous avons voté. Nous sommes huit. Le Châteauneuf-du-Pape blanc 1947 truste cinq votes de premier. L’Hermitage 1959 a deux votes de premier et La Tâche a un vote de premier.

Le classement de notre table est : 1 – Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947, 2 – Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954, 4 – Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985, 5 – Château Filhot Sauternes 1891, 6 – Sherry du Cap 1862.

Mon vote est : 1 – Hermitage Les Vins Fins des Propriétaires de Tain-l’Hermitage 1959, 2 – Châteauneuf-du-Pape Saint-Patrice Antonin Establet blanc 1947, 3 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1954, 4 – Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985, 5 – Calvados Pays d’Auge Adrien Camut vers 1980/1990.

L’ambiance festive, affectueuse, a fait de ce repas un moment de bonheur parfait.

263ème dîner de wine-dinners au restaurant Plénitude dédié à la Romanée Conti lundi, 25 avril 2022

Le 263ème dîner de wine-dinners est tout-à-fait particulier. Alors que dans mes dîners il n’y a normalement pas de thème sur un vin, sur une année ou sur une région, j’ai voulu faire en 2009 un dîner où se trouveraient uniquement des Romanée Conti dont le millésime se termine en 9. Et j’avais donné un titre qui joue sur la double signification du mot « neuf » qui est soit un nombre, soit signifie ‘nouveau’. Le dîner s’appelait : « quoi de neuf à la Romanée Conti ? ».

A l’époque, les participants à mes dîners n’envisageaient pas des dîners d’un tel niveau. Je recevais énormément de demandes qui n’étaient que de pure curiosité, beaucoup d’amateurs voulant savoir combien coûte un dîner avec des vins aussi prestigieux. J’ai donc mis ce dîner en attente. L’idée de le faire en 2019 apparaissait évidente et j’ai eu des réponses positives. Entretemps, j’avais fait la connaissance d’Arnaud Donckele chef trois étoiles à la Vague d’or, le restaurant rebaptisé Cheval Blanc Saint-Tropez et une amitié est née, me donnant l’envie que le dîner ‘Romanée Conti’ se fasse dans le restaurant Cheval Blanc Paris, dont on attendait l’ouverture.

Alors que des amateurs commençaient à se manifester, les travaux à la Samaritaine accumulaient les retards, et par une malchance certaine, la pandémie Covid est arrivée, interdisant tout déjeuner ou dîner au restaurant. Au retour des vacances d’été 2021, j’ai décidé que quoi qu’il arrive, le repas aurait lieu. J’avais ajouté deux bourgognes de 1919 pour tenir compagnie à la Romanée Conti 1919 et j’ai inclus la Romanée Conti 2009. L’intérêt de certains amateurs qui suivent mes publications sur Instagram a facilité de nouvelles inscriptions. J’ai pu constituer une table de dix personnes et une date a été trouvée.

Un mois à l’avance une réunion de travail a été faite avec Arnaud Donckele, qui venait de recevoir trois étoiles au Cheval Blanc Paris en plus des trois étoiles à Cheval Blanc Saint-Tropez, avec Bertrand Noeureuil le chef qui dirige la cuisine de Plénitude, Alexandre Larvoir le directeur du restaurant et Emmanuel Cadieu le sommelier chef de tous les restaurants installés à la Samaritaine. Travailler avec Arnaud est un bonheur extrême, tant il est inventif. Deux plats proposés méritaient que je vérifie leur pertinence pour les vins auxquels ils sont associés, j’étais donc venu il y a deux jours pour les goûter.

Le jour dit, je me présente au restaurant Plénitude de l’hôtel Cheval Blanc Paris pour ouvrir les vins que j’avais apportés deux jours auparavant. Ayant annoncé les vins du dîner sur Instagram il y a quelques jours, il y a toujours des gens qui s’imaginent suffisamment compétents pour contester telle ou telle étiquette, car le problème des faux est une plaie dans le monde du vin depuis la célébrité qu’avait acquise un faussaire de génie qui fabriquait des faux presque indécelables.

J’ai donc prévu des bouteilles de secours pour le cas où à l’ouverture les parfums des vins me donneraient des doutes. Et bien évidemment, quand on devient attentif à la possibilité d’un problème, on commence à douter. J’hésite pour deux vins, la Romanée Conti 1899 et le Grand Chambertin Domaine Rousseau 1919, mais à la dégustation il s’avérera que les vins ne posent aucun problème.

Les bouchons résistent assez souvent, celui qui s’émiettera le plus est celui du Sherry du Cap 1862. Les plus beaux parfums sont ceux du vin que j’ai rajouté, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1935 qui est d’une typicité parfaite et celui de la Romanée Conti 1959. Le 1899 est d’une mise Nicolas qui bénéficiait du droit de mettre en bouteilles les vins du domaine. Le nez est un peu fermé mais s’épanouira. Le Montrachet et l’Yquem ont des parfums superbes. Les plus jeunes Romanée Conti sont conformes à ce qu’on peut attendre, avec des bouchons extrêmement serrés. Je suis plutôt confiant de la solidité des vins que nous boirons et rassuré sur leur authenticité.

Comme pour deux repas précédents, pour que l’on ne commence pas par des champagnes anciens, j’ai ajouté un Champagne Salon 1999. Il est absolument charmant, large et vibrant. Il me plait beaucoup plus qu’un Salon 2004 récent. Il est parfait à goûter pendant la présentation du repas que je fais aux dix convives, tous masculins. Un seul convive a participé aux deux premiers repas que j’ai fait ici avant celui-ci. Deux convives ont été présents au repas « Ultimate » du mois de mars. Six convives ont déjà participé à mes dîners et trois sont nouveaux, dont un de Tahiti et deux de Los Angeles.

Le menu conçu par le chef Arnaud Donckele est : partition maraîchère pour Vierge Peridium / poule faisane, potager, foie gras pour Velouté plume sauvage / volaille de la cour d’Armoise pour jus Belle Ile / fine feuille de bœuf d’Aubrac pour jus Comtadin / truite, asperge noix, pour bouillon Crisenon / composition satinée / financier à la rose.

Les amuse-bouches sont des merveilles dont un escargot époustouflant et des huîtres magiques. Ce sont les mêmes que lors du précédent dîner, mais ils méritaient d’être à nouveau présents.

Le Champagne Dom Pérignon 1959 me semble un peu plus évolué qu’il ne devrait mais les plats lui rendent son énergie. C’est un très noble Dom Pérignon riche et complexe.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1979 est le premier millésime de ce champagne et c’est aussi le plus grand. Celui-ci est superbe. C’est à mon sens l’un des plus raffinés de tous les champagnes, complexe et gastronomique.

La succession des entrées était plus abondante que ce que certains avaient calculé, aussi, devant des verres déjà vides, un ami a commandé un Champagne Krug Grande Cuvée édition 169 car son numéro se termine aussi par 9, pour accompagner la fin des entrées. Merci de cette initiative. Le champagne, même jeune a une belle largeur qui le rend très agréable et pertinent.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1899 est assez douce, calme et cohérente, déployant discrètement ses complexités. Elle est raffinée. Elle est manifestement authentique et sera incluse dans les votes, donc dans les cinq premiers vins, par neuf convives sur dix ce qui est rare et ne sera atteint que pour le vin qui lui est associé, la Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 1959. Cette Romanée Conti a toutes les belles caractéristiques des Romanée Conti, la rose et le sel en un raffinement exceptionnel. C’est d’ailleurs ce vin qui sera nommé premier de tous les vins du repas.

La bouteille que j’ai ajoutée, le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1935 est associée aux deux premiers vins pour accompagner le plat délicieux tout en douceur végétale avec des amertumes subtiles. Ce vin dégage une émotion particulière et j’ai pour lui les yeux de Chimène. Il sera voté deuxième du vote du groupe et de mon vote. Il fait vibrer mon cœur.

Sur le plat de poule faisane et de foie gras, nous avons une conjonction tout à fait exceptionnelle de trois vins de 1919. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1919 me donne une émotion très particulière, au point que je la mettrai première de mon vote. Il y a en elle une énergie de vin préphylloxérique que j’adore.

La Romanée Marey & Comte Liger-Belair 1919 est plaisante, mais ne dégage pas autant d’intensité que sa voisine de la Romanée Conti. Elle est assez intéressante par sa cohérence typée.

Le Grand Chambertin Domaine Rousseau 1919 est jugé authentique par les participants mais est plus discret que les autres vins du repas. C’est malgré tout un moment de grande émotion que de boire ce vin.

Nous avions deux plats pour ces trois vins de 1919 aussi, certains ayant mal calculé leur rythme de boisson, un autre ami a l’idée de commander un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1998 qui a permis d’étancher quelques soifs. Même si ce Richebourg est jeune, il a une joie de vivre qui le rend plaisant sur le plat de volaille.

Pour le bœuf traité de divine façon il y a trois jeunes Romanée Conti. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1989 est agréable et enchanterait n’importe quel repas, mais nettement surpassée par la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999 qui est dix fois supérieure à la 1999 que j’avais incluse dans le déjeuner Ultimate. Ce 1999 est superbe de générosité conquérante. Il emporte mon enthousiasme car il corrige la prestation de la 1999 récente.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2009 est d’une énergie fougueuse mais on voit bien que dans ce repas, elle fait beaucoup trop jeune. Riche d’une belle énergie elle devra attendre avant de concurrencer les Romanée Conti d’âges canoniques.

Lorsque nous avions travaillé avec Arnaud au menu, j’ai annoncé que le Montrachet qui devait normalement suivre les champagnes serait plutôt placé après tous les rouges. Car ce vin si puissant aurait fait de l’ombre aux rouges. Et Arnaud m’avait dit : « finir un repas avec de la truite est particulièrement hors norme. Je te laisserai le soin d’expliquer cela à tes amis ».

Nous l’avons fait et le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999 accompagné de la truite et des asperges a trouvé une place idéale. Ce Montrachet puissant mais sans excès, au goût riche et plein est un magnifique vin blanc et l’accord, l’un des plus osés, est un de mes favoris de ce repas.

Le Château d’Yquem 1929 a été rebouché au château en 1989. Il est très sombre mais délicieusement liquoreux avec un charme idéal. C’est un Yquem accompli et abouti.

Le Vin de Chypre 1869 est suave et bien gras tout en ayant des acidités contrôlées. Il est d’un charme raffiné.

Nous votons. Les votes sont assez concentrés puisque sur les 17 vins, sept n’auront aucun vote ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de qualité mais montre plutôt que certains vins sont au-dessus du lot.

Cinq vins ont été nommés premiers, la Romanée Conti 1959 a quatre votes de premier, le Richebourg 1935 a trois votes de premier, et les Romanée Conti 1899, 1919 et 1999 ont chacune un vote de premier.

Le vote global de toute la table est : 1 – Romanée Conti 1959, 2 – Richebourg 1935, 3 – Romanée Conti 1899, 4 – Romanée Conti 1919, 5 – Romanée Conti 1999, 6 – Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1919.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti 1919, 2 – Richebourg 1935, 3 – Romanée Conti 1959, 4 – Romanée Conti Domaine 1899, 5 – Château d’Yquem 1929.

Il y a manifestement pour notre groupe une prime à l’ancienneté des Romanée Conti et c’est normal. Les votes s’appliquent aux vins que nous avons bus. Si un autre dîner se faisait avec les mêmes millésimes, le résultat ne serait pas le même car les bouteilles ne seraient pas les mêmes et ce n’est pas nécessairement le 1959 qui serait le plus brillant. Ces votes sont le constat d’un instant et n’ont pas valeur de vérité intangible. Et c’est en ce sens que ce témoignage est extrêmement précieux.

Nous étions tous impressionnés de nous trouver devant autant de vins légendaires et les amis qui avaient assisté au repas Ultimate ont constaté comme moi que l’émotion créée par cette profusion de Romanée Conti mythiques était plus grande que celle des vins légendaires de plusieurs régions du précédent repas.

Le service a été exemplaire et la cuisine d’Arnaud Donckele est transcendantale. On se demande comment tel plat va s’accorder avec les vins et le miracle se produit avec une gestion des acidités et de la fluidité des sauces qui est exceptionnelle.

Nous avons bavardé dans le fumoir. Personne n’a fumé mais nous formions un groupe émerveillé par l’intensité de l’émotion de se trouver face à des vins introuvables ou inaccessibles porteurs d’une intensité exceptionnelle de plaisirs gastronomiques. Nous avons vécu un moment inoubliable et probablement unique.


deux jours avant le déjeuner je suis venu goûter deux des plats pour vérifier la concordance entre le plat et les vins

arrivé avant 9 heures, j’ai le temps de profiter des viennoiseries du bar du rez de chaussée de l’hôtel Cheval Blanc

les bouteilles présentées dans le restaurant

Champagne Salon 1999 et les deux autres champagnes

Champagne Dom Pérignon 1959

Champagne Krug Clos du Mesnil 1979

Champagne Krug Grande Cuvée Edition 169

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1899

Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 1959

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1935

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1919

Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1919

Grand Chambertin Domaine Rousseau 1919

les trois vins de 1919

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1989

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1999

 

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2009

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1998

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999

Château d’Yquem 1929

Vin de Chypre 1869

les bouchons à différents stades

le repas

le menu et les votes

262ème dîner au restaurant Pages jeudi, 21 avril 2022

Le 262ème dîner se tient au restaurant Pages. Le dirigeant d’une entreprise américaine ayant des connections avec la France invite certaines de ses relations françaises. L’un de ses cadres français me contacte pour organiser un dîner pour des amateurs éclairés. Il y aura en effet autour de la table une majorité de membres du club des cent, ce club de celèbres gourmets. Le nombre de convives a pendant longtemps dansé le tango, un pas en avant et deux pas en arrière, me poussant à préparer un repas pour treize convives devenus douze le jour du dîner puis onze seulement du fait de la défection non annoncée d’un inscrit.

A 16 heures je me présente au restaurant Pages pour ouvrir les vins du dîner, avec l’aide compétente du sommelier Matthieu, qui fait aussi office de directeur de salle pendant l’arrêt-maladie du nouveau directeur.

Le parfum du Laville Haut-Brion 1953 est invraisemblable de puissance et de perfection. C’est le seul vin que je rebouche après ouverture pour ne pas perdre la générosité de ses fragrances. Le nez du Bâtard-Montrachet 1993 est subtil quand celui du Montrachet 1989 est large et puissant. Le nez du Palmer 1959 est divinement bordelais quand celui du Pétrus 1953 est celui d’un vin guerrier. Le nez de l’Echézeaux 1974 a le charme absolu des vins du domaine de la Romanée Conti. Les deux vins du Rhône ont des senteurs calmes et épanouies. Le Château Chalon 1962 est une bombe de parfums conquérants. Le Lafaurie-Peyraguey 1926 est une danse des sept voiles, avec des parfums aux complexités infinies et le Sherry du Cap 1862 est d’une finesse extrême en un message pénétrant.

Aucun parfum ne pose question. Les plus complexes et puissants sont les plus anciens, de 1926 et 1862. Viennent ensuite le Laville 1953, le Palmer 1959 et l’Hermitage la Chapelle 1962 qui sont au-dessus du lot.

Les ouvertures sans problème sont terminées à 17h20. Il me reste un peu moins de trois heures à attendre l’arrivée des convives. Je bavarde avec l’équipe de cuisine, heureuse de créer de beaux plats et quand ils vont dîner à 18 heures au 116, la brasserie qui appartient aux propriétaires de Pages, je les suis pour, selon la tradition, boire une bière et grignoter des édamamés.

Nous serons onze dont deux femmes. Pour ne pas démarrer par un champagne très ancien, j’ai ajouté au dernier moment un Champagne Salon 2004. Il joue bien son rôle d’entrée en matière (de luxe dira un convive passionné de Salon) car il est d’une belle droiture et promet de grandes complexités dans quelques années. Ce champagne me permet de faire le discours traditionnel au début de chaque repas.

Le menu composé par le chef Ken et son équipe est : choux au parmesan / carpaccio de barbue / homard sauce bisque / rouget sauce civet / pigeon sauce salmis / bœuf wagyu / comté 18 mois / tarte aux agrumes / mignardises. Ayant imprimé les menus et ayant traduit en anglais les intitulés des plats, toute l’équipe de Pages s’est gaussée de ma traduction du chou au Parmesan en Parmesan cabbage ! j’ai utilisé trop vite Google Traduction. Ma faute.

C’est le Champagne Mumm Cordon Rouge 1937 qui accompagne les choux qui ne sont pas des choux. Sa couleur est d’un bel or légèrement ambré. Il n’y a pas de pschitt mais le pétillant est là. Le champagne est fruité, cohérent, rond et bien assemblé et se boit avec plaisir. Je vois l’étonnement de plusieurs convives pour qui un champagne de 85 ans ne devrait pas avoir cette rondeur.

J’ai voulu associer un champagne et un vin blanc sur le poisson cru, car j’ai souvent remarqué que les deux se fécondent. Nous le vérifions car le Château Laville Haut Brion 1953 au parfum diabolique de présence et de puissance propulse le Champagne Krug 1982 à des hauteurs qu’il n’atteint pas quand il est bu sans être précédé par le vin bordelais. Le Krug qui m’avait offert à l’ouverture un très joli pschitt est idéal et d’un bel équilibre. Il est particulièrement courtois et subtil. Le Château Laville Haut Brion 1953 d’une couleur nettement plus claire que celle du Mumm est un bordeaux blanc parfait, dynamique puissant, aux suggestions exotiques et beaucoup plus intéressant par sa complexité que des bordeaux blancs parmi les plus prestigieux. Il fait partie des très grands Laville. L’accord avec le poisson goûteux et discret est superbe.

Le homard est cuit idéalement. Il accompagne deux blancs de Bourgogne. Le Bâtard-Montrachet Pierre Morey 1993 est tout en finesse et subtilité. Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1989 est au contraire tout en affirmation et en puissance. Et malgré le plus grand prestige du Montrachet je préfère la sensibilité du Bâtard.

C’est une de mes coquetteries de faire servir du rouget dès qu’il y a un Pétrus. Les deux bordeaux rouges seront servis ensemble. Le Château Palmer Margaux 1959 correspond à la définition du bordeaux parfait, archétypal. Il est riche, plein et d’un équilibre rare. On sent la truffe mais légère et sa densité est subtile.

Au contraire, le Pétrus pomerol 1953 est une bombe. C’est un Pétrus guerrier, large et conquérant. Seul, on l’applaudirait, mais je préfère la subtilité d’un Palmer sans l’ombre d’un défaut, alors que le Pétrus est grand. La sauce civet est idéale pour les deux vins.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 est servi seul sur le pigeon à la cuisson parfaite. Le nez était à l’ouverture l’image même de la Romanée Conti. Ce vin subtil, fin, raffiné est un moment de pur bonheur. Et l’accord est doctrinal. Nous vivons tous un moment rare qui couronnera ce vin du plus grand nombre de places de premier. 1974 est une année que je chéris particulièrement pour les vins du domaine. J’ai bu treize vins du domaine de ce millésime.

Le wagyu est le compagnon idéal des deux vins du Rhône. Le Châteauneuf-Du-Pape Montredon 1952 est très agréable et convivial mais il va vite être oublié car notre attention est attirée par l’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962 qui pourrait probablement jouer dans la même cour que son légendaire aîné, le mythique 1961. Car cet Hermitage est parfait. Il n’a pas l’ombre d’un défaut et sa facilité dans sa complexité en fait un vin au charme insolent. Quel grand vin.

Le Château Chalon Fruitière Vinicole des Producteurs de Château Chalon 1962 est d’une grande puissance aussi bien olfactive que gustative et l’accord avec un Comté est l’un des piliers de la gastronomie. Il y a à notre table des grands amateurs de vins jaunes. Ils sont ravis par la longueur extrême de ce vin.

Il y a parmi les participants l’un des propriétaires d’un grand sauternes. C’est tout naturellement qu’il nommera premier le Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926 qui est brillantissime. Presque noir, il est complexe et pénétrant. Il a un charme fou que seuls les grands liquoreux peuvent avoir. La tarte que la charmante Yuki a préparée a une acidité idéale pour ce vin opulent qui est d’un accomplissement parfait.

Le Sherry du Cap 1862 est fondamentalement dry, mais l’âge a adouci et arrondi son message. Les financiers de Yuki, qu’elle appelle « financiers François » parce que nous les avons mis au point ensemble adoucissent la force de l’alcool et rendent le Sherry éblouissant.

Les convives ont été le plus souvent admiratifs des accords tout au long du repas. Il est l’heure de voter pour les cinq vins que chacun a préféré. Aucun champagne n’a eu de vote ce qui peut se comprendre par le fait qu’en fin de repas, avec tant de merveilles, on oublie les vins du début. Quand on pense que Krug 1982, l’un des plus grands champagnes qui soient, n’a obtenu aucun vote, cela laisse songeur et laisse penser que les autres vins ont été exceptionnels. Le seul vin qui n’a pas eu de vote est le Châteauneuf-Du-Pape Montredon 1952, qui est resté dans l’ombre du sublime Hermitage.

Cinq vins ont eu des votes de premier, l’Echézeaux 1974 cinq fois, l’Hermitage 1962 trois fois, et le Palmer 1959, le Château Chalon 1962 et le Lafaurie Peyraguey 1926 chacun une fois.

Le vote du groupe est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 3 – Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926, 4 – Pétrus pomerol 1953, 5 – Château Palmer Margaux 1959, 6 – Château Laville Haut Brion 1953.

Mon vote est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974, 2 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962, 3 – Château Palmer Margaux 1959, 4 – Château Laville Haut Brion 1953, 5 – Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926.

Je suis content que des gourmets émérites de cette table aient pu être impressionnés par les accords et aussi par la qualité des vins, épanouis par la méthode d’ouverture que j’utilise. Il est plus que probable que nous allons nous revoir.

Champagne Salon 2004

Champagne Mumm Cordon Rouge 1937

Champagne Krug 1982

Château Laville Haut Brion 1953

Bâtard-Montrachet Pierre Morey 1993

Montrachet Bouchard Père & Fils 1989

Château Palmer Margaux 1959

Pétrus pomerol 1953

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974

Châteauneuf-Du-Pape Montredon 1952

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1962

Château Chalon Fruitière Vinicole 1962

Château Lafaurie Peyraguey Sauternes 1926

Sherry du Cap 1862

les préparatifs

photo avec le chef Ken et le sommelier Matthieu

le repas

la table en fin de repas

les votes

Week-end pascal au Croisic jeudi, 21 avril 2022

Le fils d’un ami de mon père est le premier adjoint du maire du Croisic, adorable petit port que l’on peut rejoindre de nos jours en trois heures de TGV. Jacques, que je connais depuis des lustres m’invite à faire une conférence sur ma vision du vin. L’idée de revoir mon ami en cette si belle région bretonne me plait beaucoup. Avec ma femme nous prenons le TGV qui nous amène à la petite gare du Croisic. Jacques nous attend et nous conduit chez lui pour une petite collation. Sa maison est à l’extrémité du port et de son jardin on peut voir tout le port en enfilade.

Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel L’Estacade situé le long du port, nous nous rendons à la salle Jeanne d’Arc où se tiendra la conférence. Une annonce de ma venue a été faite dans le journal Ouest France et dans le journal de La Baule. Jacques comptera 65 participants à ma conférence. Il attendait plus et n’avait pas anticipé qu’il s’agit du week-end de Pâques qui pousse certains à quitter leur région.

Le nombre de 65 ne me pose pas de problème mais il m’interdisait d’apporter des vins que l’on aurait dégustés pendant mon exposé. Bien sûr, beaucoup de personnes n’ont jamais bu de vins très anciens mais j’ai pu mesurer aux questions qui m’ont été posées la volonté de comprendre ce monde et l’intérêt qu’ils ont porté à mes explications. Les échos que Jacques a pu recueillir vont dans ce sens.

Nous dînons le soir même au restaurant de l’hôtel L’Estacade. Nous sommes invités bien sûr, mais voulant participer je décide d’offrir un vin. Ce sera un Champagne Dom Ruinart 2004 qui va accompagner avec bonheur des huîtres fraîches, iodées, délicieuses. Pour le turbot cuit avec pertinence nous buvons un Muscadet Sèvre et Maine le Fief du Breil de Jo Landron 2016. Franc et sans histoire ce Muscadet se boit avec le plaisir d’être ensemble.

Le lendemain matin, Jacques nous conduit sur un lieu de pèlerinage, la villa que mes grands-parents louaient dans les années 30 et ont reloué dans les années 60 pour les vacances de mon enfance. La région de la Baule, le Pouliguen et Pornichet s’est incroyablement peuplée, chaque décimètre carré devant être occupé par de l’immobilier. Mais le quartier Bonne Source de Pornichet a gardé son caractère calme et humain. J’ai cherché longtemps la villa « Roche aux Mouettes » qui a changé de façade et de nom. Des millions de souvenirs heureux me sont revenus en mémoire.

Nous déjeunons chez Jacques et Brigitte et j’ai apporté un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964. La couleur est d’un bel ambre doré. Il n’y a pas eu de pschitt. Le champagne est divin, rond et fruité et d’une longueur inextinguible. Il est merveilleux et nos hôtes se rendent compte à quel point le monde des champagnes anciens est irréel et inconnu. Sur des palourdes apportées par un pécheur et sur un bar pêché par Jacques la veille, le champagne est brillant.

Avec Jacques nous avons fait une promenade dans la ville élégante, authentique et qui plus est d’une propreté à signaler. L’église du Croisic est imposante pour une si petite ville, et pousse au recueillement.

Le soir nous invitons Jacques et Brigitte au restaurant le Lenigo situé à la pointe du port qui ouvre sur la mer, que nous fréquentions ma femme et moi lorsque nous étions fiancés. Le restaurant a bonne réputation, mais nous allons assister à un festival de tout ce qu’il ne faudrait pas faire dans la restauration. Nous sommes placés et nous attendons. Une jeune serveuse moldave nous apporte des amuse-bouches et l’on comprend que son champ d’initiative est limité à cette seule fonction. Le temps qui passe me fait penser que le restaurant a perdu par sa lenteur la possibilité de nous vendre un vin de plus. La commande de l’eau est irréelle. Nous demandons de l’eau que nous nommons. Quelques minutes plus tard on nous demande si nous avons commandé de l’eau. Puis quelques minutes plus tard, on nous apporte une eau qui n’est pas celle que nous avons commandée.

Derrière le comptoir il y a un homme qui s’occupe des boissons. Il gesticule avec une absence de cohérence. Les verres vides s’amoncellent sur le comptoir au point qu’un client, venant payer sa note, en a renversé un. Le désordre sur le comptoir est disgracieux. Nous avons contemplé comme au théâtre le spectacle d’une inefficacité majeure.

A côté de cela, les langoustines sont délicieuses et le cabillaud que j’ai pris est fort honnête. Le Chablis Premier Cru Les Fourneaux Dampt Frères 2017 n’est pas aussi brillant que ce que j’attendais, mais il se boit.

Nous sommes repartis le lendemain, heureux d’avoir revu cette si charmante ville portuaire et d’avoir retrouvé des amis attentionnés.

déjeuner chez mon ami

en ville, avec Notre-Dame des Vents

le dîner au Lénigo

déjeuner de conscrits au restaurant du Yacht Club de France mercredi, 13 avril 2022

Nous sommes sept à notre traditionnel déjeuner de conscrits au restaurant du Yacht Club de France. L’ami qui invite a mis au point avec le directeur Thierry Le Luc et le chef de cuisine Benoît Fleury le menu, ainsi rédigé : variété de charcuteries en apéritif / langoustines / asperges tièdes et mousseline au citron / joues de Charolais, cuisson de sept heures, mini légumes vapeur et pieds bleus / fromages affinés d’Éric Lefebvre / Baba au rhum citronné.

Le Champagne Taittinger Brut sans année est une agréable surprise car sa rondeur est parfaite. Mais quand nous est servi le Champagne Charles Heidsieck Brut Réserve sans année on trouve dans ce dernier un fruit gourmand qui apporte plus de plaisir.

Le Meursault Vieilles Vignes Buisson-Charles 2016 joue son rôle sur les délicieuses langoustines, sans nous transporter toutefois dans des pâmoisons que nous n’attendions pas.

Le Châteauneuf-du-Pape Les Olivets Roger Sabon 2018 est un solide Châteauneuf d’un bel équilibre et d’une belle joie de vivre qui accompagne bien la joue de bœuf que j’aurais aimée un peu plus fondante.

Le baba au rhum est d’une belle légèreté, qu’accompagne aimablement un nouveau Taittinger.

Alors que nous sommes tous du même âge et de conditions sociales identiques, nos commentaires sur le premier tour de l’élection présidentielle montrent des opinions résolument opposées. Le ton est même monté ainsi que les décibels en un lieu où tout propos se devrait d’être feutré. Ces joutes montrent à quel point nous sommes restés de jeunes gamins.

Sublime La Tâche des années 50 lundi, 11 avril 2022

Récemment j’ai acheté sept bouteilles de La Tâche des années 50 avec plusieurs bouteilles de bas niveaux. Le prix tenait compte de l’état des bouteilles. L’idée est d’ouvrir ces vins en famille, puisque mes enfants sont habitués à boire des bouteilles qui sortent des sentiers battus.

L’une des bouteilles a une étiquette où il est quasiment impossible de lire si c’est La Tâche, mais on voit bien que le vin est du domaine de la Romanée Conti et le millésime n’est pas lisible non plus, seuls apparaissant les chiffres 1, 9 et 5. C’est elle que je choisis d’ouvrir pour un déjeuner de dimanche en famille avec ma fille cadette, son compagnon et trois petits-enfants. Elle a un très beau niveau pour des vins du domaine de cette époque.

J’ouvre la bouteille de bon matin et le bouchon se brise en quelques morceaux et je peux lire 195, mais pas le dernier chiffre qui pourrait être un quatre. Le parfum est absolument superbe, avec le sel et la rose si représentatifs des vins du domaine. Je pense que dans cinq heures nous allons boire une merveille.

Ce vin mérite d’être accompagné par un grand champagne. Le Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette crème est un champagne très noble, très expressif et intense. A plus de 30 ans il a atteint un état de perfection. Il est extrêmement vineux et vif. Sa couleur est ambrée d’or rose. La bulle est rare mais le pétillant est fort. Sur du jambon Pata Negra, du chorizo et des chips à la truffe le champagne vibre bien mais c’est surtout sur une tarte à l’oignon au goût légèrement sucré que le Krug est impérial.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti vers 1950/1955 est une immense surprise. Le parfum est à 100% ce qu’un vin parfait de la Romanée Conti doit être. Et en bouche, c’est spectaculaire. Avec ma fille nous nous sommes mis d’accord sur le fait que c’est l’un des plus grands vins du domaine que nous n’ayons jamais bu. Une telle énergie, une telle vivacité sont extrêmement rares. Il n’a pas la rondeur des plus anciens comme 1929, mais il a une énergie et une authenticité sans pareil. C’est ce que la Romanée Conti a fait de mieux. L’émotion est totale. Sur un poulet cuit à l’ail accompagné de fenouil et de pommes de terre à l’huile d’olive, l’accord est idéal.

L’accord se poursuit sur un Cantal et un saint-nectaire. La noblesse de ce vin subtil et prenant est impressionnante. Un tel vin illumine ma vie et me fait penser que les autres vins du lot acheté pourraient être grands. Bel espoir.

je vous laisse le soin de déterminer si c’est 1952 ou 1954.

Déjeuner au restaurant Anne et bar dimanche, 10 avril 2022

Il y a sur la place des Vosges un hôtel qui est un des plus charmants de Paris, le Pavillon de la Reine. En traversant le petit jardin mais grand pour le lieu il y a le restaurant Anne et bar. La décoration appelle au calme et au bonheur de vivre à un rythme ralenti, loin des trépidantes tendances actuelles. L’accueil est charmant.

Je demande la carte des vins qui est peu fournie et d’une présentation erratique. Lorsque je demande au très aimable directeur pourquoi la présentation n’est pas faite par région il me dit que la cave étant petite, il n’ose pas classer par région car il y en aurait certaines dont il n’a qu’un seul vin. Au détour d’une page je vois un Pauillac Château Latour 2011 présenté à un prix anormalement bas. Je commande la bouteille, mais, me méfiant, je demande qu’on me montre la bouteille avant de l’ouvrir.

Quand la bouteille arrive je vois marqué en gros le mot « Pauillac » et il n’y a aucune mention de Château Latour. Il s’agit sans doute d’un énième vin de château Latour. Je ne donne pas suite et j’ai senti que j’avais un peu vexé le directeur en imaginant qu’un Latour puisse être à un prix aussi bas. Mais comme dit le dicton « qui ne tente rien n’a rien ».

Je jette mon dévolu sur un Nuits-Saint-Georges Premier Cru Les Murgers Lignier-Michelot 2017. Le nez du vin est d’une jeunesse folle. Il va falloir que je m’habitue.

Je commande des asperges vertes de Mallemort, mimosa au caviar golden, velouté Argenteuil et l’agneau de lait, épaule confite au paprika fumé, semoule de chou-fleur et jus corsé. Pour les asperges je demande que tous les accompagnements soient mis de côté car les asperges seules se marieront au vin et c’est le cas. J’adore l’amertume des asperges avec un vin jeune. Par curiosité, j’ai essayé le caviar délicieux et bien gras avec le vin rouge et à ma grande surprise, l’accord se trouve. Cela me donnera envie d’explorer des accords vin rouge jeune et caviar, ce qui est loin d’être évident.

L’agneau de lait est fondant et gourmand ce qui met en valeur le vin jeune bien sûr mais avec une belle énergie. Un plateau de fromages permettra de continuer à profiter du vin.

Le service est agréable, le directeur est attentionné. On ne peut que recommander ce restaurant d’hôtel au charme certain.

Déjeuner de polytechniciens jeudi, 7 avril 2022

Nous avons fêté en 2021 le soixantième anniversaire de notre promotion de l’école Polytechnique. Cela a donné à quelques amis l’envie de se revoir. Nous devions être sept, nous sommes six chez un des amis qui a préparé pour nous un pot-au-feu remarquablement exécuté, avec des légumes et une viande de belle qualité. J’ai annoncé que j’apporterais du vin et je suis arrivé un peu en avance pour ouvrir les vins. Mon choix s’est porté sur des vins de 1961, l’année de notre promotion.

Nous commençons par un Champagne Taittinger 1961 très légèrement ambré, à la bulle faible mais dont le pétillant est intact. Il est rond, agréable, cohérent dans sa structure et de grand plaisir. Mes amis peu familiers des champagnes anciens sont heureusement surpris par ce beau Taittinger.

Pour le plat, j’avais ouvert un vin à l’étiquette amusante. En grosses lettres il y a marqué « Bordeaux Vieux » puis dans une couronne « Sélection cinquantenaire » et en haut l’année 1961. Je pensais qu’il s’agissait d’un vin sec mais en fait il s’agit d’un vin liquoreux léger, certainement un Premières Côtes de Bordeaux. Ce Bordeaux Vieux Premières Côtes de Bordeaux 1961 est délicieux, délicat, souplement moelleux et se marie très bien au pot-au-feu, contre toute idée préconçue.

Pour le fromage nous avons un Champagne Laurent Perrier sans année un peu monolithique mais qui joue son rôle. Pour le dessert, j’avais ouvert un Château de Malle Sauternes 1961 beaucoup plus riche que le Bordeaux Vieux et de belle prestance, un sauternes abouti, équilibré et plein de charme.

Nous avons longuement parlé de mille et un sujets, avec des avis parfois divergents car nos parcours en soixante ans ont été très différents. Mais notre amitié est toujours aussi forte. Des amis de soixante ans, c’est un capital précieux.

Déjeuner à la brasserie restaurant Tout Paris jeudi, 7 avril 2022

Prochainement, je vais enfin réaliser le dîner dont le thème est la Romanée-Conti que je voulais faire depuis des années. Et il sera fait par le chef Arnaud Donckele avec lequel j’ai une relation d’amitié particulière. Je viens donc au restaurant Plénitude pour mettre au point le menu avec Arnaud, avec Bertrand le chef de cuisine de Plénitude, Alexandre le directeur du restaurant et Emmanuel, le sommelier des restaurants de Cheval Blanc Paris.

Parallèlement, je dois déjeuner avec un ami qui a choisi le restaurant Tout Paris qui se situe au septième étage de l’immeuble de Cheval Blanc Paris. J’ai promis d’apporter une bouteille. Je trouve amusant d’apporter un Cheval Blanc et j’en prends un ancien afin de le faire goûter aux participants de la réunion de travail, afin de se remémorer le goût des vins anciens.

J’ouvre donc pour les participants de la réunion de travail un Château Cheval Blanc 1966. Le bouchon se brise en peu de morceaux et la première odeur est bouchonnée, mais cette sensation disparaîtra en moins d’une minute. Il reste un parfum puissant et profond, très riche.

Lorsque nous goûtons le vin on ressent une trace très longue continue, d’une rare complexité. On est dans des tons de charbon et de truffe, avec une grande noblesse et une forte densité. Il y a des accents de vin ancien mais d’une belle élégance. Et le fait de le goûter tout en réfléchissant au menu est une bonne chose car on prend conscience que les plats doivent suivre la ligne tracée par le vin.

Je suis toujours fasciné par la créativité d’Arnaud Donckele. Il suffit que j’esquisse une suggestion et Arnaud voit déjà le plat qu’il va créer. Et je remarque aussi la connivence qui existe avec Bertrand qui a déjà anticipé ce qu’Arnaud allait dire. Quel bonheur que de composer un menu dans une telle ambiance. Je joue un peu le rôle du Père Fouettard, car je suis celui qui dit non lorsque des propositions sont faites, anticipant ou imaginant qu’un accord ne se ferait pas avec la piste proposée. Le travail est accompli avec les suggestions de tous et la vision du chef.

Avec mon ami nous nous rendons à la brasserie restaurant Tout Paris, accueillis par Sarah toute souriante qui a un talent certain pour orienter nos choix. Nous prendrons la tarte tourteau, avocat, cédrat confit et coriandre / le homard bleu au barbecue / le soufflé mandarine et son sorbet. Arnaud Donckele est présent en ces lieux et rencontre de nombreuses personnes, sollicité et affairé. Il est intervenu personnellement pour nous faire servir des préparations délicieuses. Le Château Cheval Blanc 1966 est large. Mon ami le trouve excellent mais ne le trouve pas très long. Ceci ne me gêne pas car sa trace en bouche, large, est aussi linéaire. Il est riche et noble avec un finale marqué par le charbon et la truffe, très prégnants. L’accord avec le homard est superbe. Le homard est servi généreusement. Il est de grande qualité.

Mon ami a commandé un Champagne Dom Ruinart rosé 2007 qui est très équilibré, solide et de belle émotion. Il n’est pas d’une grande complexité mais il se montre gastronomique. Je le bois avec plaisir.

Ce repas fut bon, avec un service impeccable. Le restaurant Tout Paris est à recommander, d’un niveau de belle et bonne brasserie.

Déjeuner au restaurant l’Ecu de France mercredi, 30 mars 2022

Le restaurant l’Ecu de France est l’un des plus anciens que je connaisse. Nous nous y rendons, ma femme et moi, avec des amis du sud de la France. Il fait beau et nous serions tentés de déjeuner sur la terrasse le long de la Marne, mais en cette fin mars, ce serait un peu audacieux.

Le menu que nous avons choisi, créé par un tout nouveau chef est : pesto de basilic sur un lit de betteraves, œuf de truite / macaronis farcis au foie gras, gratinés au parmesan / bar sur un risotto de coquillages, sauce bourguignonne / pigeon en croûte de céréales au foie gras, panais onctueux /millefeuille à la vanille de Madagascar, caramel fondant.

Le Champagne Dom Pérignon 2008 est vraiment un grand champagne. Il me semble qu’il deviendra un Dom Pérignon historique. Pour l’instant c’est un très bon champagne, mais après le Dom Pérignon 1943 que j’ai bu hier, on peut comprendre qu’il ait encore besoin de s’affirmer.

Le Château Rayas blanc 2007 est un très grand vin blanc. Servi froid il a besoin de temps pour délivrer son charme et sa largeur. Quand je bois le champagne juste après le Rayas, le Dom Pérignon devient beaucoup plus complexe, et j’ai très souvent vérifié qu’il existe une fécondation réciproque entre champagne et vin blanc, chacun améliorant le goût de l’autre.

J’ai demandé que le Bonnes Mares Domaine G. Roumier 2014 soit ouvert au dernier moment, juste quand le plat est servi, car j’aime l’émotion qu’apporte « l’éclosion » d’un vin jeune délicat. J’avais imaginé que le vin bourguignon serait servi au moment du pigeon mais comme nous avons fait honneur aux vins précédents, il faut s’intéresser au vin rouge. Je demande à Hervé, le sympathique directeur, que la préparation du poisson soit faite pour accompagner un vin rouge et la réponse est immédiate, la sauce étant faite sur l’instant au vin rouge. Félicitations au chef. L’accord du Bonnes Mares et du bar est divin. Le vin est particulièrement délicat et raffiné.

Pour le pigeon beaucoup trop cuit (étonnant), l’Hermitage Chave rouge 2014 est un seigneur. Mieux, c’est un empereur. Il est d’un équilibre parfait, pur, amical. Il représente une expression de l’Hermitage sans âge, éternelle, et c’est un compliment de ma part car face à un 2014, je devrais dire « trop jeune ». Mais ce n’est pas le cas, ce vin est parfait.

Lorsque j’ai eu à boire la première gorgée du Chave pour valider la commande de la bouteille, j’ai eu une remarque a priori surprenante. Je sens le vin et je dis : « oh, belle cave ». Je ne jugeais pas le vin, je sentais qu’un tel parfum ne pouvait provenir que d’un vin stocké dans une cave parfaite. Ai-je le nez assez fin pour émettre une telle hypothèse, je ne sais pas, mais c’est venu spontanément.

Le dessert a été accompagné par un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2007. Il est jeune mais il a bien joué son rôle en accompagnant le millefeuille.

J’ai suggéré un classement des vins que nous avons bus : 1 – Hermitage Chave 2014, 2 – Bonnes Mares Roumier 2014, 3 – Dom Pérignon 2008, 4 – Rayas blanc 2007, 5 – Taittinger 2007. Il a été approuvé par tous. Ce fut un grand moment d’amitié.