Archives de catégorie : vins et vignerons

Grand Tasting Master Class « Taittinger, la trilogie en magnum » lundi, 1 décembre 2014

La cinquième Master Class à laquelle j’assiste s’intitule « Taittinger, la trilogie en magnum ». Il est question du brut millésimé pour les années 88, 89 et 90 et, comme pour les trois mousquetaires, le quatrième sera 1995. La présentation est faite par Pierre-Emmanuel Taittinger
le brillant chef d’entreprise, truculent conteur et ambassadeur du champagne

Les champagnes ont tous été dégorgés au printemps 2012 et dosés à 9 grammes. Le Champagne Brut millésimé Taittinger magnum 1995 est fait de 50% chardonnay et 50% pinot noir, ce pourcentage pouvant varier selon les millésimes. Le nez est d’une pureté rare. Le champagne a beaucoup de force. La largeur en bouche est belle. Très ensoleillé il a de beaux fruits dorés. Il évoque la chaleur, le soleil, le miel. Il a une belle joie de vivre.

Le Champagne Brut millésimé Taittinger magnum 1990 a un nez avec du lacté et de la pâtisserie, mais il se trouve que tout à côté de notre salle il y a un atelier gourmand où l’on fait du foie gras poêlé, qui vient troubler l’appréciation du parfum du vin. Le lacté est très présent en bouche. Il est un peu moins précis que le 1995 que je préfère.

Le Champagne Brut millésimé Taittinger magnum 1989 a un nez plus élégant. Il y a une racine commune faite de miel et de lait. Ce champagne a beaucoup de crème de lait. Sa structure est carrée, sereine, superbe, racée. Sa tension, son énergie sont énormes. Très équilibré, c’est un grand champagne.

Le Champagne Brut millésimé Taittinger magnum 1988 a un nez profond où l’on ne décèle aucune trace lactée. Ici, il n’est question que de tension. Le champagne est très beau et le lacté se ressent en bouche. Il a un grand potentiel qu’il exprimera plus tard.

Mon classement de ces beaux champagnes qui profitent bien du format magnum est : 1989 – 1995 – 1990 – 1988.

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les dixièmes Rencontres François Rabelais à Tours sur les tendance culinaires samedi, 22 novembre 2014

L’institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation, IEHCA tient à Tours les dixièmes Rencontres François Rabelais, sous la présidence d’honneur de Pierre Hermé. On m’a demandé si je voulais intervenir dans une table ronde sur les tendances dans le domaine du vin, dont le titre est : « existe-t-il des vins tendance ? ». Pourquoi pas ?

La veille du colloque, je dîne au restaurant Au Martin Bleu
avec trois universitaires, un sociologue, un cuisinier et une créatrice de design alimentaire. On nous apporte un apéritif à bulles fait avec une crème de poires tapées « Reines de Touraine ». C’est le genre d’apéritif que normalement je fuis, mais il n’est pas question de se singulariser.

Le vin qui est prévu pour le repas est une Cuvée Pointe d’Agrumes Touraine 2013
faite de 100% sauvignon blanc. J’ai observé les convives et leur rapport avec ce vin. Personne n’en a parlé, personne n’a cherché à savoir ce que les autres en pensaient. Si l’on admet que le vin a une fonction essentiellement conviviale, on peut en conclure que nous n’avons pas bu de vin. Car ce Touraine n’apporte aucune envie de le commenter, sauf à dire : « ah oui, ça sent l’agrume ». Le vin n’a eu pour effet que de donner un peu d’alcool dans nos veines.

A l’inverse, la cuisine est beaucoup plus brillante. Des mini-brioches à l’espadon sont goûteuses, le foie gras est grand, le poisson est vraiment bon et l’on mange la peau croquante avec plaisir.

Le lieu de type brasserie offre une cuisine simple et plaisante. Alors que l’on va demain parler de tendances culinaires, le choix du vin est un acte manqué en regard des objectifs du colloque.

Le Grand Hôtel du Centre qui jouxte la monumentale gare de Tours est lui aussi un monument historique. On a l’impression d’entrer dans l’hôtellerie d’il y a soixante ans. Même si les sanitaires ont été rénovés, c’est un autre monde de l’hôtellerie dans lequel on s’immerge. L’insonorisation est une notion totalement oubliée.

Après une nuit courte, je me rends à l’Université Rabelais de Tours et le colloque démarre. Comme à chaque réunion formelle, les remerciements sont à rallonges et les propos définitifs de chaque instance concernée sont à graver dans le marbre.

Le premier atelier est celui des nouvelles tendances culinaires, avec la participation de Pierre Hermé. Il faut bien que j’y participe puisque mon atelier parlera de vins tendance. Si les universitaires cherchent comment se fabriquent les tendances, Pierre Hermé balaie ces notions en disant que ses créations sont influencées par ses envies, ses lectures, ses rencontres de goûts. Il essaie de faire revivre ses expériences dans ses créations sans être guidé par d’improbables tendances.

Après les travaux du matin, nous allons déjeuner dans les locaux du monumental hôtel de ville de Tours. Victor Laloux, l’architecte de la gare d’Orsay à Paris est l’auteur de cette construction emphatique et ampoulée, ainsi que de l’ostensible gare de Tours. Les volumes rabelaisiens seraient inenvisageables aujourd’hui. Dans la grande galerie à la décoration surchargée, de jeunes élèves d’une école de cuisine locale encadrent des stands où l’on peut choisir de quoi se restaurer. Je prendrai un bouillon de poule au foie gras et chèvre frais dont le fromage est trop fort et gênant, un velouté de potimarron, chantilly au lard plaisant, un confit de bœuf à la fève de Tonka, purée d’igname agréablement mangeable, que j’accompagnerai d’un Crémant de Loire brut rosé domaine de la Gabillière
qui n’est pas déplaisant, au point que je m’en suis resservi un verre.

La table ronde à laquelle je participe est animée par le rédacteur en chef du magazine « Le vin ligérien ». A ses côtés, un américain vivant à Dijon, sociologue, ex-pâtissier et homme de cuisine, le directeur du syndicat des vins de Bourgueil et moi. A la question « existe-t-il des vins tendance ? » nous répondons plutôt qu’il y a des tendances longues dans le monde du vin, comme il y en a toujours eu, plutôt que des phénomènes de mode et nous en dissertons. Un dialogue s’instaure avec la salle, composée d’une majorité de jeunes qui se destinent aux métiers de la restauration, du vin ou du tourisme.

J’ai écouté l’une des conférences suivantes sur le sujet de l’évolution de la pâtisserie, absolument passionnante grâce aux réflexions de Pierre Hermé sur sa profession.

Le dîner se passe une nouvelle fois au restaurant Au Martin Bleu
avec une quinzaine de personnes, essentiellement des universitaires mais aussi des designers, journalistes, un ethnologue et un sociologue. Comment est-il possible de proposer un menu à 22 € qui comprend une poêlée de Saint-Jacques, mâche et betterave / pavé d’omble chevalier à la peau, purée et beurre rouge / poires tapées et pruneaux de Tours à l’hypocus et glace vanille, quand en plus c’est très bon ? On ne peut qu’encourager une telle cuisine.

L’apéritif au crémant et une liqueur qui évoque l’amande m’est quasiment impossible à boire. Je n’ai même pas noté le nom du vin blanc de peu d’intérêt.

Il est toujours intéressant de confronter des idées avec des universitaires. Je ne sais pas si ces congrès font avancer la cause de la gastronomie et du vin, mais les rencontres individuelles donnent toujours de nouvelles pistes de réflexion.

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la salle de réception de la mairie de Tours

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dîner du 2ème soir

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Dégustation des vins du groupe Vega Sicilia à Lavinia mercredi, 19 novembre 2014

Xavier Ausàs œnologue et directeur technique de Vega Sicilia présente des vins du groupe Vega Sicilia au restaurant de la boutique Lavinia
à Paris. Vega Sicilia, la célèbre maison qui produit l’emblématique Vega Sicilia Unico, a été fondée en 1864. En 1991 elle a commencé à commercialiser le vin Alion, en 1993 elle a commercialisé les vins de Tokay d’Oremus en Hongrie, en 2001 elle a créé Pintia et en 2009 elle a fondé une association avec une branche de la famille Rothschild pour exploiter les vins Macan dans la Rioja.

Xavier Ausàs nous fait découvrir plusieurs vins du groupe, donnant des perspectives sur ce que nous goûtons.

Oremus Dry Mandolas 2001
est un Tokay Dry, fait de 100% furmint. La couleur d’un jaune clair est belle. Le nez est fruité et très doux. En bouche le vin est bien sec, avec l’alcool présent, des évocations de pâte de fruit. En première approche il est assez court. Il a du poivre, une amertume agréable, un goût de pierre à fusil. Minéral, sans concession, strict, il ne cherche pas à flatter. Il a une belle acidité, des fleurs blanches et citronnées. Son final est celui d’un bonbon acidulé. Je le trouve moins étoffé que le 2007 que j’avais bu au siège de Vega Sicilia.

Alion 2011. Ce vin ne sera commercialisé qu’en 2015. Nous le goûtons donc avant mise sur le marché. Sa couleur est noire. Le nez est de cassis et de poivre. Il a toutes les caractéristiques d’un vin moderne, vif et élégant. On sent des feuilles de cassis et il est rêche comme une feuille d’artichaut. Il est agréable à boire avec un final gourmand et gastronomique. La bouche est ample, même si le vin est rêche.

Macan Clasico Rioja 2010. Contrairement à d’autres appellations, le Clasico est le second vin du Macan. 2010 est la seconde année faite sous la direction de Vega Sicilia, ce qui fait que l’on n’est pas encore au niveau de qualité que recherche Xavier Ausàs. La couleur est noire, le nez est très doux. La bouche est gourmande. On sent les fruits de cassis broyés. Le final est rêche et assèche la bouche. Il est très astringent. C’est un vin avec une belle attaque et un final rêche.

Macan Rioja 2010. La couleur est noire. Le nez est plus vif et plus cinglant, évoquant la feuille de cassis. En bouche l’attaque est plus stricte que celle du second vin, plus légère. Le vin est plus aérien. Le final est aussi astringent. Ces deux Riojas sont des vins poivrés qui « mangent les joues ». Le Macan est plus profond que le Clasico, plus long. Xavier nous dit que ces deux vins sont plus minéraux, plus fins et plus soyeux que le reste de la gamme de Vega Sicilia. L’association avec les Rothschild est venue du fait que les deux maisons font partie des Primum Familiae Vini, familles qui détiennent leurs propriétés viticoles depuis plus d’un siècle.

Valbuena 5° 2009. Alors que les deux Macan sont à 100% tempranillo, le Valbuena est à 95% tempranillo et 5% merlot. Le nez est extrêmement élégant, tout en subtilité. L’attaque est d’une grande ampleur et le final est beau. Le vin est rêche, mais derrière cet aspect se dégage un charme très convaincant. L’attaque est gourmande, la feuille de cassis est présente, avec du poivre. Lui aussi il mange les joues !

Vega Sicilia Unico 2004. La couleur est très noire mais sur le disque on voit une infime trace de tuilé. Le nez est profond, rassurant, car on pressent la richesse à venir. Le nez est ensorcelant, au point que j’hésite à porter le vin en bouche. L’attaque du vin est opulente, presque grasse. Le vin est noble. Il envahit la bouche. On se sent bien, car il n’y a pas d’excès, pas d’astringence et le final est gourmand. Le vin est tellement bon. Jeune et léger, plein de grâce et de fluidité. Il transcende les vins que nous avons bus auparavant. C’est du velours. Bien sûr, il faudra attendre au moins dix ans avant d’en boire toutes les potentialités.

Une discussion s’instaure car Xavier considère que Valbuena n’est pas un second vin de Vega Sicilia Unico mais un vin autonome, alors que ce vin ne provient pas de parcelles bien déterminées mais d’un choix qui est fait en goûtant les vins des différentes parcelles. On est plutôt dans l’acception française d’un second vin. Ce qui est fascinant, c’est la vision à long terme de Xavier, qui se projette toujours dans le futur. Par exemple, pour Macan dont c’est seulement le deuxième millésime sous son autorité, il dit : le travail sera réellement accompli dans vingt ans. A un autre moment il dit : il faudra juger de la pertinence de nos choix dans cinquante ans. Je partage son opinion quand il dit que les meilleurs Vega Sicilia Unico à boire en ce moment sont ceux des années soixante.

Il nous dit que le 2004 est d’une très grande année, la plus grande qui fait suite à 1970. A bon entendeur … Le menu de Lavinia qui nous permet de revenir sur les différents vins est : jambon Pata Negra à partager / bavette accompagnée de pommes de terre grenaille et champignons / fromage manchego / bavarois à la framboise. C’est simple, c’est bon, et nous nous régalons.

Les deux vins qui ressortent de ce déjeuner, c’est évidemment Vega Sicilia Unico, le seigneur, puis l’Alion, dont la vivacité et le sens gastronomiques s’expriment bien. C’est d’ailleurs ce vin qui s’exprime mieux sur la viande au goût prononcé que le Vega Sicilia qui a besoin de nourritures plus douces pour délivrer ses subtilités.

Xavier Ausàs est passionnant, comme je l’avais déjà constaté en visitant Vega Sicilia en Espagne. Sicilia est en fait une écriture déviée de Cécile, la sainte patronne des musiciens. La musique de l’Unico chante à mon cœur.

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à Lavinia, on ne perd pas le nord !

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Dîner au château de Beaune dimanche, 16 novembre 2014

La veille de la traditionnelle vente aux enchères des Hospices de Beaune, la 154ème, Joseph Henriot, son épouse et l’équipe de Bouchard reçoivent à l’Orangerie du Château de Beaune. Les invités sont nombreux et la représentation étrangère est plus large que d’habitude, avec des suédois, des norvégiennes, une lettone, et des représentants de pays hors Europe, d’Asie notamment.

L’apéritif se prend dans le délicieux salon du château, avec un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998. Le premier verre que je bois est marqué par une forte présence alcoolique, inhabituelle pour ce champagne. Le vin est bon, mais excessif. Avec une deuxième bouteille je retrouve la personnalité attachante de ce beau champagne, avec une spontanéité agréable. Ce champagne se boit avec plaisir, présent, fluide, et ample en final avec de beaux fruits jaunes.

Nous bavardons en français et en anglais et les conversations vont bon train avec des gens que je ne connais pas. Nous passons à table et j’ai la chance et l’honneur d’être placé à la droite de Dominique Henriot, la maîtresse de céans. Michel Bettane est un tel puits de science que tout le monde l’écoute avec le sentiment d’apprendre des choses que peu de gens savent.

Le menu préparé par le chef attaché au château est : royale de foie gras au pain d’épices / langoustines rôties, champignon du moment, émulsion cèpes et truffe de Bourgogne / filet de veau servi rosé, artichaut en farigoule, potiron, jus à la noisette croquante / plateau de fromage / dôme mandarine-marron sur un lit de dacquoise, râpé de citron vert.

Le Beaune premier cru Clos Saint Landry blanc Bouchard Père & Fils 2008
a une belle attaque épicée. Le vin est riche et pénétrant. Le final est vineux, très puissant. Le vin est frais, friand, immédiatement plaisant. Ce vin provient d’une parcelle achetée en 1791 par un ancêtre Bouchard. Christophe Bouchard ajoute : « c’est un vrai clos, ceint de murs. Cette parcelle était plantée de pinot blanc et c’est une rare parcelle bourguignonne à être plantée de blanc depuis deux cents ans ». La maison Bouchard est particulièrement fière d’avoir réussi les blancs de 2008. Ce Beaune est très beau, à boire maintenant mais il vieillira bien, grâce à un équilibre rare et une belle acidité.

Avec Dominique Henriot, nous avions tous les deux peur du pain d’épices annoncé sur le menu. Fort heureusement on ne le sent pas ce qui rend l’accord avec la royale de foie gras très agréable. Ayant gardé un peu du champagne, je constate à quel point le foie gras accentue l’énergie de l’Enchanteleur 1998.

Le Chevalier-Montrachet Grand Cru La Cabotte Bouchard Père & Fils 2003
crée un accord superbe avec le plat de langoustines, surtout avec les champignons et avec la lourde émulsion. Il faut en effet un plat puissant pour s’accorder avec ce vin gras mais frais, très percutant, fruité et gourmand. Le final est superbe. Le vin est atypique, noble, imposant, vin de plaisir. Et c’est une réussite de l’année 2003.

Le Beaune premier cru Clos de la Mousse Bouchard Père & Fils magnum 1990 a un nez superbe, subtil, qui anticipe la qualité du travail que l’on va retrouver en bouche. L’accord avec le veau est magique. Le vin a un peu d’amertume, le bois est présent et je lui trouve un petit côté salin, très bourguignon. Il n’a pas de signe d’âge et son final est joliment épicé. Michel Bettane dit que ce vin doit dépasser les 14° et qu’on lui trouve des accents de Châteauneuf-du-Pape, alors que je le voyais bourguignon. J’aime ce vin délicat et subtil.

Le Beaune-Grèves premier cru Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1961
a un nez qui montre son alcool, comme la première bouteille de champagne. Michel Bettane et moi avons instantanément la même réaction : ce n’est pas le vin que nous attendons. Une deuxième bouteille nous plaît car on a le velouté si caractéristique de ce grand vin. Ce vin est généreux, de grande pureté, de grande classe, avec l’amertume exactement dosée. Une troisième bouteille est aussi superbe mais très différente. Il y a moins de velours, mais plus de tension. Tout le monde à notre table préfère le second, ce que je comprends, mais j’ai un petit faible pour l’énergie du troisième, même si le second est plus dans la ligne historique du Beaune Grèves que nous aimons. Le vin a été associé à de beaux fromages de la région mais la subtilité du vin serait peut-être mise en valeur par une viande.

Le délicieux dessert a été accompagné d’eau, car Joseph et Dominique n’aiment pas boire de champagne au dessert.

Le repas a été superbe et les accords particulièrement réussis. Les quatre vins sont si différents qu’il serait difficile de les hiérarchiser. S’il faut en choisir un, ce sera le Chevalier-Montrachet La Cabotte 2003 qui est aussi responsable du plus bel accord.

L’atmosphère au château de Beaune est toujours aussi amicale. Ce fut une belle soirée.

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Dîner de gala de l’académie du vin de France vendredi, 14 novembre 2014

L’Académie du Vin de France tient son assemblée en son siège, le restaurant Laurent. Avant le dîner de Gala, à 19 heures, une paulée est organisée au premier étage du restaurant dont le principe est simple : chaque vigneron fait goûter l’un de ses vins de la dernière année qui vient d’être mise en bouteilles. Ce sera, selon les régions ou les maisons, 2012 ou 2011. On peut goûter Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2011 à la subtilité pleine de grâce, Vosne Romanée 1er Cru aux Malconsorts domaine Dujac 2012 de belle construction et de bel équilibre, Morey-Saint-Denis domaine Dujac 2012 un peu plus dur et jeune que le Vosne Romanée, Volnay-Santenot du Milieu 1er Cru domaine des Comtes Lafon 2011 d’une très forte personnalité dans la séduction, Crozes-Hermitage Alain Graillot 2012 aussi souriant et convaincant que l’académicien qui l’a fait, Côte-Rôtie Maison Rouge domaine Georges Vernay 2011 très plaisante, L’Hermitage domaine Jean-Louis Chave 2011 éblouissant de pétulance, Château Gazin Pomerol 2012 superbe de construction, Château Corbin-Michotte Saint-Emilion 2012 que je trouve absolument superbe, Château Calon Saint-Georges Saint-Emilion 2012
qui se cherche encore un peu, Château Montrose Saint-Estèphe 2012 très prometteur, Mas Jullien Terrasses du Larzac 2011 de grande gourmandise et charnu, Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel famille Perrin 2011 très bien construit et chaleureux, Château Simone Vin de Provence 2011 brillant au possible. Beaucoup d’autres rouges étaient présentés.

J’ai pu me souvenir des millésimes grâce aux photos que j’avais prises. Les blancs étant dans des seaux, je n’ai pas de photos permettant de signaler les années. Dans ce que j’ai goûté, les plus grands blancs sont l’Hermitage Chave, le Riesling Clos Saint-Hune de Trimbach, le Riesling Rangen de Thann de Zind-Humbrecht, le Condrieu du domaine Georges Vernay et le Beaucastel. Mais il y en avait beaucoup d’autres. Pour les liquoreux, seulement deux vins, le Jurançon Quintessence du Petit-Manseng Cauhapé au final incroyable de longueur et de charme et le Château de Fargues 2009 royal et imposant.

Bien sûr on pense plus à bavarder avec les vignerons présents qu’à analyser en détail ces vins, mais comme chaque fois, on est favorablement impressionné par la qualité des vins des académiciens. On redescend de l’étage pour l’apéritif. Le Champagne Pol Roger Brut Réserve sans année
est agréable à boire, gentiment titillé par des toasts à l’anguille, au foie gras et au pied de porc.

Malgré les appels pressants du personnel du restaurant, personne ne passe à table, tant il est agréable de discuter avec les uns et les autres, Eric Orsenna, Bernard Pivot, le président de l’académie Jean-Robert Pitte, Michel Bettane et tant d’autres.

A la table où je suis placé, il y a, entre autres, Anne et Jean Charles de la Morinière du domaine Bonneau du Martray, venus avec un couple d’amis bourguignons, Monsieur Delmas, l’homme qui a fait Haut-Brion pendant tant d’années, Pierre Trimbach, Anne de Laguiche. Antoine Pétrus est venu rejoindre notre table un peu plus tard, rattrapant les plats qu’il n’avait pas eus.

Le menu du dîner de gala de l’académie du vin de France, préparé par un groupe d’académiciens pour coller aux vins, avec la collaboration de Philippe Bourguignon et du chef Alain Pégouret
est : huîtres spéciales n°3 David Hervé, gelée iodée et salicornes / queues d’écrevisses, mousseline de brochet et bisque légère / caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, pommes soufflées « Laurent » / Saint-nectaire / marron Mont-Blanc, litchis.

Les vins du repas sont ceux des vignerons les plus récemment entrés à l’académie. Le Riesling Clos Sainte-Hune maison Trimbach 2005 n’a pas l’ampleur du magnifique 2002 que j’avais bu la veille mais il a comme lui une incomparable précision. Le riesling est brillant et l’accord avec les huîtres mais surtout la gelée iodée est magique. C’est à mon sens le plus bel accord du dîner car la continuité gustative est parfaite, rafraîchissante.

Le Condrieu « Coteau de Vernon » domaine Georges Vernay 2011 est un solide gaillard avec une belle mâche gourmande et un peu de fumé. Avec le plat, il prend encore plus de coffre. Les queues d’écrevisse sont goûteuses, la mousseline de brochet apporte sa douceur face à la bisque divine qui excite le vin par ses épices joyeuses. Le plat est pour moi le plus beau et l’accord sur la bisque est exaltant.

La Côte Rôtie Maison Rouge domaine Georges Vernay 2007 a un nez d’une générosité extrême. Il promet des bonheurs gourmands. Mon avis va différer de celui d’autres convives dont Philippe Bourguignon à qui j’en ai parlé, car une amertume un peu prononcée sur la fin de bouche limite mon plaisir. Philippe est au contraire enthousiaste pour ce vin. La caille est belle et c’est surtout la sauce qui donne des ailes non pas à la caille mais au vin.

Le Mas Jullien Coteaux du Languedoc 2007 est joli dans sa simplicité généreuse, main de fer dans un gant de velours, droit et expressif. Du fait de sa jeunesse, j’ai trouvé une impression de granulé dans sa matière. C’est un beau vin qui devrait vieillir avant que l’on n’y touche.

Le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hors Choix maison Trimbach 2007 est une merveille de fraîcheur et de glisse. Il se boit si facilement ! Pierre Trimbach nous explique que « Hors Choix » a été inscrit pour exprimer que dans ce vin, il y a non seulement la sélection des grains nobles, mais la crème de la crème des raisins. On le croit sur parole tant le vin au fruit infini est bon. Le litchi lui va bien , comme l’ensemble du dessert.

Dans ce repas, mon classement serait : 1 – Gewurztraminer, 2 – Riesling, 3 – Condrieu. Tous les accords ont été réussis, ce qui veut dire que la commission nommée pour préparer le repas de l’académie a contribué à un réel succès. L’accord de la gelée iodée avec le riesling est magique. La bisque avec le Condrieu n’en est pas loin.

Comme chaque année Jacques Puisais a décrit les vins du repas avec une audace dalinienne. Qui d’autre que lui pourrait digresser ainsi ? Il a été applaudi, comme Philippe Bourguignon à qui l’on doit ce superbe repas et un service impeccable. Tous les plats ont été d’une réalisation parfaite. Quand le Michelin s’en apercevra-t-il ?

Après le repas les discussions allaient bon train. J’avais raté à l’apéritif le Champagne Billecart-Salmon cuvée François Billecart 1999 aussi ai-je rattrapé cette erreur au moment du café. Le champagne est guerrier, solide, campé sur ses assises fortes. C’est un très bon champagne puissant, idéal pour finir agréablement cette belle soirée d’amitié avec de grands vignerons et leurs amis.

 

Quelques vins présentés à la « paulée » :

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les vins du repas (préparés par un sommelier du Laurent, il y a une erreur de millésime pour le Sainte-Hune qui est un 2005 au dîner et non 2009)

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Dom Pérignon lance P2 et P3 à Artcurial mardi, 4 novembre 2014

Dans ma musette, il y a le reste de la bouteille de Corton Charlemagne 1949 du déjeuner que je souhaite partager avec Richard Geoffroy
car je me rends au siège d’Artcurial
où Richard présente cinq vins de Dom Pérignon, dont un P2 et un P3. P2 représente le moment de la deuxième plénitude de Dom Pérignon et P3 la troisième plénitude. Ces concepts vont se substituer aux Dom Pérignon Œnothèque qui indiquaient seulement qu’il s’agit de dégorgements tardifs. Alors que P2 et P3 correspondent à des moments précis dans la vie d’un champagne, qui est marquée par au moins trois pics d’excellence, vers dix ans, vingt ans et trente ans, juste pour fixer les idées, ces sommets n’étant pas les mêmes pour tous les millésimes.

Quelques personnes sont invitées pour une opération commerciale, puisqu’il y aura dans un peu plus d’un mois une vente aux enchères conduite par Artcurial au cours de laquelle seront vendus des P2 et des P3 de Dom Pérignon. C’est une façon de communiquer sur le concept et d’essayer de fixer des niveaux tarifaires élevés. Personne ne s’en cache.

Les experts d’ Artcurial parlent de leur maison de vente, Richard Geoffroy parle de ses vins.

Le Champagne Dom Pérignon 2004
a un nez de caramel et de lait. En bouche il évoque le caramel, la noisette, il est lacté et assez gras, ce qui est lié à une température de service assez élevée. Il a de belles épices et une belle acidité dans le final. L’amplitude est certaine. Le vin a un final qui claque bien.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1998
a une bulle lourde, un nez discret. Il est plus tendu que le 2004, plus vineux, plus strict et moins ample. Très fluide, il est très agréable à boire. Il est très champagne, plus fluide et plus tendu que le précédent. Il est à noter que P2 n’est écrit que sur une collerette très haut sur le goulot. Aussi quand on m’a servi, je n’ai vu que Dom Pérignon 1998. Et je le trouvais tellement bon que j’ai posé la question à Richard sur sa date de dégorgement, étonné que le 1998 « normal » soit à ce niveau. Ayant apporté le Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949 de ce midi, j’en ai fait profiter mon voisin et c’est inouï comme le vin blanc élargit le champagne et développe sa palette aromatique comme une loupe grossissante. Richard Geoffroy viendra me voir après la présentation et fera la même constatation. La caractéristique du Dom Pérignon P2 1998 est la vivacité.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1996
a un nez très présent, fort, évoquant l’ardoise humide. Fort curieusement l’attaque est très douce, mais ça ne dure pas. Le vin est très minéral, pierre mouillée, fluide, viril, guerrier. Ce vin est énorme, « pushing », d’une grande jeunesse et d’une force de conviction imparable. C’est un très grand vin de tension, tranchant, au final gigantesque. Contrairement à d’autres 1996 qui sont dans des phases ingrates, celui-ci est brillant.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1995
a un nez plus calme. Il l’est aussi en bouche, plus assis, plus archevêque. Il a des fruits confits et des épices, du caramel en traces. Le fruit est ample, le vin est riche et opulent mais il a moins de vibration que le 1996.

Le Champagne Dom Pérignon P3 1970
a un nez sublime, frais, subtil, séducteur et envoûtant. En bouche ce champagne est au sommet de l’expression de Dom Pérignon. C’est un vin abouti, avec une bulle très présente. Il a la fluidité, un envahissement du palais et un final très long. Il est difficile à caractériser mais il est impressionnant de vitalité. C’est un très grand champagne.

Je classerai 1970, 1996, 1998, 1995 et 2004.

A la fin de cette dégustation je me dis que bien sûr, on est en pleine opération de promotion des concepts de P2 et P3. Mais force est de constater que ce qu’on boit est absolument excellent. Richard Geoffroy veut mettre en valeur les moments où le champagne est à un pic d’excellence, et qu’on le veuille ou non, cela correspond à une réalité. Pour justifier une telle stratégie, il va falloir garder des stocks élevés longtemps. Mais on voit à la dégustation que c’est justifié.

Je suis persuadé depuis toujours que les vins n’ont pas une vie linéaire mais un parcours gustatif sinusoïdal avec des pics d’excellence et c’est en en discutant qu’une amitié est née avec Richard Geoffroy. Contrairement à lui j’ai plus de sympathie pour le mot Œnothèque que pour les P2 ou P3 qui évoquent les parkings d’aéroports, mais je souhaite plein succès au lancement de ce concept, s’il ne se traduit pas par une folie tarifaire.

Cette dégustation fut hautement démonstrative de la capacité de Dom Pérignon d’être grand et de conserver, grâce à cette stratégie, jeunesse et vivacité.

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Visite à Saint-Estèphe à Cos d’Estournel et dîner à la Chartreuse de Cos jeudi, 30 octobre 2014

Je me rends à Saint-Estèphe au siège de Cos d’Estournel où je suis attendu par Carole Valette, directrice de la « Chartreuse » ensemble hôtelier de luxe qui jouxte le château connu du monde entier pour ses pagodes et ses décorations indiennes. Dimitri Augenblick, le gendre de Michel Reybier qui est propriétaire de Cos d’Estournel depuis 2000, m’accueille avec Carole. On me montre ma chambre d’un grand confort, car Michel Reybier possède de nombreux hôtels de très grand luxe et la Chartreuse s’aligne sur ce niveau : les chambres ont été conçues par Jacques Garcia. Je dépose la bouteille que j’ai prévu d’insérer dans le dîner que nous partagerons et Dimitri me fait visiter les installations de Cos qui ont été rénovées en 2006 sur les suggestions de Jean-Guillaume Prats qui dirigeait alors le domaine, et avec les créations de trois architectes, dont Jean-Michel Wilmotte et Jacques Garcia. C’est grandiose, avec les évocations de l’Inde qui est le fil rouge du domaine. Dimitri me conduit vers une cave psychédélique. La hauteur des étagères doit bien atteindre dix mètres et les rayonnages sont supportés par des éléphants de pierre, comme ceux qui abondent en divers endroits de la propriété. Je découvre des millésimes qui font rêver, dont plus d’une vingtaine d’avant 1920. Je reste en arrêt devant cette cave hors du commun. Dans un immense hall d’entrée qui peut accueillir des centaines de personnes, face aux splendides chais, Dimitri a fait disposer des verres pour que nous dégustions quelques vins.

Les Pagodes de Cos 2011 est fait de 65% de merlot. Son nez est celui d’un vin souple. La bouche est agréable. Le vin est enveloppant, pas très long mais gourmand. C’est un vin agréable. Le vin n’a pas beaucoup de complexité mais il se boit bien.

Le Cos d’Estournel 2008 est du premier millésime qui a été réalisé dans les nouveaux chais. Il a 85% de cabernet sauvignon, ce qui est le plus gros pourcentage historique de ce cépage dans Cos. Le nez est élégant, très jeune. La bouche est encore très jeune, le fruit est clair avec une belle acidité. Le vin titre 13,5°. Le final n’est pas encore formé. Le vin est crayeux, dit Dimitri. Il est astringent mais élégant.

Le Cos d’Estournel 2003 a un nez plus ouvert et généreux. La bouche est très fraîche. Le vin est fluide, presque léger. Le final est très frais, proche de celui du 2008 pour l’astringence. Il y a 70% de cabernet sauvignon, 27% de merlot, 2 % de petit-verdot et 1% de cabernet franc. Le vin est très agréable à boire et s’annonce gastronomique. Il a une belle acidité, une grande fraîcheur et une astringence qui en fait un vin serré. Il a une belle trame et une belle puissance.

Le Cos d’Estournel blanc 2011 est une nouveauté puisqu’il existe seulement depuis 2005. Il a 30% de sémillon et 70% de sauvignon blanc. Le nez très présent évoque le litchi et les fleurs blanches. La bouche agréable et douce évoque les fruits blancs mais aussi le lait. Ce vin très jeune, frais avec une acidité marquée dans le final, avec des fruits confits suggérés semble gastronomique. L’essai se justifie. Il faudra voir comment il évolue.

Nous retournons à la Chartreuse pour le dîner prévu pour Carole, Dimitri et moi. Dimitri Augenblick me propose d’aller dans la cave de la Chartreuse pour choisir les vins du dîner. La cave est magnifiquement agencée et comporte une belle collection de nombreux millésimes de Cos, sans les plus anciens qui sont rangés dans la caverne d’Ali Baba spectaculaire créée par Jacques Garcia.

A ma grande surprise, Dimitri me dit : « vous choisissez ce que vous voulez pour le repas ». C’est toujours embarrassant d’être dans cette situation. Je choisis deux millésimes, 1989 et 1955. La bouteille de 1955 a ceci de particulier qu’elle provient de la cave Nicolas. Elle n’a donc pas été stockée pendant toute sa vie au château. Dimitri décide d’ajouter à ce choix 1988 car il aimerait comparer les deux millésimes voisins.

Nous remontons dans l’immense salon de réception ou les allusions indiennes sont nombreuses. Il y a une collection impressionnante de faïences de Vieux Bordeaux, dans l’esprit des faïences de Longwy, puisque l’artiste s’était formé dans cette ville. Nous trinquons sur un Champagne Michel Reybier, du nom du propriétaire de Cos d’Estournel qui a investi dans une propriété champenoise. Le champagne contient les trois cépages dans des proportions que je n’ai pas notées. Il est assez doux, agréable, pas franchement complexe mais il a suffisamment de coffre pour être plaisant. Il est à noter que la bouteille porte à côté du nom de Michel Reybier un éléphant qui évoque évidemment Cos d’Estournel.

Le menu conçu par le chef de la Chartreuse est : saumon fumé et caviar d’Aquitaine, petits blinis maison / canard à l’orange / sabayon de fruits d’automne. Le menu a été composé sans savoir ce que nous boirions, aussi est-il un agréable accompagnement sans recherche d’accord. Ce sera surtout vrai pour l’entrée puisqu’il n’y aura pas de blanc et pour le dessert puisque mon vin n’était pas connu.

Dès le premier contact au nez ou en bouche, le Cos d’Estournel 1989 est miraculeux. Il est d’une rare élégance et éblouissant. Il a tout pour lui, puissance et charme. Tout est dosé, équilibré, vif et convaincant.

Le Cos d’Estournel 1988 est musclé, fort, brut de forge comme son millésime et ne montre pas de charme puisque ce n’est pas pour cela qu’il a été construit.

Le Cos d’Estournel 2003 de la bouteille remontée de la salle de dégustation a du charme, des épices et du fenouil. Je l’aime beaucoup.

Le Cos d’Estournel 2008 bu avant le repas continue d’être un bon vin mais sa jeunesse le rend beaucoup moins excitant que ses aînés.

Le Cos d’Estournel 1955 est un vin plutôt plat, manquant d’énergie. Alors que 1955 est une grande année, le vin de cette bouteille manque son rendez-vous. Sa matière est belle, ses caractéristiques sont convenables, mais dès qu’il manque la petite étincelle, le plaisir n’est plus là. Le parcours de cette bouteille venant des caves Nicolas explique sans doute qu’il ait été éteint.

Pendant ce temps, le 1989 plait à mon cœur et le 1988 se dénoue, se réveille et montre de grandes qualités au point qu’à un moment, je lui trouve plus de présence qu’au 1989. Mais finalement, c’est quand même la fraîcheur et la grâce du 1989 qui remportent mes faveurs.

C’est par hasard que j’ai choisi le vin qui va suivre dans ma cave. Seule sur une étagère, elle attire mon œil car elle a une forme proche de la forme bourguignonne mais plus large de diamètre. De plus le cylindre n’est pas très droit, un peu bombé et le cul profond est celui d’un flacon centenaire. J’aime les bouteilles très anciennes et je prends en main la bouteille dont l’étiquette est jolie. Sur l’étiquette on lit « 191 » et il y a un trou à l’endroit du quatrième chiffre. C’est en ouvrant la bouteille que j’ai pu lire l’année sur le bouchon.

Le Bonnezeaux Clos de la Montagne Coteaux du Layon Compagnie des Grands Vins d’Anjou à Angers 1919 avait à l’ouverture un nez suave et prometteur. Il est maintenant de folle complexité. En bouche le vin est excitant, magique, de pruneau. Dimitri lui trouve un léger goût de métal mouillé que je n’aurais pas remarqué. Le vin est jeune, évoque la noisette et le pruneau. La bouche est fraîche. Je me régale. Il ne faut pas l’associer au dessert qui le rétrécit, aussi buvons-nous le vin après avoir mangé le délicieux sabayon.

Pendant le dîner nous avons évoqué les projets communs que nous pourrions envisager. Dans ce groupe dynamique il y a tellement de recherche d’excellence, comme à Smith Haut-Lafite, que les cerveaux peuvent phosphorer. Une douce nuit me repose d’une longue journée. Un bain dans la piscine de la Chartreuse est un heureux réveil suivi par un petit-déjeuner préparé avec beaucoup d’attentions charmantes.

Des deux visites à Smith Haut-Lafitte et à Cos d’Estournel, je retiens que dans les deux cas, des entrepreneurs fortunés ont pris goût au vin qu’ils ont acheté, investissent pour la qualité, sans compter, en visant l’excellence. Ayant vu que pour les deux vins il y a l’obsession du grain parfait, je me suis posé la question suivante : « le vin n’est-il pas meilleur si les grains ne sont pas tous parfaits ? ». Les grands vins anciens n’avaient pas la possibilité de faire des tris aussi sélectifs et cela ne les a pas empêché de faire des miracles. Un dicton populaire dit : « le mieux est l’ennemi du bien ». C’est la question qui me vient à l’esprit car le grand vin se nourrit probablement aussi – c’est mon intuition – de ses petites imperfections.

J’ai été frappé du dynamisme et de la volonté de ces deux grands châteaux. Ces deux visites sont très enrichissantes.

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la cave des vins anciens

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la dégustation

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la cave de vins de la Chartreuse

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la Chartreuse

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les vins du dîner

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Cos d’Estournel le matin, avec mon appareil photos qui a le blues !

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mon petit déjeuner m’attend

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Passionnante visite de Smith Haut-Lafitte et déjeuner jeudi, 30 octobre 2014

Ayant brodé autour d’une invitation bordelaise pour que plusieurs visites peuplent mon séjour, je prends l’avion avec trois rendez-vous prévus dans des châteaux bordelais. Il fait un temps splendide et en cette fin d’octobre, le thermomètre marquera jusqu’à 24°, donnant raison à cette rengaine : « il n’y a plus de saison ».

Arrivé en avance au château Smith Haut-Lafitte, j’ai la chance d’avoir droit à une visite privée pour moi tout seul. C’est d’abord avec Lise, chargée des visites, vite relayée par Daniel Cathiard, dont le discours me fascine et me passionne. Dans le groupe qu’il possède avec sa femme et ses enfants, les Caudalies représentent de loin le plus grand chiffre d’affaires, cette branche employant près de 800 personnes, ce qui est important. Vient ensuite l’hôtellerie, qui progresse avec une offre de restauration qui s’agrandit. A côté de cela, le vignoble a la petite part du chiffre d’affaires du groupe, dont Florence et Daniel ont gardé pour eux la gestion, les enfants étant autonomes dans les autres activités. De ce fait, les critères financiers ne sont pas les premiers et Daniel voue toute son énergie à la recherche de la perfection. Tel un restaurateur qui a obtenu les trois étoiles et fait tout pour les conserver, Daniel, qui a vu son vin couronné de 100 points Parker sur un millésime, considère que son devoir est de viser la perfection sur tous les secteurs. Sur une île qu’il possède sur la Garonne mûrissent des vignes « mères » qui seront les porte-greffes des vignes de la propriété. Le cheval est revenu dans les vignes, mais seulement sur les terres qui le méritent. Le tri des grains est la marotte de Daniel qui ne veut que les plus ronds des grains, choisis en trois tries successives. Il a investi dans des chais tronconiques en bois dont il surveille jalousement l’usage et il a réintroduit la fabrication sur place des tonneaux, faits de merrains de toute première qualité.

Daniel a fait construire de nouveaux chais qu’il appelle « furtifs », car on ne les voit pas du ciel, car il sont neutres en termes d’énergie, celle consommée étant produite de façon naturelle sur le domaine, et parce qu’ils recyclent dans la cosmétique des Caudalies les productions de CO² émanant des barriques. Ce besoin d’une empreinte écologique neutre ou positive est à signaler.

Le rôle de Daniel est de faire en sorte que chaque phase de la fabrication du vin, si petite soit-elle, soit parfaite. Par ailleurs, comme Florence et Daniel sont passionnés d’art, de nombreuses pièces des innombrables bâtiments et les vignes aussi, accueillent des œuvres d’art. A l’instar de ce que font ses enfants en hôtellerie, le château lui-même accueille de nombreuses manifestations et fêtes.

Notre visite passionnante cesse d’être en duo car nous sommes rejoints par trois banquiers. Eh oui, chez les Cathiard, il n’y a pas de temps perdu, et le déjeuner sera un déjeuner d’affaires. Avant cela nous allons en salle de dégustation goûter le Château Smith Haut-Lafitte 2011. Il a un nez de marc, avec des évocations de noir comme le cassis et de vert comme le fenouil. La bouche est riche, très cassis. Mais il y a aussi de la feuille verte et un final épicé. Ce qui m’intéresse, c’est le bouquet de feuilles vertes, artichaut, fenouil et anis. C’est un joli vin.

Tout-à-coup, comme dans un film de science-fiction, le plancher se soulève, deux panneaux s’ouvrent sur un escalier qui nous permet de descendre dans une cave où Daniel a reconstitué une « bibliothèque » de vieux millésimes, en les achetant aux enchères, puisque la mémoire de ce vin n’existait pas au château lors de la reprise du domaine en 1990.

Je remplis mes yeux de ces beaux flacons, dont un Smith Haut-Lafitte 1878 écrit « Lafite », du célèbre Café Voisin qui avait à l’époque une cave aussi prestigieuse que celle de la Tour d’Argent aujourd’hui, dont j’ai quelques bouteilles mais pas de Smith Haut-Lafitte.

Nous nous rendons dans la demeure privée de Florence et Daniel et l’apéritif est consacré à goûter un produit que l’on m’a demandé de garder secret, qui fait l’objet de ce déjeuner de travail. Nous passons à table dans la grande cuisine où j’avais naguère goûté de grands vins et sur un déjeuner campagnard simple et de bon goût, nous buvons deux Smith Haut-Lafitte.

Le Château Smith Haut-Lafitte 1998 a un nez très riche, opulent et chatoyant. Il a un très bel équilibre et du velours. Il n’est pas très long et le final est marqué d’une légère amertume. C’est surtout l’attaque de ce beau et grand vin qui est riche et joyeuse, et le final est plus strict.

Daniel pensait prendre en cave un Château Smith Haut-Lafitte 1961 dont l’étiquette presque disparue est illisible mais en fait in s’agit d’un Château Smith Haut-Lafitte 1966. Le millésime est bien visible sur le bouchon. L’attaque est très belle, affirmée et le final est un peu strict. L’impression générale du vin est très positive. C’est amusant de constater que le parcours en bouche est très proche de celui du 1998, avec une attaque joyeuse et un final plus strict. On retient du 1966 qu’il est joyeux, franc, avec une astringence qui le rend frais. Le nez est discret, un peu vineux, l’attaque est fluide. C’est un grand vin qui n’a pas le coffre d’un 1961 mais qui est beau. Quand le vin s’échauffe un peu, le final devient plus grand.

Florence Cathiard est toute en énergie quand elle présente et défend son projet devant les banquiers qui connaissent le monde du vin. Souhaitons longue vie aux vins du château Smith Haut-Lafitte qui sont entre les mains d’entrepreneurs dynamiques qui visent la perfection.

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Déjeuner au château Palmer jeudi, 30 octobre 2014

L’origine de mon voyage à Bordeaux était une invitation à venir déjeuner au château Palmer pour un repas en « 7 ». J’ai naturellement imaginé que l’on boirait des vins en « 7 ». Et effectivement Thomas Duroux, directeur général de Palmer a prévu dans la cuisine du château 2007, 1997 et 1967 de Palmer. Je connais suffisamment Thomas depuis de nombreuses années pour que je me permette de lui lancer une apostrophe clooneyienne : « what else ? ». Car je suis tellement avide d’expériences que j’aurais été ravi que la série se prolonge d’un 1947 par exemple. Mais la cave de Palmer est relativement pauvre, ce qui arrive lorsque des maisons changent de mains. J’ai apporté un vin, aussi, comme nous ne sommes que deux à table, Thomas décide de changer de programme et va chercher en cave un 1952.

Thomas rapporte la bouteille qu’il met sur un panier de service où la bouteille est couchée. Pour prendre la photo de la bouteille, je soulève la bouteille du panier et Thomas me crie : « malheureux, celle-ci est fichue pour notre repas, je vais en chercher une autre ». Et il m’explique que lorsque les sédiments ne sont pas reposés, le vin a un goût très nettement diminué par rapport à celui d’une bouteille au sédiment déposé au fond de la bouteille.

Je lui explique que dans ma procédure, qui consiste à ouvrir les vins quatre à cinq heures avant, le fait de redresser la bouteille comme je l’ai fait n’a aucune influence. Mais comme Thomas y tient, et comme il va ouvrir une bouteille à boire dans l’instant, il va chercher une autre bouteille et remet celle-ci en cave. Il ouvre la bouteille dans le panier et ensuite, il carafe. A chacun sa méthode.

Dans le joli château d’une époque où l’on voulait à Bordeaux de l’ostentatoire pour les façades, la décoration est très raffinée, avec des tons chaleureux qui me plaisent. Nous prenons l’apéritif avec un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle qui a bénéficié de probablement huit ans de stockage dans la cave de Palmer et on sait bien qu’un temps de cave assez long profite à ce champagne. Il est frais, agréable, et se boit avec plaisir mais aussi avec gourmandise. C’est un champagne frais et raffiné, qui est aussi de belle soif.

Le chef de cuisine est japonais et l’on sait que les cuisiniers japonais ont un sens inné de la délicatesse des plats. Son pedigree auprès des plus grands chefs français explique sa cuisine de haut niveau.

Sur une cuisse de pintade confite, œuf brouillé et légère tomate, nous buvons un Château Palmer blanc 2007. C’est le premier millésime d’un projet des actionnaires de faire pour leur usage un vin blanc. Le vin est franc et direct. Il y a plus de 50% de muscadelle, avec des vignes de sélection massale cherchées à Pujols, où il y a des vignes de 110 ans. Il y a 35% de Loset ou courbin blanc qui est un cépage cherché à Jurançon et un petit pourcentage de sauvignon gris pour donner au vin une touche d’épices. Si ce vin n’a pas de prétention, je le trouve très typé, franc et plaisant. Il a de la volonté et je le vois acceptable sur une table, même si je ne me précipiterai pas pour en rechercher.

Le Château Palmer 1952 a un nez très engageant et Thomas est content de voir la limpidité du vin qu’il a préparé. Le vin évoque les feuilles d’automne, des saveurs très discrètes mais riches de sens comme on dit lors d’interviews littéraires. Il a une belle puissance, de l’énergie. 1952 est une année subtile, toute en suggestions. Ce vin me plait énormément car il pianote de grandes complexités. Le vin est servi avec un lapin très judicieux accompagné de quinoa. Si le vin est un peu austère, évoquant parfois le thé mais aussi des bois marins, j’aime ses suggestions, son équilibre et son raffinement. Il est fluide, de belle matière. En un mot il est excellent.

Le vin que j’ai apporté, correspondant au thème du « 7 », est une Tête de Vouvray, Vouvray Grand Vin d’Origine, maison Dubech Jeune à Thiais 1937. On pourra dire que le Palmer 1952 respecte aussi le thème du 7, puisque 5 + 2 = 7. Le niveau dans la bouteille est parfait. Le Vouvray évoque une multitude de fruits jaunes d’or. Thomas le trouve court alors que je le trouve long, aimant son final de vin devenu sec en supposant qu’il ne l’a pas été dès le départ, puisque, sans savoir, j’imagine que « Tête de Vouvray » pourrait signifier « crème de tête ». J’aime son acidité citronnée, le pamplemousse que l’on ressent. Comme pour le Bonnezeaux 1919 d’hier, j’adore son caractère kaléidoscopique, qui délivre des complexités qui changent à chaque gorgée.

Thomas Duroux est un homme pressé. Comme tous les gens hyperactifs, il a déjà en tête son prochain rendez-vous. Mais ce déjeuner fut intense car à deux on a le temps de se dire beaucoup de choses. J’ai pu constater lors de la visite faite avant le déjeuner que Palmer bouge aussi dans le sens de la qualité. Ce voyage bordelais est très encourageant car les trois domaines visités veulent rester à la pointe de la qualité. Longue vie à ces châteaux qui œuvrent pour promouvoir les qualités immenses et uniques des vins français.

(pour une raison que j’ignore, des photos sont bleues !)DSC09571 DSC09573 DSC09574 DSC09576 DSC09575

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