Archives de catégorie : vins et vignerons

Le champagne de Venoge fait un déjeuner de presse lundi, 26 octobre 2009

Le champagne de Venoge fait un déjeuner de presse au restaurant Pierre au Palais royal à l’occasion de la parution du livre de Patrick de Gmeline consacré à de Venoge. Gilles de la Bassetière, président de ce champagne, nous reçoit. Le champagne de Vénoge Brut Cordon Bleu non millésimé est dosé à huit grammes. Un peu abrupt sur la bouche du matin, il s’anime progressivement pour devenir agréable au bout de quelques minutes.

Le chef Pascal Bataillé a prévu le menu suivant : fricassée de coquillages, graines de vanille, velouté de courgettes jaunes / pavé de bar poché au beurre d’agrumes, julienne de légumes, beurre battu aux algues et citrons / panacotta au citron, figues rôties au miel, chantilly à la fève de tonka.

Le champagne de Venoge blanc de blancs 2000 est dosé à sept grammes. C’est un vin beaucoup plus agréable. Il est bien dessiné, élégamment floral. Son côté toasté est un peu moins structuré. Il a un beau final miellé. L’accord avec les coquillages ne se trouve pas. C’est plus avec la sauce que le champagne trouve un terrain d’entente.

Nous goûtons ensuite le champagne de Venoge Cuvée Louis XV 1995. C’est le premier millésime de cette cuvée sous cette appellation, qui succède à la Cuvée des Princes, dont j’ai adoré le 1982. Ce champagne dosé à six grammes aux accents de miel et de citron a une assez belle complexité. C’est son acidité qui m’enchante le plus. Le bar est excellent, judicieusement cuit. La sauce citronnée met en valeur l’aspect fruit confit du champagne.

Le champagne de Venoge Cuvée Louis XV rosé 2002 est le premier millésime rosé de cette appellation. Il est dosé à quatre grammes. D’une couleur d’un rose délicat et clair, il brille par sa définition vineuse. A ce titre, c’est un rosé que j’aime. Le dessert est beaucoup trop complexe et sucré pour le mettre en valeur, ce qui est dommage, car on sent que c’est un grand champagne de gastronomie. Les deux cuvées Louis XV sont convaincantes. Il faudra s’intéresser un peu plus à un champagne dont l’image est peu claire dans le monde du champagne. Compte tenu des brillantes signatures journalistiques qui entouraient l’écrivain et le vigneron, nul doute que ce champagne va gagner en lisibilité médiatique, car ces deux cuvées le méritent.

Grand Tasting 2009 dimanche, 4 octobre 2009

Le Grand Tasting se tiendra les 4 et 5 décembre 2009.

Tous les renseignements sont sur le site : www.grandtasting.com

Compte tenu de l’engouement pour les master class, il est opportun de s’inscrire longtemps à l’avance.

Je serai présent les deux jours, avec la plus grande gourmandise !

Livres en Vignes – 2ème jour et déjeuner chez Guy à Gevrey-Chambertin dimanche, 27 septembre 2009

Le lendemain, signature des livres, puis déjeuner chez Guy à Gevrey-Chambertin. Le menu fut très apprécié : mises en bouche / foie gras de canard poché au Pinot Noir, marmelade d’échalotes, toast brioché / suprême de pintade rôti, poêlée de girolles, gratin de charlotte crémeux, jus corsé / lait chocolat vanille façon liégeois, mouillettes craquantes au gruée de cacao / mignardises.

Le Chardonnay Domaine Laroche 2006 ne m’a donné aucune vibration. Le Gevrey-Chambertin Didier Chevillon 2007, si on l’accepte dans sa jeunesse, se boit sur sa fraîcheur, et son fruité est assez plaisant. Je l’ai apprécié dans ce contexte précis.

A la demande des organisateurs, j’ai participé à une Table Ronde dont le thème est : « les mots du vin » aux côtés de Bernard Pivot, président de cette deuxième édition de Livres en Vignes et spécialiste du sujet, et de deux jeunes écrivains de talent. La discussion fut enjouée.

Tristes de quitter des écrivains passionnants, nous avons repris la route avec des promesses de se revoir alors qu’un soleil radieux faisait ressortir les miraculeuses couleurs des feuilles de vignes de l’automne naissant. Il est impossible de ne pas aimer la Bourgogne.

Livres en Vignes à Clos Vougeot et dîner de la Confrérie du Tastevin samedi, 26 septembre 2009

Le lendemain matin, les écrivains s’installent à leur pupitre pour signer leurs ouvrages et le mien est si étroit que je vagabonde pour discuter avec les auteurs et acheter plus de livres que je n’en signerai. Le déjeuner se tient au sein du château de Clos-Vougeot et le buffet est de grande qualité : une joue de veau est d’une grande tendresse qui met en valeur un Ladoix Clos des Chagnots Pierre André 2006 que j’ai particulièrement apprécié pour sa franchise de ton et sa générosité sans complication.

On s’habille vite en tenue de soirée pour participer à la grande soirée de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Dans la salle des pressoirs qui date du 12ème siècle, le grand conseil intronise à tour de bras de nouveaux chevaliers, en décrivant chacun par un joli mot aimable de présentation. Nous passons ensuite dans la grande salle du chapitre pour le dîner de gala dont le menu bourguignon est ainsi présenté : le pressé de volaille de Bresse aux écrevisses / le suprême de maigre moustardier / les œufs en meurette vigneronne / la noisette de Charolais en truffade / les bons fromages de Bourgogne et d’ailleurs / l’escargot en glace, le confit de pommes glacé tradition / les petits fours.

Le Rully blanc 1er cru Chapitre 2006 est très animé par la gelée aux écrevisses. Il n’a pas beaucoup de profondeur, mais beaucoup de rondeur. Le Beaune blanc 1er cru Champs Pimont 2000 Tasteviné est un peu trop riche pour moi. Sa structure est un peu faible pour la puissance excessive qu’il délivre. Le plat de poisson est moins adapté que les autres plats pour faire briller le vin.

Le Pernand-Vergelesses Les Belles Filles Tasteviné 2001 est un peu amer mais les œufs meurette le rendent charmant et sympathique. Le Volnay 1er Cru En Chevret Tasteviné 1997 est très beau, subtil, agréable car il n’en fait pas trop. Légèrement amer il est délicieusement râpeux sur le bœuf. Le Chambertin Clos de Bèze Grand Cru 2004 a beaucoup de matière et d’opulence. Il s’anime sur le fromage « les délices de Pommard » car les grains de moutarde le titillent. Il est moins fringant sur le Brillat-Savarin et un peu minéral sur l’Epoisses. Dans une chaleur insupportable, les discours se succèdent. Les prix littéraires sont décernés, dont le prix Livres en Vignes à Antoine Laurain devenu depuis l’an dernier ici même notre ami et qui a brillamment intégré dans son livre la description d’une Romanée Conti 1937. Nous avons quitté cette fête joyeuse et calembourdesque avant que n’apparaissent les Crémants et les marcs. Il était tard quand nous avons fermé les yeux sur le souvenir de ces rabelaiseries.

Livres en Vignes – photos samedi, 26 septembre 2009

Dans la salle des pressoirs du 12ème siècle, les officiels annoncent l’ouverture de la 2ème édition de Livre en Vigne. Le Président de cette édition est Bernard Pivot

Dans la cour du chateau de Clos Vougeot, le bâtiment qui accueillera ce soir le Chapitre de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Un musicien remplit d’un liquide imbuvable les verres pour un orgue de verres. Il jouera la première gymnopédie d’Erik Satie

du porche rond, la salle du chapitre, encore presque nue, paraît toute petite, alors qu’elle va accueillir plus de 550 personnes !

dans la cuverie, une intéressante exposition permet de sentir les arômes du vin, capturées dans de nombreuses carafes de laboratoires

Avoir un nom en "A" permet d’être vu sur les listes. Un sculpteur pratiquait l’art de la caricature !

Ce bas-relief, sur le manteau de la cheminée d’une des salles du château, réunit livres et vignes, puisque le moine qui veut couper la vigne écoute le moine qui lui montre comment procéder en s’inspirant du livre.

Un agréable Ladoix Clos des Chagnots Pierre André 2006 au déjeuner buffet au Chateau de Clos-Vougeot

Dans la salle des pressoirs, le Grand Conseil de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin va introniser de nouveaux chavaliers en provenance de beaucoup de pays du monde

Le soir, la salle du dîner de la Confrérie vide ce matin, se remplit

discours et plaisanteries ponctuent cette soirée qui fait partie d’un folklore qu’adorent les étrangers.

Livres en Vignes – dîner au château de Beaune vendredi, 25 septembre 2009

A Dijon, la grippe du tramway a frappé. Terriblement contagieuse, elle rend la circulation automobile totalement impossible. Alors que nous avions une avance confortable pour nous rendre à l’hôtel de la Cloche, institution dijonnaise, nous n’avons que quelques minutes pour déposer nos bagages et prendre la navette de « Livre en vignes » la désormais célèbre fête de la vigne et des lettres, qui nous conduit chez Bouchard Père & Fils pour la traditionnelle visite des caves, avec une halte émue dans la cave des vins centenaires. Du haut d’une des tours du château de Beaune, le soleil se couchant sur les vignes de Corton est une vision romantique. Nous redescendons pour gagner l’Orangerie du château pour le dîner d’ouverture du salon.

Le menu est ainsi rédigé : pressé d’aubergines aux tomates, chèvre frais de la ferme du Poiset, sauce vierge / cuisse de volaille fermière farcie au vieux Comté, crémeux de moutarde à l’estragon, petit gratin Maintenon / assiette de fromages régionaux / choco-cassis.

Je deviens un convive difficile, car abreuvé aux meilleures cuvées Henriot, je trouve que le Champagne Henriot Brut Souverain n’a pas encore trouvé son équilibre.

Le Chablis Bougros Côte Bouguerots Grand Cru Domaine William Fèvre 2006 en revanche est d’une belle fraîcheur. L’image qui me vient, c’est de l’eau qui s’écoule délicatement sur des ardoises brutes. Car la minéralité du vin laisse la place à une charmante fraîcheur. J’aime beaucoup ce vin précis et naturel.

Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 vit dans un monde à part. Il est assis, cossu, vin de grande complexité et kaléidoscopique. Ce Chevalier est un peu moins épanoui que ceux que j’ai bus de ma cave, mais cela tient aussi au plat dont la tomate ne met pas en valeur les blancs.

Le Corton Bouchard Père & Fils 2000 est très intéressant car il n’est pas dans les normes. Etrange, énigmatique, hors des sentiers battus, il me plait beaucoup pour sa promesse, malgré une année qui n’est pas au firmament et pour son originalité. Il est assez canaille. Et paradoxalement, il va me plaire un peu plus que le Chambertin Clos de Bèze Bouchard Père & Fils 1989 dont la belle structure est prometteuse. Jacky Rigaud qui présente ce vin, écrivain du vin d’un rare talent, dit qu’il est à son apogée. Je ne suis pas d’accord et je le vois progresser, même s’il n’atteindra pas des sommets de l’appellation.

Mon voisin, écrivain sur l’avenir des civilisations, me demande de désigner un vin de ce dîner. Ne l’écoutant pas, je lui donne mon classement des émotions immédiates, sans relation avec les valeurs intrinsèques : 1 – Chablis, 2 – Le Corton, 3 – Clos de Bèze et 4 – Chevalier-Montrachet. Mais il revient à la charge et me dit. Si vous deviez prendre une seule bouteille, laquelle prendriez-vous ? Et ma réponse est : le Chambertin, ce qui montre que selon l’angle d’approche, la réponse n’est pas la même.

L’accueil chez Bouchard est toujours d’une grande qualité. Avec des écrivains de talent qui abordent des thèmes passionnants, parler de sujets riches est plus facile quand on boit de grands vins.

Clos de Tart au restaurant Astrance mercredi, 16 septembre 2009

Bipin Desai fait venir en Europe un groupe d’amateurs et les conduit dans les plus grands restaurants de France, de Belgique et d’Espagne, pour une semaine de trois étoiles midi et soir. C’est Bipin qui m’avait demandé d’organiser le 121ème dîner. Il me propose de me joindre à son groupe pour un déjeuner au restaurant Astrance dont le thème sera Clos de Tart. A la perspective de retrouver Sylvain Pitiot, je dis immédiatement oui. Peu de temps après, Sylvain Pitiot m’appelle au sujet d’un autre repas et j’évoque ce déjeuner. Il m’informe que la date des vendanges ne lui permettra pas de venir. Cela m’attriste, mais je ne vais pas revenir en arrière. Par un hasard extraordinaire, le bulletin que j’émets peu avant ce repas comporte une photo d’un magnum de Pol Roger Sir Winston Churchill. Patrice Noyelle, président de Pol Roger m’appelle pour me signaler qu’il a lu les paroles flatteuses sur le champagne qu’il dirige et me dit : « je viendrai à la dégustation de l’Astrance ». L’épouse de Patrice est une demoiselle Mommessin, ce qui crée le lien, Patrice se rendant trois à quatre fois par an au Clos de Tart auprès de Sylvain Pitiot qui dirige le domaine.

Bipin a réservé deux tables pour ses amis américains, un grand collectionneur belge, Patrice Noyelle et moi. Le repas conçu par Pascal Barbot comporte des plats qui montrent les multiples facettes de son talent : brioche tiède, beurre de cèpe / cuiller de parmesan crémeux / foie gras mariné au verjus, galette de champignon de Paris, purée de citron confit / langoustines dorées, nage de petits légumes au gingembre et soja, herbes sauvages / sole cuite meunière, cèpes crus et cuits / collier d’agneau, haricotes blancs cuisinés au chorizo et coques / colvert cuit au sautoir, condiment griotte / saint-nectaire fermier / capuccino amande, feuille de riz grillé, framboise en compote / vacherin glacé au miel, crème au beurre à l’huile d’(olive et citron, gelée tagette / croustillant au sorbet cassis, mousse de lait, crème de mascarpone / lait de poule au jasmin / fruits frais. Inutile de dire que ce fut grand.

Le champagne blanc de blancs Deutz 1998 a une belle bulle forte. Le goût est élégamment fumé. Le champagne est d’une belle maturité. Le final est très fort, en coup de fouet. Le Pouilly-Fumé « Pur sang » D. Dagueneau 2004 a un nez jeune et frais. Il est très élégant et agréable, mais surtout il est frais. J’ai beau chercher des caractéristiques particulières, on en revient à sa belle fraîcheur. Son final claque bien. La trame est assez neutre, mais la fraîcheur citronnée est remarquable.

Le Pouilly-Fuissé « Clos Reyssié » P. Valette en magnum 2001 a passé quatre ans en barrique avec ouillage à Chaintré. La couleur est très ambrée. En bouche, c’est fumé et l’on pourrait facilement donner vingt ans de plus. C’est très intéressant mais c’est un OVNI, objet vineux non identifié. Patrice Noyelle dit que le vin est mûr mais n’est pas oxydé. Il m’évoque certains bourgognes des années 50. La sole rééquilibre le 2001 et le rend très civilisé. Le vin a un final plein de surprises. Il est complètement hors du commun et se destine à de la grande gastronomie. D’une certaine façon, son caractère atypique me rappelle les champagnes que fait Anselme Selosse.

Le Clos de Tart 2003 est d’une couleur très grenat, beaucoup plus dense que celle du Clos de Tart 2005. Les deux nez sont très épicés. Le collier d’agneau est un plat miraculeux d’étrangeté. Le chorizo que Pascal Barbot aime domestiquer, est excitant et met en valeur les vins rouges. Le 2005 est encore très jeune mais très élégant. Le 2003 est plus charnu, plus lourd, conquérant. Le plat très épicé est fait pour lui. Le 2005 ira beaucoup plus loin que le 2003. En s’ouvrant, le 2005 devient plein de subtilité. Je n’exclue pas que le 2003 devienne un grand vin dans vingt ans. Le 2005 va braver le temps dans l’élégance pure.

Le nez du Clos de Tart 2001 est archétypal fait de poivre et de cassis. Le Clos de Tart 1999 joue sur un registre plus sage. En bouche le 1999 est excellent. Il combine une belle jeunesse avec les signes d’une maturité déjà assumée. Il m’évoque des feuilles vertes. Le 2001 est tonitruant. Il a tout pour lui. C’est l’accomplissement du Clos de Tart à ce stade de sa vie. C’est le Clos de Tart qu’on aime. Le 1999 est plein de promesses. Il va évoluer avec son don de subtilité. Le 2001 a peut-être un avenir moins certain, mais aujourd’hui il est parfait dans sa jeunesse. Le colvert ne vibre pas autant que l’agneau sur les vins.

Le Clos de Tart 1996 a une couleur assez claire. Le nez est discret. Il y a une belle épice mais un contenu assez peu étoffé. Toutefois, la crème diabolique aux cèpes et à l’huile de noisette qui accompagne le saint-nectaire propulse le 1996 à des hauteurs insoupçonnées. Je révise mon jugement sur ce vin ainsi dopé.

Mon classement des Clos de Tart est 2001, 2005, 1999, 1996, 2003. L’Aleatico Massa Vecchia 2002 exagère son raisin surmaturé au goût de pain d’épices. Je ne mords pas aujourd’hui à ce vin. Peut-être demain ?

La cuisine de l’Astrance est toujours aussi raffinée. Le collier d’agneau à lui seul mérite le voyage. Les Clos de Tart jeunes confirment leur excellence. Que demander de plus ?

Astrance et Clos de Tart – photos mercredi, 16 septembre 2009

la petite brioche au champignon est présentée sur une assiette blanche qui en comporte plusieurs à partager entre convives. j’ai pris la mienne pour la photographier sur le disque de verre de couleur, ce qui n’est pas l’impression visuelle recherchée pour cet amuse-bouche. La galette de foie gras et champignon de Paris est un plat "culte" de l’Astrance

la langoustine a une présentation qui fait penser au gargouillou de légumes de Michel Bras. la chair du couteau est particulièrement attendrie. la sole était un peu cuite

Pouilly-Fuissé « Clos Reyssié » P. Valette en magnum 2001

collier d’agneau, haricotes blancs cuisinés au chorizo et coques absolument sublime et colvert cuit au sautoir, condiment griotte

quelques desserts

Massa Vecchio Aleatico

les diaboliques madeleines au miel (dont ma femme a la recette !)

verticale de Domaine de Chevalier – photos lundi, 14 septembre 2009

Les verres en attente. Environ 500 seront utilisés ce soir

Bipin Desai explique la dégustation qui sera faite

les verres des dix vins blancs aux couleurs de belle jeunesse et la rémoulade de tourteau à l’aneth, sauce fleurette citronnée à la forme d’une délicate géométrie

épeautre du pays de Sault en risotto aux cèpes de châtaigniers / mignons de veau de lait aux cèpes de châtaigniers

palombe rôtie aux salsifis et aux girolles et les verres de vins rouges

Bernard Burtschy, Olivier Bernard et Michel Bettane, écoutant les commentaires de participants

l’impressionnant groupe de magnums et les bouchons bien rangés et déclinaison de fruits rouges parfumée au Rooibos

le Malaga Molino Real qui ne titre que 13°

Une démonstrative verticale de Domaine de Chevalier lundi, 14 septembre 2009

Bipin Desai organise assez fréquemment de grandes verticales qui permettent de mieux connaître les vins d’un domaine. Il est accompagné de son groupe d’amateurs américains et invite des journalistes ou écrivains du vin. Ce soir, ce n’est pas Bipin qui m’a invité mais Olivier Bernard le sympathique propriétaire du Domaine de Chevalier. Olivier est connu pour savoir recevoir. Ce soir, il a atteint des sommets difficilement atteignables.

Le dîner se tient au premier étage du restaurant Taillevent, dans la même pièce que celle de mon récent dîner. Jean-Claude, le fidèle maître d’hôtel me dit : « on ne se quitte plus ». L’apéritif se prend dans le petit salon chinois avec le champagne Taillevent qui est un Deutz de belle soif. Ce champagne attire les gougères et malgré le programme qui nous attend, pousse sans cesse à se resservir.

Quatre tables sont dressées dans le grand salon, pour vingt-deux convives. Voici le menu préparé par Alain Solivérès : rémoulade de tourteau à l’aneth, sauce fleurette citronnée / épeautre du pays de Sault en risotto aux cèpes de châtaigniers / mignons de veau de lait aux cèpes de châtaigniers / palombe rôtie aux salsifis et aux girolles / fromages de Comté / déclinaison de fruits rouges parfumée au Rooibos. Ce repas fut élégant, la maîtrise d’Alain Solivérès donnant une justesse remarquable à chaque plat.

Devant nous cinq verres de vins blancs sont déjà posés, qui seront rapidement rejoints par cinq autres. Le pied de chaque verre comporte un numéro de zéro à neuf. Olivier explique que pour les blancs, la dégustation se fera à l’aveugle. Il ne sera pas demandé de trouver le millésime, mais d’écrire sur un petit carton les trois vins que l’on préfère, dans l’ordre. Il précise que pour les rouges, nous connaîtrons les millésimes. Il indique enfin que tous les vins que nous buvons proviennent de magnums.

Je commence à sentir les cinq premiers vins puis à les boire, alors que pour les cinq suivants, je boirai chacun juste après l’avoir senti. Le nez du vin n° 0 est extrêmement riche, puissant, évoquant le miel. Le nez du n° 1 est plus sec, très élégant. Le nez du n° 2 est plus discret, évoquant la menthe avec un miel très élégant. Le nez du n° 3 est équilibré, peut-être un peu plus calme. Le nez du n° 4 est plus fermé.

En bouche, le n° 0 est moins opulent que ce que le nez suggère. Il a un beau final citronné. Le n° 1 n’est pas mal mais son final n’est pas aussi beau. Ses évocations de miel sont sympathiques. Le n° 2 est un vin très élégant, très facile et coulant. C’est un vin de plaisir. Le n° 3 est bien clair, léger, délicat. Il est plus romantique mais plus faible. Son final est élégant. J’aime beaucoup le n° 4, car il a un grand équilibre. Il n’a pas la force du n° 0 et pas la légèreté du n° 3, mais c’est pour moi celui qui est dans la définition la plus pure du Domaine de Chevalier.

Nous passons aux cinq suivants, servis depuis quelques minutes. Le n° 5 a un nez très végétal. Son final est joli. Il est moins plaisant que le 4 mais je le trouve riche, intéressant, car atypique. Le n° 6 a un nez très minéral et citronné. Il est un peu atypique car unidirectionnel, un peu simplifié mais élégant. Le n° 7 a un nez très élégant. Il est très beau. Lui aussi est très archétypal de Domaine de Chevalier. Le n° 8 a un nez plus discret. Il a une très belle attaque en bouche. J’aime. Son final est un peu court, mais j’aime. Le n° 9 a un goût de bouchon.

Voter est un exercice difficile car tous ces vins à part de 9 sont de très grands vins. Les couleurs de tous sont d’un beau jaune hésitant entre le citron et le miel clair, sans qu’une trace d’or ou d’acajou n’apparaisse nulle part. Ces vins sont donc jeunes. J’hésite au sein d’un groupe de quatre, les 4, 5 7 et 8. Mon vote est 4, 5 et 7. Bernard Burtschy dépouille tous les votes, coefficiente chaque vote et annonce le vote global : 4, 7 et 3. J’ai donc le même premier et deux vins sur trois communs avec le vote global. Le quatrième étant le 5 dans le vote global, j’ai donc reconnu dans mon vote trois vins des quatre premiers. Ça me ravit évidemment. Et j’essaie de voir si le 3 qui est dans le tiercé général est meilleur que le 5 de mon vote. Et j’avoue que je n’arrive pas à trouver le 3 meilleur que le 5.

Olivier nous annonce que les dix vins sont tous les vins d’une même décennie et que le numéro du vin correspond au dernier chiffre de l’année. Il demande si quelqu’un devine la décennie. Mon voisin de table parle des 90, Michel Bettane dit que ce pourrait être les 70. Je dis que je ressens les 80 et ce sont les 80. Le quarté final est donc : 1984, 1987, 1983, 1985. Mon vote est 1984, 1985, 1987. On voit que la hiérarchie ainsi faite est opposée au classement habituel des millésimes des vins rouges. A noter que les deux personnes qui font le vin sous l’autorité d’Olivier Bernard préfèrent le 1988 que j’avais mis dans mon quarté mais non retenu. La leçon principale de cet exercice est que tous les millésimes de cette décennie sont réussis et sont de grands vins. On le savait sans doute. Mais c’est intéressant de constater que chaque millésime d’une décennie présente de l’intérêt. Olivier Bernard a pris son risque et ce pari est réussi.

C’est maintenant le tour des rouges, et le premier service commence très fort. Ce ne sera pas à l’aveugle mais quand même, Olivier demande si l’on situe bien le premier. Je hasarde 1928 malgré une couleur d’un beau rubis de folle jeunesse. C’est en fait 1916 ! Le Domaine de Chevalier rouge 1916 est riche, plein, puissant, équilibré. Je suis sous le charme de son équilibre parfait. Le Domaine de Chevalier 1929 – maintenant nous savons tout de suite de quel millésime il s’agit puisque les deux derniers chiffres sont inscrits sur le pied – est plus profond, fumé, immense. Son final est immense. La longueur est impressionnante. Démarrer sur deux rouges de ce calibre, cela pose le décor à un niveau rare. Le 1929 est plus grand, mais je préfère le 1916, rond comme une sphère parfaite. Le Domaine de Chevalier 1947 est soyeux, séducteur. S’il représente la séduction pure, il n’a pas la même longueur. Le Domaine de Chevalier 1955 est un peu plus fatigué. Il est grand, mais monocorde, même s’il est puissant. On aurait envie de dire que c’est un vin qui est encore fermé. C’est le 1916 qui fait le plus jeune, le 1929 est le plus grandiose, racé et fier, le 1947 est le plus dense, très viril et le 1955 a quand même un léger bouchon. Le 1947 a un grand avenir. L’épeautre réagit divinement avec ces vins.

Fort imprudemment, ou est-ce par calcul, Olivier annonce qu’il a en réserve un magnum de Domaine de Chevalier 1953. Michel Bettane lui dit : « tu l’ouvres ». Olivier demande à notre table : « croyez-vous ». Excessifs que nous sommes, nous disons oui. Le 1953 est ouvert maintenant, arrive dans sa fraîcheur. Olivier est fou de ce vin qu’il trouve le plus beau de tous, rejoint par Michel Bettane et Bernard Burtschy. Je le trouve très grand, mais les plus vieux m’impressionnent plus. Le 1916 devient framboise, d’un charme fantastique, le 1929 est grand dans sa rigueur quand le 1916 est tout sourire. Le 1947 est une promesse de vin immense. C’est un vin du futur. Le 1953 est d’une fraîcheur extrême.

La deuxième série commence avec le Domaine de Chevalier 1961 qui, lui aussi s’impose. Il est immense, d’une grande structure et d’une belle matière et il brille par sa jeunesse. Le Domaine de Chevalier 1959 est plus élégant, avec moins de structure mais plus de charme. Le Domaine de Chevalier 1964 a un problème. Le Domaine de Chevalier 1970 est assez joli, pas mal, mais ne joue pas dans la cour des grands. Je classerais volontiers 1959, 1961 et 1953 alors qu’Olivier préfère le 1953.

Avant la troisième série, mon classement est 1916, 1929, 1959, 1961, 1953 alors qu’Olivier, consistant, campe sur son 1953. Si la dégustation en allant vers les vins plus jeunes a sa justification, elle pose quand même le problème du maintien de l’intérêt vers les vins les plus jeunes. Car, du moins pour mon palais, la complexité devient moins soutenue.

Le Domaine de Chevalier 1978 est râpeux et entre deux eaux, n’ayant pas encore trouvé sa voie, le Domaine de Chevalier 1983 est très élégant et doucereux, le Domaine de Chevalier 1985 est nettement meilleur, doté d’un plus bel équilibre, le Domaine de Chevalier 1989 me semble trop mince. Le 1978 se montre de plus en plus élégant et je classe : 1985, 1978, 1983 et 1989, alors que pour Rémi, l’homme qui a fait ce vin, c’est le 1989 qui lui plait le plus.

Que dire des rouges ? Ils ont fait la démonstration qu’ils ont un potentiel de garde à l’égal des plus grands. Ils montrent que les millésimes réussis sont nombreux. Je révise bien volontiers mon imaginaire antérieur sur ces vins que je n’aurais pas placés aussi haut dans mes hiérarchies, grâce à ce que j’ai goûté ce soir. Le format en magnum aide beaucoup. Pour les rouges comme pour les blancs, Olivier Bernard a pris ses risques. Il en recueille le succès.

En 23 vins, dix blancs et treize rouges, nous avons pu nous former une idée précise sur ce grand domaine. A noter qu’Olivier n’a en rien cherché à promouvoir ses productions récentes puisque, contrairement à d’autres verticales, il n’y a pas eu un seul vin de moins de vingt ans.

Merci à Olivier d’avoir été aussi généreux. L’équipe de Taillevent a remarquablement géré le ballet des cinq cents verres de ce repas. La cuisine a été parfaite. Un grand moment permettant d’apprécier ce domaine de Pessac Léognan d’une constance historique démontrée, à un haut niveau de qualité.