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verticale de Barolos Monfortino à Castiglione Falletto samedi, 11 novembre 2006

Je suis dans un avion en partance pour Turin. Le dîner où je vais me rendre, je n’en sais pas grand-chose. On m’a dit qu’il y aurait un groupe rare de vieux Barolo. J’avais tant entendu – pour autant qu’on entende sur internet – que les Barolo sont les plus grands vins du monde, qu’il me fallait m’y rendre. Survoler les Alpes en constatant que les neiges éternelles sont devenues très rares est assez impressionnant. Je comprends les craintes de Yann Arthus-Bertrand. Je me dirige vers Alba où c’est jour de marché puis vers le Ristorante « Le Torri » de Maria Cristina Rinaudi à Castiglione Falletto, petit village perché, proche d’Alba, dominant des vignes de Barolo. Revenant à Alba pour acheter un tirebouchon plus propice aux vins anciens que les outils du restaurant, j’assiste à la vente de truffes blanches sur des étals de circonstance. Il parait qu’elles ne sont pas très belles cette année : « ah, si vous étiez venu en 2004 !», phrase qui rappelle le grand classique des pêcheurs : « vous seriez venu hier, on avait à peine le temps de lancer la mouche qu’une prise était faite ».

Je suis accueilli par deux suisses, organisateurs de l’événement, qui me connaissaient par des forums et avaient lu mon livre. Décidemment, après le dîner belge, j’ai plus de lectorat hors des frontières qu’en leur sein. De retour de notre promenade en Alba, nous déjeunons à « Le Torri » et je peux constater la générosité et la motivation de ce jeune couple. Tout aura été fait, à ce déjeuner mais surtout au dîner, pour que nous soyons satisfaits.

Le dîner a pour thème les Barolo Conterno Monfortino aussi à midi nous prendrons des Barolo Conterno qu’on pourrait appeler « ordinaires » puisqu’il ne sont pas Monfortino, mais sont de grands vins. Le Barolo Conterno 1998 est une bonne entrée en matières pour comprendre ce monde fascinant. Le Barolo Conterno 1997 est très différent, plus typé même si moins direct. Lequel préférer ? La difficulté de la réponse préfigure les dilemmes de ce soir.

J’ai tellement parlé de mes méthodes d’ouverture des vins qu’on me demande d’officier. Je le fais bien volontiers et l’un des organisateurs est impressionné que l’on puisse sortir intégralement des bouchons qu’il imaginait se désagréger entièrement. C’est le nez du 1955 qui est le plus éblouissant. Sentant le nez des deux vieux sauternes, je demande à Maria Cristina si elle peut faire un dessert de quartiers d’oranges juste poêlés. Sa gentillesse n’aura pas de limites.

Nous serons treize à table. Je reconnais un ami suisse avec lequel j’avais participé à une historique verticale d’Yquem, un membre du Grand Jury Européen, ce jury qui classifie des vins dans des confrontations célèbres. Le propriétaire du domaine, Roberto Conterno, est là au milieu de suisses, italiens, monégasques auxquels s’ajoute un sommelier américain. Je suis le seul français. Roberto a imposé la formule, qui ressemble plus à une dégustation thématique qu’à un dîner.

Le temps de se présenter et de regarder les bouchons que j’ai présentés dans de petites assiettes, nous dégustons un champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2005. Ayant été conquis par ce champagne en Savoie, à Jongieux, je bois du petit lait. La bulle s’éteint très vite. Mais le vin, d’une élégance hors du commun est remarquable. Combinant le vineux et le floral, je l’imagine volontiers s’associer à des coquilles Saint-jacques.

L’entrée dans le monde de Conterno commence par le Barbera Cascina Francia 2001. Ce vin sera très bon dans quinze ans, mais pour l’instant, c’est trop fort, très fruité, voire agressif. Trop envahissant pour moi.

Roberto Conterno avait insisté pour que l’on ait devant soi dix verres, comme s’il fallait faire une dégustation professionnelle. L’esprit des convives était plus à vagabonder de l’un à l’autre autour d’un repas. Grâce au talent de Maria Cristina, nous avons pu trouver un juste équilibre entre l’examen œnologique et le plaisir gastronomique.

Nous passons à table. Voici le menu : tartare de veau piémontais et saucisse de veau de Bra / œuf poché et sa fondue de fromage / pâtes « Tajarin di Bruna » à la viande de Bra / cochon de lait et poireaux de Cervere / fromages régionaux / tranches d’orange juste poêlées / tourte au citron / tarte aux pommes à la crème / mignardises et café.

Le premier service de vins comprend les Monfortino 1993, 1990, 1988, 1985 et le Barolo Cascina Francia 1982. Le compte-rendu qui va suivre provient des notes prises à la volée. Ces vins riches changeant perpétuellement dans le verre, les impressions ne cessent de changer.

Au nez, le 1985 est le plus brillant. Le 1982 est dans des gammes d’odeurs qui me correspondent. Le 1990 a un nez très brillant. En bouche, le 1993 est très astringent, très vert, pas ouvert. Le 1990 commence par être austère, tannique. Le 1988 s’oriente vers des saveurs de Porto. Le 1985 est grand, long, son amertume est élégante. Un voisin fait remarquer que tous les vins ont des notes de cacao. Le 1982 a énormément de dépôt. Il est agréable, même s’il a évolué et vieilli. J’aurais volontiers commencé à classer le 1985 devant le 1990, mais ce dernier s’impose. Comme tous ces goûts changent presque à chaque gorgée tant ces vins s’épanouissent, à un moment le 1988 passe en tête, malgré son léger goût de bouchon. Le 1982 fait trop « brûlé », le 1993 s’anime. Le 1990 a une structure d’une noblesse rare, le 1985 fait plus évolué. L’onctuosité du 1990 me plait énormément. Mon classement à ce stade est 1990 / 1985 / 1988 / 1993 / 1982, alors que j’entends beaucoup de convives mettre le 1982 en premier. Roberto Conterno nous demande : « s’il y avait une seule bouteille à acheter maintenant, laquelle prendriez-vous ? ». La majorité penche pour 1985 puis pour 1982. Je suis le seul à indiquer 1990 qui représente pour mon palais la structure la plus raffinée. Pour mon goût, les 1990 et 1985 se détachent du lot.

La deuxième série comporte les Monfortino 1978, 1971, 1961 et 1958 et le Barolo Cascina Francia 1964. Il y a une nette séparation des couleurs. Les 1978 et 1971 ont un beau rouge foncé. Les trois plus vieux ont un rouge très clair tendant parfois vers le tuilé et vers des robes de bourgognes vieux de plus de cinquante ans. Le nez du 1978 est très pur, brillant. Le nez du 1971 est grand, presque parfait. Celui du 1964 fait nettement avancé. Le nez du 1961 est plus intéressant même s’il trahit son âge. Le nez du 1958 est encore plus avancé avec des tendances animales.

En bouche, le premier contact avec le 1978 est celui d’un vin fruité, très beau, qu’une légère acidité rétrécit un peu. Cette caractéristique va disparaître. Le 1971 est un peu amer mais a plus de longueur. Il n’est pas opulent, mais sa trame est belle. Le 1964 est très étonnant, car il apparaît sur l’instant flamboyant. Il est loin d’être parfait, il a une petite fatigue, mais il est rond, joyeux, alcoolique. Le 1961 est très exact. Rond, fruité, équilibré, structuré, il remplit bien la bouche. Le 1958 ressemble à un armagnac. C’est plaisant, mais ce n’est plus du Barolo. Noter des vins si différents va devenir difficile car chacun a sa personnalité. Le 1978 qui fait plus jeune a gagné en longueur. C’est vraiment le Barolo dans la définition que j’imagine, n’en étant pas expert. Le 1971 reste amer, le 1964 perd de son charme. Le 1961 reste beau, le 1958 garde une structure très forte et atypique. Je classerais volontiers 58 / 78 / 61 / 71 / 64 malgré le charme initial du 64. Après plusieurs approches, mon classement de cette série sera 1978 / 1961 / 1971 / 1958 / 1964. Dans la première série, il y avait deux vins au dessus du lot. Ici, c’est le 1978 seul qui émerge.

Roberto demande à nouveau quelle bouteille serait achetée parmi les dix bues jusqu’à présent. Une grande majorité de désirs se tournent vers le 1978. Vient ensuite le 1971, que je ne trouve pourtant pas parfait. Je suis le seul à voter pour le 1990.

Il faut vite laver des verres pour accueillir les vins suivants et chacun hésite sur les verres à rendre, car beaucoup des amateurs présents voudraient suivre les odeurs de ces grands vins qui évoluent toujours. Le Barolo Conterno Monfortino 1955, qui avait l’odeur la plus belle à l’ouverture et pour lequel j’avais dit avant le repas et sans l’avoir goûté : « vous verrez, ce sera le gagnant », délivre maintenant une odeur parfaite. Je suis amoureux de son goût, fait de terre et de truffe. Il est chaud en bouche. Il est de la trempe du 1961, avec un équilibre très supérieur. Petit à petit il va perdre ses racines terriennes. Je me demande s’il n’eût pas fallu l’ouvrir au dernier moment.

Le Barolo Conterno Monfortino 1943 dont le niveau dans la bouteille était assez bas par rapport aux autres a une couleur trop tuilée. Au nez, l’alcool domine, et en bouche, il y a des inflexions animales. Ce vin a dépassé les limites de sa vie, même s’il est buvable. Il n’a plus de réel intérêt. Le 1955 continue d’être fort, alcoolique, puissant.

Tous les vins anciens avaient été carafés avant le service pour éviter le dépôt. Voyant la fragilité du Clos de Vougeot Liger-Belair 1919, je décide de prendre les choses en mains, et je sers treize verres sur une autre table, en homogénéisant pour chaque verre des gouttes du début, du milieu et de la fin de bouteille. Ce vin n’aurait pas résisté à un carafage. Le vin a perdu une partie de ses pigments, car le dépôt en fond de bouteille est fort noir. Mais le nez est subtil et la bouche charmante. C’est un vin plaisant, même si l’on voit bien qu’on est loin de ce qu’il pourrait être.

A ce stade, fatigué car je m’étais levé à 4h45 ce matin pour prendre le premier avion, mon vote est le suivant : 1 – Monfortino 1990, 2 – champagne Substance de Jacques Selosse, 3 – Monfortino 1955, 4 – Monfortino 1978, 5 – Clos de Vougeot 1919.

Je constate avec effroi qu’il reste deux magnums de Monfortino à servir, ainsi que deux sauternes. Mon intention est de faire l’impasse du Monfortino 1998. Je la fais. Mais quand mon voisin me fait sentir le Monfortino 1987, je ne peux résister, car c’est celui-là qui est le plus parfait. Ce Monfortino a tout pour lui. Le nez est intelligent, spirituel, et en bouche, il est d’une pureté irréelle. C’est le plus grand de tous.

J’avais demandé à Maria Cristina quelques tranches de quartiers d’orange pelés et poêlés. Avec le Cru Labonade Peyraguey Sauternes 1949, l’association est excitante et sera plébiscitée par plusieurs convives. Le Sauternes n’est pas puissant mais il est expressif. Il est délicieux. C’est un petit cousin, en très discret, de l’éblouissant Lafaurie-Peyraguey, un de mes sauternes préférés. Un Sauternes générique de négoce 1919 est bouchonné, avec un goût de poussière. Mes nouveaux amis constateront avec étonnement à quel point ce vin va s’améliorer, sans revenir toutefois à ce qu’il devrait être. Mais il devient « presque » bon. Mon vote final, qui satisfera Roberto Conterno, est le suivant :

1 – Monfortino 1987, 2 – Monfortino 1990, 3 – champagne Substance de Jacques Selosse, 4 – Monfortino 1955, 5 – Monfortino 1978, 6 – Sauternes Cru Labonade Peyraguey 1949, 7 – Clos de Vougeot 1919.

A noter que le 1955 que j’avais repéré au nez à l’ouverture des vins fut le vin préféré de l’un des deux organisateurs.

Je descendis les rues de ce village pour rejoindre ma chambre d’hôte suffisamment confortable pour une nuit réparatrice. Je retrouvai les organisateurs pour un petit déjeuner à l’hôtel « Le Torri » où ils logeaient. Nous déjeunâmes ensemble, mais à l’eau cette fois. Le patron, mari de la sympathique cuisinière nous offrit le repas, ce qui confirme encore l’impression chaleureuse de ce restaurant où il faut revenir. Tant de générosité culinaire et humaine mérite d’être encouragée.

Que retenir de ce dîner ? Je ne connaissais pas bien les Barolo. Cette verticale aura levé le coin d’un voile. Il est assez significatif qu’aimant les vins anciens j’ai préféré en ce dîner des vins très jeunes. Est-ce parce que Monfortino vieillit mal ou est-ce dû aux bouteilles présentées ? Je crois que ce vin s’exprime mieux quand il a vingt ans. Il peut vieillir, comme le montre le 1955. Mais le plaisir sera plus grand pour un vin de quinze à vingt ans.

Je retiens l’accueil plus que sympathique des deux organisateurs, suffisamment discrets pour laisser chacun s’exprimer. Je retiens l’atmosphère amicale qu’ont créée les deux restaurateurs, ce qui donne envie de revenir vite. Je retiens la beauté des sites piémontais qu’un brouillard m’a empêché de contempler, identique à la fatigue qui embrumait les plus anciens barolos. Il me reste encore à découvrir des barolos âgés qui rivaliseraient avec leurs contemporains français. Et je retiens les propos intéressants échangés avec des amateurs talentueux, expérimentés et passionnés.

Ce fut un bien beau voyage, dont le souvenir sera aussi tenace que le parfum d’une truffe blanche d’Alba.

Les Chateau Chalon montent à Paris ! jeudi, 2 novembre 2006

A l’INAO, dans un hôtel particulier à la décoration luxueuse d’une autre époque, dans une salle vert et or dont le vert insistant, imprégnant, crée une atmosphère d’irréalité, les vignerons du Jura présentent leurs Château Chalon, et uniquement ce vin là, pour les années 1999, 1998 et 1997. Et puis ils se laissent aller pour remonter les années jusqu’en 1947. Une des conditions pour accéder aux plus anciens est d’avoir goûté tous les plus jeunes. Comparer les mérites de Tissot, Macle, la fruitière de Voiteur, Durand-Perron, Courbet, Grand, Bourdy et autres vignerons est sans doute d’un grand intérêt pour les professionnels qui sont venus nombreux par curiosité, devoir de savoir, soutien et amitié. Pour moi qui n’ouvrirai sans doute jamais des années aussi jeunes, c’est plus l’occasion de butiner. Et je fais bien, car en passant des années qui m’inspirent à ces vins jeunes, je me plais à les aimer. Si l’âge convient à Château Chalon, la jeunesse est loin d’être rédhibitoire. Mais un tropisme certain m’attire vers la table où Jean-François Bourdy présente les plus anciens présentés, que je connais déjà. Le Château Chalon Bourdy 1958 est très plaisant, joyeux.

Château Chalon Bourdy 1952, que j’avais déjà encensé lors de la fabuleuse dégustation de plus d’un siècle de Château Chalon me plait au-delà de tout. Il est plus aérien, moins vineux, et son élégance naturelle s’accorde à mon palais. Le Château Chalon Bourdy 1949 d’une première bouteille me paraissait un peu limité. Une seconde bouteille à l’ouverture d’une minute seulement m’apparaît beaucoup plus excitante.

celui-ci sera bu le 9 novembre

Le Château Chalon Bourdy 1955 que je vais d’ailleurs ouvrir à un dîner la semaine prochaine est toujours aussi sûr, complet, parfait. Le 

Le Château Chalon Bourdy 1947, c’est le Château Chalon parfait, impérial de construction. Mais j’avoue un petit faible pour le 1952 moins typique. Dans la hiérarchie logique, le 1947 sera devant 1952. Ce sont des vins de pur plaisir qu’un Comté de 24 mois et un Comté de 15 mois mettent en valeur avec classicisme et pertinence. C’était un exploit de faire venir à Paris autant de vignerons du Jura ensemble pour présenter leurs vins. Beaucoup de sommeliers et gens de presse sont venus. Il fallait que cette promotion de vins merveilleux eût lieu.

MONTRACHET BOUCHARD 1988 lundi, 16 octobre 2006

J’ai la chance d’avoir bu des années mythiques de ce vin de légende de la maison Bouchard Père & Fils :

1864 – 1865 – 1923 – 1953 – 1961 – 1980 – 1983 – 1988 – 1990 – 1999 – 2002 – 2003 – 2004

Je teste un nouveau logiciel de traitement de photo en ajoutant cette photo du dernier Montrachet bu en Belgique.

 Apparemment je ne suis pas encore très doué car la taille de la photo dépassait la feuille.

Cette bouteille a été bue lors du dîner en Belgique raconté ci-dessous.

vins de Massandra lundi, 16 octobre 2006

Je me suis rendu à un dîner en Belgique pour boire notamment quatre vins de Massandra.

L’histoire de ces vins est assez étrange : en Crimée, un tsar a voulu reconstituer des vignes de vins parmi les plu grands du monde. Nous avons goûté un Muscat rose, un Pedro Ximenez, un Tokaj faits en Crimée.

L’histoire de tout cela est fabuleuse voire chimérique, car on parle de vins versés dans la mer qui ont coloré la mer de sang, on parle de caves murées pour éviter que les vins soient pillés.

Et, tel le chevalier blanc, Sotheby’s est là, reconnaît

La Crimée était presque parfait(e)

les vins et les années, fait de belles étiquettes et elles atterrissent sur notre table.

Quelle que soit l’addition de rêve et d’aventures à ce récit, ce que nous avons bu ressemble à mes plus beaux désirs. Alors …

un compte-rendu de dégustation de notre ami Laurent Gibet de Ganesh a été mis sur le forum de Bettane et Desseauve (cliquez sur le mot "compte-rendu").

ces saveurs complètement exotiques sont envoûtantes

 

dégustation de vins de Trimbach lundi, 9 octobre 2006

La Maison Trimbach présente ses vins à la Maison de l’Alsace sur les Champs Elysées. Occasion de goûter les excellents fromages de Bernard Antony.

Le Riesling Cuvée Frédéric Emile 2001 est une belle entrée en matière des vins du Domaine. Le Riesling Clos Sainte Hune 2001 annonce une future grande complexité, mais il faudra savoir attendre, car c’est encore trop tôt pour le boire, impression qui sera confirmée par le Clos Sainte Hune 1983 qui me replonge dans l’univers magique de ce grand vin, vedette d’une verticale à Los Angeles.

Le Pinot Gris Hommage à Jeanne 2000 est d’une rare subtilité. La grand-mère, née en 1900 aura peut-être eu le temps de boire ce vin fait en hommage à ses cent ans, puisqu’elle s’est éteinte en 2003.

Le Gewurztraminer sélection de grains nobles 2000 est d’un travail étonnant et promet beaucoup. Mais il est encore en évolution. Alors que le Gewurztraminer sélection de grains nobles 1989 est éblouissant de sérénité et me rappelle à juste titre qu’il faut vouer à l’Alsace une adoration sans borne : ces vins sont d’une séduction subtile à nulle autre pareille.

Avec Jean Trimbach, nous nous remémorons nos aventures californiennes et cette « sushi party » où j’avais ouvert un vin des Canaries de 1828. Cette piqûre de rappel aux grands vins d’Alsace était indispensable.

champagnes Pol Roger au George V mardi, 19 septembre 2006

Plusieurs champagnes Pol Roger sur une belle cuisine

L’hôtel George V organise depuis quelques mois des dîners littéraires associant la présentation d’un livre et la présentation d’un vin, avec ses vignerons et les commentaires du directeur du Cinq, Eric Beaumard.

Le Pol Roger 1998 pur Chardonnay est un champagne à la robe très blanche, à la bulle fine, active, qui a un gras surprenant car il pleure sur les parois du verre. Le nez est joli mais relativement discret. En bouche, c’est toute la définition des champagnes en pur Chardonnay. Etant adorateur de Salon, je vibre évidemment à ce champagne racé, peu dosé, qui m’indique que l’année 1998 est prometteuse d’un bel avenir.  A l’apéritif, avec des copeaux de tourteau, c’est ravissant. Et, facteur qui ne trompe pas, c’est un champagne qu’on redemande, champagne de jolie soif. Lorsque nous passons à table, j’ai signalé à mes voisins de bien observer le comportement du champagne avec l’huître, et c’est époustouflant de voir la densité et la longueur infinie que prend ce beau champagne avec l’huître, le sel étant un multiplicateur d’intensité. Eric Beaumard a expliqué le pourquoi du thé vert sur l’huître, à cause du goût de foin du champagne. Et en l’écoutant, je sentais le foin. Je percevais aussi en fond de bouche de la confiture de rose. C’était un autre aspect, complémentaire, de ce vin.

Le Pol Roger Vintage 1998 est fait de Pinot Noir en plus du Chardonnay. Et là, tout change. La couleur est aussi très blanche, la bulle est plus lourde. Le nez est spectaculaire de densité. C’est intense, lourd, capiteux. En bouche, c’est presque du plomb fondu. S’il y a des fleurs blanches, du pain brioché, c’est d’éléments lourds qu’il s’agit. Alors, bien sûr, quand on lui associe la langoustine presque sucrée, au goût de délicat bonbon, il s’anime dans une direction. J’ai préféré quand il s’exprime sur le chou, car le chou civilise sa puissance intrinsèque énorme. Eric Beaumard a expliqué pourquoi la langoustine était légèrement sucrée, le vinaigre s’associant à du miel et pourquoi le chou avait tant mariné. Ce champagne est un vin de gastronomie, qu’on associera sans aucun problème avec des recettes complexes. Un grand champagne vineux, goûteux, fort pour des joutes culinaires.

Quand arrive la Cuvée Winston Churchill 1996, curieusement, ma première impression est d’un champagne plus aérien, plus léger, voire même un peu aqueux. Mais quand la trace en bouche du précédent champagne s’estompe, on mesure la grandeur et la complexité de cette cuvée. Une subtilité, une race, une longueur. C’est noble. Patrick Noyelle, directeur général de Pol Roger, nous a expliqué pourquoi le nom de Winston Churchill a pu être associé à celui de Pol Roger. Il ne nous a pas livré la composition qui reste secrète. Eric Beaumard explique les incroyables complications de la préparation du bar pour coller au Pol Roger Winston Churchill, mais comme souvent, je vibre beaucoup plus sur la chair seule du bar, dans son intégrité (évidemment influencée par le fumet de ce qui l’entoure).

Je me lasse un peu de l’association du champagne rosé et de la tartelette aux fraises des bois. Lorsque j’avais goûté le Dom Pérignon rosé 1990, j’avais envie de canard sauvage. Si ce Pol Roger rosé 1999 est agréable, j’avoue avoir peu vibré.

Et la preuve vient du voyage en sens inverse. Car en buvant après le rosé le Winston Churchill et le Vintage, on voit que le rosé est d’une structure assez conventionnelle, que le Vintage est spectaculairement puissant et envahissant. Mais c’est la noblesse pure du Winston Churchill qui le place au firmament.

Ce soir, le charme des vins était indissociable du charme du lieu, du charme des propos d’une poésie rare d’Eric Beaumard, des choix culinaires d’un intérêt gastronomique majeur.

Les champagnes Pol Roger étaient d’une grande émotion. Leur présentation fut réussie.