Archives de catégorie : vins et vignerons

Dîner au château de Beaune avec des vins de Bouchard du 19ème siècle vendredi, 17 novembre 2006

Nous nous rendons au château de Beaune où l’apéritif nous permet d’évoquer nos impressions sur les vins de 2005 que nous avons goûtés à la cuverie. Nous goûtons un champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1988. Ce champagne a une personnalité imprégnante. Vineux, typé, il passe en force. C’est un très grand champagne envoûtant. Serena Sutcliffe avec qui je bavarde me confirme l’impression d’un saut qualitatif majeur de la maison Bouchard Père & Fils avec cette nouvelle cuverie.

Nous passons à table dans l’orangerie et Stéphane Follin Arbelet présente les salutations de Joseph Henriot, triste de ne pas célébrer avec nous ce symbolique 275ème anniversaire. Le menu est très raffiné : émulsion de potimarron aux truffes / terrine de foie gras de canard légèrement fumé au pain d’épices / bar de ligne rôti aux fruits secs et au beurre citronné / suprême de volaille aux morilles, riz sauvage et petits légumes / noisette de chevreuil, superposé de pomme Golden à la crème de céleri / Comté et fromage de Citeaux, pain aux noix / manon aux poires, coulis de framboise.

Le Chevalier Montrachet en magnum Bouchard Père & Fils 1992 a un nez très beurré. En bouche, le beurré est très clair. Il y a une astringence minérale qui me gêne un peu, qui sera confirmée sur un deuxième magnum. Je suis troublé par la combinaison du citron vert et du crémeux. Cela limitera un peu mon plaisir. C’est peut-être une phase actuelle de ce vin que j’ai connu plus rond.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 a été vendangé en partie sous la neige. Peut-on imaginer cela ? Yann me sert un fond de bouteille. Le nez est phénoménal, fait de thé, de fruits comme la grenade, de poivre et de piment. En bouche, c’est sublime. Le bois est un bois de pin sur un fond crémeux. C’est onctueux, combinant le gras et le sec. Eblouissant sur le plat. Le vin est profond et sa complexité apparaît sur la figue. Un deuxième verre est plus strict, mais l’émotion est intacte. Je sens le thé. Le nez devient éblouissant quand le vin s’ouvre. La bouche devient somptueuse. Ce vin aurait besoin de beaucoup plus d’oxygène.

Je connaissais déjà le Meursault Charmes Bouchard Père & Fils 1846 que j’ai commenté dans un bulletin. Il se présente avec un nez d’ananas, d’un équilibre rare. Quelques traces de fruits confits. En bouche, il y a des notes d’agrumes, une acidité absolument élégante qui montre que ce vin a un avenir infini. Le final est d’un équilibre absolu, avec des fraîcheurs de fruits jaunes. Il grandit encore quand il s’oxygène, prenant des notes magiques d’agrumes qu’équilibre une petite trace de vanille. Habitué maintenant à ces vins qui dépassent les 150 ans, je trouve « normal » qu’ils aient cette perfection. Mais, convenons-en, c’est totalement renversant. Stéphane me demande de commenter ce vin. Je rappelle mes notes précédentes que j’avais apportées et lis mes notes de ce soir. Le journaliste du New York Times spécialiste du vin est venu me demander de lui communiquer ces commentaires pour un futur article. Ça fait plaisir.

Le Corton Bouchard Père & Fils 1990 est totalement charmant, tout en douceur. Le boisé est bien organisé. On sent la truffe. Il tient en bouche remarquablement. Il y a quelque chose de magique dans Le Corton par la gestion très raffinée du boisé. Tout ici est en retenue. C’est une grande promesse pour demain.

Le Volnay Caillerets ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1929 est une invraisemblable surprise. Sa couleur est irréelle. Le nez est très jeune et animal. Un voisin de table évoque l’after-eight, chocolat et menthe. J’y vois plutôt du café. Ce vin est une surprise par sa pétulance endiablée.

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1865 a un nez très pur. Je l’avais déjà goûté en même temps que le 1947, et la constance de personnalité m’avait impressionné. Une fois de plus ce vin est jeune, avec une sorte d’évidence. Il y a un petit côté Porto qui me rappelle le Cheval Blanc 1947 bu il y a seulement deux jours. Un peu de fumé, de tison. Sa jeunesse éblouit. C’est un vin légendaire à la trace alcoolique très nette. Un voisin de table me pose cette question : « si vous cherchez dans ces vins de la jeunesse, pourquoi ne pas boire plutôt des vins jeunes ? ». Je lui réponds que ces vins anciens existent. Il faut donc les boire. De plus, la jeunesse, on la constate, on ne la recherche pas. On recherche plutôt la complexité aromatique.

la cave de Bouchard n’est pas nettoyée au plumeau !

Le

Si la jeunesse insolente de ces vins m’impressionne, car aucune autre cave privée n’a les mêmes conditions idéales de conservation, ce qui m’enthousiasme ce sont les saveurs invraisemblables et les synthèses  intégrées de ces vins. Aucun vin de dessert n’ayant été prévu, je servis discrètement à mes voisins de table le Bourbon 1900 que j’avais pris dans ma musette pour ce voyage pour le partager avec des amateurs. Il s’accorda très bien avec le dessert.

Une fois de plus la féerie des vins extraordinaires de la collection Bouchard a impressionné de très grands spécialistes des vins. J’ai pensé au plaisir que j’aurais eu à partager ces trésors avec Joseph Henriot.

En rentrant à l’hôtel, je me suis fait la réflexion suivante : dans une cave privée, on trouve des 1928 et 1929 brillants de vie. Cela arrive fréquemment si la cave est bonne. La cave Bouchard dispose de conditions de température et d’hygrométrie qui permettent au vin de se conserver plus longtemps. Mais de là à ajouter 80 ans, je ne crois pas que l’effet lié à la cave ait cette ampleur. J’en déduis la réflexion suivante : si l’on constate avec plaisir que la cave Bouchard permet à des vins de 160 ans de prouver qu’ils ont encore de l’avenir, je ne vois pas pourquoi l’on mettrait en doute qu’une bonne cave privée ait des vins de 80 à 100 ans qui aient aussi un bel avenir. Il faut croire en ce patrimoine français beaucoup plus vivant qu’on ne l’imagine. La maison Bouchard lui apporte sa percutante démonstration.

les vins de Jean-Marc Boillot au George V mardi, 14 novembre 2006

Nouveau dîner littéraire à l’hôtel George V avec deux vedettes. Bernard Pivot et son « dictionnaire amoureux du vin », et les vins de Jean Marc Boillot. Nous sommes accueillis par un Puligny-Montrachet Champs Canet 1er cru Jean Marc Boillot 1992. Quand on arrive à 20 heures, sans avoir mangé, c’est un choc gustatif beaucoup plus grand qu’avec un champagne. Mais les amuse-bouches permettent la prise de contact. On peut mieux constater l’ampleur de l’année 1992 et le travail du vigneron. Ce Puligny a une très belle définition.

Le menu concocté par le Cinq est toujours aussi précis et bien exécuté : tourtière façon landaise à l’aubergine poivrée et aux cèpes / foie gras poêlé aux coquillages / lièvre de Beauce à la Royale / pomme de terre cuite au four à la crème de reblochon et au lard de Toscane / tarte façon Tatin, sauce au cidre et crème glacée à la vanille. L’intelligence des plats fut expliquée par Eric Beaumard, bondissant et primesautier, au savoir encyclopédique.

Le Pommard-Rugiens 1er cru JM Boillot en magnum 2003 a un nez exceptionnel, comme d’un vin sortant de fût. La surprise est forte, car en bouche le vin est court. C’est un beau vin très complexe qui évoque la prune, le clou de girofle, le piment et le cassis. Mais il reste court. Il s’ouvrira sans doute dans une heure.

Le Pommard-Rugiens 1er cru JM Boillot en magnum 1991 a un nez fondamentalement différent, domestiqué. Ce nez est calme et beau. En bouche il est très accueillant. Sur la sauce du foie gras, c’est un vrai bonheur. Je trouve ce vin d’un confort total. C’est l’équilibre absolu.

Le Pommard-Rugiens 1er cru JM Boillot en magnum 1990 a un nez magnifique. Il y a de la puissance et on retrouve les épices du 2003 mais avec un bel épanouissement. En bouche, c’est beau comme la rosace de la cathédrale de Chartres. Il est mis en valeur par le lièvre à la Royale très fort, très intense. Le Pommard surfe sur cette difficulté gustative avec brio. Son fruité est immense. Ce vin a un équilibre rare.

Le Pommard-Rugiens 1er cru JM Boillot en magnum 1999 a un nez éblouissant. En bouche c’est un peu court, mais c’est calibré pour la pomme de terre et le fromage. L’accord est brillant. Ayant gardé un peu de Puligny, je pensais que l’accord avec ce plat serait évident. Eh bien pas du tout. C’est bien le Pommard qui convient à cette composition à base de fromage. Chapeau bas à Eric Beaumard. Revenant sur mon jugement premier sur la longueur du vin, je prédis plus d’avenir pour le 1999 que pour le 1990. Ce qui me permet de faire un classement un peu iconoclaste : 1999 / 1991 / 1990 / 2003. La pureté de ce Pommard est assez exceptionnelle. Jean-Marc Boillot est très sympathique, discret, très concerné par la performance de ses vins qu’il élève avec compétence. Bernard Pivot est présenté par Olivier Barrot qui parle de lui avec admiration. Bernard Pivot jubile de parler de vin et donne des anecdotes aussi joyeuses que le vin de jean-Marc Boillot. De telles soirées marquées par une joie communicative sont précieuses.

verticale de Barolos Monfortino à Castiglione Falletto samedi, 11 novembre 2006

Je suis dans un avion en partance pour Turin. Le dîner où je vais me rendre, je n’en sais pas grand-chose. On m’a dit qu’il y aurait un groupe rare de vieux Barolo. J’avais tant entendu – pour autant qu’on entende sur internet – que les Barolo sont les plus grands vins du monde, qu’il me fallait m’y rendre. Survoler les Alpes en constatant que les neiges éternelles sont devenues très rares est assez impressionnant. Je comprends les craintes de Yann Arthus-Bertrand. Je me dirige vers Alba où c’est jour de marché puis vers le Ristorante « Le Torri » de Maria Cristina Rinaudi à Castiglione Falletto, petit village perché, proche d’Alba, dominant des vignes de Barolo. Revenant à Alba pour acheter un tirebouchon plus propice aux vins anciens que les outils du restaurant, j’assiste à la vente de truffes blanches sur des étals de circonstance. Il parait qu’elles ne sont pas très belles cette année : « ah, si vous étiez venu en 2004 !», phrase qui rappelle le grand classique des pêcheurs : « vous seriez venu hier, on avait à peine le temps de lancer la mouche qu’une prise était faite ».

Je suis accueilli par deux suisses, organisateurs de l’événement, qui me connaissaient par des forums et avaient lu mon livre. Décidemment, après le dîner belge, j’ai plus de lectorat hors des frontières qu’en leur sein. De retour de notre promenade en Alba, nous déjeunons à « Le Torri » et je peux constater la générosité et la motivation de ce jeune couple. Tout aura été fait, à ce déjeuner mais surtout au dîner, pour que nous soyons satisfaits.

Le dîner a pour thème les Barolo Conterno Monfortino aussi à midi nous prendrons des Barolo Conterno qu’on pourrait appeler « ordinaires » puisqu’il ne sont pas Monfortino, mais sont de grands vins. Le Barolo Conterno 1998 est une bonne entrée en matières pour comprendre ce monde fascinant. Le Barolo Conterno 1997 est très différent, plus typé même si moins direct. Lequel préférer ? La difficulté de la réponse préfigure les dilemmes de ce soir.

J’ai tellement parlé de mes méthodes d’ouverture des vins qu’on me demande d’officier. Je le fais bien volontiers et l’un des organisateurs est impressionné que l’on puisse sortir intégralement des bouchons qu’il imaginait se désagréger entièrement. C’est le nez du 1955 qui est le plus éblouissant. Sentant le nez des deux vieux sauternes, je demande à Maria Cristina si elle peut faire un dessert de quartiers d’oranges juste poêlés. Sa gentillesse n’aura pas de limites.

Nous serons treize à table. Je reconnais un ami suisse avec lequel j’avais participé à une historique verticale d’Yquem, un membre du Grand Jury Européen, ce jury qui classifie des vins dans des confrontations célèbres. Le propriétaire du domaine, Roberto Conterno, est là au milieu de suisses, italiens, monégasques auxquels s’ajoute un sommelier américain. Je suis le seul français. Roberto a imposé la formule, qui ressemble plus à une dégustation thématique qu’à un dîner.

Le temps de se présenter et de regarder les bouchons que j’ai présentés dans de petites assiettes, nous dégustons un champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2005. Ayant été conquis par ce champagne en Savoie, à Jongieux, je bois du petit lait. La bulle s’éteint très vite. Mais le vin, d’une élégance hors du commun est remarquable. Combinant le vineux et le floral, je l’imagine volontiers s’associer à des coquilles Saint-jacques.

L’entrée dans le monde de Conterno commence par le Barbera Cascina Francia 2001. Ce vin sera très bon dans quinze ans, mais pour l’instant, c’est trop fort, très fruité, voire agressif. Trop envahissant pour moi.

Roberto Conterno avait insisté pour que l’on ait devant soi dix verres, comme s’il fallait faire une dégustation professionnelle. L’esprit des convives était plus à vagabonder de l’un à l’autre autour d’un repas. Grâce au talent de Maria Cristina, nous avons pu trouver un juste équilibre entre l’examen œnologique et le plaisir gastronomique.

Nous passons à table. Voici le menu : tartare de veau piémontais et saucisse de veau de Bra / œuf poché et sa fondue de fromage / pâtes « Tajarin di Bruna » à la viande de Bra / cochon de lait et poireaux de Cervere / fromages régionaux / tranches d’orange juste poêlées / tourte au citron / tarte aux pommes à la crème / mignardises et café.

Le premier service de vins comprend les Monfortino 1993, 1990, 1988, 1985 et le Barolo Cascina Francia 1982. Le compte-rendu qui va suivre provient des notes prises à la volée. Ces vins riches changeant perpétuellement dans le verre, les impressions ne cessent de changer.

Au nez, le 1985 est le plus brillant. Le 1982 est dans des gammes d’odeurs qui me correspondent. Le 1990 a un nez très brillant. En bouche, le 1993 est très astringent, très vert, pas ouvert. Le 1990 commence par être austère, tannique. Le 1988 s’oriente vers des saveurs de Porto. Le 1985 est grand, long, son amertume est élégante. Un voisin fait remarquer que tous les vins ont des notes de cacao. Le 1982 a énormément de dépôt. Il est agréable, même s’il a évolué et vieilli. J’aurais volontiers commencé à classer le 1985 devant le 1990, mais ce dernier s’impose. Comme tous ces goûts changent presque à chaque gorgée tant ces vins s’épanouissent, à un moment le 1988 passe en tête, malgré son léger goût de bouchon. Le 1982 fait trop « brûlé », le 1993 s’anime. Le 1990 a une structure d’une noblesse rare, le 1985 fait plus évolué. L’onctuosité du 1990 me plait énormément. Mon classement à ce stade est 1990 / 1985 / 1988 / 1993 / 1982, alors que j’entends beaucoup de convives mettre le 1982 en premier. Roberto Conterno nous demande : « s’il y avait une seule bouteille à acheter maintenant, laquelle prendriez-vous ? ». La majorité penche pour 1985 puis pour 1982. Je suis le seul à indiquer 1990 qui représente pour mon palais la structure la plus raffinée. Pour mon goût, les 1990 et 1985 se détachent du lot.

La deuxième série comporte les Monfortino 1978, 1971, 1961 et 1958 et le Barolo Cascina Francia 1964. Il y a une nette séparation des couleurs. Les 1978 et 1971 ont un beau rouge foncé. Les trois plus vieux ont un rouge très clair tendant parfois vers le tuilé et vers des robes de bourgognes vieux de plus de cinquante ans. Le nez du 1978 est très pur, brillant. Le nez du 1971 est grand, presque parfait. Celui du 1964 fait nettement avancé. Le nez du 1961 est plus intéressant même s’il trahit son âge. Le nez du 1958 est encore plus avancé avec des tendances animales.

En bouche, le premier contact avec le 1978 est celui d’un vin fruité, très beau, qu’une légère acidité rétrécit un peu. Cette caractéristique va disparaître. Le 1971 est un peu amer mais a plus de longueur. Il n’est pas opulent, mais sa trame est belle. Le 1964 est très étonnant, car il apparaît sur l’instant flamboyant. Il est loin d’être parfait, il a une petite fatigue, mais il est rond, joyeux, alcoolique. Le 1961 est très exact. Rond, fruité, équilibré, structuré, il remplit bien la bouche. Le 1958 ressemble à un armagnac. C’est plaisant, mais ce n’est plus du Barolo. Noter des vins si différents va devenir difficile car chacun a sa personnalité. Le 1978 qui fait plus jeune a gagné en longueur. C’est vraiment le Barolo dans la définition que j’imagine, n’en étant pas expert. Le 1971 reste amer, le 1964 perd de son charme. Le 1961 reste beau, le 1958 garde une structure très forte et atypique. Je classerais volontiers 58 / 78 / 61 / 71 / 64 malgré le charme initial du 64. Après plusieurs approches, mon classement de cette série sera 1978 / 1961 / 1971 / 1958 / 1964. Dans la première série, il y avait deux vins au dessus du lot. Ici, c’est le 1978 seul qui émerge.

Roberto demande à nouveau quelle bouteille serait achetée parmi les dix bues jusqu’à présent. Une grande majorité de désirs se tournent vers le 1978. Vient ensuite le 1971, que je ne trouve pourtant pas parfait. Je suis le seul à voter pour le 1990.

Il faut vite laver des verres pour accueillir les vins suivants et chacun hésite sur les verres à rendre, car beaucoup des amateurs présents voudraient suivre les odeurs de ces grands vins qui évoluent toujours. Le Barolo Conterno Monfortino 1955, qui avait l’odeur la plus belle à l’ouverture et pour lequel j’avais dit avant le repas et sans l’avoir goûté : « vous verrez, ce sera le gagnant », délivre maintenant une odeur parfaite. Je suis amoureux de son goût, fait de terre et de truffe. Il est chaud en bouche. Il est de la trempe du 1961, avec un équilibre très supérieur. Petit à petit il va perdre ses racines terriennes. Je me demande s’il n’eût pas fallu l’ouvrir au dernier moment.

Le Barolo Conterno Monfortino 1943 dont le niveau dans la bouteille était assez bas par rapport aux autres a une couleur trop tuilée. Au nez, l’alcool domine, et en bouche, il y a des inflexions animales. Ce vin a dépassé les limites de sa vie, même s’il est buvable. Il n’a plus de réel intérêt. Le 1955 continue d’être fort, alcoolique, puissant.

Tous les vins anciens avaient été carafés avant le service pour éviter le dépôt. Voyant la fragilité du Clos de Vougeot Liger-Belair 1919, je décide de prendre les choses en mains, et je sers treize verres sur une autre table, en homogénéisant pour chaque verre des gouttes du début, du milieu et de la fin de bouteille. Ce vin n’aurait pas résisté à un carafage. Le vin a perdu une partie de ses pigments, car le dépôt en fond de bouteille est fort noir. Mais le nez est subtil et la bouche charmante. C’est un vin plaisant, même si l’on voit bien qu’on est loin de ce qu’il pourrait être.

A ce stade, fatigué car je m’étais levé à 4h45 ce matin pour prendre le premier avion, mon vote est le suivant : 1 – Monfortino 1990, 2 – champagne Substance de Jacques Selosse, 3 – Monfortino 1955, 4 – Monfortino 1978, 5 – Clos de Vougeot 1919.

Je constate avec effroi qu’il reste deux magnums de Monfortino à servir, ainsi que deux sauternes. Mon intention est de faire l’impasse du Monfortino 1998. Je la fais. Mais quand mon voisin me fait sentir le Monfortino 1987, je ne peux résister, car c’est celui-là qui est le plus parfait. Ce Monfortino a tout pour lui. Le nez est intelligent, spirituel, et en bouche, il est d’une pureté irréelle. C’est le plus grand de tous.

J’avais demandé à Maria Cristina quelques tranches de quartiers d’orange pelés et poêlés. Avec le Cru Labonade Peyraguey Sauternes 1949, l’association est excitante et sera plébiscitée par plusieurs convives. Le Sauternes n’est pas puissant mais il est expressif. Il est délicieux. C’est un petit cousin, en très discret, de l’éblouissant Lafaurie-Peyraguey, un de mes sauternes préférés. Un Sauternes générique de négoce 1919 est bouchonné, avec un goût de poussière. Mes nouveaux amis constateront avec étonnement à quel point ce vin va s’améliorer, sans revenir toutefois à ce qu’il devrait être. Mais il devient « presque » bon. Mon vote final, qui satisfera Roberto Conterno, est le suivant :

1 – Monfortino 1987, 2 – Monfortino 1990, 3 – champagne Substance de Jacques Selosse, 4 – Monfortino 1955, 5 – Monfortino 1978, 6 – Sauternes Cru Labonade Peyraguey 1949, 7 – Clos de Vougeot 1919.

A noter que le 1955 que j’avais repéré au nez à l’ouverture des vins fut le vin préféré de l’un des deux organisateurs.

Je descendis les rues de ce village pour rejoindre ma chambre d’hôte suffisamment confortable pour une nuit réparatrice. Je retrouvai les organisateurs pour un petit déjeuner à l’hôtel « Le Torri » où ils logeaient. Nous déjeunâmes ensemble, mais à l’eau cette fois. Le patron, mari de la sympathique cuisinière nous offrit le repas, ce qui confirme encore l’impression chaleureuse de ce restaurant où il faut revenir. Tant de générosité culinaire et humaine mérite d’être encouragée.

Que retenir de ce dîner ? Je ne connaissais pas bien les Barolo. Cette verticale aura levé le coin d’un voile. Il est assez significatif qu’aimant les vins anciens j’ai préféré en ce dîner des vins très jeunes. Est-ce parce que Monfortino vieillit mal ou est-ce dû aux bouteilles présentées ? Je crois que ce vin s’exprime mieux quand il a vingt ans. Il peut vieillir, comme le montre le 1955. Mais le plaisir sera plus grand pour un vin de quinze à vingt ans.

Je retiens l’accueil plus que sympathique des deux organisateurs, suffisamment discrets pour laisser chacun s’exprimer. Je retiens l’atmosphère amicale qu’ont créée les deux restaurateurs, ce qui donne envie de revenir vite. Je retiens la beauté des sites piémontais qu’un brouillard m’a empêché de contempler, identique à la fatigue qui embrumait les plus anciens barolos. Il me reste encore à découvrir des barolos âgés qui rivaliseraient avec leurs contemporains français. Et je retiens les propos intéressants échangés avec des amateurs talentueux, expérimentés et passionnés.

Ce fut un bien beau voyage, dont le souvenir sera aussi tenace que le parfum d’une truffe blanche d’Alba.

Les Chateau Chalon montent à Paris ! jeudi, 2 novembre 2006

A l’INAO, dans un hôtel particulier à la décoration luxueuse d’une autre époque, dans une salle vert et or dont le vert insistant, imprégnant, crée une atmosphère d’irréalité, les vignerons du Jura présentent leurs Château Chalon, et uniquement ce vin là, pour les années 1999, 1998 et 1997. Et puis ils se laissent aller pour remonter les années jusqu’en 1947. Une des conditions pour accéder aux plus anciens est d’avoir goûté tous les plus jeunes. Comparer les mérites de Tissot, Macle, la fruitière de Voiteur, Durand-Perron, Courbet, Grand, Bourdy et autres vignerons est sans doute d’un grand intérêt pour les professionnels qui sont venus nombreux par curiosité, devoir de savoir, soutien et amitié. Pour moi qui n’ouvrirai sans doute jamais des années aussi jeunes, c’est plus l’occasion de butiner. Et je fais bien, car en passant des années qui m’inspirent à ces vins jeunes, je me plais à les aimer. Si l’âge convient à Château Chalon, la jeunesse est loin d’être rédhibitoire. Mais un tropisme certain m’attire vers la table où Jean-François Bourdy présente les plus anciens présentés, que je connais déjà. Le Château Chalon Bourdy 1958 est très plaisant, joyeux.

Château Chalon Bourdy 1952, que j’avais déjà encensé lors de la fabuleuse dégustation de plus d’un siècle de Château Chalon me plait au-delà de tout. Il est plus aérien, moins vineux, et son élégance naturelle s’accorde à mon palais. Le Château Chalon Bourdy 1949 d’une première bouteille me paraissait un peu limité. Une seconde bouteille à l’ouverture d’une minute seulement m’apparaît beaucoup plus excitante.

celui-ci sera bu le 9 novembre

Le Château Chalon Bourdy 1955 que je vais d’ailleurs ouvrir à un dîner la semaine prochaine est toujours aussi sûr, complet, parfait. Le 

Le Château Chalon Bourdy 1947, c’est le Château Chalon parfait, impérial de construction. Mais j’avoue un petit faible pour le 1952 moins typique. Dans la hiérarchie logique, le 1947 sera devant 1952. Ce sont des vins de pur plaisir qu’un Comté de 24 mois et un Comté de 15 mois mettent en valeur avec classicisme et pertinence. C’était un exploit de faire venir à Paris autant de vignerons du Jura ensemble pour présenter leurs vins. Beaucoup de sommeliers et gens de presse sont venus. Il fallait que cette promotion de vins merveilleux eût lieu.

MONTRACHET BOUCHARD 1988 lundi, 16 octobre 2006

J’ai la chance d’avoir bu des années mythiques de ce vin de légende de la maison Bouchard Père & Fils :

1864 – 1865 – 1923 – 1953 – 1961 – 1980 – 1983 – 1988 – 1990 – 1999 – 2002 – 2003 – 2004

Je teste un nouveau logiciel de traitement de photo en ajoutant cette photo du dernier Montrachet bu en Belgique.

 Apparemment je ne suis pas encore très doué car la taille de la photo dépassait la feuille.

Cette bouteille a été bue lors du dîner en Belgique raconté ci-dessous.

vins de Massandra lundi, 16 octobre 2006

Je me suis rendu à un dîner en Belgique pour boire notamment quatre vins de Massandra.

L’histoire de ces vins est assez étrange : en Crimée, un tsar a voulu reconstituer des vignes de vins parmi les plu grands du monde. Nous avons goûté un Muscat rose, un Pedro Ximenez, un Tokaj faits en Crimée.

L’histoire de tout cela est fabuleuse voire chimérique, car on parle de vins versés dans la mer qui ont coloré la mer de sang, on parle de caves murées pour éviter que les vins soient pillés.

Et, tel le chevalier blanc, Sotheby’s est là, reconnaît

La Crimée était presque parfait(e)

les vins et les années, fait de belles étiquettes et elles atterrissent sur notre table.

Quelle que soit l’addition de rêve et d’aventures à ce récit, ce que nous avons bu ressemble à mes plus beaux désirs. Alors …

un compte-rendu de dégustation de notre ami Laurent Gibet de Ganesh a été mis sur le forum de Bettane et Desseauve (cliquez sur le mot "compte-rendu").

ces saveurs complètement exotiques sont envoûtantes