Archives de catégorie : vins et vignerons

Percée du vin Jaune, la vente aux enchères samedi, 6 février 2010

Les vins qui attendent les enchérisseurs

La bouteille qui est à droite et pourrait fermer le carré est la plus vieille : 1868. Malgré mon enchère, la plus haute, le vin n’a pas été vendu du fait d’un prix de réserve que personne n’a atteint.

La vente aura un côté très théâtral. Bernard Pujol, responsable de la vente, révise ses dossiers avant l’arrivée du commissaire priseur.

la salle, encore vide, sera noire de monde dans quelques minutes, avec un flot incessant de curieux.

Percée du Vin Jaune le concours de cuisine samedi, 6 février 2010

Sous la pluie, sous un chapiteau, les candidats se préparent à entrer en scène : deux heures pour préparer les plats.

L’élève au premier plan sera le vainqueur

En plein travail

les amuse-bouche du premier candidat : on voit qu’il y a déjà de la maîtrise

Ames sensible faites attention : voici ce que j’ai dû absorber pour juger (il n’y a en photos que six des sept vol-au-vent

Pour faire passer tout cela : Vin jaune de l’Etoile Montbourgeau 2002 et Chateau Chalon Macle 2002

Je n’ai pas osé photographier la charcuterie et la tarte au sucre qui ont ajouté au poids de cet exercice.

Percée du vin jaune, cuisine et enchères samedi, 6 février 2010

Je me réveille aux aurores car j’ai accepté d’être membre d’honneur du jury du concours des jeunes élèves d’écoles de cuisine. Ils doivent réaliser trois amuse-bouche, jugés par un jury et un vol au vent qui sera jugé par mon jury. Les élèves disposent de deux heures pour faire les plats. Ils ont apporté les ingrédients et tout leur matériel. Des fabricants sponsors ont équipé le lieu d’un luxe d’équipements qui ferait pâlir d’envie beaucoup de chefs couronnés. C’est impressionnant de voir ces jeunes gens sous la pression du concours organiser le temps et l’espace pour leurs créations.

Je suis assis à côté de chefs chenus et le juge que je suis, quand il rend ses copies, n’est pas le même que celui qui a accepté cette lourde fonction. Car entre-temps, j’ai ingurgité sept vol-au-vent ! Même si je n’ai pas tout mangé, je ne vole plus au vent, je suis plombé sur ma chaise. Et voici qu’on nous apporte un mâchon, avec force cochonnailles. La nausée n’est pas loin. Même les vins jaunes et Château Chalon que l’on nous verse généreusement n’apaisent pas cette sensation de lourdeur. Un Vin de l’Etoile jaune domaine Montbourgeau 2002 combine puissance précision et charme. Un nouveau Château Chalon Macle 2002 est le bienvenu pour équilibrer le poids des victuailles. Sur sept plats conçus par les candidats, un est brillant, deux très convenables et quatre ne respectent pas le goût traditionnel, avec une faiblesse certaine dans l’interprétation. J’ai été impressionné par le sérieux et l’engagement de ces jeunes futurs chefs ou commis. En les regardant opérer, je cherchais s’il y a une graine de grand chef. Le plus consciencieux, appliqué et concentré comme un sportif a gagné.

Dans la froidure je me rends à la salle où va se dérouler la vente aux enchères traditionnelle de vins du Jura. Le bâtiment est une ancienne église du 17ème siècle, désaffectée à la Révolution, transformée en théâtre sous l’Empire, et devenue cinéma à l’initiative d’un locataire du lieu qui a tout d’un gardien de musée. Le décor de théâtre est délicieusement anachronique. Mais le lieu est dix fois trop petit, car une foule immense traverse l’endroit par curiosité, pour voir à quoi ressemble une vente aux enchères. Un tel brouhaha me pousse à aller me promener au début de la séance, pendant que l’on vend les millésimes les plus jeunes. Dans les rues, une foule immense et très jeune avance aux sons d’orchestres de rue, de fanfares colorées, ou de la sono puissante qui couvre toute la ville. L’atmosphère de liesse populaire est absolument unique. Elle explique en partie mon attachement à cette manifestation spontanément chaleureuse.

Lorsque je reviens dans la salle de vente, le ballet des entrants et sortants est toujours important. Je peux quand même enchérir sur quelques lots, dont des vins de l’Etoile que j’apprécie particulièrement. A la fin de la vente, l’organisateur a prévu de la charcuterie et nous buvons quelques invendus, un blanc de 1987, un jaune de 1966, un jaune de 1959 et un autre vin de mélange de 1982. Rien parmi ces vins n’est franchement convaincant. C’est surtout l’ambiance d’après match où l’on commente la vente qui est à retenir.

Je retourne à ma voiture dans le froid, que le corps n’apprécie pas trop quand il porte encore les souvenirs des vol-au-vent. Aussi est-ce sur un dîner fort léger et à l’eau à mon hôtel que s’est terminée cette journée animée de la Percée du Vin Jaune. La quatorzième Percée est une belle fête populaire, marquée encore, du fait de sa jeune existence, par la fraîcheur et la spontanéité.

Nouvel ambassadeur des vins du Jura vendredi, 5 février 2010

La Percée du Vin Jaune est un rendez-vous annuel que j’aime honorer quand je le peux. Au début février, on perce les tonneaux du millésime qui est séparé de sept chiffres, soit 2003 pour le vin qui va naître à cette occasion. Il a passé six ans et trois mois dans des fûts auxquels nul ne touche. Le vin de voile est un des plus originaux qui soient.

Ma femme aime que nous logions au Château de Germigney à Port-Lesney, élégante gentilhommière à la décoration raffinée. Mais devant satisfaire les devoirs de sa charge de grand-mère, elle me laisse aller seul à l’appel du Jura.

En arrivant à l’hôtel ce ne sont que des « bonjour Monsieur Audouze » et de larges sourires qui font que je me sens chez moi. Comme chaque année, je retrouve la même chambre spacieuse où j’ai mes repères. Pour certains vins que j’aime, je ne vois que ce qui est beau. J’ai un peu la même attitude pour cet hôtel au service attentionné. Je mets un costume pour me rendre à une soirée officielle précédant la Percée, car on m’a prévenu que je serai nommé « Ambassadeur des vins du Jura ». Quelle sera la forme de cette soirée, petit comité ou grand-messe, je ne pose aucune question. On m’a donné un plan bien dessiné mais aux noms en caractères microscopiques. Malgré ma demande on ne m’a pas donné d’adresse qui s’inscrirait sur le GPS de ma voiture, aussi trouver le lieu de l’événement ressemble à un jeu de pistes.

Dans un stade multisports couvert, près de 70 tables de dix personnes ont été dressées. La grande majorité des présents sont des vignerons et leur famille. Les officiels sont légion, ce qui fait que si l’on dit « bonjour monsieur le président » à n’importe quelle table, tous les hommes se retournent. Un secrétaire d’Etat est présent, ainsi que des officiels de la région, des communes, des instances professionnelles diverses concernées de près ou de moins par le vin du Jura. A part les tables officielles qui ont du vin gratuit, il faut payer en espèces sonnantes et trébuchantes à un guichet pour obtenir quelques clavelins. Le vin jaune est à 25 €, le crémant, le blanc ou le rouge à 10 € et l’eau à 2 €. Les espèces ont dû sonner et trébucher si l’on se fie à l’expansion des décibels dans la salle.

Une région viticole sans grands maîtres et sans habits d’apparat, ça n’existe pas. Et quand le vin phare de la région est jaune, de quelle couleur sont les habits ? Jaunes. Après force discours et congratulations, vient le moment de l’intronisation. Nous sommes quatre à être promus, le maire de la commune de Poligny, ville qui accueille la Percée, un vigneron du pays parti tenter sa chance dans les vignobles russes, le plus gros producteur de fromages de Comté de la région abondamment titré, et moi. On me fait le plaisir de me laisser dire deux mots pour clamer mon amour des vins de cette belle région.

Pendant ce temps, le repas est une heureuse surprise compte tenu du nombre de couverts servis. Les vins se succèdent à notre table, des crémants, des rouges, des blancs et des jaunes. Un crémant 2004 vieilli sur lattes pendant quatre ans est une heureuse découverte, un blanc « Fleurs » 2008 d’Henri Maire est plus difficile, comme un vin rouge fluet. Le Vin Jaune Sylvie et Luc Boilley 1999 est fort, lourd en alcool, mais incarne le plaisir des vins durs du Jura. L’Arbois jaune Jacques Tissot 2000 est encore un gamin. Le Château Chalon Macle 2002 est bien fait. Il apporte la preuve de ce qui est écrit sur son étiquette « vin de garde » : il eût fallu attendre quelques années avant de l’ouvrir. Comme aucun seau n’a été mis sur table, pour boire le vin que l’on veut vous servir, il faut finir son verre. Et quand on renâcle, un : « allez, ça ne fait pas de mal » vient vous rappeler que l’amour de la région doit se prouver verre en main. Comme sur l’estrade le nouvel ambassadeur que je suis devenu doit boire cul sec son verre de vin jaune, tout cela commence à faire son effet. Je quitte le banquet un peu plus tôt que les autres pour retrouver la froidure d’un ciel étoilé, qui dans cette belle contrée, ne veut pas dire qu’il ne pleuvra pas le lendemain matin.

Yquem, Banyuls et Maury à Sciences Po lundi, 25 janvier 2010

David, l’animateur du groupe d’œnologie de Sciences Po m’avait contacté il y a de nombreux mois pour que je vienne parler de vins anciens devant une quarantaine d’élèves et anciens élèves. Ayant fait à Normale Sup’ une présentation en compagnie d’un vigneron ami, j’ai suggéré de recommencer cet exercice en binôme. Ce soir, je serai aux côtés de Pierre Lurton qui présentera Yquem.

Quand je me présente, deux élèves rangent les tables et les chaises, n’ont pas encore ouvert les bouteilles, n’ont pas les verres, mais comme par miracle, tout s’assemble au bon moment. C’est plutôt du « last minute » que du « just in time », mais si ça marche, bravo les jeunes.

(la salle avant le début de la réunion)

Pierre Lurton arrive tout sourire et présente le prestigieux domaine du Château d’Yquem. Nous commençons par déguster « Y » d’Yquem 2006. Le nez est de citron vert très raffiné. La bouche est élégante, avec des écorces d’agrumes. Il n’a pas tellement de longueur, mais il promet. Il a du gras, de la charpente, et ce que l’on retient surtout c’est qu’il offre déjà une belle maturité en ne montrant aucun signe des déséquilibres habituels des vins blancs jeunes de Bordeaux.

Le Château d’Yquem 1999 a un nez assez fermé. Et quand il s’ouvre, il offre de belles fleurs blanches. La bouche est très agrumes, et lorsque l’on revient au « Y », le cousinage entre les deux vins est saisissant. Il n’est pas très long, n’a pas beaucoup de richesse, mais il compense par une ravissante fraîcheur. Il a un peu de pâtes de fruits qui donnent de la consistance. Sa caractéristique est d’être élégant.

Avec le Château d’Yquem 1996 on entre de plain-pied dans le monde d’Yquem. Car voilà un vrai Yquem. Le nez est beaucoup plus riche et l’on y trouve du coing. Le goût est beaucoup plus épanoui. La trace finale est la signature d’Yquem. La pâte de fruit est construite, le poivre est agréable, le pamplemousse et l’orange ajoutent la note d’agrumes indispensable. La longueur est là avec une fraîcheur remarquable.

Le Château d’Yquem 1989 est un des membres actifs d’une trilogie légendaire pour Yquem : 88, 89 et 90. Le nez est superbe, épanoui à souhait. Fruits confits et agrumes sont richement développés. Le goût est puissant, concentré, très droit. Il joue plus sur la puissance et un léger goût de camphre me gêne un peu. Son sucre est un peu fort. On sent le sucre caramélisé. Le final n’a pas l’affirmation que j’aurais attendue.

J’interviens auprès de Pierre Lurton pour parler de vieux Yquem dont l’évocation fait briller les yeux des élèves, aux remarques pertinentes. J’ai apporté deux vins que nous allons goûter sur deux chocolats achetés par les élèves, un chocolat résolument noir et l’autre plus doux. Le Maury La Coume du Roy, domaine de Volontat 1925 est extrêmement doux et ne fait pas son âge. Son attaque est toute en rondeur, puis l’alcool s’installe en bouche et son final d’une grande finesse apporte une fraîcheur particulièrement élégante.

Le Banyuls de coopérative 1929 ne montre aussi aucun signe d’âge. Son fruit est plus riche et plus expressif que celui du Maury. Il est plus fort en alcool et bénéficie lui aussi d’une belle fraîcheur. Je préfère le banyuls. Mais sur le chocolat, c’est le Maury qui emporte la mise, car la continuité gustative est nettement plus évidente, marquée par la douceur. Et c’est le chocolat le plus rêche, le plus noir, qui fait vibrer le Maury pour l’enrichir encore.

Il faut rendre la salle à 21h15, ce qui met un terme à mille questions d’élèves passionnés. Un ancien me dit qu’une tradition est de poursuivre les discussions dans un restaurant voisin.

(avec de telles munitions, tout est sourire)

Dans un restaurant italien proche, nous sommes huit, dont trois anciens ont déjà entamé une carrière dans le monde du vin. Il reste du « Y » et suffisamment d’Yquem pour que nos échanges se poursuivent au-delà de minuit. Ces jeunes, enthousiastes, montrent que l’amour du bon vin n’est pas près de s’éteindre. Des mordus participent aux concours inter-écoles. Il est prévu de se revoir soit à l’académie des vins anciens, soit lors d’un de leurs concours. Ça bouge à Sciences Po.

Les deux jours de Grand Tasting – photos samedi, 5 décembre 2009

Les Graves avec Olivier Bernard, Denis Hervier, Véronique Sanders, Michel Bettane, Jean-Philippe Delmas et moi

Les vins :

La présentation des Clos des Goisses (on reconnait Charles Philipponnat derrière Nicolas de Rabaudy)

Présentation de Taittinger

Le génie du vin avec MM. Prats, Morel, Desseauve, Thienpont, Deschamps, Bettane, Lardière et Seely

Les vins

Le « Grand Tasting » acte 4 samedi, 5 décembre 2009

Le Grand Tasting du Carrousel du Louvre continue par la Master Class consacrée au champagne Philipponnat. Charles Philipponnat nous présente le Clos des Goisses, emprise qui a le droit de s’appeler « Clos » car elle est ceinte de murs. Sa surface est de 5,5 hectares en 14 parcelles. Le terrain très pentu est plein sud sur la Marne. La plantation est de 70% de pinot noir et 30% de chardonnay. Le champagne Philipponnat a été acheté par le grand-oncle de Charles et peu après, dès 1935, le Clos des Goisses est né. La moitié des vins du Clos sont commercialisés sous le nom Clos des Goisses, l’autre moitié étant assemblée dans d’autres champagnes de la maison.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1999 a une très forte personnalité. Il est fumé et évoque le beurre et les gâteaux secs. Ce qui est impressionnant, c’est le final, viril mais très frais. Dosé à 4,3 grammes, il affiche une forte personnalité.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1994 na pas été commercialisé, car il a été jugé à l’époque insuffisant. Mais il a été gardé. Sa bulle est très active. Le nez est plus multidirectionnel. En bouche, il est plus ample mais a moins de personnalité. S’il reste un peu de l’ingratitude de son année, il est clair qu’il a progressé et qu’il justifiera pleinement son nom dans quelques années.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2000 a un nez beaucoup plus racé. La bulle est active. Il y a du beurre du caramel, de la brioche, mais aussi la fraîcheur et un final d’une élégance rare. C’est un champagne charmant et de plaisir d’un millésime un peu gras.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998 a un nez subtil. Il est très champagne. Riche, fort, avec peut-être un soupçon de moins de complexité. Le fumé est assez extraordinaire et le final immense. Michel Bettane le trouve musqué. Une fois de plus, cette présentation est démonstrative et convaincante.

Ma fille aînée m’a annoncé sa venue. La première destination, c’est forcément le stand de Jean-Luc Thunevin parce que ma fille adore sa cuvée Constance et ses vins de Bad Boy. Et c’est l’occasion de bien rire puisque Jean-Luc est convaincu que la seule connaisseuse de vins de ma famille, c’est ma fille. Je conduis ensuite ma fille et ses amis à des stands de vins que j’apprécie et je reviens à la dernière Master Class, celle de vins dorés.

Le sujet est Sauternes et Barsac 2006, présentés par leurs vignerons. Nous commençons par Château Climens 2006 présenté par Bérénice Lurton, présidente de l’association des vins de Barsac et Sauternes. Le nez évoque les fruits confits. La bouche est très fraîche, le fruit est discret. Le vin n’est pas très ample, mais élégant. Le final est riche avec un peu de poivre, mais pas très long. C’est un vin élégant qui vieillira bien.

Le Château Coutet 2006 est d’un nez plus discret et d’une bouche moins riche que Climens. Il est plus dur, plus tendu. Il s’ouvre et l’on voit qu’il est plus carré, plus soldat alors que Climens est plus féminin. Le final est très frais, légèrement salin. J’aime bien cette structure carrée, les fruits confits et le final plus long.

Le Clos Haut-Peyraguey 2006 est beaucoup plus fluide, voire fluet, mais agréable. Il a moins de coffre, mais il est très agréable, élégant et fluide. J’aime sa gracilité.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 2006 a un nez opulent. Il est riche, généreux, au final un peu court. Le vin est à la fois rêche et charmant, avec des petites notes torréfiées. Les notes confites et abricot sont très plaisantes.

Le Château Suduiraut 2006 a une couleur très riche. Il est de belle élégance. Il est parfait de rythme. Il a la fraîcheur, la pureté, un potentiel de longue garde. Le final est le plus charmant et le plus long.

Je ne devrais pas classer, au risque de me fâcher avec des vignerons que j’apprécie pour les trésors qu’ils nous créent, mais ce sera : Suduiraut, Climens, Lafaurie, Clos Haut-Peyraguey et Coutet. Que sera-ce dans vingt ans ? Nous verrons bien.

Il est temps d’applaudir Franck et ses élèves de l’école de sommellerie Albert de Mun qui ont fait un service des verres parfaits avec des températures idéales. Il faut remercier aussi Nicolas de Rabaudy qui a géré le rythme des conférences, et bien sûr Michel Bettane et Thierry Desseauve qui ont créé de tels liens avec les plus grands vignerons français que des centaines d’amateurs dans les Master Class et des milliers dans les stands ont pu avoir accès aux plus beaux fleurons de notre viticulture. Quand on garde en mémoire un Latricières-Chambertin Domaine Leroy 2007, un Vega Sicilia Unico 1995, un champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1985, un Gewurztraminer Rangen de Than Sélection de Grains Nobles domaine Zind-Humbrecht 1989, un Yquem 1949, un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1998, un Château Suduiraut 2006, et bien d’autres, on ne peut que se dire que le Grand Tasting est un événement annuel incontournable.

Le « Grand Tasting » acte 3 samedi, 5 décembre 2009

Le lendemain, la foule qui attend d’entrer au Louvre est encore plus immense. Je crois n’avoir jamais vu de queue aussi longue. Des chants s’organisent tant les gens sont persuadés de devoir attendre longtemps. S’agit-il des séquelles de la récente grèves des gardiens de musées ? Au Grand Tasting, la deuxième journée commence par son point culminant, la Master Class « le génie du vin ».

Hervé Deschamps présente le champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1985. La cuvée Belle Epoque a été lancée en 1964. L’assemblage comprend 50% de chardonnay, 45% de pinot noir et 5% de pinot meunier. Le vin servi en magnum a un nez superbe de raffinement. La couleur est jaune citron. Le vin est plein, complet et remplit la bouche. Il y a de la crème et du beurré, alors que le final est frais et citronné. La persistance aromatique est extrême.

Alexandre Thienpont dirige les 14 hectares de Vieux Château Certan organisés en 23 parcelles différentes sur trois types de sol. Le Vieux Château Certan 1998 contient 85% de merlot, 5% de cabernet franc et 10% de cabernet sauvignon et Michel Bettane fait remarquer combien les choix de vignerons peuvent différer pour des propriétés que seule une route sépare. Alexandre, qui n’était pas content de son cabernet franc, peu présent dans le vin dit que son 1998 est plus pomerol que Vieux Château Certan car la signature historique de ce vin est d’avoir une présence forte de cabernet franc. Le vin est d’une couleur très noire, et le nez très pomerol est intense. Je trouve une belle plénitude en bouche et un final élégant. La persistance aromatique est belle, le vin jouant plus sur la finesse que sur la puissance.

Jean-Guillaume Prats dirige le Cos d’Estournel et présente le Cos d’Estournel 1982. Le nez est assez discret, la couleur foncée est moins rouge que celle du vin précédent. La bouche est immédiatement confortable. Râpe et astringence sont belles. Là aussi il ya beaucoup d’équilibre et de plénitude. Je trouve que ce 1982 n’est pas complètement fini, alors que Jean-Guillaume le considère à maturité, sans grande chance d’aller plus loin. Deux avis opposés. Michel Bettane rappelle que le vin a été fait avec des raisins très mûrs et Jean-Guillaume fait remarquer que ce vin est l’antithèse de ce qui se fait aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, bardé d’épices et de poivre, ce vin est très plaisant.

Jacques Lardière est un poète. L’écouter rend intelligent. Il présente le Clos Vougeot Grand Cru Louis Jadot 1978. La couleur est un peu orangée. Le nez est bourguignon avec le joli côté salin et minéral. En bouche, il est d’une belle râpe et d’un beau fruit. Très élégant il est aussi brutal du fait de son amertume, mais un vin enthousiaste comme Jacques. Ce vin subtil a un final très frais. Sans concession, il finit sur la fraîcheur ce qui me convainc le plus. Nul ne pourrait dire qu’il s’agit d’un vin ancien.

La Côte-Rôtie La Mordorée Chapoutier 1990 est présentée par Pierre-Henri Morel. La couleur sombre est très jeune. Le nez n’est pas stabilisé mais la bouche a une belle présence et ce qui frappe, c’est le spectaculaire final d’une richesse combinée à l’élégance. Le nez s’organise et évoque la truffe. La belle astringence est combinée à la richesse du fruit.

Olivier Humbrecht nous fait goûter le Gewurztraminer Rangen de Than Sélection de Grains Nobles domaine Zind-Humbrecht 1989. Si l’on aime lire des superlatifs, j’en ai plein mon tablier. Car la couleur est extraordinaire, d’un or profond, le nez est extraordinaire car il a tout : les agrumes, le litchi, les fruits confits. Le goût est parfait. Tout dans ce vin est parfait. La fraîcheur est extrême. Ce vin est fait pour la gastronomie la plus riche et la plus inventive. Il y a du génie dans ce vin-là.

En le buvant, je me demandais s’il n’allait pas faire de l’ombre au vin suivant. Mais heureusement Pierre Lurton avait pris avec lui, dans sa folle générosité, la munition du plus fort calibre car ce n’est rien moins que Château d’Yquem 1949 qu’environ deux cents personnes vont se partager. La couleur est d’un très bel or, précis. Le nez est exceptionnel, d’une subtilité extrême d’où émerge l’écorce d’orange confite. En bouche le vin est impérial. Il y a le sucre élégant, les fruits confits, mais surtout ce qui en impose, c’est la richesse de la structure infiniment tramée de ce vin. J’y trouve des mirabelles cuites quand d’autres verront des abricots. Pierre explique qu’il y a dans le vin des grains passerillés, en plus des botrytisés, ce qui donne un magnifique équilibre entre sucrosité et acidité. Je garde en mémoire son final exceptionnel et sa très grande fraîcheur.

Le Quinta do Noval Nacional 1994 est présenté par Christian Seely, directeur de tous les vignobles du groupe AXA. Avec un délicieux accent britannique, et un humour qui l’est autant, il nous dit que ce Porto, le plus légendaire de tous n’est fait que sur deux hectares de vignes non greffées et produit 190 caisses par an. La couleur est noire, mais avec un disque rouge foncé. Ce vin fortifié qui titre 19 à 20° a un nez charnu, charmeur et doucereux. En bouche il est charmeur, et ce qui frappe c’est sa fraîcheur mentholée. Les fruits sont délicats et ce vin plein, fort mais aussi délicat et frais est un appel à la gastronomie la plus audacieuse. De cette éblouissante dégustation de huit vins splendides, deux émergent pour mon goût, le Gewurztraminer et l’Yquem qui ont atteint chacun dans son registre un état de grâce absolu.

La Master Class suivante est menée à trois, Pierre-Emmanuel Taittinger qui va présenter de façon brillante ses champagnes, Denis Hervier, auteur et gastronome et moi. Ce sera l’occasion de grands rires et de dialogue avec l’assistance nombreuse. Pierre-Emmanuel est à la tête de 280 hectares de vignes. Il parle de sa vision artistique de son métier. Il nous présente ses champagnes dans l’ordre inverse des présentations habituelles, en commençant par le plus ancien, et nous mesurerons à quel point c’est pertinent. Il précise que les Comtes de Champagne sont de pur chardonnay, champagnes féminins, vins de force et de délicatesse. Ceux que nous allons boire ont été dégorgés récemment.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1989 a une belle couleur. Le nez est subtil, et perceptible malgré la présence d’une assiette de fromages que j’ai apportée car je n’ai pas déjeuné. Il est charmant de délicatesse, et Pierre-Emmanuel évoquera ses vertus aphrodisiaques.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1995 a un nez plus fort. Il est dynamique, avec de l’acidité de citron et d’agrume. Pierre-Emmanuel évoque le côté salin et polisson. C’est un champagne fort et très grand.

Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1998 est plus riche et plus complet. Il est très intéressant, plus fruité et énormément puissant. Le champagne Comtes de Champagne Taittinger 1999 est très élégant. Son point marquant, c’est la fraîcheur. Cette présentation fut l’une des plus chaleureuses et convaincantes. La discussion avec l’assistance fut amicale et passionnée.

Entre deux Master Class, je vais à un atelier du goût où l’on présente la combinaison très classique du caviar et du champagne. C’est Alain Dutournier qui a permis le mariage entre le Champagne Legras cuvée Présidence 2002 et le caviar Ebène, caviar d’Aquitaine très peu salé et à l’équilibre intéressant. Un dialogue s’est instauré avec les présentateurs qui a rendu la dégustation encore plus intéressante.

La Master Class suivante est celle des crus classés de Graves, pour le millésime 2002. Jean-Philippe Delmas, président de l’association des crus classés de Pessac-Léognan est en charge de la présentation des vins, et Véronique Sanders, vice-présidente a l’envie de se reposer sur son président. Olivier Bernard qui rejoindra le groupe est quasiment enjoint de ne point parler, ce qui le fit rire.

Le millésime 2002 est un millésime sec, à l’été très frais suivi d’une superbe arrière-saison, ce qui a donné une maturité optimale à des vins tardifs, de rendements faibles, avec plus de merlot que d’habitude.

Le Château Smith Haut-Lafitte 2002 a un nez puissant, très boisé mais aussi assez floral. La couleur est foncée. L’attaque en bouche est un peu amère. Il y a matière, bois, peu de fruit et peu de longueur. Mais le vin est frais, délicat, souple, ce qui le rend agréable. Le Château Haut-Bailly 2002 est beaucoup plus élégant, charmeur, fluide et équilibré. Son fruité est plus classique. C’est un très beau vin d’une année de transition. Le Château Malartic-Lagravière 2002 a un nez très élégant. Le vin est joyeux, riche, mais pas trop. J’aime son bel équilibre. Le vin est boisé et le final est dynamique. Lui aussi a une belle fraîcheur. Le Château Pape-Clément 2002 a un nez riche et doucereux. Il est assez astringent, plus fumé, plus épicé, fort, mais sans largeur. Michel Bettane parle de tanins voluptueux et de belle fraîcheur, mais j’aime un peu moins ce vin.

Le château Haut-Brion 2002, a une couleur plus rouge que les autres. Le nez est très accompli, riche et rond. Le vin est beaucoup plus rond, fruité élégant et riche. C’est le raffinement et la pureté qui font la différence, même si je trouve que l’écart qualitatif avec les autres vins présentés n’est pas en rapport avec l’écart tarifaire qui intègre la renommée. Le vin est très élégant, riche et puissant. Jean-Philippe signale son côté fumé qui rappelle celui du 1848 qui est le plus vieux qu’il ait bu, grâce à la générosité de la famille Rothschild.

La dégustation finit par un blanc, le Domaine de Chevalier blanc 2002. Le nez est de feuille de cassis, très parfumé et élégant. Le vin est magique de complexité et de richesse aromatique. Doté d’un peu de gras, ce vin est magnifique.

Si Michel Bettane voulait démontrer que 2002 n’est pas une petite année, il a réussi.

Le « Grand Tasting » acte 2 vendredi, 4 décembre 2009

Après le déjeuner au restaurant « L’Ami Louis », je reviens au Grand Tasting du Carrousel du Louvre pour la Master Class consacrée au champagne Ruinart, de la maison la plus ancienne de champagne, fondée par une famille de drapiers en 1729, l’année qui a suivi l’autorisation royale de mise en bouteille des vins. Nous allons goûter des « R », vins faits de 55% de chardonnay et 45% de pinot noir, alors que le « Dom » Ruinart est fait de 100% de chardonnay grand cru.

Le champagne « R » de Ruinart 2004 a un joli nez et une couleur pâle. Il est dosé à 7 grammes, ce qui est considéré comme peu. L’impression est effectivement très sèche. Le vin est frais, tendu, très agréable de fruits blancs, avec un côté salin charmant.

Le champagne « R » de Ruinart 2002 a un nez discret. Dosé à 8,2 grammes, il est plus rond que le 2004. Le fruit est très joli, d’un millésime solaire. On sent un peu de beurre et d’amertume.

Le champagne « R » de Ruinart 2000 a une couleur plus prononcée. Le vin dosé à 9,3 grammes est plus miellé. Il est plus astringent et plus développé. Il est plus grillé et toasté. Frédéric Panaiotis nous dit qu’il est plus réduit, ce qui préserve la minéralité.

Le champagne « R » de Ruinart 1995 est servi en magnum. Le nez est beaucoup plus expressif, le vin est beaucoup plus rond, légèrement beurré. Frédéric indique que l’évolution qualitative conduit à un style plus pur pour le 2004. Attendons de pouvoir en profiter comme nous le faisons du 1995.

La Master Class suivante est la présentation de deux vins mythiques, Château Grillet et Vega Sicilia Unico. Confronter le viognier et le tempranillo est un caprice convaincant de Michel Bettane.

Le Château Grillet 2001 a un nez assez discret et une belle couleur. Ce vin qui a été nommé par Curnonsky parmi les cinq plus grands vins blancs de France se présente un peu fumé, avec une note lactique. A la fois minéral et légèrement beurré, il a la pureté du granite. C’est un Condrieu assez unique.

Le Château Grillet 2006 a un nez beaucoup plus riche. Il est beaucoup plus agréable, mais sa jeunesse lui donne un côté encore un peu perlant. La profondeur du final est extrême et j’y trouve un peu de noix. Comme pour les vins du Jura, c’est un vin d’une race énorme, mais un vin d’initié.

C’est Javier Jausas qui fait Vega Sicilia Unico et qui le présente. Nous commençons par le Valbuena Vega Sicilia 2005 qui n’est pas un second vin, mais une expression jeune de l’Unico. Il l’appelle « version juvénile ». Elevé à 760 mètres d’altitude avec une exposition plein nord, ce vin est vendangé en quatre jours car à Vega Sicilia, on n’aime pas les vins sur-muris. Le nez est très riche et fruité. La bouche est un peu fermée, mais je l’impute au fait que la bouche a la mémoire du Grillet. La fin de bouche est râpeuse et astringente, mais d’une élégance extrême. Ce qui frappe, c’est la pureté aromatique. Le vin est vibrant en bouche et l’on s’habitue de plus en plus. Il y a de la feuille de cassis, un fruit élégant et ce qui frappe le plus, c’est la fraîcheur.

Le Vega Sicilia Unico 1995 a connu un vieillissement de dix ans et a été mis sur le marché en 2005-2006. La couleur est rouge foncé, le nez est assez discret. En bouche il commence par être plus fermé que le Valbuena. Mais il est riche et ce qui m’enthousiasme, c’est la fraîcheur. C’est un vin serein, féminin, joyeux. Il trouve son charme de sa belle définition et de son incomparable fraîcheur. Il faut le laisser vieillir pour qu’il prenne de l’ampleur.

Quittant cette Master Class, je vois de l’animation dans une salle voisine. C’est la société idealwine qui a convié ses amis et clients. On m’ouvre volontiers le barrage pour que je me retrouve au sein d’une foule grouillante où je reconnais des amis. Je goûte le champagne Bollinger R.D. 1997 qui se boit bien, car il a une fluidité extrême. Un champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1996 servi en jéroboam est d’une grande présence, solide champagne au charme fort.

L’Hermitage le Pavillon en jéroboam Chapoutier 2001 est d’un plaisir solide et je n’arrive pas à accrocher avec le Sassicaia Tenuta San Guido en impériale 2002, sans doute pour un problème de carafe, même si l’on sent que le vin est grand. Le Pouilly-Fumé Silex Didier Dagueneau en magnum 2003 a passé trop de temps dans la glace pour que j’en saisisse les finesses qui ont fait sa renommée. A un stand se trouve un vin mystère à découvrir. Je trouve qu’il s’agit d’un Vouvray et pour l’âge, j’annonce une fourchette large dont la borne la plus jeune est 1947. Peu de temps après, Agnès Audebert m’annonce que c’est un Vouvray 1947. Ce vin est absolument délicieux, simple, facile, doucereux, d’un plaisir accessible. Les conversations se poursuivent alors que l’on annonce que le salon est maintenant fermé. Il est temps de se reposer car le Grand Tasting recommence demain.