Archives de catégorie : vins et vignerons

« les mots et les vins » célèbrent Chateau Palmer mardi, 21 octobre 2008

Olivier Barrot et Eric Beaumard organisent en duo des dîners sous le label : « les mots et les vins » au salon anglais de l’hôtel George V. Ce soir, Olivier reçoit Laurent Gaudé, lauréat du prix Goncourt 2004 pour son dernier livre « La Porte de l’Enfer ». Et Eric reçoit Thomas Duroux, directeur général de Château Palmer qui présente ses vins.

A l’apéritif nous bavardons en compagnie d’un champagne Diebolt-Vallois Brut Prestige non millésimé délicat, très féminin, floral, aux tons de groseille blanche. J’adore les champagnes d’un vigneron que j’apprécie.

Eric Briffard chef des cuisines depuis seulement quatre mois a réalisé un menu qui est une leçon de cuissons : champignons d’automne en marinade acidulée aux raisins, crackers à la fondue d’aubergine / dos de saumon sauvage mi-cuit au laurier, comme une meurette / foie gras de canard vendéen snacké au gingembre, crème de lentilles vertes / canard au sang « Duclair » rôti à la cannelle Cassia, figues de Solliès au jus de sureau, cuisse fondante en pastilla / poire pochée au vin rouge, granité à l’hibiscus.  

L’Alter Ego de Palmer 2004 a un nez de bombe, d’une énorme densité. Le vin est de couleur noire. Quand le vin s’installe dans le verre, le nez s’adoucit. Le goût est précis, net, droit, mais on mesure un certain manque d’ampleur car nous attendons Palmer bien sûr. La marinade acidulée ne va pas du tout avec le vin alors que le cracker subtil fait dialogue avec l’Alter Ego.

Le Château Palmer 2000 a un nez de compétition. On ne sent pas un gramme de défaut. En bouche le vin est superbe, d’une rare jeunesse. Il y a du cassis, du poivre, auxquels s’ajoutent une pureté et une joie de vivre remarquables. Thomas Duroux a très peu bu ce vin car il est conservé en attente au château. Le tannin est fin, le grain est serré, et l’on prend du plaisir même si l’on sait que dans dix ans ou plus ce vin sera spectaculaire. Le saumon est fondant et l’œuf de caille est précieux. L’accord est d’une grande finesse, sans effet ostentatoire.

Le nez du Château Palmer 1998 est d’une pureté exceptionnelle. Il faut dire que la température de service des vins est idéale. La finesse du nez est plus grande que pour le 2000. Le vin est raffiné, charmeur en bouche, et de façon fugace, je ressens des allusions très bourguignonnes de framboise. Il y a du bois et du poivre qui ajoutent à la sensualité du vin. L’année ayant été une réussite pour les merlots, ce Palmer ne faillit pas.

Le foie gras est génial, d’une texture magique. Fort curieusement après quelques minutes le 1998 se renferme dans sa coquille, devenant plus court, au charme moins marqué.

Thomas nous a fait un cadeau exceptionnel car le Château Palmer 1990 nous est servi en impériale. Si l’on s’intéresse quelque peu aux transactions internationales de vins de grands formats, ce cadeau n’a pas de prix. Le nez du 1990 est superbe de subtilité et l’on mesure une constance de ce domaine, qui est la perfection des parfums. Thomas constate que l’impériale ralentit l’effet du vieillissement et que le vin a pris de l’étoffe. Je le trouve un peu austère, très jeune, très vert, mais il a tout ce que j’adore dans ce millésime chéri. Le final a une légère amertume et l’on sent contrairement aux autres vins qui le précédent une absence totale de bois. L’accord avec la sauce du canard est grandiose.

Je prends un plaisir fort avec ce vin portrait de son année. Le 2000 vers lequel je reviens est plus joyeux et plus plein, mais le 1990 aux accents légèrement plus austères me plait encore plus car l’âge lui a donné un équilibre remarquable.

Eric Briffard est venu s’asseoir à notre table, commentant les plats et prenant plaisir à déguster les vins. Il est resté très longtemps avec nous, joyeux de disposer d’un des plus beaux endroits imaginables pour exprimer son talent, dont la prestation de ce soir est une éclatante démonstration.  

dix millésimes de Haut-Bailly au restaurant Taillevent lundi, 6 octobre 2008

Le Château Haut-Bailly organise un déjeuner de presse au restaurant Taillevent. Dans cette merveilleuse salle lambrissée dont je commence à devenir un pensionnaire, les journalistes les plus lus ou écoutés sur le vin en France sont rassemblés autour de Robert G. Wilmers, propriétaire du château depuis 1998, et de Véronique Sanders, l’âme de cette prestigieuse propriété. Le prétexte est de faire le point sur dix millésimes depuis la reprise, pour voir le travail accompli. Dans le petit salon chinois, nous commençons à « travailler » puisqu’on nous propose La Parde de Haut-Bailly 2006, second vin au nez frais et poivré, avec une pointe d’anis étoilé. L’astringence et l’amertume ne sont pas gênantes, et l’on apprécie un vin assez strict, charnu au final de belle jeunesse. Le Château Haut-Bailly 2007 est tiré de fût où il poursuit son élevage. Son nez apparemment discret ne peut cacher l’intensité du vin. On perçoit en bouche de la myrtille et du bois. Il est presque floral. Le final est plaisant, mais laissons à ce bambin le temps de s’assembler encore. Il m’évoque les années en « 7 » et surtout le 1987. Il s’anime sur des gougères, tradition du lieu. J’aime assez ce 2007 qui n’est pas trop puissant.

Le rosé de Haut-Bailly 2007 correspond à une demande à l’exportation. Je ne pleurerai pas trop longtemps sur cette fuite hors de nos frontières, car même s’il est bien fait, c’est un rosé, vin pour lequel je n’ai pas développé, sauf de rares exceptions, un amour profond.

Nous passons à table et Véronique rappelle les conditions du rachat à sa famille et la confiance spontanée de son grand-père à l’endroit de Robert G. Wilmers, lorsqu’il était candidat à l’achat du château. J’ai pu repérer pendant les repas les regards de Véronique vers le propriétaire, emprunts d’une grande confiance et d’une belle connivence.

Le menu préparé par Alain Solivérès et Manuel Peyrondet est très adapté à la mise en valeur des vins subtils de Haut-Bailly : amuse-bouche à base de cèpes / tarte fine aux cèpes / selle d’agneau piquée à la sarriette, pommes de terre sautées et oignons / fromages de nos provinces / tarte renversée au chocolat.

Nous allons goûter tous les millésimes de 1998 à 2006. Le Château Haut-Bailly 1999 est manifestement rendu joyeux par les champignons. Il est délicieux, très épanoui, large, intelligent. Le Château Haut-Bailly 2002 a une attaque plus légère mais son final est fort. J’aime aussi l’intensité du final du 1999. Le Château Haut-Bailly 2003 est élégant, un peu strict avec une légère amertume. On sent qu’il a besoin d’un plat. A ce stade, l’ordre de mes préférences est : 1999, 2003, 2002, alors que Véronique Sanders dit que le plus léger des trois est le 1999. Il se trouve qu’il me procure plus de plaisir du fait de son évolution. Dans le verre, les 2002 et 2003 s’épanouissent, largement aidés par les cèpes, mais le 1999 continue de me plaire.

La deuxième série comprend le Château Haut-Bailly 2000 au nez absolument merveilleux, d’une grande race. Le nez du Château Haut-Bailly 2004 est plus discret et celui du Château Haut-Bailly 2005 est résolument différent, beaucoup plus puissant. Le 2000 a un goût très plaisant. Sa petite amertume joue surtout sur le final. Il a une joie qui s’estompe assez vite. Le 2004 est très joyeux, très pur. Son fruit est beau. Il est bien construit, doté d’un beau final. Du fait de l’année, il manque un peu de charme, même si sa construction est réussie. Le 2005 est brillant, puissant, généreux, pur et droit. Il y a du poivre et du bois, au sein d’un bel équilibre. C’est objectivement un grand vin.

Le poivre du 2004 est exacerbé par le plat. Le 2000 a de l’élégance. Il est charmeur et équilibré dans toutes ses composantes. Le 2005 est parfait. C’est un vin naturellement doué et tout en puissance. Le 2004 fait jeu assez égal avec le 2000, aussi mon classement de cette série est : 2005, puis ex aequo 2000 et 2004.

Le Château Haut-Bailly 1998 a un nez très différent des autres. Il y a en lui des signes d’un début de maturité, à ne pas confondre avec un début d’évolution. Le Château Haut-Bailly 2001 a un nez très séduisant et subtil. Le 1998 est déjà bien avancé dans son adolescence, bien rond et poivré, manquant un peu d’opulence, mais je l’aime bien. Il convient de dire que chacun de ces vins a le style Haut-Bailly que j’apprécie particulièrement, fait d’élégance discrète, exactement comme celle qui caractérise  la vigneronne qui le fait. Le 2001 est assez gras, ce qui est plutôt inhabituel. Il est velouté et je le trouve très différent des autres, ne manquant pas d’intérêt.

Sur le saint-nectaire qui lui va comme un gant, le 1998 se simplifie et c’est très beau. Le 2001 d’un bel équilibre forme avec le 1998 un couple cohérent.

Le Château Haut-Bailly 2006 a un nez très jeune de la même veine que celui de La Parde. En bouche il est très rond, plein, de grande beauté. Il a beaucoup de fruit et d’âpreté. Chaleureux, charmeur, ce vin a toutes les qualités.

C’est assez difficile de faire un classement des vins que nous avons bus, tous charmants pour leur millésime, mais je me risquerais à le faire ainsi : 2005, 2006, 1999, 2000, 2004. Celui dont la place est la plus inattendue est le 1999 dont j’ai aimé le caractère viril et inhabituel. Beaucoup de mes voisins ont aimé le 2003 plus que moi et Manuel Peyrondet, le sommelier de Taillevent qui a préparé l’événement et choisi avec succès l’ordre de passage, n’a pas du tout mordu au 2005 qu’il a du mal à accepter à ce stade de son évolution. Ceci prouve que les goûts et appréciations peuvent varier.

Véronique Sanders voulait montrer le travail accompli sur dix ans sous son autorité, avec la confiance de son propriétaire. La démonstration est réussie car le style authentique de Haut-Bailly a été préservé et les améliorations techniques qu’elle a mises en œuvre ont permis de gagner en précision et en richesse. Véronique, enceinte de près de huit mois se prépare à donner la vie à un enfant. Elle pourra le faire dans la sérénité, car son autre bébé, qui se recrée chaque année est un bébé dont elle peut être fière, l’un des plus constamment plaisants de la planète des vins de Bordeaux.

déjeuner de presse pour 10 ans de Haut-Bailly – photos lundi, 6 octobre 2008

Le rosé de Haut-Baillé est écrit "rose", ce qui peut donner lieu à de charmantes confusions :

Quelques bouteilles mises en carafe avec l’indication de l’année. Les verres de la verticale avec l’année indiquée sur le pied.

Le sourire légendaire de Véronique Sanders, l’âme de ce vin, dont l’élégance lui ressemble

Le maître d’hôtel de Taillevent est cruellement tentateur en venant nous mettre ces merveilles sous les yeux :

Petite entrée aux cèpes et tartelette aux cèpes

selle d’agneau piquée à la sarriette, pommes de terre sautées et oignons

Vins de Trimbach à la Maison de l’Alsace lundi, 6 octobre 2008

Autour de moi on évoque une dégustation à laquelle plusieurs des journalistes vont se rendre : les vins du domaine Trimbach à la Maison de l’Alsace. Je n’étais pas invité et j’ai gentiment « grondé » Jean Trimbach. Un grand buffet est animé par Bernard Antony, prince des fromages affinés, et l’on peut (on doit), goûter toute la gamme du domaine Trimbach.

Pensant au dîner que j’aurai ce soir je ne goûte que quelques vins : un Pinot Noir réserve, cuve 7, Trimbach 2005 qui est très plaisant pour un rouge alsacien, le Riesling Cuvée Frédéric Emile, Trimbach 2004, 2002 et le magnifique 2001. Je découvre le Riesling Clos Sainte Hune 2002 qui sera commercialisé en 2009 et promet déjà, suivi du légendaire Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976 que j’ai bu de très nombreuses fois.

Le Gewurztraminer Cuvée des Seigneurs de Ribeaupierre Trimbach 2001 est une institution, et finir ce tour rapide par le Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Trimbach 2001 est comme finir sur un délicieux bonbon. C’est une dégustation dans la bonne humeur de grands vins alsaciens.

Livres en vignes – jour 3 – restaurant Chez Guy, signatures et conférences dimanche, 28 septembre 2008

Le lendemain, studieusement, nous revenons à nos pupitres pour signer les livres dont une foule importante attend les dédicaces. Les auteurs connus sont les plus recherchés.

Mon livre est placé sous cette impressionnante cheminée :

La salle à manger dans laquelle des auteurs sont installées comportent des sculptures où l’on pourrait reconnaître sans doute des personnages de l’époque et du lieu.

une construction rappelle les ouvrages de compagnonnage

Par la fenêtre, je peux voir les vignes et les vendangeurs :

Le déjeuner se tient au restaurant Chez Guy à Gevrey-Chambertin où je m’étais déjà rendu lors de mon voyage en Bourgogne du mois de février. L’accueil est chaleureux, plus concerné que celui du château de Gilly. J’ai préféré ce déjeuner à celui de la veille.

Le menu : mises en bouche / marbré de lapin au foie de canard, mesclun à l’huile de noix / noix de joues de bœuf cuites 12 heures à basse température au pinot noir, carottes confites à la cardamome / pot de crème chocolat, chocolat chaud à boire et sorbet chocolat / mignardises.

Le marbré est idéal pour mettre en valeur un Bourgogne Hautes Côtes de Nuits Naudin Ferrand blanc 2006, assez simple mais avenant. La joue de bœuf est boucanée mais tendre et le Fixin Pierre Gelin 2003 est, après les vins de la maison Bouchard, le vin que je préfère de ceux bus pendant notre séjour. Car ce qui frappe instantanément, c’est son authenticité. Naturel, simple, direct, il me convainc par sa franchise. 

Nous retournons à nos tables. Est-ce dû à ma bonne humeur, est-ce le temps merveilleux qui rend les vendanges joyeuses, les demandes de signature de mon livre se multiplient, sans pour autant que je risque la crampe des écrivains.

Au fil de ces rencontres des relations se sont créées. Des promesses de se revoir s’échangent. La première édition de « Livres en Vignes » fut un grand succès.

Livres en vignes – jour 2 – Chateau de Gilly et chapitre du Tastevin samedi, 27 septembre 2008

Nous arrivons le lendemain matin au château de Clos de Vougeot par un soleil radieux, au milieu des vignes dont les feuilles ont les merveilleuses couleurs de l’automne, du vert encore vivace au rouge sang et pourpre. Les vendangeurs arpentent les travées avec leurs paniers. La vendange bat son plein.

La salle des pressoirs :

discours de bienvenue à Livres en Vignes

Nous allons déjeuner au château de Gilly, dans une vénérable salle gothique aux piliers élancés et aux voûtes graciles.

La cuisine servie pour un groupe nombreux est acceptable : tourte de caille à la Nuitonne / suprême de volaille cuit à l’os, aux champignons et au vin Jaune, petit riz Basmati / petite salade et fromage de Cîteaux / soupe de fruits rouges au cassis, glace au Gilly frais.

La tourte :

Les vins ne furent pas beaucoup plus inspirés que la cuisine : Savigny-lès-Beaune blanc domaine Pierre André 2006 aimable et direct, et Mercurey premier cru Pierre André 2005 sans véritable imagination. Il se peut que la fatigue de la veille explique mon manque d’enthousiasme. Je ne serai donc pas définitif.

Un énorme Tastevin qui pourrait servir de baignoire !

Il faut se faire beau, smokings et robes longues, pour le Chapitre de la confrérie des Chevaliers du Tastevin, intitulé chapitre de l’équinoxe, de la plume et du vin. Pendant près d’une heure et demie nous entendons que l’on intronise des chevaliers provenant du vaste monde, y compris les antipodes. Les mots d’accueil personnalisés sont spirituels et charmants. Nous quittons la salle des pressoirs pour prendre un verre de Crémant blanc ou rosé. Je m’empresse de reposer le mien car ce n’est pas mon goût. Les grands champagnes m’ont trop déformé. Nous pouvons entrer dans l’immense salle du chapitre qui accueille six cents personnes. 

Le menu est traditionnel : le persillé de sandre et saumon sauvage / les fines quenelles de perche excellence / les œufs en meurette vigneronne / les mignons de veau fermier au jus de truffe / les bons fromages de Bourgogne et d’ailleurs / l’escargot en glace / la tarte Tatin glacée aux pêches de vigne / les petits fours. Servir des œufs en meurette pour autant de personnes est un exploit, comme celui d’assurer tout au long de la soirée un service d’une précision d’horlogerie.

La jolie décoration des assiettes et le persillé :

Les cadets de Bourgogne, sur scène et entre deux chants :

Les officiels :

Les vins qui sont indiqués sur le menu ne précisent jamais le propriétaire, car les donateurs agissent bénévolement en mettant leurs vins à disposition de la confrérie. Il n’est donc pas question de juger des vins autrement qu’au niveau de leurs appellations. Le Bouzeron 2004, dans sa simplicité franche, me plait beaucoup. A l’inverse, le Meursault 1er Cru les Genévrières 2001 qui joue dans une catégorie supérieure, n’exprime pas tout ce qu’il pourrait. Autour de moi, il est très apprécié. Le Saint-Romain 2005 est un peu simplifié, et la complexité commence à s’afficher avec le Beaune 1er Cru Hospices de Beaune, Cuvée Dames Hospitalières 2004.

A ce stade de la soirée, la chaleur dans la salle est devenue étouffante. Une romancière à succès, ma voisine, veut quitter les lieux. Cherchant à lui rendre service, je sors de la pièce pour trouver un véhicule. Quand je veux revenir, le choc thermique est tellement fort qu’il ne m’est plus possible de suivre le cours du repas. Je bois quelques gorgées du Grands Echézeaux Grand Cru Tasteviné 2000 absolument charmant et intense. J’échapperai sans l’avoir voulu au Crémant de Bourgogne brut rosé.

Je suis toujours impressionné que le public cosmopolite s’émerveille de jeux de mots, astuces et plaisanteries qui sont incompréhensibles pour un étranger. C’est une des magies de ce lieu que de dégager un enthousiasme chaleureux dépassant les stade de la compréhension mot à mot. Les cadets de Bourgogne chantent particulièrement bien, dans un style qui rappelle les Compagnons de la Chanson. Ma femme et moi quittons la salle en catimini, dans le sillage de la romancière. Plaisanteries et forts discours se poursuivront tard dans la nuit.

Livres en vignes – jour 1 – Bouchard vendredi, 26 septembre 2008

La première fête du livre organisée au cœur du vignoble bourguignon s’appelle « Livres en Vignes ». Elle se tient au Château du Clos de Vougeot. Elle rassemble de nombreux écrivains répartis en deux groupes, ceux qui ont écrit ou écrivent sur le vin, et des auteurs célèbres, romanciers, historiens, écrivains généralistes, qui viennent signer leurs livres.

La veille de « Livres en Vignes », nous sommes invités par Michel Crestanello, directeur des ventes de la maison Bouchard Père & Fils, à visiter la cave qui est la plus belle cave au monde de vieux vins de Bourgogne.

Malgré la photo trouble, on peut imaginer la beauté de ce vin du 19ème siècle :

L’apéritif est pris au salon du Château de Beaune. Il s’agit d’un champagne Henriot blanc souverain sans année d’une très belle présence. Les gougères et feuilletés mettent en valeur ce champagne bien sec et typé alors que nous conversons les uns avec les autres. Nous dînons ensuite à l’orangerie du château. Le menu est ainsi composé : bavarois de sandre et tartare de saumon, vinaigrette d’herbes / pintade rôtie au pied de porc, mesclun aux herbes, jus de viande et sa garniture / plateau de fromages / ananas rôti au gingembre, sorbet au fromage blanc. La cuisine a été réalisée par le chef du restaurant « Loiseau des Vignes » à Beaune, succursale de la maison Bernard Loiseau que Dominique Loiseau a récemment créée.

N’ayant pas pris de notes au cours de ces trois jours, les souvenirs seront imprécis. Le Chablis Grand Cru Les Clos William Fèvre 2004 évoque l’eau sauvage qui coule sur de gros galets alors que le Chevalier-Montrachet Bouchard Père et Fils 2003 est une explosion de puissance et de générosité. C’est le chablis qui se marie le mieux au tartare de saumon, alors que la force du Chevalier écrase le plat. Ces deux vins très dissemblables sont aussi intéressants l’un que l’autre. Le chablis m’a conquis par son élégance.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard P&F 1999 est splendide. Il impressionne par sa race pugnace. Stéphane Follin-Arbelet, directeur général de la maison Bouchard ne cache pas son grand amour pour ce vin emblématique de la maison. Je relate aux écrivains présents le souvenir de la confrontation de ce Beaune Grèves dans les millésimes 1865 et 1947 qui fut un éblouissement dans ma vie d’amateur de vins anciens.

Le Corton domaine Bouchard P&F en magnum 1976 est un grand vin, mais un peu plus discret du fait de son millésime.

La qualité de l’accueil de la maison Bouchard est légendaire. Cette première soirée fut une réussite.

au Carré des Feuillants avec Etienne de Montille mercredi, 10 septembre 2008

Bipin Desai continue de promener ses amis californiens de grande table en grande table. Nous nous retrouvons au restaurant Le Carré des Feuillants pour un déjeuner dont l’invité d’honneur est Etienne de Montille, dirigeant du domaine éponyme. Nous nous rendons dans la salle de réunion du sous-sol du restaurant où un champagne Femme de Duval-Leroy 1995 est très avenant. Il est pur, élégant, frais en bouche, peu dosé et se boit bien. On nous propose à profusion des petits millefeuilles de saumon et pistache, des pommes de terre au raifort et à la poutargue, et de succulents tempuras de gambas et estragon. On succombe à ces tempuras.

Nous passons à table et voici le menu composé par Alain Dutournier : salades de tomates et piments de mon jardin / huîtres, caviar d’Aquitaine, tartare d’algues, écume crémeuse / tronçon de saint-pierre ficelé de pomme de terre, copeaux de poutargue / gratin de queues d’écrevisse aux premiers cèpes / cailles des prés truffée flanquée de foie gras / fromages affinés du sud Adour – Perdigailh (brebis) et Pomarez (vache) / macaron aux fraises des bois, rose et litchi / café, mignardises et chocolat.

Le Domaine de Chevalier Graves blanc 2003 a un nez incroyablement puissant. Il évoque le citron mais aussi la peau d’orange confite. Sa couleur est jaune clair. Par opposition, le Château Haut-Brion Graves blanc 1990 a une couleur de miel assez clair. Le nez est plus civilisé, de grande race. Le Château Laville Haut-Brion Graves blanc 1985 est plus clair que le Haut-Brion, pourtant plus jeune, et son parfum est très chaleureux. Son nez est fantastique. En bouche, le 2003 a un goût très pur, gras, de noix pilée. Le Haut-Brion est confortable et évoque l’amande grillée et le beurre. Il est épais en bouche et de grande longueur. Le Laville est plus fluide, moins ample que le 1990, mais d’une plus grande subtilité. Le Domaine de Chevalier impressionne par sa puissance joyeuse. Il est très bon. Classique, il a un final très coloré. Il est à mon avis ce qu’un Graves blanc de cet âge doit être. Le Haut-Brion 1990 n’est manifestement pas ce qu’il pourrait être, trop assagi, même si c’est un grand vin. Très brillant sur l’huître, il est complexe, et je l’apprécie mieux quand le plat à la tomate est parti. C’est le Laville qui ramasse la mise, nettement plus subtil et gentiment parfumé, vin brillant.

Les couleurs du Criots Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004 et du Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004 sont d’un jaune citron brillant. Le Bâtard Montrachet Gagnard-Delagrange 2002 est d’un jaune doré. Le nez du Criots est puissant et un peu glycériné. Le nez du Bâtard 2004 est encore plus puissant et racé, d’un plus bel équilibre. Le nez du Bâtard 2002 est plus discret, parfumé, alcoolique, avec de herbes à foison comme en donne une Chartreuse. L’odeur la plus élégante émane du Bâtard 2004.

A la dégustation, le Criots est chaleureux, confortable, de beurre et de poivre. Il est très expressif. Le Bâtard 2004 est moins structuré en bouche. Il n’a pas encore atteint un point d’équilibre. Le Bâtard 2002 a une attaque très élégante et malgré une légère amertume, je le trouve très subtil. A ce stade, je préfère le Criots 2004. Le saint-pierre est un peu salé mais très goûteux. C’est un plat que j’adore. Le Criots 2004 se révèle le plus brillant sur ce poisson, d’un équilibre complet, avec un final qui trompette. Le Bâtard 2004 est trop envahissant et le 2002 joue piano. Le poireau qui accompagne l’écrevisse est tout simplement génial.

A notre table où se trouve Bipin Desai, une aimable querelle prend de l’ampleur, car Bipin, seul contre tous, préfère le Bâtard Montrachet 2004, au motif qu’il sera un jour le plus grand. Nous lui opposons que nous jugeons le vin tel qu’il se présente et non tel qu’il pourrait être. Ce n’est pas la première fois que de telles disputes surgissent, qui justifient à mauvais compte des infanticides, quand on boit des vins non encore assemblés en imaginant un plaisir qu’ils pourraient donner mais ne donnent pas encore. Nous étions plus que majoritaires contre Bipin qui ne changea pas d’avis.

Nous en venons maintenant aux vins d’Etienne de Montille, présent à notre table, et le menu indique ses vins dans un ordre qui n’est pas celui du service. Et je m’amuse à constater que mon attention est attirée par l’écart entre ce que je bois et l’année que je lis, sans que je ne me révolte. Je me dis : « tiens », et non pas « ce n’est pas possible ».

Le nez du Volnay 1er Cru « Les Taillepieds » de Montille en magnum 1995 est très frais, âpre. Celui du Pommard 1er Cru « Les Pézerolles » de Montille en magnum 1978 est plus formé, très bourguignon. J’adore le goût de ce vin délicieusement bourguignon, c’est-à-dire canaille. Avec la caille, d’un bel équilibre, les deux vins s’accordent merveilleusement. Ils sont très opposés, le 1995 ayant encore la fougue de la jeunesse, quand le 1978 est plus recentré sur une approche synthétique et simplifiée de la Bourgogne.

Le Volnay 1er Cru « Les Mitans » de Montille en magnum 2003 a un nez un peu fermé. Sa couleur est belle très pure, d’un beau rubis. En bouche le vin est pur, râpeux, astringent, élégant. Sur le fromage doux et discret, c’est un vin que j’adore. Le 1978 n’a pas du tout le caractère féminin du pommard, il est plus interlope.

Comme souvent lorsque je viens dans ce prestigieux restaurant, je constate les deux tendances qu’explore Alain Dutournier qui vient nous saluer avec un large sourire. Il y a un plat comme la caille qui représente l’excellence de la cuisine bourgeoise. Et il y a les plats en trois parties, ce chiffre trois représentant une constance dans la cuisine d’Alain, qui, comme huîtres, caviar d’Aquitaine, tartare d’algues, écume crémeuse, représentent une forme plus intellectuelle de la cuisine que la tendance spontanément sud-ouest du talent de ce grand chef.

L’avant-dessert au chocolat, thé et rhum est un exercice de style qui se veut un clin d’œil à la cuisine moléculaire. Le Château Guiraud Sauternes 1983, pur, beau, équilibré, élégant et bien dosé vibre avec émotion sur le litchi. La rose et la fraise sont merveilleuses.

L’amitié d’Etienne de Montille et de grands vins sur une cuisine parfaite ont fait de ce déjeuner un grand moment.

Carré des Feuillants – les vins – photos mercredi, 10 septembre 2008

Domaine de Chevalier blanc 2003

Haut-Brion blanc 1990 et Laville Haut-Brion 1985

Criots Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004 et Bâtard Montrachet Fontaine-Gagnard 2004

Bâtard Montrachet Gagnard-Delagrange 2002

Volnay 1er Cru « Les Taillepieds » de Montille en magnum 1995 et Pommard 1er Cru « Les Pézerolles » de Montille en magnum 1978

Volnay 1er Cru « Les Mitans » de Montille en magnum 2003

Carré des Feuillants – le repas – photos mercredi, 10 septembre 2008

jolie serviette

joli couteau

on reconnaît sur le plat de droite l’usage du chiffre trois

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encore les trois parties, constante de la cuisine d’Alain Dutournier

encore un "trois" esquissé, puis un "deux" !

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petit essai de cuisine semi-moléculaire sur du chocolat blanc

délicieux dessert aux tons de roses