Archives de catégorie : vins et vignerons

Conférence dégustation à l’école « le Cordon Bleu » mardi, 13 mai 2014

Le « Cordon Bleu » est une école qui forme des professionnels dans les domaines de la sommellerie, du commerce du vin, de l’œnotourisme et plus généralement tous métiers qui tournent autour de la mise en valeur du vin. Chaque année, au Grand Tasting, Franck Ramage dirige une équipe de jeunes élèves qui font le service du vin dans les « Master Class » et cela me fait plaisir de les encourager.

Franck Ramage me propose de venir parler à un groupe d’une trentaine d’élèves de vins anciens et de tout sujet de mon choix. L’idée me vient de prêcher par l’exemple en montrant comment se comportent les vins anciens à côté des jeunes. J’apporterai donc quelques vins de ma cave pour des travaux pratiques.

Le jour dit, je me trouve devant une trentaine de jeunes élèves de tous âges et de toutes nationalités. Il y a une majorité de femmes, qui s’exprimeront beaucoup plus spontanément que leurs camarades masculins. Un traducteur a l’habitude de transposer les propos en anglais sans que cela casse le rythme de l’exposé.

C’est l’occasion de montrer à ces jeunes ma méthode d’ouverture des vins. Le premier couple sera de deux millésimes du même vin. Le Château Lafaurie-Peyraguey 1996 est un guerrier conquérant. Il envahit le plais de sa chaleur sucrée et ensoleillée. Mais le jeune tout-fou est assez simple et de peu de final.

A côté de lui, le Château Lafaurie-Peyraguey 1964 est tout en séduction et en complexité. Et son final est quasi inextinguible. Les élèves ont, comme on peut le comprendre, une approche très analytique, cherchant à découvrir les différents arômes et les différentes saveurs. Mon souci est plus de regarder le parcours du vin en bouche, avec les vagues plus ou moins marquées du flux et du reflux. La démonstration est évidente, le plus ancien est le plus complexe, le plus charmeur, même si le jeune a toute sa justification dans des accords de confrontation avec des plats aux sauces riches, brochet ou viandes blanches.

Le second duo sera entre deux vins différents, car je n’ai aucun Maury jeune. Aussi se compareront un Maury et un Rivesaltes.

Le Rivesaltes Grenat Domaine Cazes 1994 est une explosion de fruit qui finit très vite et le final manque un peu de précision. Alors que le Maury La Coume du Roy Paule de Volontat 1925 est un régal. Il frappe par sa longueur et par la précision de son final. Mais surtout il expose des épices par centaines, des fruits par dizaines tant sa complexité est grande.

Dans les deux séries, on constate la fraîcheur des vins les plus anciens. J’ai fait part aux élèves de ma crainte de voir que l’on boit les vins de plus en plus tôt, ne prenant conscience que d’un dixième de ce que ces vins peuvent devenir si on a la grande patience de les attendre quelques décennies. Le combat est perdu d’avance de vouloir retarder le moment où l’on boit les vins. C’est dommage et cela ne m’empêchera pas de continuer à semer la bonne parole sur ce sujet.

Les élèves sont sympathiques, connaissent les vins. Le Cordon Bleu forme des futurs acteurs importants du monde du vin.

présentation des vins de « Vignobles Français de l’Etranger » mardi, 6 mai 2014

Sylvain Ouchikh, journaliste et entrepreneur, organise à l’hôtel Saint-James & Albany une présentation de « Vignobles Français de l’Etranger« . Tout d’abord, un mot sur l’hôtel. C’est un hôtel charmant sur la rue de Rivoli, en face et au coin du Louvre et du jardin des Tuileries. Les espaces sont beaux, une cour intérieure est appréciable quand il fait beau comme aujourd’hui. Les salons sont vastes. Voilà un lieu que je ne connaissais pas et qui mérite d’autres visites.

Dans ce bel espace, les stands de présentation de vins sont à l’aise ce qui facilite les discussions. De stand en stand, on fait le tour du monde et le tour des cépages. Je me suis attardé sur les vins de la maison Drouhin dans l’Orégon, qui ont la fraîcheur que l’on attend de ce domaine subtil en France, puis sur les Tokaji de Samuel Tinon, dont un blanc sec magnifique d’originalité, flirtant avec des goûts de Xérès. Il est diabolique d’originalité.

Il y avait au moins quinze pays représentés. C’est plaisant de constater que les vignerons français se sont montrés entreprenants et conquièrent le monde. De combien de secteurs économiques pourrait-on en dire autant ? Bien que jeunes, les vins que j’ai goûtés m’ont montré que les caricatures de vins parkérisés du début du millénaire appartiennent maintenant à l’histoire ancienne. Cette présentation est une heureuse initiative.

Dégustation et dîner au siège du champagne Pol Roger vendredi, 18 avril 2014

Peter, un jeune ami écossais fait avec Sarah sa compagne un véritable marathon en Champagne, car, lorsque je les rejoins au siège de la maison Pol Roger, ils sont déjà 550 champagnes à leur actif en une semaine. A ce point l’amateurisme devient un sacerdoce. Christian de Billy a 86 printemps et vient toujours dans l’entreprise. Je bavarde avec lui en attendant notre hôte, Laurent d’Harcourt, président du directoire de la maison Pol Roger.

Nous commençons par une visite de cave et des chais. Il y a 7,5 kilomètres de galeries où sont stockées environ neuf millions de bouteilles. C’est impressionnant. On imagine aisément la ville d’Epernay comme un gigantesque gruyère. Ce qui m’intéresse au plus haut point, c’est la cave des vins anciens, qui recèle des trésors.

Nous allons ensuite en salle de dégustation pour goûter ce qui est commercialisé en ce moment.

Le Champagne Pol Roger « Pure » non millésimé est non dosé et fait à 75% de vins de 2009 et à 25% de vins de réserve des trois années précédentes. Le vin a une belle tension avec des notes de citron. Il est très sec, dur, et peu charmeur. Il faut du courage pour boire ce vin bien fait mais extrême.

Le Champagne Pol Roger Brut sans année est aussi à base de 2009 et a été mis en bouteille en 2010. C’est ce vin qui est livré actuellement. Il est très agréable, citronné avec un beau fruit. S’il est un peu dur, je l’aime bien pour sa belle structure et pour son beau final.

Le Champagne Pol Roger blanc de blancs 2004 est fait sur une base de grands crus. Il a été dégorgé en décembre 2013. Je le trouve très noble. Il est bien fait, prêt à boire, mais vieillira très bien. Il provient de parcelles de la côte des blancs de nombreuses communes.

Le Champagne Pol Roger Vintage 2004 est un assemblage de 60% de pinot noir et de 40% de chardonnay. Il y a des vins de grands crus et de premiers crus. Il a plus de charme que le précédent, plus de rondeur. Il est sexy, riche, beau, facile à boire, alors que le blanc de blancs est plus racé et plus profond.

Le Champagne Pol Roger rosé 2006 est difficile à boire après les blancs. Il a un beau final assez doux et expressif. Il est fait d’un assemblage de vins blancs et de vins rouges de Bouzy et d’Ambonnay.

Le Champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 2000 est de belle couleur déjà légèrement dorée. Il a une belle personnalité, assez fluide. Il est plus charmeur en milieu de bouche qu’au final que je trouve un peu court. Il y a des fruits blancs et jaunes comme je les aime. Nous n’avons pas goûté le champagne très dosé qui complète la gamme disponible à la vente.

Nous emportons nos verres du 2000 avec nous pour profiter du magnifique soleil du soir sur la terrasse de la noble demeure. Une chiffonnade de dorade sur canapé donne un coup de fouet bénéfique au Winston Churchill 2000 qui avait bien besoin d’un soutien de ce type. J’en profite pour ouvrir le vin que j’ai apporté, un Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1964 dont le parfum est magique.

Nous passons à la salle à manger. Le menu créé par le chef Jean-Jacques Lange est : noix de Saint-Jacques, galette au parmesan / suprême de pintade aux morilles / brebis et comté / soupe de fruits rouges. C’est l’un des menus les plus adaptés au champagne que j’aie jamais trouvé dans une maison de champagne. Bravo le chef et la chef que nous avons félicitée.

Le Champagne Pol Roger blanc de blancs 1999 a une très jolie maturité. Il se boit bien car il a pris une rondeur de bon aloi. Il forme avec la sauce des coquilles Saint-Jacques un accord superbe.

Le Champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 1996 que je connais bien est fidèle à l’image que j’en ai. C’est un champagne noble mais qui ne crée pas de saut gustatif majeur.

Le Champagne Pol Roger Vintage 1973 a un final désagréable et dévie aussi une deuxième bouteille de ce champagne est ouverte, mais Laurent d’Harcourt signale qu’elle est bouchonnée. C’est vraiment mineur car quelques minutes après, ce défaut disparaît mais le plaisir n’est pas entier. C’est la superbe sauce de la pintade qui a gommé le vilain défaut de ce 1973.

Le secours vient d’une bouteille déjà ouverte pour le déjeuner, un Champagne Pol Roger Brut Chardonnay 1988. L’aération qu’il a eue lui fait du bien car c’est lui le vainqueur des vins de ce repas. Il a une opulence, une plénitude en bouche qui est spectaculaire. C’est un très grand champagne.

Le Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1964 est d’une sérénité et d’une force de conviction extrêmes. Et comme chaque fois, le pont se crée entre le vin jaune et les champagnes. Il donne de l’ampleur au Winston Churchill, ce qui lui fait du bien, et il forme un duo avec le 1988. C’est un magnifique Château Chalon dont on remarque la jeunesse malgré ses 50 ans.

Le Champagne Pol Roger rosé 1996 est un compagnon naturel des desserts à fruits rouges. Il trouve sa place, mais Laurent d’Harcourt a la bonne intuition, il fait servir à nouveau du comté pour que nous finissions sur les combinaisons infinies des champagnes blancs avec le vin jaune.

Peter m’a demandé en fin de repas mes préférences. Ce sont : 1 – le 1988, 2 – le Château Chalon 1964, 3 – le Winston Churchill 1996 que je mettrais volontiers ex aequo avec le 1999 qui a fait une belle impression.

Je rêvais depuis toujours de venir visiter la maison Pol Roger. Mon vœu est exaucé et il renforce encore un peu plus mon amour pour ce vin que j’adore.

Sarah et Peter vont demain visiter trois domaines que je connais et que je considère comme mes chouchous. Ils me tentent en me demandant de les accompagner. J’ai résisté !

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Remise du 50ème Prix Laurent Perrier Grand Siècle mardi, 8 avril 2014

A l’initiative de Bernard de Nonancourt, la maison Laurent Perrier organise chaque année un dîner « Grand Siècle » au cours duquel est décerné le Prix Grand Siècle à une personnalité dont les qualités humaines ont influencé la société. Alexandra et Stéphanie, ses deux filles, perpétuent cette tradition. C’est, ce soir, la cinquantième édition de ce prix qui sera remis à Karl Lagerfeld.

Nous sommes probablement trois cents à être invités au Pavillon Cambon, magnifique espace propriété du célèbre traiteur Potel & Chabot. Le long apéritif est l’occasion de rencontrer des personnes célèbres et d’autres moins, heureuses de se retrouver. On trinque évidemment avec le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle servi en magnum. C’est un champagne direct, franc, très conforme à l’idée que l’on se fait du champagne de plaisir. Car il se boit bien et on y revient. C’est le gendre idéal, parce qu’on ne lui trouve aucune trace de défaut. Il est sensible à la température, au degré près.

Nous passons à table et le menu conçu par Potel & Chabot est : brandade aux truffes, cocotte en croûte de sel / pigeon en feuilleté, duxelles de cèpes, jardin de légumes / macaronade aux deux fraises, fraises des bois givrées.

Ce qui est fascinant, c’est le service de Potel & Chabot. Une armée de serveurs passent et repassent comme en un ballet réglé au millimètre près. Tous sont attentifs aux moindres besoins. On se croirait volontiers à la table du Roi Soleil. Les plats sont de très haute qualité, le pigeon cuit à la perfection et la brandade gourmande.

Le début du repas est accompagné du Champagne Laurent Perrier Grand Siècle aux facultés gastronomiques certaines. Vient ensuite, pour le pigeon le Château Canon Saint-Emilion magnum 2003. Il est jeune, bien sûr, mais il sait se tenir. Sa trame est forte, très truffée. Il tient bien sa place à côté du pigeon. Quelques années lui conviendraient bien, mais il apporte suffisamment de plaisir dans sa forme actuelle, tannique et truffée.

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Alexandra magnum 2004 est d’une couleur de rose de printemps, légèrement saumonée. Le vin est vif mais aussi opulent, très charmeur. C’est un grand rosé, qui pourrait s’attaquer à des gibiers, plus qu’aux desserts dont l’accord couleur sur couleur est d’un classicisme prudent.

Madame Claudie Haigneré, présidente du jury du prix Grand Siècle fait un discours qui tient plus de l’exercice de style littéraire que d’un hommage chaleureux. Franz Olivier Giesbert essaie de créer un dialogue avec le lauréat, mais Karl Lagerfeld est un animal sauvage difficile à apprivoiser.

La générosité du groupe Laurent Perrier est extrême et cette soirée caritative fut un grand moment passé en compagnie de grands vins, de bonne chère et de convives passionnants.

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un champignon ? un trou de serrure ? Non : une esquisse de bouchon de champagne !

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Les Domaines Familiaux de Bourgogne font goûter leurs 2011 mardi, 25 mars 2014

Les Domaines Familiaux de Bourgogne organisent chaque année une dégustation des vins qui viennent d’avoir deux ans. A l’hôtel Bristol ils présentent leurs 2011. C’est le grand rendez-vous apprécié par l’ensemble des acteurs du monde du vin. Handicapé par un rhume tenace, je devrais renoncer. Mais je ne raterais sous aucun prétexte cette belle manifestation.

L’avantage avec une année comme 2011, c’est qu’elle est sans surprise. Tout le monde fait bien et l’on retrouve dans le verre ce que l’on attend de chaque domaine. Leurs personnalités s’expriment naturellement. Dans d’autres années, les choix audacieux des uns et des autres peuvent leur donner un avantage particulier. Pour 2011, il n’y a pas d’incertitude. C’est bon. Et le style de chaque domaine est plus reconnaissable que jamais.

Ce que je préfère est donc lié à mes inclinations naturelles où se côtoient aussi bien les étiquettes prestigieuses que les vins qui racontent leur âme. Un bel exemple est le Santenay 1er cru Passetemps domaine de Villaine 2011. C’est la première fois que ce vin est fait. Il n’y a donc pas de référence. Je le trouve d’une expression exaltante. Il respire l’envie de vivre.

Une autre inclination ce sont les vins du Marquis d’Angerville. Il y a dans ces vins, dont le Volnay 1er Cru Clos des Ducs Marquis d’Angerville 2011 une sincérité, une authenticité sans concession qui feront de ces vins des vins de très longue garde.

J’ai aussi beaucoup aimé le Pommard Grands Epenots domaine Pierre Morey 2011, le Chambertin Grand Cru domaine Trapet 2011 car je me retrouve dans les recherche de ces domaines, du moins dans ce que j’en perçois.

Des vins passionnants d’autres millésimes sont à déguster au moment de la pause fromage du midi. Un détail mérite d’être signalé. J’ai goûté le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2007 que j’ai bu il y a peu de jours à la dégustation menée par Christophe Roumier. Dans l’atmosphère de ce jour, je ne sais pourquoi, ce 2007 m’a donné beaucoup plus d’émotion que celle que j’avais ressentie alors. Avec ce vin, je bois un Roumier flamboyant, même si l’année n’est pas une des plus grandes. Cet exemple montre à quel point il faut être humble lorsqu’il s’agit de vin, car le vin lui-même, comme un chat, ne vous approchera jamais deux fois de la même façon.

Les 2011 de Bourgogne sont de grands vins. On me souffle que 2012 sera encore meilleur. Voilà une belle promesse.

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(j’avais oublié mon invitation !)

Derenoncourt Consultants fait goûter les 2013 des domaines de son « écurie » mardi, 25 mars 2014

Stéphane Derenoncourt invite au George V pour la présentation des 2013 des domaines pour lesquels il joue le rôle de consultant. Comme à chacune de ces réunions on est impressionné par le nombre de domaines, et leur variété, qui font appel aux bons soins de Stéphane. Ça donne l’occasion de boire des vins d’Ukraine, d’Inde, de Grèce ou du Maroc, aussi bien que des vins français, avec une prédominance marquée pour Bordeaux.

Venant de gouter les 2011 des grands domaines bourguignons, boire des 2013 une semaine avant la fameuse semaine des primeurs de Bordeaux, ça crée un choc particulier. Car les vins que l’on boit son plus des jus que des vins. Ils ont un fruit très affirmé, sont ronds et gouleyants, mais, soyons clair, il est plus qu’hasardeux de prédire leur futur au stade où ils sont.

Après avoir vainement essayé de comprendre des vins non encore formés, j’ai profité de l’occasion pour bavarder avec des vignerons et des professionnels du vin.

Un sympathique buffet dinatoire dans une immense salle de réception de l’hôtel George V permettrait de goûter des vins plus compréhensibles de 2011 jusqu’à 2006 de nombreux vignerons généreux de « l’écurie Derenoncourt ». Son discours sur les difficultés rencontrées pendant la gestation du millésime 2013 est passionnant, car Stéphane ne manie pas la langue de bois et appelle un chat un chat. Il a parlé des choix cruciaux à faire à chaque instant, différents d’un domaine à l’autre tant le temps a joué des tours. Ce fut un grand moment, même si la dégustation de 2013 aussi embryonnaires ne m’a pas permis de connaître ce que sera ce millésime dont on parle beaucoup sans avoir les éléments pour être péremptoire.

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Présentation des vins du domaine Roumier par Christophe Roumier mercredi, 19 mars 2014

Christophe Roumier dirige et anime l’un des domaines les plus prestigieux de Bourgogne, le domaine Georges Roumier, du nom de son grand-père qui a pris possession du domaine dans les années 20, le recevant comme dot de son épouse à leur mariage. Il présente ses vins lors d’une des « Dégustations du Mardi » des non moins célèbres Caves Legrand.

Arrivé en avance sur le lieu de la dégustation je vois que Christophe est en train de faire une dégustation avant l’heure pour le personnel des caves Legrand. C’est éminemment sympathique. Je fais la connaissance de Makoto Fuse qui représente le nouvel actionnaire majoritaire des caves Legrand, et nous bavardons de choses du vin. Gérard Sibourd-Baudry et lui disposent d’un outil magnifique, à la notoriété remarquable. On m’offre une coupe de champagne apéritive sur des rondelles de saucisson, mais il ne faut pas trop manger car un « vrai » dîner est prévu lors de la dégustation, au lieu des grignotages habituels.

Cette dégustation fait salle comble, car écouter Christophe est un régal. Il parle de son domaine, des relations classiquement difficiles entre père et fils lorsque leurs temps de gestion se recouvrent et son propos est très décontracté et positif. Je suis toujours émerveillé par le caractère éminemment technique des questions de l’auditoire très pointu et Christophe répond avec un grand naturel sur des sujets comme fûts de bois neuf ou usagés, vendange entière ou égrappage, et sur mille points techniques dont les explications sont autant de relances pour de nouvelles questions.

Le domaine Roumier fait un vin blanc qui est un Corton-Charlemagne et dix rouges. Christophe a commencé à travailler au domaine en 1981.

La dégustation qui va suivre est handicapée, pour moi, par un méchant rhume, ce qui fait que n’ai pris aucune note olfactive.

Le Chambolle-Musigny domaine Georges Roumier 2011 est un « Villages ». Les raisins ont été totalement égrappés et le vin est un assemblage de vins de différentes parcelles. La couleur est assez claire et le vin est d’une très belle pureté. Il a de la précision, de la tension. Il est beau. Le final est chaud et chaleureux. Ce vin boxe dans une catégorie supérieure à son appellation. J’aime bien sa franchise.

Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Clos de la Bussière domaine Georges Roumier 2011 provient d’un clos, comme son nom l’indique. Sa couleur est plus foncée. Il a beaucoup plus d’ampleur mais je le trouve moins précis que le Villages. C’est sur le final que sa plus grande structure apparaît. Il est plus gastronomique. Il y a une légère amertume dans le final. C’est un grand vin.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2011 a une attaque tendue, sans concession. Le fruit est beau. C’est un vin qui manifestement doit vieillir. Il est un peu ingrat dans sa jeunesse mais plus le temps va passer et plus le vin va s’échauffer et plus je vais l’aimer.

Le Bonnes-Mares domaine Georges Roumier 2011 a un fruit explosif. C’est un jeune fou. Il promet beaucoup. Il a du velours. Il aura besoin de beaucoup d’années pour devenir le vin immense que l’on pressent.

Après ce panorama sur les vins de 2011 nous allons faire une mini-verticale du Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras dont nous venons de boire le 2011. Pendant que nous dégustons, le repas est servi. Il est ainsi composé : jambonneau croustillant au miel et taboulé de quinoa aux dattes / crème de betterave noire d’Egypte, truite fumée et poudre de pistache / effiloché de joue de bœuf et navet jaune / le fondant baulois.

Il n’y pas de doute, les Dégustations du Mardi s’embourgeoisent.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2010 est opulent, plus ensoleillé que le 2011. Il est plus rond et a un final plus court. De fait, je préfère le 2011. Le 2010 est plus sucré, plus flatteur. Le 2011 est plus strict mais plus profond.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2009 fait plus simple, plus fluide. Le final est très expressif. Il est difficile de comparer le 2009 aux deux autres car il ne semble pas avoir encore trouvé son point d’équilibre. Il va bien vieillir mais est dans une phase de retrait.

Je félicite chaudement Raphaël, que j’ai connu sommelier chez Gagnaire, pour l’incroyable pertinence de l’accord hautement improbable de la betterave et de la truite avec ces vins rouges. Avec une modestie qui mérite d’être signalée, Raphaël indique que c’est le chef des Caves Legrand qu’il faut féliciter. Cet accord incroyable sur le papier m’a ému.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2008 n’a pas beaucoup de charpente, mais il s’exprime de façon chaleureuse. Il est bon à boire comme cela, avec libération totale de ses arômes. Il ne vieillira pas beaucoup, et il faut en profiter tel qu’il est. En revenant sur le 2009 on voit le saut qualitatif en faveur de l’impair qui a le droit de rouler sur les sentiers de la gloire.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2007 est plus léger, gracile et comme je le ressens aussi, Christophe aime bien les vins des années légères qui expriment mieux certaines subtilités. Le final est un peu serré.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2006 a un bel équilibre mais il manque d’une petite étincelle de génie. Il a beaucoup de fruit, il est plus large mais je le trouve trop consensuel.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2005 est un très beau vin, doté d’un bel équilibre. Il est doux, calme, avec beaucoup de présence. C’est le plus intégré de tous les vins de cette série.

Nous reprenons du 2011 qui s’est épanoui dans la bouteille. Il a tout pour lui et c’est celui que je classe en premier, devant le 2005.

Christophe a une culture de vins rouges. Il en vinifie dix. Le Corton-Charlemagne, c’est un autre monde avec des processus complètement différents. La parcelle a été acquise en 1968.

Le Corton-Charlemagne domaine Georges Roumier 2011 est très beau, précis, ciselé. Il n’explose pas en bouche, il est très retenu mais il raconte beaucoup de choses car sa complexité est rare.

Le Corton-Charlemagne domaine Georges Roumier 2007 est beaucoup plus chantant et fruité. C’est un vin sérieux et strict mais très attachant. Il est difficile de choisir entre les deux car ils sont très différents. Il y a peut-être une vibration un peu plus forte avec le 2011. Christophe nous dit que le millésime qu’il préfère est le 2004.

Dès que la dégustation est terminée, les conversations s’animent, les questions fusent et je remarque l’extrême ouverture aux autres de Christophe Roumier, vigneron passionné de ce qu’il fait et suffisamment humble pour que l’on vive avec lui ses interrogations.

Il n’y avait pas de Musigny ce qui se comprend compte tenu de la petitesse de la production. Les vins sont jeunes donc peu dans ma sphère. Tous les vins ont été appréciables et appréciés. Les préférés pour moi sont le Bonnes-Mares 2011, Les Cras 2011 et 2005 et cet étonnant Chambolle-Musigny Villages 2011. C’est un beau voyage dans l’univers si riche du domaine Georges Roumier.

(les photos de Christophe Roumier ne sont pas très belles, mais elles témoignent de l’atmosphère de cette dégustation)

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Duel entre 1928 et 1929 du Château Carbonnieux mercredi, 12 mars 2014

L’histoire commence par la revue Vigneron. Oriane Nouailhac me fait le plaisir et l’honneur de me demander d’écrire un article dans cette prestigieuse revue. Le thème de mes billets est de raconter en une page un vin ancien porteur de souvenirs. J’ai déjà écrit dans plus d’une dizaine de numéros. Pour le prochain sujet, je choisis Château Carbonnieux rouge 1928, vin que j’ai bu plus d’une douzaine de fois avec grand plaisir. En compulsant mes notes, je constate que j’ai bu le 1929 une seule fois et j’ai eu ce commentaire : « ce 1929 est meilleur que les 1928 que j’ai bus ». Cette remarque m’étonne et il faut que j’en aie le cœur net. J’appelle Philibert Perrin qui, avec son frère Eric et sa sœur Christine ont pris les rênes de ce domaine à la suite du décès de leur père Anthony Perrin que j’avais bien connu. Je lui raconte le contexte et je lui propose que nous nous retrouvions pour vérifier si oui ou non le 1929 est supérieur au 1928 que j’ai adoré. L’idée lui plait et rendez-vous est pris pour une confrontation de ces deux années de légende.

J’arrive au Château Carbonnieux et suis accueilli par Christine Perrin. Philibert m’avait prévenu qu’il ne serait pas présent à mon arrivée et il était convenu que j’ouvrirais les vins en son absence. Philibert a sorti de son « caveau » les rouges de 1927, 1928 et 1929 et les blancs de 1937 et 1940. Je me vois mal ouvrir tous ces vins sans son aval, car nous serons peu nombreux à table, aussi j’ouvre seulement les 1928 et 1929. Alors que Philibert avait prévu que la comparaison se ferait avec ses vins, j’ai apporté un 1928 que j’ai acheté aux enchères il y a bien longtemps, en provenance des caves Nicolas. Ma bouteille est venue avec moi par avion hier, a fait le voyage vers Saint-Estèphe et ce matin vers Léognan. Elle a donc été chahutée. Son niveau est entre mi-épaule et basse épaule. Les 1928 et 1929 du château ont été rebouchés en 2007 et ont des niveaux parfaits, puisque les bouteilles ont été complétées avec des bouteilles de leur millésime.

Le nez du 1928 Nicolas est éblouissant de richesse fruitée. C’est une explosion de charme. A l’inverse les parfums des vins de la cave du château sont fermés, stricts et trop discrets. L’ouverture leur fera du bien. Philibert arrive et décide que nous ouvrirons tout. Le 1927 a un nez plus engageant que les 1928 et 1929. Pour les blancs, le 1940 a un nez désagréable et le 1937 a un nez d’une pureté extrême.

Nous prenons l’apéritif dans l’un des nombreux salons de cet immense château de grand charme. Le chef qui a préparé le repas et les amuse-bouche est familier du lieu et officie aussi régulièrement pour Jean-François Moueix. Il sait ce que vin ancien veut dire. Nous sommes quatre, Christine, Philibert, un ami de la maison, grand négociant en vins et moi. La mère de mes hôtes nous accompagnera de temps en temps, à l’apéritif et au dessert.

Le Château Carbonnieux blanc 1940 est trop ambré pour nous plaire. Le nez est désagréable, poussiéreux et dévié. En bouche, on pourrait imaginer ce qu’il voudrait dire, mais, trop oxydé, avec des senteurs de champignons et de poussière, il ne peut pas entraîner notre adhésion.

Il est vite remplacé par le Château Carbonnieux blanc 1937 pour lequel je dirai au moins dix fois : « ce vin est un miracle ». La couleur est encore claire, l’ambre étant plus que discret. Ce vin a été reconditionné en 2013. Le nez est beau, mais la bouche est encore plus belle. Il y a du pomelos, du citron confit, et l’acidité du vin est merveilleuse. Ce vin est frais, équilibré, savamment dosé. C’est un régal qui se confirmera sur les coquilles Saint-Jacques.

Le 1940 au fil du temps va perdre un peu de ses tendances poussiéreuses. Il pourrait devenir agréable, mais le côté oxydatif est trop marqué.

Devant nous, nous avons quatre vins rouges : le 1928 du château, le 1928 de ma cave; le 1929 et le 1927. La première chose qui frappe, c’est l’incroyable jeunesse des couleurs de ces quatre vins. Ils sont d’un sang noir prononcé. La plus belle couleur est celle du 1928 de ma cave, mais c’est une différence infime.

Les nez des trois vins du château sont stricts, presque fermés, alors que celui du 1928 de ma cave est d’un charme rare. Ce qui va étonner Philibert et son amis au plus haut point, c’est que le 1928 Nicolas ne va pas bouger d’un poil pendant tout le déjeuner et conserver une séduction particulièrement marquée.

La plus belle évolution, spectaculaire, est celle du 1928 du château, qui, strict au premier contact a pris de l’ampleur et de la consistance. Le Château Carbonnieux 1928 du château a un nez discret, une matière énorme et une pesanteur de bon aloi. Le Château Carbonnieux Caves Nicolas 1928 a plus de charme, plus de séduction instantanée mais un peu moins de matière.
Il est plus primesautier, fait plus l’école buissonnière, alors que son conscrit joue sur sa profondeur.

Le Château Carbonnieux 1929 a un nez assez fermé. On sent qu’il pourrait avoir une matière plus complexe que celle des deux 1928. Mais il joue en dedans. Il ne veut pas s’ouvrir et l’on dirait qu’il a le pied sur le frein à main. C’est un grand vin qui nous ravirait s’il était seul, mais qui n’a pas voulu jouer la compétition.

Le Château Carbonnieux 1927 est une immense surprise. Cette année est introuvable et je n’ai bu aucun bordeaux rouge de 1927. Il fait presque jeu égal avec le 1929 mais bien sûr il n’a pas une étoffe aussi belle. Mais il tiendrait sa place à haut niveau s’il était seul sur un repas.

Nos commentaires ont évolué pendant le repas surtout à cause de la spectaculaire progression du 1928 du château. Le classement de Philibert et aussi de Romain, maître de chai venu nous rejoindre en fin de repas est : 1928 du château, 1928 de Nicolas, 1929 et 1927. Ce classement est normal car ils retrouvent dans le 1928 du château ce qu’ils ont l’habitude de boire.

Mon classement diffère du leur pour la même raison. Je retrouve dans le 1928 Nicolas ce goût prononcé de truffe que j’ai adoré de multiples fois. J’ai classé : 1928 Nicolas, 1928 château, 1929 et 1927. Nous avons tous été frappé par la jeunesse et la présence de tous ces vins. Le fait que le 1928 chahuté dans les transports et de niveau bas se comporte avec une telle constance sur plus de deux heures est une preuve de la solidité des vins anciens de Graves.

Là où nous nous retrouvons tous, c’est pour dire que dans le classement final, c’est le Château Carbonnieux blanc 1937 qui est le premier, car il représente une forme ultime du grand vin blanc de Graves.

Les vins rouges ont été accompagnés par une pièce de bœuf aux petits légumes dont la sauce au vin était trop appuyée pour l’exercice auquel nous nous sommes livrés.

J’avais apporté avec moi un Château d’Yquem 1987 qui a accompagné à merveille un carpaccio d’ananas aux fines lamelles d’orange confite. Le nez du vin est un peu lourd, mais en bouche, le vin est tout simplement parfait. J’adore cette année d’Yquem qui donne des vins distingués, racés et élégants, avec une merveilleuse fraîcheur de fin de bouche.

A l’issue de ce repas, nous avions l’impression d’avoir vécu un grand moment. Et j’ai la réponse qui conforte mes amours passées, les deux 1928 ont tenu la dragée haute au 1929 qui m’a donné l’impression de refuser le combat.

Merci Philibert Perrin d’avoir permis cette belle exploration d’un vin rouge cher à mon cœur, le Château Carbonnieux.

Le château vu de la cour

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La collection de vieilles voitures

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Le « caveau »

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J’ouvre mes bouteilles et les 28 et 29

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Les vins

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La couleur du blanc 1940 et aussi par comparaison la couleur du 1937

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La couleur des rouges : 28 chateau, 28 Nicolas, 29, 27

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Le repas

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J’ouvre l’Yquem 1987 à table. Surprise, elle a voyagé au Japon !

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tableaux finaux

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De très jeunes et de très vieux Phélan-Ségur bus au château, dont un extraordinaire 1955 et un 2013 qui promet mercredi, 12 mars 2014

Thierry Gardinier reçoit à dîner quelques courtiers ou distributeurs de la place de Bordeaux au château Phélan-Ségur, belle demeure à l’architecture stricte voire militaire. Nous serons huit.

Je suis arrivé suffisamment tôt pour ouvrir les vins que j’ai apportés qui sont un petit clin d’œil amical à Thierry Gardinier. Le Taillevent a créé un « dîner Curnonsky » avec les cinq vins consacrés par le « Prince des Gastronomes ». J’ai donc apporté deux vins sacrés par Curnonsky, d’un âge plus canonique que ceux du repas de Taillevent, pour titiller amicalement mon hôte. J’ouvre mes deux vins dont les parfums sont diaboliques. Le menu ayant été composé sans qu’on connaisse mon apport, le Château Chalon ira naturellement avec les fromages et ce serait dommage d’y associer aussi le Clos de la Coulée de Serrant. La seule place possible pour lui sera avec le champagne d’apéritif.

Lorsque les invités arrivent, dans la salle de dégustation, Véronique Dausse nous invite à une petite verticale de son vin, de 2006 à 2012 avec trois verres supplémentaires pour 2013 qui sera goûté dans moins d’un mois à l’occasion de la fameuse semaine des primeurs.

N’étant pas un spécialiste des vins jeunes, mes commentaires sont instinctifs et à juger comme tels.

Le Château Phélan-Ségur composante merlot 2013 est raide, serré, mais de belle matière.

Le Château Phélan-Ségur composante cabernet 2013 a moins de matière. Il est plus léger.

Le Château Phélan-Ségur 2013 avec un assemblage qui n’est pas définitif est élégant et de belle structure. Pour mon goût, le merlot est le plus vibrant. Ces trois versions du 2013 me font m’interroger sur les réserves qui ont été émises sur ce millésime. Les rendements sont faibles, mais le vin est bien présent dans le verre.

Le Château Phélan-Ségur 2012 a un beau cassis gourmand. Il a de la finesse. C’est un très joli vin élégant.

Le Château Phélan-Ségur 2011 est plus strict. Il faut l’attendre.

Le Château Phélan-Ségur 2010 est joli, très pur, tout en retenue. Il est équilibré au final toasté.

Le Château Phélan-Ségur 2009 est élégant, avec un beau corps et un beau final, mais je m’attendais à mieux.

Le Château Phélan-Ségur 2008 est plus fermé et plus strict

Le Château Phélan-Ségur 2007 est élégant, léger et très agréable

Le Château Phélan-Ségur 2006 est un beau vin épanoui, avec une opulence de vin accompli.

Mes deux préférés sont le 2012 et le 2007, vins de grâce pure, et pour le 2013, le merlot.

Ce qui ressort de ce court voyage, c’est que les vins sont tous élégants, avec un final un peu toasté. Il y a beaucoup d’équilibre et aucun excès ne vient forcer le talent au-delà du raisonnable. C’est tout à l’honneur de ce château de faire un vin tout en mesure, un peu à l’instar de Haut-Bailly, lui aussi fait par une femme. Encore un stéréotype du genre !

Nous nous rendons ensuite dans l’un des salons du château pour l’apéritif et le dîner.

* * * * *

Nous sommes huit au château Phélan-Ségur et nous venons de faire une petite verticale de 2006 à 2013 de ce vin. Dans le très joli salon du château, Thierry Gardinier nous invite à prendre l’apéritif. L’un des convives, Pierre, a apporté un Champagne Lanson 1975 dont la bouteille a la caractéristique forme de quille du passé de cette maison. Lorsque le bouchon est enlevé, aucune trace de pschitt. Le vin est très ambré. Il n’a plus de pétillant. Il pourrait être agréable s’il n’était amer. Il est oublié au profit d’un Champagne Lanson Noble Cuvée 1985 pétillant, vivant et de belle expression. C’est un vin stylé.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses magnum 1986 fait partie des grands Clos des Goisses. Il a tout, la vivacité, l’épanouissement, la joie de vivre. Il est très beau. Je le trouve généreux et superbe.

A côté de lui on a mis le Clos de la Coulée de Serrant Savennières Mme A. Joly 1970 que j’avais apporté. Voilà un vin extraordinaire dont on peut dire qu’on n’arrive jamais complètement à le connaître. Car il est changeant, énigmatique, kaléidoscopique. C’est un très grand vin d’une complexité folle, mais la cohabitation avec le champagne ne lui profite pas vraiment. Il lui aurait fallu un plat pour qu’il montre tout son talent. Nous avons toutefois apprécié ces deux grands vins, le Philipponnat et le Savennières particulièrement brillants.

Nous passons à table et le menu prévu par le chef du château est : rognons de veau dorés au sautoir, pommes rattes et piquillos / Pithiviers de tradition au canard, foie gras et truffes noires / fromages affinés de Maître Xavier / tarte au chocolat, glace vanille Bourbon et crème au café.

Les vins sont servis à l’aveugle mais nous savons que ce sont des Phélan-Ségur.

Pour la première série, je me suis joyeusement trompé sur les années, mettant le curseur à des années de plus. Le Château Phélan-Ségur 1981 est un vin immense et étonnant de grandeur. Par rapport aux jeunets que nous avons bus dans la salle de dégustation, il y a un monde. Nous sommes frappés par les couleurs profondes de tous les vins.

Alors que sur le papier, j’aurais dit que le Château Phélan-Ségur 1971 gagnerait face au 81, c’est le contraire. Le 1971 est grand, très charpenté. Mais le 1981 est plus éblouissant.

Dans la série qui suit, que de surprises ! Le Château Phélan-Ségur 1991 est d’une année que personne n’aurait soupçonné à ce niveau. Il est associé à deux vins qui vont nous surprendre.

Ce Château Phélan-Ségur 1961 a été ouvert deux heures et demie avant le repas et carafé tout de suite alors que l’autre Château Phélan-Ségur 1961 a été ouvert au même moment et carafé quelques minutes avant le service. Que constate-t-on ?

Contre toute attente, le 1991 est meilleur que les deux 1961. Bien sûr, le 1991 n’a pas la matière ni la vigueur des 1961, mais on sent très nettement que les deux 1961 n’expriment pas la grandeur de l’année. Le 1961 carafé depuis plusieurs heures est meilleur que le 1961 carafé récemment. Peut-on en conclure quelque chose ? Ce n’est pas évident, car l’écart entre deux bouteilles peut jouer plus que l’écart de temps au carafage. Mais c’est intéressant.

Le Pithiviers est probablement un plat un peu lourd pour mettre en valeur ces vins subtils. Mais le plat n’a gêné en rien notre approche de ces vins.

Il ne sera pas difficile de choisir le vainqueur des vins rouges de ce soir. Car le Château Phélan-Ségur 1955 est éblouissant. Il a tout pour lui, le charme, l’élégance, la puissance et la joie de vivre. C’est un vin au sommet de sa forme, comme cela arrive souvent avec les 1955. Le fruit est beau et généreux.

De ces Phélan-Ségur d’années en 1, celui qui gagne est celui qui n’est pas en 1, le 1955. Mon deuxième chouchou est le 1981. Le 1991 aura le prix de la plus belle surprise.

Le Château Chalon Fruitère Vinicole de Voiteur 1959, deuxième vin « Curnonskien » que j’ai apporté est immense. Il est au sommet de son épanouissement, riche, claquant sur la langue et donnant un accord divin avec le Comté. C’est un très grand Château Chalon avec une plénitude unique. Quand il emplit la bouche, c’est de l’or fondu.

Le Quinta do Noval Porto Tawny Colheita 1964 est gourmand mais je trouve qu’il manque un peu de fruit, emporté par sa puissance alcoolique.

En revenant au Clos des Goisses, je suis conquis par ce champagne superbe.

C’était un dîner d’amis. Mais ce fut l’occasion d’ouvrir des années rares de Phélan-Ségur dont certaines venant des caves des convives puisque le château n’en a que très peu. Et la démonstration est concluante : Phélan Ségur est un vin élégant, traditionnel, qui jamais ne force son talent. On s’aperçoit que les vins récents s’inscrivent dans la ligne d’excellence des millésimes anciens de ce beau Saint-Estèphe.

Un château qui est capable de produire un 1955 de cette trempe ne peut pas ne pas être un grand vin. Longue vie à ce château.

L’ouverture de mes vins

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la dégustation des vins jeunes

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les vins du repas

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Rhône Vignobles – acte 4 – déjeuner chez Jean-Michel Gerin préparé par le chef de La Pyramide mardi, 4 février 2014

« Rhône Vignobles » a fait goûter des vins anciens de ses quinze membres dans les chais du domaine Jean-Michel Gerin. Il est temps de passer à table.

Patrick Henriroux, le chef de La Pyramide à Vienne est venu avec son équipe pour faire le repas pour cent cinquante personnes. Sur une longue table des vins sont alignés, ouverts, de tous les formats jusqu’au mathusalem. Les vignerons vont passer auprès de tous les convives avec leurs vins et la phrase que l’on entend le plus, à un rythme endiablé, c’est « vide ton verre et goûte moi ça ! ». C’est le même principe qu’à la Paulée de Meursault, celui d’une invraisemblable générosité.

Le repas est riche et sophistiqué. Le menu est si complexe que je n’ai pas tout noté mais j’ai goûté une soupe aux châtaignes, un pâté en croûte délicieux, un millefeuille de volaille au curry superbe, un civet de biche goûteux.

Je n’ai pas été très attentif à prendre des notes qui ne couvrent pas tous les vins que j’ai bus. Le Chateauneuf-du-Pape blanc Cuvée Prestige La Janasse 2004 a un joli gras. Il est brut de forge et demandera quelques années pour s’assembler et devenir grand comme il le promet.

Le Crozes Hermitage blanc Clos des Grives Combier magnum 2005 a beaucoup plus de tension. C’est un vin superbe de vieilles roussanes.

Le Coteaux d’Aix Revelette blanc 2004 est frais et agréable.

Le Lubéron Gouverneur rouge domaine de la Citadelle 2000 a une très belle mâche et profite de la nourriture solide.

Le Saint-Joseph Graillot 1996 est un peu acide ce qui tient à la vendange entière, me souffle mon voisin Vincent Delubac.

Le Crozes Hermitage rouge Clos des Grives Combier mathusalem 2004 est absolument superbe, gourmand. C’est un très beau vin aux belles épices.

Je surprends sur l’instant deux vignerons qui portent l’un un jéroboam et l’autre un mathusalem et le premier dit à l’autre : « tu en as une plus grosse que moi ». L’atmosphère est à la gaieté.

La Côte Rôtie La Landonne domaine Gerin jéroboam 2007 a une très belle structure et beaucoup de cohérence. Il est solide et grand, de belle séduction.

Le dernier vin que je boirai est celui que j’ai sauvé ! Le Chateauneuf-du-Pape rouge domaine Beaurenard mathusalem 1998 a une très belle profondeur. Il est un peu strict et de belle trame. C’est un grand vin.

Annonçant mon proche départ au chef Patrick Henriroux, il a eu l’amabilité de me faire servir le dessert au chocolat avant tout le monde. Nous avons prévu de nous revoir pour faire un dîner de grands vins, et ouvrir quelques liqueurs dont il a une belle collection.

Etant assis à côté de notre hôte, Jean-Michel Gerin, je lui avais dit que j’ai dans ma voiture cinq vins qui devaient être ouvert pour ce déjeuner, dont un de ma cave et aussi le reste de Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1999 que plusieurs amis et moi-même n’avions pas bus. Jean-Michel m’ayant dit que ce n’était pas le moment de mêler des vins qui ne sont pas des vignerons, j’avais l’intention de laisser les vins pour la « soupe » du soir que Jean-Michel a prévue. Mais au moment des adieux, j’ai salué plusieurs amis et je suis parti sans laisser les vins. Ils sont maintenant dans ma cave pour être ouverts lors de la prochaine manifestation de Rhône Vignobles.

Et le Beaune Grèves dans tout cela ? Ce vin qui avait voyagé de ma cave à Ampuis, avait été transvasé dans une carafe puis versé à nouveau dans la bouteille, chahuté pendant le voyage de retour avait toutes raisons d’être un peu groggy. Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1999* a voulu me faire plaisir. Il m’a offert un velouté et un soyeux qui sont la marque de ce vin que je chéris et que je voulais partager avec mes amis vignerons et que j’ai bu, seul, un peu triste d’être seul à en profiter.

En deux jours, avec des vignerons chaleureux et généreux, nous avons partagé de grands vins et de grands moments, dans le confort d’une chaude amitié. Vive le Rhône et vive Rhône Vignobles. Des rendez-vous sont pris pour de folles aventures.

les tables du repas

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la préparation du buffet

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les vins en quantité et en grands formats

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photos des plats, sans le civet délicieux

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