Archives de catégorie : vins et vignerons

Déjeuner au restaurant Le Millésime avec des vins du domaine de Vogüé samedi, 23 novembre 2013

Nous nous rendons à pied au restaurant Le Millésime avec nos musettes respectives. Nous avons un salon pour nous tout seuls aussi puis-je immédiatement procéder à l’ouverture de mon vin, qui est venu en voiture avec moi et a donc été agité. Imaginant que je bénéficierais d’une verticale extensive du Musigny, j’avais pris avec moi un vin pour qu’il permette une comparaison avec les plus vieux, mais dès mon arrivée au domaine, Jean-Luc m’avait dit que les réserves du domaine sont maigrelettes et que l’âge des vins du repas ne serait pas canonique. Tant pis, il faut prendre les choses telles qu’elles viennent, sachant que la générosité est là, puisque Jean-Luc Pépin est l’un des plus généreux lors des dîners de vignerons que j’organise chaque année. Mon vin a un bouchon qui vient bien, d’une grandes souplesse qui laisse penser qu’il est plutôt de 1948 / 1950 que de l’année du vin, résultant probablement d’un rebouchage. Le parfum est splendide. De peur qu’il ne s’évanouisse du fait du chahut du voyage, il sera goûté en premier.

Le menu que je choisis est : queue de cochon en robe des champs, pulpe de haricots tarbais / fusette de filet d’oie, jus aux épices du Maghreb et pulpe de pois chiches.

La bouteille que j’ai prise en cave car je l’avais repérée et j’en attendais une belle surprise est une bouteille dont on ne voit que l’année, 1918. Comme on vient de passer une semaine à ne parler que de la future commémoration de la grande guerre, j’ai eu envie de l’apporter au domaine de Vogüé, domaine pour lequel j’ai les yeux de Chimène, ces yeux pleurant parfois sur l’inaccessibilité financière des vieux millésimes. L’étiquette de mon vin est en lambeaux mais en faisant un travail de Champollion, je risquerais ce nom : Chambertin Thomas Bassot 1918 car il y a des lettres qui rendent cette hypothèse probable.

Le nez est très joli, très doux. En bouche, le vin est très doux, il a un peu de pruneau, il est velouté. J’ai peur qu’il ne décline, mais en fait c’est le contraire qui se produit. Il se renforce, prend de la consistance tout en gardant un charme velouté et doucereux.

Le Bourgogne Blanc domaine Georges de Vogüé 1995 a un caractère lacté. Il est capiteux, opulent et généreux et s’associe très bien à la queue de cochon.

Le Chambolle Musigny Les Amoureuses domaine Georges de Vogüé 2007 est frais, d’un beau fruit généreux mais gracile. C’est un vin très plaisant. Il n’a pas beaucoup de puissance mais il a la spontanéité du fruit rouge. Il ressemble au 2012 que nous avons goûté en cave.

Le blanc fait lourd et pesant après le rouge. Il a un beau fruit jaune clair mais on sent les vignes jeunes. Il y a un peu de litchi. Le vin est capiteux.

Le 2007 auquel on revient est un vin de très grand plaisir. Il a un final en coup de fouet minéral.

Le Musigny Vieilles Vignes domaine Georges de Vogüé 1996 a un nez superbe et profond. C’est un vin intense, riche mais de très grande subtilité. Sur l’oie, il ne cherche pas à s’imposer. François évoque, et c’est vrai, la peau blanche de pamplemousse. Le vin est riche, très gastronomique, rafraîchissant.

Le 1918 progresse et progresse, prenant de l’ampleur. Le 2007 confirme sa fraîcheur extrême.

Le Bonnes-Mares domaine Georges de Vogüé 1980 a une couleur plus tuilée. C’est Alain Roumier qui a fait ce vin de 1956 à 1985. François Millet a pris sa suite en 1986. Ce vin a des caractéristiques de vin ancien, sans doute un peu plus que ne devrait son millésime. Il a des aspects de griotte et de kirsch mais aussi de bois marin car le sel affleure.

Sur l’oie, la fraîcheur du 1918 est incroyable. En résumé, le 2007 est très frais et aérien, le 1996 a une belle puissance et un grand équilibre, le 1980 s’améliore et perd un peu de son caractère évolué et le 1918 est magnifique avec une tenue exemplaire. Sa tension est inimaginable et son fruit très vivant.

Je quitte mes hôtes à toute vitesse, car je dois participer à une émission sur France Culture qui parle de bonne chère et de bons vins, ce qui ne m’empêche pas de les remercier pour le temps qu’il m’ont consacré et pour leur générosité. Le restaurant est agréable et le service attentif. Croisant au retour Frédéric Mugnier je lui dis que c’est assez curieux qu’au cœur de l’aristocratie viticole de la Bourgogne le restaurant ne fasse pas une cuisine plus simple qui se met au service des vins si prodigieux qui l’entourent. La cuisine est bonne. Mais elle doit comprendre qu’elle est au service des vins miraculeux de sa région et de sa commune !

Cette immersion dans le monde de Vogüé, par ses vins jeunes et par ses vins plus mûrs à table fut une grande réussite.

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Le 1918 à déchiffrer. Merci pour vos éventuelles suggestions.

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Dégustation des 2012, 2011 et 2010 au domaine Georges de Vogüé samedi, 23 novembre 2013

A l’invitation de Jean-Luc Pépin je me rends au domaine Comte Georges de Vogüé dans la charmante ville de Chambolle-Musigny. Avec François Millet maître de chai et Eric Bourgogne responsable des vignes, nous allons goûter les vins en fût de 2012 en cave.

Il doit être dit que je ne suis pas un expert en vins jeunes aussi mes notes ne sont que des impressions de voyage, de vagabondage, qui ne prétendent pas exprimer une vérité intangible. De plus les vins que l’on boit sont parfois à des stades différents de leurs évolutions. On ne retiendra donc de ces notes que les impressions d’un amateur au palais formé ou déformé par les vins anciens.

Le Musigny blanc domaine Georges de Vogüé 2012 évoque la noix. Il est très minéral avec des agrumes, de l’acacia et du tilleul. Il a été soutiré il y a dix jours et se montre très ouvert. Il est à noter que le Musigny blanc s’appelle encore Bourgogne Blanc, car le domaine ne veut donner le nom de Musigny qu’à un vin de vieilles vignes. Du fait d’arrachages, le dernier Musigny blanc date de 1993. Les années suivantes sont des « Bourgogne Blanc » et reprendront leur nom de Musigny dans trois ou quatre ans.

Le Chambolle Musigny domaine Georges de Vogüé 2012 est d’une année difficile. Le nez est fermé car en cave la température est très basse. Il fait froid dehors. L’attaque est très belle et le final est assez coincé. Il y a du bonbon sucré que l’on croque et un peu d’astringence. Le vin fermé est peu charmeur.

Le Chambolle Musigny 1er Cru domaine Georges de Vogüé 2012 est en fait le Musigny de jeunes vignes, de moins de 25 ans, qui n’aura pas l’appellation Musigny. L’âge moyen des vignes est de 16 ans. Le gap est énorme avec le précédent. Le vin est riche, il a du fruit, opulent même s’il y a une astringence finale. Les fruits rouges et noirs sont très spontanés.

Le Chambolle Musigny Les Amoureuses domaine Georges de Vogüé 2012 a un nez raffiné. Les vignes ont été plantées en 1964 et 1974. Le vin est raffiné, élégant et cohérent. Il y a de la confiserie de framboise et du poivre blanc.

Le Bonnes-Mares domaine Georges de Vogüé 2012 est très différent. Il est plus subtil et plus intellectuel. Le fruit est moins apparent. Il a une astringence finale. On sent la myrtille, la prunelle, la feuille verte. Il a beaucoup de fraîcheur. La couleur du vin tend vers le bleu et le violet.

Le Musigny Vieilles Vignes domaine Georges de Vogüé 2012 est d’un parfum riche et très cohérent. Très fermé, on sent sa grande énergie. Comme c’est le plus grand, c’est celui qui aura besoin de plus de temps pour s’exprimer. Il a une consistance de fruits rouges et noirs, de cassis. Son poivre est fort et le final est le plus riche, avec beaucoup plus de réserve. C’est le vin au final le plus long, malgré une mise plus tardive de trois mois.

Les 2011 sont bus de bouteilles et non plus de fûts.

Le Chambolle Musigny domaine Georges de Vogüé 2011 montre une très grosse différence, car le vin est déjà buvable. C’est un très beau vin accueillant, d’un millésime précoce, évoquant la gelée de fruit.

Le Chambolle Musigny 1er Cru domaine Georges de Vogüé 2011 (jeunes vignes du Musigny) a plus de végétal. Il est moins souriant que le Villages. Il va s’épanouir. On a une sensation de calcaire en final. Au réchauffement dans les mains, le vin devient plus sympathique.

Le Bonnes-Mares domaine Georges de Vogüé 2011 a beaucoup de richesse, beaucoup de cohérence. C’est un grand vin. Le fruit est très bien mesuré. Le vin est superbe. François dit qu’il évoque le goûter de quatre heures.

Le Musigny Vieilles Vignes domaine Georges de Vogüé 2011 a une magnifique matière. Il y a des fruits noirs. Il y a presque du gras tant le vin est soyeux et charmant. Minéralité, densité et réserve sont ses caractéristiques de grand vin. Je sens la peau de raison. Le vin titre 12,3°.

Le Chambolle Musigny domaine Georges de Vogüé 2010 a une belle attaque mais un final rêche. Son parcours en bouche est assez court. Je préfère le 2011 à leurs stades respectifs de développement aujourd’hui. Au deuxième essai le vin est meilleur, avec un final plus sympathique.

Le Chambolle Musigny 1er Cru domaine Georges de Vogüé 2010 a plus de consistance. Le final est plus riche. Il est assez strict, très droit, plus épuré. Il est minéral et de grande clarté.

Le Bonnes-Mares domaine Georges de Vogüé 2010 est riche et plus joyeux. Il a un beau fruit épanoui, entre rouge et noir. Le final est un peu léger mais c’est un grand vin très fluide et très beau.

Le Musigny Vieilles Vignes domaine Georges de Vogüé 2010 a une grande élégance et une belle richesse. Il est assez contenu. François dit : « c’est un lac d’eau très pure », car il est fluide et de grande minéralité. Je sens des fruits très purs à petits grains. Il a beaucoup de précision. Le vin est ensoleillé.

Cette dégustation est très intéressante car j’apprends beaucoup de choses. Jean-Luc, François et Eric ont en tête les données climatiques qui leur permettent de mettre ces vins en perspective. Je n’ai que mon palais pour juger de leurs qualités immédiates, celles du jour de la dégustation de vins dont les âges sont de 1, 2 et 3 ans, ce qui crée des différences considérables.

Vite, allons déjeuner, pour boire « en vrai » ce que deviennent les si belles promesses de ce domaine prestigieux.

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le domaine qui n’avait pratiquement plus aucun vin ancien constitue une « bibliothèque » pour le futur.

Les 30 ans de l’Ordre des Dames du Vin et de la Table vendredi, 22 novembre 2013

L’Ordre des Dames du Vin et de la Table fête ses trente ans au restaurant Laurent. La Présidente est Françoise Cornu-Rigord de la Commanderie de Peyrassol. Avant le dîner il était possible de goûter des vins des Dames mais je ne suis arrivé que pour le dîner .

L’apéritif est servi à table. C’est un Champagne AR Lenoble grand cru blanc de blancs non millésimé. Ayant passé ma journée à goûter des champagnes de Pierre Péters, il m’est difficile de recalibrer mon palais sur ce champagne plus opulent et d’un autre terroir.

Je suis à la table d’une ancienne présidente, Gisèle Gonet, de la célèbre maison de champagne de Mesnil-sur-Oger où j’étais ce matin même, d’une ancienne propriétaire de Cheval Blanc que je connais depuis quelques années, qui possède maintenant le château qui a appartenu à Joséphine Baker. Il y a aussi un couple de vignerons suisses dont la femme est présidente de l’association des vins de Suisse (Artisanes du Vin), une vigneronne de Pommard et d’autres personnes de l’autre côté de la table avec qui il fut impossible de parler dans l’ambiance bruyante et joyeuse de ce dîner.

Le menu mis au point par l’Ordre et Alain Pégouret est : araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / homard en civet / volaille de Bresse farcie au foie gras, champignons des bois / pamplemousse rose en marmelade dans un pain d’épice maison, sorbet / café, mignardises et chocolats.

Le Sancerre Cuvée des 500 ans, Joseph Mellot 2012 est brutal. C’est une bombe olfactive et j’ai bien du mal avec ce vin auquel je prédis un bel avenir. Le Montagny 1er cru « Les Coères » Feuillat Juillot 2011 est d’une densité extrême. Lui aussi est très fort mais plus civilisé du fait de son âge. C’est lui qui accompagne le mieux l’araignée d’une qualité particulièrement appréciable.

Le Chinon « Clos du Chêne vert » Charles Joguet 2009 est probablement le vin de la soirée pour moi. Il est riche mais absolument charmant, glissant en bouche avec une joie certaine. Madame de Labarre, ex-Cheval Blanc, l’adore pour la pureté de son cabernet franc.

Le Château d’Afrique Côtes de Provence Elie Sumeire 2009 est moins précis que le chinon qui est servi en même temps que lui. Le Chinon est plus adapté à la chair du homard, et le Côtes de Provence plus adapté à la sauce très (trop ?) poivrée.

Le Pommard 1er Cru Les Epenots domaine Parent 2007 de ma voisine de table est plus puissant et tannique que ce que j’aurais imaginé. Il est plus puissant qu’il n’est Pommard, mais il est très bon.

Le Château La Tour de l’Evêque Côtes de Provence Régine Sumeire 2009 est très agréable, plus fondu que celui d’Elie. Les deux vins se régalent avec la volaille de Bresse exceptionnellement aérienne et goûteuse.

Le Château Rayne Vigneau 2007 est un bonheur. C’est le mieux dessiné de tous les vins du repas. Il est précis, sa puissance est contenue. Il dégage un bonheur serein. Avec les agrumes du dessert, il vibre bien, mais les biscuits et le sorbet ne lui conviennent pas. Le dessert est trop disparate pour le vin.

Les Dames du Vin et de la Table ne sont pas toutes des oratrices et il est difficile d’entendre leurs discours dans le brouhaha de groupes qui bavardent lors des discours. L’ambiance est chaleureuse et souriante. Tous et toutes sont heureux d’être ensemble. Le service du Laurent pour 150 couverts et neuf vins à servir a été parfait comme d’habitude. L’araignée et la volaille sont deux temps forts, ainsi que le Chinon et le Rayne-Vigneau.

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dîner de gala de l’Académie du Vin de France vendredi, 22 novembre 2013

Comme chaque année, le dîner de gala de l’Académie du Vin de France se tient au restaurant Laurent. Avant cela, les membres de l’académie donnent à goûter lors d’une paulée le dernier millésime mis en bouteilles. Cette année, c’est le 2011. Les plus sérieux boivent tous les vins présentés qui sont une cinquantaine. La tentation est grande de bavarder avec les vignerons que l’on a plaisir à retrouver, ce qui limite les dégustations. J’ai bu et apprécié un Muscat Zind Humbrecht, le Clos Sainte-Hune Trimbach aérien, un Puligny-Montrachet les Pucelles domaine Leflaive puissant, un Crozes-Hermitage Graillot excellent, la Romanée Saint-Vivant du domaine de la Romanée Conti merveilleusement romantique, un Hermitage rouge Chave d’une fraîcheur extrême, un Château Gazin aux tannins de belle affirmation, le Mas Jullien très pur, le Château Simone solide et pour finir, les deux liquoreux de Cauhapé et de Fargues séduisants mais tellement jeunes !

L’apéritif permet de se rafraîchir le palais avec un Champagne Pol Roger 2004 de belle tension riche et déjà bien épanoui. Il se boit avec bonheur.

Nous rejoignons nos tables. Je suis venu avec ma fille que beaucoup de vignerons sont heureux de rencontrer car elle est souvent citée dans les aventures que ces vignerons amis me font le plaisir et l’honneur de lire. Autour de la table il y a des fidèles du restaurant Laurent du monde de la finance ou de l’administration, monsieur et madame Graillot avec lesquels j’ai en vue des agapes proches au cours desquelles l’on ouvrira de grands vins et Olivier Jullien qui est le premier vigneron languedocien à avoir rejoint l’académie. Le menu mis au point par des membres de l’académie et Alain Pégouret est : Corail d’oursins au naturel / homard servi à la façon d’une bourride, truffe blanche d’Alba / pigeon à peine fumé et rôti, champignon des bois et pommes soufflées, sauce piquante / saint-marcellin et vieux gouda / glace vanille minute, huile d’olive toscane « Castello Colle-Massari » récolte 2013 / palmiers et mignardises.

Le Riesling Clos Windsbuhl Zind-Humbrecht 2007 est une merveille de précision. Que ce vin est bon ! Il m’apporte une joie que je peux difficilement contenir. Car ce vin est parfait, joliment fouetté par le corail puissant au point d’avoir une persistance aromatique en bouche quasi infinie. J’ai eu un peu de mal à trouver l’accord avec les trois saveurs, gelée, crème et langues d’oursins. Jacques Puisais avec qui j’en ai parlé en fin de repas m’a dit : » il fallait prendre de grandes lampées du vin pour créer l’accord ».

L’Hermitage blanc J. L. Chave 2000 est riche et profond, en grand contraste avec l’alsacien précis et aérien. On est ici sur un vin terrien de belle mâche qui trouve dans la truffe blanche une résonance d’une force rare. Ce vin plein au beau fruité un peu confit est du bonheur.

Il m’est difficile de ne pas frémir quand je suis servi de La Tâche domaine de la Romanée Conti 2000. L’accord avec le pigeon et les champignons est d’un naturel absolu. Jacques Puisais l’a préféré sur les pattes du pigeon. Je l’ai préféré sur les suprêmes. C’est évidemment à la marge, car l’accord d’ensemble est divin. Le vin est d’une distinction, d’une politesse qui n’existent qu’avec les vins bien nés. Mais il sait aussi être judicieusement gourmand. Boire cette Tâche qui n’est pas la plus opulente mais laisse une belle trace en bouche est un plaisir d’un raffinement consommé.

Le Chateauneuf-du-Pape Château de Beaucastel rouge 2003 est un vin très différent, plus carré, plus facile à vivre, mais de belle joie. Il a la dure tâche d’accompagner des fromages très bons mais qui ne le font pas vibrer comme ils le pourraient.

Le Château de Fargues Sauternes 2005 a tous les attributs d’un grand sauternes, mais qu’est-ce qu’il est jeune ! Il lui faudrait trente ans de plus pour exprimer tout son talent. Il a toutefois créé un accord qui est probablement le plus original que j’aie rencontré cette année. Et le miracle de cet accord, c’est l’huile d’olive ! Car elle fluidifie la glace fondante qui claque sur le sauternes. Chapeau bas à ceux qui ont imaginé cet accord diabolique.

Comme chaque année Jacques Puisais a analysé les vins et les accords avec un brio parfois très gaulois. La cuisine du Laurent a été une fois de plus de très haute qualité, la truffe d’Alba et le pigeon rosé mettant en valeur les vins associés et l’accord du dessert tutoyant le génie.

Les dîners de l’académie du vin de France sont l’occasion de retrouver des vignerons qui comptent parmi les plus prestigieux de France. Leurs 2011 et les vins servis à table en ont fait une éclatante démonstration.

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dîner à l’Orangerie du château de Beaune avec des vins de Bouchard samedi, 16 novembre 2013

A l’occasion de la 153ème vente des vins des Hospices de Beaune, Joseph Henriot, Christophe Bouchard et Thomas Henriot invitent des gens de presse et des amis à un dîner à l’Orangerie du château de Beaune. A chacun de ces dîners, Christophe Bouchard choisit un thème. Ce peut être un thème numérique, en ouvrant des vins dont le dernier chiffre du millésime est celui de l’année en cours ou des thèmes liés à la climatologie. L’année 2013 ayant été marquée par de gros problèmes climatiques, le thème de ce soir est : les plus beaux millésimes tardifs.

Dans l’élégant salon du château, nous trinquons avec un Champagne Henriot blanc de blancs brut magnum sans année fondé sur une base de 2007 avec ajoute de vins de réserve. Le champagne est franc, très plaisant. C’est un champagne au goût de « revenez-y » au beau fruit généreux.

Nous sommes une cinquantaine dans la salle à manger de l’Orangerie. Je suis placé à la table de Thomas Henriot, juste à côté de Michel Bettane. Goûter avec lui et l’écouter est un émerveillement tant sa science dépasse tout ce qui est imaginable.

Le menu est : carpaccio de Saint-Jacques, topinambour et truffe de Bourgogne / vichyssoise de homard et crème aigrelette / filet de bœuf charolais servi saignant, champignon, jus truffé et gnocchis de potimarron / fromages régionaux / dôme chocolat et cœur aux fruits de la passion.

Le Meursault Perrières domaine Bouchard Père & Fils 2008 offre un fruit très plein, avec beaucoup de tension et de présence. La truffe de Bourgogne a des goûts de truffe blanche, sans doute amplifiés par une huile de truffe. Cela dope le meursault très profond, lui donnant une belle vibration.

Le Corton-Charlemagne domaine Bouchard Père & Fils 1955 a un léger marquage de bouchon que décèle Michel Bettane. La bouteille est changée et la suivante est d’un bel or cuivré clair. Le vin est d’une subtilité extrême. Il est tout en suggestion, moelleux avec des intonations de noisettes et d’amandes. Le homard froid et entravé par la sauce aigrelette n’a pas pu offrir de répondant au vin d’une grande franchise et d’une maturité toute en élégance. C’est sous cette forme que l’on rêve de boire un vin blanc.

Le Corton domaine Bouchard Père & Fils 1991 a un fruit strict. Immédiatement, on pense qu’il faudrait l’attendre encore trente ans et qu’il sera gigantesque dans un demi siècle. Michel Bettane dit que pour lui, Le Corton est l’image de Bouchard, même si l’enfant Jésus est un emblème fort. Le 1991 a beaucoup de puissance et s’anime sur la délicieuse viande. C’est la sauce truffée qui crée un accord magique avec ce vin qui devient truffe. La couleur noire du vin est quasi irréelle.

Le Volnay-Caillerets ancienne cuvée Carnot domaine Bouchard Père & Fils 1962 est magnifique. C’est le bourgogne idéal, sublimé par un grand millésime. Miche Bettane dit que son fumé est typique de Bouchard. Il y a un peu de framboises, et sa fraîcheur est remarquable.

Christophe Bouchard est très ému parce que ce 1962 parfait a été fait par son père. Il rappelle quelques moments de l’histoire de cette vénérable maison. Joseph Henriot, handicapé par une extinction de voix demande à Philippe Prost, maître de chai et actif depuis 21 ans dans la création des vins de Bouchard de dire quelques mots sur les vins.

Il dit du 2008 que l’acidité lui va bien. C’est un millésime d’élevage. Le 1955 est un vin impressionnant à servir à la température d’un rouge. Il a une énergie formidable. Du 1991, il dit que c’est un millésime charnu très porté sur le fruit. Le vin sera excellent dans trente ans. Du 1962, il signale le côté très ouvert et dit qu’il a été travaillé avec beaucoup d’élégance.

Il poursuit par un discours sur la mission de vinification. Son enthousiasme, son émotion, sont les propos d’un homme de cœur. Les millésimes tardifs de ce soir que la maison Bouchard nous donne l’occasion de boire sont la preuve vivante que le vin sait vieillir et qu’il faut savoir lui donner cette chance.

A l’arrivée, photographie avec Thomas Henriot et Christophe Bouchard

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Dîner au château de Puligny-Montrachet vendredi, 15 novembre 2013

Au château de Puligny-Montrachet Etienne de Montille m’accueille avec un large sourire. Nous voulions depuis si longtemps nous retrouver. Nous sommes heureux de passer la soirée en tête-à-tête. Sur une plaque de marbre je vois des bouteilles ouvertes.

Il faut que je m’isole pour ouvrir mon vin que je souhaite présenter à l’aveugle à Etienne. Pour me donner du cœur à l’ouvrage pour cette ouverture, Etienne m’apporte un verre de Saint-Aubin 1er Cru en Rémilly Château de Puligny-Montrachet 2011. Son attaque est joliment fruitée, mais le vin est un peu strict.

Etienne a prévu le menu qui comprend une soupe de potimarrons et une belle pièce de bœuf aux épinards frits et pommes de terre sautées.

Nous commençons avec le Champagne Lanson magnum 1964 qui a été chahuté dans ma voiture depuis Reims, mais se comporte divinement bien. Il est opulent et follement complexe, fou de fruits jaunes. Même si l’accord avec la soupe n’est pas recherché, cela se passe bien.

Etienne lève très vite l’interrogation sur ses vins, car rien ne sert que je cherche à les découvrir. Le Volnay 1er Cru Les Champans domaine de Montille 1990 a un joli nez racé et profond. Mais la bouche ne suit pas. Il est suave, presque sucré, évoquant des fruits en salade. Il est charmeur, mais il manque cruellement de tension. Etienne reconnaît qu’il a un problème, probablement de brettanomyces.

Le Volnay 1er Cru Les Taillepieds domaine de Montille 1976 est absolument superbe, très bourguignon, avec une belle salinité. Son état est parfait. Etienne est content quand je lui dis que je considère cette bouteille comme absolument exceptionnelle pour ce vin qui atteint un accomplissement unique. On ne cesse d’y revenir tant il donne envie.

Etienne cherche de quelle région pourrait être mon vin et je ne prolonge pas l’incertitude. Il est tout étonné de la prestation du Moulin à Vent des Hospices civils de Romanèche-Thorins 1964. Car ce vin qui a un niveau exceptionnel (deux centimètres sous le bouchon de belle qualité) est de belle tenue, très bourguignon dans l’âme. Il est gouleyant, de belle râpe et convient divinement bien à la viande ferme et rose. Le gamay vieillit bien !

Nous finissons le repas sur le Champagne Lanson demi-sec magnum 1989 qui n’éveille pas un grand intérêt, s’étant assoupi et n’ayant aucun écho doucereux auquel se confronter.

Le plus beau vin, c’est le 1976. La plus belle surprise, c’est le 1964. Mais le plus important, c’est d’avoir réchauffé notre amitié en parlant de mille et un sujets qui nous passionnent. Ça fait du bien.

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Je n’ai pas pris de photo de la belle pièce de boeuf, hélas.

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Dégustation de dix millésimes de la Lanson Vintage Collection vendredi, 15 novembre 2013

Dans ma famille, il n’y avait aucune connaissance réelle du vin. Père et grand-père aimaient bien boire le dimanche, mais sans culture particulière. Je me souviens avoir entendu : « si tu veux boire un bon champagne, bois du Lanson ». La renommée de cette maison fondée il y a plus de 250 ans a marqué le pas dans les années 90, pour se renforcer dans les récentes années.

Lorsque l’occasion s’est présentée que je visite cette maison, par un message ainsi libellé :  » Jean-Paul Gandon et Hervé Dantan vous accueilleront et vous feront découvrir notre collection d’anciens millésimes, la Lanson Vintage Collection« , j’ai immédiatement dit oui.

Jean-Paul Gandon est le maître de chais de la maison Lanson et de plusieurs autres champagnes du groupe dirigé par Bruno Paillard et Hervé Dantan est son adjoint. Nous nous rendons en salle de dégustation. Les champagnes seront tous servis en magnums. Ils ne font pas de fermentation malolactique et la répartition habituelle des cépages est de 52% pinot et 48% chardonnay.

Le Champagne Lanson magnum 2002 évoque le caramel, la noix et les pâtisseries. Il est très équilibré, et on le sent déjà gastronomique.

Le Champagne Lanson magnum 1997 a une couleur plus dorée. Le nez est plus discret, plus minéral. Son attaque est franchement plaisante, avec des noisettes grillées. Son final est court. Il a une belle minéralité. Il a été dosé à trois grammes.

Le Champagne Lanson magnum 1995 a un nez discret et une approche timide. Mais le gentilhomme se civilise. S’il est un peu strict, il a quand même une belle noblesse et une aptitude gastronomique certaine.

Le Champagne Lanson magnum 1990 a une couleur d’un bel or. Le nez est minéral. Son attaque est superbe, marquée par le miel. C’est un champagne gourmand et de plaisir mais un peu trop envahi par le miel.

Le Champagne Lanson magnum 1988 a un nez un peu animal. Son attaque est très virile. Mais à côté de cela, il y a du floral et de la fraise subtile. C’est un champagne de grande fraîcheur, au final très beau. C’est un très grand champagne.

Le Champagne Lanson magnum 1985 a un nez noble et pur. Le plus beau à ce stade. Le champagne est très noble et gastronomique. Il a des fruits roses qui me pousseraient à l’associer à du gibier.

Le Champagne Lanson magnum 1983 a un nez très puissant et vineux. L’attaque est chaleureuse et le final est plus court. Il n’a pas la même cohérence que les deux précédents.

Le Champagne Lanson magnum 1979 sort tout juste de cave car il n’était pas prévu. Il est légèrement plus chaud. Il a des arômes de truffe et de gibier. C’est un vin superbe de belle longueur. Jean-Paul dit qu’il a l’esprit Lanson.

Le Champagne Lanson magnum 1976 a plus de chardonnay que les autres : 53%. Il est plus fluide, plus liquide. Il est très différent des autres et entre dans la catégorie des champagnes évolués. Il a des aspects mentholés ou anisés. Il s’est un peu relâché.

Le Champagne Lanson magnum 1964 se présente dans la très jolie bouteille traditionnelle de Lanson en forme de quille. Son vin a beaucoup de fruits jaunes, d’abricot et d’iode. Malgré l’absence de dosage, il a un côté doucereux plaisant. C’est un très beau vin, carré.

Mon classement de ces vins est : 1964, 1979, 1985, 1988, 2002, 1990. Ce voyage dans le temps permet d’essayer de mieux comprendre le style Lanson qui recherche la fraîcheur. Le mot « essayer » est mis comme un signe d’humilité, car la variation entre les millésimes est très importante. Dans les grandes années, Lanson est grand et très champagne, franc et généreux. Le caractère le plus fréquent est vers la pâtisserie, puis les noix et le mendiant et moins fréquemment vers les fleurs et les fruits.

Nous quittons la salle de dégustation avec quelques munitions car nous allons déjeuner au restaurant des Crayères.

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La maison Bichot présente ses vins de 2011 dimanche, 10 novembre 2013

La maison Bichot présente ses vins de 2011 dans un joli salon de l’hôtel George V. Je n’avais pas le souvenir qu’il y en eût autant, tant leurs gammes sont étendues. Contrairement aux professionnels, je ne fais pas une analyse détaillée de chaque cru. Je « butine », bavardant avec les visiteurs que je connais. Ce qui me frappe, pour la maison Bichot comme pour plusieurs autres maisons, c’est l’extrême précision des vins jeunes. Mon impression est que le travail à la vigne et sur les grains récoltés est de plus en plus efficace, donnant une pureté de jus extrême.

Les 2011 sont dans une période de félicité, plusieurs d’entre eux se montrant gourmands. Les vins de Bourgogne ont une place importante dans mon amour du vin.

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Repas féerique au restaurant El Celler de Can Roca jeudi, 19 septembre 2013

C’est grâce à Didier Depond, président des champagnes Salon Delamotte que j’avais pu avoir une table à El Bulli. Il était tentant de recommencer pour aller à Gerone chez les frères Roca. Kim, l’importateur de Salon en Espagne trouve une table. Didier et moi prenons l’avion à Orly, direction Barcelone. Il y a bien dix degrés de température d’écart entre Barcelone et Paris. Le soleil est radieux.

Nous sommes dix à partager le déjeuner au restaurant El Celler de Can Roca tenu par les trois frères Roca. Je demande qu’on me laisse un espace pour ouvrir mes deux vins âgés de 117 et 157 ans. J’officie devant les convives, devant le chef sommelier Carlos et devant l’un des frères Roca. Il fait soif, aussi est-ce l’occasion pour Didier de présenter pour le première fois dans le monde le très attendu Champagne Salon 2002. Didier va être photographié à côté du frère Roca. Il a un doigt qui retient le bouchon. Alors que j’ouvre mes bouteilles, j’entends un grand bruit, la bouteille de Salon tombe devant mes pieds et la moitié du champagne se retrouve moussant sur mon pantalon.

La bouteille n’est pas cassée. Il en reste un peu et Didier m’en sert pour me consoler. Quelques verres sont brisés et heureusement mes vins sont intacts. Un incident de ce genre, le premier pour Didier, c’est forcément un signe de chance. Le 2002 de Salon vient d’être ainsi baptisé. Disons-le tout de suite aux amateurs qui attendaient avec impatience ce premier millésime de Salon qui commence par le chiffre 2, il tiendra toutes les promesses et tous les espoirs qu’on plaçait en lui. Il a déjà une maturité et un équilibre qui sont le signe d’un grand vin. J’ai senti des notes lactées et des fruits dorés. Mais c’est surtout l’équilibre et la profondeur qui frappent.

Pendant ce temps, même avec le pantalon mouillé, j’ouvre les deux vins qui ont des parfums absolument renversants tant ils sont puissants. Le frère Roca me demande ce que je mettrais en accompagnement de ces vins qu’il a sentis profondément. Je réponds, mais je sens que les frères feront à leur façon.

Notre table ronde est à une extrémité de la salle à la décoration sobre. On peut aligner toutes les bouteilles que nous boirons sur le meuble de présentation des verres et des vins qui nous sépare du reste de la salle. Le menu est un enchantement, c’est le magicien d’Oz. Mais parlons d’abord des vins.

Le Champagne Delamotte magnum 1983 est un peu strict au début mais il s’anime avec les entrées d’une grande complexité. Il devient beaucoup plus imposant et fait oublier qu’il vient d’une année assez faible en champagne. Il est une agréable surprise.

Le Riesling Cuvée des Comtes d’Eguisheim Domaine Léon Beyer 1975 est d’une précision que seul le cépage riesling peut donner. Riche joyeux, c’est un vin qui emplit bien la bouche. Il se boit avec bonheur. Il est élégant.

Le Sancerre la Grande Côte domaine Pascal Cotat 1990 a des aspects fumés, oxydés, et fait tout sauf sancerre. Mais il a tellement de charme qu’il faut le prendre tel qu’il est, très gastronomique.

Le Wehlener Sonnenuhr Auslese Joh. Jos. Prüm 1994 n’a pas créé de réel accord avec le plat qui lui était associé. C’est le seul vin qui m’a déçu.

Au moment où j’ai porté à mes lèvres le Champagne Salon magnum 1971 j’ai eu le choc physique que j’ai souvent lorsqu’il se passe quelque chose. Et je me suis trouvé devant ce que j’attends de Salon. Quand je bois Salon 1988 ou 1995, j’ai deux vins différents. Quand je bois 1990 ou 1997, j’ai encore deux vins différents. Et là, je suis face à ce qui est pour moi l’âme de Salon. Je n’aurai peut-être pas le même choc si je le rebois dans quelques jours. Mais sur l’instant, ce 1971 est vraiment l’âme de Salon, celle que je recherche, comme Suzanne, désespérément. Mes voisins de table ont vu à quel point j’étais sonné par ce coup de poing au cœur donné par un champagne brillantissime.

Le Equipo Navazos Flower Power 44 Jerez n’a pas d’âge, car je ne crois pas que le « 44″ qui figure sur la bouteille soit une année. Il a un charme très particulier. Je l’aime par son côté extrême, délivrant des saveurs changeantes.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Régnard magnum 1992 a une richesse qui mérite d’être signalée. Il est opulent pour un chablis et le Jerez précédent, très sec, lui a rendu un magnifique service.

Dans le verre il n’y a qu’une minuscule goutte de Cuatro Cortados Gonzales Byass 120 ańos Jerez. Mais quelle goutte ! On dirait une essence de Xérès, passée mille fois dans un alambic virtuel.

C’est la première fois que je bois un Musar blanc. Le Château Musar blanc Liban 1990 est une immense curiosité. Il est très oxydatif et ferait volontiers penser à un vin jaune s’il n’avait pas un caractère fumé. C’est un vin gouleyant de grand plaisir. Une grande et belle surprise, enchanteresse.

Je n’ai pas gardé de souvenir du Vina Pomal Grand Reserva Rioja 1955 alors qu’au contraire, le Marquès de Riscal Gran Reserva Rioja 1948 m’a conquis par son extrême sérénité. Tout en lui est équilibré et intégré. Il est fonceur et gastronomique.

Le Château Sigalas Rabaud 1er cru classé de Sauternes 1896 a un parfum d’un envahissement extrême. Il est tellement charmeur. En bouche, personne ne serait capable de donner un âge à ce sauternes parfait. Il a tout pour lui. Il est rond, équilibré, puissant, généreux, à la trace en bouche infinie. Pour tous autour de la table c’est une gigantesque surprise. Car il est parfait.

J’avais déjà bu plusieurs fois ce 1896 alors que le vin qui vient est le seul que j’avais dans ma cave. C’est un Marsala 1856. De tels vins sont aujourd’hui introuvables. Le vin est plus puissant, plus marqué par l’alcool, mais le vin est si aérien qu’il ne doit pas avoir été muté. Il est d’une élégance incroyable, d’une complexité sans égale, mais surtout il nous emmène sur des pistes inconnues. Il est plus complexe que le 1896.

Je suis content parce que les deux vins que j’ai apportés, d’âges canoniques, n’ont pas la moindre trace de défaut, et sont d’une vivacité plus grande que s’ils avaient cent ans de moins. Ce sont des vins de légende. Alors, si je devais faire un quarté, ce serait : 1 – Marsala 1856, 2 – Château Sigalas Rabaud 1896, 3 – Champagne Salon magnum 1971, 4 – Marquès de Riscal Gran Reserva Rioja 1948.

Et les plats dans tout cela ? Ayant égaré mon menu, dont j’espère recevoir une copie, les impressions qui suivent sont données sans support de texte. Le décor est planté instantanément. On apporte à chacun une assiette où sur un mini tronc d’arbre, il y a un lampion. On ouvre le lampion et l’on voit à l’intérieur cinq petites bouchées, posées comme en un bouquet, dont chacune représente les saveurs d’un pays. Il y a le Pérou, le Maroc, la Corée, la Chine et le Mexique. C’est spectaculaire et c’est gourmand. On apporte ensuite deux petits oliviers. Aux branches, ce sont des olives caramélisées qui pendent. On les cueille et c’est délicieux. Ensuite, il y a de fines galettes à la crevette qui forment le goût le plus envoûtant de ce que j’ai mangé. On passe ensuite à une boule étrange comme un Cromesquis, aux goûts impossibles à reconnaître. Viennent ensuite une purée de poisson à la cuiller, des dragées à la truffe, des champignons posés sur une pâte épaisse comme une brandade.

Une soupe basse température faite avec 26 saveurs différentes est un exercice tout en douceur. Une crème complexe à base de figue dessine une feuille de figue. Elle supporte des saveurs distinctes de toutes les couleurs. Arrive sur une ardoise ce qui ressemble à une tranche de gorgonzola. C’est en fait une crème d’asperge à la truffe, fort goûteuse. Le maquereau est d’une intelligence sidérante. Une préparation ressemblant à des spaghettis est faite de fruits de mer aux saveurs intenses et résolument mâles. Les crevettes roses contrastent par leur gracilité délicieuse. Les langoustines sont subtiles et traitées de façon originale avec le Xérès de 120 ans.

Se succèdent ensuite un plat de turbot aux saveurs complexes, un agneau à la peau caramélisée, un pigeon et des desserts que je serais bien en peine de décrire, car j’essayais de résister aux démons tentateurs qui m’entouraient. Ils estimaient que partir à 17 heures était inopportun et voulaient que nous restions encore, pour nous rendre ensuite à un match du F.C. Barcelone qui serait certainement suivi de nouvelles folies. Il leur semblait aisé que nous restions jusqu’au lendemain. Il a fallu se battre pour résister à la tentation.

A réception du menu, il est probable que je devrai corriger des erreurs, mais tant pis, il fallait restituer la mémoire de ce repas sur l’instant.

La cuisine de ce restaurant est d’une intelligence redoutable. Contrairement à El Bulli ou à Noma, la complexité s’appuie sur une cuisine naturelle et traditionnelle. Pas de chimie apparente dans ce que j’ai mangé. On est pris dans un tourbillon de créativité. Certains saveurs sont poussées à l’extrême et parfois osées. Mais c’est grand. Les accords mets et vins sont très réfléchis et le plus souvent pertinents. C’est une adresse où je reviendrai avec mon épouse, avec enthousiasme.

Le service est parfait, le rythme soutenu à cause de notre avion peut être ralenti. Mais nous l’avons bien supporté.

Alors, découvrir le nouveau meilleur restaurant du monde, qui mérite cette distinction, découvrir le Salon 2002 qui sera légendaire, et profiter des deux vins du 19ème siècle que j’ai apportés, c’est beaucoup pour une grande journée. Mais quelle joie, même les pieds mouillés !

le lieu et notre table

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le repas

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le chef Joan Roca vient nous rejoindre

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le menu complet et les vins sur ce document qu’il faut orienter dans le bon sens

déjeuner Frères Roca Gérone

Mon pantalon boit la première bouteille de Salon 2002 jeudi, 19 septembre 2013

Didier Depond a apporté les deux premières bouteilles au monde sorties du domaine, de Salon 2002. Regardez attentivement la photo. Didier veut être photographié avec Joseph Roca patron du restaurant Roca. Il a un doigt sur le bouchon, qui monte sans qu’il s’en aperçoive

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son doigt ne sait rien ! moralité, qui boit le premier Salon du monde ? Mon pantalon !

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la capsule est toute cabossée par le choc

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