Présentation des vins du domaine Roumier par Christophe Roumiermercredi, 19 mars 2014

Christophe Roumier dirige et anime l’un des domaines les plus prestigieux de Bourgogne, le domaine Georges Roumier, du nom de son grand-père qui a pris possession du domaine dans les années 20, le recevant comme dot de son épouse à leur mariage. Il présente ses vins lors d’une des « Dégustations du Mardi » des non moins célèbres Caves Legrand.

Arrivé en avance sur le lieu de la dégustation je vois que Christophe est en train de faire une dégustation avant l’heure pour le personnel des caves Legrand. C’est éminemment sympathique. Je fais la connaissance de Makoto Fuse qui représente le nouvel actionnaire majoritaire des caves Legrand, et nous bavardons de choses du vin. Gérard Sibourd-Baudry et lui disposent d’un outil magnifique, à la notoriété remarquable. On m’offre une coupe de champagne apéritive sur des rondelles de saucisson, mais il ne faut pas trop manger car un « vrai » dîner est prévu lors de la dégustation, au lieu des grignotages habituels.

Cette dégustation fait salle comble, car écouter Christophe est un régal. Il parle de son domaine, des relations classiquement difficiles entre père et fils lorsque leurs temps de gestion se recouvrent et son propos est très décontracté et positif. Je suis toujours émerveillé par le caractère éminemment technique des questions de l’auditoire très pointu et Christophe répond avec un grand naturel sur des sujets comme fûts de bois neuf ou usagés, vendange entière ou égrappage, et sur mille points techniques dont les explications sont autant de relances pour de nouvelles questions.

Le domaine Roumier fait un vin blanc qui est un Corton-Charlemagne et dix rouges. Christophe a commencé à travailler au domaine en 1981.

La dégustation qui va suivre est handicapée, pour moi, par un méchant rhume, ce qui fait que n’ai pris aucune note olfactive.

Le Chambolle-Musigny domaine Georges Roumier 2011 est un « Villages ». Les raisins ont été totalement égrappés et le vin est un assemblage de vins de différentes parcelles. La couleur est assez claire et le vin est d’une très belle pureté. Il a de la précision, de la tension. Il est beau. Le final est chaud et chaleureux. Ce vin boxe dans une catégorie supérieure à son appellation. J’aime bien sa franchise.

Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Clos de la Bussière domaine Georges Roumier 2011 provient d’un clos, comme son nom l’indique. Sa couleur est plus foncée. Il a beaucoup plus d’ampleur mais je le trouve moins précis que le Villages. C’est sur le final que sa plus grande structure apparaît. Il est plus gastronomique. Il y a une légère amertume dans le final. C’est un grand vin.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2011 a une attaque tendue, sans concession. Le fruit est beau. C’est un vin qui manifestement doit vieillir. Il est un peu ingrat dans sa jeunesse mais plus le temps va passer et plus le vin va s’échauffer et plus je vais l’aimer.

Le Bonnes-Mares domaine Georges Roumier 2011 a un fruit explosif. C’est un jeune fou. Il promet beaucoup. Il a du velours. Il aura besoin de beaucoup d’années pour devenir le vin immense que l’on pressent.

Après ce panorama sur les vins de 2011 nous allons faire une mini-verticale du Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras dont nous venons de boire le 2011. Pendant que nous dégustons, le repas est servi. Il est ainsi composé : jambonneau croustillant au miel et taboulé de quinoa aux dattes / crème de betterave noire d’Egypte, truite fumée et poudre de pistache / effiloché de joue de bœuf et navet jaune / le fondant baulois.

Il n’y pas de doute, les Dégustations du Mardi s’embourgeoisent.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2010 est opulent, plus ensoleillé que le 2011. Il est plus rond et a un final plus court. De fait, je préfère le 2011. Le 2010 est plus sucré, plus flatteur. Le 2011 est plus strict mais plus profond.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2009 fait plus simple, plus fluide. Le final est très expressif. Il est difficile de comparer le 2009 aux deux autres car il ne semble pas avoir encore trouvé son point d’équilibre. Il va bien vieillir mais est dans une phase de retrait.

Je félicite chaudement Raphaël, que j’ai connu sommelier chez Gagnaire, pour l’incroyable pertinence de l’accord hautement improbable de la betterave et de la truite avec ces vins rouges. Avec une modestie qui mérite d’être signalée, Raphaël indique que c’est le chef des Caves Legrand qu’il faut féliciter. Cet accord incroyable sur le papier m’a ému.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2008 n’a pas beaucoup de charpente, mais il s’exprime de façon chaleureuse. Il est bon à boire comme cela, avec libération totale de ses arômes. Il ne vieillira pas beaucoup, et il faut en profiter tel qu’il est. En revenant sur le 2009 on voit le saut qualitatif en faveur de l’impair qui a le droit de rouler sur les sentiers de la gloire.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2007 est plus léger, gracile et comme je le ressens aussi, Christophe aime bien les vins des années légères qui expriment mieux certaines subtilités. Le final est un peu serré.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2006 a un bel équilibre mais il manque d’une petite étincelle de génie. Il a beaucoup de fruit, il est plus large mais je le trouve trop consensuel.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Cras domaine Georges Roumier 2005 est un très beau vin, doté d’un bel équilibre. Il est doux, calme, avec beaucoup de présence. C’est le plus intégré de tous les vins de cette série.

Nous reprenons du 2011 qui s’est épanoui dans la bouteille. Il a tout pour lui et c’est celui que je classe en premier, devant le 2005.

Christophe a une culture de vins rouges. Il en vinifie dix. Le Corton-Charlemagne, c’est un autre monde avec des processus complètement différents. La parcelle a été acquise en 1968.

Le Corton-Charlemagne domaine Georges Roumier 2011 est très beau, précis, ciselé. Il n’explose pas en bouche, il est très retenu mais il raconte beaucoup de choses car sa complexité est rare.

Le Corton-Charlemagne domaine Georges Roumier 2007 est beaucoup plus chantant et fruité. C’est un vin sérieux et strict mais très attachant. Il est difficile de choisir entre les deux car ils sont très différents. Il y a peut-être une vibration un peu plus forte avec le 2011. Christophe nous dit que le millésime qu’il préfère est le 2004.

Dès que la dégustation est terminée, les conversations s’animent, les questions fusent et je remarque l’extrême ouverture aux autres de Christophe Roumier, vigneron passionné de ce qu’il fait et suffisamment humble pour que l’on vive avec lui ses interrogations.

Il n’y avait pas de Musigny ce qui se comprend compte tenu de la petitesse de la production. Les vins sont jeunes donc peu dans ma sphère. Tous les vins ont été appréciables et appréciés. Les préférés pour moi sont le Bonnes-Mares 2011, Les Cras 2011 et 2005 et cet étonnant Chambolle-Musigny Villages 2011. C’est un beau voyage dans l’univers si riche du domaine Georges Roumier.

(les photos de Christophe Roumier ne sont pas très belles, mais elles témoignent de l’atmosphère de cette dégustation)

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