Archives de catégorie : vins et vignerons

Dégustation des vins récents du groupe Vega Sicilia mardi, 29 janvier 2019

Chaque année la société Les Vins du Monde fait découvrir les vins du groupe Tempos Vega Sicilia. La présentation est faite en français par Gonzalo Ituriaga qui est le directeur de la vinification de l’ensemble des domaines depuis 2015. Elle se tient dans un salon de l’hôtel George V. Ceux qui participent sont surtout des sommeliers et des gens du vin. J’en connais plusieurs. Michel Bettane est présent à cette dégustation.

Gonzalo rappelle quelques éléments d’histoire, la création de Vega Sicilia en 1864 par Eloy Lecanda, qui a planté les premières vignes, l’achat de la propriété par la famille Alvarez, qui a mis Pablo Alvarez à la tête du domaine et dont une des premières décisions en 1983 fut de supprimer les herbicides, ce qui était avant-gardiste.

Pour la première fois, la dégustation sera accompagnée de petits canapés. Elle ne sera pas la même sans plat et avec plat, mais les sommeliers sauront juger dans les deux cas. Le programme est : Mandolas Tokaji dry Oremus 2015 + fraîcheur de gambas à la pomme verte / Pintia 2014 + Alion 2015 + pain soufflé au Manchego / Valbuena 2014 + tartelette au caviar d’aubergines et canard séché / Vega Sicilia Unico 2009 + Vega Sicilia Unico Reserva Especial faite en 2019 (base de 2006 + 2007 + 2009) + bœuf, betterave et sauce vin rouge / Tokaji Late Harvest Oremus 2017 + cheesecake citron / Tokaji Aszu 3 Puttonyos Oremus 2014 + Tokaji Aszu 5 Puttonyos Oremus 2010 + tartelette exotique.

Le Mandolas Tokaji dry Oremus 2015 a une couleur très claire. Le nez est jeune, de miel, et le vin est bien construit. Il est simple, agréable, de belle acidité avec un peu de gras et de citron mais il est un peu court. L’accord avec la gamba est pertinent. Compte tenu d’un prix très abordable, il fera un aimable vin de table.

Le Pintia 2014 a un nez riche et lourd. L’attaque est chaleureuse. Il y a une petite astringence dans le finale. Le vin est généreux mais peut-être un peu trop strict et peu porteur d’émotion. L’accord avec le pain est très porteur pour le vin.

L’Alion 2015 a un nez fort, plus racé que celui du Pintia. La bouche est douce et fluide. Le vin est beaucoup plus intéressant que le Pintia. Je l’aime beaucoup car il me parle. Il est plus fluide et élégant. Gonzalo dit que ces deux vins peuvent vieillir quinze ans mais pas beaucoup plus, sauf pour les grandes années.

Le Valbuena 2014 a un nez droit et intense. Ce vin a beaucoup de velours et un finale très long. C’est un vin très doux. De mémoire je crois que c’est le meilleur Valbuena que j’aie bu. L’accord avec la tartelette donne de la tension au vin qui devient plus vif et moins doucereux. C’est pour moi une très belle surprise que le Valbuena soit à ce niveau. Il faut dire que passant après les deux précédents, cela le met en valeur.

Le Vega Sicilia Unico 2009 a un parfum d’un très gros potentiel mais très retenu. On sent sa richesse. La bouche est toute de fraîcheur. Le grain du vin est fin et le miracle est dans le finale tellement frais, comme pour tous les grands Unico. Mais on ne sent pas encore le finale mentholé. Le vin est plus en devenir que le Valbuena déjà épanoui.

Le Vega Sicilia Unico Reserva Especial est fait en 2019
sur une base de 2006 + 2007 + 2009
, mais Gonzalo nous dit que chaque millésime pouvant avoir quelques pourcents d’autres millésimes, il y a plus de trois millésimes dans cette Reserva. Le nez est très noble et le vin est très doux. Le vin n’a pas de fraîcheur dans le finale. Il est riche et truffé. Je préfère nettement le 2009 qui a beaucoup plus de fraîcheur. Il faudra voir ce que ces deux vins donnent dans quelques années. La betterave s’accorde divinement bien avec les deux et la viande amplifie la noblesse du 2009.

Le Tokaji Late Hervest Oremus 2017 fait un choc assez dur après les vins rouges. Le nez est citronné, Gonzalo dit que c’est un vin assez commercial. Il a la douceur d’un vin de glace. Il est frais mais ses goûts vont dans tous les sens, comme un bonbon anglais.

Le Tokaji Aszu 3 Puttonyos Oremus 2014 a une magnifique fraîcheur, il est très agréable et se boit comme un vin jeune très fluide.

Le Tokaji Aszu 5 Puttonyos Oremus 2010 est beaucoup plus dans l’esprit Tokaji. Michel Bettane préfère de loin le 5 puttonyos qui pour moi mériterait de vieillir avant qu’on ne le goûte. Il dit que le 3 puttonyos pourrait être oublié dans le programme Oremus, mais j’ai apprécié sa fluidité. Le 5 puttonyos profite beaucoup de l’accord avec la tartelette et gagne beaucoup.

Cette dégustation est très intéressante et les plats préparés par le restaurant du Cinq sont absolument délicieux. Gonzalo est très chaleureux et on sent qu’il aime les vins qu’il fait, avec une grande lucidité. Cette dégustation est un régal.

les délicieux canapés d’un grand raffinement

Gonzalo Ituriaga

Visite des champagnes Henriot et déjeuner au restaurant Le Millénaire mercredi, 23 janvier 2019

C’est la première fois que je visite la maison de champagne Henriot, à l’invitation de son président, Gilles de Larouzière, qui est aussi président de la maison Bouchard Père & Fils et des autres domaines de son groupe. Nous visitons les salles où d’immenses cuves inox de 46.000 litres ou plus contiennent des vins en vieillissement, dont la fameuse Cuve 38 qui contient des champagnes de 1990 jusqu’à la dernière vendange et qui est soutirée selon les années de 3 à 20% de son contenu. C’est dans le même esprit que la technique de la solera par laquelle on ajoute dans un fût le vin de l’année qui compense ce que l’on vient de soutirer.

Béatrice, la responsable des relations extérieures, nous propose de goûter un verre du vin tranquille de la Cuve 38. Le nez est celui du champagne, alors que la bouche montre un peu de fleurs blanches mais surtout un caractère lacté. Tenant en main chacun notre verre, nous descendons dans les caves à 18 mètres sous terre. C’est toujours impressionnant et la réserve des vieux millésimes est ce qui fait battre mon cœur un peu plus fort.

Nous remontons et dans la jolie salle de dégustation j’ouvre le vin que j’ai apporté, Un Vin de l’Etoile de la Coopérative Vinicole de l’Etoile 1973, car j’aimerais que nous puissions vérifier s’il y a une fécondation possible entre ce type de vin et l’un des champagnes Henriot. Béatrice ouvre un Champagne Henriot Cuvée Hemera 2005 qui est le premier millésime de la cuvée phare de la maison Henriot et se substitue à la cuvée des Enchanteleurs. Cette cuvée est à parts égales en chardonnay et pinot noir, et composée uniquement de grands crus. Son ambition est d’être un vin lumineux comme la déesse Hemera est la déesse de la lumière du jour. Le champagne est frais, précis, mais je le trouve sacrément guerrier pour un vin lumineux. Il est d’une très belle expression, tendu, vif, et sera un vin de haute gastronomie.

Le Vin de l’Etoile de la Coopérative Vinicole de l’Etoile 1973 a une attaque curieuse, évoquant la pierre ronde d’un cours d’eau de montagne et des saveurs iodées. C’est dans le finale qu’il s’anime le plus, avec de beaux fruits jaunes mais aussi un peu de fruits rouge clair. Lorsque l’on revient au champagne, on s’aperçoit que le champagne est plus large, plus ample et la fécondation que j’aime se produit. Dans le sens inverse, lorsque l’on retrouve le vin du Jura, il n’y a pas de fécondation et le champagne n’arrive pas à rendre plus aimable l’attaque de ce vin qui brille surtout par son finale joyeux.

La neige vient de tomber sur Reims et nous allons déjeuner au restaurant Le Millénaire de Laurent et Thibault Laplaige. Nous avons pris la bouteille du 1973 avec nous et demandons la permission de la boire à notre table de deux, Gilles et moi.

Le menu que je choisis est : langoustines à la plancha, velouté de lentillons de Champagne aux châtaignes, espuma jambon de Reims / le turbot rôti, ravioles de poireaux ricotta et citron vert, émulsion champagne / tarte amande-mirabelle, poire pochée, gel tonka et sorbet mirabelle.

Gilles avait fait livrer une bouteille dont la forme m’est connue mais dont je ne vois pas l’année. Nous sommes servis et nous goûtons et Gilles me demande quelle est l’année. Je réfléchis et le premier chiffre que je propose est 1964. Gilles me tape dans la main : c’est 1964. Je ne suis pas peu fier. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1964 combine une très grande vivacité avec une sérénité accomplie, toute en douceur. Le champagne est à la fois rond et profond et d’une personnalité extrême. Bu seul, on sent son dosage agréable et prononcé. Dès qu’il accompagne un plat, il gagne en tension.

Le vin du Jura lui aussi prend de l’étoffe avec les plats délicieux. Les langoustines sont d’une cuisson parfaite, les raviolis mettent en valeur la belle chair du turbot et le dessert convient idéalement au champagne. C’est une cuisine de très haut niveau. Le cadre est agréable et joli. Le service est un peu austère mais cette table me fait une excellente impression. Le patron dont Gilles me disait qu’il sort rarement de sa cuisine est venu nous saluer deux fois en cours de repas en souriant. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1964 est un champagne de très haut niveau dans une gamme de goûts généreux qui correspondent à ce que j’aime le plus. Plus gourmand, je crois qu’il n’y a pas. Faudrait-il le garder à côté de la Cuvée Hemera ? Je ne dirais pas non, si c’est possible.

Les discussions ont été riches. Ce repas est un grand repas illuminé par un champagne d’exception dans une de ses plus belles années.


visite en cave

la fameuse cuve 38

la salle de dégustation

Dîner de vins en 9 au restaurant Taillevent jeudi, 17 janvier 2019

Olivier Bernard, l’heureux propriétaire du Domaine de Chevalier m’appelle et me dit : « j’aimerais que tu viennes dîner au Taillevent avec quelques personnes du monde du vin et Thierry Gardinier. Nous serons onze ». C’est sibyllin. Je m’étais imaginé qu’il s’agissait des vignerons qui ont avec lui racheté Guiraud, mais pas du tout. Je connais Thierry Gardinier dont la famille est propriétaire entre autres du Taillevent et des Crayères, Jean-Philippe Delmas dont son père et son grand-père, comme lui, « font » Haut-Brion et à part un ou deux autres, les convives me sont inconnus, consultants de domaines vinicoles, propriétaires ou ex-propriétaires de domaines fameux, négociants ou courtiers, et sans doute d’autres professions. Ce petit groupe d’amis a trente ans et pour fêter ces trente ans, tous les vins de ce soir fournis par les membres doivent avoir un millésime en « 9 ». Lorsqu’Olivier m’a annoncé la règle j’ai dit que j’apporterais un vin en 9 qui serait sans aucun doute le plus vieux. Olivier me répond : « pas sûr ». J’en étais sûr…

Le Champagne Egly-Ouriet Brut Grand Cru magnum millésime 2005 est bu debout dans le joli salon chinois du premier étage du restaurant Taillevent. Antoine Pétrus qui nous accueille participe au service du vin et les petites joutes verbales entre Thierry Gardinier et Antoine sont savoureuses. L’ambiance est à rire et à s’amuser. Ce champagne manque de cinglant. Il est un peu lourd, un peu farineux et manque de longueur, ce qui est étonnant pour un champagne de cette maison si réputée. Il s’anime un peu sur les petits fours.

Le menu préparé par David Bizet chef qui a été photographié avec tout le groupe est : fines feuilles d’artichaut, truffe noire, oignons doux caramélisé au madère / saint-pierre au plat à la poutargue, jus de crevette grise à la clémentine / consommé de poule faisane, raviole de foie gras / dos de chevreuil rôti au miel d’acacia, épaule confite, salsifis à l’ail maturé / fromages affinés / fruits exotiques en Pavlova à la crème cru rafraîchie aux herbes.

Nous passons à table et l’usage de ces amis est que l’on goûte à l’aveugle. Nous commençons par une difficulté, car la table se divisera en deux clans qui désignent soit bordeaux soit bourgogne et je ne répondrai pas car je suis perplexe. Le Château Haut-Brion blanc 1989 est en effet déroutant car il a un gras et une épaisseur qui ne sont pas faciles à situer en bordelais. Le vin est intense, profond. C’est un grand vin mais difficile à situer. Le plat est un peu compliqué, et si la truffe est sublime de goût, il y a une acidité un peu dérangeante et des goûts trop nombreux.

Le sublime saint-pierre à la chair parfaitement mise en valeur accueille deux vins. Si la Bourgogne a été facilement trouvée, personne, je crois n’a reconnu chablis. J’ai eu la chance d’être le premier à reconnaître Leflaive dans le deuxième vin. J’avais trouvé l’année du Chablis Grand Cru Valmur domaine François Raveneau 2009 à la couleur car elle est si blanche qu’elle ne peut appartenir qu’à l’année 2009. Le vin est vif, puissant et d’un charme certain.

Le Bienvenues Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1989 a des accents de Bâtard et une épaisseur qui appartient aux vins du domaine Leflaive. Il est solaire, chaud et joyeux.

L’avantage d’un consommé est qu’il réchauffe le palais qui devient plus accueillant. A la couleur, j’aurais bien dit que le Château Brane-Cantenac Margaux 1959 serait de 1929. En fait c’est un grand vin qui fait plus vieux que son âge, car un 1959 devrait être plus fringant. Il est quand même de belle tenue.

Le Château Lafite-Rothschild Pauillac 1979 accompagne aussi le consommé. Il est superbe et je n’aurais pas reconnu Lafite, partant sur une direction plus au sud du médoc, juste en dessous. Ce 1979 est beaucoup plus grand que les Lafite 1979 que j’ai pu boire. On dirait qu’il a enfin atteint sa grandeur. Il est brillant. Il a beaucoup de douceur cohérente.

Sur le chevreuil très bien exécuté et de belle chair, il y a trois vins et Olivier nous demandera de les hiérarchiser. Les vins sont de la même année alors que j’aurais eu tendance à penser que le troisième est beaucoup plus vieux que les deux autres. N’ayant pas pris de notes, ce qui est mon habitude, ma mémoire est trompée par le fait que j’ai pu partir dans de mauvaises directions à l’aveugle, or ce sont les premiers contacts avec un vin qui s’impriment dans ma mémoire. Ce que je sais, c’est que j’ai été très impressionné par le deuxième vin servi, le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande Pauillac 1989, qui me semble être un bordeaux parfait, d’un équilibre rare. J’ai classé ensuite le premier vin servi, le Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1989, vin de très belle énergie et en troisième le troisième servi, le Château Kirwan Margaux 1989 dont des amis ont dit qu’il souffrait d’un léger défaut. Mais globalement cette série de trois est idéale pour la chair gourmande du chevreuil. Olivier nous dit que le Cos est globalement classé légèrement devant le Pichon.

Le Château La Mission Haut-Brion Pessac Léognan 1989 a été séparé des autres 1989 car Jean-Philippe Delmas ayant eu une brutale envie de prendre un deuxième service de purée de pomme de terre à la truffe, nous en avons tous profité avec ce vin. Nous n’avons pas pensé à le classer avec les trois précédents, mais je le mettrais volontiers deuxième derrière le Pichon 1989.

Le saint-nectaire est accompagné de deux superbes vins, le Château Léoville Poyferré Saint-Julien 1929 peut-être un peu plus vieux qu’il ne faudrait et le Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1929 qui confirme la grandeur de cette année mythique.

Pendant tout le repas, Thierry Gardinier nous a impressionnés par sa capacité à reconnaître les vins. Toutes ses pistes ont été cohérentes. J’ai assez souvent vasouillé et voici que la chance me sourit. Quand le vin est servi, je dis que la couleur est certainement de 1929. Je hume, je bois, et j’annonce : ‘suivons la première idée qui vient, et je pense que c’est Coutet 1929’. L’apporteur de ce vin me regarde étonné et confirme qu’il s’agit du Château Coutet Haut-Barsac 1929. Son nez est miraculeux. Il a un gras superbe et une profondeur merveilleuse. C’est un immense sauternes.

Ma gloire warholienne ne dura qu’une seule minute car je n’ai même pas reconnu le Château Climens Barsac 1979, car mon palais n’était pas préparé à un vin aussi jeune après le Coutet. Une fois que je l’ai su, je m’en suis voulu de ne pas avoir reconnu ce vin que j’adore. Le dessert est superbe pour accompagner les liquoreux, et s’est remarquablement marié au Coutet.

C’est alors qu’apparaît mon vin que je débouche devant mes honorables convives, un Vin de Chypre 1869. C’est une merveille et je suis content que tous l’aient apprécié. C’est une bombe de poivre. C’est un vin doux naturel mais il est sec comme un Xérès. Il a des notes légères de réglisse, et une persistance en bouche infinie. Sa couleur combinant un or jaune ensoleillé et un or acajou est belle comme celle d’une pierre précieuse aux multiples facettes.

J’avais ouvert hier un Marc de rosé d’Ott domaine d’Ott 1929 qui apparaissait d’une douceur infinie à côté du très viril marc de champagne Oudinot des années 20. Quelle n’est pas ma surprise de voir cette honorable assemblée ressentir ce marc comme très fort. Il est en effet très titré en alcool mais il est doux tant on est sur des fruits frais. Il a beaucoup plus de charme que lorsque je l’ai bu hier. Il est tout velours.

Je pensais n’être qu’un convive parmi d’autres mais on m’a beaucoup fait parler et je pense avoir un peu étonné ces grands connaisseurs de vin lorsque j’ai parlé de vins de plus d’un siècle, qui donnent à ma vision du vin une certaine profondeur de champ. Tous ont été à mon égard d’une extrême gentillesse.

Le service du Taillevent est exemplaire. Antoine Pétrus a eu l’occasion ici et là de nous montrer l’étendue de son savoir. Thierry Gardinier m’a impressionné par sa capacité de goûter à l’aveugle. Le saint-pierre m’a ébloui. Une gentille querelle a été lancée sur le thème ‘carafer ou ne pas carafer’ les vins anciens. Ces hommes du monde du vin sont de grands enfants.


Mon apport de vins en 9

comme il n’y a pas d’étiquette pour le Chypre 1869, j’ai photographié, pour preuve, la zone où je garde les Chypre 1869

Notre honorable assemblée avec le chef au milieu

les vins

la beauté des couleurs des vins sur table

Dîner de Rhône Vignobles au restaurant Michel Chabran jeudi, 17 janvier 2019

Dans le cadre des festivités de Rhône Vignobles, nous avons participé à 21 à un atelier de vins anciens avec 18 bouteilles de tous horizons. Nous sommes prêts pour le dîner où 31 convives seront répartis en trois tables.

Le Champagne Louis Roederer Jéroboam années 60 apporté par Georges est servi à l’apéritif. Il est d’une belle couleur claire. Il est agréable, bien équilibré et joyeux. Il est surtout sans âge tant il est agile, ce qui surprend plusieurs vignerons peu familiers des champagnes anciens. C’est un champagne franc et sympathique.

Pendant que nous prenons l’apéritif, un ami vient avec la bouteille de Château Grillet 1981 que Georges n’avait pas voulu servir. Le vin n’a, ni au nez ni en bouche, la moindre trace de bouchon. Il est excellent, avec un joli gras et une belle expression que je ressens comme authentiquement Grillet. C’est le miracle du vin qui est capable de se reconstituer tant l’oxygénation lente fait des merveilles. Il aurait été classé dans les tout premiers de l’atelier s’il avait eu le temps de renaître.

Le menu composé par Michel Chabran est : pommes de terre « ratte » écrasées aux truffes / noix de coquilles Saint-Jacques à la plancha, risotto crème de mascarpone et mimolette, truffe de notre région / retour de chasse sur une crique ardéchoise / chèvre frais aux éclats de picodon, huile de truffe ‘maison’, la vraie / entremets chocolat et marrons Imbert, crème glacée à la vanille / petits fours et friandises.

Le Corton-Charlemagne Caves de La Reine Pédauque Jéroboam 1949 que j’ai apporté est servi en carafes par Georges dos Santos, du fait du volume important du flacon. La couleur est à peine ambrée. Elle est engageante. Le nez est pur, précis. La bouche est belle et curieusement, elle évoque des fruits rouges, soit des framboises, soit des groseilles, mais non aigrelettes car l’acidité du vin est très équilibrée. Le vin est puissant et on serait bien embarrassé de lui donner un âge. Certains ont préféré le Corton-Charlemagne 1942 que nous avions bu lors de la dégustation à 17 heures mais je préfère le 1949 pour son affirmation, sa puissance convaincante et ce délicieux goût de fruits rouges qui le rend original. Je suis content que ma bouteille se soit montrée à un tel niveau. La qualité des truffes est exceptionnelle, et l’accord avec le Corton-Charlemagne est magistral.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti Jéroboam 1957 ouverte à 10 heures ce matin avait un nez discret à l’ouverture mais sans défaut perceptible. Je l’ai sentie plusieurs fois pendant la journée et le parfum a mis du temps à éclore. Juste avant le service du repas je commençais à me dire que le vin allait être grand. Georges me verse le premier verre et je me retiens de crier ma joie. Ce vin est parfait et surtout il a toutes les caractéristiques qui font le génie des vins de la Romanée-Conti, la rose et le sel. Ce vin est émouvant. Je vois avec plaisir que chacun est subjugué par la transcendance de ce vin, dont les complexités sont infinies et la grâce extrême. J’en jouis et je suis content que mon fils puisse lui aussi profiter de cette bouteille d’exception. Les oiseaux sont traités en gibier, avec une farce magnifiquement faite mais forte. J’ai pris le risque que La Tâche soit sur ce plat et je pense que j’ai eu raison. Ce vin fait partie des plus grands La Tâche que j’ai eu l’occasion de boire. Je l’ai bu cinq fois en bouteilles et je mesure l’apport très positif du format du flacon, qui donne une sérénité supplémentaire.

Le Château La Gaffelière Saint-Emilion Jéroboam 1964 n’est pas mauvais, mais passer après La Tâche est mission impossible. Il existe, il est buvable, mais il n’est pas porteur d’une grande émotion. Et le chèvre ne l’aide pas beaucoup à briller. On le boit, bien sûr, mais le cœur n’y est pas.

Le Château Branaire (Duluc-Ducru) Saint-Julien double Magnum 1979 qui avait eu un accident de bouchon m’étonne, car il n’a aucun défaut olfactif. Comme La Gaffelière, il est buvable, carré, mais il est sans émotion.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard magnum 1969 a été ajouté par Daniel Coulon pour honorer mon fils qui est de ce millésime. C’est non seulement une charmante attention mais aussi un vin d’une maturité exceptionnelle. C’est un vin charpenté, équilibré, à la trace profonde en bouche. Il est expressif et porteur de bonheur.

D’autres vins ont été apportés ici et là.

Sur le dessert où le marron domine par rapport au chocolat, le Porto Niepoort & Cie Colheita 1908 apporté par Georges se présente très trouble et plutôt pâle. Le nez est assez éteint mais le vin s’anime en bouche et plus le temps passe et plus il prend de l’ampleur. Il est très agréable, mais comme le précise Georges, il a ouvert d’autres 1908 nettement meilleurs.

Les deux alcools que j’ai apportés se boivent debout pour que de nouvelles discussions éclosent. Le Marc de Champagne Oudinot & Fils à Avize années 20-30 est incolore comme de l’eau. Son nez est impressionnant de force. En bouche, c’est l’archétype d’un grand marc, précis, fort, et ciselé. Je le trouve très raffiné.

A côté de lui, le Marc de rosé du domaine d’Ott 1929 a un nez doucereux et paraît beaucoup plus féminin, de grâce douce. Il est moins affirmé que ceux que j’ai bus de bouteilles différentes du même lot. Mais les deux marcs se complètent tant ils sont dissemblables. Ce soir ma préférence va au marc de champagne, tellement il représente l’idéal du marc.

Je n’ai pas suivi le groupe Rhône Vignobles pour la deuxième journée au domaine Courbis. Un dîner m’attendait au restaurant Taillevent et je voulais m’y rendre. Cette journée passée avec des vignerons charmants, amicaux et généreux m’a plu. Georges a fait un travail considérable et nous a raconté de belles anecdotes sur les vins. Je suis tellement fier que La Tâche 1957 dans ce format si rare se soit aussi bien comporté au point d’être transcendant que cette journée sera marquée pour toujours dans ma mémoire. Vive Rhône Vignobles.

Dégustation de vins anciens avec l’association Rhône Vignobles jeudi, 17 janvier 2019

Tous les deux ans, l’association Rhône Vignobles organise une manifestation sur deux jours, avec pour le premier jour un atelier de dégustation de vins anciens dirigé par Georges dos Santos, célèbre caviste lyonnais, et moi-même, suivi d’un dîner de vins anciens. La deuxième journée qui se passe chez l’un des vignerons permet de recevoir leurs clients et amis avec dégustation de vins anciens des domaines puis déjeuner festif et gourmand dans les chais du vigneron qui reçoit. C’est la quatrième fois que se tient cette réunion de vins anciens.

Dès 9h30 du matin je suis à pied d’œuvre au restaurant Michel Chabran pour ouvrir mes vins, car j’ai prévu des grands formats qui nécessitent un long temps d’aération. Je suis assez nerveux, car si un vin en grand format n’est pas bon, cela posera un problème.

J’essaie d’ouvrir le jéroboam Corton-Charlemagne Caves de La Reine Pédauque 1949 et je ne trouve en haut de goulot que de la poussière de bouchon qui s’émiette. C’est avec le dos d’une cuiller que j’enlève le haut du bouchon ce qui allège la partie que je vais pouvoir extirper au tirebouchon sans que rien ne tombe dans le vin. Je sens le vin et j’ai bon espoir, car aucun défaut n’est perceptible.

Le jéroboam de Château La Gaffelière Saint-Emilion 1964 a une cire toute craquelée que je nettoie. Le bouchon vient entier, mais la partie inférieure est très comprimée et resserrée. L’odeur du vin n’est pas désagréable mais trop incertaine pour que je sois rassuré.

Le clou de ce que j’ai apporté pour cette réunion est un jéroboam de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957. Les prix des vins de ce domaine ont tellement explosé qu’un tel vin paraît impensable dans un tel atelier mais la raison de mon choix est la suivante : pour ouvrir une bouteille de ce format il faut une grande assemblée. Je n’ai pas un groupe d’amis tel que je puisse l’ouvrir. Je ne désire pas vendre les vins de ma cave autrement que dans des dîners, car vendre des vins c’est alimenter la spéculation, alors que les vendre dans des dîners n’alimente pas la spéculation puisque les vins sont bus. Ayant toujours reçu de Rhône Vignobles un accueil d’une grande amitié, il m’est apparu que l’issue de cette bouteille serait avec ces amis. Le niveau dans la bouteille est un peu bas mais tout-à-fait acceptable. La forme du verre de cette bouteille est telle que le diamètre du bouchon est presque celui du bouchon d’une bouteille. Le bouchon est noir en haut et dès que je veux piquer le tirebouchon je sens que le bouchon descend. Panique ! Avec des trésors de douceur j’arrive à piquer le tirebouchon dans le bouchon et, ouf, il remonte. Le premier nez est très discret et il n’a pas de défaut apparent. C’est une bonne nouvelle. Je reviendrai dix fois le sentir et j’assisterai à son éclosion qui d’heure en heure gonfle mon espoir.

Le double Magnum Château Branaire (Duluc-Ducru) Saint-Julien 1979 m’avait fait une mauvaise surprise, car le bouchon flottait au moment où j’ai voulu le mettre dans ma voiture. Je ne l’ai pas écarté, mais plusieurs bouteilles de secours sont venues compléter ma cargaison. Lorsque j’enlève la capsule, le vin n’a aucune mauvaise odeur. Il est très probable que le bouchon était bien en place dans ma cave et qu’il est tombé en prenant la bouteille. Nous verrons.

Tandis que j’officie, l’un des vignerons, Laurent Combier, m’apporte les vins qu’offrent trois vignerons. Pour prendre de l’avance, je les ouvre. Laurent m’apprend qu’un déjeuner pot-au-feu est prévu à son domaine. Je préviens vite mon fils qui est en train de courir dans les vignes pour qu’il soit prêt à l’heure dite.

L’apéritif se prend dans un hall ouvert du domaine Combier. N’ayant pas pris de manteau, je suis rapidement gelé. On peut boire des vins étrangers. Il y a un Orto Vino Bianco di Venezia 2016 fait par Michel Thoulouze sur une île proche de Venise. Je n’aime pas son excès de puissance, alors que le Terminim Cépages d’Or Alder Springs Vineyard 2017 fait par François Villard et Donald Pats en Californie à Mendocino County a une élégance subtile qui me convainc. Georges a apporté un Sherry Mackenzie & Cie Amantillado qui doit avoir plus de soixante ans et se présente comme un Xérès de grande qualité. Le pot-au-feu est en deux services, le bouillon seul, puis viande et légumes. Il est délicieux et roboratif.

Je m’éclipse vite, avant que l’on tire les rois avec des galettes, car les ouvertures n’attendent pas. Lorsque j’arrive au restaurant, oh stupeur, une serveuse ‘bien’ intentionnée, alors que j’avais clairement demandé qu’on ne touche à rien, a entassé les uns sur les autres les bouchons et les capsules que j’avais disposés dans des assiettes séparées pour qu’on puisse les reconnaître. Quand je suis contrarié, normalement, ça se remarque.

Il fait très chaud dans toutes les pièces de l’hôtel aussi allons-nous faire le tri des bouteilles à prendre ou ne pas prendre dans le jardin, le critère d’exclusion, tant il y a de flacons, étant plutôt celui de l’âge, les jeunes étant mis de côté.

Nous déterminons l’ordre de service, entre atelier et dîner, Georges et moi, et ceux qui nous regardent faire sont étonnés de nous voir nous mettre d’accord aussi vite. Il n’y a pas eu l’ombre d’un désaccord. Les bouteilles sont alignées dans l’ordre de service. Il faut maintenant ouvrir. Georges participe avec moi à cette opération et si nous n’étions pas dans cette ambiance amicale et joyeuse, sa méthode m’aurait fait m’évanouir. Georges plante son tirebouchon et d’un coup sec très vigoureux, il sort le bouchon en moins d’une seconde. Et ça marche. Tant mieux. Mais la suite vaut son pesant d’or. Il se verse un verre, goûte le vin, reverse le reste dans la bouteille qu’il couvre d’un film plastique en faisant un nœud avec le film lui-même. Si Georges estime que ça donne de bons résultats, vive la diversité ! Mais c’est un coup de poignard à l’oxygénation lente.

La dégustation démarre à 17 heures. Nous sommes 21 et il y a 18 vins à goûter. Je fais un court speech pour expliquer comment je conçois la dégustation des vins anciens et beaucoup m’ont remercié de cette introduction qui a permis qu’au lieu de rechercher les défauts, ils se soient astreints à rechercher les qualités.

Georges ne veut pas servir le Château Grillet 1981 qu’il annonce fortement bouchonné. Je lui demande de le goûter mais il ne veut pas, craignant que cela abîme la dégustation des vins qui suivent. On verra plus loin que les résurrections existent.

Le Corton-Charlemagne Louis Latour 1942 Ancien Domaine des Comtes de Grancey a un très beau parfum un peu laiteux mais très agréable. La bouche est d’une belle acidité. Le vin est élégant.

Le Château Hautes-Graves d’Arthus Saint-Emilion 1971 a une couleur très foncée et un nez un peu bouchonné. Le finale est un peu glycériné. Ce vin est plus fatigué que ce qu’un 1971 devrait être. Il est poivré et certains pensent qu’il est hermitagé.

Le Château Margaux 1964 est bouchonné.

Le Bourgogne Aubert et Pamela de Villaine à Bouzeron 1979 a un nez qui évoque le champignon et une bouche un peu faible. Le vin est trop fatigué et lorsque j’avais ouvert la bouteille, la moitié haute du bouchon laissait penser que ce vin a eu un coup de chaud dans une cave.

Le Moulin à Vent Coron Père & Fils 1964 a un nez un peu imprécis. La bouche est généreuse, mais on peut supposer que le vin a lui aussi souffert d’un coup de chaleur, ce qui attriste certains vignerons qui ont le souvenir de beaujolais merveilleux bus dans les ateliers précédents. Le vin est un peu torréfié.

Le Beaune Jessiaume Père & Fils 1947 a un nez superbe. La bouche n’est que du bonheur. Il est un peu rêche et rugueux, mais il est tellement bon ! C’est un vin générique et paysan qui a de beaux tannins.

Le Nuits Saint-Georges Les Allots tasteviné Henri Remoriquet 1971 a un nez très bourguignon. Il a beaucoup de douceur et semble un peu fortifié. Il a beaucoup de fruits et l’on ressent l’alcool. Il est chaud et solaire mais son goût s’écarte de son appellation.

Le Bonnes-Mares domaine Comte Georges de Vogüé 1972 a un nez très noble. Il est fabuleux et sa bouche est une sphère d’élégance. Il est de très haut niveau, beaucoup plus que son année. C’est un très grand vin.

Le Cornas Du Bourg 1975 a un nez superbe et riche mais la bouche est moins précise. Il est d’un millésime froid. Il est quand même intéressant car il ne laisse pas indifférent par son discours original.

Le Chambertin Louis Trapet Père & Fils 1978 a un nez d’une élégance incroyable. La bouche est saline et je retrouve un peu la salinité particulière des vins de la Romanée Conti. Le vin est riche mais raffiné. C’est un vin d’une élégance absolue.

Le Châteauneuf-du-Pape Delas Frères 1978 a un nez très subtil. La bouche est un peu lourde, mais le vin est gourmand. Ce vin un peu coincé s’exprimerait en situation de gastronomie.

Le Volnay Clos des Chênes Colomb Maréchal 1961 a un joli nez mais en bouche le vin n’est pas très net. Je suis incapable de le situer.

Le Crozes-Hermitage Delas 1981 est assez agréable mais fait très jeune dans une telle dégustation.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de Saint-Préfert 1957 a un nez mentholé et de crayon. Il est très bizarre car il change de goût à chaque gorgée. C’est un vin très intéressant mais très troublant.

L’Arbois P.A. André négociant à Corton 1957 est-il un vin blanc ou un vin rouge ? Il est terriblement foncé et très caramel. Certains vignerons pensent que ce serait un rouge passerillé. Il a de la fraîcheur, du chocolat il est atypique et énigmatique. Je suis incapable de le situer.

Alors que jusqu’à présent les vins servis sont tous différents et ne se comparent pas, nous allons avoir deux millésimes d’un même vin. Le Torrès Gran Coronas Mas la Planas Miguel Torrès 1962 est un vin espagnol qui contient du cabernet sauvignon et du grenache. Il a un très beau nez et une bouche fraîche très agréable. Il a du café, de la menthe et une belle fraîcheur mentholée dans le finale. S’il y avait un soupçon de café en moins, il serait grandiose. Tel quel, il est quand même un peu trop lourd.

Le Torrès Gran Coronas Mas la Planas Miguel Torrès 1970 qui semble-t-il avait battu tous les premiers grands crus classés de Bordeaux sur le millésime 1970 est trop torréfié. Il est mentholé mais lourd, et ne m’apporte pas assez de plaisir. Je me méfie toujours des vins qui ont battu toute l’élite de Bordeaux.

Il y a eu dans cette dégustation des vins de tous niveaux, et le démarrage me faisait assez peur. Mais la suite nous a offert de grands moments, avec en particulier le Bonnes-Mares domaine Comte Georges de Vogüé 1972 que je classerais en premier, le Chambertin Louis Trapet Père & Fils 1978 que je classerais en second même s’il pourrait légitiment être ex aequo et le Beaune Jessiaume Père & Fils 1947 qui est mon troisième. D’autres aussi se sont bien comportés. Je suis content car aucun des participants n’a boudé les vins même quand ils étaient faibles. Apprendre les vins anciens suppose que l’on accepte les vins comme ils sont. Il n’y avait dans cet atelier aucun de mes vins. Ils sont prévus pour le dîner qui va suivre.

Georges a fait le service d’une façon absolument remarquable. Il a souvent donné des indications sur la géographie et les cépages du plus grand intérêt. Nous sommes tous contents, prêts à affronter le dîner préparé par Michel Chabran.


mes apports préparés chez moi

les bouchons de mes vins

les apports des vignerons du matin

d’autres bouchons

le déjeuner au domaine Combier

les tables dressées pour le pot au feu

Pour les ouvertures de l’après-midi, on a fait avec Georges une sélection et un ordre et les bouteilles ont été ouvertes ensuite

Georges remet après ouverture un film plastique sur le goulot, ce qui freine l’oxygénation

Le champagne

Le Chateauneuf du Pape Beaurenard et le Chateau La Gaffelière

Georges et moi

une partie des bouchons

les bouteilles sont remises en place

 

les bouteilles en fin d’atelier de dégustation

dîner au restaurant Michel Chabran samedi, 12 janvier 2019

L’association « Rhône Vignobles » regroupe une bonne quinzaine de vignerons du Rhône qui mettent en commun leurs coûts de représentation lorsqu’ils veulent présenter leurs vins en France ou à l’étranger. Parmi leurs nombreuses réunions il y en a une qui présente un intérêt particulier. Cela se passe sur deux jours. Le dimanche il y a à 17 heures une dégustation de vins anciens à laquelle j’apporte ma contribution en vins et en assistance, si besoin est. Le repas qui suit donne l’occasion de continuer à boire les vins de l’atelier précédent plus d’autres apports de ces vignerons généreux.

La journée du lundi se passe chez l’un des vignerons membre de l’association. Tous les clients de ces vignerons sont invités, dont des cavistes et des restaurateurs. Le matin il y a la dégustation des vins récents et à midi, un repas pantagruélique pour plus de 150 personne dans les chais du vigneron qui reçoit. La dégustation du premier jour sera à l’hôtel-restaurant Michel Chabran ainsi que le dîner et le chef réalisera le déjeuner qui se tiendra au domaine Courbis. J’arrive à l’hôtel dès le samedi car j’ai apporté de très grands formats qu’il me faudra ouvrir demain dès le matin pour que les vins soient épanouis à 17 heures. Mon fils est avec moi car parmi mes apports il y a une bouteille très rare que je voudrais qu’il puisse goûter. Etant sur place, nous allons dîner au restaurant Michel Chabran.

Mon menu sera : « notre revisite » du poireau vinaigrette / rognon de veau en fricassée, jus au vinaigre de framboise et menthe fraîche, purée de pomme de terre / tiramisu poire Williams et spéculoos. J’avais commencé par regarder une carte des vins assez restreinte, mais madame Chabran m’a apporté la grande carte, riche surtout de vins du Rhône mais aussi de plusieurs grands vins à des prix tentants. Nous prendrons un vin au verre pour les poireaux et une bouteille de vin rouge.

Le Crozes-Hermitage blanc « les Hauts d’Eole » Caves de Tain 2015 est une invraisemblable surprise. Jamais je n’aurais attendu un vin aussi plein, solaire, joyeux, ne distribuant que du bonheur. Quelle belle surprise. Il titre 13,5° mais ne montre aucune lourdeur alcoolique. Le poireau revisité est agréable, mais au lieu de mettre en valeur l’âme du poireau (le poireau a-t-il une âme ?) le plat le complexifie sans apparente nécessité. C’est bon mais avec un petit déficit d’émotion.

Je goûte l’ Hermitage rouge Jean-Louis Chave 2000 et dès la première milliseconde du premier contact, ce vin s’impose comme une évidence, il est parfait. C’est un vin qu’il est impossible d’analyser et qui ne donne aucune envie qu’on l’analyse, car il est parfait comme une apparition divine. Il est là, il parle juste, il s’impose, il est magique. Mon fils a la même perception et me dit que pour lui il y a trois vins parfaits qui ne surjouent jamais, l’Hermitage de Chave, le Vega Sicilia Unico et le Cros Parantoux d’Henri Jayer. Je suis volontiers de son avis, Nous sommes aux anges.

Le rognon est magnifiquement exécuté, il est gourmand et forme un accord idéal avec le vin rouge. Le tiramisu est relativement peu tiramisu mais il est joyeusement bon. Globalement c’est un excellent repas avec un vin qui est un oxymore combinant génie et simplicité.

L’hôtel est charmant, un peu « old school », avec un personnel attentionné. Il est temps de se coucher, car demain c’est la fête de Rhône Vignobles.

boutique « Divins » 25 rue Hérold dans le 1er arrondissement samedi, 22 décembre 2018

Thomas Bravo-Maza est le journaliste qui a fait en 2014 le film « Quatre Saisons à la Romanée Conti » où l’on me voit avec mon ami Tomo boire deux Romanée Conti, 1986 et 1996. Thomas s’est reconverti dans le vin et avec une bande d’amis il a ouvert une boutique « Divins » 25 rue Hérold dans le 1er arrondissement. Il voulait me la montrer. Dans une rue discrète et derrière une façade qui l’est aussi, la surface est étonnamment grande. On y fait des conférences, des dégustations et on y vend du vin. Thomas est en pleine forme et tout souriant. J’ai peu de temps devant moi aussi nous n’aurons pas le temps de boire le vin que j’ai apporté. Nous trinquons sur un Champagne André Heucq extra-brut sans année qui est à 100% en pinot meunier. C’est un champagne sans concession très vert, très tendance actuelle mais qui ne manque pas d’intérêt et serait volontiers gastronomique.

C’est un plaisir de revoir cet homme passionnant. Sa boutique vous attend, courez-y.

Déjeuner au sauternes au restaurant Lasserre samedi, 22 décembre 2018

Nicolas de Rabaudy, écrivain et journaliste qui a accompagné mon parcours dès le début de mes aventures dans le vin, me transmet une invitation d’Alexandre de Lur Saluces pour un déjeuner au restaurant Lasserre. Lorsque je pénètre dans le restaurant, des milliers de souvenirs me reviennent du temps où je venais en ce lieu, jadis trois étoiles, où Malraux comme Dali avaient des tables attitrées. Je n’y ai pas vu Malraux mais ma femme et moi avons vu plusieurs fois Salvador Dali dîner avec Amanda Lear.

A la table réservée pour Alexandre de Lur Saluces il y a son fils Philippe, Stéphane, le directeur du développement commercial du château de Fargues, Jean-Claude Ribaud, journaliste éminent qui a officié notamment au Monde et avait écrit sur mes dîners au tout début, Nicolas et moi. Je reconnais en salle des sommelières ou sommeliers que j’ai connus en d’autres endroits.

Le menu a été composé par le restaurant avec Nicolas pour se marier avec des vins de Fargues. Il y aura : poireaux de M. Riant cuits sur braise, mousse de pommes de terre ratte, sabayon au Marsala, truffe blanche / poularde de la Cour d’Armoise sur un lit de navets glaçons fumés, bouillon lié au beurre de sarrasin, algue kombu / fourme d’Ambert / blanc-manger / mangue.

Le Château de Fargues Sauternes 2015 est une merveille de fraîcheur. Il est intense mais aérien. Comme Alexandre nous a longuement parlé d’asperges qu’il produit à grande échelle sur ses terres, j’ai pris les poireaux à la cape verte pour des asperges, ne reconnaissant pas leur goût, ni d’ailleurs celui du poireau ! Le plat est agréable et convient au sauternes qui n’a rien d’un liquoreux tant il est fluide. La truffe blanche lui sied bien et l’on aurait pu faire l’économie du sabayon au Marsala.

Je n’ai pas reconnu le poireau car j’étais influencé par le discours sur les asperges et je n’ai pas reconnu les navets alors que je suis un fan de ce légume aux multiples facettes. La poularde est goûteuse et le Château de Fargues 1988 d’un or magnifique est absolument superbe. Il est riche, puissant mais il a aussi la fraîcheur qui en fait un compagnon parfait du plat.

La fourme d’Ambert est de belle qualité et suffisamment jeune pour accompagner le précieux sauternes. Philippe de Lur Saluces préfère le 1988 sur le blanc-manger alors que je le préfère avec la mangue. C’est une question de goût.

Nous avons bavardé sur les moyens à adopter pour faire aimer le sauternes comme compagnon de gastronomie. Alexandre pense que le sauternes doit être mis en début de repas car on a alors le palais réceptif à ce type de vins. Les sauternes ont une grande rémanence en bouche et la difficulté pour les vins qui suivraient est facilement résolue en servant un bouillon de poule qui a le grand mérite de recalibrer le palais. C’est ce que j’ai fait en m’inspirant de cette astuce créée par Alexandre lorsque j’ai fait un dîner au Crillon où j’avais mis des Yquem à trois moments différents du repas.

A cette exception près, je suis plutôt favorable aux liquoreux en fin de repas, et sur 230 dîners, j’ai mis 449 liquoreux, donc près de 2 par repas, dont 349 de la région de Bordeaux. L’idée de mettre le sauternes à trois moments d’un repas gastronomique me semble bonne, car il fait entrecouper le repas avec d’autres vins, rouges ou blancs. J’envisage d’en faire l’expérience lors d’un prochain dîner.

Nos avis divergeaient souvent car je suis un amoureux inconditionnel des vieux sauternes – la moyenne d’âge des sauternes dans mes repas est de 65 ans – alors que mes compagnons de table pensent plus aux jeunes sauternes qu’il faut faire aimer.

Une autre question est celle de la vertu démonstrative de ce repas. Il est d’une évidence que ce repas montre que le sauternes peut soutenir et embellir un repas. Mais celui qui fait cette expérience sautera-t-il le pas ? Sera-t-il désireux de le refaire chez lui avec des amis ? Une chose est sûre, c’est que les liquoreux ont toute leur place dans la gastronomie. Il faut les faire aimer, il faut convaincre et si je peux aider, comme je l’ai fait pour les vins du Jura, je le ferai.

le légendaire toit ouvrant

Dîner au siège de Grains Nobles après la dégustation des DRC mercredi, 19 décembre 2018

Dans la jolie salle voûtée du siège de Grains Nobles, la dégustation des 2015 du domaine de la Romanée Conti est suivie d’un dîner d’amitié avec Aubert de Villaine, Michel Bettane, Bernard Burtschy, d’autres amis et Pascal Marquet, dirigeant de la société Grains Nobles qui fait aussi restaurant. Le dîner est simple mais goûteux, avec un bœuf bourguignon qui se dévore avec plaisir. Les vins sont les apports des uns et des autres, sans schéma déterminé.

Le Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires blanc de blancs 2004 est d’une grande solidité. C’est un grand champagne qui défie le temps. Le Puligny-Montrachet Les Réferts Louis Carillon 1988 a un peu souffert et apporte peu d’émotion.

Le Coteaux Champenois Ambonnay rouge Cuvée des Grands Côtés Vieilles Vignes Egly-Ouriet 2005 est magnifique. J’adore ce rouge assez inhabituel et de forte personnalité. Je me régale.

Le Volnay Clos des Chênes Michel Lafarge 1990 en revanche a peut-être eu un problème car je ne trouve pas en ce vin ce qu’il pourrait être.

J’ai apporté un Vin de l’Etoile Philippe Vandelle 1964 et je ne peux pas être objectif avec ce vin du Jura que j’adore. Il a tout pour lui, profond, vif, complexe et en même temps charmant.

Comme il se fait tard, je pars avant la fin, en emportant le vin que j’ai apporté pour que mes enfants puissent le goûter. Chaque année, cette dégustation des vins de la Romanée Conti est un plaisir car la présentation des vins par Aubert de Villaine est d’une hauteur de vues que j’apprécie, et écouter les remarques de Michel Bettane et Bernard Burtschy est un enchantement. Comment est-ce possible qu’ils aient une telle culture du vin ? Je suis émerveillé et l’accueil de Grains Nobles est amical. Ces moments sont précieux.

Dégustation des 2015 du Domaine de la Romanée Conti dimanche, 16 décembre 2018

Chaque année au siège de la société Grains Nobles, Aubert de Villaine présente les vins du domaine de la Romanée Conti qui viennent d’être mis en bouteille. Nous goûterons les 2015. Il commence par un exposé sur la climatologie de l’année 2015 en disant que tout s’est joué en un seul acte marqué par une harmonie tout au long de l’année. C’est l’inverse de ce qui s’est passé en 2018, année aux scénarios très contrastés. L’hiver du début 2015 a été humide avec beaucoup de pluies, qui ont constitué de très précieuses réserves d’eau. Il y a eu beaucoup de grappes. Le vent du nord a été déterminant pour ce millésime. Le printemps a été sec avec deux fortes pluies qui sont arrivées au moment opportun. La floraison a été précoce et très homogène, sans coulure ni millerandage avec des baies très homogènes. En juillet il y a eu très peu d’eau avec une semaine de canicule. Un peu de pluie est apparue dans la première quinzaine d’août. Il a fait plus frais. La chaleur est revenue dans la deuxième quinzaine d’août et le 31 août la récolte a commencé, avec des grains aux petites peaux épaisses. On a commencé par le Corton puis le Montrachet. Le 3 septembre on a vendangé à Vosne Romanée puis La Tâche, puis le Richebourg, jusqu’au 14 septembre.

Les rendements ont été moyens, avec des vinifications faciles en fin de fermentation. Les sucres sont apparus en fût, ce qui a donné de l’onctuosité. C’est un des millésimes les plus parfaits, chaud et précoce, qui n’a rien à voir avec le 2003.

La dégustation commence par le Corton Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée-Conti 2015. Il est fait de trois climats, Clos du Roi, Bressandes et Renardes. Aubert de Villaine aimerait faire trois cuvées lorsque le travail en vigne aura été définitivement accompli mais Michel Bettane n’est pas de cet avis, car le Clos du Roi a encore des vignes de qualité moyenne. Le vin a une belle couleur fraîche. Le nez est profond avec un peu de tabac. La bouche est un peu lactée et le finale un peu trop opulent. Le vin est plus riche que fin. Michel Bettane dit qu’il est déjà très Domaine de la Romanée-Conti. Il y a 70% de vendange entière. Le vin devient plus gourmand car il s’élargit dans le verre. Personnellement je ne reconnais pas le style Domaine de la Romanée-Conti. Il y a 50% de futs neufs et en 2018 on est passé à 100%.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une couleur plus violine. Le nez est plus flatteur et plus subtil. Là aussi, il y a beaucoup de richesse et de générosité ce qui n’est pas ce qui me plait le plus, car il est trop charmeur pour moi. Il a un belle texture et 100% de grappes entières. Il gagne en complexité. Il devient nettement meilleur, Michel dit qu’il y a du soleil dans ce vin.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une belle couleur et un nez très fin et très noble. La bouche ne me semble pas très assemblée. Il y a une lutte entre la gaieté et l’amertume. Il est un peu trop doux. C’est un vin à garder pour qu’il devienne cohérent. Il devient plus amer quand il se réchauffe. La douceur disparaît alors. Il est urgent d’attendre.

La Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une couleur plus profonde et un nez assez retenu et discret. La bouche est plus dynamique, avec un soupçon de perlant. Le nez s’exprime plus. Le vin est riche et tonique. Il y a un peu de suavité en plus du caractère rêche. C’est lui aussi un vin qu’il faudra attendre. Aubert dit que le nom du vin correspond à son caractère. Romanée, c’est le côté bon vivant. Saint-Vivant, c’est le côté cistercien de l’abbaye de Saint-Vivant. Le finale est vert, rêche, très rafle. Il est viril et évoluera bien.

Le Richebourg Domaine de la Romanée-Conti 2015 est un vin dont Michel dit qu’il revient en forme car il est mieux fait. La couleur est belle et le nez superbe. Voilà enfin un vin qui se montre grand, fabuleux, épanoui. Il est tellement bien assemblé, joyeux, au finale poivré délicieux. Ce vin riche est surtout d’une cohérence totale. Il est à la fois aérien et puissant. Il ne fait pas guerrier, il se montre serein, accompli, énorme, parfait. Quelle belle bouteille !

La Tâche Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une belle couleur et un nez charmeur. La bouche est suave. Contrairement au Richebourg qui se boit bien maintenant, il faudra attendre longtemps avant que La Tâche 2015 atteigne le niveau qu’il promet. Il est charmant, au finale rêche mais noble. La franchise et la noblesse sont là. Il faudra juste attendre. C’est la noblesse qui m’impressionne.

La Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 2015 a une belle couleur, un nez très subtil et une bouche subtile et raffinée. Il est fermé mais grand. Il ne donne pas encore le plaisir qu’on devine mais le vin s’épanouit. Il marie douceur et complexité. Il est plus une promesse qu’un plaisir. Puis la grandeur arrive. La trace en bouche devient superbe comme le parfum. Aubert dit que la parcelle de la Romanée Conti n’est pas solaire mais résiste bien à la chaleur. Il dit que le caractère chaud du millésime se percevait il y a un an, mais qu’il a disparu, le vin allant plus vers l’élégance.

Le Montrachet Domaine de la Romanée-Conti 2015 a été vendangé très tôt, juste après le Corton. La couleur est très claire et le nez est incroyable. C’est pour moi le nez parfait. La bouche est sublime, d’un plaisir total. Il est fluide tout en étant puissant. Sa puissance est contrôlée, avec beaucoup de poivre. Il est d’une profondeur incroyable. Sa longueur est folle, sa densité gigantesque. Les raisins sont totalement sains, sans botrytis. Je me demande comment ce vin pourrait devenir meilleur tant il a tout ce qu’on attend d’un montrachet parfait. Je suis subjugué par ce vin.

Des huit vins que nous avons bus, il y en a deux qui sont à cet instant précis dans un état exceptionnel, le Montrachet et le Richebourg. Les six autres sont de belles promesses, mais des promesses seulement aussi par exemple, ai-je beaucoup moins ressenti l’émotion de la Romanée-Conti que je ne l’ai fait en d’autres séances de dégustation au même endroit et au même stade d’évolution. Il est certain que nous sommes en face d’une très grande année et que c’est un privilège de déguster ces vins commentés par celui qui dirige le domaine avec tant de talent. Comme à l’accoutumée, la jolie salle voûtée se vide et nous nous retrouvons à quelques-uns pour un dîner d’amitié avec Aubert de Villaine, Michel Bettane, Bernard Burtschy, d’autres amis et les dirigeants de Grains Nobles.