Archives de catégorie : vins et vignerons

Boutique éphémère pour les champagnes RSRV de la maison Mumm samedi, 21 décembre 2019

La maison de champagne Mumm organise pour quelque temps dans Paris une « boutique éphémère » où l’on peut goûter ses champagnes R.S.R.V. Ces quatre lettres correspondent aux bouteilles que l’on réservait en cave pour des clients ou pour des occasions, et les quatre lettres marquées à la craie en cave signifient « RESERVE » dont on a enlevé les « E ». Je suis impressionné par la qualité de la décoration qui fait tout sauf éphémère tant elle est réussie.

Nous allons goûter quatre cuvées R.S.R.V. qui sont destinées à des amateurs qui sont parrainés dans le club R.S.RV. plus la cuvée de prestige, Cuvée Lalou. Le traiteur Maison Lacaille a travaillé avec la maison Mumm pour créer des accords subtils. L’intention est louable. Il faudrait travailler encore les supports de pâtisserie qui parfois empêchent la légèreté des accords, mais globalement, le résultat est remarquable.

Cuvée RSRV Blanc de Blancs Mumm est associé à un croquant de homard, pointe de mayonnaise au raifort / pic de thon rouge et cébettes / pince de bar en ceviche. Le nez est très pur et la bulle très fine. L’attaque est de belle acidité. La minéralité est parfaite et le champagne évoque les fleurs blanches avec un finale de noisette.

Cuvée RSRV 4.5 Mumm fait la route avec Involtini speck et ricotta / œuf de caille et gelée aux herbes / croquant de foie gras au spéculos. Fait de 100% de grands crus ce champagne est fait de 60% de pinot noir et 40% de chardonnay. Le nez est plus doux. Le champagne est superbe avec une bouche plus ronde. Il est très agréable avec un peu moins de longueur que le précédent.

Cuvée RSRV Blanc de Noirs 2009 Mumm est accompagné de croquemonsieur au jambon truffé et vieux comté / tonneau de pomme de terre, veau et crème aux morilles / gambas en croûte de pétale de maïs. Le vin est noble et racé. Il est vif. C’est un champagne de plaisir, très masculin.

La Cuvée Lalou Mumm 2006 est bue sans accompagnement. Le nez est intense et grand. La bouche est à la fois puissante et douce. C’est un champagne harmonieux de grande qualité.

Cuvée RSRV rosé Foujita Mumm cohabite avec croustille de saumon gravlax, aneth et airelle / sucrine de chèvre et confiture de cerise noire / tartelette diplomate aux fruits rouges. Ce rosé est absolument superbe, viril et de belle texture.

Deux champagnes ont illuminé la dégustation, le Lalou et le rosé. Cette initiative de « Popup store » est une réussite.

Dégustation des 2016 de la Romanée Conti et dîner à Grains Nobles dimanche, 15 décembre 2019

Chaque année, Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, vient présenter au siège de « Grains Nobles » les vins qui viennent d’être mis en bouteille. Il s’agira du millésime 2016. Trois vins n’ont pas été produits du fait de fortes grêles, aussi seront-ils remplacés par des 2007.

Dans la cave de dégustation Pascal Marquet gérant de Grains Nobles accueille les participants qui sont le plus souvent des habitués, Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et Marie-Ange Gorbanevsky la réalisatrice d’un film « l’Âme du vin » qui l’a conduite à passer trois ans en Bourgogne et à recueillir les propos de nombreux vignerons dont Aubert de Villaine.

Aubert de Villaine présente le contexte du millésime 2016 : « la nature nous a causé du tracas ». L’année a eu deux visages. Un début d’année difficile, puis un printemps très difficile. Début avril il y a eu du beau temps mais le vent du nord a apporté le gel. Le 27 avril Echézeaux et Grands Echézeaux ont gelé à 90%. Le mauvais temps a continué et il a fallu lutter contre le mildiou et l’oïdium. La floraison ne s’est pas trop mal passée mais elle a duré trois semaines, ce qui a créé des hétérogénéités. A partir du 15 juillet il y a eu le deuxième visage de l’année avec un temps très beau jusqu’aux vendanges. Les orages du 15 août étaient nécessaires car il y avait une canicule. Deux pluies du début septembre ont apporté de l’humidité. La maturation a été très rapide à la fin. Le pinot noir a mûri très vite. On était prêt à vendanger dès le 15 septembre mais on a attendu et on a vendangé le Corton le 22 septembre. Les vendanges des rouges se sont poursuivies jusqu’au 30 septembre. Des 10% restants des Echézeaux et Grands Echézeaux on a obtenu des grappes qui ont fait des vins magnifiques qui seront gardés en magnums et seront « libérés » dans quelques années.

Aubert de Villaine estime que tout ce qui permet de faire de grands vins a été réuni en 2016. C’est ce que nous allons vérifier maintenant.

Aubert de Villaine, au siège de la société « Grains Nobles » a présenté le contexte du millésime 2016. Il considère 2016 comme un millésime solaire de belle maturité. Nous allons maintenant goûter les vins en commençant par deux exceptions. Les Echézeaux et Grands Echézeaux n’ayant pas été faits en 2016 du fait de la grêle, nous les goûtons sur le millésime 2007.

L’Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 a un nez superbe et franc. L’attaque est fraîche. Le vin est un peu léger mais vif. Aubert de Villaine dit que le nez très expressif annonce la qualité future de ce vin. Par le hasard du service je suis servi d’une deuxième bouteille meilleure et plus riche. Ce vin est très plaisant pour un millésime difficile. Il a un finale poivré. Je l’aime beaucoup.

Le Grands Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 a une couleur magnifique, assez claire d’un rose noble. Le nez est superbe et précis. Cela annonce un grand vin. La bouche est gourmande et joyeuse. Il a plus de densité que l’Echézeaux. J’adore car il a la jeunesse mais déjà une maturité qui le rend gourmand et gastronomique. Il est fluide et frais, au finale superbe.

Nous revenons au sujet du jour, les 2016 en commençant par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2016. Sa couleur est beaucoup plus foncée que celle des 2007. Le nez est très agréable. La bouche est suave. Le finale est précis avec un peu de salin. Il est jeune bien sûr mais grand et très doux. Il est d’une belle gourmandise et il évoluera en s’épanouissant. Il est racé. De mémoire, je ressens un saut qualitatif par rapport aux millésimes précédents de ce vin. Il prend de plus en plus le style du Domaine de la Romanée Conti.

La Romanée Saint-Vivant Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez très riche et puissant. Il est voluptueux, très agréable à boire. Il est salin, au finale très fort et à la belle persistance aromatique. Il est beaucoup plus profond que les précédents, vin élégant de beaucoup de charme. Il va devenir grandiose dans quelques années, avec sa douceur charmante et sa complexité noble.

Le Richebourg Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez intense et complexe. C’est un parfum. L’attaque est séduisante et généreuse. C’est vin massif et tannique. Bernard Burtschy dit qu’il est costaud, un peu réduit, évoquant le cuir. Il est riche, un peu fumé, c’est un guerrier. Il a une attaque douce et un corps d’athlète. Ce sera un grand vin.

La Tâche Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez d’un charme fou. La bouche est raffinée et son finale rebondit. C’est un vin noble et joyeux qui nous envoie des brassées de sourires. Il est joyeux et gourmand, magnifique de vivacité et très gourmand. Il a des évocations de poivre noir. Il se situe au-dessus des vins précédents.

La Romanée Conti Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un parfum incroyable, envoûtant, d’une force extrême. La bouche est très aérienne. La complexité est là, mais il faut la chercher car elle ne se veut pas évidente. Bernard Burtschy dit que c’est un vin déstabilisant. Il ajoute qu’il faut se laisser prendre par sa magie. Aubert de Villaine le dit évanescent, transparent, mais le vin s’anime et apparaît, frais et fluide. Il me fait la danse des sept voiles. Je ressens qu’il explosera de saveurs raffinées quand il aura vingt ans. Il s’anime à l’aération et le nez est fou. La bouche est folle elle aussi. Il y a une profondeur qui est hors norme et il suffit de goûter à nouveau le Richebourg et La Tâche pour sentir à quel point ce vin est d’un raffinement absolu.

Les 2016 rouges que nous avons bus sont d’une très grande qualité et Aubert de Villaine nous dit que le millésime 2016 sera le millésime le plus sous-estimé car il sera probablement plus grand que 2015, millésime encensé.

Le Montrachet Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 est servi car il n’y a pas de 2016. La grêle a permis à toute l’appellation de faire une très petite quantité qui a été vinifiée pour compte de tous les domaines par le Domaine Leflaive. Il ne sera pas commercialisé mais réparti entre les vignerons concernés. Le 2007 a déjà une couleur dorée qui s’explique par le léger botrytis que l’on ressent en bouche. Le nez est discret et la bouche est délicate. Ce n’est pas un vin tonitruant. Il a une belle matière mais pas de gras. Il est très subtil. Ses saveurs vont tous azimuts ce qui est assez exceptionnel. Aubert de Villaine le dit opulent mais je le trouve plutôt raffiné, jouant sur ses complexités. J’aime le raffinement de ses saveurs aériennes. Il a une belle acidité et de la fraîcheur. C’est un très grand vin.

Cette dégustation a été d’un niveau exceptionnel.

Selon la tradition nous nous retrouvons à quelques-uns à dîner dans la salle de restaurant de Grains Nobles, autour d’Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et de Marie-Ange Gorbanevsky. La cuisine est très familiale avec des plats agréablement épicés. Le Champagne Cuvée des Caudalies de Sousa & Fils 1999 est du pur chardonnay de vignes de plus de cinquante ans, dégorgé en 2005. Il est très bien fait et de belle fraîcheur.

A côté de lui le Champagne Bollinger la Grande Année Bollinger 2002 se montre plus puissant, plus carré et cela est dû à la présence significative de pinot noir. Et les deux champagnes ne se combattent pas mais additionnent leurs talents, le de Sousa plus fluide et aérien, le Bollinger plus solide et incisif.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2002 est servi après la dégustation des vins jeunes de la Romanée Conti aussi le passage est assez difficile, mais le vin s’en sort bien, d’un classicisme de bon aloi.

Le Sandrone Valmaggiore Nebbiolo d’Alba 2004, bien que d’une extraction moins noble que le Corton, est plus adapté à ce dîner et au délicieux bœuf mariné de longues heures. Il est simple, d’une belle mâche et riche, sans souci.

Le Quart de Chaume domaine des Baumard 1997 est d’une belle couleur dorée et peut accompagner les beaux fromages mais aussi le dessert mêlant fruit de la passion et des fruits jaunes, rouges et noirs. Il est vif et gourmand, ensoleillé et généreux.

J’ai apporté un Coteaux du Layon Marcel Leconte 1959 et j’ai commis l’erreur de ne pas l’ouvrir avant la dégustation de la Romanée Conti, car il se présente bouchonné, sans trop d’influence sur le goût, ce qui me laisse penser qu’avec trois ou quatre heures d’aération il aurait perdu ce défaut.

Ce repas sympathique d’après la présentation des derniers vins de la Romanée Conti mis en bouteilles est un moment d’amitié qui ajoute au plaisir d’une des plus belles dégustations de vins jeunes qui soit.

la couleur de deux des vins, un 2007 et un 2016

le repas qui a suivi

Deuxième jour au Grand Tasting mercredi, 4 décembre 2019

Je suis en retard à la Master Class consacrée aux champagnes Charles Heidsieck, présentés par Cyril Brun le chef de cave, mais je rattrape le groupe. Le Champagne Charles Heidsieck Brut Réserve magnum sur une base de 2012 a une belle attaque et beaucoup de sérénité. C’est un grand champagne, aidé par le format magnum qui lui convient à merveille.

Le Champagne Charles Heidsieck Brut 2008 a plus de tension. Il est vif et tranchant mais moins gourmand que le brut base 2012, à cet instant de sa vie.

Le Champagne Charles Heidsieck Brut 2006 est très romantique et fluide. Il est magnifique, plus léger mais long et intense.

Le Champagne Charles Heidsieck Brut 2000 a un nez envahissant, riche et fou. Sa couleur est plus dorée. Il a la puissance, mais peut-être pas la personnalité des autres.

Le Champagne Charles Heidsieck Brut Jéroboam 1989 a été dégorgé en 2017. Il est éblouissant. C’est une gondole qui vous mène à Venise. Ce vin est un voyage. Il est très hors norme car il navigue partout. Il a des fleurs, des fruits, des légumes même. On m’en a servi un autre verre, différent, moins mythique alors que c’est le même flacon.

Après le 1989, le 2008 se montre plus grand que le base 2012. Tous ces champagnes sont vifs, précis et vibrants, donnant une image extrêmement prestigieuse de cette grande maison.

Il y a tant d’autres Master Class que j’aurais aimé suivre. Il en est de même de tous les stands passionnants. Juste une anecdote amusante. Etant au stand de la Cave de Tain-l’Hermitage, je parle avec Xavier Frouin, maître de chais, qui me parle de son Vin de paille Hermitage Cave de Tain 1997 que je trouve très agréable. Je lui dis alors : il faut que vous goutiez celui de la maison Hugel. Nous sommes allés ensemble au stand Hugel ce qui nous a permis de goûter le « Patience de Riesling » 1996 qui m’avait tant impressionné la veille. J’aime ces échanges inattendus.

Le Grand Tasting fourmille de trésors, allant aussi bien du Porto Taylor’s 2017 magistral, jusqu’à la Cuvée Hemera 2005 d’Henriot. Comme disait une publicité ancienne, on trouve de tout au Grand Tasting.

Muscat Petits Grains domaine du Clos des Fées 1998

Master Class Le Génie du Vin au Grand Tasting mercredi, 4 décembre 2019

Le grand événement du Grand Tasting, c’est la Master Class « Le Génie du Vin » dont c’est la quatorzième édition. Les vins ont été choisis par Bettane et Desseauve pour représenter la magie du vin.

Le Champagne Dom Ruinart Blanc de Blancs magnum 2002 a été dégorgé en 2013. Le nez est très noble. Il a une belle vivacité, un beau pétillant. Evoquant la crème ou le beurre, il est tout en finesse, avec un dosage parfaitement intégré. Ce que j’aime, c’est la précision et la vivacité. Frédéric Panaïotis parle de ‘tendresse’. La bulle n’est pas agressive. Alphonse Mellot lui trouve de la truffe. C’est un champagne noble.

Le Sancerre Cuvée Edmond domaine Alphonse Mellot blanc 2002 est présenté par Alphone Mellot, ce que l’on aurait pu dire depuis 19 générations car tous les Mellot s’appellent Alphonse. La cuvée Edmond a été créée en 1982 car le père d’Alphonse s’appelait Alphonse Edmond. Le nez est extrêmement intense et vif. Ce vin combine plénitude et largeur. Il a un peu de perlant en milieu de bouche, signe de jeunesse. Il est très minéral avec un finale de viennoiserie. Il a un esprit crayeux et Alphonse parle de truffe et de sous-bois. Le vin est un peu strict mais très agréable. Les vignes ont entre 90 et 108 ans et l’élevage s’est fait à 100% en barriques neuves.

Le Volnay Clos des 60 Ouvrées domaine de la Pousse d’Or rouge 2002 est présenté par Benoît Landanger dont la famille possède le domaine qui a appartenu à une époque à la famille Duvault-Blochet qui était propriétaire de la Romanée Conti. Le Clos des 60 ouvrées, un monopole, est selon Michel Bettane la partie la plus originale des Caillerets. La couleur du vin est très pâle. Le nez est de grande fraîcheur, comme pour un vin de l’année. L’attaque est très belle, le fruit explose en bouche avec un grand raffinement. Le finale est strict, poivré, assez fermé. C’est le fruit de milieu de bouche que je préfère, que le finale n’a pas. Le vin est étonnamment jeune. Il lui faudra bien trente ans pour qu’il s’épanouisse. Michel Bettane parle d’un vin tendre et Thierry Desseauve le dit voluptueux et sensuel. Il est nettement plus ouvert après quelques minutes dans le verre.

Le Clos de la Roche Domaine Dujac 2009 est présenté par Jérémy Seysses dont le grand-père, propriétaire des biscuits Belin, a acheté la propriété en 1967. Le nez est d’une rare intensité. La couleur est assez claire. Le vin est suave, gourmand, très agréable, très lisible et doux. Le finale est plus discret mais révèle de belles épices. Il a une grande persistance aromatique en bouche et quelque dix minutes plus tard, il est splendide.

Le Barolo Giuseppe Rinaldi Brunate Le Coste rouge 2009 est présenté par le grand expert Enzo Vizzari, italien au cœur bourguignon. Le vin a une belle couleur d’un rouge plus foncé que les précédents. Le nez très intense est aussi très tendu. La bouche est riche avec des fruits un peu confits ou plutôt raisins de Corinthe. Le vin est riche, plein, charmeur et gourmand. Est sa longueur est infinie. On ne le sent pas encore intégré et assemblé. Il va lui falloir plusieurs années pour devenir cohérent. Ainsi, dix minutes plus tard, l’alcool est encore dissocié et on sent comme une grappa en bouche.

La Côte Rôtie La Mouline E. Guigal 2009 est présentée par Philippe Guigal dont le grand-père, Etienne a créé la maison en 1946. Etienne a fait 67 récoltes, Marcel en a fait 49 et Philippe, si jeune, a fait 27 récoltes. L’appellation Côte Rôtie qui faisait 60 hectares il y a cinquante ans en fait 300 hectares aujourd’hui. La Mouline est sur la Côte Blonde, sur des schistes. La syrah sur calcaire est fine, plus ‘bourguignonne’ qu’ailleurs. Il y a 11% de viognier. L’âge moyen des vignes est entre 80 et 85 ans, avec quelques pieds qui datent de 1893 de la première plantation après le phylloxéra. Depuis 1966 le vieillissement est de 40 mois en fût neuf, ce qui serait une tradition d’il y a trois siècles.

Le vin a un nez très frais, pur et charmant. La bouche est claire, cohérente, lisible, toute en fraîcheur. Le vin est grand et paraît facile tant il est à l’aise. Il est d’une belle acidité, agréable, combinant velours et volupté.

Le Château Batailley Pauillac 1961 est un vin de la famille Borie Castéja. Il est présenté par Axel Marchal que j’ai connu lorsqu’il était encore à l’école Normale Supérieure, et que Michel Bettane présente comme le futur Emile Peynaud. Peut-on imaginer qu’un domaine présente un vin de 1961 pour une assemblée de cent personnes ? Le nez est très profond, un peu strict mais prometteur. C’est un nez de vin noble. La couleur est encore rouge et très belle, sans tuilé. L’attaque est très douce, suave. La bouche est de grande qualité. Le finale est bien frais, sapide. Il a une très belle longueur et paraît jeune car il est bien cohérent et assemblé. Il est de belle race avec des accents de truffes, vif et de grand équilibre. Il sait même être gourmand.

Le Château Coutet Cuvée Madame Barsac 2009 est présenté par Philippe Baly qui possède le château qui a appartenu à la famille Lur-Saluces jusqu’en 1929. La Cuvée Madame provient d’une parcelle particulière que les vignerons vinifiaient pour l’offrir à Madame, la femme du propriétaire. Cette cuvée exceptionnelle n’est faite qu’une année sur quatre environ. Le nez est superbe et gracieux. On sent la puissance, mais contenue. Ce vin est d’une infinie fraîcheur. Il est magique, et parfait. Il est incomparable avec les autres vins tant il semble d’une autre dimension de vins dont tout est parfait.

De cette dégustation je retiendrai qu’ils sont tous bons, mais je place loin devant le Coutet, puis Le Batailley 1961 et la Mouline 2009 à un grand niveau d’excellence, suivis par le Ruinart 2002 et le Dujac 2009. Ce fut une Master Class d’une grande générosité présentée par des vignerons passionnants.

photos des vignerons qui présentent leurs vins. selon les angles de prises de vue, les chevalet avec les noms ne sont pas représentatifs des vignerons photographiés

Tours et détours au Grand Tasting le 1er jour mercredi, 4 décembre 2019

Au Grand Tasting il y a un atelier gourmet qui fait se rencontrer le domaine Chante Cocotte de Régis Franc et le restaurant Solstice du chef Eric Trochon. Il se trouve que j’échange sur Instagram avec le truculent vigneron. Je jette un œil, on me tend un verre et je m’assieds face à deux jeunes femmes. Le vin La Petite Cocotte rouge vin du pays d’Oc 2015 est généreux et gourmand et je dis à ces deux jeunes dames : pour ce vin il faut une joue de bœuf. Quasi en même temps on annonce que le plat prévu est une joue de bœuf. Les deux dames me disent « vous aviez lu le programme ». Or il n’y a rien d’écrit dans le programme. C’est sans doute une évidence et l’accord s’est trouvé magiquement.

La Master Class à laquelle j’assiste ensuite est celle du Château Grand Corbin-Despagne avec le titre :  »un terroir, une famille, 200 ans d’histoire », présentée par François Despagne.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 2009 est un peu rêche, de belle construction et de belle charpente.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 2010 est plus doux, plus rond, doté d’un beau finale.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 1989 est de belle ampleur, d’un bel équilibre mais un peu astringent.

Le Château Grand Corbin-Despagne Saint-Emilion 1990 est frais, fluide, très agréable.

La comparaison des couples de ce vin à vingt ans de distance est intéressante. Ce Saint-Émilion est ciselé et pur, sans grande largeur mais de belle émotion. C’est le 2010 que je préfère des quatre, opinion que partage Michel Bettane.

Le Grand Tasting, c’est aussi les visites que l’on peut faire aux stands. N’ayant pas eu le temps d’assister à la Master Class sur Veuve Clicquot, je me présente au stand et l’on me fait le grand honneur de me faire goûter le Champagne Veuve Clicquot jéroboam 1989. Le nez est à se damner tant il a d’intensité. C’est époustouflant. En bouche le champagne est parfait, incisif et large, profitant à plein du format du flacon. Ce champagne est une merveille. Avec le Penfolds Grange 2005, cela fait deux merveilles le même jour. J’allais en avoir une troisième.

En passant au stand de la maison Hugel je rencontre des héritiers Hugel avec qui j’évoque le Traminer 1900 que Marc Hugel avait apporté au dîner de vignerons récent. Et l’on me fait signe discrètement pour pouvoir me verser un liquide épais et noir. Il s’appelle Patience de Riesling Hugel 1996 mis en bouteille en 2016. Il s’agit d’un vin de paille et j’ai appris que l’Alsace n’a pas le droit d’utiliser cette dénomination, d’où le nom « Patience ». Ce vin de paille est tellement concentré qu’il est noir et d’un sucre débordant. Mais sa persistance aromatique en fait un élixir olympien. Il est riche et indélébile. Et je l’adore. Il n’en a été fait que 318 demi-bouteilles. Un nectar !

Passant au stand du Clos des Fées je rencontre Hervé Bizeul, qui entre autres est l’initiateur de ce qui s’appelle aujourd’hui Vinapogée qui permet de goûter des vins de vignerons à un stade de belle maturité. Hervé agite une cloche qui indique qu’il va ouvrir une Petite Sibérie. Quelques initiés comprennent le message et nous goûtons une Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages 2013 je crois, qui a la fraîcheur que seuls les grands vins peuvent avoir.

Grand Tasting présentation de Penfolds Grange mardi, 3 décembre 2019

La date de l’académie des vins anciens avait été fixée à la veille de l’ouverture du Grand Tasting de Michel Bettane et Thierry Desseauve, le rendez-vous incontournable des amoureux du vin. Cela s’est révélé judicieux car j’ai pu retrouver au Carrousel du Louvre plusieurs académiciens. Au Grand Tasting, on peut visiter un très grand nombre de stands de vignerons prestigieux et assister à des Master Class à thèmes, et participer aussi à des ateliers gourmets et gourmands.

La première Master Class à laquelle j’assiste est celle de Penfolds, animée par David Cobbold, dont j’ai pu apprécier la grande érudition sur les vins australiens. Penfolds est dans une région du sud de l’Australie qui fut la première à ne plus être pénale mais libre. Le couple Penfolds arrive en 1844. Ils achètent 200 hectares de terres. Lui est médecin et fait des vins médecins, c’est-à-dire doux, auxquels on ajoute des herbes médicinales. Sa femme développe la vigne peu importante en Australie à l’époque, au point que Penfolds représentait la moitié de la production viticole d’Australie.

On faisait surtout des vins doux et lorsque Max Schubert a suggéré de faire le vin rouge Penfolds Grange, on lui a demandé d’arrêter. Il l’a fait en cachette, contre l’avis des actionnaires pendant plus de dix ans, et quand on s’est aperçu de sa valeur gustative, le vin a été adoubé. Peter Gago, vinificateur actuel a continué l’œuvre de Max Schubert.

Nous goûtons le Saint Henri Barossa Valley Magill Estate 2005 rouge au fruit un peu rêche, au finale assez joli et frais, astringent. Ce vin ne cherche pas à séduire, ce qui ne me déplait pas.

Le Saint Henri Barossa Valley Magill Estate 2015 rouge est plus vif, plus frais à l’attaque, mais le boisé est le même. Les deux sont assez austères, faits de 90% de syrah. Ils ne sont pas très excitants, faits de poivre et de bois, et demanderaient des plats pour les exciter. Le 2015 est meilleur du fait de sa fraîcheur.

Le saut qualitatif est gigantesque avec le Penfolds Grange 2005. Le nez est magnifique, d’une douceur rare, du velours. En bouche l’attaque est fraîche et le finale est mentholé, anisé. Ce vin est fabuleux, au finale très frais.

Les étiquettes de Penfolds Grange comportent un numéro de BIN qui veut dire : « Batch Identification Number », qui est un numéro de lot. Ce n’est pas un numéro d’écart qualitatif.

Le Penfolds Grange 2015 a un nez beaucoup plus discret. Il n’a pas la douceur et le velours. Mais le nez a la même noblesse. L’attaque est fraîche et timide, le milieu de bouche est très équilibré. Le finale est très frais. Je suis étonné de l’écart qualitatif entre le 2005 et le 2015, le plus ancien étant nettement plus brillant. A l’aération le Saint Henri 2005 devient meilleur.

En quittant la Master Class je me dis que le Penfolds Grange 2005 à lui tout seul illumine ma journée. Il va y avoir d’autres belles lueurs.

Dîner de l’académie du vin de France au restaurant Laurent samedi, 23 novembre 2019

L’académie du vin de France tient son assemblée générale annuelle dans un des salons du restaurant Laurent. Cette réunion est suivie d’une présentation des derniers vins mis en bouteilles par les membres de l’académie, au premier étage du restaurant Laurent. C’est l’occasion de goûter mais aussi de bavarder avec les vignerons présents et leurs invités.

Les blancs sont de très grande qualité même s’ils sont jeunes. N’ayant pas noté leurs millésimes qui sont soit 2016, soit 2017 et parfois à peine plus jeune, je n’indique pas d’année quand je ne connais pas le millésime.  Le Clos Sainte-Hune Trimbach 2014 est cristallin, le Château Simone blanc est d’une belle puissance, qui cohabite très bien avec un Hermitage blanc Chave, et un rafraîchissant Riesling Egon Müller 2017.

Parmi les rouges, un très beau Beaucastel est associé à un Hermitage rouge Chave très riche. Deux vins de Dujac sont très élégants et mon chouchou, une Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2016 parle à mon cœur tant il est subtil.

Le vin rouge d’Arbois du Château d’Arlay m’a très impressionné par sa puissance et son équilibre.

Les bordeaux rouges sont très peu représentés, avec un riche Ducru-Beaucaillou et un élégant Corbin-Michotte. Les vins de Tempier, le Château Simone et le Mas Jullien sont chantants et riches.

L’exploration termine par un Jurançon Cauhapé agréable, un Egon Müller subtilement doux et un magnifique Fargues 2015 qui se boit avec gourmandise. Il y avait encore bien d’autres vins que je n’ai pas goûtés.

L’apéritif se prend dans le hall du rez-de-chaussée et je bois un Champagne version Originale Jacques Selosse d’une pureté et d’un équilibre convaincants.

Le président de l’académie, Alain Graillot remet le prix Alain Senderens qui couronne un restaurant qui doit non seulement avoir une belle cuisine et une carte des vins riche mais aussi promouvoir les accords mets et vins. Le prix couronne Jacky et Fabrice Dallais de la Maison Dallais à Le Petit-Pressigny, un restaurant près de Loches.

Le menu mis au point par des membres de la direction de l’académie du vin de France et réalisé par le chef Justin Schmitt est : pâté en croûte / quenelles de brochet sauce Nantua / mignon de veau en croûte de sel / saint-nectaire fermier / Mangue rôtie et coing poché, douceur vanille.

Quatre nouveaux membres ont été admis lors de l’assemblée générale, dont Anselme Selosse, Patrick Baudoin, Bruno Borie du château Ducru-Beaucaillou et un autre que je n’ai pas noté. Les vins du repas seront généralement, selon la tradition, ceux des nouveaux venus.

L’Anjou blanc « Le Cornillard » domaine Patrick Baudoin 2017 est un vin agréable et bien rond, facile à comprendre et bon compagnon d’un pâté en croûte servi un peu trop froid, ce qui a durci la pâte et le foie gras. Le vin se boit bien, généreux malgré sa jeunesse, et très frais.

Le Condrieu « Les Terrasses de l’Empire » domaine Christine Verney 2018 est franchement trop jeune. Il est presque perlant tant il est vert. Il a bien sûr des qualités et s’exprime sur la délicieuse sauce Nantua, mais pour le dîner de l’Académie, nous sommes plusieurs à ma table à avoir pensé qu’un vin moins vert aurait eu sa place.

Le Château Ducru-Beaucaillou Saint-Julien de Bruno Borie 2005 montre une grande puissance qui n’est pas accompagnée par une très grande émotion. On est encore dans la phase parkérienne du bordelais. Le mignon de veau est assez ferme.

Le Château Ducru-Beaucaillou Saint-Julien de Bruno Borie 2003 en revanche est beaucoup plus subtil que le 2005, beaucoup moins riche mais porteur de belles vibrations, aidé par un saint-nectaire à l’affinage parfait.

Le Quarts de Chaume « Les Zersilles » grand cru domaine Patrick Baudoin 2013 est absolument délicieux. Il est d’une grande fraîcheur et sa douceur légère combinée à une acidité bien contrôlée en font un vin doux de grand plaisir, qui se marie bien à l’excellent dessert.

Globalement il y a eu à mon goût plusieurs vins assez loin de leur période d’excellence, et la mâche de certains plats mériterait d’être retravaillée. Le chef Justin Schmitt a le talent qu’il faut pour corriger ces petits détails qui font la différence.

Les palmiers du Laurent sont les meilleurs du monde. Ghislain Mahieu, le chef sommelier a réglé le service des vins à la perfection. Nous avons regretté l’absence de Jacques Puisais qui fait toujours des commentaires sur les vins qui sont des œuvres d’art. Les discussions à ma table ont été chaudement amicales. Le dîner de l’académie des vins de France est un événement à ne pas manquer.

Dîner au restaurant Le Millénaire avec les champagnes Legras & Haas mercredi, 20 novembre 2019

Le soir même, Jérôme Legras retient à dîner plusieurs des participants de la dégustation de ce matin des champagnes Legras & Haas. Ce sera au restaurant Le Millénaire. Le menu qui nous est donné ne comporte pas de vins, nous en aurons donc la surprise : ballotine de foie gras de canard aux pommes et aux coings, bouquet de salade à l’huile de noix / riz Vénéré Nero comme un risotto lié au parmesans, croustillant de langoustines au basilic / poêlée de champignons des bois et coquilles Saint-Jacques rôties, crème de cèpes / granité / noisette de chevreuil sauce poivrade, mousseline de céleri aux pommes granny / sélection de fromages affinés / comme une crème brûlée Baileys, croustillant chocolat, glace aux noix de pécan.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2008 proposé pour l’apéritif en attendant quelques convives est servi un peu chaud. Il a beaucoup moins d’énergie que celui servi ce matin à la température idéale. Les verres du restaurant sont de beaux verres Lehmann mais ne sont pas en cristal comme ceux de la maison Legras & Haas, et l’on sent la différence de finesse entre les deux sensations. Quand le 2008 est confronté aux tuiles au parmesan, il reprend de la force et montre que cette année est prometteuse et doit encore attendre quelque temps avant de livrer ses richesses.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2002 au contraire est pleinement épanoui. Il est généreux et s’accommode bien aux amuse-bouches dont une bouchée au hareng qui l’excite aimablement. Il est vif et noble.

Le Morey Saint Denis Clos des Monts Luisants blanc Vieilles Vignes Domaine Ponsot magnum 2003 est servi sur le foie gras. Jérôme nous dit qu’il n’aime pas tellement mettre ensemble foie gras et champagne alors que j’en suis un chaud partisan. Et ce vin au nez éblouissant de largeur semble lui donner raison car il est riche, large et ensoleillé. Le sommelier hollandais présent à notre table précise que le cépage est l’aligoté. J’adore ce vin direct. Le foie bien gras et onctueux lui convient.

Le Condrieu La Petite Côte Yves Cuilleron magnum 2016 est associé au risotto. Est-ce du fait de sa jeunesse, je ne sais, mais le vin semble coincé, fermé, comme s’il avait mis un frein à l’expression de ses beaux arômes.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1997 a conservé le charme qui nous avant tant plu à la dégustation de ce matin. C’est un champagne qui est dans un état de grâce et confirme son aptitude gastronomique. Il est vif et c’est la sauce de la poêlée de champignons qui crée l’accord et le lien entre terre et mer, cèpes et coquille. Voilà une année qui n’avait pas attiré l’attention sur elle à sa mise sur le marché et qui mérite le plus haut intérêt aujourd’hui.

Le granité est toujours une énigme pour moi. Faut-il en inclure ou non dans un repas ? Car c’est une rupture gustative forte même lorsqu’il est très bon comme celui-ci. Il faut ensuite recalibrer son palais. Je n’en prévois jamais dans mes dîners, préférant la continuité du voyage gustatif.

Jérôme est un grand fan du Château Calon-Ségur Saint-Estèphe 2002. Il a effectivement une bonne mâche épaisse et intense, mais je trouve que le vin ne va pas beaucoup plus loin et l’émotion n’est pas vraiment sensible malgré la belle excitation que lui donne la noisette de chevreuil.

Le Château Sigalas Rabaud sauternes 1995 apparaît sur un dessert au chocolat qui n’est pas l’ami naturel des sauternes. Mais ce vin a tellement d’énergie et de bonheur de vivre que l’on est conquis par son aptitude à séduire et par sa conviction. Pour un encore jeune sauternes il a tout d’un grand, ensoleillé et joyeux.

Le classement des vins de ce repas, pour mon goût, serait : 1 – Morey Saint-Denis, 2 – Sigalas Rabaud, 3 – Legras et Haas 1997, 4 – Legras et Haas 2002. Dans ce classement, les deux premiers pourraient être ex-aequo et les troisièmes et quatrièmes pourraient l’être aussi.

Le cadre du restaurant Le Millénaire est original et plaisant, le service est attentif. La cuisine est solide et de bonne qualité. Le sommelier est compétent et sympathique.

J’apprécie énormément que Jérôme ait composé un repas où son champagne n’est pas dominant, ce qui rend sa présence encore plus agréable dans un repas gastronomique. Il y avait autour de la table deux hollandais, un italien, deux russes, une lituanienne vivant en Californie, le maître de chais, Jérôme et moi. Cette atmosphère cosmopolite a donné lieu à des échanges particulièrement intéressants. Le champagne Legras & Haas est digne du plus grand intérêt. Et vive la Champagne !

couleur du Morey Saint Denis

Magnifique verticale du champagne Legras & Haas mardi, 19 novembre 2019

La maison de champagne Legras & Haas reçoit quelques-uns de ses importateurs et quelques amis en son siège à Chouilly pour une dégustation verticale de ses vins millésimés. Nous sommes une petite quinzaine réunis dans la salle de dégustation. Les vins les plus jeunes seront servis en magnums et dans des verres Zalto alors que les plus anciens servis en bouteilles seront versés dans des verres Lehmann conçus par Philippe Jamesse, l’emblématique sommelier de l’hôtel les Crayères.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2012 a un nez très pur, et une belle attaque au goût de caramel et de miel. Cela tient à un dosage supérieur à la normale, car pour constituer une Œnothèque, on a donné au champagne un dosage de 10 à 11 grammes, alors que le champagne mis sur le marché est dosé à 7 à 9 grammes. De ce fait celui que nous buvons est plus doux. J’aime beaucoup l’acidité de ce champagne qui a du caractère. Il est charmant.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2011 a un nez plus strict. L’attaque est très agréable. Il n’a pas une grande expansion en bouche. Il évoque le pain grillé et l’amande grillée. Avec l’aération il devient plus large et intéressant.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2008 a une couleur où l’on voit poindre un peu d’or. La bulle est très fine. Le nez est noble et fin. La bulle est forte en bouche. Il jouit d’une belle matière et d’une belle minéralité. Il est tranchant et opulent et évoque aussi bien la pâtisserie que le salin. Il est vif, offrant plaisir et aptitude gastronomique. C’est un grand champagne qu’il faudra attendre avant d’en goûter les richesses.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2007 a un nez un peu imprécis. La bouche est fraîche, joyeuse mais pas complétement précise. Il fait beaucoup plus évolué que le 2008.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2006 a un nez discret mais agréable. Il a une belle attaque et une bouche saline. Il est agréable et facile à lire. Il est confortable avec de la puissance et du poids. Il est gourmand et c’est un champagne qui peut déjà briller à table.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2004 a un parfum salin évoquant une huître. La bouche est en fort contraste car elle est fluide et douce. Le vin est charmeur, fluide, d’une belle persistance aromatique. Il est gourmand et très intéressant, car il sait garder ses énigmes. Il a de beaux amers qui le rendent très complexe.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2002 a un nez raffiné avec un peu de salin. Il a une très belle attaque. Il est équilibré. C’est un très grand champagne très agréable.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1997 a un superbe nez, fou comme un coup de vent. Il est superbe et vif. Il a une énergie énorme. Il est très beau et surtout par sa vivacité. Il est plus cinglant que le 2002, avec une belle minéralité. Il est gourmand et sa persistance aromatique est extrême.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1996 a un nez précis, frais, un velours tout en douceur. Mais derrière, on sent qu’il a une trame forte. C’est la fin de bouche qui est extraordinaire. Il a des fleurs et des fruits roses, c’est la plus forte personnalité et la plus belle longueur de ce que nous venons de boire. Il est atypique par rapport aux autres. Il est frais et c’est le plus floral. Je le trouve magique.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1995 est très différent car il est plus caramel, amandes et toasts. Le nez est un peu brulé. Il est moins vif que le 1996 et un peu lacté.

A ce stade, j’ai tendance à classer : 1996 – 1997 – 2002 – 2004.

Les suivants sont servis en bouteilles. Le Champagne Legras & Haas 1990 a un nez raffiné. Sa bouche a un fruit rose sublime. Il est raffiné, vif et cinglant. Il est très beau, floral et magique. On trouve ensuite un peu de caramel au beurre salé qui est un peu déroutant mais globalement j’adore ce champagne.

Le Champagne Legras & Haas 1989 a un nez un peu évolué et dévié mais le message est intéressant. On voit apparaître du lacté et du pain grillé. J’ai moins d’émotion alors qu’à ma table certains le préfèrent au 1990. Question de goût.

Le Champagne Legras & Haas 1988 a un nez d’une jeunesse extrême. La bouche est superbe et équilibrée. Il est doux et agréable, de couleur claire. Il est si jeune que tout le monde en est surpris.

Pour cette trilogie, je suis embarrassé pour mettre en premier le 1988 ou le 1990. Ce sera peut-être 1990 – 1988 – 1989 mais je pourrais échanger les deux premiers.

Le Champagne Legras & Lepage 1959 est d’une couleur très pure. Le nez est de mandarine. Sa bouche est d’agrumes et d’alcool et ce que l’on remarque c’est qu’il n’a plus de bulles mais aussi plus de pétillant. Il est devenu sauternes voire ratafia. Il évoque des fruits secs, des abricots séchés. Il est agréable mais ce n’est plus un champagne, du moins pour cette bouteille.

Que dire de cette dégustation ? Tout d’abord les champagnes sont de très haut niveau. Mais ensuite ce qui frappe, c’est l’extrême diversité des personnalités. D’un millésime à l’autre, les goûts sont différents. Et rien n’est à écarter car chaque champagne a son intérêt. On constate aussi l’effet bénéfique de l’âge car plus on avançait dans la dégustation plus les millésimes exprimaient des fortes personnalités.

Voilà une maison de champagne dont il faut suivre l’évolution, et faire vieillir les millésimes qui ont les plus belles personnalités. Les 2008, 2004, 2002 doivent dormir encore un peu pour devenir les vedettes de futurs repas. Merci François, Rémi et Jérôme Legras pour votre extrême générosité.


quelques bouteilles dans les vitrines de la salle de dégustation, dont des bouteilles très anciennes du 18ème siècle

la couleur d’un des champagnes, peut-être le 1959

vues de la terrasse de ma chambre à l’hôtel Les Crayères

Dîner au château de Beaune de la maison Bouchard P&F dimanche, 17 novembre 2019

Après la dégustation des vins de 2018, nous traversons la rue du château pour entrer dans le magnifique jardin du château et rejoindre le château de Beaune. D’habitude, l’apéritif se prend dans le beau salon et le dîner dans l’orangerie. Cette année ce sera l’inverse.

Le Champagne Henriot Blanc de Blancs Brut sans année est extrêmement plaisant, frais et de belle vivacité. Les gougères l’accompagnent avec bonheur. Les tables installées dans le salon ont des noms. Ma table s’appelle « La Cabotte », d’un vin que j’aime particulièrement.

Gilles de Larouzière, président du groupe qui compte notamment Bouchard, Henriot, William Fèvre et le château de Poncié fait un discours de bienvenue dans lequel il expose les grands axes des recherches d’amélioration de la façon de faire le vin en tenant compte de la défense de la nature et de l’adaptation nécessaire au changement climatique. On sent une volonté d’excellence qui concerne toutes les fonctions du groupe.

Le menu qui sera servi est : tortellini dans leur bouillon de volaille / foie gras poêlé aux girolles et noisettes du Piémont / suprême de pintade fermière de Bourgogne farci aux truffes et légumes de saison / assiette de fromages de notre région / forêt noire.

On nous sert le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1990. En sentant mon verre, j’ai envie de crier « mon Dieu ! » car si les 2018 étaient intéressants, on change de planète avec ce parfum infiniment riche et complexe. Il y a dans ce vin un équilibre et un épanouissement réjouissants et la palette aromatique est d’une richesse rare. C’est un bonheur de boire un vin aussi complet et abouti.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2003 est une très belle surprise car je ne m’attendais pas à ce que ce vin ait une telle maturité. Il est riche, profond et intense. Il est gourmand sur la pintade.

Le grand moment arrive, quand on nous verse le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1947. C’est un vin que j’ai déjà bu trois fois, dont une fois en ce lieu et deux fois de ma cave. Le parfum est porteur d’une émotion extrême. Je ressens immédiatement que je suis en face d’un vin immense qui tutoie la perfection et l’éternité. En bouche il se confirme que ce vin est d’une noblesse extrême et d’un équilibre parfait. Le goût est d’une intensité rare. Je me souviens qu’une fois en ce lieu j’ai pu boire ensemble ce 1947 et le même vin de 1865. La similitude était confondante et il y avait dans le 1865 un léger supplément d’âme, les deux vins étant parfaits.

Ce soir, ce 1947 est dans un état de grâce absolu. Et on sent que l’on est en présence d’un vin d’une hauteur unique. C’est assez fascinant de penser que dans peut-être cent ans, il sera le même que ce qu’il est aujourd’hui.

Le Porto du 19ème siècle de la cave de Bouchard a un goût très doux, soyeux presque, et s’il est charmeur, il manque un peu d’énergie. Il est un bon compagnon de la forêt noire, agréable dessert.

Ce dîner montre à quel point les vins ont besoin d’avoir de l’âge pour exprimer leurs grandes qualités. Le Corton Charlemagne 1990 et le Beaune Grèves 1947 sont des vins exceptionnels. Ce dîner est un grand moment d’immersion dans la magie des vins anciens.

ma table