Archives de catégorie : vins et vignerons

Célébration de la passation de pouvoir à Dom Pérignon à Hautvillers et au Plaza jeudi, 14 juin 2018

Richard Geoffroy le maître de cave de Dom Pérignon m’avait appelé pour m’annoncer son prochain départ de son poste, pour aller explorer des voies nouvelles dans le monde des boissons. Il m’annonça une journée à Hautvillers puis à Paris pour célébrer la transmission de fonction avec Vincent Chaperon que je connais depuis des années car il a accompagné longtemps la démarche de Richard.

Le jour venu, Richard Geoffroy accueille un groupe d’une centaine de personnes à la cave Thomas, située en léger contrebas de l’abbaye d’Hautvillers et offrant une vue infinie sur les vignes de champagne. En ce milieu du mois de juin après des pluies diluviennes à répétition, des armées de vignerons s’affairent dans les vignes. En descendant vers la cave Thomas, le lieu où toute l’histoire de la Champagne a commencé, superbe crayère qu’a utilisée Pierre Pérignon pour créer le champagne, on nous donne à picorer des morceaux d’un pain de campagne convivial dont on trempe la mie dans de l’huile d’olive. Avant de partager le vin, on partage le pain.

Richard fait un discours de bienvenue joyeux devant la cave Thomas, présente son successeur mais aussi son prédécesseur Dominique Foulon, pour marquer la continuité de l’histoire et nous nous répartissons tous dans les rangées de vignes où ont été disposés de petits chevalets tous les deux ou trois mètres sur lesquels reposent des verres. C’est dans le vignoble autour de l’Abbaye que se fait la dégustation du nouveau millésime présenté pour la première fois ce jour, le Champagne Dom Pérignon 2008.

Un air frais délicat lèche les feuilles de vignes aussi goûter ce champagne dans ces conditions nous pousse à l’aimer. Pour beaucoup, le 2008 se signale par son énergie. Pour moi, dans ce cadre bucolique et romantique, ce sont les fruits blancs et les fleurs blanches qui m’émeuvent. A cet instant de sa vie ce champagne se présente comme un très grand Dom Pérignon, dans la ligne historique des grands Dom Pérignon. Il est promis à un bel avenir. Il est frais, énergique tout en étant romantique, vineux et vif mais aussi charmeur. Il a toutes les qualités.

Nous remontons les pentes harmonieuses des chemins des vignes pour suivre un parcours gastronomique en trois étapes différentes, afin de vérifier les qualités gastronomiques du 2008. L’imagination du chef du lieu est infinie et les saveurs complexes sont excellentes. Jambons, foies gras, champignons, poissons, légumes, toutes saveurs travaillées de mille façons nous sont proposées et le 2008 est agréable à boire sur ces délices, mais le temps est aussi aux discussions car le monde des amis de Richard est un petit groupe de gens qui comptent dans le monde du vin dont on connaît forcément certains que l’on est heureux de retrouver ici et d’autres que l’on découvre.

A 13h00 les choses sérieuses commencent car nous allons déguster sous le cloître en plein air trois champagnes qui correspondent à des dates significatives : 1990 est l’année de l’arrivée de Richard aux côtés de Dominique Foulon, 1996 est le premier millésime fait par Richard seul et 2005 est l’année ou Vincent Chaperon est arrivé aux côtés de Richard. Pendant la dégustation les trois chefs de cave vont faire des commentaires ou citer des anecdotes.

Le Champagne Dom Pérignon P3 1990 a un nez extrêmement puissant. Il est salin et présente de beaux fruits et des noisettes. Le finale a une belle fraîcheur. Dominique évoque des fruits mûrs et des fleurs fanées tout en précisant que ce n’est pas péjoratif.

Il se trouve que pour mon palais, les champagnes qui ont été dégorgés à l’origine pour leur mise sur le marché ont plus d’émotion que les vins dégorgés au moment où ils atteignent leur deuxième plénitude (P2) ou leur troisième plénitude (P3). Je n’aime pas trop les champagnes trop rajeunis mais j’adore parfois des champagnes délicatement réveillés comme les Œnothèques 1966 ou 1962.

Ce 1990 a de beaux éléments de puissance mais qui ne sont pas suffisamment intégrés. Le manque de cohérence me gêne un peu, alors qu’autour de moi on se régale. Mon goût est sans doute très personnel. Je sens un final un peu torréfié et un dosage peut-être un peu appuyé.

Le Champagne Dom Pérignon P2 1996 a un premier nez absolument superbe. Le goût est lui aussi superbe. Ce champagne est plus franc, plus frais, nature, simple et lisible. Il est direct et je l’aimerais très vraisemblablement autant que dans sa version originelle.

Vincent avait fait un beau discours pour annoncer que ce serait le rosé de 2005 que nous boirions mais ce qui est servi, c’est le blanc Champagne Dom Pérignon 2005. Son premier nez est lacté. Ce qui me frappe dans ce champagne c’est sa pureté. Il a une belle minéralité, il manque peut-être un peu de largeur, mais il a un tel charme que je suis conquis car c’est le charme de Dom Pérignon.

Il est prévu au programme à l’intérieur de l’église la cérémonie de passation de pouvoir entre Richard Geoffroy et Vincent Chaperon. Etant venu en voiture et devant repartir par le même moyen, je fais l’impasse sur cette cérémonie pour aller me reposer avant de me rendre au Plaza Athénée où se tiendra le dîner de gala de la transmission de fonction.

Partager le pain, découvrir un nouveau millésime en le goûtant dans les vignes, grignoter des saveurs infinies avec un grand champagne et boire trois millésimes qui montrent la continuité de l’action humaine des chefs de cave, il y a dans tout cela quelque chose de profondément humain et amical. C’est tout Richard Geoffroy.

-v-v-v-v-

De retour à Paris, m’étant perdu dans les vignes en suivant les indications d’un GPS qui avait des envies d’évasions champêtres, j’ai à peine le temps de me reposer et de me préparer pour me rendre au dîner de célébration de la transmission du savoir-faire de Richard Geoffroy vers son successeur Vincent Chaperon.

L’accueil est au bar de l’hôtel Plaza Athénée qui a été décoré pour que Dom Pérignon 2008 soit la star du lieu. Nous bavardons entre amis de Richard Geoffroy de toutes nationalités. Japon, Corée, Singapour, Hong-Kong, Etats-Unis des côtes ouest et est, Allemagne, Belgique, Australie et j’en oublie sans doute. L’apéritif se fait au Champagne Dom Pérignon 2008 avec des petits amuse-bouches variés aux saveurs extrêmement subtiles comme des carottes et des copeaux de fenouil trempés dans des élixirs magiques.

Dom Pérignon a réservé tout le restaurant gastronomique Alain Ducasse plus la célèbre terrasse intérieure pour un dîner de 140 personnes. Le dîner est placé et je me trouve éloigné des collectionneurs mes frères. Je suis à la table des journalistes avec qui j’ai partagé des souvenirs et passé une excellente soirée.

L’énoncé du menu préparé par les équipes d’Alain Ducasse est un roman fleuve : lentilles vertes du Puy et caviar, délicate gelée d’anguille / ceviche de palourdes et maigre, leche de tigre coriande-aji charapita (Gaston Acurio) / pain aux céréales toasté, légumes du château de Versailles, condiment épicé / homard du Cotentin, melon vert, fleurs et baies de sureau / bar de l’Atlantique mariné, feuilles de bétel, caviar doré (David Thomson) / asperges blanches d’Anjou, anémone de mer, corète potagère / turbot du Golfe de Gascogne, radis et coquelicots au Champagne / chanvre de Bretagne, sardine fumée, jeunes poireaux, olives te fruits noirs / langoustines rôties, algues rouges et vertes, vanille (Tetsuya Wahuda) / cerises de Céret au naturel, glace au laurier / Miss Gla’Gla sorbet Ispahan (Pierre Hermé) / neige de Château d’Yquem 2015 / chocolats et fraises de Jouy-le-Châtel.

Les noms entre parenthèse doivent être ceux des créateurs des plats. Il y a dans ce menu une envie manifeste de faire grand. Richard a voulu nous gâter. Mais l’accumulation des saveurs multiples va parfois à l’encontre de l’effet désiré. Ainsi, le plat de palourdes anormalement épicé brule la bouche au-delà du plat suivant. Autre exemple, l’idée de mettre de la vanille avec les langoustines délicieusement cuites c’est-à-dire presque crues, est bonne. Mais l’excès de vanille tue la langoustine alors que la vanille crée un superbe pont avec le Dom Pérignon P3 1990. Une autre idée curieuse est de présenter le Miss Gla’Gla dans une boîte en carton sans qu’elle soit sur une assiette. On enlève le sorbet de la boîte et lorsqu’il se réchauffe la pâtisserie s’effiloche et saute des doigts. Il m’a fallu la faire tomber dans la coupelle prévue pour les cerises. A ces détails près la cuisine est inventive, les plats sont bons et ce dîner prévu pour tant de personnes est impressionnant par sa qualité.

Le Champagne Dom Pérignon 2008 accompagne les entrées, le homard et le bar. La délicate gelée d’anguille trouve en lui une résonnance remarquable. La recette du homard colle vraiment au champagne qui a une assurance et une élégance de crooner. C’est très réussi. Ce champagne va conquérir tous les amoureux et fidèles de Dom Pérignon.

Le Château Cheval Blanc 2008 choisi pour être de la même année que le nouveau champagne est d’une qualité extrême. Son attaque est franche, son grain est lourd et noble. Il est plein en bouche comme s’il avait plus de vingt ans. Il est à dix ans dans un état de grâce et de grand raffinement. Je l’adore et l’accord avec le bar est parfait. Sa typicité de saint-émilion va s’affirmer avec le temps. Il sera très grand.

Le Champagne Dom Pérignon P3 1990 se montre beaucoup plus plaisant que ce matin car il est associé à des plats. Je trouve encore qu’il y a un léger manque de cohérence et d’équilibre dans ce vin, mais il est très agréable sur les plats pourtant moins amènes, le plat de chanvre étant peu gourmand et brouillon et la vanille prenant trop le pas sur les langoustines si belles.

Le goût de l’Ispahan est magique, reconnaissable immédiatement tant Pierre Hermé l’a réussi et s’accorde bien avec le Château d’Yquem 2015 qui est clair comme un bambin. La neige d’Yquem est peu entraînante car on a l’impression de sucer un glaçon, mais ça n’empêche pas l’Yquem de briller. Il démarre en bouche timide, jeune puceau et c’est dans le finale qu’il expose des complexités diaboliquement belles. Il est trop jeune, on le sait, mais le festival des saveurs exotiques qu’il est capable d’offrir dans le finale me ravit.

J’ai un tel penchant pour les goûts purs que l’association des fraises nature avec le Champagne 2008 me ravit au plus haut point, tant le champagne devient souriant.

Si ici ou là je critique des détails, je suis totalement ravi de ce grand repas impressionnant. On a manifestement cherché à susciter des accords originaux et à nous honorer par un menu de très haut niveau. Le service très nombreux a fait un beau travail. A la fin du repas personne ne voulait quitter ses amis ou nouveaux amis. On s’est embrassé les uns et les autres, tant l’amitié transpirait de toutes parts.

Il était prévu un « after-dinner » au Bar du Plaza mais j’ai préféré rentrer chez moi, le cœur heureux d’avoir partagé cette journée avec Richard Geoffroy, devenu au fil des années un ami, qui a fait, une fois de plus, preuve de sa générosité. Des rencontres intéressantes et prometteuses ont enrichi cette journée. Longue vie et plein succès à Richard et bienvenue à Vincent pour qu’il nous concocte des Dom Pérignon d’anthologie.

L’abbaye d’Hautvillers et, sans doute, Dom Pérignon

le partage du pain sur le chemin des vignes

la cave Thomas

Richard Geoffroy nous accueille devant la cave Thomas avec de larges sourires

On boit le 2008 dans les vignes. A noter que les noms du chef de cave partant et du nouveau sont sur les étiquettes, ce qui est un fait rare

dégustation de 1990 P3, 1996 P2 et 2005 devant les trois maîtres de chais

la foule devant les bâtiments de l’abbaye

le soir au bar de l’hôtel Plaza; le Dom Pérignon 2008 est à l’honneur

les vins du dîner

quelques uns des plats dont le sorbet Ispahan Miss Gla’Gla dans sa boîte argentée

Champagne Mumm Cordon Rosé lundi, 28 mai 2018

J’ai une certaine fascination pour le Mumm Cordon Rosé car sa bouteille est délicieusement kitsch.

Déjà, jamais je n’aurais appelé le champagne « Cordon Rosé ». J’aurais dit « Cordon Rose », car il y a dans la gamme Mumm le Cordon Rouge et le Cordon Vert et on ne dit pas Cordon Rougi ou Cordon Verdi.

Ensuite, le choix des couleurs et assez psychédélique. Pourquoi ce brun et pourquoi le bandeau rouge pour un rosé.

Sur la photo, il y a trois millésimes : 1966, 1975, 1982. J’ai adoré ce vin.

On voit bien que pour le 1982 on a corrigé les codes de couleur, mais on a transformé la rose de Foujita.

La rose est aussi pour moi un sujet de fascination. Ce kitsch assumé me plait beaucoup.

le 1975

la rose Foujita

Communiqué des vignerons de Bandol mercredi, 18 avril 2018

Comme j’adore les Bandol, je retransmets avec joie l’annonce que l’on m’a envoyée :

Les vignerons de Bandol ont la joie de vous inviter à venir partager un apéritif pour la présentation de l’Escale des Vignerons le mercredi 2 mai à partir de 17h30 à l’Œnothèque de Bandol.

Rendez-vous ensuite sur le port de Bandol les 19 & 20 mai ! Cliquez sur ce lien :

COMMUNIQUÉ DE PRESSE ESCALE VIGNERONS

Contact : Charlotte BORIE

LES VINS DE BANDOL

238, chemin de la Ferrage

83330 Le Castellet

tél 04 94 90 29 59 – fax 04 94 98 50 24

secretariat@vinsdebandol.com

www.vinsdebandol.com

déjeuner au restaurant Taillevent mardi, 10 avril 2018

Je vais déjeuner au restaurant Taillevent avec Gilles de Larouzière le président du groupe qui comprend entre autres les maisons Henriot et Bouchard Père & Fils. Il a été convenu que nous apporterions chacun une bouteille. Gilles m’a envoyé une photo où l’on reconnaît le champagne mais pas l’année. Je n’ai rien annoncé. A mon arrivée, on me verse un verre du champagne sans me montrer la bouteille. Il ne me faut pas longtemps pour trouver – car la psychologie joue au moins autant que les capacités gustatives – qu’il s’agit d’un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1964. La robe est ambrée mais très peu, la bulle est vive ce qui correspond à un dégorgement récent et les deux mots qui conviennent à ce champagne sont : sérénité et plénitude. Nous sommes face à un champagne parfait, magnifié par une année qui est une des plus belles du siècle pour les champagnes. Je rêve un peu en disant à Gilles qu’il faudrait que les maisons de champagne attendent 54 ans avant de mettre leur production sur le marché. Rêve, évidemment. Mais la perfection de ce champagne long en bouche et d’une belle complexité est une forte motivation pour ceux qui ont des caves à faire vieillir les champagnes. Nous comparons nos souvenirs de ce 1964 avec le 1959. Le plus vieux des deux est plus vif, plus cinglant mais n’a pas cette belle sérénité.

J’ouvre mon vin qui est Vega Sicilia Unico 1972. Le bouchon se brise en trois morceaux. Le nez est irréellement séducteur évoquant à la fois de jolis fruits noirs mais aussi du café et de belles épices.

Le menu que nous prenons est : œufs de poule brouillés au homard et herbes potagères / canard de Challans rôti aux nèfles / fromages / vacherin aux framboises et vanille bourbon.

Le champagne est très adapté à une mise en bouche à base de poulpe et d’un jus aérien qui lui convient. Il réagit bien aux œufs brouillés. Le Vega Sicilia Unico 1972 a une bouche puissante mais aussi de grande séduction. Sa longueur est immense et ses complexités sont extrêmes, tout étant suggéré malgré la force de ce vin. Je ne retrouve pas la fraîcheur mentholée mais la fraîcheur des fruits noirs de ce vin est superbe.

Le service du Taillevent est toujours aussi parfait et souriant. La cuisine est solide et goûteuse. Avec Gilles, nous avons envisagé quelques projets que nous pourrions mettre en oeuvre en commun. Ce fut un très agréable déjeuner illuminé par la beauté du 1964 enchanteur autant qu’il est enchanteleur.

Les Domaines Familiaux de Bourgogne mercredi, 28 mars 2018

Les Domaines Familiaux de Bourgogne est une association de vignerons qui font ensemble la présentation de leurs vins. La réunion a lieu au rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen et ce sont les 2015 qui sont présentés. Je commence par faire un tour des tables pour dire bonjour aux vignerons que je connais et je commence à goûter les vins rouges, puis les blancs. Ce qui est impressionnant, c’est que tous les vins sont réussis et correspondent aux profils des vignobles et des domaines qui les ont faits. Il est loin le temps où certains vins pouvaient être approximatifs. Ils sont tous bien faits, car aux tables il y a la crème de la crème du vin de Bourgogne. Il y a des vins qui sont plus ou moins ouverts, mais globalement, on va les aimer selon la hiérarchie habituelle de ses préférences.

Les rouges sont épanouis, joyeux, et promettent des vins grandioses. J’ai particulièrement apprécié le Chambertin Trapet P&F 2015, le Musigny Joseph Drouhin 2015, le Clos Vougeot Château de la Tour Vieilles Vignes 2015, le Bonne-Mares G. Roumier 2015, le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 2015, le Nuits Saint-Georges Clos de la Maréchale Jacques Frédéric Mugnier 2015, le Corton Bressandes Tollot-Beaut 2015, le Clos de Vougeot Méo-Camuzet 2015 et j’en oublie bien sûr. On voit en lisant cette liste que ce sont les plus grands bourgognes qui sont présentés. L’année 2015 donnera de très grands vins. Ils se goûtent bien maintenant et la date est bien choisie. Mais ils se goûteront dix fois mieux dans une vingtaine d’années.

Les blancs sont plus difficiles à goûter car certains sont encore fermés. Ils sont quand même très prometteurs. Le Beaune Clos des Mouches Joseph Drouhin 2015 est puissant, le Puligny-Montrachet les Folatières Dujac 2015 est agréable à boire, le Puligny-Montrachet les Pucelles Domaine Leflaive 2015 est prometteur, le Corton-Charlemagne de Montille 2015 est noble, le Nuits Saint-Georges Clos de la Maréchale blanc Jacques Frédéric Mugnier 2015 est une première pour moi car je n’avais jamais bu le blanc et je l’apprécie, le Rully Agneux Eric de Suremain 2015 est beaucoup plus puissant que je n’imaginais, le Bourgogne Les Clous Aimé domaine de Villaine 2015 est très élégant et le Chablis Valmur domaine Raveneau 2015 est brillant.

En fait, lors de cette présentation, j’ai aimé ce que je m’attendais à aimer et les vins étaient au rendez-vous. On pouvait grignoter à un buffet fromager au premier étage. Selon la tradition les vignerons avaient apporté des bouteilles plus anciennes. Sur les conseils d’un ami j’ai goûté un Musigny Joseph Drouhin 2007 qui est une merveille et montre – s’il en était besoin – qu’on ne doit boire des vins que lorsqu’ils ont de l’âge. Un des intérêts de cette présentation de haut niveau, c’est que l’on rencontre des vignerons amis, des amateurs et des professionnels de la restauration. C’est un des plus beaux rendez-vous de la planète vin.

Discovery of Salon 2007 dimanche, 18 mars 2018

Didier Depond, president of the Champagnes Salon and Delamotte had suggested that we have lunch together. He is an extremely busy man so the date of the appointment has coughed three times. We meet at the restaurant Le Petit Sommelier which is known for its high quality wine list. What I did not notice until then was that the proximity of the Montparnasse train station means that many travelers come with their suitcases piling up in all the open spaces. My jacket given to the staff was distorted by this pyramid of suitcases.

When I arrive, I ask the table chosen by Mr. Depond and the pretty Manon, sommelière that I did not know, said to me: « I saw your brother last night ». I ask her: « Jean Audouze? » And she answers yes, astonished at this coincidence. This supposes that Didier Depond announced that I would be his guest and that she had the information. Being in advance I have time to reread the wine list and dream of a thousand good wines that deserve our interest.

Didier arrives, we kiss, and he asks Manon to serve the wines he has already provided. He serves the Champagne Salon 2007 which he tells me that I will be the first in the world to taste it. We know that the great seducers say to their conquests that this is the first time they fall in love, but why not believe what Didier told me. We choose our menus. For both of us there will be oysters, then the hearty platter of pork and other foie gras. My meat will be a leg of lamb with garlic.

We will compare the 2007 Salon Champagne in two different glasses. With one, the Champagne Salon is wide and friendly. With the other he is sharp and intense. Well, clever who would say which is better but we will continue the other champagnes with the glass that makes the 2007 sharp and intense.

The 2007 Salon’s nose is impressive, lively and salty. In the mouth we look at each other because this 2007 is the absolute definition of a big Salon. He has everything for him. Didier willingly compares to the 1997 he loves. I join him. It is not a champagne of affirmation, even if it imposes itself, but it has all the subtle grace of Salon. It’s a wonderful champagne. With oysters the association is a treat because it is the salt that brings them together. And the oysters are delicious.

On pork, on foie gras, the Salon is perfect but there are no surprises. With small sardines the agreement is major.

I am thrilled because this 2007 promises to be huge and its DNA is that of the most beautiful Salon.

On the meat Didier served Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2008. It is a beautiful champagne wide. We are not at the Salon level but we must not compare because this Delamotte has a very beautiful complexity. It is generous and easygoing.

Didier also serves the Champagne Delamotte Blanc de Blancs Collection 1999. This champagne was disgorged about 18 months ago. He is brilliant. It’s good champagne that we taste greedily because we know that we are facing a generous champagne and fine. At this point, the 1999 is much more interesting than the 2008, but the 2008 has a great future. There is in 1999 a certain race that makes it a very flexible champagne for gastronomy and very racy for drinking alone.

I brought in my musette the rest of Cyprus 1869 drunk until then with my son. It is the chocolate cake that will be the least problematic dessert for this wine. It is still amazing, with an amazing freshness and acidity and more velvety mid-palate notes. It did not vary by one gram. It must be said that in 149 years, it had time to assemble itself. I give a glass to Manon who is conquered and other friendly staff members a taste.

The food in the restaurant is simple but good because the products are good. The oysters in particular are superb. The atmosphere is that of a bistro but we can see that there are wine lovers who enjoy the excellent wine list. With Didier we found childhood memories that are common despite the fact that a generation separates us.

Didier was generous and managed to highlight the relevance of Delamotte champagnes. And he made me the gift of making me discover the Salon 2007 which will be in the history of Salon a great romantic and floral Salon, of crazy distinction. It is the soul of Salon that he delivered us in this extremely friendly meal.

(pictures are in the article in French, just below)

Découverte du champagne Salon 2007 deux mois avant sa commercialisation jeudi, 15 mars 2018

Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte m’avait proposé que nous déjeunions ensemble. C’est un homme extrêmement occupé aussi la date du rendez-vous a toussoté trois fois. Nous nous retrouvons au restaurant Le Petit Sommelier qui est connu pour sa carte des vins de grande qualité. Ce que je n’avais pas remarqué jusqu’alors, c’est que la proximité de la gare Montparnasse entraîne que de nombreux voyageurs viennent avec leurs valises qui s’amoncellent dans tous les espaces libres. Mon blouson s’est vu distordu par cette pyramide de valises.

Lorsque j’arrive, je demande la table retenue par M. Depond et la jolie Manon, sommelière que je ne connaissais pas, me dit : « j’ai vu votre frère hier soir ». Je lui demande : « Jean Audouze ? » et elle me répond oui, étonnée elle-même de cette coïncidence. Cela suppose que Didier Depond ait annoncé que je serais son invité et qu’elle en ait eu l’information. Etant en avance j’ai le temps de relire la carte des vins et d’imaginer mille pépites qui mériteraient notre intérêt.

Didier arrive, nous nous embrassons, et il demande qu’on nous serve les vins qu’il a déjà fait préparer. Il fait servir le Champagne Salon 2007 dont il me dit que je serai le premier au monde à le goûter. On sait que les grands séducteurs disent à leurs conquêtes que c’est la première fois qu’ils tombent amoureux, mais pourquoi ne pas croire ce que Didier me dit. Nous choisissons nos menus. Pour nous deux il y aura des huîtres, puis le copieux plateau de cochonnailles et autres foies gras. Ma viande sera un gigot d’agneau aillé.

Nous allons comparer le Champagne Salon 2007 dans deux verres différents. Avec l’un, le champagne Salon est large et convivial. Avec l’autre il est vif et tranchant. Bien malin qui dirait lequel est préférable mais nous continuerons les autres champagnes avec le verre qui rend le 2007 vif et tranchant.

Le nez du Salon 2007 est impressionnant, vif et salin. En bouche nous nous regardons Didier et moi car ce 2007 est la définition absolue d’un grand Salon. Il a tout pour lui. Didier le compare volontiers au 1997 qu’il adore. Je le rejoins. Ce n’est pas un champagne d’affirmation, même s’il en impose, mais c’est toute la grâce subtile de Salon. C’est un magnifique champagne. Avec les huîtres l’accord est un régal car c’est le sel qui les réunit. Et les huîtres sont délicieuses.

Sur les cochonnailles, sur le foie gras, le Salon est parfait mais il n’y a aucune surprise. Avec de petites sardines l’accord est majeur.

Je suis aux anges, car ce 2007 promet d’être immense et son ADN est celui des plus beaux Salon.

Sur la viande Didier fait servir le Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2008. C’est un superbe champagne bien large. On n’est pas au niveau du Salon mais il ne faut pas comparer car ce Delamotte a une très belle complexité. Il est généreux et facile à vivre.

Didier fait aussi servir le Champagne Delamotte Blanc de Blancs Collection 1999. Ce champagne a été dégorgé il y a environ 18 mois. Il est brillant. C’est du bon champagne que l’on goûte goulûment car on sait qu’on est en face d’un champagne généreux et fin. A ce stade, le 1999 est beaucoup plus intéressant que le 2008, mais le 2008 a un grand avenir. Il y a dans le 1999 une race certaine qui en fait un champagne très flexible pour les accords et très racé pour le boire seul.

J’ai apporté dans ma musette le reste du Chypre 1869 bu jusqu’alors avec mon fils. C’est le gâteau au chocolat qui sera le dessert le moins problématique pour ce vin. Il est toujours aussi étonnant, avec en attaque une fraîcheur et une acidité étonnantes et des notes plus veloutées en milieu de bouche. Il n’a pas varié d’un gramme. Il faut dire qu’en 149 ans, il a eu le temps de s’assembler. Je fais goûter à Manon qui est conquise ainsi qu’aux autres membres du personnel extrêmement sympathiques.

La cuisine du restaurant est simple mais bonne car les produits sont bons. Les huîtres en particulier sont superbes. L’ambiance est celle d’un bistrot mais on voit bien qu’il y a des amateurs de vins qui profitent de l’excellente carte des vins. Avec Didier nous nous sommes trouvé des souvenirs d’enfance qui sont communs malgré le fait qu’une génération nous sépare.

Didier a été généreux et a réussi à mettre en valeur la pertinence des champagnes Delamotte. Et il m’a fait le cadeau de me faire découvrir le Salon 2007 qui sera dans l’histoire de Salon un grand Salon romantique et floral, de distinction folle. C’est l’âme de Salon qu’il nous a délivrée en ce repas extrêmement amical.

la bouteille de Salon 2007 que Didier Depond m’a dédicacée

les photos prises par Didier pendant le repas

Présentation des vins récents du groupe Vega Sicilia mardi, 20 février 2018

Comme chaque année le maître de chais du groupe Vega Sicilia vient présenter les vins du millésime qui est mis sur le marché. Gonzalo Iturriaga parle un excellent français avec un accent espagnol prononcé. Nous sommes accueillis par l’importateur français des vins de ce groupe, la société Vins du Monde au siège de l’O.I.V. l’organisation internationale de la vigne et du vin. La salle est magnifique et l’assistance est composée de professionnels du vin, des sommeliers, restaurateurs et prescripteurs. Le service du vin pendant la dégustation sera fait par des élèves de l’école Cordon Bleu venant de tous pays, USA, Canada, Chine, etc. cornaqués par Franck Ramage le directeur de cette belle école.

Gonzalo présente le groupe repris en 1983 par la famille Alvarez qui a eu une politique dynamique d’investissements, à tel point que le volume des ventes a décuplé, représentant aujourd’hui 1,5 million de bouteilles.

Le vin blanc Oremus Mandolas Tempos Vega Sicilia 2016 est un furmint hongrois. La couleur est très claire, le nez est citronné, typiquement d’un vin très jeune, voire trop jeune. Le vin est servi très froid. Il a un joli fruit, assez sec. C’est un vin de fraîcheur. Du fait de sa jeunesse le vin est un peu simple, d’une grande pureté. Gonzalo est comme moi convaincu qu’il devrait être commercialisé avec deux ou trois ans de cave de plus.

Alion Tempos Vega Sicilia Ribeira del Duero 2013 a une belle robe foncée avec sur le cordon, la fine remontée dans le verre par capillarité, un rouge très expressif. Le nez est très précis, fin, tranchant. La bouche est fraîche, dotée d’une belle amertume. Le vin est très agréable, racé. Il ne fait pas du tout vin d’entrée de gamme. C’est une très belle surprise. Il est d’une année chaude, et se montre subtil, à la belle fraîcheur.

Le Pintia Toro Tempos Vega Sicilia 2013 a une couleur plus foncée. Le nez est plus lourd, plus épais mais quand même bien net. La bouche a une attaque suave. Il a du velours et c’est le finale qui est plus rêche. Autant Alion est immédiatement plaisant autant celui-ci doit gagner quelques années pour s’assembler un peu mieux. Ce vin frais est plus lourd, voire un peu pesant et un peu rude. Il ne s’est pas vraiment trouvé et on sent aux commentaires de Gonzalo qu’il n’en vante pas les mérites.

Le Valbuena Vega Sicilia Ribeira del Duero 2013 est assez foncé comme le Pintia. Le nez est nettement plus cohérent. Il a beaucoup de douceur et de personnalité. La bouche est élégante et harmonieuse. Je sens la fraîcheur mentholée que j’adore. Le vin est gourmand mais il est gracieux comme une ballerine. 2013 est une année classique pour ce vin dont Gonzalo est amoureux. C’est bien de le boire frais comme il est servi.

Le Vega Sicilia Unico Ribeira del Duero 2006 a une couleur plus claire que celle du Valbuena. Le nez est noble. Tout en ce vin est parfait, cohérent et il y a très nettement marquée, la fraîcheur mentholée, signature des grands Unico. C’est le dernier des millésimes commercialisés, soit douze ans après, alors que le 2008 a déjà été mis sur le marché, et il est très buvable maintenant. Il est gourmand, encensé par tous les critiques du monde qui lui ont donné les notes maximales. La fraîcheur de ce vin est extrême, avec une belle acidité et une belle râpe. On l’appréciera quand même mieux dans quelques années.

Ce qui est intéressant à constater c’est que l’on peut passer de l’Unico au Valbuena et en sens inverse sans que cela ne déprécie l’un des deux. Et paradoxalement, c’est le plus jeune qui paraît le plus mûr. Les quatre vins rouges se montrent d’une fraîcheur extrême.

Nous revenons à Oremus pour goûter les Tokaji. L’Oremus Tokaji Aszu 3 puttonyos Tempos Vega Sicilia 2011 a une jolie couleur d’un jaune clair. Le nez est fermé mais c’est dû au service très froid du vin. La bouche est claire, de belle sucrosité fraîche. Il est très agréable à cet âge, en vin doux frais. Il est gastronomique et je le verrais bien avec un poisson d’eau douce, truite ou brochet, servi avec une sauce à la crème.

L’Oremus Tokaji Aszu 5 puttonyos Tempos Vega Sicilia 2008 a une robe légèrement ambrée. Le nez est fermé mais le vin est froid. Il a une plus forte sucrosité du fait des puttonyos supplémentaires mais il a une fraîcheur remarquable. Sur ce vin je verrais un curry que Gonzalo voyait plutôt sur le 2011.

Globalement ce qui frappe dans cette dégustation c’est l’extrême fraîcheur de tous les vins et leur grande précision. Gonzalo est extrêmement motivé et nous fait partager son enthousiasme. Cette présentation est convaincante et me conforte dans ma fidélité à ce domaine.

 

Les 2014 du domaine de la Romanée Conti présentés par Aubert de Villaine jeudi, 7 décembre 2017

Chaque année, au siège de la société Grains Nobles, Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, présente les vins du domaine qui sont mis sur le marché. Cette année, ce sera le millésime 2014. La petite salle en sous-sol, voûtée et antique, est pleine. Beaucoup sont des habitués qui ne rateraient en aucun cas ce rendez-vous. A côté d’Aubert de Villaine il y a Bernard Burtschy et il devait y avoir comme chaque année Michel Bettane, mais il ne sera pas là. Pascal Marquet, le dirigeant de Grains Nobles annonce le début de la séance.

Aubert de Villaine raconte les conditions climatiques du millésime. L’année 2014 est un beau millésime abondant marqué par trois actes successifs. L’hiver fut doux et sans pluie. Le printemps fut beau et sec. Ce fut un des plus beaux printemps que l’on ait connu en Bourgogne. La croissance de la plante fut idéale, mais avec une floraison lente. Puis, les 27 et 28 juin, il y a eu de très gros orages. Heureusement les parcelles du domaine ne furent pas touchées par la grêle. Dès juillet, le temps fut pluvieux et froid. Il y eut des attaques de mildiou et même de botrytis dès le début août ce qui est très tôt et rare. Après des années de petites récoltes, la vigne voulait produire. La canicule qui a suivi a entraîné que des baies se mirent à brûler. Les peaux épaisses ont permis de lutter contre le botrytis. L’herbe présente a permis de conserver l’humidité.

Après cette présentation Aubert de Villaine répondant à des questions indique que le domaine ne travaille quasiment exclusivement que des grands crus, ce qui fait que la façon de travailler est la même aussi bien pour les Echézeaux que pour la Romanée Conti.

Pour aviner nos verres et notre palais on nous sert un Givry Louis Jadot 2014 dont la couleur est d’un joli rouge clair et le nez d’un vin de chaleur. La bouche est ronde, épanouie. C’est un vin solaire, un peu amer et très court. Il n’est pas désagréable, un peu acide mais un peu trop court.

La maison Riedel ayant fourni des verres c’est la première fois que tous les vins auront leur verre ce qui permet de garder chaque vin pour qu’il s’épanouisse

Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2014. La robe est assez foncée. Le nez est invraisemblable de personnalité. C’est assez fou. Je sens de la framboise écrasée comme on en trouve dans des vins anciens. La bouche est d’un charme fou. Ce vin est suave. Il est étonnamment charmeur. C’est de la soie. C’est fou. Le fruit est incroyable. Il est très probable que cela ne restera pas ainsi et d’ailleurs le vin s’est calmé après quelques dizaines de minutes dans le verre. Ce vin est fait avec 50% de fûts neufs. Aubert de Villaine parle du côté sombre du Corton que je ne trouve pas. Je trouve ce vin aérien, vin de légèreté et de charme. Je suis étonné par sa douceur qui ne cadre pas pour moi ni avec un corton ni avec le travail habituel de la Romanée Conti. Mais cela va vite changer.

Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014. Aubert de Villaine rappelle que le mot « Echézeaux » veut dire un lieu où il y a des habitations. Le vin est d’une rouge violine. Le nez est ingrat, strict. La bouche est fraîche à l’attaque. Le vin est extrêmement racé. C’est un vin superbe, sans concession, vibrant et racé. J’adore, alors que le nez ne correspond pas à la bouche. Il y a une petite amertume qui fait sa personnalité. Bernard Burtschy dit que le vin a une masse tannique importante. On sent que le vin sera de longue garde. Il y a 60 à 70% de vendange entière. L’âge moyen des vignes est de 50 ans pour l’Echézeaux et de 40 ans pour le Grands Echézeaux. Tous les vins de la Romanée Conti, sauf le Corton, ont 100% de fûts neufs.

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014. Le rouge est généreux. Le nez est fermé. La bouche est riche. Le vin est plus profond que le précédent mais moins enthousiasmant pour moi alors qu’Aubert de Villaine vante l’écart qualitatif en faveur de ce dernier. Le finale du vin est plus riche mais il est plus fermé que l’Echézeaux. Il sera très grand avec une générosité plus grande. Il est dans une phase ingrate. C’est sur le finale que la différence se fait.

Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2014. Les vignes ont une moyenne d’âge entre 45 et 50 ans. Le rouge est plus sombre. Le nez est un peu plus charmeur. La bouche est gracieuse, pleine de charme. Il y a beaucoup plus de velours que pour les deux précédents. Mais il y a aussi plus de puissance. C’est un vin qu’il faudra attendre car il a l’amertume de la jeunesse. Sa base florale est très raffinée. Il a le velours et l’élégance et Bernard Burtschy dit qu’il a une base tannique plus forte que la Romanée Conti.

Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est plutôt claire par rapport à ce que j’attendais. Le nez est fermé. La bouche est riche et guerrière. On sent la gourmandise de ce vin. Mais il est encore fermé. La matière est riche et superbe. Il est prometteur et laisse une trace profonde en bouche. Il est lourd de promesses et j’aime beaucoup sa grande richesse. Il va être grand avec de la noblesse. A l’aération il gagne de la longueur et ceci vaut aussi pour tous les vins précédents. Le nez devient splendide et le vin devient généreux, plus charmeur que guerrier.

La Tâche Monopole Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est plutôt claire. Le nez est très raffiné. La bouche est très séductrice, toute en charme. C’est la danse des sept voiles. Quel équilibre ! C’est un vin riche, complet mais qui a un charme unique. J’adore. Sa puissance est peu commune. Il est plus fin que le Richebourg tout en ayant une grande énergie. Pour mon goût, la belle surprise, c’est le Richebourg, même si La Tâche est plus grande.

Romanée Conti Monopole Domaine de la Romanée Conti 2014. La couleur est claire. Le nez est très beau. Si tel ou tel vin précédent pouvait avoir le moindre défaut (en ont-ils ?), ici, dès la première seconde on sait que l’on est au paradis. Le nez est suave et la bouche est suave, fluide. C’est un vin de haute précision. Il a une petite râpe que j’aime. Il a tout pour lui et bien évidemment je me demande si je ne fais pas d’auto persuasion, car je sais que c’est la Romanée Conti. Mais son équilibre, sa complexité et sa richesse n’ont pas d’équivalent. La longueur est extrême. Si le vin est complexe, ce qui me frappe c’est l’équilibre serein. C’est un vin grandiose. La Tâche est très expressive et plus affirmée que la Romanée Conti, le Richebourg est généreux mais moins noble et moins complexe. Le velours de cette Romanée Conti est extrême.

S’il faut classer les six rouges, ce sera exactement le même classement que l’ordre de service, sans discussion. Aubert de Villaine fait compliment à Bernard Burtschy de la façon dont il décrit la Romanée Conti qui est exactement comme sa propre perception. Entendre Bernard Burtschy est un ravissement tant il sait de quoi il parle, incollable sur tous les sujets.

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2014. Le vin est d’un or clair. Il n’est pas translucide. Le nez est très expressif et opulent. La bouche est superbe, déjà d’un équilibre total. Tout est équilibré. Le vin est frais, acide, fluide, au finale opulent, avec un léger miel. Le vin est vif et frais et montre de la salinité. C’est un grand vin que l’on sent gastronomique. Il n’a pas de gras comme certains montrachets. Il a très peu de botrytis, de l’ordre de 5%. Il est très noble et élégant. Il deviendra raffiné avec l’âge.

Tout le monde a remarqué que les vins s’épanouissent dans les verres et la tentation serait grande que les vins soient servis dix minutes avant que nous ne commencions la dégustation. Aubert de Villaine nous indique que c’est ce qui se pratique aux USA.

Après la dégustation un dîner rassemble, autour de Pascal Marquet, Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et quelques amis. Cette fois-ci ce sera dans la salle de dégustation ce qui fait que les assiettes descendent par le passe-plat. Hélas, les coquilles Saint-Jacques à l’agréable parfum de fruit de la passion arrivent trop froides.

Je n’ai pris de notes et ce compte-rendu n’étant pas fait à chaud, mes impressions seront fugaces. Le Corton-Charlemagne Domaine Georges Roumier 1996 est un vin de belle droiture, peut-être un peu timide. Le Bâtard-Montrachet Domaine Marc Colin et ses fils 1999 a plus de puissance. Il est vif et n’a pas la rondeur de ses petits camarades du Domaine Leflaive.

J’ai apporté un Hermitage Chave blanc 1986 de beau niveau mais qui ne brille pas. Le bouchon est en effet brulé sur la moitié du bouchon. Je pense que l’oxygénation lente lui aurait redonné une certaine ampleur mais tel qu’il est servi, il est plutôt coincé même si on devine ce qu’il pourrait offrir.

Le Clos Saint-Patrice Monopole Châteauneuf-du-Pape 2015 est un agréable Châteauneuf, pas vraiment adapté au délicieux pot-au-feu, mais qui se boit bien dans sa jeunesse. Dès qu’arrive la Côte-Rôtie La Landonne Guigal 1988, on change de dimension ; ce vin est très gourmand et de belle amplitude.

Pascal Marquet en veine de générosité nous a offert un Château d’Yquem 1986 que je m’en veux de ne pas avoir reconnu. Il est bien épanoui mais je n’avais plus le palais réceptif.

Ce repas d’après dégustation est un enchantement pour moi, aussi bien lorsqu’il y a Michel Bettane et Bernard Burtschy que lorsque Bernard est seul, car ces deux experts ont un savoir invraisemblable qu’ils exposent avec simplicité. Les écouter est un bonheur rare. Et les écouter dialoguer avec Aubert de Villaine est un privilège. La découverte de 2014 superbes et prometteurs et ce petit souper sont un cadeau de Noël.

Salon Vinapogée des vins à maturité mardi, 5 décembre 2017

De retour d’un voyage autour du monde où j’ai le plus souvent bu des bières et du champagne à bord de l’avion, je participe au salon « Vinapogée » dirigé par David Hairion qui a repris le flambeau du salon des vins matures créé à l’initiative d’Hervé Bizeul, le vigneron du Clos des Fées. Ce salon avait fédéré plusieurs vignerons pour proposer à des amateurs de boire des vins lorsqu’ils ont atteint un stade de maturité intéressant. Cette idée est partie du constat que l’on boit les vins beaucoup trop jeunes, alors qu’ils sont loin d’exprimer tout ce qu’ils ont à dire.

J’avais participé l’année dernière en offrant bénévolement de goûter quelques vins anciens de ma cave et cette année, en accord avec David Hairion, je vais animer deux ateliers pour montrer l’effet de l’âge sur le goût des vins.

Le salon ouvre au public à onze heures. J’arrive peu avant midi et je mets à l’abri les vins pour qu’ils soient à bonne température au moment des ateliers. Je vais saluer les vignerons présents et parfois je goûte certains de leurs vins. Ainsi du domaine Rolly-Gassmann je goûte le Pinot Noir de Rorschwihr, rouge domaine Rolly-Gassmann 2003 de belle vibration, fin et précis, un Moenchreben de Rorschwihr, Muscat Vendanges tardives, blanc domaine Rolly-Gassmann 2003
dont la sucrosité est pleine de charme et un Pflaenzerreben de Rorschwihr, Riesling, blanc domaine Rolly-Gassmann 2010 qui est précis et fluide mais qui me marque moins que le superbe riesling que ce domaine avait présenté il y a un an.

Le Champagne Clos des Goisses, Philipponnat 2007 est très dynamique mais à côté de lui, le Champagne Clos des Goisses, Philipponnat 2000 est une bombe de saveurs riches. La maison Pol Roger fait goûter le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2006 dont j’apprécie la noblesse et qui est généreusement offert.

Le Château de Pibarnon apporte à lui tout seul ce qui justifie ce salon Vinapogée car quand on a goûté le Château de Pibarnon Bandol rouge 2006 et que l’on goûte ensuite le Château de Pibarnon Bandol rouge 1995 on comprend que l’âge apporte une dimension supplémentaire qu’aucun vin jeune ne peut donner. On est en plein dans l’objectif du salon.

Les vins du domaine Charles Joguet séduisent par leur précision et leur subtilité. Le Clos du Chêne Vert, Chinon rouge domaine Charles Joguet 2006 et le Clos de la Dioterie, Chinon rouge domaine Charles Joguet 2006 sont des vins distingués, pleins de charme et d’expression.

Je bois plusieurs vins du domaine Clos des Fées et j’apprécie leur finesse ciselée malgré une puissance rare. Au stand du Porto Taylor’s, le Porto Taylor’s 1966 est une merveille absolue d’une fraîcheur rare.

Huit ateliers sont organisés dans l’après-midi et j’en anime deux, avec des vins de ma cave. Le premier est un atelier sur le Maury. Avant de commencer l’atelier, je réagis à l’une des phrases mises sur le site de Vinapogée, du journaliste du vin Pierre Casamayor, qui explique le mot ‘Apogée’ : « C’est la période optimale pour déguster un vin. Cette période se compte en années après la mise en bouteille du cru. Mais comme le vin est un produit vivant sensible à son environnement de conservation, cet apogée est donné pour une bouteille conservée dans une cave à température et hygrométrie constantes. À l’origine, la notion d’apogée appartient au domaine de l’astronomie ; elle fut ensuite assimilée au point le plus haut de l’évolution de toute chose. Fort logiquement, après la période d’apogée vient une phase de déclin. » Je ne pouvais pas laisser sans réagir la dernière phrase parlant de déclin après l’apogée. Dans ma vision du vin il n’y a pas d’apogée mais un parcours du vin jusqu’à sa mort qui presque toujours pour les grands vins, vient de la mort du bouchon. Et par un funeste concours de circonstances pour montrer que le déclin n’existe pas, je prends l’exemple de Jean d’Ormesson qui à 92 ans est encore d’une insolente jeunesse d’esprit, alors qu’il allait décéder quelques heures à peine après que je l’ai cité. Les vins les plus anciens que je présente dans les deux ateliers vont montrer qu’il ne peuvent en aucun cas être considérés dans une phase de déclin.

Nous avons devant nous trois verres : un Maury Mas Amiel, Vintage Privilège 1997, un Maury 1959 de la coopérative des producteurs de Maury et un Maury 1937 de Domaines et Terroirs du Sud. Les couleurs sont très semblables, très sombres, la plus jeune étant paradoxalement celle du 1937. Les parfums sont différents, le moins plaisant étant celui du 1959, celui du 1937 étant très doux.

En bouche, le 1997 expose un fruit bien plein, une grande vivacité et un alcool fort. Le 1959 est serein, rond. C’est un Maury de consensus. Le 1937 est le plus complexe, le plus séduisant, avec des notes gourmandes d’un grand charme.

Je suis un peu déçu car je m’attendais à de plus grandes variations qualitatives pour étayer ma démonstration. Les écarts sont en fait en nuances et c’est dû à l’alcool fort de ces vins qui leur conserve une grande jeunesse. Le 1959 a été préféré par certains. Plusieurs autres comme moi, ont préféré le 1937, et un petit nombre le plus jeune. Tous ont été étonnés qu’un 1937 puisse avoir une telle vitalité. Et certains ont découvert les charmes des Maury qu’ils ne connaissaient pas. Il est à noter que les vins ouverts en début de séance se sont élargis dans les verres. Le 1959 s’est nettement épanoui et amélioré. Les trois vins sont devenus brillants.

Entre mon premier atelier et le second, Bernard Antony le célèbre fromager a présenté avec Olivier Poussier des accords fromages et champagnes. Ce fut particulièrement brillant et j’ai découvert un vin superbe le Champagne Vazart Coquart & Fils Chouilly Blanc de Blancs 1989 au final et coup de fouet spectaculaire. Par ailleurs un Champagne Charles Heidsieck Brut jéroboam 1989 d’une belle richesse et noble se montre brillant sur un camembert. A noter qu’Olivier Poussier recommande d’enlever la croûte pour les accords fromages et champagnes.

Le deuxième atelier que je propose aux inscrits est un atelier sur un sauternes le Château Lafaurie-Peyraguey, représenté par trois millésimes, 1996, 1964, 1926. Pendant que je présente l’atelier et ce que chacun doit espérer retirer de cette dégustation comparative, j’ouvre les bouteilles. Et il se produit un phénomène qui me rend honteux, mais dont je me tire avec le sourire. Le bouchon du 1964 est d’un liège poreux, qui s’émiette et colle au verre de telle façon que quoi que je fasse, c’est de la charpie qui est extirpée par mes tirebouchons. Comme je parle, je suis moins attentif aux procédures, aussi de nombreuses miettes de bouchon tombent dans le liquide. Un participant résumera avec humour la situation : « ouvrir une bouteille avec ce résultat, je crois que nous sommes capables de le faire ». J’ai retiré l’essentiel des miettes tombées et nous avons pu déguster les vins.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1996 a une robe très claire. Son nez est intense et c’est un beau sauternes riche et expressif avec un joli gras. Le Château Lafaurie-Peyraguey 1964 a une couleur d’un or encore clair. Il est le sauternes typique et racé, calme et dont tout est juste, parfaitement précis.

Le Château Lafaurie-Peyraguey 1926 est sombre, presque noir. Son nez est profond, intense, riche de senteurs lourdes. En bouche c’est une merveille. C’est un très grand sauternes et un très grand 1926. Ce qui fascine c’est la justesse de l’acidité qui donne fraîcheur au vin hors du commun. Pour tous c’est une découverte. Et ce vin d’une rare cohérence apporte la démonstration évidente qu’à 91 ans, il serait incongru de parler d’un vin en phase de déclin alors qu’il étale des complexités infiniment plus riches que celles des deux autres. La démonstration que je voulais est faite à 100%. Ce vin est immense.

Le salon a accueilli près de 500 personnes ce qui est un succès. Un dîner a suivi avec plus de cent personnes dont les vignerons, au restaurant Macéo. L’apéritif s’est tenu au premier étage et les vignerons présents ont généreusement partagé leurs vins. Ainsi l’apéritif a permis de boire la Cuvée Winston Churchill de Pol Roger 2006 et le Clos des Goisses de Philipponnat 2000. A table au rez-de-chaussée l’approvisionnement en vin s’est fait à la manière d’une Paulée, chaque vigneron venant généreusement faire goûter ses vins à chaque table, obligeant chaque convive à vider son verre pour goûter de nouveaux vins. J’ai beaucoup apprécié un Cahors Les Laquets, rouge Domaine Cosse Maisonneuve 2006.

Le menu mis au point entre le restaurant Macéo et David Hairion a pour thème « l’hommage au temps et à ses bienfaits » : huiles d’olive de la famille Hugues, les toutes nouvelles, le fruité vert et les olives maturées / jambon ibérico Bellota superior reserva ‘Don Agustin’ 36 mois / foie gras de canard cuit très lentement par Michel Dussau de La Table à Agen / Viandes de bœuf de deux âges accompagnées de pommes de terre ‘tapées’ de Fabien / comté de grande garde et comté de garde exceptionnelle par bernard Antony / tarte fine aux pommes caramélisées du verger.

La fatigue de mon récent voyage m’a poussé à écourter le repas que j’ai quitté avant les fromages non sans avoir goûté avec un infini plaisir un vin apporté par Michel Bettane, un Meursault 1981 fait par le père de Dominique Lafon absolument exceptionnel de mâche gourmande de de gouleyant.

La cause des vins anciens ou à maturité progresse. Il faut agir encore et encore pour que cette croisade porte ses fruits.

Le plateau repas du midi pour les vignerons (et moi aussi)

l’atelier d’Olivier Poussier et Bernard Antony

les photos des vins de mes deux ateliers sont sur l’article qui suit

le dîner