Archives de catégorie : vins et vignerons

Magnifique verticale du champagne Legras & Haas mardi, 19 novembre 2019

La maison de champagne Legras & Haas reçoit quelques-uns de ses importateurs et quelques amis en son siège à Chouilly pour une dégustation verticale de ses vins millésimés. Nous sommes une petite quinzaine réunis dans la salle de dégustation. Les vins les plus jeunes seront servis en magnums et dans des verres Zalto alors que les plus anciens servis en bouteilles seront versés dans des verres Lehmann conçus par Philippe Jamesse, l’emblématique sommelier de l’hôtel les Crayères.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2012 a un nez très pur, et une belle attaque au goût de caramel et de miel. Cela tient à un dosage supérieur à la normale, car pour constituer une Œnothèque, on a donné au champagne un dosage de 10 à 11 grammes, alors que le champagne mis sur le marché est dosé à 7 à 9 grammes. De ce fait celui que nous buvons est plus doux. J’aime beaucoup l’acidité de ce champagne qui a du caractère. Il est charmant.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2011 a un nez plus strict. L’attaque est très agréable. Il n’a pas une grande expansion en bouche. Il évoque le pain grillé et l’amande grillée. Avec l’aération il devient plus large et intéressant.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2008 a une couleur où l’on voit poindre un peu d’or. La bulle est très fine. Le nez est noble et fin. La bulle est forte en bouche. Il jouit d’une belle matière et d’une belle minéralité. Il est tranchant et opulent et évoque aussi bien la pâtisserie que le salin. Il est vif, offrant plaisir et aptitude gastronomique. C’est un grand champagne qu’il faudra attendre avant d’en goûter les richesses.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2007 a un nez un peu imprécis. La bouche est fraîche, joyeuse mais pas complétement précise. Il fait beaucoup plus évolué que le 2008.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2006 a un nez discret mais agréable. Il a une belle attaque et une bouche saline. Il est agréable et facile à lire. Il est confortable avec de la puissance et du poids. Il est gourmand et c’est un champagne qui peut déjà briller à table.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2004 a un parfum salin évoquant une huître. La bouche est en fort contraste car elle est fluide et douce. Le vin est charmeur, fluide, d’une belle persistance aromatique. Il est gourmand et très intéressant, car il sait garder ses énigmes. Il a de beaux amers qui le rendent très complexe.

Le Champagne Legras & Haas magnum 2002 a un nez raffiné avec un peu de salin. Il a une très belle attaque. Il est équilibré. C’est un très grand champagne très agréable.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1997 a un superbe nez, fou comme un coup de vent. Il est superbe et vif. Il a une énergie énorme. Il est très beau et surtout par sa vivacité. Il est plus cinglant que le 2002, avec une belle minéralité. Il est gourmand et sa persistance aromatique est extrême.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1996 a un nez précis, frais, un velours tout en douceur. Mais derrière, on sent qu’il a une trame forte. C’est la fin de bouche qui est extraordinaire. Il a des fleurs et des fruits roses, c’est la plus forte personnalité et la plus belle longueur de ce que nous venons de boire. Il est atypique par rapport aux autres. Il est frais et c’est le plus floral. Je le trouve magique.

Le Champagne Legras & Haas magnum 1995 est très différent car il est plus caramel, amandes et toasts. Le nez est un peu brulé. Il est moins vif que le 1996 et un peu lacté.

A ce stade, j’ai tendance à classer : 1996 – 1997 – 2002 – 2004.

Les suivants sont servis en bouteilles. Le Champagne Legras & Haas 1990 a un nez raffiné. Sa bouche a un fruit rose sublime. Il est raffiné, vif et cinglant. Il est très beau, floral et magique. On trouve ensuite un peu de caramel au beurre salé qui est un peu déroutant mais globalement j’adore ce champagne.

Le Champagne Legras & Haas 1989 a un nez un peu évolué et dévié mais le message est intéressant. On voit apparaître du lacté et du pain grillé. J’ai moins d’émotion alors qu’à ma table certains le préfèrent au 1990. Question de goût.

Le Champagne Legras & Haas 1988 a un nez d’une jeunesse extrême. La bouche est superbe et équilibrée. Il est doux et agréable, de couleur claire. Il est si jeune que tout le monde en est surpris.

Pour cette trilogie, je suis embarrassé pour mettre en premier le 1988 ou le 1990. Ce sera peut-être 1990 – 1988 – 1989 mais je pourrais échanger les deux premiers.

Le Champagne Legras & Lepage 1959 est d’une couleur très pure. Le nez est de mandarine. Sa bouche est d’agrumes et d’alcool et ce que l’on remarque c’est qu’il n’a plus de bulles mais aussi plus de pétillant. Il est devenu sauternes voire ratafia. Il évoque des fruits secs, des abricots séchés. Il est agréable mais ce n’est plus un champagne, du moins pour cette bouteille.

Que dire de cette dégustation ? Tout d’abord les champagnes sont de très haut niveau. Mais ensuite ce qui frappe, c’est l’extrême diversité des personnalités. D’un millésime à l’autre, les goûts sont différents. Et rien n’est à écarter car chaque champagne a son intérêt. On constate aussi l’effet bénéfique de l’âge car plus on avançait dans la dégustation plus les millésimes exprimaient des fortes personnalités.

Voilà une maison de champagne dont il faut suivre l’évolution, et faire vieillir les millésimes qui ont les plus belles personnalités. Les 2008, 2004, 2002 doivent dormir encore un peu pour devenir les vedettes de futurs repas. Merci François, Rémi et Jérôme Legras pour votre extrême générosité.


quelques bouteilles dans les vitrines de la salle de dégustation, dont des bouteilles très anciennes du 18ème siècle

la couleur d’un des champagnes, peut-être le 1959

vues de la terrasse de ma chambre à l’hôtel Les Crayères

Dîner au château de Beaune de la maison Bouchard P&F dimanche, 17 novembre 2019

Après la dégustation des vins de 2018, nous traversons la rue du château pour entrer dans le magnifique jardin du château et rejoindre le château de Beaune. D’habitude, l’apéritif se prend dans le beau salon et le dîner dans l’orangerie. Cette année ce sera l’inverse.

Le Champagne Henriot Blanc de Blancs Brut sans année est extrêmement plaisant, frais et de belle vivacité. Les gougères l’accompagnent avec bonheur. Les tables installées dans le salon ont des noms. Ma table s’appelle « La Cabotte », d’un vin que j’aime particulièrement.

Gilles de Larouzière, président du groupe qui compte notamment Bouchard, Henriot, William Fèvre et le château de Poncié fait un discours de bienvenue dans lequel il expose les grands axes des recherches d’amélioration de la façon de faire le vin en tenant compte de la défense de la nature et de l’adaptation nécessaire au changement climatique. On sent une volonté d’excellence qui concerne toutes les fonctions du groupe.

Le menu qui sera servi est : tortellini dans leur bouillon de volaille / foie gras poêlé aux girolles et noisettes du Piémont / suprême de pintade fermière de Bourgogne farci aux truffes et légumes de saison / assiette de fromages de notre région / forêt noire.

On nous sert le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1990. En sentant mon verre, j’ai envie de crier « mon Dieu ! » car si les 2018 étaient intéressants, on change de planète avec ce parfum infiniment riche et complexe. Il y a dans ce vin un équilibre et un épanouissement réjouissants et la palette aromatique est d’une richesse rare. C’est un bonheur de boire un vin aussi complet et abouti.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2003 est une très belle surprise car je ne m’attendais pas à ce que ce vin ait une telle maturité. Il est riche, profond et intense. Il est gourmand sur la pintade.

Le grand moment arrive, quand on nous verse le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1947. C’est un vin que j’ai déjà bu trois fois, dont une fois en ce lieu et deux fois de ma cave. Le parfum est porteur d’une émotion extrême. Je ressens immédiatement que je suis en face d’un vin immense qui tutoie la perfection et l’éternité. En bouche il se confirme que ce vin est d’une noblesse extrême et d’un équilibre parfait. Le goût est d’une intensité rare. Je me souviens qu’une fois en ce lieu j’ai pu boire ensemble ce 1947 et le même vin de 1865. La similitude était confondante et il y avait dans le 1865 un léger supplément d’âme, les deux vins étant parfaits.

Ce soir, ce 1947 est dans un état de grâce absolu. Et on sent que l’on est en présence d’un vin d’une hauteur unique. C’est assez fascinant de penser que dans peut-être cent ans, il sera le même que ce qu’il est aujourd’hui.

Le Porto du 19ème siècle de la cave de Bouchard a un goût très doux, soyeux presque, et s’il est charmeur, il manque un peu d’énergie. Il est un bon compagnon de la forêt noire, agréable dessert.

Ce dîner montre à quel point les vins ont besoin d’avoir de l’âge pour exprimer leurs grandes qualités. Le Corton Charlemagne 1990 et le Beaune Grèves 1947 sont des vins exceptionnels. Ce dîner est un grand moment d’immersion dans la magie des vins anciens.

ma table

Dégustation de nombreux vins de 2018 de Bouchard Père & Fils dimanche, 17 novembre 2019

A l’occasion de la vente des vins des Hospices de Beaune, qui fait venir à Beaune la presse et les amateurs de tous les pays du monde, la maison Bouchard Père & Fils invite des gens de presse et des amateurs pour un dîner au château de Beaune, précédé par une dégustation du dernier millésime non encore mis en bouteille dans une salle studieuse.

C’est Frédéric Weber, l’homme qui fait les vins de Bouchard Père & Fils qui présente les vins de 2018 millésime généreux. On commence la dégustation par les rouges. Une brochure très bien faite permet d’avoir des informations sur tous les vins. Du fait de leur jeunesse, j’ai choisi de noter mes impressions premières, immédiates, sur ce que je bois et non pas sur ce que le vin deviendra. C’est le ressenti de l’immédiat et non des promesses.

Le Savigny-lès-Beaune Les Lavières Bouchard Père & Fils 2018 d’un terroir assez froid mais orienté vers le soleil, a un nez jeune et riche de fruits doux. L’attaque n’est pas très généreuse, mais le finale est plus charmant avec un joli poivre. C’est un vin à attendre.

Le Beaune Clos de la Mousse Bouchard Père & Fils 2018 est un monopole, sur une terrasse surélevée assez solaire. Le nez est beaucoup plus noble. La bouche est plus suave. Je ressens du sel. Le finale est de belle personnalité. Le vin est râpeux mais agréable. Je l’aime.

Le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 2018 a un nez fermé. J’adore le finale joyeux et conquérant. Ce vin est un de mes chouchous. Bien sûr il faudra l’attendre longtemps mais il a déjà une belle énergie. On sent la violette, les épices et surtout le velours. C’est un vin frais et épicé.

Le Volnay Caillerets Ancienne Cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 2018 a le nez le plus racé des quatre Premiers Crus. Il est fin, sa bouche est généreuse et glorieuse. Le finale est beau mais moins impressionnant que le milieu de bouche. Il est riche et large.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2018 a un nez superbe. Quelle classe ! Le vin est superbe et grand, très expressif. Un peu rêche, mais ce rêche est signe de noblesse. Le vin est puissant et noble. On sent la grandeur du Grand Cru.

Le Clos Vougeot Bouchard Père & Fils 2018 provient des parcelles du haut, de vignes des années 60, celles du bas ayant été arrachées. Le vin est beaucoup plus strict, plus astringent. C’est un vin à attendre. Il n’a pas le charme du Corton mais il est très subtil avec de belles évocations de sel.

L’Echézeaux Bouchard Père & Fils 2018 a un nez vineux, celui d’un vin froid qu’on boit en cave. L’attaque est douce, saline. La bouche est très bourguignonne. J’adore ce côté déstructuré de certains bourgognes anciens.

Le Bonnes-Mares Bouchard Père & Fils 2018 a un nez très doux. C’est le seul dont le parfum a des évocations de framboise. Il est incroyable car sa richesse à l’attaque me fait penser à un Vega Sicilia Unico. Le milieu de bouche est plus rêche, plus strict. Il est globalement très différent des autres avec un charme incroyable fait de fruits noirs très mûrs.

La dégustation de ces huit rouges montre l’écart très net des Grands Crus, même si certains Premiers Crus font partie des vins que j’apprécie lorsqu’ils ont cinquante ou cent ans de plus.

Selon l’adage « blanc sur rouge rien ne bouge » la dégustation des blancs succède à celle des rouges.

Le Beaune Clos Saint-Landry Bouchard Père & Fils 2018 est la plus ancienne vigne où l’on a planté du chardonnay. On en a des preuves dans des écrits du 13ème siècle. Le vin est trop jeune pour moi. C’est trop vert. J’aurai d’ailleurs du mal sur les quatre premiers blancs, me demandant comment on peut boire des vins qui sont comme des fraises vertes.

Le Meursault Genevrières Bouchard Père & Fils 2018 a une bouche plus aimable, mais j’ai toujours du mal.

Le Meursault Perrières Bouchard Père & Fils 2018 a une belle personnalité mais son aspect minéral est encore très dur.

Le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 2018 est très minéral, avec une bouche riche et joyeuse. Ce sera un grand vin mais à ce stade j’ai un blocage envers ces quatre blancs, que je n’aurai pas pour les vins qui suivent car il va s’agir d’une dégustation toute particulière.

La maison Bouchard est le seul domaine qui a des vins sur les quatre terrasses du Chevalier-Montrachet. Nous allons faire une dégustation très originale des vins des quatre terrasses, qui seront ensuite assemblés dans le Chevalier-Montrachet. C’est la première fois qu’une telle dégustation est faite. Les terrasses vont de 1 à 4 en montant sur la colline.

La terrasse 2 a des vignes de 1954, 1960, 1967, 1984 et 1989 et la terrasse 1 a des vignes assez semblables, la terrasse 3 a des vignes de 1960, 1975 et 1983 et la terrasse 4 de toute petite parcelle a été plantée en 1985.

Le Chevalier-Montrachet terrasse 1 est un vin riche et opulent. Là, la jeunesse n’est pas un handicap. Le vin est délicat, charmant, avec des tonalités de roses. Il est émouvant. C’est le plus romantique des quatre vins.

Le Chevalier-Montrachet terrasse 2 est plus strict, plus minéral que le premier. Il est très complexe mais plus strict.

Le Chevalier-Montrachet terrasse 3 a beaucoup de charme. Il est joyeux et riche, très accompli, gourmand et gourmet mais à mon goût il est moins vibrant que le premier.

Le Chevalier-Montrachet terrasse 4 est plus cistercien, plus salin. Il a une forte personnalité. C’est le type de vin qui m’intéresse, racé et sauvage. Je l’adore.

Mon classement des quatre est : 1 – 4 – 3 – 2.

La surprise vient de l’assemblage des quatre terrasses. Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2018 est superbe, vin riche et équilibré qui a toutes les qualités, gourmand et presque sucré tant il est doux. Il est complexe et attachant. C’est une très belle démonstration de la complémentarité des quatre terrasses.

Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2018 est grand, profond, noble, complexe et de grande longueur. C’est le vin blanc tel que je l’aime.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 2018 est plus strict que La Cabotte. C’est grand vin qu’il faudra absolument attendre. Mon intuition est qu’il vieillira sans doute mieux que La Cabotte.

Cette dégustation des 2018 de Bouchard Père & Fils est très intéressante et instructive. Les explications sont bien faites et le livret de dégustation est remarquablement fait.


une très compréhensible carte des quatre terrasses du Chevalier Montrachet dans le carnet de notes

Clos Sainte-Hune Trimbach 2012 samedi, 16 novembre 2019

Quatre jours après le dîner de vigneron, en rangeant les bouteilles vides, je m’aperçois qu’il y a encore un peu du magnum de Clos Sainte-Hune Trimbach 2012. J’ai envie de voir ce que ce vin peut encore donner. Le nez est très pur, précis, avec un joli parfum intense et persuasif. En bouche la surprise est extrême. Car la vivacité, la précision du riesling et son tranchant sont encore plus marqués qu’au moment du dîner. Ce qui me semblait manquer au vin que nous avons bu au moment du dîner de vigneron est maintenant présent et le vin est glorieux. Bien sûr, en analysant, on sentirait que le vin a eu un peu d’aération, mais le fait de le trouver plus vif et plus tranchant que le soir du dîner montre la solidité extrême de cet immense vin. Bravo.

Fête de Méo-Camuzet au château du Clos de Vougeot samedi, 16 novembre 2019

Le soixantième anniversaire du domaine Méo-Camuzet et le trentième anniversaire de la présence de Jean-Nicolas Méo à la tête du domaine se fêtent au château du Clos de Vougeot. Jean-Nicolas a tenu à ce qu’à côté de la célébration de ces deux anniversaires on se tourne aussi vers l’avenir. Parmi tous les jeunes qui ont participé aux vendanges au domaine, certains sont devenus vignerons et dans une grande salle du château une cinquantaine de ces ex-stagiaires présentent leurs vins. J’ai pu goûter de jolis vins de Nouvelle-Zélande, d’Australie, de Saint-Chinian, des Hautes-Alpes et de bien d’autres régions. C’est sympathique de commencer la soirée par cette dégustation.

Parallèlement, le domaine a créé un prix de la jeune création artistique qui couronne des étudiants de l’école nationale supérieure d’art de Dijon pour des réalisations artistiques de leurs visions du patrimoine immatériel de la Bourgogne et de la permanence du terroir. On pouvait donc tout en passant de stand en stand de vin contempler de belles œuvres. Au cours du dîner un prix sera remis de la jeune création artistique 2019 à une artiste qui a créé sept tableaux vidéos réalisés avec l’équipe de Méo Camuzet, visibles dans l’une des salles du château.

Le dîner se tient dans le grand cellier cistercien du château de Clos Vougeot. Il y a dans l’assistance qui remplit la salle, la famille Méo, tout le personnel du domaine, des importateurs de tous les pays, la presse, des clients et des amis. On peut imaginer qu’il y a plus ou moins trois cents personnes. Les chants folkloriques et les bans bourguignons vont égayer la soirée, qui sera entrecoupée de quelques discours, souvent émouvants ou joyeux, de Jean-Nicolas Méo et parfois de ses trois fils.

Le menu du dîner très traditionnel est : le pressé de joue de bœuf à la royale / les œufs en meurette bourguignonne / le carré de veau fermier à la cazette du Morvan / les bons fromages de Bourgogne et de Franche-Comté frais et affinés / le macaron pistache et fraise, crème glacée au lait / les petits fours.

Le premier vin sur la joue de bœuf est le Pinot Noir
Domaine Nicolas-Jay Willamette Valley Oregon 2015
. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait du vin d’un des stagiaires puisque la dégustation était cosmopolite mais en fait c’est un vin résultant de l’installation de Jean-Nicolas et de Méo-Camuzet en Oregon. J’avoue que je me sens perdu devant ce vin pour lequel je n’ai aucun repère. Il est neutre, peu complexe et sans aspérité. Je suis incapable de le définir. Jean-Nicolas nous dit qu’il est en train d’apprendre ce domaine.

Le Nuits Saint-Georges Aux Boudots Domaine Méo-Camuzet 2005 marque un saut qualitatif certain. Il a de la présence, il est riche et équilibré et même si l’œuf en meurette n’est pas le meilleur des compagnons, il montre une très belle longueur. Il est gourmand et de belle vibration.

Le Clos de Vougeot Domaine Méo-Camuzet 1993 a eu des fortunes diverses aux différentes tables, certaines bouteilles étant incertaines, dont une à ma table. Fort heureusement mon verre est parfait. Il se trouve que le vin de Méo-Camuzet qui m’a le premier enthousiasmé, première rencontre avec ce domaine, est le Clos de Vougeot 1991. D’une année qui n’était pas au firmament, ce vin m’avait conquis. Je retrouve un peu ce sentiment avec ce 1993 dont on voit bien qu’il n’a pas une grande puissance, mais compense par sa noblesse.

Le Vosne-Romanée Aux Brûlées Domaine Méo-Camuzet magnum 1996 marque un nouveau palier dans le registre des sensations, alors que c’est un Premier Cru qui succède à un Grand Cru. Servi à température idéale, ce vin est d’une fraîcheur exceptionnelle. Et cette fraîcheur ne quitte jamais mon palais. Le vin est fluide et délicieux. C’est un vrai bonheur, un vin ciselé.

Dans notre programme le vin suivant est intitulé : « Climat surprise servi en Mathusalem ». L’étiquette manuscrite de ce grand flacon indique : Echézeaux 1976 mis en mathusalem pour Mme Jean Méo par Henri Jayer Viticulteur à Vosne-Romanée. Quel cadeau que font Jean et Nicole Méo, les parents de Jean-Nicolas, car une telle bouteille est un trésor de mémoire de la vinification de ce grand personnage qu’est Henri Jayer. Pour le nombre de convives les portions sont petites mais on peut s’imprégner du vin qui est éblouissant. Il faut longtemps humer ce parfum complexe d’un vin marqué par l’âge avec des notes de vieux bois. La complexité se retrouve en bouche et pousse au recueillement. Infiniment divers avec des évocations de vieux bois marin, il est d’une persuasion incroyable, long et d’une persistance aromatique infinie. Ses amertumes sont divinement équilibrées. On se recueille devant ce vin et son parfum restera présent dans le verre vide pendant longtemps. C’est un instant de bonheur magique, sublimé par la générosité de nos hôtes. Il faut du temps pour s’en remettre.

Les fromages permettent de revenir aux vins précédents, toujours aussi bons. Le dessert arrive et je vois que l’on sert le café alors qu’il était prévu que l’on boive le Champagne Bérêche et Fils Brut Réserve. L’absence de coordination du service des mets et des vins est étonnante de la part des équipes connues pour leur efficacité. Le champagne bu longtemps après que l’on a fini le dessert perd un peu de sa justification.

Un marchand de vins lyonnais truculent Georges dos Santos m’a fait goûter à sa table un Porto Gonzales & Byass 1810 délicieux et suave et un Porto Niepoort Vintage 2017 succulent et riche, promis au plus bel avenir dont Georges est amoureux.

La soirée a été marquée par une atmosphère très familiale et humaine. Jean-Nicolas a fait participer ses trois fils aux présentations et nous a fait connaître tous les membres qui travaillent au domaine en donnant de chacun un portrait flatteur. Au milieu des chants entraînants et des bans bourguignons, nous avons pu nous imprégner de cette belle histoire humaine. Merci au domaine Méo-Camuzet et merci de cet incroyable cadeau d’un vin d’Henri Jayer d’une émotion extrême.

atmosphère de gaieté

et le sublime mathusalem

et les vins de mon ami Georges dos Santos

Joël a fait des recherches sur la bouteille de Madère 1770 samedi, 2 novembre 2019

Joël m’a envoyé des photos de bouteilles de trois périodes

1700 – 1720

1720 – 1740

1740 – 1760

Joël pense que la bouteille que nous avons bue est dans le deuxième cas : 1720 – 1740.

Je penserais plutôt que le haut de la bouteille est proche de l’exemple de 1720 – 1740 et le bas de la bouteille est proche de l’exemple de 1740 – 1760.

Alors, on pourrait dire que le Madère que j’ai estimé de 1770 est en fait plus proche de 1740. On est donc du temps de Louis XV.

Déjeuner au restaurant Saint-Germain de l’hôtel Lutetia samedi, 26 octobre 2019

Il y a peu de temps, j’avais pris rendez-vous avec un homme du livre au bar de l’hôtel Lutetia. C’était la première fois que je retrouvais cet hôtel Art Nouveau chargé d’histoire, restructuré il y a quelques années par l’architecte Wilmotte et qui a été fermé pendant quatre ans pour travaux. Si les volumes sont respectables, la décoration du bar est très conventionnelle voire trop.

Aujourd’hui, je déjeune avec un homme du vin, célèbre parmi les célèbres, dans le restaurant Saint-Germain de l’hôtel Lutetia. Le volume de la pièce est impressionnant, les tables sont basses et les fauteuils profonds, mais le lieu a perdu son âme, à mon goût, comme le bar. Il y a une immense verrière peinte au plafond, qui a des couleurs qui rappellent celles du plafond de l’Opéra Garnier de Marc Chagall. Que fait un bibendum approximatif qui évoque celui de Michelin ? Si on a perdu une partie de l’âme, le lieu est cosy et on s’y trouve bien. A mon grand étonnement mon ami qui m’invite ne boira pas de vin. J’ai accompagné mon repas en prenant au verre un Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année.

Le menu que j’ai commandé est : oignons des Cévennes en ravioles, châtaignes et pamplemousse / saint-pierre grillé, courgette violon, tomates, pignons et vierge acidulée de petits légumes. Les plats sont bien réalisés et agréables. La pâte des ravioles est un peu trop présente et le poisson un peu trop cuit pour mon goût, mais c’est une cuisine internationale de bon aloi. Le champagne Ruinart est définitivement l’un des meilleurs bruts sans année que l’on puisse boire au verre. Il est agréablement consensuel.

Nous avons eu la chance d’avoir une très jeune serveuse très attentionnée, qui a été formée à l’école Ferrandi. Ce lieu se prête bien à des repas calmes et simples, dans un cadre agréable, même si une partie de son âme s’est envolée.

Un beau champagne aux caves Legrand Fils & Fille samedi, 26 octobre 2019

J’ai rendez-vous aux Caves Legrand avec Margareth Henriquez, présidente du champagne Krug, qui participera au prochain dîner de vignerons que j’organise chaque année. Ce sera le 19ème dîner. Nous avons des sujets à discuter à l’heure de l’apéritif. Margareth a un dîner mais nous allons déguster des planches garnies de tranches de poissons fumés en buvant un Champagne Krug Grande Cuvée 166ème édition. La base de ce champagne est 2010 mais il y a une douzaine de millésimes dans sa composition.

Ce qui caractérise ce champagne, c’est sa complexité et sa sérénité. Margareth m’explique la philosophie de sa conception et on dira ce qu’on voudra, mais boire ce champagne avec la présidente de Krug offre infiniment plus de perspectives. Elle explique la redécouverte du fameux carnet de Joseph Krug, le fondateur de Krug, dans lequel il avait défini ce que devrait être un champagne qui représente le meilleur de la Champagne. Et je dois dire que les complexités et la finesse de ce champagne, jeune pour moi, sont impressionnantes. Il est tellement bon que nous faisons ouvrir une deuxième bouteille qui se montre plus romantique que la première, plus délicate quand celle qui précède était plus affirmée. Il y a des idées que nous avons envie de pousser ensemble. Ce moment d’apéritif fut riche en évocations, sans doute favorisées par ce champagne accompli.

Déjeuner au restaurant Le Chiberta samedi, 26 octobre 2019

Au restaurant Le Chiberta qui fait partie des restaurants de la galaxie Guy Savoy, je retrouve Gilles de Larouzière, président du groupe qui possède entre autres les champagnes Henriot et la maison Bouchard Père & Fils. Je lui avais demandé si je pouvais apporter un vin et il m’a fait savoir que je pouvais.

Que choisir en cave ? Son groupe est actif en Champagne et en Bourgogne, il est donc exclu que je choisisse dans ces régions. Comme nous déjeunons, j’élimine les liquoreux peu propices au travail postprandial. Que reste-t-il ? J’arpente des allées en cave et mes yeux se portent sur une bouteille de Vin d’Alsace Léon Beyer qui indique « Rouge d’Alsace » Pinot. La bouteille est assez sale et opaque, avec un verre teinté mais par transparence je vois un liquide clairet qui s’inscrirait plus dans le camp des rosés que celui des vins rouges. Il n’y a pas de millésime mais on peut penser aux années 60 voire un peu avant. Voici une bouteille énigmatique qui conviendrait bien à ce repas.

J’arrive en avance et mon hôte avait déjà fait ouvrir une bouteille. Je demande la permission d’ouvrir la mienne et je l’obtiens. Le nez de mon vin est très expressif et engageant. Gilles arrive et nous commandons les mêmes plats : noix de Saint-Jacques de Normandie en fine chapelure de sarrasin, mousseline de topinambour, salade amère, sauce diable au cresson / faux-filet de bœuf Angus rôti, légumes comme un pot-au-feu, vinaigrette moelle-estragon.

Nous goûtons le Rouge d’Alsace, Pinot Léon Beyer années 60 et le nez puissant est sympathique. Il n’est pas incompatible avec le nez d’un vin rouge. En bouche, au début, j’ai du mal à imaginer un vin rouge, mais Gilles reconnaît sans conteste le pinot. Et le vin s’assemble, ne montrant pas de véritables traces d’âge. Il est riche, rond, et plus il s’épanouit, plus il évoque pour moi les vins de la Romanée Conti d’une année frêle, car il y a dans le finale le sel qui est un marqueur fort des vins du domaine. S’il en a le sel, il n’a pas, bien sûr, les complexités des vins de la Romanée Conti, mais il a beaucoup de charme. Ce vin se montre gastronomique et porteur de plaisir. Jamais je n’aurais cru qu’on obtiendrait un résultat aussi agréable. Plus il va évoluer dans le temps, plus je reconnais un vin rouge d’une région froide, comme l’Alsace ou le Jura. Son acidité est superbe et ses amers et sa râpe sont fort agréables. En fait, je me mets à l’aimer.

Pour la viande, nous goûtons le Bonnes-Mares Grand Cru Domaine Bouchard Père & Fils 2009. Le nez est élégant, avec de jolies notes veloutées. L’attaque est superbe, riche et équilibrée. C’est d’Artagnan quand il est sage. Le finale est un peu plus court, ce que Gilles ne pense pas, et effectivement, sur le plat de viande, il gagne en longueur. C’est un vin extrêmement subtil et noble, dont j’apprécie le velours qui n’exclut pas la richesse.

La viande baignant dans son pot-au-feu n’est pas exactement le compagnon idéal pour le Bonnes-Mares, alors que le vinaigre de la sauce crée un accord magistral avec le vin d’Alsace qui s’épanouit dans cet accord. Pour prolonger le plaisir du vin de Bouchard nous prenons chacun une assiette de fromage et le Bonnes-Mares devient plus opulent et heureux de vivre.

Le Bonnes-Mares est sans conteste un plus grand vin mais j’ai les yeux de Chimène pour le vin d’Alsace qui nous a offert beaucoup plus que je n’espérais et a créé un accord avec le plat de viande de la plus belle complémentarité. Ce déjeuner nous a permis d’ébaucher de belles idées. Le restaurant est agréable pour l’espace entre les tables et pour le service. Nous n’aurions sans doute pas dû choisir une viande dans un bouillon, difficile à couper dans l’assiette creuse. Ce fut un beau déjeuner.

Déjeuner de presse autour des vins du domaine de l’Odylée au restaurant Marsan vendredi, 4 octobre 2019

Ayant envie d’explorer la cuisine d’Hélène Darroze en vue d’un de mes dîners, je réserve une table pour moi seul, afin que je puisse étudier quelques plats et travailler ensuite avec le chef et le sommelier au menu qui accompagnerait les vins que j’ai prévu d’ouvrir. Au moment où je sors du taxi pour entrer dans le restaurant Marsan, je vois un journaliste ami, qui a participé à plusieurs de mes dîners, qui s’apprête à faire de même. Il va assister à un déjeuner de presse consacré à un domaine viticole, et je lui dis que je déjeunerai seul. Il me propose de demander que je puisse participer à ce déjeuner.

Odile Couvert, la viticultrice propriétaire du Domaine de L’Odylée accepte ma présence. Elle est extrêmement dynamique et sympathique. Il y a dans l’agréable salon qui peut accueillir une vingtaine de personnes toute la fine fleur du journalisme du vin, dont plusieurs personnes que je connais. Le domaine de l’Odylée a été créé en 2015 par Odile Couvert qui a acheté une grande maison sur 18 hectares qui comprenait 15 hectares de vignes. Chasseur de têtes de son métier, elle s’est prise d’amour pour sa vigne et à l’entendre tout au long du repas, on a l’impression qu’elle est vigneronne depuis plus de trente ans. Elle est passionnée et son enthousiasme se retrouve dans ses vins.

Voici le menu que nous avons partagé : des tastous pour titiller l’appétit : feuilles d’origan, anguille fumée, citron vert / panisse au yaourt fumé, herbes et fleurs // l’aubergine graffiti laquée au jus de miso blanc, prunelle sauvage confite, herbes et fleurs sauvages / le pigeonneau fermier cuit à la goutte de sang, flambé au capucin, betteraves, figues de Solliès, molé Poblamo / le chocolat, mon péché mignon (c’est Hélène qui l’écrit), le chocolat Carupano vient du Venezuela et s’associe au café arabica et à la citronnelle.

Tout dans ce repas m’a enchanté. Les amuse-bouches sont d’une mâche précise et le premier d’entre eux à l’anguille se marie parfaitement au Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Tempétueuse 2018. Ce vin en 100% syrah est simple, précis et ne veut pas sur-jouer. Je l’adore dans sa franchise.

On nous sert ensuite un Côtes du Rhône rosé Domaine de l’Odylée 2018 et je suis particulièrement impressionné par ce rosé très expressif. La vigneronne nous dira en cours de route qu’elle cherchera à améliorer ce rosé. J’aurais tendance à lui suggérer de ne rien faire, tant ce rosé a tout pour être apprécié tel qu’il est.

Nous continuons l’apéritif avec le Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée L’Impétueuse 2018, aussi en 100% syrah qui me plait moins que le premier, mais va s’animer sur l’excellente aubergine dont la texture est remarquable. Nous aurons par la suite les vins suivants : Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Audacieuse 2017, Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Talentueuse 2017 et Côtes du Rhône Domaine de l’Odylée Généreuse 2017. Ils sont tous intéressants à des degrés divers, et mon chouchou restera le premier des rouges pour la précision de sa définition et surtout pour le fait qu’il ne veut pas trop en faire.

Ce qui me frappe, c’est la précision des accords. Les vins ont été chaque fois sublimés par les plats. Le pigeon est généreux et d’une tendreté extrême. Tout a été réussi dans ce repas, l’ambiance créée par la vigneronne est entraînante, et les deux plats majeurs ont été d’une justesse absolue. Le domaine de l’Odylée est promis à un bel avenir sous l’autorité d’Odile Couvert.

Ce repas est un bon présage pour le projet de repas que j’ai étudié ensuite avec le chef Hugo Bourny et avec le sommelier Baptiste Ducassou. A suivre.