Dégustation des 2016 de la Romanée Conti et dîner à Grains Noblesdimanche, 15 décembre 2019

Chaque année, Aubert de Villaine, gérant de la Romanée-Conti, vient présenter au siège de « Grains Nobles » les vins qui viennent d’être mis en bouteille. Il s’agira du millésime 2016. Trois vins n’ont pas été produits du fait de fortes grêles, aussi seront-ils remplacés par des 2007.

Dans la cave de dégustation Pascal Marquet gérant de Grains Nobles accueille les participants qui sont le plus souvent des habitués, Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et Marie-Ange Gorbanevsky la réalisatrice d’un film « l’Âme du vin » qui l’a conduite à passer trois ans en Bourgogne et à recueillir les propos de nombreux vignerons dont Aubert de Villaine.

Aubert de Villaine présente le contexte du millésime 2016 : « la nature nous a causé du tracas ». L’année a eu deux visages. Un début d’année difficile, puis un printemps très difficile. Début avril il y a eu du beau temps mais le vent du nord a apporté le gel. Le 27 avril Echézeaux et Grands Echézeaux ont gelé à 90%. Le mauvais temps a continué et il a fallu lutter contre le mildiou et l’oïdium. La floraison ne s’est pas trop mal passée mais elle a duré trois semaines, ce qui a créé des hétérogénéités. A partir du 15 juillet il y a eu le deuxième visage de l’année avec un temps très beau jusqu’aux vendanges. Les orages du 15 août étaient nécessaires car il y avait une canicule. Deux pluies du début septembre ont apporté de l’humidité. La maturation a été très rapide à la fin. Le pinot noir a mûri très vite. On était prêt à vendanger dès le 15 septembre mais on a attendu et on a vendangé le Corton le 22 septembre. Les vendanges des rouges se sont poursuivies jusqu’au 30 septembre. Des 10% restants des Echézeaux et Grands Echézeaux on a obtenu des grappes qui ont fait des vins magnifiques qui seront gardés en magnums et seront « libérés » dans quelques années.

Aubert de Villaine estime que tout ce qui permet de faire de grands vins a été réuni en 2016. C’est ce que nous allons vérifier maintenant.

Aubert de Villaine, au siège de la société « Grains Nobles » a présenté le contexte du millésime 2016. Il considère 2016 comme un millésime solaire de belle maturité. Nous allons maintenant goûter les vins en commençant par deux exceptions. Les Echézeaux et Grands Echézeaux n’ayant pas été faits en 2016 du fait de la grêle, nous les goûtons sur le millésime 2007.

L’Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 a un nez superbe et franc. L’attaque est fraîche. Le vin est un peu léger mais vif. Aubert de Villaine dit que le nez très expressif annonce la qualité future de ce vin. Par le hasard du service je suis servi d’une deuxième bouteille meilleure et plus riche. Ce vin est très plaisant pour un millésime difficile. Il a un finale poivré. Je l’aime beaucoup.

Le Grands Echézeaux Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 a une couleur magnifique, assez claire d’un rose noble. Le nez est superbe et précis. Cela annonce un grand vin. La bouche est gourmande et joyeuse. Il a plus de densité que l’Echézeaux. J’adore car il a la jeunesse mais déjà une maturité qui le rend gourmand et gastronomique. Il est fluide et frais, au finale superbe.

Nous revenons au sujet du jour, les 2016 en commençant par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2016. Sa couleur est beaucoup plus foncée que celle des 2007. Le nez est très agréable. La bouche est suave. Le finale est précis avec un peu de salin. Il est jeune bien sûr mais grand et très doux. Il est d’une belle gourmandise et il évoluera en s’épanouissant. Il est racé. De mémoire, je ressens un saut qualitatif par rapport aux millésimes précédents de ce vin. Il prend de plus en plus le style du Domaine de la Romanée Conti.

La Romanée Saint-Vivant Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez très riche et puissant. Il est voluptueux, très agréable à boire. Il est salin, au finale très fort et à la belle persistance aromatique. Il est beaucoup plus profond que les précédents, vin élégant de beaucoup de charme. Il va devenir grandiose dans quelques années, avec sa douceur charmante et sa complexité noble.

Le Richebourg Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez intense et complexe. C’est un parfum. L’attaque est séduisante et généreuse. C’est vin massif et tannique. Bernard Burtschy dit qu’il est costaud, un peu réduit, évoquant le cuir. Il est riche, un peu fumé, c’est un guerrier. Il a une attaque douce et un corps d’athlète. Ce sera un grand vin.

La Tâche Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un nez d’un charme fou. La bouche est raffinée et son finale rebondit. C’est un vin noble et joyeux qui nous envoie des brassées de sourires. Il est joyeux et gourmand, magnifique de vivacité et très gourmand. Il a des évocations de poivre noir. Il se situe au-dessus des vins précédents.

La Romanée Conti Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2016 a un parfum incroyable, envoûtant, d’une force extrême. La bouche est très aérienne. La complexité est là, mais il faut la chercher car elle ne se veut pas évidente. Bernard Burtschy dit que c’est un vin déstabilisant. Il ajoute qu’il faut se laisser prendre par sa magie. Aubert de Villaine le dit évanescent, transparent, mais le vin s’anime et apparaît, frais et fluide. Il me fait la danse des sept voiles. Je ressens qu’il explosera de saveurs raffinées quand il aura vingt ans. Il s’anime à l’aération et le nez est fou. La bouche est folle elle aussi. Il y a une profondeur qui est hors norme et il suffit de goûter à nouveau le Richebourg et La Tâche pour sentir à quel point ce vin est d’un raffinement absolu.

Les 2016 rouges que nous avons bus sont d’une très grande qualité et Aubert de Villaine nous dit que le millésime 2016 sera le millésime le plus sous-estimé car il sera probablement plus grand que 2015, millésime encensé.

Le Montrachet Grand Cru Domaine de la Romanée Conti 2007 est servi car il n’y a pas de 2016. La grêle a permis à toute l’appellation de faire une très petite quantité qui a été vinifiée pour compte de tous les domaines par le Domaine Leflaive. Il ne sera pas commercialisé mais réparti entre les vignerons concernés. Le 2007 a déjà une couleur dorée qui s’explique par le léger botrytis que l’on ressent en bouche. Le nez est discret et la bouche est délicate. Ce n’est pas un vin tonitruant. Il a une belle matière mais pas de gras. Il est très subtil. Ses saveurs vont tous azimuts ce qui est assez exceptionnel. Aubert de Villaine le dit opulent mais je le trouve plutôt raffiné, jouant sur ses complexités. J’aime le raffinement de ses saveurs aériennes. Il a une belle acidité et de la fraîcheur. C’est un très grand vin.

Cette dégustation a été d’un niveau exceptionnel.

Selon la tradition nous nous retrouvons à quelques-uns à dîner dans la salle de restaurant de Grains Nobles, autour d’Aubert de Villaine, Bernard Burtschy et de Marie-Ange Gorbanevsky. La cuisine est très familiale avec des plats agréablement épicés. Le Champagne Cuvée des Caudalies de Sousa & Fils 1999 est du pur chardonnay de vignes de plus de cinquante ans, dégorgé en 2005. Il est très bien fait et de belle fraîcheur.

A côté de lui le Champagne Bollinger la Grande Année Bollinger 2002 se montre plus puissant, plus carré et cela est dû à la présence significative de pinot noir. Et les deux champagnes ne se combattent pas mais additionnent leurs talents, le de Sousa plus fluide et aérien, le Bollinger plus solide et incisif.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2002 est servi après la dégustation des vins jeunes de la Romanée Conti aussi le passage est assez difficile, mais le vin s’en sort bien, d’un classicisme de bon aloi.

Le Sandrone Valmaggiore Nebbiolo d’Alba 2004, bien que d’une extraction moins noble que le Corton, est plus adapté à ce dîner et au délicieux bœuf mariné de longues heures. Il est simple, d’une belle mâche et riche, sans souci.

Le Quart de Chaume domaine des Baumard 1997 est d’une belle couleur dorée et peut accompagner les beaux fromages mais aussi le dessert mêlant fruit de la passion et des fruits jaunes, rouges et noirs. Il est vif et gourmand, ensoleillé et généreux.

J’ai apporté un Coteaux du Layon Marcel Leconte 1959 et j’ai commis l’erreur de ne pas l’ouvrir avant la dégustation de la Romanée Conti, car il se présente bouchonné, sans trop d’influence sur le goût, ce qui me laisse penser qu’avec trois ou quatre heures d’aération il aurait perdu ce défaut.

Ce repas sympathique d’après la présentation des derniers vins de la Romanée Conti mis en bouteilles est un moment d’amitié qui ajoute au plaisir d’une des plus belles dégustations de vins jeunes qui soit.

la couleur de deux des vins, un 2007 et un 2016

le repas qui a suivi