dîner à l’hôtel des Roches jeudi, 17 mai 2007

Des amis viennent passer quelques jours dans le Sud invités par d’autres amis. Ils ont ensemble loué un catamaran pour leur séjour. La solution trouvée pour les rencontrer, c’est d’aller dîner à l’Hôtel des Roches à Aiguebelle lès Lavandou, les deux couples d’amis venant par la mer et nous par la terre. Ce qui donne l’opportunité de retrouver la belle cuisine de Matthias Dandine. Le personnel de l’hôtel a fait la navette entre leur bateau et la terre ferme et recommencera dans la nuit noire après le dîner.

Notre table domine la mer qui est fort agitée depuis plusieurs jours. Pour effacer tout goût salin que nos lèvres pourraient avoir gardé de l’exposition au vent marin, rien de tel qu’un Champagne Pol Roger extra cuvée réserve (non millésimé). Ce champagne joue son rôle mais je ne lui trouve pas une émotion infinie. Le reste du Champagne Dom Pérignon 1998 de la veille, que j’avais pris dans ma musette, montre un écart de séduction entre les deux champagnes, au profit du rescapé d’hier. Ceci semble indiquer que le Pol Roger est un champagne à faire vieillir, comme le Krug Grande Cuvée. Notre repas sera l’occasion de s’amuser à comparer trois vins de 1990. Voici le menu concocté par Matthias Dandine : amuse-bouches, brick à l’huître, langouste aux morilles, daurade aux beaux yeux en croûte de sel, fromages et macarons.

En face de nous, trois verres : Château Pibarnon Bandol 1990, Châteauneuf-du-Pape Le Vieux Télégraphe 1990, Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel 1990. Nous virevoltons, passant de l’un à l’autre avec un infini bonheur. Chaque vin a son espace de perfection par rapport aux deux autres. Le Bandol est vraiment fait pour la daurade, Le Vieux Télégraphe et le Beaucastel s’amusent sur la langouste. On pourrait bien sûr faire apparaître des écarts entre ces vins, mais à quoi bon. Ils sont riches, heureux, épanouis en bouche. N’est-ce pas cela qui compte.

Champagne et belote mercredi, 16 mai 2007

Des partenaires de belote méritent un magnum de Laurent Perrier Grand Siècle. Le champagne a gagné quelques mois de cave et s’arrondit fort agréablement. Un Dom Pérignon 1998 est aussi fort agréable, et il n’est nul besoin d’opposer ou de comparer les deux champagnes qui ont chacun leur charme propre. Il est assez agaçant de constater que ce sont les femmes qui gagnent.

Yquem et crustacé dimanche, 13 mai 2007

Un ami pêcheur et cuisinier m’avait parlé des saisons de pêche de chacun des fruits de mer que j’apprécie. Pour les cigalons, la saison est finie maintenant, mais pour les gros crustacés, elle commence. Un matin, j’ai sur mon portable le message suivant : "ça y est, j’en ai un gros. Quand viens-tu dans le Sud ?". Deux jours plus tard, j’ai un autre message : "j’en ai deux autres, il faut que tu viennes". Je réserve une table en subodorant de quel animal il s’agit. C’est celui dont la chair est la plus intense. Je prends dans ma valise un peu d’Yquem, et le jour dit, nous nous présentons, ma femme et moi. Nous nous trouvons face à trois belles bêtes que nous allons nous partager. L’homme étant généreux, ce ne sont pas moins de deux kilos de la chair de ce bel animal que nous allons déguster, plus une demie langouste pour chacun, afin de comparer les goûts.

La soirée commence  par le champagne Laurent Perrier Grand Siècle qui s’excite particulièrement sur le plus équilibré de tous les Pata Negra que notre ami a déjà découpés pour nous. L’entrée est un essai pour lequel mon avis est requis. Il y a des asperges vertes, une sauce composite très parfumée, de la roquette, de l’ail confit, du corail, de la chair d’araignée et un macaron à la lavande. Mon goût des vins anciens me porte à des plats simplifiés. J’explique donc que je verrais bien deux entrées dans cet ensemble. La première réunirait seulement la roquette, la chair d’araignée et le macaron à la lavande qui forme une continuité étonnante avec la chair du crabe, et l’autre entrée serait plus centrée sur l’asperge. Cela permettrait de profiter mieux du champagne qui joue avec ces saveurs en leur accordant un accueil généreux.

L’assiette qu’on nous apporte maintenant comprend deux demies cigales, l’une mâle et l’autre femelle. Les deux chairs sont très différentes. La chair du mâle est stricte, profonde, goûteuse mais droite comme un clergyman. La chair de la femelle est plus joyeuse, savoureuse. La cuisson exacte donne à ces chairs des « mâches » exquises. L’accord avec Château d’Yquem 1986 est absolument renversant. J’avais déjà essayé Yquem sur une cigale en un dîner à l’hôtel des Roches d’Aiguebelle où Matthias Dandine avait fait des prodiges. Bien que sachant le plaisir que cet accord donnerait, je le redécouvre comme si c’était une première fois. La première gorgée d’Yquem entraîne sur des pistes inviolées. On est pris comme par surprise par une explosion de saveurs aux douceurs infinies. Le vin de 1986 que je ne prise normalement pas tellement est exactement l’Yquem qu’il faut pour ces deux chairs. Ce qui étonne la femme de mon ami que je détourne des fourneaux, c’est que l’Yquem préserve intégralement la chair des cigales qui est mise en valeur, alors que le palais est fortement imprégné d’un vin sensuel et confortable comme le plus lascif des canapés. Chaque morceau de chair est l’occasion d’une nouvelle gorgée qui nous émerveille de plus en plus. La deuxième assiette comprend la troisième cigale, plus petite, et une demie langouste du même calibre. La comparaison est passionnante, car la cigale est beaucoup plus complexe, avec un spectre gustatif plus large, mais la langouste est rassurante, car son goût très pur est chaleureux. L’Yquem continue à nous ravir, imprimant au palais un message indélébile tout en jouant son rôle de faire-valoir de façon spectaculaire. Chaque gorgée surprend comme la belle rouge ou la belle bleue d’un feu d’artifice. Ce repas face à la mer que nous surplombons, dans une atmosphère amicale faite d’immense générosité, autour d’un crustacé que je vénère pour sa concentration de goût profond, fut un grand moment de gastronomie. Tout était sourire, nous étions bien.

L’entrée à la chair d’araignée et macaron à la lavande. L’arrivage des langoustes.

 

Les trois cigales. A droite cigale mâle et femelle.

 

Comparaison cigale et langouste. la preuve que l’Yquem 1986 est là !

 

conférence téléphonique (en anglais) samedi, 12 mai 2007

J’ai été approché par Rendy Resnick pour participer à une conférence téléphonique en anglais sur la notion de "vintage", et sur tous sujets qui concernent les vins anciens.

Cette conversation amicale avec des inconnus m’a beaucoup plu.

Voici le lien :

A écouter si le sujet des vins anciens vous intéresse.  Cliquer ici : conférence

http://x2z.eu/audouze_vintage.htm

dégustation de onze vins prestigieux de l’année 1949 samedi, 12 mai 2007

Alignement des bouteilles de la dégustation.

Les deux Cos d’Estournel 1949 aux étiquettes très peu lisibles, et les dux Cheval Blanc 1949 de deux origines distinctes.

Les deux étiquettes de Pétrus 1949 sont différentes. Quel casse-tête pour les experts. Le seul magnum de la soirée est celui de Lafleur 1949.

Délicieuse entrée avec un biscuit qui ressemble à s’y méprendre à une tranche de truffe. A droite, des plats comme en fait Alain Dutournier qui ne me parlent pas. Le patchwork des saveurs sans cohérence n’est pas aussi excitant que les plats simples que ce chef exécute à la perfection.

Ces deux plats, c’est du grand Dutournier.

Le compte-rendu est fait dans un autre message de ce jour. Beaucoup de commentaires sont faits sur cet événement.

Les vins de 1949 : Cheval Blanc, Lafleur, Pétrus, Mission Haut-Brion, Latour, Lafite-Rothschild, Mouton-Rothschild, Cos d’Estournel, Léoville-Barton, Gruaud-Larose et Hermitage La Chapelle Jaboulet.

onze vins de 1949 – le commentaire samedi, 12 mai 2007

Christie’s m’a transmis une invitation à me joindre à une dégustation de onze vins de l’année 1949 qui se tiendra au Carré des Feuillants. L’homme qui doit animer cette manifestation vendue très cher par une officine basée à Monaco est Dominique Fornage, un grand amateur d’Yquem que j’ai rencontré plusieurs fois à de grands repas à Yquem et que j’ai revu récemment à la grande verticale des Barolos Montfortino à Castiglione Falletto. Dominique fait des repas de prestige à côté desquels mes dîners pourraient passer pour d’aimables réunions Tupperware. Car si le plus vieux vins de mes dîners date de 1828, il faut remonter de près d’un siècle de plus pour le plus vieux des siens. Et l’on y trouve des raretés inestimables qui placent les budgets de ses manifestations à des niveaux stratosphériques. On sera ce soir à un niveau plus terrien pour les vins. Seul le budget que j’ai payé reste dans les hautes couches de l’atmosphère.

Nous sommes 32 pour deux bouteilles de chaque vin. C’est plus élevé que ce qui m’avait été annoncé à l’inscription puisqu’on parlait de quinze convives par bouteille. Ce critère est crucial pour apprécier la valeur de ce type d’événements.

La salle en sous-sol du Carré des Feuillants ne voit jamais le jour et nous sommes serrés comme des sardines. Nous n’avons que du pain pour recadrer notre palais. Nous allons boire onze vins et prendre des notes. C’est un peu sinistre car les vins appelleraient de la gastronomie. Je vais clore cette partie grincheuse avant d’aborder le positif de cette manifestation en signalant que les deux bouteilles de chaque vin ont été fusionnées dans des carafes à magnums. Pour moi c’est sacrilège, car si l’on homogénéise la qualité, on diminue forcément la qualité de la meilleure bouteille des deux, ce qui s’est vérifié par un drame. Dans la précipitation de cet important moment Dominique a dû oublier de sentir une bouteille bouchonnée. Et nous avons eu cette affreuse chose qu’une bouteille bouchonnée de Lafite Rothschild 1949 a détruit l’autre bouteille dans le mélange, donnant des deux une image polluée et empêchant de vérifier si Lafite 1949 fait partie des très grands.

Venons-en maintenant au moment intéressant, la dégustation magistralement dirigée par Dominique Fornage. Il y a autour de la table beaucoup de professionnels du vin et beaucoup de journalistes dégustateurs connus. Tout le monde sera studieux. Je retranscris ce que j’ai noté, avec, comme d’habitude, l’acceptation que je demande au lecteur des redites, raccourcis et redondances.

Château Cos d’Estournel 1949. La couleur est très pâle, à peine tuilée. Le nez est joli mais porte son âge. Il y a du pruneau, un peu de fruit rouge. Le nez est un peu amer et âgé, mais pas trop. En bouche, il y a une très belle attaque. Le fruit est un peu salé. C’est le sel qui domine. Il est un peu râpeux en final. Il n’est pas très long et cela ne ressemble pas à un très grand vin. Il y a de la cerise aigrelette, un peu d’astringence. Il serait mis en valeur par de la nourriture. Il a la sobriété de Cos, puis il commence à s’ouvrir, le fruit s’anime. Plus tard, le nez devient giboyeux.

Le Château Léoville Barton 1949 qui remplace le Montrose 1949 qui avait été annoncé et n’est pas venu (bon, je ne dis rien…) est toujours clair mais un peu plus rouge que le Cos. Le nez est plus franc, où l’alcool domine. En bouche, c’est du vin. Il y a aussi de la cerise mais elle est plus joyeuse. On sent l’alcool et une légère acidité. Ce vin manque un peu de structure. Il y a du fruit, mais il y a un manque d’ampleur. La longueur est assez moyenne mais ça se boit bien.

Il est à noter à ce stade que nous disposons de beaucoup de temps pour chaque vin. Alors bien sûr on s’intéresse à des aspects qu’en un dîner on ne remarquerait pas. Car ces vins sans nourriture dévoilent les défauts de leur cuirasse. Et la solitude face à la page blanche conduit à des commentaires que l’on ne ferait pas à table. Car nous sommes en présence de très grands vins. La froideur de la dégustation ne les avantage pas.

Le Château Gruaud Larose 1949 est d’un rouge beaucoup plus intense. C’est vraiment rouge. Le nez est vraiment un nez de vin. En bouche, c’est du vin. C’est pur, c’est beau, c’est équilibré. Il n’y a pas beaucoup de variété mais c’est franc. Il y a des points communs avec les deux précédents, l’astringence et le caractère salin propre à l’année. Mais là, c’est mieux, le vin est plus flatteur Il y a toutefois une acidité de fin de bouche, une astringence, une trace de poivre. Ce vin assèche la bouche.

Le Château Lafleur 1949 est le seul qui nous est offert en magnum, ce qui garantit l’homogénéité de ce que l’on boit. La couleur est belle, légèrement trouble, un peu tuilée. Le nez est très jeune. En bouche c’est torréfié, confiture, fruit confit. La densité est énorme. Il y a une plénitude du fruit en bouche. C’est un vin immense. Un voisin me signale le final mentholé. Il y a un léger défaut de « sur gras », mais c’est très grand. Il est très Pomerol. Quel dommage de ne pas le confronter à un plat. On note le fruit, le bois, le tabac. C’est une belle expérience et à ce moment j’écris : « là, je suis heureux d’être venu ». Le nez est ample, sexy, chaleureux. Je déguste ce vin.

Arrive Pétrus 1949. La couleur est magnifique. Le rouge est parfait. Le nez est manifestement bourguignon. Ça pinote ! En bouche, c’est complètement étonnant. Le côté bourguignon salé domine. Il y a tellement d’évocations. Il y a le côté salé strict, une certaine absence de fruit mais aussi le pruneau et évidemment la truffe de Pétrus. Etrangement, le charme de ce vin est fort. Il est très étonnant, un peu torréfié, cuit, café. Je ressens que c’est un vin qui a eu un coup de chaud. Mais plus ça va et plus le charme agit. Il prend de l’ampleur, il s’habille. Il est grand. Il est même très grand car il se livre dix fois plus. Il s’épanouit totalement. Il n’a pas le fruit de Lafleur mais il a une ampleur rare et une trace immense. Beau, sensuel, il justifie sa réputation.

Le Château Cheval Blanc 1949 est d’un rouge un peu plus foncé que Pétrus. Le nez est doucereux, charmeur, avec une légère trace d’alcool. En bouche, c’est le vin parfait qui a tout en lui. Il a la structure, l’équilibre, la joie de vivre, l’élégance. Il n’a pas du tout le côté Porto du 1947. C’est un vin remarquable. Tout y est dans ce vin. Le fruit est chaleureux et actif. Ce vin a tout pour lui. Je n’en écris pas plus, car j’en jouis.

Le Château la Mission Haut-Brion 1949 a un rouge dense. Le nez est un peu fumé. En bouche, c’est caramélisé. Je sens un vin qui a souffert. Très caramel, crème brûlée, truffe, torréfié. Ce vin appelle la truffe. Il plombe la bouche.

Le Château Lafite Rothschild 1949 est d’un rouge clair. Il est bouchonné !!! Une bouteille a pollué l’autre. Quel gâchis ! Le nez de bouchon s’estompe. En bouche on sent cette faiblesse même si elle est légère. Le final est plutôt amer. Le vin est insuffisant, l’acidité est trop forte. Il n’y a pas assez de densité. Le goût est altéré par le bouchon. Ce vin n’aurait pas dû figurer.

Le Château Latour 1949 a la couleur d’un beau vin rouge jeune. La couleur est un peu trouble. Le nez est exceptionnel de fruits rouges et roses. En bouche, c’est frais, ça glisse en bouche. C’est même léger. Mais quel vin ! C’est l’attaque en bouche qui est parfaite. C’est frais. C’est incroyablement fluide, ça surfe. La trace est belle. C’est un grand vin, un peu monolithique, montrant un soupçon de fatigue malgré la fluidité. Il a lui aussi un léger accent bourguignon. Il est encore un peu fermé et devrait s’ouvrir. C’est un très grand vin qui s’ouvre lentement. Il devient plus dense, plus construit, plus musclé. Au final c’est un très grand vin.

Le Château Mouton Rothschild 1949 a une couleur d’un rouge foncé. Le nez est d’une personnalité énorme. Il a une expression flamboyante. Il est marqué par la puissance. En bouche, c’est doucereux, soyeux, charmeur de façon infinie. Je note : « c’est sexy, bas résille ». Il y a un peu de fumé de café mais ce qui apparaît, c’est le charme absolu. Je note : « charme ! Passionnant, immense, je suis totalement séduit ».

Après la ronde de dix bordeaux, je fais mon classement : 1 – Cheval Blanc 1949, 2 – Mouton Rothschild 1949, 3 – Pétrus 1949, 4 – Latour 1949, 5 – Lafleur et Mission.

Mais il arrive parfois que des coups de poings vous étendent. L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet 1949 est de ceux-là. La couleur est d’un rouge clair allant vers l’orangé. Le nez est très doucereux, plus macaron. En bouche, c’est la sensualité lascive, les canapés profonds. Il existe un parfum qui s’appelle « après l’amour ». J’appellerais ce vin « avant l’amour », car c’est une invitation à l’amour. Il y a un équilibre entre l’acidité, la rondeur et la douceur. C’est le vin qui m’inspire cette remarque odieusement sexiste : « c’est un vin qui donne de l’esprit aux femmes ». Il est à placer au dessus des dix bordeaux.

Il est temps de bavarder de commenter nos moments d’émotion car il y en eut de grands. Je vide quelques fonds de carafes avec des amateurs avides comme moi. Cette dégustation est suivie d’un dîner aux vins beaucoup plus simples : un Puligny-Montrachet « les Pucelles » J. Boillot 1999 qui a bien du mal à retenir l’attention après ces merveilles et un honnête Château Clinet 1990 qui eût brillé en d’autres circonstances. Le menu est un kaléidoscope : l’asperge verte de Pertuis, truffe en coulis, œuf en coque d’asperges / homard bleu tiède, royale coraillée, nougatine d’ail doux / tendron fondant de veau de lait, morilles, artichauts violets / fougeru briard travaillé à la truffe / fraises des bois andalouses, macaron à la rose et litchis dans leur gelée. Il est très net que le talent d’Alain Dutournier est cent fois plus à l’aise sur la cuisine bourgeoise aux goûts coordonnés que sur les inventions aux goûts additionnés.

Cette manifestation eût été beaucoup plus convaincante si au lieu de nous faire traiter onze vins prestigieux comme des élèves sommeliers ou élèves journalistes on avait demandé à l’immense talent d’Alain Dutournier de nous concocter un repas prestigieux qui eût mis en valeur les aptitudes gastronomiques de ces grands vins. C’eût été possible. L’exercice, tel qu’il fut fait, à quelques défauts près, méritait qu’on s’y intéresse. J’en ai un souvenir heureux.

déjeuner au restaurant « les Ronchons » jeudi, 10 mai 2007

Le restaurant "les Ronchons" est quai de la Tournelle, une trentaine de mètres après la Tour d’Argent. J’y ai retrouvé Vincent Bouvet, auteur d’un livre passionnant :

"Un Siecle de Gastronomie et d’Hotellerie en Mayenne"

Je repère dans la carte un vin annoncé "Grand Cru". Je demande au patron s’il en est sûr. L’étiquette n’a aucune mention de Grand Cru. Mais le patron mérite bien le nom de son restaurant ! Il va chercher un guide et nous le montre :

 

Corton "Le Rognet" de Chevalier Père & Fils 1986 qui, malgré le livre, ne justifie pas de l’appellation Grand Cru en Corton.

 

Un pied de porc et une joue de boeuf puisque nous parlions de l’histoire de la gastronomie. Qu’y a-t-il de plus français que cela ?

Le patron nous a offert un armagnac parce que nous avons sympathisé.

Agréable petit restaurant sans prétention mais efficace.

Voici une des folies de Vincent Bouvet :

 Quelqu’un qui construit un ferry-boat dans son jardin ne peut qu’être sympathique à mes yeux !

deux bourgognes au bistrot du sommelier mercredi, 9 mai 2007

Jean Philippe Durand, mon ami cuisinier d’immense talent veut m’offrir pour mon anniversaire Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux Louis Latour 1943.

Démarrage sur Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1993.

 

Des plats roboratifs de cuisine simple.

 

Merveille des merveilles, Romanée Saint-Vivant marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1997.

Le Boeuf Couronné, souvenirs et cholestérol mardi, 8 mai 2007

Nicolas Sarkozy ayant cité cent fois Jaurès, il s’ouvrait un boulevard vers la victoire. C’est le boulevard que j’ai suivi, pour me ressourcer au Boeuf Couronné (188 av Jean Jaurès).

J’ai fait un rapide calcul. Ayant travaillé 40 ans au moins, avec 250 jours par an, cela fait environ 10.000 déjeuners possibles pendant mon expérience professionnelle. Si l’on me disait qu’il y en a mille au Boeuf Couronné, je ne serais pas forcément étonné. Car travaillant à La Courneuve, puis à Aubervilliers, puis à Garges lès Gonesse, le Boeuf était le plus proche des restaurants possibles.

J’ai même hésité à le racheter quand les propriétaires depuis 3 générations ont eu envie de céder et m’en ont parlé. Mais le 19ème n’est pas le quartier où l’on ouvre des vins rares.

Depuis au moins trois ans je n’y avais pas mis les pieds. La nouvelle direction s’installait, avec de grosses hésitations.

J’y reviens, et je vois Christine tout sourire qui m’embrasse affectueusement. Nous parlons du bon temps.

Je vais passer ma commande en fonction des vins. Comme depuis toujours il y a des vins vraiment moyens et une ou deux pépites. Je commande Mouton-Rothschild, mais le mouton a dû être mangé par un loup avide car on me répond qu’il n’est plus là. On me propose des solutions alternatives, qui sont mi-chèvre mi-loup.

Je décide donc que ce sera Dom Pérignon 1998.

Pour me rappeler le bon vieux temps et me souvenir des centaines de kilos que le Boeuf Couronné ajoutait à mon tour de taille, j’ai pris l’os à moelle. Et j’ai pris le pavé des mandataires, dans le coeur de filet avec les pommes soufflées, qui sont l’article 1 de la constitution du bon mangeur.

L’os à moelle du Boeuf, c’est un monument. On devrait ajouter au plat la présence d’un docteur qui pourrait à tout instant faire une piqûre de survie. Car de la moelle, y en a, et y a que ça (cf Tontons Flingueurs). Avec du gros sel, ça concerne. Et le Dom Pérignon là-dessus s’amuse comme un collégien.

La chair du filet de boeuf est précise et exactement cuite. La béarnaise n’est pas nécessaire tant la chair se suffit. J’ai eu droit à deux services de pommes soufflées, délicieux bonbons et le plus sûr médicament contre la morosité.

Là dessus, le Dom Pérignon fait un peu le snob, pour montrer qu’il vaut mieux que ces nourritures d’équarrisseur. Mais il est suffisamment poli pour que ça passe très bien.

Christine était toute attention, donnant à l’endroit le rayon de soleil indispensable. Et moi, déjeunant seul, car mon emploi du temps le voulait ainsi, j’ai vu réapparaître mille souvenirs de ce lieu que j’ai connu quand les halles étaient encore à la Villette, avec les tabliers blancs au comptoir, rouges de sang, puis comme entrepreneur quand mille contrats, projets, associations, rachats se sont négociés ici. Et une petite larme est venue au coin de mes yeux, tant la nostalgie est un bonheur premier.

Un sabayon aux agrumes est assez banal à côté des piliers incontournables de cette belle maison.

Amis du cholestérol, c’est au Boeuf Couronné qu’il faut impérativement aller.

L’os à moelle est premier ministre

Le coeur de filet de boeuf est ministre de l’intérieur,

et les pommes soufflées sont le ministre de l’identité nationale.

Malgré une carte des vins sans aucun intérêt, il faut aller à ce lieu de tous les souvenirs d’une gastronomie antédiluvienne mais chère au coeur de la France du solide manger.