dîner d’amis du 6 avril – mes vins vendredi, 6 avril 2007

Ce sera un dîner à vins partagés. Voici les miens :

 

J’ai mis Smith Haut Lafitte 1947 parce que j’ai une grande sympathie pour la famille Cathiard, qui fait beaucoup pour garder le haut niveau de ce vin.

 

J’ai plusieurs vins comme ce Charmes Chambertin Joseph Drouhin 1947. On voit que la capsule, même entartrée, a joué son rôle. L’étiquette est attaquée, mais saine. Je sens que ce vin sera grand.

 

Le vieillissement de la capsule de ce Mouton-Rothschild 1945 me plait beaucoup. Tout ceci parait absolument authentique.

 

 Cet Yquem 1891 "dans son jus" m’inspire énormément, car je préfère dix fois ces bouteilles à bouchon d’origine. Le goût sera plus pur.

J’attends de mes amis d’autres bouteilles d’exception. J’ouvrirai l’ensemble des bouteilles le 6 avril à 17 heures.

The engine is ready to start ! vendredi, 6 avril 2007

My American friend who is a collector and with whom I share the same way to approach wine, with no excess, is now in Paris, and all the bottles he brought for his tour in Bordeaux after Paris arrived safe.

He will have six dinners in a row in Bordeaux, with people who count in the Bordeaux wine world, and I will join him for his sixth night for a private final dinner with our wines in Bordeaux.

But the beginning of the tour is in Paris, tonight by Guy Savoy, and we will share bottles provided by him and me.

Pol Roger 1921

Salon 1982

Laville Haut-Brion 1945

Smith Haut-Lafitte red 1947

Mouton-Rothschild 1945

Lafite-Rothschild 1868

Charmes Chambertin Joseph Drouhin 1947

Vouvray Le Haut Lieu Huet 1947

Yquem 1891

I will be with my son and my son in law and a friend of mine (without bottle provided). He will be with his son. He provides the Pol Roger 1921, the Laville 1945, the Lafite 1868, the Huet 1947.
At 5 pm I will open the wines according to the "Audouze method".
It should be a great moment.
Notes will surely be made !

dîner du 6 avril – mon ami américain arrive jeudi, 5 avril 2007

L’ami américain avec lequel nous allons partager des bouteilles historiques est arrivé à Paris. Il dépose dès sa sortie d’avion, chez Guy Savoy, les bouteilles de notre dîner. Mais il en a beaucoup d’autres du même calibre, car le programme de toute la prochaine semaine qu’il va passer à Bordeaux est assez exceptionnel. Il tiendra six dîners de suite avec tous les vignerons qui comptent dans le ciel de Bordeaux. Je le rejoindrai sur place pour le dernier.

Je lui rends visite pour un salut de bienvenue à l’hôtel Ritz. Quand je m’annonce à 13 heures précises au concierge, je sens qu’il doit dormir encore, du fait du décalage horaire. Cela me donne le temps d’admirer cet hôtel unique où le plus grand luxe semble naturel. La profusion de richesses fait plaisir à voir. La destiner seulement à des étrangers, n’est-ce pas le statut par essence d’une colonie ?

Pendant que je l’attends, j’ai le bonheur de découvrir cette rare bouteille.

Après avoir relancé au moins cinq fois la demande d’une bouteille d’eau minérale, indicateur sensible de la qualité du service, nous déjeunons au bar du Ritz de façon frugale. Les salades composées sont absolument délicieuses. Un champagne Laurent Perrier Grand Siècle à la couleur de miel est fort agréable pour que nous nous racontions nos aventures depuis notre dernière rencontre au Mandarin Oriental à San Francisco et cet inoubliable cristal Roederer 1949 au charme insensé.

Ils vont faire une sieste, je retourne au bureau. Demain, de grandes aventures nous attendent.

défendu d’en laisser mercredi, 4 avril 2007

J’ai dans ma cave ce Chateau Bel Air :

 

Ce vin doit dater de 1847 / 1848.

Le vin, puisque la bouteille est pleine, est totalement dépigmenté. Toute la couleur est tombée au fond.

Je ne le boirai donc jamais.

J’ai trahi le commandement donné et gravé sur la bouteille : "défendu d’en laisser".

160 ans de retard, c’est impardonnable.

Club des Professionnels du Vin lundi, 2 avril 2007

Le Club des Professionnels du Vin est un rendez-vous semestriel incontournable. Au Pavillon Dauphine, des vignerons de qualité font goûter leurs vins à la presse, aux sommeliers, aux cavistes et à tous professionnels du vin. C’est l’occasion pour moi de rencontrer des vignerons que j’apprécie. Denis Garret, nouveau directeur de cette organisation et fidèle de l’académie des vins anciens a invité beaucoup d’académiciens que je retrouve avec plaisir. Etre accueilli au premier stand par Dom Ruinart, cela donne le ton de la manifestation. Alors que d’habitude je butine, serrant des mains et bavardant comme le ferait un candidat à la présidentielle, je passe un peu plus de temps aujourd’hui à explorer des vins.

Le Champagne Alfred Gratien cuvée Paradis dégage une légèreté en bouche qui est extrêmement convaincante. L’intemporelle champagne 2002 de Mailly a une densité qui m’enchante. Les champagnes Bonnaire dont le Champagne Bonnaire « boisé » que l’on goûtera à déjeuner sont aussi plaisants et typés.

Philippe Blanck me fait goûter ses Riesling Sclossberg Paul Blanck 2002 et 2004 et je suis conquis par la qualité de ses vins chaleureux comme l’homme l’est. Le Chassagne Montrachet Louis Jadot 2004 est vraiment typé Chassagne, dans la ligne des extraordinaires blancs de cette maison. Sourire au lèvres, Alphonse Mellot évoque la mémorable soirée que nous avions passée ensemble autour d’une cuisine alsacienne chez un ami, et je goûte Génération XIX Alphonse Mellot 2005 Sancerre ainsi que d’autres de ses grands vins, qui montrent que le Sancerre peut aller à des niveaux de précision élevés.

Je trouve avec amusement que l’on expose un Château de Ricaud Premières Côtes de Bordeaux dont l’étiquette porte le même château que celui de l’étiquette du Loupiac 1924 de Ricaud qui a brillé à l’académie des vins anciens.

De sympathiques et joyeux vignerons m’accueillent pour faire goûter un Nuits Saint-Georges « aux perdrix » quasi monopole Devillard 2004 et un Mercurey Château de Chamirey Devillard 2004 en blanc et en rouge qui donnent raison à l’adage voulant que les vins ressemblent à ceux qui les ont faits. Ces souriants et dynamiques vignerons ont fait des merveilles.

Au déjeuner prévu pour la presse un magnum de Moët & Chandon 1973 est d’un nez et d’un charme parfaits, encore supérieurs à ceux de la même bouteille dans le même format qui fut présenté à l’académie des vins anciens. Je retrouve Pierre Narboni propriétaire du Château Peyrat-Fourton en Haut-Médoc, qui me fit l’honneur d’assister à une récente séance de l’académie.

Le petit coup de cœur de tous les vins servis à profusion, c’est le vin d’Arbois 1996 en magnum des domaines Rolet, d’une persistance aromatique inimitable.

Denis Garret avait retenu à dîner plusieurs vignerons à la générosité incroyable. Etre accueilli par un magnum de champagne de Venoge 1978, ça marque. Car ce champagne subtil, léger, porte bien son âge de façon fringante. Un Chablis Brocard 2002 en magnum calme toutes les soifs.

Souvenir, souvenir, je bois avec émotion un Côtes de Roussillon Village Cazes en double magnum 1989, car j’ai fait plusieurs dîners professionnels avec ce même vin dans la même année et le même format, dans mon passé industriel. Un Rivesaltes Arnaud de Villeneuve 1982 ambré me rappelle les talents de cette belle région et un magnifique armagnac Folle blanche Boignières 1980 commenté au débotté avec talent par un sommelier présent aurait pu être la plus brillante des conclusions si l’on ne m’avait tendu, au moment où je voulais m’éclipser, une coupe de Dom Pérignon 1999. Il est des départs plus tristes.

Ce salon fort compétent et sérieux rassemble de grands vignerons. Si on lui ajoute cette convivialité, c’est une réussite de plus. Cerise sur le gâteau, j’ai revu avec bonheur deux très grands sommeliers avec qui j’apprécie de déguster, Dominique Laporte, meilleur sommelier de France 2004 et MOF 2004 (meilleur ouvrier de France), qui m’a aidé lors de dîners de wine-dinners de sa compétence, et Andreas Larsson, meilleur sommelier d’Europe 2004, qui prépare le concours de meilleur sommelier du monde, avec lequel j’avais participé à un jury de champagnes et à de grandes dégustations. Etant assis face à face, nous nous sommes amusés à boire ensemble quelques vins à l’aveugle. Que cet ami si titré annonce un Hermitage 1991 pour un Crozes Hermitage 2005 montre à quel point la science du vin n’est pas une science exacte. Longue vie à ce salon qui se tiendra à Paris à nouveau le 15 octobre.

une phénoménale surprise de 1921 dimanche, 1 avril 2007

Déjeuner chez ma fille cadette. Mon gendre a attrapé la maladie de l’achat de vin, et comme un pêcheur fier, il me montre ses dernières prises. Le repas se fera avec Château Lynch Bages 1982 qui paraît généreux et riche dès l’ouverture du bouchon. A table, c’est son opulence qui est évidente. Une légère amertume de fin de bouche limite un peu la longueur, mais c’est objectivement un vin de grand plaisir.

Mon fils devant déjeuner le lendemain à la maison, je descends en cave pour trouver un vin original. Dans un coin sombre, je prélève une bouteille sans étiquette, soufflée main et au cul profond, dont la capsule m’indique que ce doit être vieux. Le niveau élevé, en haut d’épaule, touchant presque le goulot, me fait plaisir. Une épaisse couche de poussière collée au verre interdit d’en savoir plus. Il fait trop sombre pour lire la capsule. Je remonte le vin.

Avec une loupe, je peux lire sur la capsule d’un jaune entre or et citron « Clos-Batailley, Bounin Propriétaire ». Et humectant le verre sous la capsule, je lis distinctement sur le bouchon 1921. Ce doit être un Pauillac, si je me fie au nom. Pour la côte de bœuf prévue par ma femme, cela me semble bien.

Le lendemain matin à 10 heures, j’ouvre la bouteille. Le bouchon est sain. Il se fractionne en quelques morceaux, mais j’ai l’habitude. Ma femme m’ayant dit qu’elle devinait une couleur plutôt pâle à travers la poussière du verre, j’avais peur que la première odeur trahisse un vin dépigmenté. Je sens. C’est une odeur confiturée, solaire, chaleureuse. Je suis tellement dans mon idée de vin rouge que je me mets à penser : « tiens, ça, ce n’est pas fréquent. On va voir ». Je n’ai pas d’autre interrogation. La surprise n’a pas entamé mes hypothèses premières.

Nous passons à table et je sers le vin. La nappe de notre table ayant des couleurs d’un rouge assez foncé, le vin paraît rouge, tendant vers le porto. Je vérifie quand même sur un fond que crée ma serviette blanche et là, pas de doute, c’est un liquoreux. Au nez, c’est évidemment liquoreux. Au premier contact en bouche, je m’interroge, là où mon fils a plus de certitudes. C’est tellement puissant que je suis dérouté. Il y a tous les fruits confits que l’on trouve dans les sauternes, une délicieuse trace de poivre. Nous sommes ravis. Car même si nous ne savons pas encore, c’est un vin d’un charme redoutable. Je me mets à évoquer des Premières Côtes de Bordeaux, des Langoiran ou autres vins de ce calibre, tout en trouvant que ce vin a plus de puissance, se situant plus au niveau des sauternes. Si l’on disait que c’est Rayne-Vigneau, ou Suduiraut ou Lafaurie-Peyraguey, cela n’étonnerait personne. Alors que nous finissions un délicat feuilleté au jambon, dont la saveur légèrement sucrée s’accordait à merveille au Clos Batailley, je décide d’aller chercher sur le web de quoi il s’agit, car j’avais lu sur le bouchon : « Targon (Gironde) ». La carte m’indique que l’on est dans l’Entre-deux-Mers et qu’on y fait des vins moelleux. C’est donc un moelleux de l’Entre-deux-Mers que nous buvons. Si les vignerons de Targon savaient qu’on y fait des vins de cette stature, ils cesseraient de les vendre, pour les garder 86 ans. Utopique bien sûr.

Sur la côte de bœuf, l’effet n’est pas du même métal (ou du même quadrupède plutôt). Il suffit de goûter l’un sans penser à l’autre, et cela ne diminue en rien le plaisir de ce vin immense dont nous conviendrons qu’il n’a pas l’ombre d’un défaut. Il aura traversé 86 ans sans aucun accident de cave, sachant garder son niveau et ne prendre aucune maladie. Un vin tout à fait exemplaire.

Je me souviens du Climens 1929 bu à l’Astrance qui fait partie de l’Olympe des liquoreux que j’ai bus. On ne peut évidemment pas mettre ce Clos Batailley au même niveau de qualité. Mais je suis sûr que dans l’échelle des plaisirs, on est tout proche, car prendre en cave un vin rouge très ancien pour honorer mon fils, et trouver un liquoreux délicieux comme personne ne pourrait l’imaginer, c’est pour moi le triomphe de ma façon de collectionner le vin : savoir accueillir le prince de sang et le passant sans-papiers. Cette bouteille n’en avait pas. Quel bonheur nous a-t-elle donné !

 

visites du blog en mars : quel bonheur ! dimanche, 1 avril 2007

Statistiques du blog pour mars 2007

Avec 35000 visites, mais surtout 5.180 heures passées sur le blog par des internautes, je suis assez content, car cela prouve que les récits, les photos et les archives suscitent de l’intérêt.

C’est une forte motivation pour continuer.

blog : www.academiedesvinsanciens.org

 

mois :

  03/2007

par mois

par jour

par visite

visites du blog

35 387

1 142

accès pages

220 677

7 119

6,24

succès

342 413

11 046

9,68

durée (en minutes)

8:47:00

Visiteur : une série d’occurrences sur le site par un visiteur particulier pendant une période spécifique.

Accès pages : une demande au serveur Web par le navigateur d’un visiteur pour une page Web quelconque; cela exclut les images, javascripts et les autres types de fichiers généralement intégrés.

Succès : toute demande d’un navigateur de visiteur à un serveur Web.

Le printemps samedi, 31 mars 2007

Ce matin les fleurs de lilas commencent à ressembler à des échographies de fœtus. Les petits membres vont se définir. Les feuilles ont un vert pâle enfantin, tout en douceur, et les fleurs sont des promesses de bonheur.

Au dessus de ma tête, deux geais volètent. L’un arrache une petite branche morte pendant que l’autre saute de branche en branche. Une fois la branche prise, ce ne seront que sauts nerveux pour qu’on ne puisse pas soupçonner l’endroit où le geai menuisier va construire le futur nid.

Rien n’est plus naturel, rien n’est plus fascinant.

Chaque année un monde merveilleux s’anime avec une précision horlogère et une mission : la perpétuation de l’équilibre du vivant.

Je rêve que l’homme puisse freiner sa machine à accélérer le temps et convenir que suivre le rythme de la nature, y compris dans la fabrication du vin, est plus un travail de bénédictin, au pouls réglé sur l’éternité, qu’un travail d’ingénieur, qui voudrait avoir fini avant d’avoir commencé.

A question on the eBob (Robert Parker) forum samedi, 31 mars 2007

Very frequently, the same question is asked : "What are you guys drinking THIS weekend????"

Here is my answer on the forum :

 

For lunch today : Lynch Bages 1982. Very generous, fruity, more opulent that the memory I had of this wine opened by my brother in law, as we visited our last daughter who waits for a baby.

 

Tomorrow, we will have our son alone at home, who brings his son to stay with us.

I will open a Clos Batailley 1921. No label, very precise name on the capsule with "Bonnin propriétaire", and the year clearly readable through the glass.

The bottle is hand blown with a deep bottom.

Fantastic fill (top shoulder). I expect a lot from this wine.

Académie des vins anciens – 5ème séance – le récit jeudi, 29 mars 2007

La cinquième séance de l’académie des vins anciens se tient dans l’enceinte du Cercle Suédois de Paris. J’arrive à 16 heures pour ouvrir les bouteilles. La directrice que j’avais connue il y a quelques mois avec le ventre comme un obus tient maintenant serré contre elle un joli bébé sage qui se promène sur son ventre dans tous les endroits que nous devons explorer pour l’ordonnancement du dîner. Le caractère familial et convivial du cercle m’a conquis et toute l’équipe a fait preuve d’une implication remarquable. La merveilleuse salle à manger, qui surplombe de ses grandes fenêtres le jardin des Tuileries est la petite cousine de la prestigieuse et historique suite Salvador Dali de l’hôtel Meurice où se tint le cinquantième dîner de wine-dinners.

Les apports des 32 académiciens correspondent, en comptant les magnums pour deux bouteilles, à 45 bouteilles de vin. Les champagnes étant ouverts au dernier moment, c’est environ 35 bouchons qu’il me faut ouvrir maintenant. Un des plus fidèles parmi les fidèles vient heureusement me porter secours. Il doit maudire ma maniaquerie, car je suis d’une exigence assez intolérante. Il y a dans le groupe de bouteilles de vrais trésors, comme on le verra dans le récit, mais il y a aussi des vins qui proviennent de caves qui ont stressé les bouchons, ce qui impose de grandes précautions. Deux bouchons glissent lentement dans le vin sans espoir que la chute fût stoppée. D’autres paraissaient bien malades. Si l’ouverture des vins se faisait au moment où l’on est à table, comme cela se passe au restaurant, près d’un tiers des bouteilles auraient été jugées impropres. Grâce à l’ouverture de nombreuses heures avant, presque toutes les bouteilles ont revécu, nous offrant des plaisirs extrêmes. C’est le pouvoir de l’oxygène lent.

L’apéritif se prend debout dans l’accueillant bar à la décoration « club ». Nous goûtons le champagne Léon Camuzet, le classique champagne de Vertus de ma famille, qui plaît toujours autant à notre groupe, alors que le champagne Besserat de Bellefon non millésimé a un léger défaut de bouchon. Un magnum de champagne Delamotte 1985 montre la rectitude des blancs de blancs de Mesnil-sur-Oger. Sa jeunesse est remarquable.

Nous nous rendons dans la salle à manger pour le dîner dont le programme est le suivant : trois petites variations sur le thème du saumon / saumon mariné à l’aneth servi avec sa sauce à la moutarde / terrine de poulet / faux filet de bœuf, pommes de terre au four et beurre béarnaise / fromages de Bernard Antony / tarte aux pommes. La diversité des vins ne permettait pas de recherche culinaire. Le cuisinier s’en est honorablement sorti.

Les vins sont répartis en deux groupes, pour deux tables sur quatre. Voici ce qui s’est bu, dans l’ordre de service :

Groupe 1 : 1 – champagne Besserat de Bellefon ss A – 2 – Champagne Delamotte en magnum 1985 – 3 – Champagne Bonnaire blanc de blancs 1985 – 4 – Champagne Moët & Chandon 1973 en magnum – 5 – Sancerre Gitton Blanc Galinot 1982 – 6 – Sancerre Gitton Blanc Les Romains 1976 – 7 – Hermitage blanc Chante-Alouette Chapoutier 1955 – 8 – Meursault Charmes Maison Bichot 1933  – 9 – Pommard Château de Pommard 1978 – 10 – Franc Clos des Jacobins 1921 – 11 – Richebourg Charles Noëllat 1942 – 12 – Bourgogne Clos du Roi 1933 – 13 – Château Fontaine Montaiguillon Saint Georges Saint Emilion 1964 – 14 – Château La Pointe Pomerol 1953 – 15 – Château Pavie Decesses 1966 – 16 – Château Chasse Spleen 1961 – 17 – Vray Canon Boyer Vacher 1947 – 18 – Vega Sicilia Unico 1948 – 19 – Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 1983 – 20 – Gewurztraminer vendanges tardives (sec) Hugel 1964 – 21 – Chateau de RICAUD 1924 Sauternes – 22 – Apéritif Dubonnet environ 50 ans d’âge – 23 – Champagne Ruinart en magnum ss A.

Groupe 2 : 1 – champagne Léon Camuzet ss A – 2 – Champagne Delamotte en magnum 1985 – 3 – Champagne Bonnaire blanc de blancs 1985 – 4 – Champagne Moët & Chandon 1973 en magnum – 5 – Champagne Mumm 1969 – 6 – Champagne Alfred Gratien 1953, crémant , niveau LB – 7 – Sancerre Gitton Blanc Galinot 1982 – 8 – Sancerre Gitton Blanc Les Romains 1976 – 9 – Château Carbonnieux (blanc) 1965 – 10 – Riesling Grand Cru Rangen de Thann 1990 Zind Humbrecht – 11 – Chateau de Bensse 1933 Médoc – 12 – Frontaillac 1935 (rouge) H. Cuvelier et fils – 13 – Château La Pointe Pomerol 1945 – 14 – Château La Grace Dieu Les Menuts 1961 – 15 – Auxey-Duresses Bégin-Colnet 1967 – 16 – Beaune-Cent-Vignes Jessiaume Père & fils 1949  – 17 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970 – 18 – Chateauneuf du Pape 1977 – 19 – Anjou rosé moelleux domaine de Bablut 1966  – 20 – Riesling Vendanges Tardives Hugel 1981 – 21 – Jurançon, mise Nicolas 1929 (niveau TLB)  – 22 – Apéritif Dubonnet environ 50 ans d’âge – 23 – Champagne Ruinart en magnum ss A.

La lecture de ces deux listes montre toute la générosité des membres. Etant dans le groupe 1, je vais donner mon avis sur quelques vins, qui déborde souvent dans le groupe 2 car plusieurs académiciens, fiers de leurs apports, voulaient recueillir mon avis.

Le Champagne Bonnaire blanc de blancs 1985 servi à table est vraiment à mon goût, car contrairement à la belle jeunesse du Delamotte de la même année, celui-ci a déjà commencé sa prise de maturité. Ma voisine parle de caramel. Il y a de jolies évocations de citron vert et de fruits confits. C’est un champagne élégant plein de charme. A sa suite, le Champagne Moët & Chandon 1973 en magnum dégorgé en 2005 fait un peu plus dosé, mais c’est une illusion. Belle précision de trame, un peu moins de longueur que le Bonnaire, mais une grandeur plaisante qui se marie bien à la terrine de saumon. Le Champagne Alfred Gratien 1953, Crémant, que l’on me tend de l’autre table est absolument passionnant, l’âge lui donnant une expressivité convaincante.

Le Sancerre Gitton Blanc Galinot 1982 a un nez comme j’en ai rarement rencontré. Quasi irrespirable à l’ouverture, il évoque encore après quelques heures le pétrole avec une minéralité toute en démesure. Mais en bouche le vin est agréable, serein, sans grande complexité mais une belle joie de vivre. Le Sancerre Gitton Blanc Les Romains 1976 m’évoque instantanément la crevette grise. Ce vin « est » crevette grise. La minéralité du nez est plus acceptable. Le vin est plus typé. C’est un sancerre très intéressant à découvrir.

On me tend furtivement un verre de Château Carbonnieux blanc 1965 manifestement fatigué alors que le Carbonnieux blanc est taillé pour l’histoire, et un verre de Riesling Grand Cru Rangen de Thann 1990 Zind Humbrecht qui est absolument archétypal. Une leçon de vin.

Avec l’Hermitage blanc Chante-Alouette Chapoutier 1955 je me pâme. Et la plus jeune académicienne, passionnée par les évocations de l’histoire humaine que représentent ces vins, est dans le même état que moi. J’avais ouvert ce vin en décembre pour un dîner de vignerons et amateurs, et je l’avais trouvé superbe. Il est ici éblouissant, car il n’est pas envisageable d’imaginer un arôme ou une saveur, sans qu’on ne puisse le ou la trouver dans ce vin d’une expressivité absolue. Le Meursault Charmes Maison Bichot 1933  est plus fatigué que l’Hermitage, mais il raconte aussi beaucoup de belles histoires. Ces deux vins ont en commun un pouvoir d’évocation remarquable. Et c’est toute l’histoire de la vigne qui se raconte, avec les croquenots lourds de glaise des vignerons qui auscultent la vigne et les ceps riches de grappes dorées que des pieds tenaces vont fouler dans les cuves.

Ce rêve nostalgique est presque brisé par le retour sur terre que crée le Pommard Château de Pommard 1978, bien plein mais prévisible. Joli vin, bien sûr mais ouf, nous repartons avec la machine à remonter le temps vers le cacique, le Franc Clos des Jacobins 1921. Le niveau était fort bas mais l’odeur prometteuse. C’est un vin qui se présente comme un témoignage, comme un grimoire. On le lit derrière un voile de tulle. Et l’on imagine assez bien toute la délicatesse de ce Saint-émilion charmant.

Le Chateau de Bensse 1933 Médoc est beaucoup plus ingambe. Ce vin que je ne connais pas, au nez qui m’avait plu, mérite un intérêt certain, car c’est l’enfant timide qui récite son poème et le raconte avec une voix douce mais juste.

J’avais pris force précautions pour expliquer que le Richebourg Charles Noëllat 1942 que j’avais choisi et découvert dépigmenté au moment de l’emballage des bouteilles, était mort. Il ne faut évidemment pas s’attendre à un Richebourg flamboyant. Mais quand on est prévenu, alors que l’odeur est avenante et sucrée, on prend contact avec un vin buvable, bégayant un discours audible au milieu de ses blessures.

Trompettes sonnez, car le Bourgogne Clos du Roi 1933 est éblouissant. Vin de négoce sans aucune indication d’origine, à la capsule bleue comme le dos d’un martin-pêcheur, ce vin est la joie de vivre la plus belle. Il a du coffre, de la personnalité, et son soyeux, son velours sont du pur bonheur.

Le Château Fontaine Montaiguillon Saint Georges Saint Emilion 1964, vin inconnu que j’ai pris dans ma cave est beaucoup plus structuré que je ne l’imaginais. Très plaisant, au nez droit dans ses bottes. On m’apportait tant de vins à goûter de toutes les tables que je n’ai plus le souvenir de ce Château La Pointe Pomerol 1953 parce que l’on me faisait suivre l’évolution du Château La Pointe 1945 dont le bouchon avait glissé, post mortem au moment de son apparition sur table, mais dont la dernière goutte qu’on m’apporta, largement plus tard, avait, contre toute attente, ressuscité.

Le Château Pavie Decesses 1966 est le jeune fiancé futur gendre idéal. En plein épanouissement il va encore progresser. Le Château Chasse Spleen 1961 au niveau assez bas n’a presque aucune faiblesse. Il est un beau témoin de sa miraculeuse année. Le Vray Canon Boyer Vacher 1947 que j’avais choisi en cave en raison d’une particularité, d’être commercialisé par la maison Bichot représentée à l’académie par un des plus fidèles participants, est un vin magnifique, aussi jeune sinon plus que le 1961.

Mais force est de reconnaître que c’est le Vega Sicilia Unico 1948 qui bourre les urnes. C’est avec un score de république bananière qu’on va le désigner comme le roi de tous les rouges que nous avons bus. Même La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970, dont j’ai pu une fois de plus mesurer les problèmes de bouchon, n’a pas pu damer le pion à l’espagnol. Grande bouteille d’un domaine que j’adore, mais le Vega Sicilia, à la plénitude absolue et une richesse en bouche extrême, a trop de charme épanoui. Il est impérial.

Les verres s’accumulant sur ma table, j’ai peu de souvenir du Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 1983, car mon esprit était accaparé par le splendide Gewurztraminer vendanges tardives Hugel 1964 que Jean Hugel m’avait annoncé comme ayant évolué vers des notes sèches. Son nez à l’ouverture était le plus joyeux de tous avec celui du vin qui va suivre. En bouche, je le trouve d’une noblesse rare, plus généreux que sec, avec un distinction, une politesse de ton et une longueur qui ravissent tous les palais. C’est un grand vin. Très loin du Riesling 1915 bu à l’académie, mais un beau grand vin.

Mon chouchou avant d’entamer la séance d’ouverture, c’était le Chateau de Ricaud 1924 Haut-Loupiac apporté par un académicien, à la couleur d’or beaucoup plus belle que celle du Jurançon 1929 qui avait évolué vers le thé. Et le parfum du Ricaud en remontrerait à beaucoup de sauternes. En bouche, c’est une joie de vivre certaine et une longueur que les Loupiac ne trouvent que lorsqu’ils ont dépassé l’âge de la retraite à la SNCF. Je livre à ceux qui ne croient pas aux caprices du destin le fait qu’une académicienne s’est inscrite sans connaître la présence de ce vin offert par un autre académicien. Elle s’appelle de Ricaud et ce château a appartenu à ses lointains ancêtres. Ce ne fut pas la seule coïncidence de ce dîner.

Un académicien gagné par une folie qui ressemble à la mienne sortit de sa musette un apéritif Dubonnet d’environ 50 ans d’âge que nous avons goûté sur la tarte aux pommes. Délicieux vin doux aux accents de rancio qui calme les ardeurs de ses parfums fous par la maturité qu’il a acquise. On ne voulait pas se quitter tant l’atmosphère était à la liesse aussi un fort opportun Champagne Ruinart en magnum non millésimé délia, s’il en était besoin, les langues d’une assemblée qui vivait un moment important.

Jamais notre assemblée n’a été aussi jeune, joyeuse, heureuse et consciente de vivre un de ces instants magiques où l’on sait que l’on côtoie des saveurs qui ne se reproduiront plus. Tard dans la nuit, le sourire aux lèvres, nous pouvions égrener le chapelet de millésimes mythiques que notre mémoire reconnaîtra.