Archives de catégorie : vins et vignerons

dîner au Bristol avec un grand Clos Saint-Denis vendredi, 7 décembre 2012

Bipin Desai, grand collectionneur américain fait son voyage traditionnel en France autour de Thanksgiving. Je suis en charge pour la douzième année consécutive d’organiser un dîner avec des vignerons amis. A peine arrivé de son avion, Bipin me rejoint pour un dîner à deux au restaurant de l’hôtel Bristol. Le restaurant gastronomique s’appelle Epicure et a pris ses quartiers non pas d’hiver mais de toutes saisons dans ce qui était naguère la salle à manger d’été. Notre table est tournée vers le jardin avec une vue sur l’imposant sapin de Noël dont on se demande comment il a pu arriver dans cette cour fermée, tant sa hauteur est impressionnante. Malgré la cheminée et d’amusants canapés profonds, on est loin de la classe de la salle lambrissée de la salle à manger d’hiver.

Etant arrivé en avance, Marco Pelletier, chef sommelier m’offre un verre de Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2004. C’est fou comme l’année 2004 est confortable. Il ajoute des petits amuse-bouche d’une dextérité extrême et d’un goût qui donne envie d’applaudir le talent du chef. Le champagne est riche, goûteux, crémeux à souhait. On en boirait sans s’arrêter tant il appelle la gourmandise, et, comme dirait Pierre-Emmanuel Taittinger, l’amour, mais pour ce dîner, ce n’est pas au programme.

Choisir dans la carte des vins extrêmement complète du Bristol est un exercice difficile pour deux raisons : elle est copieuse, donc longue à appréhender et par ailleurs on cherche en vain de bonnes pioches, tant les prix sont élevés. Nous avons partagé avec Bipin la note de restaurant, aussi quand il a proposé le vin rouge, j’ai acquiescé, mais jamais je n’aurais pris ce vin à ce prix si j’avais été seul décideur. Par chance il est exceptionnel.

Le menu que j’ai choisi est : châtaignes de mer en coque, langues et écume d’oursin, fine brouillade d’œuf de poule / demi-portion de macaronis farcis truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan / lièvre à la royale, ravioles de topinambour, céleri et châtaignes au raifort.

Disons-le tout de suite, celui qui a illuminé ce repas, c’est Marco Pelletier. Il nous a conseillés, a expliqué les vins d’une manière qui est celle d’un très grand sommelier. Il nous connaît tous les deux aussi sommes-nous en terrain de connaissance. Il a été remarquable. Pour l’oursin, j’ai suggéré un champagne de Diebolt-Vallois puis l’idée m’est venue de prendre un vin de Philippe Foreau. L’idée a plu a Marco qui a proposé un Vouvray sec Clos Naudin Foreau 2010. L’oursin est goûteux et le vouvray, même sec a suffisamment de douceur pour répondre à la douceur sucrée de l’oursin. Le vin est charmeur, très complexe dans ses arpèges de saveurs. Il y a des fruits blancs, une acidité d’une justesse rare. Ce n’est pas un vin encore abouti, mais c’est exactement ce qui convient aussi bien à l’oursin qu’à la brouillade.

Le vin suivant est le Clos Saint-Denis domaine Dujac 1996. Servi dans des verres aux pentes très recourbées vers le centre, le vin exhale des parfums à se damner. Qui pourrait résister à une telle tentation. C’est d’abord un bouquet de fleurs que l’on jette à mes narines. C’est ensuite un tombereau de fruits mûrs et une élégance qui me prend comme au lasso. Ce parfum est diabolique et vraiment, je pense que certains sommeliers ont l’art d’apporter un vin dans un état de perfection que je me sentirais bien incapable de trouver. La bouche est moins tonitruante que le nez. Le vin est grand, avec un équilibre entre les jolis fruits frais, l’acidité, les tannins et avec une élégance extrême. Ne cherchons pas le passage en force, car tout ici est en séduction. Avec le macaroni, l’accord est une évidence. On pourrait imaginer que ce vin sans biscotos subirait en se soumettant au choc du lièvre, mais pas du tout. Il s’adapte et ne perd rien de son message. Bipin a commandé un fromage et un dessert. Je ne l’ai pas suivi, car demain est autre jour.

La cuisine est de grande dextérité. J’ai choisi le lièvre à la royale car j’avais le souvenir qu’Eric Fréchon faisait l’un des tout meilleurs de Paris. Je n’ai pas retrouvé l’étincelle de génie de la dernière expérience, même si c’est très bon. Il faudrait que l’on m’explique si c’est ce que l’on apprend en école hôtelière, mais je remarque de plus en plus souvent qu’à partir du début du troisième tiers du repas, les serveurs sont aux abonnés absents. Un serveur est capable de traverser quinze fois la salle sans jamais remarquer ce qui s’y passe et si une table a un besoin. J’ai éprouvé cela au Meurice, au Lasserre et ici ce soir, mais pas que là. Un convive ferait comme dans un match de foot la traversée de la salle tout nu, il est à peu près sûr que les dix serveurs présents ne remarqueraient rien. Et ce ne sont pas les trois seuls restaurants dans ce cas. Il y a une sorte de trou noir au moment du dessert, comme si le client n’avait plus besoin de rien, ce qui rend inutile de regarder autour de soi. Cette remarque est à la marge, car le héros du jour, c’est Marco Pelletier, d’une justesse de conseils absolument remarquable.

déjeuner de rêve chez Veuve Clicquot mercredi, 5 décembre 2012

La demeure de réception de la maison de champagne Veuve Clicquot est au centre de Reims. C’est un bel hôtel particulier récemment restauré, décoré avec beaucoup de goût, avec un délicat mélange entre classicisme et modernisme et d’audacieux choix de couleurs judicieuses. Je suis reçu par Fabienne Moreau qui est la mémoire de Veuve Clicquot, gardienne de l’histoire. Nous sommes rejoints par Dominique de Marville, l’homme qui fait Veuve Clicquot. On nous verse un verre de Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2004, champagne chaleureux d’une année qui va compter dans l’histoire. C’est assez rare qu’un champagne aussi jeune puisse être aussi décontracté, facile à vivre, tout en étant riche et enveloppé. Nous gardons nos verres à la main pour visiter les caves de l’hôtel du Marc. Dominique me dit : "ici c’est la cave du jour" et mon rire éclate quand je vois une pile imposante de Bouzy 1943. Je lui réponds : "c’est vrai que boire du Bouzy 1943 c’est ce qu’on fait tous les jours". Nous allons ensuite dans la cave aux trésors. Dominique me montre des reliques et j’estime que c’est le moment opportun de lui parler du vin que j’ai apporté. C’est un Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934. Dominique réagit avec classe et décide que nous boirons un Veuve Clicquot 1934. Je vois une bouteille de la Baltique identique à celle que j’ai acquise. Nous visitons aussi la cave des rouges, mis en cave pour des repas au château.

Nous remontons de cave et j’ouvre le vin que j’ai apporté en montrant ma méthode, même si elle n’est pas de grande utilité dans une maison où l’on boit surtout du champagne. Le nez du vin est un bouquet explosif de saveurs où la noix existe mais pas seulement elle.

Nous passons à la magnifique et spacieuse salle à manger. Elle est lambrissée mais les lambris ont été peints en noir avec des filets dorés. La table est noire, ce qui met en valeur la verrerie. Les fleurs sur la table sont jaunes et dorées. On sent l’intention de recréer les couleurs de Veuve Clicquot, avec élégance.

Le menu mis au point par le chef Laurent Beuve est : homard breton, pomme de terre à la fourchette, crémeux truffes noires / pigeon fermier, légumes d’hiver, jus court réglissé / comtés de divers affinages / douceur vanille et noix, caramel beurre salé.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage 2004 est plus strict, plus droit, moins opulent que la Grande Dame (je parle ici de champagne, évidemment). Mais il est aussi très pénétrant. Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé magnum 1975 est d’une énergie à couper le souffle et je suis d’ailleurs assez impressionné par la qualité de présentation de ces champagnes. Est-ce le fait de jouer sur leurs terres, sans avoir jamais voyagé qui leur donne cette force, cette énergie et cette conviction ? C’est assez spectaculaire. Ce rosé est élégant, de grande classe et la qualité du pigeon est telle que cela le propulse à des hauteurs rares. C’est un rosé de grande valeur et je ne suis pas sûr que si j’en avais un en cave, il arriverait à atteindre ce niveau. C’est le jus court que l’on prend seul sur la pointe du couteau qui donne un coup de fouet magistral au 1975.

Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée 1980 est une bombe olfactive. Il est brillantissime, conquérant, renversant toute résistance à sa séduction. La couleur du Champagne Veuve Clicquot carte d’Or 1934 est ambrée. Le nez est délicat. On voit tout de suite qu’il aurait été meilleur s’il avait été ouvert quelques heures auparavant. Et nous allons assister, avec un plaisir pour moi sans cesse renouvelé, à l’influence qu’a le vin du Jura sur le champagne. Lorsque l’on boit le délicieux et pénétrant Vin Blanc Vieux d’Arlay Bourdy 1934 puis juste après le champagne 1934, celui-ci grimpe de trois échelons dans l’échelle de Richter du plaisir. Le champagne gomme tous ses défauts et devient brillant, joyeux avec la profondeur de la trame d’un champagne ancien noble. Le vin blanc est profond, typé, à la longueur rare et les deux compagnons dont les couleurs sont proches s’entendent comme deux brigands qui préparent un gros coup. Inutile de dire que la joie est à son comble.

Dominique pressent que le Champagne Veuve Clicquot Vintage Rich 2002 surdosé n’aurait pas sa place à cet instant. Il a raison, car même si je suis à l’écoute de ce champagne, les deux 1934 ont trop d’attrait pour qu’on s’y intéresse. Nous avons eu une discussion passionnante avec le chef qui a goûté avec nous et avec le maître d’hôtel les deux vins de 78 ans.

De ce magnifique déjeuner, un champagne sort du lot, c’est le 1980 glorieux et pénétrant. Je mettrai ensuite au même niveau le rosé 1975 et les deux compères de 1934.

Les discussions furent riches, la cuisine est d’un très haut niveau. L’ambiance créée par Dominique est directe et amicale. Après une visite des impressionnantes archives je suis reparti, heureux de ce grand moment de communion. Et, ça ne s’invente pas, ma femme savait que j’étais à Reims mais ne savait pas ce que j’y faisais. Au dîner, un omble chevalier au riz rouge a permis de finir les restes des deux 1934 que j’avais rapportés. Prolongation de l’extase, la vie est belle !

l’hôtel

la cave

le champagne, apparemment, craint la chaleur des chaudières (en version bilingue)

le vin de la Baltique

les deux 1934

la belle salle à manger

le jeu de couleurs des champagnes et des fleurs est d’une grâce extrême (le 1980, le 1934 et le Jura 1934)

le chef

le chocolat VCP

Grand Tasting – Les Ateliers Gourmets mardi, 4 décembre 2012

Les Ateliers Gourmets sont proposés en même temps que les Master Class aussi est-ce difficile parfois d’arbitrer. J’ai assisté à deux d’entre eux.

A ma gauche, Philippe Mille le brillant chef des Crayères. Il va affronter trois poids lourds à ma droite, le Champagne Alexandre Penet Grande Réserve non dosé, le Champagne Gonet-Médeville Blanc de Noirs sans année et le Château Phélan-Ségur 2005. Le combat promet d’être acharné. Philippe assène un coup fatal, un foie gras à la truffe de Champagne et un carpaccio de langoustine aux agrumes. Le Champagne Penet est à mon goût trop strict, trop extrême, sans la moindre once de concession, mais le carpaccio l’apprivoise. Le Champagne Gonet est beaucoup plus sociable et consensuel. Si le carpaccio est du domaine des champagnes, le foie gras trouve dans le Phélan-Ségur le plus beau des sparring-partners. L’accord est d’une pertinence rare. Le chef a confirmé son talent et mis en valeur un bordeaux racé.

Le second atelier met en présence le chef Pierre Rigothier du restaurant Baudelaire à l’hôtel Burgundy et le Moulin à Vent du Château de Moulin à Vent 2010 servi en magnum. Le combat est plus équilibré et Philippe a choisi l’arme la plus efficace qui soit : un dos de chevreuil de chasse française, céleri, marmelade de myrtilles au café. Il se passe alors quelque chose de passionnant. Si l’on prend la chair seule du gibier, douce à souhait, l’accord avec le pénétrant beaujolais est naturel. Si l’on ajoute au chevreuil la marmelade, le vin est excité et l’accord est grand. On prend ensuite un peu du céleri, qui calme le palais et donne une furieuse envie de recommencer chevreuil et myrtille. Le vin est généreux, l’accord est superbe, et le tremplin créé par le céleri est une heureuse excitation. Cet accord est de toute beauté. Bravo au chef et au vigneron.

Grand Tasting – visite de quelques stands mardi, 4 décembre 2012

Le Grand Tasting ce n’est pas que les Master Class, racontées dans les deux bulletins précédents. C’est d’abord les centaines de stands de vignerons. Je ne me livre pas à une exploration programmée ou systématique. C’est plutôt du butinage. Le Champagne Grand Cru Confidence J.L. Vergnon 2007 m’a été suggéré par un de ses confrères, ce qui est généreux. J’aime beaucoup ce champagne. Je bois tous les champagnes Agrapart présentés, le Terroirs, le Minéral 2006, le Vénus et Expérience 07. Ce sont de remarquables champagnes faits par un vigneron de qualité. Un pinot gris du domaine Paul Blanck est superbe. Moët & Chandon fait goûter son Grand Vintage Collection 1993 qui profite bien de ses presque 20 ans. Le Champagne Cuvée Joséphine Joseph Perrier 2004 accompagne mon casse-croûte. C’est un champagne élégant mais aussi gourmand. Et c’est le Château La Tour Blanche 2009 qui accompagne mon dessert. Ce sauternes d’une année miraculeuse promet. Le Champagne Gosset Grand Millésime 2004 est de très belle facture. Le Champagne Veuve Clicquot rosé 1989 est superbe.

Au stand d’Hervé Bizeul je peux goûter La Petite Sibérie 2004 de belle maturité et qui montre que ce vin vieillit bien et plus tard le 2005 d’un équilibre remarquable. Ce vin joue dans la cour des grands.

Sur les conseils de Michel Bettane, je vais goûter un vin italien parmi les dizaines et dizaines de vins présents. Il s’agit d’un Brunello di Montalcino Stella di Campalto 2007 d’une rare finesse.

Sur le stand de Pibarnon, je peux goûter le 2001 et le 1995 qui démontrent avec éclat que ce vin vieillit bien. Au stand Philipponnat, je goûte le Clos des Goisses blanc 1999 qui me ravit toujours autant. Au stand Duval-Leroy j’ai le plaisir de bavarder avec la dynamique propriétaire de ce beau champagne, Carol Duval-Leroy, tout en goûtant un sympathique 2004. En plus de ceux dégustés à la Master Class, je bois le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2002 qui est une incontestable réussite. Au stand de Villa Ponciago qui jouxte le stand de Bouchard, c’est Thomas Henriot lui-même qui me sert le Fleurie La Roche Muriers Villa Ponciago 2010 qui est joyeux et épanoui et réconcilie s’il en était besoin avec le beaujolais.

Au stand Trapet Jean-Louis Trapet me fait goûter le Chambertin Trapet 2010 qui ne joue pas sur la puissance mais sur la finesse. Il faut avoir le courage de l’attendre, car il promet beaucoup. Sa subtilité est à signaler.

Au stand Roederer, le Champagne Cristal Roederer 2004 se boit bien, conforme à cette belle année. Au stand de l’Aumérade, Le Côtes de provence Dame de Piegros Aumérade 2010 est un vin ensoleillé qui me fait rêver de cigales. Le stand Bollinger est tellement pris d’assaut que je reste à distance, rejoint par Jérôme Philipon, président de Bollinger, et nous bavardons avec Benoît Gouez, le chef de cave de Moët & Chandon de sujets de champagnes. Je remarquerai comme ici que beaucoup de responsables importants de domaines célèbres sont venus sur ce salon pour marquer leur attachement à cette manifestation.

Un moment fort du Grand Tasting, c’est la dégustation cocktail organisée par idealwine, le site de cotation et de ventes aux enchères de vin le plus connu en France. Un Champagne rosé Bollinger brut est servi en jéroboam et le format lui convient bien. Le Wehlener Sonnenuhr Riesling Auslese J. J. Prüm 2007 est un régal de précision comme tous les vins de cette belle maison. Le Chevalier-Montrachet Les Demoiselles Louis Latour 1999 est très agréable, mais je pense plus à bavarde avec des amateurs présents qu’à analyser ce vin. La Petite Sibérie d’Hervé Bizeul 2008 est superbe de jeunesse et d’enthousiasme. Je n’ai pas bu plus d’un cinquième de ce qui était proposé. C’est un moment fort du Grand Tasting.

Grand Tasting – Master Class « la ‘futurothèque’ Taittinger Comtes de Champagne » lundi, 3 décembre 2012

La quatrième Master Class à la quelle j’assiste est : "la ‘futurothèque’ Taittinger Comtes de Champagne". L’idée est de présenter, non pas des millésimes déjà faits, mais les millésimes du futur. Ce travail d’examen des vins en cours d’élaboration est celui des œnologues. Par cet exercice, Pierre Emmanuel Taittinger et Damien Le Sueur veulent nous associer au travail qui est fait au sein de leur maison. Les quatre vins qui vont être bus ont été dégorgés en décembre 2011 et tous dosés de la même façon que le dernier commercialisé, le 2004, à 9 grammes. Ce dosage pour cet exercice ne sera pas le dosage définitif des vins. Le choix sera fait au moment de la commercialisation.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2004 arrive tout juste sur le marché. Il est d’une année exubérante au rendement très élevé. La couleur est déjà d’un or léger. Le nez est intense et élégant. En bouche, ce qui marque, c’est l’élégance et le raffinement. On sent une grande tension et des fruits distingués.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2005 n’est pas encore sur le marché. Il a un joli nez et on sent un peu le dosage. Je m’en ouvre à Damien Le Sueur qui indique qu’il est plus que probable que le dosage définitif sera inférieur à 9 grammes. Ce vin a les qualité du blanc de blancs mais il est un peu pataud et cela tient sans doute au dosage. Il est élégant, frais, au final poivré.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2006 a un nez un peu lacté. L’attaque est très franche. Il est un peu foufou. La personnalité n’est pas encore très affirmée. Le final est un peu plus court et la tension est faible. On sent plus de pâtisserie. Il a une expression de craie, et n’a pas la même énergie que les précédents.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2007 a un nez encore plus lacté. Lorsqu’on le tourne fort dans le verre, le nez devient plus noble. Ce vin a plus de fruits confits et le dosage pèse. Il est assez joyeux et on le boit bien dans cette jeunesse. Il va probablement se fermer puis se rouvrir. Ce sera un grand champagne.

Si cette expérience est intellectuellement ludique, je ne crois pas qu’elle intéresse beaucoup les amateurs, car pourquoi juger un vin qui n’est pas encore définitif ? Il vaut beaucoup mieux s’imprégner des vins "réels".

Pierre-Emmanuel Taittinger est toujours aussi brillant et communique une joie de vivre qui est celle de ses champagnes.

Le Grand Tasting, ce n’est pas que les Master Class. Nous en parlerons dans le prochain bulletin.

Grand Tasting – Master Class « L’excellence partagée des Primum Familiae Vini » dimanche, 2 décembre 2012

La deuxième Master Class du Grand Tasting à laquelle j’assiste est : "L’excellence partagée des Primum Familiae Vini". Il s’agit de grandes familles du vin qui se sont réunies dans une association internationale pour promouvoir l’excellence, la transmission familiale et d’autres valeurs morales et éthiques. Beaucoup de vignerons prestigieux de ce groupe son venus en personne : Philippine de Rothschild, alors que son fils est présent pour présenter son vin et Pablo Alvarez, propriétaire de Vega Sicilia, alors que son collaborateur direct Javier Ausas présente son vin.

Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2000 est présenté par Michel Bettane. Le nez est très pur. L’approche est très vineuse et de dosage faible. Il est très expressif, au final très gourmand. Sa rémanence en bouche est extrême et son élégance est marquante. C’est un vin charnu, gourmand, avec des évocations de fruits confits.

Le Scharzhofberger Riesling Kabinett Egon-Müller 2011 est d’une couleur très blanche. Le nez offre de multiples fruits blancs et du citron. Il est superbe en bouche, très bonbon anglais. On sent le litchi et le citron. Le final est joli, mais le vin est très jeune. Michel Bettane parle de sucre et de sel.

Le Beaune Clos des Mouches blanc Joseph Drouhin 2008 est présenté par Frédéric Drouhin. Il est très gourmand et mis en valeur par le vin précédent. Je ressens du citron, kumquat, poivre et des fruits blancs. Il a un côté bonbon acidulé, mais pas le bonbon anglais comme l’Egon-Müller. Il est riche et goûteux, gras et frais, avec une grande fraîcheur en finale. Frédéric Drouhin parle de poivre blanc pour qualifier le poivre que j’avais ressenti.

Le Sassicaia rouge Tenuta San Guido 2009 a un nez de velours. Il passe difficilement après les blancs. Il a beaucoup de poivre. Il est très agréable à boire car il a un grand équilibre. Il a beaucoup de tannins, mais avec un joli velours. Il est un peu sucré. Le final est végétal, de feuille de cassis. Le vin est gourmand, puissant, avec trop de bois à mon goût, car on sature très vite. C’est Michel Rolland qui fait maintenant ce "Super-Toscan" comme on l’appelle depuis les années 70.

Le Solaia Antinori 2001est, selon Michel Bettane, la réponse d’Antinori à la famille de Sassicaia. Le nez est fort, annonçant un haut niveau d’alcool. C’est un grand vin mais trop fort pour moi. Il y a des tannins, des fruits noirs. C’est un vin guerrier. Son final assèche. Il mange les joues et les gencives.

Le Grans Muralles Torres 2007 est présenté par Cristina Torres. Le nez riche est très fort. Là aussi, on sent le bois ! En bouche le vin est charmeur, puissant, conquérant, voire envahissant. Il est trop fort pour mon goût. Il est quand même gourmand, au fruit généreux. C’est un grand vin qui mériterait vingt ans de plus, car il promet, du fait de son élégance.

Le Château Mouton-Rothschild 2004 est présenté par Julien de Beaumarchais de Rothschild, rejoint peu après par sa mère Philippine de Rothschild. Le nez est très élégant. La bouche est très élégante mais paraît discrète après cette profusion de vins surboisés. Ce que l’on retient, c’est l’élégance. Il est équilibré mais fait quand même un peu court après les bombes italiennes. Il a malgré tout une belle personnalité.

Le Chateauneuf-du-Pape Hommage à Jacques Perrin domaine de Beaucastel 2000 est présenté par François Perrin. Il a un nez pénétrant très intense. La bouche est élégante. Les fruits sont curieux. Il y a de la grenade et du litchi au milieu des cassis. C’est un vin très original, voire atypique. J’aime bien. Le final est en douceur. Ce vin est curieux et troublant par la présence de ce litchi inhabituel.

Le Vega Sicilia Unico 2003 est présenté par Javier Ausas qui parle avec flamme du domaine de Pablo Alvarez présent. Ce vin n’est pas encore mis en bouteille et sera commercialisé en 2013. Le nez est à tomber par terre. C’est un parfum. C’est un nez de fruits délicats et cohérents. En bouche, il est l’élégance la plus raffinée. Quel vin ! Son final est mentholé. C’est un vin phénoménal, d’une pureté absolue.

Le Gewurztraminer Vendange Tardive Hugel 2007 a un nez d’une pureté extrême. Le vin est doux et d’une fraîcheur sans pareille. C’est un vin gourmand à la longueur incroyable. Il a des fruits blancs comme le litchi et une fraîcheur absolue.

Le Graham’s Vintage Port magnum 1994 appartient à la famille Symington. Le nez est discret et très élégant. L’attaque est élégante. On sent un pruneau trempé dans un alcool fin. Le vin est élégant à la finale fraîche. C’est un vin traître car il est d’un charme redoutable. On dirait qu’on croque les raisins secs. Ce doit être un grand partenaire de gastronomie. J’imagine volontiers un lièvre à la royale.

Cette présentation est de très grande qualité et les vignerons sont des gens passionnants. Pour mon goût personnel, trois vins lors de cette présentation se sont montrés sous un jour exceptionnel, le Vega Sicilia Unico, le Gewurztraminer et le Porto Graham’s. Ce qui ne veut pas dire que les autres ont démérité, comme le Mouton, le Pol Roger et le Beaune. Seuls les italiens et le catalan sont difficiles pour moi. Un très grand moment de ce Grand Tasting.

Grand Tasting – Master Class « Le Génie du Vin » dimanche, 2 décembre 2012

La troisième Master Class à laquelle j’assiste est le point culminant de cette manifestation, qui s’intitule "le Génie du Vin". Comme pour la précédente Master Class, un tel événement ne serait pas possible sans l’amitié qui lie les vignerons présents avec Michel Bettane et Thierry Desseauve.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2000 est d’un jaune d’or déjà joli. Le nez est discret. L’attaque est très belle. La bulle est active mais sans agressivité. Le charme est extrême et l’élégance est rare. C’est le meilleur des Clos du Mesnil 2000 que j’ai bus. Il y a des fruits jaunes et du lacté, le tout étant en nuances.

Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 est présenté par Christophe Bouchard. Le nez est très puissant et on note encore un peu de soufre. L’attaque est très généreuse. Le vin est très noble, avec du poivre, du tabac et du citron confit. Le vin est opulent, avec une belle tension et une belle acidité. Il est extrêmement plaisant, gourmand grâce à son équilibre. Michel Bettane insiste sur la réussite de ce vin dans un millésime difficile pour les blancs. La race et la subtilité de ce vin me plaisent.

Le Beaune 1er cru Clos des Fèves Chanson Père & Fils 2009 est présenté par Jean Pierre Confuron qui indique que son domaine appartient à Bollinger depuis 1999. Le nom "Fèves" veut dire "hêtres". Le vin est d’un joli rouge clair. Le nez est de feuille de cassis, assez rêche, sans aucune opulence. La bouche est un peu sévère, puritaine, mais intéressante. Le vin est rêche, asséchant mais j’aime son authenticité car il ne cherche pas à séduire. Le vin recherche l’élégance, la retenue. Il sera très brillant dans vingt ans. La vinification en grappes entières explique le goût râpeux et promet un vin de longue garde. C’est un vin très bien fait, élégant, net et pur que l’on boira avec bonheur dans vingt ans.

Le Château Palmer 1989 est présenté par Thomas Duroux. Il a un nez à se damner, d’une race extrême et d’une grande force de conviction. La bouche est moins opulente que le nez. Le final est un peu court. Je suis un peu étonné qu’il ne soit pas plus tonitruant, car c’est une grande réussite de Palmer. Thomas Duroux dit qu’il estime que 1989 aura plus d’avenir que 1990. Thierry Desseauve parle de suavité et de toucher de bouche. Il se pourrait que j’aie eu une bouteille plus fermée que d’autres.

La Côte Rôtie La Turque Guigal 2005 est présentée par Marcel Guigal. Il nous dit que lorsque l’on plante des piquets en terre et qu’on attache une planche transversale, on parle d’une turque. Il pense que ce pourrait être l’explication que personne ne connait vraiment. Je croyais qu’il s’agissait de la forme de l’ombre que crée le soleil sur la parcelle, celle d’un croissant qui avait suscité ce nom. Le nez du vin est d’une richesse folle, de cassis et de poivre. L’attaque est très belle, et la finale est gourmande. Il y a beaucoup de tannins. Il y a une belle richesse joyeuse et une fraîcheur mentholée. Son élégance est extrême.

Le Château de Pibarnon Bandol 1998 nous est servi en mathusalem. Les participants fort nombreux ont tous la même bouteille à boire. Eric de Saint-Victor présente ce vin au nez très discret mais chaleureux, de grande douceur. Le vin a une attaque très ensoleillée et son final est beau. Le vin tannique est généreux et de belle matière. Il est élégant et un peu râpeux. C’est un vin très agréable. Michel Bettane parle de la noblesse du mourvèdre. C’est un très beau vin de gastronomie, de belle richesse en bouche qui va bien vieillir.

Le Vega Sicilia Unico 1994 est présenté par Javier Ausas en la présence de Pablo Alvarez qui comprend assez mal le français. Sa présence est une grande preuve d’amitié pour les animateurs du Grand Tasting. Le vin a un très joli nez et une attaque noble de grand vin. Pour une fois, je préfère le Guigal, car le Vega est vineux. Le Guigal est dans le fruit et le Vega est plus dans le bois, ce qui est plutôt inhabituel. Michel Bettane me dira plus tard qu’il a eu une bouteille meilleure que la mienne, d’après mes descriptions. Le Vega est plus pénétrant que la Turque, mais je préfère celle-ci.

Le Vouvray Clos Naudin 1989 est présenté par Philippe Foreau, le magicien du vouvray. Le nez est d’une grande pureté, avec de la mangue confite, du coing, de l’orange et du zeste d’orange. La couleur est magnifiquement dorée. Ce vin profond, lourd, pénétrant est du pur plaisir. Philippe Foreau parle de silex, de truffe, de coing et de noyau de datte. C’est surtout la fraîcheur du final qui est confondante. L’acidité donne de l’énergie au vin très gastronomique.

Cette présentation de vins immenses est certainement un des plus grands moments de toutes les manifestations publiques sur le vin.

Grand Tasting – Master Class « Le Génie de Meursault » dimanche, 2 décembre 2012

La 7ème session du Grand Tasting, dirigé par Michel Bettane et Thierry Desseauve, se tient au Carrousel du Louvre. Il y a de très nombreux stands de vignerons où l’on peut goûter leurs productions récentes et parfois une bouteille un peu exceptionnelle et il y a des "Master Class" à thèmes, des séances de l’Ecole des Terroirs, et des ateliers gourmets.

La foule est nombreuse, fait la queue à l’entrée, fait de même pour le vestiaire et pour les stands où l’o, se restaure, d’huîtres, de cochonnailles, de fromages ou de pâtisserie. On peut y passer un ou deux jours sans craindre de manquer de nourriture ou de boisson. Les visiteurs du deuxième jour, le samedi, sont beaucoup plus jeunes, manifestement peu au fait du vin et certains viennent faire un "before", où l’on se prépare à s’aviner le soir. Ils vont même grappiller les bouteilles pleines ou à moitié pleines sur les stands lorsque l’on crie "on ferme", et l’on verra plus loin que moi aussi, je suis jeune.

La première Master Class à laquelle j’assiste est : "Le Génie de Meursault".

Le Meursault Clos des Ambres Arnaud Ente 2009 est présenté par le vigneron lui-même. Il a créé ce domaine en 1992, mais le nom n’existe que depuis 2002. Il a des vignes de 60 ans. Le nez du vin est très pur, intense. En bouche il y a beaucoup de densité. On ressent la pureté, la fraîcheur et la netteté. Il a une belle acidité qui n’empêche pas de sentir un gras qui commence à se montrer. Il évoque les fleurs blanches et la pêche.

Le Meursault 1er Cru Genévrières Latour-Giraud 2010 a un nez discret. Son goût est classique, de forte minéralité. Il est assez joli mais surtout discret. Quand il s’épanouit, il devient très archétypal, avec un final un peu rêche. Il montre la pureté et l’acidité d’un vrai meursault.

Le Meursault 1er Cru Poruzot domaine Roulot 2009 est présenté par Jean Marc Roulot. Le nez est intense de minéralité. Il y a une belle attaque citronnée, mais le beurre apparait aussi. Le final est plus rêche et plus court que celui du Ente. Au deuxième essai, sa longueur apparaît ainsi que sa complexité. Le charme agit. Le final est assez rêche et montre du poivre. C’est un vin intense.

Le Meursault 1er Cru Clos des Perrières Albert Grivault 2004 est présenté par Michel Bardet. Il sent la pierre à fusil. Il est beaucoup plus rond que les autres, il a moins de tension, plus de gras. S’il est plus généreux, cela tient au millésime dégusté. Il y a de la pâtisserie, de le noisette et du beurre, des fleurs blanches. Je suis conquis par sa pureté et son goût de noisette.

Le Meursault 1er Cru Les Charmes Louis Jadot 2003 est présenté par Jacques Lardière, au discours captivant. Le nez est très charmeur. Le vin est puissant. C’est le plus lourd de tous. Tout est généreux dans ce vin. Je préfère la pureté du 2004 précédent.

la générosité des vignerons de Châteauneuf dimanche, 25 novembre 2012

Il y a des choses qui ne s’inventent pas. Une vingtaine de vignerons de Chateauneuf-du-Pape présentent leurs vins au restaurant Macéo qu’ils ont privatisé. Quoi de plus naturel de commencer la dégustation par le stand n° 1 ? C’est le domaine du Banneret et Jean-Claude Vidal me dit qu’il lit mes bulletins avec plaisir et qu’il imaginait bien que je viendrais. Il sort de ses bagages un Chateauneuf-du-Pape domaine du Banneret 1989 et me le donne en disant : "votre séance de l’académie des vins anciens se tiendra ici dans une semaine. J’aimerais que vous y partagiez ce vin". J’avais naguère pu mesurer la générosité des vignerons de Châteauneuf. Elle se vérifie toujours.

Verticale de Cristal Roederer de 2005 à 1989 mercredi, 21 novembre 2012

Il est très rare pour moi de boire deux millésimes de Cristal Roederer dans la même soirée – et quand je dis rare, c’est une litote – et les périodes sans en boire sont suffisamment longues pour que toute volonté de comparaison soit vouée à l’imprécision. Aussi, c’eût été difficile de rater la première dégustation verticale de Cristal Roederer qui se tient en dehors du siège de cette honorable maison. C’est aux caves Legrand, grâce à l’entreprenant Gérard Sibourd-Baudry. Frédéric Rouzeaud, de la septième génération de la famille propriétaire de ce domaine fondé en 1776 et qui s’appelle Louis Roederer depuis 1832, présente le domaine et Jean-Baptiste Lécaillon, DGA et chef de caves, présente les vins. Voici les notes telles que je les ai prises, au fil de la plume d’un champagne dont le nom "Cristal", date de 1876.

Le Champagne Cristal Roederer 2005 a un nez racé, de poudre à canon et de tabac. Il n’évoque pas le fruit mais le minéral. L’attaque est délicate, envoûtante. Le vin entoure et envoûte comme un boa. Le final est moins brillant que le passage en palais. C’est un champagne très séduisant car énigmatique. Je l’adore. Le final s’assemble et délivre du fruit confit. Il est très charmeur car interpellant. Pour moi, c’est magnifique. Je ne suis pas sûr qu’il gardera cette troublante séduction avec des années de plus, car il deviendra plus compréhensible, mais pour l’instant, c’est magique, avec beaucoup de fruits exotiques et d’épices. Il est d’un grand équilibre, et lorsqu’il s’échauffe dans le verre, ce sont les fruits confits qui dominent.

Le Champagne Cristal Roederer 2002 au un nez aussi minéral, plus prononcé. L’attaque est belle, plus charmeuse. Le vin veut charmer, contrairement au 2005. Il y a du poivre, du thé, des épices. C’est délicieux, mais il n’y a pas l’énigme du 2005. Il y a quand même une assise très forte, une tension extrême. C’est un grand champagne.

Jean-Baptiste nous parle des années océaniques, qui sont des années à chardonnay et des années continentales qui sont des années à pinot noir. Parmi les années que nous goûterons, les 2005, 1999 et 1995 sont océaniques et les 2002, 1996 et 1989 sont continentales.

Les vins sont issus des vignes en propre. Il n’y a pas d’achat de vins à l’extérieur de la propriété. Les parcelles sont des dorsales calcaires, car c’était la volonté de Louis Roederer, pour exprimer les qualités qu’il voulait. Il y a une majorité de pinots noirs : deux tiers, contre un tiers au chardonnay et selon les années, le pourcentage variera en faveur de l’un ou de l’autre, compte tenu de leurs performances.

Le Champagne Cristal Roederer 1999 a un nez difficile à définir. Il est fermé et m’évoque l’ardoise. L’attaque est très retenue. C’est un champagne discret au final très fort. On sent qu’il reste sur son quant-à-soi. Quand il se réveille, il reste retenu. Le 2002 plus chaud développe des accents de miel. Je pense que le 1999 vieillira très bien et qu’il dévoilera sa profondeur. Le 2002, c’est le charme et le 1999 c’est la profondeur.

Jean-Baptiste dit qu’il met des vins d’Avize pour l’élégance, de Cramant pour l’exubérance, et de Mesnil-sur-Oger pour avoir un goût de Corton. Chez Roederer, le dégorgement est à date unique, cinq à six ans après la récolte. Dans le cas du 2005, on est au-delà de six ans.

Nous allons maintenant comparer le 1996 en bouteille et en magnum. Le Champagne Cristal Roederer 1996 en bouteille a un nez lacté. L’attaque est superbe et le vin est complexe. Il se boit bien et sa bulle est très forte. Le message du vin s’est un peu simplifié. C’est un grand vin. Il ne faut même pas une seconde pour prendre conscience de l’ampleur et du volume du Champagne Cristal Roederer magnum 1996. C’est spectaculaire. Il "écrase" l’autre en bouteille. Tout en lui est facile. C’est Fred Astaire ! Je ne m’attendais pas à un tel écart. L’épanouissement du 96 en magnum est spectaculaire. Il faut dire que toutes les bouteilles ont été ouvertes une heure et demie avant notre arrivée. Avec ce vin, au top, on nage dans le bonheur.

Le Champagne Cristal Roederer 1995 a un nez subtil, très droit. Il y a beaucoup de fruits et de fruits confits. Il est de belle race. C’est un Cristal archétypal. Il est très bon, très pur. Le 1996 est génial et le 1995 est solide et grand. Très vineux. Le 1995 à une personnalité très forte, chantante et puissante. Je préfère la tension du 1995 au charme du 1996, même si le magnum est d’un charme total. Pendant ce temps, le fond de verre du 2002 est superbe.

Le Champagne Cristal Roederer rosé 1996 a une couleur tellement blanche que je me demande s’il n’y a pas eu une confusion de bouteille. On croirait un blanc. Mais le nez est de rosé. Le Cristal rosé n’existe que depuis 1974. En bouche, même si l’on peut percevoir des goûts de rosé, la balance penche vers les goûts de blanc. Il est très beau, étonnant, atypique, car il transcende la notion de rosé. C’est un grand vin de gastronomie.

Le Champagne Cristal Roederer 1989 a un nez renversant de complexité et de finesse. En bouche, c’est du vin plus que du champagne. Il est vineux et doux. On entre dans le monde des vins doux et racés. C’était une année de chaleur. Il est miellé. Pour moi, il y a d’autres champagnes de 1989 plus tendus que celui-ci.

Si je devais classer les impressions qui sont bien personnelles, c’est le 2005 qui m’a le plus ému par son étrangeté. Le plus grand est le 1995 suivi du 1996 en magnum. Mais ce qui compte le plus, c’est que j’ai une nouvelle approche de Cristal Roederer, auquel je mordais relativement peu, d’une part à cause du prix, car je ne suis pas rappeur, mais aussi à cause du goût. L’image de Cristal a changé pour moi ce soir. J’en suis ravi.