Archives de catégorie : vins et vignerons

Lancement en fanfare de Dom Pérignon 2003 mercredi, 7 décembre 2011

Quand on s’appelle Dom Pérignon, on doit être dans le hors norme. Ça commence par un mail du genre « save the date », comme cela se passe souvent. Je marque sur mon agenda : « Dom Pérignon« , mais je ne sais ni l’heure ni le lieu. Un peu vague, mon cher Watson. Le temps passant, les choses ont du mal à se préciser. Il faut quémander les informations, mais on arrive à les obtenir. On me propose de venir me chercher en limousine à l’endroit où je suis. Traduction : c’est un événement de happy few. Je décline cette offre et j’arrive dans une petite rue du 13ème arrondissement. Quoi, on deviendrait populaire ? Que nenni. Le « Rosenblum Collection and friends » est tout simplement bluffant. On se sent dans une galerie newyorkaise, avec des hauteurs de plafond invraisemblables. C’est beau, simplement beau. Ces volumes dégagent une envie de vivre dans l’exception. Il y a un « feeling » spécial dans ces murs. Les couleurs sont le noir et le blanc et sur les murs passent en boucle des photos d’Hautvillers, l’église et le cloître. Dans ce décor minimaliste mais envoûtant, une longue table en bois, le long d’une gigantesque photo de l’église d’Hautvillers et de quelques vignes. Il y a déjà des journalistes assis et je m’assieds à leur côté. Il est 15 heures, heure absolument impérative, et la seule boisson proposée est de l’eau. Les gens arrivent lentement puisqu’en France, on n’existe pas si l’on est ponctuel, et on nous sert Champagne Dom Pérignon 2002. C’est qu’il est bon le bougre avec sa vinosité conquérante. Il a un fâcheux goût de revenez-y auquel on succombe. On attend, on parle à ses voisins et l’attente de Richard Geoffroy, le monsieur Dom Pérignon devient pesante. Alors, quand est-ce que ça démarre ? Les esprits s’échauffent, la foule en délire réclame le Johnny du jour. Et, à 15h30, nous sommes appelés au centre d’une pièce. Dans une petite pyramide judicieusement éclairée, un minuscule Richard Geoffroy en hologramme, les mains dans les poches, nous explique le Champagne Dom Pérignon 2003, dont c’est le lancement commercial aujourd’hui. L’image incroyablement vivante de Richard en miniature nous raconte ce vin, d’une année atypique. Et puis, tout s’éteint dans la pyramide. On nous sert le 2003 et tout-à-coup, Richard Geoffroy, le vrai, arrive sous nos applaudissements. On se félicite, on se congratule et sur un mur apparaissent des images de quatre endroits : Hong-Kong, Tokyo, New-York et Londres. Car strictement au même moment, la même cérémonie de lancement du 2003 se déroule dans ces quatre capitales. Comme on est en direct, Richard Geoffroy va dialoguer avec chacune de ces capitales où l’on sent le plaisir ressenti par des amateurs pointus de Dom Pérignon. La question qui revient dans beaucoup de ces échanges est de savoir avec quel millésime le 2003 pourrait se comparer. Souvent, c’est 1976 qui est cité, à cause des comparaisons climatiques. Les liaisons en duplex s’éteignent et nous nous retrouvons « entre nous ». Richard Geoffroy est très fier de son 2003 et aussi de son 2004, et dit que ces deux millésimes ont considérablement soudé les équipes, car ces deux millésimes ont été des aventures. Des canapés judicieux viennent accompagner le nouveau-né, caviar, brouillade d’œufs de perdrix, risotto au safran. Ils soulignent le caractère gastronomique du 2003.

Alors, que dire de ce bébé ? Ce qui frappe, c’est sa solidité. On est sur la puissance, la force intérieure, et s’il n’est pas encore étoffé, on sent que cela va venir. Ce qui vient ensuite, c’est le caractère floral de ce vin, de fleurs blanches si caractéristiques de Dom Pérignon. Ensuite, on est impressionné par l’équilibre, la sérénité et l’aptitude gastronomique que les amuse-bouche révèlent. On sait qu’il sera grand, mais je constate qu’il l’est déjà, avec une force de caractère rare. Il me fait penser à Keira Knightley, cette actrice au charme énigmatique, qui dégage une force de caractère indestructible. Elle n’est pas pulpeuse comme les beautés latinos, mais elle en impose par son charme impérieux. Et ce 2003, c’est cela pour moi. La fleur blanche est ingénue, mais dans un gant en béton armé.

On bavarde, on bavarde, le goût de revenez-y est sans limite. Et je quitte les lieux en me disant que si ce lancement est un peu fou, le bébé célébré fera parler de lui. Et c’est le principal.

Un magnifique voyage dans la gamme de la maison Deutz lundi, 5 décembre 2011

La maison de champagne Deutz m’invite à la visiter. J’arrive à 10h30 au siège, et je découvre la maison bourgeoise de William Deutz, de style Second Empire, avec des décorations chargées mais de grand intérêt. Tout a été gardé dans le respect de cette période fastueuse. Le salon d’apparat, le salon chinois, et plusieurs très jolies pièces nous mettent dans l’atmosphère d’un temps où l’on prenait son temps.

Cette maison de champagne est une des seules où l’on puisse dire : « nous allons monter à la cave ». Car sur la colline, l’entrée des caves est très au dessus de la belle propriété. Dans une grande salle où subsistent d’imposants foudres, primitivement charpentée de bois et restaurée « à la » Eiffel, avec des poutres rivetées et des poteaux en fonte, des présentoirs montrent des documents de plus d’un siècle qui attestent de la vocation exportatrice de ce domaine, sous la houlette d’un William Deutz qui apparait sacrément entreprenant.

Après la visite des installations nous descendons de la cave, ce qui est une expression assez étonnante, et de retour à l’hôtel particulier , dans une salle qui a servi de jardin d’hiver, aux papiers peints sinisants restaurés, je vois sur la table en verre des feuilles imprimées à la date de ce jour, avec des cercles pour poser les verres de dégustation et les noms des champagnes que nous allons boire.

Le Champagne Amour de Deutz 2002 a un nez élégant et un goût joliment fumé et toasté. Très beau et élégant il est agréable à ce moment de sa vie.

Le Champagne Amour de Deutz 2000 a un nez plus marqué. Le vin est plus rond, avec un peu moins d’ampleur. Il est gourmand.

Le Champagne Amour de Deutz 1999 a un nez plus discret. Il est plus strict mais se distingue par un joli floral. Les trois sont marqués par l’élégance. Le 2002 est le plus grand avec de l’ampleur, mais les deux autres, avec des esquisses de noisettes, se tiennent bien dans le verre.

Le Champagne Blanc de Blancs Deutz 1989 a un belle couleur dorée. Le nez est un peu évolué. Il est complexe, surtout dans le final, avec des notes de moka et de pâtisserie. Fabrice Rosset évoque des parfums de fleurs séchées pour ce vin dégorgé en 2004. Le champagne est élégant avec une belle acidité. Il est noble, goûteux et agréable à boire.

Nous passons maintenant à quatre William Deutz qui ont du pinot noir, alors que l’Amour n’est que chardonnay.

Le Champagne Cuvée William Deutz 1996 montre instantanément sa différence avec les Amour. Le vin est riche, solide, complexe, de fruits dorés. La finale acide est très belle. On le sent gastronomique.

Le Champagne Cuvée William Deutz 1990 a un nez très puissant et déjà tertiaire. Il faut accepter son caractère assez inhabituel. Torréfié, avec des fruits compotés, il interpelle, mais on le sent aussi gastronomique.

Le Champagne Cuvée William Deutz 1988 est superbe, magique, et, lui, est totalement intégré. Il a tout pour lui, avec un équilibre parfait. Il est jeune et dans un état de grâce.

Le Champagne Cuvée William Deutz 1985 a un nez très élégant. Il est charmant, féminin, avec une autre forme de perfection, marquée de beurre et de toast. Le 1988 et le 1985 forment un couple masculin – féminin, de grand raffinement. Mon cœur balance en faveur du 1985.

Le Champagne Brut millésimé Deutz 1982 a une couleur presque orangée ce qui est curieux. Le vin est trop évolué et une autre bouteille ouverte semble marquée par le même signe d’évolution.

Le Champagne Brut millésimé Deutz 1975 est fait à 100% de pinot noir. Le nez est magnifique. Le vin est un peu rêche mais plaisant à l’attaque, puis il se montre difficile, manquant de structuration un peu comme ce que j’avais ressenti avec le 1990.

En faisant un nouveau tour de tous les verres maintenant aérés, le 2002 est fringant, le 2000 est brillant, le 1999 plus effacé. Le 1996 est gourmand, le 1990 s’est assemblé et va vers moka et caramel, le 1988 est grand, mais c’est le 1985 qui est exceptionnel. Il a tout pour lui, le charme, la finesse et l’élégance.

Je suis évidemment honoré que trois des dirigeants de ce domaine m’aient consacré autant de temps et aient choisi de si belles bouteilles à déguster. Nous descendons dans une belle salle à manger privée pour le déjeuner à quatre, dont le menu est : langoustines sauce Aurore / lotte sauce champagne et son riz / plateau de fromages / pomme cannelle au four.

En lisant le menu, je me demande à quel moment je pourrais faire intervenir la bouteille que j’ai dans ma musette dont aucun de mes hôtes ne soupçonne l’existence. Il me semble que ce doit être au début, car la sauce Aurore sera plus apte pour l’expérience que j’aimerais faire. J’ouvre ma musette et je montre le Vin de l’Etoile, Coopérative vinicole de l’Etoile 1952 à la magnifique couleur d’un ambre clair. J’ouvre la bouteille avec un tirebouchon normal et le bouchon se brise, mais tout rentre dans l’ordre. Le parfum du vin est magique, d’une rare puissance. Mes hôtes sont évidemment surpris de cette ajoute au programme.

L’idée qui me vient, échafaudée sans avoir bu, est la suivante : goûter la sauce riche des langoustines, boire le Champagne Amour de Deutz 2003 d’une belle délicatesse, goûter la sauce, boire du vin de l’Etoile puis goûter le 2003 et à mon sens, cela doit propulser le champagne Deutz à des hauteurs rares. Nous procédons ainsi et Michel Davesne, l’œnologue de la maison est saisi par la pertinence de cette succession et de l’effet multiplicateur du jurassien sur le champagne.

C’est alors que l’on entend toc-toc. Un visage féminin se montre subrepticement puis s’affirme, puis envahit la place. L’épouse de Fabrice Rosset ainsi que sa fille nous rendent visite. Elles s’assoient, on leur tend des verres des deux vins et elles nous rejoignent pour l’expérience, sans la sauce Aurore. Et madame Rosset, très affirmative, donne son verdict : « je ne trouve pas que le vin du Jura rehausse le 2003 ». Ce que femme veut, Dieu le veut. La messe est dite. Les dames nous laissent continuer notre déjeuner.

Les vins que nous avons bus sont le Champagne Amour de Deutz 2003 délicieux et délicat sur la langoustine, le Champagne Cuvée William Deutz 1999 puissant et serein, très à l’aise sur la lotte, l’Hermitage Les Bessards Delas 1990, le même que celui que nous partagerons dans quelques jours lors d’un dîner de vignerons que j’organise chaque année, riche et convaincant et le Champagne Cuvée William Deutz rosé 2000 qui est un beau rosé gastronomique, à l’aise avec le dessert, mais qui pourrait se confronter à des chairs très viriles. En cours de repas nous avons repris le Champagne Cuvée William Deutz 1985 qui continue d’être exceptionnel.

C’est un honneur extrême que d’être reçu aussi généreusement. J’ai pu explorer cette maison de champagne que je goûte relativement peu, car j’ai d’autres amours, et que je percevais surtout par le champagne Taillevent élaboré par Deutz. L’éblouissant 1985 ne me fera pas oublier que le reste de la gamme est de grand intérêt. Mais tout de même, ce 1985 est un vin immortel de première grandeur.

A l’entrée, le fameux Amour de Deutz

une femme, que l’on suppose légère, veut trinquer au champagne !

le salon de William Deutz

la salle des foudres refaite « à la Eiffel » et une magnifique étiquette de Deutz & Geldermann

le « poste » de dégustation avec les noms des champagnes

mon apport à ce déjeuner

et tout finit par un amour !

Grand Tasting – Master Class « Ornellaia, cru fastueux de la Toscane » et conclusion dimanche, 4 décembre 2011

La dernière Master Class à laquelle j’assiste est « Ornellaia, cru fastueux de la Toscane« . Le Bolgheri Le Serre Nuove dell »Ornellaia rouge 2008 est d’un rouge très foncé. Le nez, très riche, est velouté. La bouche est marquée par l’astringence. C’est un vin strict, généreux en tannins, qui est tout sauf flatteur. Il est d’une belle mâche, mais je le trouve trop strict, sans concession.

Le Bolgheri Superiore rouge Ornellaia 2008 est d’un rouge très noir. C’est un vin qui a été élevé vingt-et-un mois en fûts dont deux tiers de bois neuf. Le nez est discret et très élégant. La bouche est beaucoup plus ronde, le bois est noble. C’est un grand vin, mais il faudrait attendre des années pour qu’il devienne charmant.

Le Bolgheri Superiore rouge Ornellaia 2007 a la même couleur d’un rouge noir. Le nez est très droit, subtil. En bouche il est nettement plus civilisé. La râpe est plus belle, plus acceptable. L’œnologue parle de fraîcheur et de soyeux des tannins. Thierry Desseauve, qu dirige la Master Class m’étonne quand il parle de rondeur et donne des qualificatifs de douceur pour ces vins durs et qui ne deviendront charmants qu’avec l’âge. Car pour moi, ce vin est assez dur, avec seulement des tannins et pas de fruit. Le final est de cassis. Lorsque le 2008 s’ouvre, il est plus exubérant et rond que le 2007.

Le Bolgheri Superiore rouge Ornellaia 1998 est d’un rouge plus tuilé que les autres années. Le nez est beaucoup plus chaleureux et civilisé. La bouche est beaucoup plus arrondie, cohérente, intégrée. Le vin est rond et équilibré. Le bois est très bien dosé.

Il se trouve que je n’avais pas pu rester pour le traditionnel cocktail organisé par idealwine. Entre deux master class, Angélique de Lencquesaing me propose de goûter un verre du Château Haut-Bailly 2000 en jéroboam ouvert hier. Ce vin est élégant, raffiné et dans un état d’accomplissement proche de son sommet historique. Je suis entré dans cette master class avec mon verre et quand je compare les Ornellaia avec le bordelais, il n’y a pas photo, comme on dit, car le soyeux, la douceur, l’équilibre sont du côté de Haut-Bailly. J’ai du mal à imaginer qu’Ornellaia ait pu, sur d’autres millésimes, surclasser les bordelais qui lui étaient opposés à l’aveugle. Ces vins italiens sont bien faits, mais il faut attendre plus de vingt ans si on veut jouir de leurs subtilités.

Entre les master class, je suis allé saluer des vignerons et picorer de-ci-delà quelques beaux vins. Quelques vins qui m’ont plu sont, dans le désordre, les beaujolais de la Villa Ponciago, absolument gourmands et nobles, la Cuvée Winston Churchill 1999 de Pol Roger, le Champagne Pierre Peters Les Chétillons 2004, le vin de paille Château d’Arlay 2006, La Petite Sibérie, Côtes du Roussillon Villages 2009 du domaine Le Clos des Fées d’Hervé Bizeul et beaucoup d’autres encore.

Si je devais retenir trois vins de ce Grand Tasting, ce qui est très réducteur, ce serait : 1 – Château Ausone 2000 en magnum, 2 – Gewurztraminer Grand Cru Mambourg domaine Weinbach Quitessence de Grains Nobles 2008, 3 – Château Haut-Bailly en jéroboam 2000.

Cette édition du Grand Tasting, événement de plus en plus populaire, fut un grand millésime, avec de très grands vins, des rencontres de grands vignerons, et une générosité qui transpire à tous les stands. Une réussite.

Grand Tasting – Master Class « le génie du Vin » dimanche, 4 décembre 2011

La Master Class suivante est « LE » clou du Grand Tasting. Elle a pour nom « le génie du vin« . Le choix des vins correspond au goût de Michel Bettane et Thierry Desseauve.

Le Champagne Joséphine de la maison Joseph Perrier magnum 1998 est d’un jaune d’un or clair. Le nez est discret. La bouche est gourmande, caramel, avec une belle acidité discrète. Il y a une très jolie variation sur les fruits confits. Dégorgé en juin 2008, il a beaucoup de charme. Jean-Claude Fromont dit que 1998 fut une année capricieuse et dit que son vin est très friand, avec du miel et des aspects beurrés. C’est un grand champagne.

L’Hermitage blanc domaine Jean-Louis Chave 1995 est d’un or glorieux. Le nez est racé, intense, presque botrytisé. En bouche, il y a délicatesse et fluidité. Il fait un peu plus évolué que son âge, mais sans que le charme ne s’en trouve affecté. Il a un peu un goût de vin jaune. Il combine des suggestions de sauternes avec d’autres de Château Chalon. Il a des fruits jaunes, un alcool présent mais mesuré. Il est très gastronomique, très épanoui avec une belle patine. Je retrouve peu après le côté « huître » des Hermitage blancs. De grande fraîcheur, c’est un très grand vin.

Le Bourgueil Les Busardières rouge domaine de la Chevalerie 1964 est présenté par un sympathique vigneron qui aura bien du mal à en parler tant Michel Bettane et Thierry Desseauve sont heureux d’avoir inclus ce vin dans leur présentation. Le rouge est un peu clairet. Le nez est très strict, puritain. La bouche est faite de fruits bruns, de prunes. Jamais l’attaque en bouche ne correspondrait au millésime tant le vin semble jeune. Il est très astringent. Il « mange les joues ». Il est d’une grande fraîcheur, délicat et très jeune. Michel Bettane évoque ses nuances d’épices, de réglisse et sa fraîcheur. Même s’il est un peu difficile, c’est un vin très authentique. Une belle expérience.

Le Château Ducru-Beaucaillou 2005 est d’un rouge très noir. Le nez est fort, de cassis, framboise et menthe. Ce nez est assez incroyable et me fait penser à Vega Sicilia Unico. En bouche, c’est de l’anis, de la menthe et de la feuille de cassis que l’on ressent. Il est gourmand comme Vega Sicilia Unico. Il est riche et c’est un vin de gastronomie. Il a un très grand avenir et sera immense dans trente ans, comme le fut son aîné le 1961 légendaire. Dix minutes plus tard, il est gourmand, combinant fruits rouges et fraîcheur mentholée.

Alain Vauthier présente le Château Ausone magnum 2000. Quel cadeau ! Le rouge est très sombre. Le nez est riche et frappe par son élégance. On sent les bois et la truffe, avec de l’élégance de fruits noirs. Le nez est envoûtant. Dès le premier contact, le mot qui s’impose est « wow ». Le deuxième mot est « élégance » et le troisième « équilibre ». C’est un vin de très grande longueur, gourmand mais encore tellement jeune. Le final est immense.

Le Clos de La Roche Grand Cru Vieilles Vignes domaine Ponsot 2007 est présenté par Rose-Marie Ponsot qui gère le domaine avec Laurent Ponsot. Le passage après l’Ausone pourrait sembler difficile, mais en fait cela marche très bien les deux vins ne se neutralisant pas. Le vin est d’un rouge rubis clair. Le nez est incroyablement charmeur. Le vin est élégant et subtil, très bourgogne. Il est tout en nuances. Le fruit apparaît surtout sur le final très marqué. Le vin est très charmant et gourmand. Il y a une belle astringence bourguignonne. Ce vin a été vendangé quinze jours après les autres domaines. C’est un grand vin.

Le Gewurztraminer Grand Cru Mambourg domaine Weinbach Quitessence de Grains Nobles 2008 est d’un or subtil magnifique. Le nez est une bombe. C’est les mille et une nuits. Malgré l’opulence, je vois des notes marines et iodées. En bouche, il est gras, au final très complexe et très riche, avec une grande fraîcheur. S’il est sucré, il est d’une grande pureté. C’est un vin magnifique et noble, gourmand et élégant, à l’extrême fraîcheur.

Le Rivesaltes Cuvée Aimé Cazes vin doux naturel 1963 est présenté par Lionel Lavail qui nous indique que c’est le premier millésime de la cuvée Aimé Cazes. C’est un rivesaltes ambré provenant de vignes centenaires qui a bénéficié d’un élevage de trente ans en foudres sans aucun ouillage. La gestation est si lente que la maison Cazes commercialise le 1978 seulement aujourd’hui. La couleur est de thé, d’ambre roux. Le nez charmeur, typique de rivesaltes, est doucereux mais annonce la rigueur. Le vin est magnifique et gourmand. Pruneau, fruits confits, avec des tonnes d’épices douces. Il est joyeux, charmeur. On en mangerait. Ce vin, mis en bouteilles en 1997, est d’une grande fraîcheur, fait pour la gourmandise et la gastronomie.

De cette éclectique présentation, deux vins émergent pour moi par leur perfection absolue, l’Ausone et le Weinbach. Mais les autres méritent aussi une grande considération. Ce fut une belle dégustation.

Grand Tasting – Master Class « Taittinger Brut Millésimé » et petit casse-croûte samedi, 3 décembre 2011

La Master Class à laquelle j’assiste ensuite est celle du « Taittinger Brut Millésimé« . J’y vais surtout pour écouter Pierre-Emmanuel Taittinger, véritable tribun, qui vit son champagne avec ses tripes et sa joie de mordre dans la vie. Une de ses formules désormais célèbre, c’est de dire qu’un bon champagne, c’est celui qui donne envie de faire l’amour ensuite.

Les quatre champagnes ont été dégorgés en juin et dosé à grammes contre dix habituellement.

Le Champagne Taittinger Brut Millésimé 1996 est d’un beau jaune d’or. La bulle est très fine et le nez très pur. On ressent le beurre et la crème. Le vin est fort, carré. Il y a un final de vanille et de miel. L’acidité apparait maintenant, avec la tension. C’est un champagne strict mais plaisant.

Le Champagne Taittinger Brut Millésimé 1995 est du même or et le nez est très élégant. J’adore l’élégance et le vineux de ce 1995 qui me plait plus, car il est plus gourmand. On voit apparaître un beurre et du toasté léger. Il est chaleureux, équilibré, un peu poivré. C’est un vin de grande pureté et de grand équilibre.

Le Champagne Taittinger Brut Millésimé 1990 est d’un or plus clair. Le nez est fumé, champignonné, peu plaisant. La bouche est d’une attaque merveilleuse, pleine de charme. Puis aapparaît son évolution et des parfums de champignon. Il est gras et crémé. C’est un champagne de gastronomie.

Le Champagne Taittinger Brut Millésimé 1989 est d’un or plus prononcé. Le nez est semblable à celui du 1989 mais plus discret. Le champignon est présent mais très délicat. C’est un vin de plaisir. Il est à noter que le champignon n’est pas un signe d’évolution, car ce champagne très élégant et de grande fraîcheur est d’une folle jeunesse.

Si les champagnes sont très intéressants, la vedette est incontestablement Pierre-Emmanuel, homme incroyablement chaleureux. Nous avons voulu aller grignoter aux stands de restauration debout, mais Pierre-Emmanuel Taittinger est interrompu partout car les gens veulent lui parler et il ne résiste à personne. J’ai pris des fromages, un collaborateur de Taittinger a pris des huîtres, Pierre-Emmanuel a pris des quiches, et de son stand, comme par miracle, arrive un Champagne Taittinger Comtes de Champagne 1999 extrêmement plaisant dans ces circonstances de dinette. Il est tant assailli qu’il distribue son champagne à tous ceux qui se présentent et il faut doubler la mise de cet excellent champagne. C’est cela le Grand Tasting, des rencontres et une grande générosité.

Grand Tasting – Master Class « Clos des Goisses de Philipponnat » vendredi, 2 décembre 2011

La Master Class suivante est celle du « Clos des Goisses du champagne Philipponnat« . Comme chaque fois, c’est Charles Philipponnat qui présente le bijou de sa maison, dont les millésimes 2001 et 2002 viennent d’être mis sur le marché depuis seulement quinze jours. La présentation est toujours faite du plus ancien au plus jeune.

Le Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1996 a une belle couleur de blé mûr. Le nez est très fluide. Le goût est toasté. Il y a une grande tension. On ressent noix et noisette. C’est un champagne puissant, très riche, mais qui n’est pas gras.

Le Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1997 est d’une couleur plus claire. Le nez est plus affirmé. Le vin est élégant, plus délicat. Charles dit qu’il est angélique. Je sens des herbes fraîches et une belle acidité. J’aime beaucoup la fraîcheur de ce 1997 qui contraste avec la puissance de 1996.

Le Champagne Clos des Goisses Philipponnat 2001 est d’un jaune plus foncé que les deux précédents, ce qui est étrange. Le nez est curieux, beurré. Charles dit que 2001 est un millésime gras. Il n’exclut pas qu’il y ait eu du botrytis. J’ai du mal à cerner ce champagne qui se cherche. Il est vineux, un peu brutal. Il ressemble un peu à un vin oxydatif avec du fruité. Son final hésite entre acidité et lacté.

Le Champagne Clos des Goisses Philipponnat 2002 est aussi très foncé. Le nez est superbe, avec du toasté, ce qui sous-entend que la bouteille de 2001 qui nous a été servie aurait un problème. Ce vin dégorgé en juin 2011 est un très grand champagne, plus accompli que le 1996. C’est un champagne immense.

Le Clos des Goisses est un champagne noble et racé. Le goûter avec Charles Philipponnat est un grand plaisir.

Grand Tasting – Master Class « Voyage au sein de l’univers Krug » vendredi, 2 décembre 2011

La seconde Master Class du Grand Tasting à laquelle j’assiste est « Voyage au sein de l’Univers Krug« , présenté par Olivier Krug selon un modèle que je connais bien. En effet, Olivier considère que la noblesse d’une maison de champagne, c’est l’assemblage. Aussi, dit-il, faire le Clos du Mesnil le joyau de la maison, c’est « facile », car il n’y a aucun assemblage et la seule décision de la direction est : « on fait ce millésime, ou on ne le fait pas ». La dégustation va donc commencer par le plus facile à faire.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2000 est d’un jaune clair un peu doré. Le nez est difficile à définir. J’y sens un peu de lacté. En bouche il y a du beurre, de la pâtisserie, de la brioche. La longueur est un peu retenue. Lorsqu’il s’ouvre, brioche et caramel apparaissent et un peu de poivre. C’est un champagne noble, mais je n’ai pas encore la vibration qui apparaîtra dans quelque temps. Bien ouvert il est épais, gras, solide, avec un final plus prononcé. Même s’il n’y a pas d’assemblage le Clos est vinifié en 5 parcelles distinctes, sachant que Krug possède au Mesnil 23 parcelles.

Le Champagne Krug Vintage 2000 a une couleur identique. C’est impossible de le sentir, car à côté de notre salle, il y a un atelier gourmet où l’on cuit du poisson ! Le champagne est très toasté, presque fumé. Je le trouve très beau et il me parle plus que le Clos du Mesnil. Le Clos du mesnil est plus délié, plus racé mais le Vintage est plus charmeur et plus directement franc.

Le Champagne Krug Vintage 1998 a une couleur plus dorée. Le nez est discret, élégant. En bouche, il y a du gras sur une belle acidité. Il est très équilibré. Le 2000 cohabite bien avec le 1998. Aucun des deux ne domine l’autre.

Le Krug Grande Cuvée récent, présenté comme vin mystère n° 1, mais dont le mystère est éventé et pas le vin, a un nez superbe. Le vin est gourmand, généreux, immédiatement accessible. Lacté, beurré, brioché, il est gras, bien assis. Olivier explique que les bouteilles seront maintenant dotées d’un code explicatif. Celui de cette bouteille est 1110004 qui veut dire que le vin a été dégorgé au premier trimestre 2011 et le code « 0004 » sur le site de Krug permettra de consulter l’histoire de cette cuvée, qui comprend des vins jusqu’en 1988, avec huit millésimes différents.

Le Krug Grande Cuvée présenté comme vin mystère n° 2 est plus ancien de trois à quatre ans que le précédent. Il est beaucoup plus crémé, plus gras. C’est un grand champagne agréable et opulent.

C’est un honneur que d’avoir goûté ces grands champagnes de forte personnalité.

Grand Tasting – Master Class « le génie du Corton » vendredi, 2 décembre 2011

La première Master Class à laquelle j’assiste est intitulée « le génie du Corton« .

Le Corton La Vigne au Saint Grand Cru rouge Maison Louis Latour 2009 est d’un rubis assez sombre. Le nez est prononcé, avec un alcool présent. La bouche est gourmande, la matière est belle, avec du poivre. La texture est belle et le boisé délicat. La mâche est presque solide. C’est le millésime qui donne beaucoup de richesse.

Le Corton Château Corton Grancey Grand Cru rouge Maison Louis Latour 2008 est d’un rouge encore plus appuyé. Le nez est plus élégant, très équilibré Le vin est encore plus gourmand, plus élégant, aux fruits très doux. M. Champy dit que les tannins sont plus durs et que l’on sent le calcaire du sol. Le final est agréable et le fruit est beau. C’est un vin gourmand.

Le Corton Grand Cru rouge Domaine Bonneau du Martray 2002 est d’un rubis foncé. Le nez est extrêmement riche et raffiné. Il est profond. En bouche, le vin est délicat, élégant et très bien dessiné. Il est précis. C’est l’élégance qui prime. Michel Bettane dit qu’il est racinaire et évoque la truffe. Et quand il le dit, on sent la truffe.

Le Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Bonneau du Martray 2007 est d’un jaune très clair. Le nez est délicat et discret. La bouche est délicate et complexe, raffinée. Son fruit est blanc, délicat, subtil. On le sent très gastronomique, car il n’en fait pas trop, ce qui est aussi lié à son millésime. Le final est élégant, avec un joli fruit et une râpe crayeuse.

Le Corton Charlemagne Grand Cru Domaine Rapet Père & Fils 1992 est d’un magnifique jaune d’or. Le nez est riche et puissant. La bouche est puissante mais fluide. Le vin, qui ne titre que 12 à 12,5° est aérien et frais, avec de petites notes salines. Le vin est vraiment gourmand et de belle acidité. Il donne envie de manger !

Cette master class a permis de boire cinq vins d’une des gloires historiques de la Bourgogne, le « Corton ».

Le Grand Tasting 2011 vendredi, 2 décembre 2011

Le Grand Tasting est un salon de vins organisé par Michel Bettane et Thierry Desseauve (B&D). Il a succédé au Salon des Grands Vins et se tient chaque année sur deux jours au Carrousel du Louvre. De grands vignerons que l’on trouve rarement dans des foires aux vins tiennent un stand, bien sûr pour faire la promotion de leurs vins, mais aussi par amitié avec B&D. Comment peut-on imaginer autrement qu’Alain Vauthier, propriétaire de château Ausone, vin qui boxe aujourd’hui dans le club fermé du top five bordelais des niveaux tarifaires, comptant Le Pin, Pétrus, Lafite, Latour et Ausone, vienne présenter dans une Master Class de plus de 150 personnes son Ausone 2000 en magnum ? Qui fera croire qu’il y aurait un objectif commercial, quand Ausone est déjà vendu avant d’avoir existé, et quand pratiquement aucun des amateurs présents ne pourrait s’acheter un tel flacon ?

On est donc dans le hors norme, et la chose la plus confondante est que la population, pour plus des trois quarts, est composée de jeunes de moins de moins de vingt-cinq ans, et plus spectaculaire encore, avec une stricte parité hommes-femmes. Le vin dans ce salon n’est donc pas un « truc de mecs ». C’est un rendez-vous incontournable des amateurs de vins, surtout jeunes, qui viennent pour goûter des vins qui leur sont totalement inaccessibles : qui, après ce salon, va s’acheter la cuvée Winston Churchill de Pol Roger ? Même pas un millième. Mais au moins, ils l’auront bue et s’en souviendront pour leur vie.

Le salon, c’est surtout des centaines de stands de vignerons qui présentent leur vins, sans que cela se traduise par une vente. Il n’y a rien à vendre et à emporter. C’est plus une vitrine, même si des commandes peuvent être passées. Ensuite, il y a des « master class », comme on dit chez Jean-Claude Van Damme, avec des thèmes sur un domaine, une région, ou un ensemble méritant une mise en valeur. Puis il y a des ateliers gourmets où des chefs prestigieux cuisinent pour des vins. Les heureux participants se léchaient les babines. Depuis plusieurs années, Michel Bettane m’a fait la gentillesse de me laisser vagabonder librement dans ce salon, d’être à la table des vignerons qui présentent leurs vins quand j’en ai l’envie, aussi mes commentaires vont concerner quelques unes des Master Class de ce salon.

Dégustation des vins de 2008 du domaine de la Romanée Conti et une sympathique troisième mi-temps mercredi, 30 novembre 2011

Dégustation des vins de 2008 du domaine de la Romanée Conti au siège de Grains Nobles. C’est une des rares présentations que conduit Aubert de Villaine. Il donne des indications sur le millésime, qui aura été marqué par la chance. A Pâques, on ressentait ce que seraient les vents de l’année et les vents d’ouest annonçaient des problèmes. Lors de l’éclosion des raisins, on les voyait superbes, bâtis pour faire un beau millésime. Une période assez fraîche a donné du millerandage. La floraison tardive de début juin s’est étalée sur deux à trois semaines, ce qui est long et donne de grandes différences de maturité aux raisins. L’été a été très difficile, avec du froid au mois d’août. Le mildiou et l’oïdium ont été maîtrisés en biodynamie ce qui s’est révélé être « du sport ». Le botrytis est apparu tôt, dès le mois d’août. La dernière attaque a été lors de la deuxième semaine de septembre. La pluie n’arrêtait pas et Aubert de Villaine pensait qu’il n’y aurait pas de millésime 2008. Mais le 14 septembre, le vent du nord et le beau temps ont élevé les degrés d’alcool et la concentration de sucre et d’acidité. Le vent du nord a séché le botrytis. Le 27 septembre, c’est le début des vendanges, étalées sur dix jours. Les vendanges ont été difficiles car il y avait un peu de grillure. Ce fut un travail de haute couture à la récolte, avec le rejet de 30 à 40% des raisins. Ce qui est allé en cuve était totalement sain. Les attaques subies ont permis la sélection, l’éclaircissage. Et ça donne un bon millésime. Merci au changement climatique pour la qualité, mais ça a donné une demi-récolte. Les vendanges ont été faites en deux fois. Au deuxième passage, tout a été inclus dans le Vosne Romanée premier cru, fait de vieilles vignes de grand cru. Le degré alcoolique est de 12,6 à 12,7° pour les rouges.

Après cet exposé toujours humble et d’une grande clarté, nous avons aviné nos verres et notre palais avec un Bourgogne cuvée MCMXXVI Laurent Père & Fils, qui repositionne nos papilles. Les notes qui vont suivre sont prises au fil de la plume. Cela veut dire que les variations d’impressions dépendent énormément de l’éclosion ou non du vin dans le verre. Cela apparaitra de façon spectaculaire pour le montrachet. Je n’ai pas modifié mes notes prise à la volée. Les redites et répétitions sont conservées.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2008 a un joli rouge rubis rose clair. Le nez est soufré. Par cette expression, je ne veux pas dire qu’il s’agit de soufre, mais que l’impression est celle-ci. Et plus on remue le verre et plus le soufre est sensible. La bouche est agréable, élégante et subtile. Tout est exposé en délicatesse. Il est extrêmement romantique. Le final, de quetsche et de pruneau est extrêmement présent. On sent que le vin a de la profondeur. Aubert de Villaine dit qu’il est comme les autres dans une phase de fermeture. Je suis impressionné par la délicatesse et l’équilibre fruité. Malgré sa jeunesse il est gourmand. La rémanence en bouche est très forte. Michel Bettane parle d’équilibre, de noblesse et de boisé très distingué.

Le Grands-Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2008 a un rubis clair. Le nez est délicat, moins prononcé que celui de l’Echézeaux. La bouche est poivrée. Il est moins accueillant. La matière est belle et le final est très fort. Le vin est très différent à cause du poivre. Il est plus strict, moins ouvert. De belle race, très mâle, il est tendu comme un arc. Il va se révéler magnifiquement. Sa trace en bouche est très belle mais l’Echézeaux est plus accueillant. Le final est très racé. Il est plus cerise quand le précédent était plus pruneau.

La Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 2008 a un même rubis clair, peut-être un peu plus gris. Le nez est discret. La bouche attaque en fanfare. Il est très tonique, dynamique. Il combine élégance et rigueur. Mais il a aussi du charme – il faut dire que j’adore les Romanée Saint Vivant. Il a un peu d’amertume et on pressent le sel que l’on reconnaîtra dans quelques années. Le final est un peu plus court, mais très fruité. Le vin est de grande race. Il faudra l’attendre même s’il a de la gourmandise, discrète et contrôlée. Aubert de Villaine dit que Romanée Saint Vivant est masculin, alors qu’on signale volontiers ses aspects féminins.

Il continue en disant que Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2008 est souvent présenté sur tous ses millésimes comme un mousquetaire, alors que c’est un vin très tendre. Le rubis est un peu plus foncé, le nez est strict et évoque le minéral. L’attaque est gourmande de fruits rouges mûrs. Il y a un peu de poivre. Il est beaucoup plus riche et dense que les précédents. Il est très riche, gourmand, puissant. Il est encore fermé mais très prometteur. C’est son fruit riche qui attaque en bouche. Michel dit que ce Richebourg est le plus grand des quinze dernières années. Il est magnifique de fruit et de finesse.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2008 est d’un rubis plus clair que le Richebourg. Le nez est plus intense à ce stade de sa vie. Je suis frappé par l’élégance du parfum de ce vin. En bouche il est incroyablement délié, aérien. Il est d’une grande noblesse, totalement délicat. Je ne reconnais pas spécifiquement La Tâche car il est trop jeune. Le final pianote, avec des notes de fruits blancs. La trace en bouche est belle, très imprégnante. La Romanée Saint Vivant s’est ouverte dans le verre et devient plus gourmande et charmeuse. Le Richebourg est plus tendu, et percutant. Il passe en force et convainc. La Tâche est la plus Romanée Conti, on sent déjà le sel et une amertume noble.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2008 a le même rubis que La Tâche. Le nez m’impose un mot : respect. Car dans ce parfum, il y a quelque chose qu’il n’y a nulle part ailleurs. Le nez est noble et profond mais annonce la gourmandise. En bouche, la démonstration est là. Plus que sur d’autres années lorsqu’on boit les vins jeunes, l’écart de la Romanée Conti avec les autres vins du domaine est immense. Il boxe dans une catégorie sans concurrent. Il est riche, gourmand, séducteur. C’est énorme et j’en ai des frissons. Car la démonstration est totale. Il a tout. Un final incroyable, une réussite absolue et il suggère toutes les Romanée Conti plus anciennes, avec cette finesse, cette race et cette râpe qui sont uniques. C’est un vin rare.

Le Richebourg est très beau en fin de verre. Il est joyeux. La Tâche est plus noble mais plus stricte. Et la Romanée Conti est totalement Romanée Conti. Le fruit est beau, de mûre, de cerise, de prune et le final est tonitruant. La dernière goutte est un au revoir. Elle est émouvante, et sa trace est infinie. Et j’ai la chance qu’elle finisse sur une note de sel.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2008 est d’un beau jaune d’or clair. Le nez est encore le nez ingrat d’un vin très jeune. On sent aussi le soufre. En bouche il est ingrat au premier abord. Il est pour moi trop jeune pour donner un vrai plaisir. Il donne l’impression de ne pas être encore assemblé. Mais voilà qu’il s’assied dans le verre. Il devient plus rond et même gras. Il a la fraîcheur citronnée. Il s’arrondit et montre qu’il est grand. La profondeur se met en place et c’est immense. Aubert de Villaine nous parle des années à botrytis et des années sans botrytis, ces dernières étant de plus longue garde. 2008 est une année à botrytis. Michel Bettane très en forme nous parle des levures et des ferments et du travail de ces millions de petites bébêtes au grand talent. Il dit qu’à la Romanée Conti, ce sont de véritables artistes. Son imagination est débordante quand il parle de la vie sexuelle de ces bébêtes. Le vin continue de s’épanouir vers des notes lactiques, boulangères. Il devient prodigieux, bien loin de ma première impression. Vivant et gourmand, il a un caractère fou. Le léger toast est créé par les ferments. Aubert de Villaine dit que les ferments font partie du terroir et signale que des cuvées assemblées de vins d’ailleurs, vieillissant au domaine, avaient pris des caractères de la Romanée Conti. C’est la signature des ferments indigènes.

Le final du vin est très riche et d’une élégance extrême. Il passe en force mais garde son élégance. Il y a plusieurs millésimes pour lesquels mon classement de plaisir met le Montrachet devant la Romanée Conti. Aujourd’hui, la Romanée Conti est nettement au dessus des autres, avec le classement suivant : Romanée Conti, Montrachet, La Tâche, Richebourg et à égalité, les trois autres vins.

La dernière goutte du Montrachet est glorieuse, de lait, de citron, de gras, de melon vert, mais c’est surtout l’opulence, l’équilibre et la longueur infinie qui m’émeuvent.

Après une telle dégustation, on est tout retourné, car la justesse de ton de tous ces vins est exceptionnelle. Délicatesse, élégance, précision, noblesse, voilà ce qui résume pour moi ce voyage dans un millésime qu’il serait opportun de garder au moins vingt ans pour pouvoir recueillir son message exceptionnel.

Après la réunion, lorsque les dernières poignées de main signent la fin du match, Pascal Marquet de Grains Nobles retient un petit groupe pour la troisième mi-temps. Il y a bien sûr Michel Bettane et Bernard Burtschy auprès d’Aubert de Villaine ainsi que trois ou quatre amis. Michel Bettane a apporté un Champagne Billecart Salmon Grande Cuvée 1982. Alors que le bouchon résiste, c’est Aubert de Villaine qui l’ouvre avec une poigne autoritaire. Le champagne est tout simplement merveilleux et c’est exactement ce qu’il fallait après la féerie des vins du domaine de la Romanée Conti. Sa couleur est d’un bel or, sa bulle est très active. Il ne donne pas de prise aux années sauf dans le goût, d’une maturité superbe. Aubert de Villaine nous dit : « c’est ainsi que l’on devrait boire les champagnes, quand ils ont cette sérénité ». Et ce champagne est parfait, d’un équilibre de fruits jaunes et de soleils souriants. Nous grignotons des toasts au foie gras posé sur des coussins de tomates confites, avec un poivre insistant. Après la concentration que nous avions pour analyser les vins du domaine, cette pause est un bonheur de relaxation.

On ouvre alors un Riesling Geisberg Grand cru Kientzler vendange tardive 1983 qui est une pure merveille. La pureté de ce vin est une leçon de choses. Pureté, précision, élégance sont ses caractéristiques et Aubert de Villaine ajoute un mot qui est fondamental pour lui lorsqu’il s’agit de ce vin : « transparence ». Je le trouve absolument exceptionnel et d’une pureté absolue.

Il commence à accompagner un risotto aux cèpes fait à la minute – en fait dix-huit minutes – pour nous par un maestro du risotto qui nous a raconté ses critères de sélection des meilleurs riz. L’accord est possible mais n’est pas un faire-valoir du riesling. Nous essayons un Barolo Le Vigne Sandrone 2004 qui est intéressant dans sa spontanéité et s’accorde bien au risotto. Mais le vin manque de vibration car son discours est assez simple. Michel choisit dans les réserves de Pascal un Beaujolais Moulin à Vent Jules Desjourneys 2007. Là au moins, ça pulse, bien qu’il n’ait que 12° contre 14° pour le vin italien. Et ce vin très subtil et vibrant me pousse, contre toute raison, à doubler ma portion de l’excellent risotto.

Pascal a prévu des fromages magnifiques et il ouvre un Château Bel-Air Marquis d’Aligre Margaux 1970 au nez assez spectaculaire. Michel et Bernard adorent ce vin plein légèrement fumé et toasté, d’une jeunesse extrême.

Des vins de la Romanée Conti plus une troisième mi-temps gourmande avec un beau champagne et un merveilleux riesling, en fait il suffit de « peu de choses » pour faire aimer le vin !