Archives de catégorie : dîners ou repas privés

La veille de la Saint-Sylvestre samedi, 31 décembre 2022

Nous avions décidé que la veille de la Saint-Sylvestre serait « à l’eau ». Au déjeuner, nous avons tenu promesse. L’après-midi se passe et vers 18 heures je lance : voulez-vous que l’on boive le champagne que vous avez apporté. C’est un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2020. Immédiatement la cuisine bruisse de toute part. Un Pata Negra est ouvert, les anchois reviennent sur table ainsi que les chips et ma femme coupe de fines tranches de truffes que l’on va étaler sur du pain et du beurre.

Sur les tartines de truffe le champagne viril, puissant, devient doux comme le tigre admonesté par son dresseur. Le Selosse est fou de complexité, fonçant comme un taureau de combat, mais sait, en même temps, comme dirait notre Président, se montrer subtil et amène.

Ma femme avait prévu pour le repas une brouillade d’œufs à la truffe et un butternut. La brouillade me fait lancer une idée : que diriez-vous si j’allais chercher en cave un Substance dégorgé en 2013, pour que nous comparions les deux ? Chacun avait en tête nos promesses de ne pas boire et l’hésitation fut longue. Mais l’envie l’emporta.

Le champagne pris en cave n’était pas assez froid aussi avons-nous attendu avant de passer à table. A l’ouverture, le bouchon m’a résisté de longues minutes car je ne voulais pas qu’il se brise à la torsion. Il est beaucoup plus long que celui dégorgé en 2020 ce qui explique sa résistance.

Suffisamment refroidi je sers le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en juillet 2013. Sa couleur est à peine plus ambrée et sa bulle est active, le champagne ayant fait un pschitt significatif à l’ouverture.

Immédiatement nous sommes éblouis comme d’une divine apparition. Le parfum du 2013 est envoûtant, subtil et caressant. En bouche, le vin est large élégant tout de grâce. Quel grand champagne. Il a même des évocations florales raffinées.

Et ce qui est intéressant, c’est que les deux champagnes se valorisent l’un l’autre. Le 2020 devient plus affirmé, plus convaincant et le 2013 est d’un charme infini, comme une déclaration d’amour courtois.

Et les deux champagnes brillent avec la brouillade ou avec le butternut, chacun à sa façon. Nous sommes sur un petit nuage de félicité.

Ce qui reste d’un délicieux camembert Jort brille avec le 2013. Nous sommes aux anges.

Lorsque nous nous sommes quittés pour aller dormir, je suis resté au salon, heureux et pensif, fier d’avoir provoqué un événement impromptu, porteur d’un bonheur d’autant plus grand qu’il n’était pas attendu.

Saint-Sylvestre J-2 vendredi, 30 décembre 2022

Deux jours avant la Saint-Sylvestre des amis nous rejoignent dans notre maison du sud. Selon une tradition bien établie, j’ouvre un champagne Salon, champagne de bienvenue. Sur la table du salon il y a des chips à la truffe, un tarama à la truffe d’été et des anchois. Le Champagne Salon 2006 a un bouchon qui vient avec effort mais ne résiste pas comme ceux de certains millésimes. Immédiatement on est conquis par ce champagne clair et limpide, fluide et plaisant. L’image qui me vient est celle d’une automobile Bentley. Ce véhicule est classé haut dans la hiérarchie et se caractérise par un grand confort. Le Salon se ressent de la même façon, grand et confortable. Il met à l’aise celui qui le boit qui n’a pas à se poser la moindre question : il est là, présent, et on en jouit.

Pour le déjeuner dont le plat principal est un cœur de saumon de Kaviari, il faut un vin blanc. J’ai choisi en cave un vin qui m’intrigue : Vray Pinot Chardonnay Le Roy négociant Appellation Bourgogne Contrôlée 1966 dont l’étiquette a été imprimée pour un distributeur italien. Le Roy est écrit Une fois Leroy et une fois Le Roy. Le niveau est très haut pour cet âge et la couleur vue à travers le verre de la bouteille est très foncée. Le vin serait-il madérisé ? La question est assez légitime. J’ouvre le vin deux heures avant le repas. Le bouchon est de belle qualité. Le parfum est engageant, vieux bien sûr, mais acceptable.

Au moment du service la couleur dans le verre est plus claire qu’elle l’est dans la bouteille. Je me dis qu’il faut boire ce vin comme il se présente et non pas comme on aimerait qu’il fût. Et lorsque l’on choisit cette voie, on se rend compte que le vin est agréable. Son nez discret est avenant, l’attaque en bouche est un peu fermée et sèche, le milieu de bouche est large et ensoleillé, l’âge étant marqué mais pas trop, et tout se joue dans le finale, long, complexe et joyeux. L’accord est meilleur sur du pain et du beurre que sur le saumon lui-même, bien qu’acceptable, mais ce qui compte c’est que ce vin est agréable et gentiment complexe, alors qu’il ne s’agit que d’un Bourgogne générique.

Ce vin aurait probablement rebuté de nombreux amateurs parce qu’ils auraient eu des attentes qu’il ne fallait pas avoir. Sur un camembert Jort affiné idéalement, le vin a trouvé un bel accord. Ce déjeuner nous a plu.

Le soir, l’apéritif se prend avec un Pata Negra Belota Belota extrêmement gras et goûteux, avec la deuxième moitié du champagne Salon 2006. Il a gagné beaucoup en largeur et devient plus glorieux. Il est, pour un champagne jeune, au sommet de son art et le gras du jambon l’épanouit.

Le plat principal sera des pommes de terre bio à la mayonnaise accompagnées d’anguilles fumées. J’ai choisi un vin qui a une certaine valeur affective. Pendant des années j’ai accompagné les vignerons de l’association Rhône Vignobles dans leur démarche de curiosité envers les vins anciens. Nous avons fait des dîners mémorables avec des vins que j’avais apportés, ainsi qu’un caviste lyonnais. Et en fin de ces belles réunions des vignerons m’offraient de leurs vins. Le Cairanne Domaine Bruno et Vincent Delubac Côtes du Rhône Villages 2014 fait partie de ces cadeaux amicaux. Je l’avais ouvert avant midi pour le cas où le « Vray Pinot Chardonnay » eût été défaillant.

Ce vin est une très agréable surprise. Il est franc, précis et extrêmement bien fait. Fluide, plaisant, on sent qu’il profite bien de son âge, et qu’il a atteint un optimum, mais qu’il saura vieillir calmement. Il est beaucoup plus élégant que ce qu’on attendrait d’un vin « Villages ». C’est une heureuse rencontre.

Le deuxième réveillon de Noël dimanche, 25 décembre 2022

Le second réveillon de Noël sera le soir du 24 décembre. Nous serons huit, ma femme, mes deux filles, leurs quatre enfants et moi. Il n’y aura que quatre buveurs. Nous attendons nos invités vers 18h00. C’est donc dès 14 heures que je commence les ouvertures des vins. Je commence par les champagnes.

Le bouchon du Moët & Chandon Brut Impérial 1980 a failli me sauter des mains tant la pression du gaz a créé un pschitt étonnamment puissant. Le bouchon est beau et de belle qualité. Le parfum est idéal, généreux, large et conquérant.

Le bouchon du Dom Pérignon 1980 se brise à la torsion et la lunule restée dans le goulot est retirée au tirebouchon. On voit que la qualité du liège est moins belle que celle du Moët. Le parfum est plus discret, subtil, prometteur lui aussi mais sur un registre plus calme.

Le Mouton-Rothschild 1967 a un niveau entre mi-épaule et basse épaule et la capsule a été abîmée ce qui peut expliquer la perte de volume. Le bouchon est un peu gras et noir sur une bonne partie de son cylindre. En sentant le vin j’éprouve un sentiment très positif. Le vin paraît au nez précis, noble et élégant. Nous devrions boire un grand vin.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 a un niveau très acceptable pour les vins de la Romanée Conti de cette époque à environ huit à dix centimètres sous le bouchon. Lorsque j’enlève la capsule, je vois un tas de poussière noire sur le haut du bouchon, ce qui m’étonne toujours. Comment le bouchon a-t-il pu exsuder toute cette poussière qui sent la terre et une poussière peu amène ? Un tel phénomène se voit très souvent sur les vins du Domaine de plus de cinquante ans. Le bouchon n’est noir que sur un quart de sa longueur, bouchon de belle qualité. Le parfum de ce vin est un miracle. Je suis tellement heureux de trouver tout ce que j’aime dans les vins de la Romanée-Conti, la rose et le sel mais poussés ici à un paroxysme de perfection. Quel bonheur. J’ai toutes les raisons d’être heureux.

Tout le monde est présent à 18 heures. Les nombreux cadeaux sont dispersés sous le sapin. Nous commençons l’apéritif devant la cheminée qui crépite avec le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1980. Sa couleur est particulièrement claire pour un champagne de 42 ans. Son parfum est généreux, large et gourmand et en bouche c’est un rayon de soleil. Voilà un champagne si agréable à boire que tous les amateurs de vins en feraient leur ordinaire, tant il est bon. La tarte à l’oignon est idéale car l’oignon est presque sucré ce qui excite la douceur du champagne. L’accord est un régal.

L’apéritif fait un intermède pour la distribution des cadeaux. Je suis toujours étonné de voir à quel point mes petits-enfants sont au courant de ce qui fait la mode. Le pull, la chaussure, le parfum qu’il faut avoir leur est offert par un membre de la famille. Et ce ne sont que des « oh » et des « ah » pour consacrer la justesse des choix des cadeaux. Tout le monde est heureux.

L’apéritif reprend sur des chips à la truffe et une autre tarte à l’oignon, avec le Champagne Dom Pérignon 1980. Ils sont totalement différents. Le nez du second est beaucoup plus discret et le vin est plus subtil, plus raffiné, plus complexe. Mais s’il est grand, il n’entraîne pas dans une farandole de plaisir.

Le Dom Pérignon va accompagner une pomme de terre à la crème et à la truffe et créer un accord magnifique. On avait annoncé que la truffe noire 2022 ne serait pas exceptionnelle, du moins c’est ce que j’avais cru entendre, mais cette truffe offerte par mon fils non présent est une merveille et le Dom Pérignon devient divin.

Nous allons nous partager en deux camps, ceux qui préfèrent le Moët et ceux qui adoptent le Dom Pérignon. Je suis dans le camp des partisans du Brut Impérial. Je voulais mettre ensemble ces deux 1980 pour voir s’ils sont proches ou lointains. Je n’imaginais pas qu’ils puissent être aussi différents.

Ma femme qui cuisinait depuis deux jours et avait fait cuire à feu doux un gigot d’agneau dans un bouillon de légumes le sert maintenant. La chair est fondante. Mes filles s’émerveillent devant le Château Mouton-Rothschild 1967 qui a un parfum précis et noble et une bouche d’une grande distinction. C’est un grand vin qui justifie le classement de premier grand cru classé qu’il n’obtiendra que six ans après ce millésime. Le vin est grand, raffiné, noble, riche et profond. Mes filles l’adorent.

J’ai tout fait pour retarder le plus possible le moment de servir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 car il aurait fait de l’ombre au Bordeaux. Lorsque je le sers, c’est une explosion de bonheur. Mes filles sont conquises. Ce vin est magique. Le nez est intense, de sel et de rose clairement signifiés. En bouche c’est un festival de complexités. Ce vin a un charme inouï, imprégnant tant il est fort. Je me régale et mes filles aussi. Et l’on voit que l’on peut adorer un grand Bordeaux comme ce Mouton d’une année assez calme mais qui a trouvé un très bel équilibre, et passer ensuite à un vin qui emmène sur une stratosphère gustative.

Mes deux filles ont préféré ce 1963 au 1969 que nous avons goûté il y a cinq jours avec mon fils. Je n’ai pas le même avis, car même si le charme de ce 1963 est irréel (qui l’aurait cru de cette année), le 1969 a une charpente et une solidité qui en font un vin d’une performance un peu plus aboutie.

Les deux rouges ont pu briller selon les fromages qui ont été présents, brie à la truffe, saint-nectaire, camembert et autres.

Le dessert est de poires crues coupées en deux et recouvertes de chocolat. J’ai servi le reste du Porto Ferreira 1815 que j’avais ouvert il y a quelque temps. Ce porto m’est apparu plus ancien que ce que j’avais ressenti la première fois, mais on est loin des 207 ans annoncés sur l’étiquette. Le Porto est bon mais assez conventionnel, sans grande émotion.

Mon classement des vins de ce soir est : 1 – Richebourg 1963, 2 – Moët 1980, 3 – Mouton 1967, 4 – Dom Pérignon 1980. Tous ont été d’un charme passionnant.

Ce deuxième réveillon de Noël, comme le premier avec mon fils, a été un grand moment de joie familiale.

Déjeuner chez ma soeur jeudi, 22 décembre 2022

Avec ma femme nous nous rendons chez ma sœur et son mari. J’ai annoncé que j’apporterais les vins, ce qui serait mon cadeau. De bon matin dans ma cave j’ai ouvert les vins du déjeuner et juste avant de partir j’ai mis des bouchons pour transporter les vins. Généralement j’ouvre les vins à l’endroit où ils seront bus, mais là, il fallait les ouvrir dans ma cave et les apporter. J’ai constaté que cela n’a pas affecté les vins.

Pour l’apéritif et le somptueux plateau d’huîtres, le Bâtard-Montrachet Veuve Henri Morini 1992 est ambré et son nez est délicat. Je le trouve un peu vieux, mais avec les produits de la mer, huîtres, crevettes et langoustines, le vin va s’élargir, devenir plus gras, étoffé et retrouver une jeunesse qu’il n’avait pas au début.

Le Château La Louvière Léognan 1950 a un nez profond et incisif. En bouche il est dense, riche, truffé et d’une belle jeunesse. Il a 72 ans, mais on pourrait lui donner moins de vingt ans. Sa densité est extrême. Je suis assez surpris de sa précision. Le blanc ayant été fini assez vite, le vin rouge a cohabité avec les huîtres sans qu’il s’agisse d’une hérésie. C’est une merveille qu’il ait cette jeunesse et cette richesse.

Le Mazis-Chambertin Poulet Père & Fils 1961 a un nez qui évoque le salin des vins de la Romanée Conti. En bouche, il est d’un charme bourguignon particulier, fait de sel, de râpeux, de retenue. J’adore ces messages tout en subtilité et persuasion. Un Maroilles puissant de belle personnalité donne de la rondeur au vin de Bourgogne.

Une délicieuse mousse au chocolat conclut ce repas agréable où les trois vins ont brillé, les rouges se montrant d’une jeunesse inattendue.

Le cadeau à mon beau-frère

les vins

Réveillon de Noël anticipé mardi, 20 décembre 2022

Le lendemain, 19 décembre nous allons faire un Réveillon de Noël anticipé puisque mon fils repartira pour fêter Noël à Miami. Dès 14 heures, je veux ouvrir le magnum de Château Margaux 1947 car il y a une incertitude à son égard. J’ai eu l’opportunité d’acheter des vins de la cave de l’Institut de France, Quai Conti, et beaucoup de bouteilles avaient donné lieu à un changement de bouchon recouvert de cire. De ce fait rien ne pouvait assurer que les vins soient bons.

La cire très dense est difficile à casser et enlever. Le bouchon court et neutre doit avoir moins de vingt ans. Le nez ne me déplait pas. Je peux imaginer que ce soit bien Château Margaux et que l’aération va l’épanouir. Je n’ai donc pas besoin de prévoir de remplacer ce vin.

J’ouvre ensuite une bouteille de Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1968 à l’étiquette très déchirée, à la couleur légèrement ambrée sympathique et au niveau correct pour cet âge. Le bouchon est noir sur une petite partie haute et je peux voir la confirmation de l’année qui m’avait été annoncée, illisible sur l’étiquette et sans ambiguïté sur le beau bouchon. Le parfum est discret mais prometteur. Voilà une bonne nouvelle.

Je vais ouvrir maintenant une bouteilles d’un vin de la Romanée Conti qui n’a plus d’étiquette sauf un minuscule petit morceau dont un bout de H et un bout de E indiquent qu’il s’agit d’un Richebourg. Quant à l’année, elle a été vue par mon vendeur, qui a délicatement découpé la capsule pour la faire apparaître. Il s’agit donc d’un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 au beau niveau.

Le bouchon vient entier et la moitié supérieure est noire, ce qui ne permet pas de confirmer Richebourg, alors que l’année, au bas du bouchon, est clairement lisible. Je sens le vin et mon émotion est à son comble car c’est le parfum idéal d’un vin du Domaine, avec une senteur de sel si caractéristique. Ce vin a toutes les chances d’être le plus grand du repas.

Nous sommes onze, dont ma femme et moi, nos trois enfants plus un conjoint et cinq de nos six petits-enfants. Seulement cinq convives boivent du vin. Avant que ne débute l’apéritif mon fils boit avec moi le reste du Champagne Pol Roger sec des années 40 qui a gagné en largeur et affiche plus distinctement son caractère doux. C’est un beau champagne que le bas niveau n’avait pas abîmé. Il lui fallait seulement plus de temps pour s’assembler.

L’apéritif consiste en des chips à la truffe, délicieuses et en des boudins blancs coupés en lamelles et poêlés. Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils magnum 1992 a toujours un parfum épanoui et entraînant et une belle complexité joyeuse. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1968 a un parfum discret et une attaque discrète et tout se passe en fait dans le finale qui est d’une longueur impressionnante et d’une richesse rare. En plaisir pur, à cet instant, le Chevalier est plus fringant que le vin de la Romanée Conti. Mais son ascension va être impressionnante.

Nous passons à table pour manger du caviar osciètre de Kaviari avec les deux vins blancs. Alors que d’habitude l’accord de ce caviar se trouve avec des champagnes, je suis heureux de constater que les deux vins blancs se marient bien avec ce beau caviar au sel bien dosé. Le Montrachet commence à s’élargir alors qu’il a été ouvert cinq heures avant le repas. On s’aperçoit que des dés de saumon avaient été oubliés alors qu’ils devaient soutenir l’apéritif. Ils sont mangés maintenant et les deux blancs les acceptent.

Le foie gras apparaît maintenant. Comme pour le caviar, mon credo est : foie gras égale champagne. Mais les vins prouvent le contraire et le Montrachet a maintenant trouvé son envol. Son attaque en bouche s’est élargie. En bouche il est plein, puissant et complexe et c’est le finale qui prouve sa race, sa noblesse et sa supériorité manifeste. Il n’a pas un gramme de botrytis, il est donc sec, il n’est pas d’une année puissante, mais il a trouvé sa voie et brille comme un vin d’une complexité rare. Mes enfants sont aux anges, car c’est leur premier Montrachet du domaine.

Ma femme a fait cuire des poulets bio à basse température. La chair est tendre et une purée faite de châtaigne, de butternut et de soupçons de Cranberry l’excite gentiment. Le Château Margaux magnum 1947 qui avait un niveau entre basse épaule et mi-épaule se montre absolument brillant. Il est large et sensible, profond avec des notes à peine truffées, riche mais féminin et d’une longueur majestueuse. C’est un grand vin noble réussi. Son équilibre fait plaisir. Connaissant l’incertitude que représentait le rebouchage non fait au château, je suis plus que ravi.

C’est maintenant l’heure du Wagyu d’une tendreté opulente divine. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 subjugue mes enfants. Sa signature Romanée Conti est confondante. Il incarne le sel qui fait le talent du Domaine. C’est un vin grandiose, sensible, émouvant, d’une séduction infinie. Quel grand vin ! Nous sommes aux anges.

Nous avons tant mangé que les fromages surnuméraires ne seront pas mangés.

Ma fille aînée a apporté une buche à la meringue et au citron. Mon fils a la même idée que moi. Il y a des mois et des mois que nous n’avions pas bu le fameux Calvados que m’avait offert un chauffeur de camion de mon ancienne entreprise, qui avait toujours deux bouteilles sous son siège : une pour offrir et une autre pour sa consommation à l’époque où les tests d’alcoolémie n’existaient pas.

Nous avons voté avec mon fils pour les deux repas. Le gagnant magistral est le Richebourg 1969. Le deuxième, du fait de son originalité mais aussi de son goût est l’Hermitage 1918. Le troisième est le Montrachet 1968 à la complexité brillante. Le quatrième est le Chevalier Montrachet 1992 au charme extrême et au parfum superbe. Le cinquième est le Château Margaux 1947 noble et précis.

Le plus important sentimentalement est la chaleur de la cohésion familiale, ce qui n’a pas de prix, mais mes enfants, pourtant habitués à boire de grands vins avec moi ont été éblouis par la profusion de vins légendaires. Voilà donc un grand pré-Réveillon.

le seul indice du nom « Richebourg » et l’année par le bouchon

Dîner avec mon fils et un vin de 1918 mardi, 20 décembre 2022

Noël est proche. Je me promène dans ma cave pour trouver des vins pour les réveillons à venir et mon œil est attiré par une jolie étiquette, celle d’un Hermitage Prosper Quiot 1918 dont je n’avais pas le souvenir. En soulevant la bouteille, je vois que le niveau est bas mais la couleur belle et j’estime qu’il ne faudrait pas tarder à l’ouvrir. En consultant mon livre de cave il apparaît que c’est un achat de 2016.

Il se trouve que mon fils venu à Paris va repartir à Miami le 21 décembre. Nous avons prévu un premier réveillon de Noël le 19 décembre. Mon fils va venir chez nous le 18 décembre pour voir la finale du championnat du monde de football. Nous dînerons ensuite. C’est donc l’occasion d’ouvrir des vins que nous pourrions garder pour le réveillon du lendemain.

Mon fils arrive en plein match et la domination des argentins est inquiétante. Il faut donc se donner du courage pour supporter l’angoisse et j’ouvre un Champagne Pommery 1980. Le pschitt à l’ouverture est très significatif et énergique. La couleur est très claire et la bulle est active. On donnerait volontiers 20 ans de moins à ce champagne. Il est frais, de belle longueur et d’une acidité agréable. C’est un champagne que l’on boit avec plaisir au point qu’il aura été fini avant l’éprouvante séance des tirs aux buts, après les prolongations.

Nous passons à table pour déguster un Caviar Osciètre Prestige de Kaviari. J’avais ouvert une bouteille qui venait de m’être offerte par un ami de longue mémoire. C’est un champagne très probablement des années 40 dont le niveau avait fortement baissé. L’ami avait enlevé le bouchon d’origine qu’il a joint à l’envoi de la bouteille, et avait remis un bouchon neutre. Le Champagne Pol Roger sec années 40 a été ouvert environ quatre heures avant le repas. J’étais sans illusion. Aussi quand j’ai ouvert, sans qu’aucun pschitt ne survienne, je fus assez rassuré par cette odeur de vieux champagne mais sans réel défaut. L’aération lui ferait du bien. Et c’est le cas au service. La couleur est foncée mais pas trop et le nez est engageant. Le champagne un peu vieux est buvable et je serai plus que surpris quand en fin de repas le vin offrira un parfum délicieux et un goût d’une belle cohérence, sans signe de fatigue. Faut-il donc ouvrir de tels champagnes encore plus tôt ? Je le crois volontiers.

Pour le cœur de saumon, j’ai prévu un Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils magnum 1992. La Cabotte est une parcelle du Chevalier Montrachet qui devrait normalement être incluse géographiquement dans le Montrachet. C’est seulement en 1992 que Bouchard a décidé de vinifier à part cette parcelle et pour ce premier millésime, n’a fait que des magnums.

La couleur du vin est d’un bel or, beaucoup plus plaisant et ensoleillé que vu à travers la bouteille. Le nez était sublime à l’ouverture. Il l’est devenu encore plus au moment du service. Ce vin est noble, précieux, joyeux, large en bouche, vif et racé. C’est un vin fruité qui a toutes les qualités dont son parfum enthousiasmant. Nous n’en buvons qu’un peu pour laisser ce vin pour le réveillon de demain.

J’avais ouvert il y a six heures l’Hermitage Prosper Quiot 1918 provenant de la cave Nicolas. J’ai versé en cachette deux verres pour que mon fils déguste à l’aveugle. Il trouve que le vin est du Rhône et il suggère les années 30. Je lui dis que si je goûtais ce vin à l’aveugle j’irais plutôt vers l’Espagne ou l’Algérie car le vin un peu torréfié m’aurait suggéré ces régions. Et je pense que c’est la perte de volume qui m’a donné cette piste. Le vin est tout simplement surprenant. Il est plus qu’agréable et il offre un fruit qu’un vin de 104 ans ne devrait pas avoir. Nous sommes face à un vin étonnant, de grand charme, de grande personnalité, qui bouscule toutes les idées sur les effets de l’âge. Son équilibre, sa longueur et surtout son fruit en font un vin de première grandeur je pense au Sidi-Brahim du début des années 30 bu à l’académie des vins anciens. On est dans le même registre d’émotion. Sur un bœuf Angus le vin s’exprime magnifiquement. Il est même capable de s’accorder avec un camembert Jort.

Ce premier soir est éblouissant.

les couleurs

la lie du 1918

Déjeuner au restaurant Pages avec une grande diversité de vins mercredi, 14 décembre 2022

Un des membres les plus fidèles de l’académie des vins anciens et qui est aussi l’un des plus généreux n’avait pas pu venir à la dernière séance et voulait absolument que nous déjeunions ensemble. Nous retrouvons au restaurant Pages avec des apports étonnants et nombreux de vins de cet ami.

J’arrive à onze heures pour ouvrir mes vins Il se trouve que j’ai eu l’occasion d’acquérir des vins de la cave de l’Institut de France qui voulait les vendre car les gestionnaires ne voyaient aucune possibilité de les utiliser. La cave où étaient ces vins n’est pas parfaite, avec des bouteilles en forte perte de volume et de nombreuses bouteilles avaient été rebouchées et cirées, sans que l’on sache pourquoi au sein de l’Institut. De nombreuses inconnues entouraient cet achat. L’occasion était bonne d’essayer deux bouteilles. Lorsque j’ouvre la bouteille de Pommard Colomb-Maréchal 1949, au niveau très haut dans le goulot, je lutte longtemps pour enlever le haut de la cire. Le bouchon est court et sans indication et à ma grande joie le parfum du vin est prometteur. C’est une bonne nouvelle même si je ne peux encore généraliser sur ce seul cas. J’ouvre aussi le Coteaux Champenois Blanc de Blancs de Chardonnay Laurent-Perrier sans année de la même cave, que la maison Laurent-Perrier que j’ai consultée date entre 1974 et 1982. Le parfum est engageant. Il n’y a donc aucun défaut apparent.

Selon la tradition, je bois une bière lorsque les ouvertures de vins sont finies en grignotant des haricots édamamés.

Les vins de mon ami sont en pléthore. J’ouvre d’abord un Pouilly-Fuissé Remoissenet Père & Fils 1959 au parfum radieux. Mon ami ouvre un vin de Loire pétillant, La Poullyssone Domaine de Maltaverne Vin mousseux de Qualité élaboré par Gilles Maudry de Pouilly-sur-Loire.

Nous goûtons cette Poullysonne Domaine de Maltaverne Vin mousseux de Qualité qui est une curiosité. Il est évident qu’il ne faut pas penser au champagne pour boire ce vin de Loire et quand on a capté la générosité du vin de Loire doux et aimable, le pétillant bien mesuré c’est-à-dire calme permet de profiter avec plaisir de ce jeune vin. Une belle expérience qu’offre ce vin simple.

Nous commençons le repas avec des amuse-bouches de qualité. Le Coteaux Champenois Blanc de Blancs de Chardonnay Laurent-Perrier sans année vers 1978 est agréable à boire, ciselé, précis, tout en retenue et élégant, assez « dry ». Il est gastronomique et se justifie en début de repas.

Pour le carpaccio de Wagyu à la truffe le Coteaux Champenois est brillant car il répond à l’aspect terrien de la truffe. Avec le Pouilly-Fuissé Remoissenet Père & Fils 1959 l’accord est plus gourmand.

Avec un chou-fleur à la truffe le gourmand Pouilly-Fuissé s’élargit encore. Le plat de poisson cuit avec des coques et des légumes verts en copeaux, permet au 1959 de devenir royal.

Le lièvre à la royale du chef Ken est infiniment plus gibier que celui d’Arnaud Donckele. Par tempérament, je préfèrerais volontiers celui de Ken à cause de cette puissance sans concession. Evidemment les deux sont de grand qualité. L’accord avec le Pommard Colomb-Maréchal 1949 est irréellement bon. On dirait que le pommard a été fait pour ce plat. C’est une immense et belle surprise, le pommard se virilisant face au lièvre.

Le Pommard a continué d’être grand sur trois fromages délicieux.

Pour le dessert apparaît Vino Dolcetto 1933 que Philippe annonce avoir ouvert il y a deux ans. On sent à peine la moindre faiblesse de ce vin aux tendances caramélisées et légèrement vinaigrées agréables.

Vient ensuite un Banyuls Dominicain de la coopérative de vinification de Collioures 1945, simple, joyeux et joliment fruité d’une douceur extrême. Un régal, comme un bonbon.

Le dessert subtil aux noisettes s’est accordé mieux avec le vin italien qu’avec le Banyuls.

Ayant eu beaucoup plus de vins que nous ne pouvions boire, ce fut l’occasion d’offrir des verres à l’équipe de cuisine.

Le classement que je ferais est : 1 : Pommard 1949, 2 – Pouilly-Fuissé 1959, 3 – Coteaux Champenois, 4 – Dolcetto 1933, 5 – Banyuls 1945, 6 – Poullysonne.

Mon ami confirme son statut de plus généreux des académiciens.


mes vins en cave puis au restaurant

après l’ouverture, selon la tradition chez Pages, bière et édamamé

mon ami arrive avec ses vins

dîner au restaurant Plénitude Arnaud Donckele mardi, 13 décembre 2022

Nous allons dîner au restaurant Plénitude Arnaud Donckele de l’hôtel Cheval Blanc Paris. Nous sommes six et Alexandre Larvoir, le directeur du restaurant, m’avait dit qu’Arnaud Donckele ferait un menu spécialement pour nous.

Je suis très embarrassé pour décrire ce festival inouï de saveurs. Face à un feu d’artifice, on ne peut dire que : « oh la belle bleue » ou « oh la belle rouge » et rester bouche bée. C’est pareil ici, on ne peut dire que : « oh quelle création géniale » ou bien « mais comment peut-il faire cela ? ». Car l’inventivité d’Arnaud Donckele est sans limite et le résultat est que chaque bouchée est un voyage. Les saveurs se mêlent, s’entrecroisent, se bousculent ou se flattent, en un ballet entraînant.

Sa cuisine est fondée sur les sauces et les mets sont au service des sauces et c’est brillant, incroyable. Nous nous sommes tous dit que nous vivions le repas le plus extraordinaire de nos vies.

Le menu qui noous a été remis à la fin du voyage est : partition maraîchère pour Vinaigrette « tellurique » / poule faisane, courge, châtaigne pour sauce Vierge : « douce épicarpe » / sandre, chou et truffe pour sauce à manger « lénitive » / trou normand / ris de veau, blette, chardonnay pour double sauce « champenoise » / en cuisine, lièvre à la royale / souvenir affectif, pomme, coing, vanille, pommeau pour Jus « baume du verger ».

Pour donner quelques idées sur le raffinement de ce qui s’est passé, voici la description des sauces incluses dans notre menu :

Vinaigrette « tellurique » : jus de betterave pourpre centrifugée, eau de péridium, cognac, réduction d’échalote au vinaigre de Callas, infusion de livèche, huile d’olive de Bouteillan, poivre Voatsiperifery.

Sauce vierge : « douce épicarpe » : consommé de poule faisane, lard fumé et sauvignon blanc, miel de châtaignier, moutarde de Callas, vinaigre de Xérès, infusion de romarin, huile d’olive de Bouteillan, truffe noire, courge, châtaigne rôtie, ciboulette, noix de muscade.

Sauce à manger lénitive : fumet d’arêtes rôties, riesling, chou et Roseval étuvés, suc de citron vert, beurre de truffe, huile d’olive de Bouteillan, infusion de basilic thaï et bergamote. Poivre Sancho.

Double sauce « champenoise » : fond de braisage, velouté de veau, réduction de champagne, crème crue, infusion de verveine, citronnelle et gingembre, huile d’olive et huile d’amandon de pruneau, raisin macéré au verjus. Poivre Kampot.

Jus « baume du verger » : essence de coing et de pomme, infusion de safran, jus de citron jaune, râpé de pomme fraîche.

Les sauces de notre dîner ne sont qu’une partie de la palette des nombreuses sauces qui contient notamment : le bouillon « ilargia », le bouillon « ache des montagnes », le bouillon « songe anisé », le Velours d’Eden, le sabayon « borgne », le fumet de vache « bravache », le sabayon « shahia », le jus « bois tison », le consommé « plume des brumes », le velours « d’Amarelle », ou la sauce pectinée et condimentée « esquisse d’endocarpe ».

En lisant ces titres on imagine le bouillonnement créatif du chef. Le choix des mots le dispute au choix des ingrédients.

L’inventivité est infinie et le résultat est époustouflant. On est comme dans un rêve car chaque saveur est pertinente et rebondit en donnant le même plaisir que celui que l’on ressent quand on jette des cailloux dans l’eau et que l’on réussit six ou huit ricochets.

L’accueil est chaleureux. Les hôtesses sont jolies et attentives et quand elles présentent les plats, on sent qu’elles les vivent. Elles sont attentives à la façon dont nous vivons cette expérience.

Emmanuel Cadieu, le chef sommelier de l’hôtel Cheval Blanc nous a conseillé les vins de façon très pertinente et aimable. C’est très agréable.

Le Champagne Jacques Lassaigne Les Papilles Insolites Blanc de Noirs sans année est très vif, cinglant et tranchant, de belle personnalité. Il a créé un très bel accord avec l’huître élégante et gourmande.

Ayant adoré le Champagne Dom Pérignon 2012 lors du dîner au Plaza Athénée, la tentation était grande de le commander à nouveau malgré un prix sensiblement supérieur au prix du Plaza. Le champagne est grand, de belle rondeur, mais je n’ai pas retrouvé la magie que j’avais ressentie hier. Le Dom Pérignon est idéal sur les pétoncles.

L’Hermitage Jean-Louis Chave blanc 2002 a une grande personnalité, riche et complexe. C’est un seigneur. Je pense toutefois qu’il est un peu moins vif que le 2010 que nous avons bu hier. Mais c’est un grand vin.

Le Bandol Domaine Tempier La Tourtine 2010 est un vin de garrigue. Il a des accents du sud fort plaisants. Avec Emmanuel nous nous sommes fait la réflexion que rien ne vaut un vin du sud lorsqu’il est bu dans le sud, car à Paris on attend un peu plus d’ampleur. Mais le vin va se montrer de haut niveau sur le lièvre à la royale, juste pour montrer que je l’ai sous-estimé.

A propos du lièvre à la royale. Il est d’usage que les personnes qui dînent soient invitées à se rendre en cuisine à une petite table à condition que le groupe ne dépasse pas quatre convives. J’ai donc proposé à Alexandre Larvoir que je reste à table avec ma femme pendant que nos quatre amis pour qui c’est le premier dîner à Plénitude profitent de cette occasion de bavarder avec le chef en cuisine. Après le service des poissons, Alexandre vient à notre table et nous dit que nous serons reçus tous les six en cuisine pour déguster un plat ajouté à notre menu.

Arnaud Donckele nous reçoit en cuisine et une charmante hôtesse nous lit le texte du sénateur Couteaux paru en 1898 dans le journal Le Temps qui décrit de façon très précise la recette du lièvre à la royale dite du Sénateur Couteaux. Ce lièvre est excellent car il y a une pointe de fraîcheur qui adoucit les lourdes saveurs de la chair. Et le Bandol brille avec lui.

Le dessert est aérien et conclut un dîner absolument parfait d’un génie culinaire. J’inscris ce dîner dans ma mémoire comme le plus brillant de tous ceux que j’ai eu la chance de vivre grâce aux chefs les plus talentueux de la planète. Une émotion incommensurable.

dîner au restaurant de l’hôtel Plaza Athénée dimanche, 11 décembre 2022

Des amis du sud nous proposent d’aller dîner au restaurant de l’hôtel Plaza Athénée que nous avions découvert il y a quelques semaines dans sa nouvelle configuration avec le chef Jean Imbert. Nous nous retrouvons d’abord au bar qui comprend deux espaces : un vrai bar où la musique forte rebute nos amis et une grande allée où des clients de l’hôtel ou des visiteurs de passage peuvent prendre le thé ou l’apéritif. On nous prépare une table et nous commandons une bouteille de Champagne Dom Pérignon 2012. Je connais ce champagne depuis sa mise sur le marché. Je l’avais bu au château de Saran. Il est maintenant dans un état de grâce absolu, au nez expressif et intense et une bouche suave, gourmande et convaincante. Un très grand champagne.

Nous nous rendons dans la belle salle à manger où nous dînerons à la très grande table en marbre qui fait toute la longueur de la pièce. Nous sommes huit et la judicieuse largeur de la table permet que chacun parle avec tous. Cette table est très agréable. La vaisselle est de toute beauté.

Le menu commun a été mis au point entre nous par des échanges de mails. Il est ainsi rédigé : hors d’œuvre / la brioche Marie-Antoinette au caviar / le turbot et sa garniture dieppoise / la poularde à l’étouffée sauce Albufera / les fromages frais et affinés / le grand dessert.

Laurent Roucayrol, le très compétent sommelier que je connais depuis des lustres (moins nombreux que les lustres du restaurant) nous a fait des propositions qui ont été acceptées.

Nous avons commencé par un Champagne Billecart-Salmon magnum 2009. La tâche n’est pas facile pour ce champagne qui arrive après le Dom Pérignon, mais il prend sa place. Il s’ébroue avec les amuse-bouches et présente une belle acidité et se marie bien avec la délicieuse huître.

Pour la brioche au caviar, nous pouvons essayer simultanément le champagne ou le Chablis Grand Cru Clos François Raveneau magnum 2003. Le vin est agréable, de belle fluidité mais manque un peu de puissance, même s’il est agréable. Le caviar manque lui aussi d’un peu de présence. Il s’efface derrière la sauce divine qui propulse le chablis a des belles altitudes.

La présentation du turbot est spectaculaire car il est niché dans une croûte parsemée de nombreux coquillages et couteaux. La cuisson du turbot est absolument parfaite et la sauce aussi divine. Le Chablis s’en accommode bien.

Pour la poularde j’aurais volontiers choisi un vin rouge mais Laurent a eu raison de m’orienter vers L’Hermitage Jean-Louis Chave blanc 2010. La couleur de ce vin est beaucoup plus foncée que celle du chablis et en bouche ce vin est d’une extrême puissance, chaleureux, expressif et racé. Son nez est percutant. C’est un très grand vin dans un état d’accomplissement parfait. La chair de la poularde est d’une tendreté rare et la sauce encore une fois fait le lien avec le vin. Les petites pommes de terre sont de vrais bonbons.

Je ne sais si c’est à ce moment du repas mais nous sommes invités à visiter la cuisine pour une photo souvenir avec le chef souriant. Cet intermède est sympathique.

Nous avions prévu le Gevrey-Chambertin Jean & Jean-Louis Trapet magnum 2013 pour les fromages mais on nous sert un brie truffé recouvert de salades. C’est avec le plateau de fromages que nous aurions satisfait le vin qui brille moins sur le brie.

Le vin a toute l’élégance et la discrétion de Jean-Louis Trapet. C’est un vin subtil, judicieux, élégant d’une belle Bourgogne raffinée. J’aime les vins qui ont cette délicatesse.

Une souriante pâtissière avait levé un store pour que l’on puisse voir, dans l’axe de notre grande table un sapin de Noël fait de fruits confits de toutes les couleurs. On nous sert le grand dessert qui offre une profusion de saveurs. J’avais déjà estimé être arrivé au-delà de mes limites lors du premier dîner. Je pense que le grand dessert va un peu trop loin même si l’intention est louable. Quand on est gourmand, on mange tout, mais ce n’est pas raisonnable.

Nous avons voté pour les vins et sommes tombés d’accord pour ce classement : 1 – Hermitage Chave blanc 2010, 2 – Gevrey-Chambertin Trapet magnum 2013, 3 – Dom Pérignon 2012, 4 – Chablis Clos Raveneau 2003, 5 – Billecart-Salmon 2009.

Le sommelier-chef Laurent nous a proposé des vins de haut niveau avec une délicatesse qui mérite des compliments. La cuisine de Jean Imbert est de grande qualité avec des cuissons précises et des sauces délicieuses. Dans un cadre raffiné nous avons passé une agréable soirée. Trouver un taxi ne fut pas facile tant la liesse de la victoire du Maroc sur le Portugal au championnat du monde de football était tombée dans l’excès.

visite en cuisine

le sapin en fruits confits

déjeuner à la maison lundi, 5 décembre 2022

Ma fille aînée et ses filles viennent déjeuner à la maison. Ma femme a prévu un curry d’agneau à la cardamome et pour l’apéritif du boudin blanc et d’autres petits amuse-bouches. Il me semble qu’un vin blanc serait plus adapté à l’apéritif et pour le plat, j’imagine un rouge ancien assez fort.

Le Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Alain Robin 1983 a une jolie couleur vue à travers le verre légèrement poussiéreux. Le niveau est proche du bouchon. A l’ouverture à 9 heures du matin, le nez est marqué et prometteur. Comme je l’imaginais, l’accord avec le boudin blanc coupé en lamelles et poêlé est divin, la gourmandise du boudin faisant sourire ce joli vin blanc, minéral, fruité et cohérent.

C’est un vin très agréable et gastronomique qui accompagnerait des poissons de rivières en sauce.

Le Château La Gaffelière Naudes Saint-Emilion 1953 a un niveau haute épaule et un nez à l’ouverture racé. Il est maintenant à table épanoui, et montre sa puissance et sa noblesse. Il est particulièrement long en bouche. Ma petite-fille lui trouve un goût de feu de cheminée. C’est vrai et cela lui donne encore plus de noblesse.

L’accord avec le curry d’agneau est réussi, même s’il n’était pas évident sur le papier. L’année 1953 est brillante en ce moment. Sa puissance et sa jeunesse sont une belle surprise pour un vin de presque 70 ans.

Le dessert est de petites tartes individuelles au citron avec des meringues. J’avais gardé suffisamment d’une bouteille de Vin de Chypre 1870. C’est toujours un enchantement de voir la vivacité et la complexité d’un vin de 152 ans si conquérant et si joyeux. Sa puissance lui permet d’affronter les saveurs citronnées. Un régal. Ce fut un beau déjeuner.