Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner avec les membres d’une belle institution mardi, 14 février 2023

Ayant eu l’occasion d’acheter les vins anciens d’une prestigieuse institution française qui ne voyait aucune utilisation possible de ces vins, j’ai eu envie de remercier ses dirigeants en leur faisant goûter des vins de ma cave – et non pas de leur cave – pour les faire entrer dans le monde des vins que j’adore. Le choix des vins est toujours un exercice que j’adore car j’aime créer des liens avec les personnes que je souhaite honorer.

Un intendant a préparé un repas froid où les diverses victuailles ne sont pas toutes des amies de vins, mais ce n’est pas cela qui importe.

Le Champagne Mercier Réserve de l’Empereur 1973 évoque évidemment Napoléon qui fut un protecteur des sciences et des arts. Il a fait un pschitt discret à l’ouverture mais au moins cette explosion de gaz existe. La couleur est d’un or pur. Quelle couleur engageante et joyeuse ! Le champagne est d’un charme pur, offrant un goût généreux et joyeux. La pureté de ce champagne est impressionnante.

Le Côtes du Jura Blanc Fruitière Vinicole de Château Chalon 1976 a été choisi parce que je trouve que le Jura est une splendide région viticole qui n’a pas la reconnaissance qu’elle devrait avoir. La couleur vue à travers le verre de la bouteille est très engageante. Ce vin a un parfum d’une intensité extrême. Il est puissant, conquérant et a une longueur infinie. Il est hautement gastronomique et alors que le comté lui est souvent associé, j’ai essayé un Reblochon qui a créé un accord subtil.

J’ai choisi un Château Fonbadet Pauillac 1928 parce que je considère 1928 comme l’une des années les plus prestigieuses du vingtième siècle. J’ai donc envie d’en persuader mes hôtes. La bouteille a été ouverte à 10 heures dans ma cave et j’ai rebouché juste avant de partir vers le lieu du déjeuner. Le nez est délicat et suggérant une belle richesse. En bouche, on ressent un peu de poussière et derrière une belle maturité et une densité marquée. Le vin est bon, mais la démonstration que je voulais faire n’est pas vraiment concluante car le vin est un peu fatigué. Beau témoignage mais imparfait. Etait-ce dû au bouchage et au transport après ouverture, ce n’est pas impossible.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 1979 est ouvert au dernier moment. Je l’ai choisi car je voulais être sûr que l’on goûte un vin parfait. Et c’est le cas. Ce vin est glorieux, le guerrier conquérant à qui rien ne résiste. Riche, joyeux et gourmand, un vin de plaisir.

Nous avons eu des votes unanimes pour dire : 1 – Côtes du Jura 1976, 2 – Champagne Mercier 1973, 3 – Clos des Papes 1979 et 4 – Fonbadet 1928.

J’ai senti que cette dégustation de vins anciens a touché mes hôtes, ce qui était mon souhait.

Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France lundi, 13 février 2023

Selon la tradition le déjeuner du club 2043 dont les membres – sauf un – sont nés en 1943, se tient dans la salle bibliothèque du Yacht Club de France. Nous sommes huit, à l’invitation de l’un des membres.

L’apéritif est toujours d’une abondance extrême et d’un raffinement certain. Il y a une variété de charcuteries, des ravioles de saumon et ricotta et des canapés au foie gras. Le Champagne Taittinger Brut sans année est très bon et sa personnalité est belle. Il est très agréable à boire, ce qui est plaisant.

Le menu mis au point avec Thierry Le Luc, directeur, et Benoît Fleury chef de cuisine est : velouté de homard et Saint-Jacques rôties / filet de bœuf français, rôti de ris de veau / fromages / Saint Honoré maison aux agrumes.

Le Puligny-Montrachet 1er Cru Garennes Domaine Vincent Prunier 2012 est gentiment gourmand, de belle mâche.

Le Chambolle-Musigny Laurent Roumier 2019 est un peu difficile pour moi car il est franchement trop jeune pour que j’entre dans son monde.

En revanche, le Gevrey-Chambertin Bouchard Père & Fils 2013 est très expressif et d’une belle personnalité.

Nos discussions furent particulièrement animées, les uns et les autres s’opposant sur l’histoire passée et récente qui explique la guerre entre la Russie et l’Ukraine, ce qui montre qu’à nos âges, nous avons encore le sang chaud. Ce fut l’amitié qui triompha.

Déjeuner au restaurant l’Astrance samedi, 11 février 2023

Pascal Barbot et Christophe Rohat, les propriétaires animateurs du restaurant Astrance avaient quitté la rue Beethoven il y a trois ans, juste à l’approche du Covid et se sont installés dans le lieu mythique où avait officié Joël Robuchon. C’est Alexandre de Lur Saluces qui m’avait fait découvrir Joël Robuchon au début des années 80 dans ce restaurant de la rue de Longchamp et j’avais été tellement impressionné que je réservais chaque fois une nouvelle table avant de quitter le restaurant pour créer une chaîne sans fin qui a continué avenue Raymond-Poincaré. Je suis heureux que Pascal Barbot puisse exprimer son talent en ce lieu chargé de si forts souvenirs.

J’ai invité l’ami avec lequel nous allons réaliser le prochain déjeuner de wine-dinners à l’Appartement Moët-Hennessy. Mon ami a apporté un Champagne Dom Pérignon P2 2004 à l’attaque puissante. Ce champagne est grand, généreux, complexe, mais je ne peux pas m’empêcher de préférer les champagnes dont le dégorgement est d’origine aux champagnes récemment dégorgés comme les P2.

Il n’empêche que ce champagne est fait pour la gastronomie. J’avais envie que nous prenions le menu déjeuner, pour être raisonnables, mais le maître d’hôtel, diablement convaincant, nous a orientés vers le menu Astrance aux innombrables plats.

J’ai commandé un Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale Domaine J.F. Mugnier 2010 en demandant à la sommelière Chloé Laroche que le vin ne soit ouvert qu’au moment où sera servi le plat qui appelle un vin rouge.

L’intitulé du menu ne nous a pas été donné et je n’ai pas pris de notes, ce qui limite ma reconstruction du repas. Les petits palets qui mêlent acidité et douceur sont d’une belle élégance. L’entrée ou mise en bouche à base de bulots délicieux avec une mayonnaise aux algues, de praires au jus d’agrume, et d’une belle huître est aimablement marine et fait plaisir. Le champagne s’en régale.

Des beignets sont gourmands et précèdent des coquilles Saint-Jacques de grand talent. Le champagne continue d’être adapté aux saveurs subtiles, mais pensant au Dom Pérignon 1992 si réussi bu récemment je maintiens mon jugement sur ce P2, même si j’admets que mon goût n’a aucune prétention d’universalité.

On nous sert un poisson gras, peut-être un maquereau, je ne sais pas, qui appelle le vin rouge. Le Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale Domaine J.F. Mugnier 2010 est servi selon mon désir, mais comme il est un peu plus chaud qu’il ne devrait, la fraîcheur que j’attendais n’est pas manifeste. Mais on a la subtilité fine des vins du domaine Jacques Frédéric Mugnier.

Tout en lui est délicatesse et il va s’élargir au fur et à mesure de la dégustation avec un joli fruit rouge charmant. La suite est agréable. J’ai adoré le plat de céleri et un peu moins le cochon de lait.

La façon dont est traité le roquefort est très originale et le dessert est absolument divin.

Pascal Barbot a élargi la palette des saveurs qu’il propose et on le sent heureux de travailler dans une « vraie » cuisine, car rue Beethoven l’espace était étroite. Tout se présente bien pour que ce lieu compte parmi les grandes tables de Paris. J’étais heureux de renouer avec un chef qui m’avait donné tant de belles émotions depuis que je le pratiquais, presque dès l’ouverture à la rue Beethoven.

Longue vie à ce nouvel Astrance.

Retour sur Paris et déjeuner Place des Vosges mardi, 7 février 2023

Après cinq semaines passées dans le sud, le retour sur Paris est toujours difficile. La SNCF a décidé une fois pour toute que les sanitaires étaient le cadet de ses soucis. Ayant attendu pour aller aux toilettes, le voyageur qui en sort me dit : je serais vous, je ne me risquerais pas. Je constate l’ampleur des dégâts et j’essaie de trouver un agent de cette belle institution qui résolve le problème. J’en trouve un et quelque temps après je lui demande si le problème est résolu. Il me répond oui, nous avons condamné les toilettes. L’idée de résoudre le problème n’était pas venue et comme l’autre sanitaire du wagon était lui aussi condamné, on mesure à quel point les trains français et japonais appartiennent à des mondes différents.

Pourquoi parler de cela ? Parce que j’ai vécu pendant toute mon existence industrielle dans la recherche de la qualité totale et que je souffre d’une France qui s’abandonne dans trop de domaines.

Je vais déjeuner avec mon fils, sa femme et son fils au restaurant Place Royale situé sous les arcades de la Place des Vosges. C’est un restaurant sympathique, avec un service souriant. Sur une aimable mortadelle nous avons bu un Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2006 joyeux, agréable, de belle présence en bouche et d’un équilibre serein et ensoleillé.

Sur la carte des vins j’avais repéré un Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 2005. Je le commande et je vois qu’on apporte un Chapelle de l’Hermitage 2005 avec une étiquette qui n’est pas celle de l’iconique Hermitage. Il s’agit plus que probablement d’un second vin de l’Hermitage. Je n’ai pas poursuivi dans cette direction et gentiment l’aimable serveur m’a dit qu’il changerait la dénomination du vin sur la carte des vins. J’ai commandé un Beaune Premier Cru Les Cent Vignes Domaine Arnoux Père et Fils 2009 fort sympathique, gouleyant, pas très complexe mais très sincère, très agréable à boire sur une pièce de bœuf goûteuse aux frites.

Ce restaurant d’une cuisine simple mais de belle qualité mérite qu’on s’y restaure.

Déjeuner en ma cave avec mon fils vendredi, 3 février 2023

Avant de repartir à Miami, mon fils a envie de déjeuner avec moi dans ma cave. Il s’occupe de trouver des plats simples chez un traiteur. Nous commençons par un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1969 de l’année de mon fils. Je suis en totale admiration pour ce champagne qui, lorsqu’il est vieux, devient glorieux. Il est rond, joyeux, confortable. C’est un bonheur de champagne.

J’ai ouvert ensuite un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 dont la capsule est bombée, recouvrant un dépôt noir et terreux qui fort heureusement n’a aucune influence sur le bas du bouchon de belle qualité. C’est fréquent que les vins du domaine de cette période aient des dépôts terreux sous la capsule. Le vin est superbe, représentation emblématique de la noblesse du domaine. Le sel est élégant et la rose est subtile. Ce vin d’une année de peu de puissance montre de ce fait toutes les subtilités et la grâce du domaine. Mon fils et moi sommes émus de tant de sensibilité dans ce vin délicat.

Partager nos sensations avec mon fils est un plaisir pur.

Petite Liqueur Pétillante par Moët et Chandon lundi, 30 janvier 2023

Ray, un américain, vend du vin dans le Minnesota. Il me suit sur Instagram depuis longtemps et m’avait écrit que grâce à mes écrits il était entré dans le monde fascinant des vins anciens. Pour me remercier il voulait me faire cadeau et m’envoyer un flacon de Petite Liqueur Pétillante de Moët et Chandon. Je n’aime pas recevoir des cadeaux sans qu’il n’y ait une réciprocité aussi lui ai-je proposé, s’il venait un jour en France, que nous partagerions cette bouteille, qui est pour moi une énigme, n’ayant jamais entendu parler d’une telle liqueur. Ayant lu la présentation de Ray, je lui donnais les vertus d’une rareté extrême.

Ray faisant un voyage en France qui le conduit à passer à Montpellier, je lui propose de venir déjeuner dans notre maison du sud. Ayant à ce moment reçu une photo de la bouteille de Ray je suis allé sur Internet et j’ai pu voir que Moët avait eu l’idée au début des années 80 de faire de minuscules bouteilles de 200 millilitres de cette liqueur pétillante destinée à une clientèle de jeunes en boîtes de nuit ou autres festivités.

La lancée commerciale n’a jamais atteint les objectifs et ce nouveau produit fut arrêté en 1993. Mon rêve de rareté prenait un goût amer, mais l’invitation ayant été lancée, il n’était pas question de reculer. Le menu composé avec mon épouse serait : plateau d’huîtres de quatre origines différentes / caviar osciètre / demi-langoustes cuites au four / fromages / gâteau meringué à la framboise / financiers.

J’ai ouvert mes vins vers 10 heures pour un repas qui commencera à 12h30 et Ray avait déjà ouvert son vin rouge et rebouché pour le transport entre la maison d’hôtes où il avait dormi et notre maison.

Comme d’habitude, le bouchon du Champagne Salon 1997 résiste à tous mes efforts. Il faut pincer le bouchon avec un casse-noix pour qu’il commence à tourner mais il se cisaille, la partie inférieure restant collée au goulot. Le pschitt au moment de la levée du reste de bouchon avec un tirebouchon est de peu d’énergie. Ce champagne à la belle couleur d’un or clair est le compagnon idéal des huîtres. L’iode rend sublime ce beau Salon que j’adore, d’une personnalité extrême. L’accord est magistral et la longueur du Salon est extrême.

Le Champagne Dom Pérignon 1992 avait eu un pschitt beaucoup plus fort que celui du Salon. Sa couleur est beaucoup plus ambrée, et la bulle est abondante. Ce 1992 qui avait été négligé des amateurs après des millésimes brillants comme 1988 et 1990 se montre aujourd’hui d’un épanouissement absolu. Et je me fais cette réflexion : à quoi sert d’avoir des P2, Plénitude 2, quand on a des champagnes de trente ans d’une telle personnalité ? Car ce champagne est d’une maturité idéale. Ce n’est sans doute pas vrai pour tous les millésimes mais je suis très impressionné par ce 1992.

Et on mesure à quel point le Salon, impérial sur les huîtres, n’aurait pas vibré sur le caviar et à quel point le Dom Pérignon, sensuel sur le caviar, n’aurait pas profité de l’iode des huîtres. Ce sont deux champagnes dissemblables, qui ont brillé dans les associations qui leur ont été proposées.

Pour les langoustes nous avons deux vins rouges. Le Clos de Vougeot Grand Cru Méo Camuzet 2002 est tout en grâce et en subtilité. Il est émouvant. A côté de lui, le Cabernet Sauvignon Robert Mondavi Napa Valley 1970 est un vin solide, carré, charpenté et équilibré, mais sans grande complexité. Ce qui est étonnant, c’est qu’il paraisse aussi jeune. Quand tant d’américains pensaient, il n’y a pas si longtemps, que leurs vins ne vieillissaient pas bien, voilà un vin de 52 ans qui n’a pas la moindre ride.

Au moment des fromages j’ai eu envie de montrer à Ray que l’on peut oser des accords. Sur le fromage Jort, le Salon 1997 est brillant. Sur un agréable fromage de chèvre, le Dom Pérignon 1992 crée un accord inattendu.

On revient ensuite à des associations plus classiques en confrontant les deux rouges avec un opulent saint-nectaire. Pour le gâteau meringué à la framboise c’est le Salon 1997 qui s’impose.

Il est temps que j’ouvre le flacon de Petite Liqueur Pétillante par Moët et Chandon de # 1985. La cape qui recouvre le bouchon n’est pas celle d’un Moët mais celle d’un Dom Pérignon, fragile et qui s’éparpille en mille morceaux. Le bouchon vient facilement mais il n’y a aucun pschitt. Et la liqueur versée dans de petits verres n’a rien de pétillant.

Pour accompagner ce breuvage inconnu j’ai choisi des gâteaux secs car le pâtissier n’avait pas de financiers. Goûter cette petite liqueur qui titre 18° est un voyage dans l’inconnu. Il y a des accents de marc ou de grappa avec des suggestions végétales. Cette liqueur est « dry », sèche, et comme on est sur une piste inconnue, j’aime ce goût nouveau. Et j’aurais tendance à penser que Moët & Chandon devrait relancer cette liqueur avec un marketing remis au goût du jour, car cette petite bouteille est absolument charmante, ronde et joufflue. Cet élixir était le prétexte à notre rencontre et j’en suis très content.

Ray a annoncé le premier son classement des vins du repas : 1 – Salon 1997, 2 – Clos de Vougeot 2002, 3 – Dom Pérignon 1992, 4 – petite Liqueur vers 1985, 5 – Cabernet Sauvignon 1970.

Je partage ce classement. Instagram est à l’origine de ce repas fort agréable. A renouveler.

Krug en petit format mardi, 24 janvier 2023

Une amie vient nous saluer dans notre maison du sud. Après les réveillons, je n’avais pas regarni le réfrigérateur aussi le seul champagne disponible à bonne température est un Champagne Krug Grande Cuvée en demi-bouteille. Du fait de sa forme, la bouteille semble avoir une contenance bien inférieure à la moitié d’une bouteille.

Le champagne est plaisant, noble, et fort agréable. Nous grignotons des chips à la truffe noire. Pour deux, je peux servir à chacun deux verres, ce qui justifie pleinement ce format qui permet d’honorer un visiteur impromptu d’une agréable façon.

Des vins partagés dans le sud samedi, 21 janvier 2023

Ma fille cadette vient nous visiter dans le sud avec son compagnon. J’ouvre un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983 que j’avais envie de redécouvrir. Le bouchon et très beau et le pschitt est présent, même si de peu d’énergie. La bulle est présente, la couleur est d’un bel ambre clair. Je bois beaucoup plus souvent des blancs de blancs que des blancs de noirs aussi est-ce un plaisir d’apprécier la typicité de ce blanc de noirs. Il a une très belle énergie, il est vif, intense et combine complexité et noblesse. Tout se passe dans l’attaque car le finale est assez court.

Curieusement le dernier verre que je sers est gris, avec beaucoup plus de sédiment qu’il ne devrait avoir. Et le goût de ce dernier verre est peu plaisant. Ce qui n’empêche pas ce champagne de nous avoir séduit.

Pour le risotto à la truffe noire, j’ai ouvert un Châteauneuf-du-Pape Saint-Préfert 1990 qui est une belle surprise. On dit souvent que Château Rayas est le plus bourguignon des Châteauneuf, et je pense que ce Saint-Préfert délicieux est dans la même direction que Rayas. Et il profite du millésime exceptionnel qui lui donne une solide structure et un charme épanoui. C’est vraiment un vin de belle grandeur.

Le lendemain nous organisons un dîner qui sera fondé sur deux piliers : un plateau de fruits de mer dont chacun a donné ses requêtes et un caviar osciètre avec baguette et beurre. La presque centaine de pièces, huîtres, palourdes, crevettes, langoustines, crabes, bulots et autres est répartie sur trois plateaux. Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum, dégorgé en 2016 est le compagnon idéal pour ce repas. L’accord le plus brillant est sur les huîtres, car l’iode excite le champagne comme la muleta mise sous le nez du taureau de combat. Sur les crustacés, le champagne est beaucoup plus doucereux et aimable. Je considère le Grand Siècle comme l’un des plus romantiques champagnes. Celui-ci est encore jeune, mais d’un charme subtil.

Des plateaux de fruits de mer aussi copieux, ça donne soif, aussi j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1990. Et c’est totalement idéal pour le caviar car Dom Pérignon semble être le meilleur compagnon possible pour le caviar car le sel du caviar appelle sa douceur. Une combinaison de rêve avec un Dom Pérignon au sommet de sa subtilité.

Un grand dîner avec deux champagnes parfaits.

La veille de la Saint-Sylvestre samedi, 31 décembre 2022

Nous avions décidé que la veille de la Saint-Sylvestre serait « à l’eau ». Au déjeuner, nous avons tenu promesse. L’après-midi se passe et vers 18 heures je lance : voulez-vous que l’on boive le champagne que vous avez apporté. C’est un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2020. Immédiatement la cuisine bruisse de toute part. Un Pata Negra est ouvert, les anchois reviennent sur table ainsi que les chips et ma femme coupe de fines tranches de truffes que l’on va étaler sur du pain et du beurre.

Sur les tartines de truffe le champagne viril, puissant, devient doux comme le tigre admonesté par son dresseur. Le Selosse est fou de complexité, fonçant comme un taureau de combat, mais sait, en même temps, comme dirait notre Président, se montrer subtil et amène.

Ma femme avait prévu pour le repas une brouillade d’œufs à la truffe et un butternut. La brouillade me fait lancer une idée : que diriez-vous si j’allais chercher en cave un Substance dégorgé en 2013, pour que nous comparions les deux ? Chacun avait en tête nos promesses de ne pas boire et l’hésitation fut longue. Mais l’envie l’emporta.

Le champagne pris en cave n’était pas assez froid aussi avons-nous attendu avant de passer à table. A l’ouverture, le bouchon m’a résisté de longues minutes car je ne voulais pas qu’il se brise à la torsion. Il est beaucoup plus long que celui dégorgé en 2020 ce qui explique sa résistance.

Suffisamment refroidi je sers le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en juillet 2013. Sa couleur est à peine plus ambrée et sa bulle est active, le champagne ayant fait un pschitt significatif à l’ouverture.

Immédiatement nous sommes éblouis comme d’une divine apparition. Le parfum du 2013 est envoûtant, subtil et caressant. En bouche, le vin est large élégant tout de grâce. Quel grand champagne. Il a même des évocations florales raffinées.

Et ce qui est intéressant, c’est que les deux champagnes se valorisent l’un l’autre. Le 2020 devient plus affirmé, plus convaincant et le 2013 est d’un charme infini, comme une déclaration d’amour courtois.

Et les deux champagnes brillent avec la brouillade ou avec le butternut, chacun à sa façon. Nous sommes sur un petit nuage de félicité.

Ce qui reste d’un délicieux camembert Jort brille avec le 2013. Nous sommes aux anges.

Lorsque nous nous sommes quittés pour aller dormir, je suis resté au salon, heureux et pensif, fier d’avoir provoqué un événement impromptu, porteur d’un bonheur d’autant plus grand qu’il n’était pas attendu.

Saint-Sylvestre J-2 vendredi, 30 décembre 2022

Deux jours avant la Saint-Sylvestre des amis nous rejoignent dans notre maison du sud. Selon une tradition bien établie, j’ouvre un champagne Salon, champagne de bienvenue. Sur la table du salon il y a des chips à la truffe, un tarama à la truffe d’été et des anchois. Le Champagne Salon 2006 a un bouchon qui vient avec effort mais ne résiste pas comme ceux de certains millésimes. Immédiatement on est conquis par ce champagne clair et limpide, fluide et plaisant. L’image qui me vient est celle d’une automobile Bentley. Ce véhicule est classé haut dans la hiérarchie et se caractérise par un grand confort. Le Salon se ressent de la même façon, grand et confortable. Il met à l’aise celui qui le boit qui n’a pas à se poser la moindre question : il est là, présent, et on en jouit.

Pour le déjeuner dont le plat principal est un cœur de saumon de Kaviari, il faut un vin blanc. J’ai choisi en cave un vin qui m’intrigue : Vray Pinot Chardonnay Le Roy négociant Appellation Bourgogne Contrôlée 1966 dont l’étiquette a été imprimée pour un distributeur italien. Le Roy est écrit Une fois Leroy et une fois Le Roy. Le niveau est très haut pour cet âge et la couleur vue à travers le verre de la bouteille est très foncée. Le vin serait-il madérisé ? La question est assez légitime. J’ouvre le vin deux heures avant le repas. Le bouchon est de belle qualité. Le parfum est engageant, vieux bien sûr, mais acceptable.

Au moment du service la couleur dans le verre est plus claire qu’elle l’est dans la bouteille. Je me dis qu’il faut boire ce vin comme il se présente et non pas comme on aimerait qu’il fût. Et lorsque l’on choisit cette voie, on se rend compte que le vin est agréable. Son nez discret est avenant, l’attaque en bouche est un peu fermée et sèche, le milieu de bouche est large et ensoleillé, l’âge étant marqué mais pas trop, et tout se joue dans le finale, long, complexe et joyeux. L’accord est meilleur sur du pain et du beurre que sur le saumon lui-même, bien qu’acceptable, mais ce qui compte c’est que ce vin est agréable et gentiment complexe, alors qu’il ne s’agit que d’un Bourgogne générique.

Ce vin aurait probablement rebuté de nombreux amateurs parce qu’ils auraient eu des attentes qu’il ne fallait pas avoir. Sur un camembert Jort affiné idéalement, le vin a trouvé un bel accord. Ce déjeuner nous a plu.

Le soir, l’apéritif se prend avec un Pata Negra Belota Belota extrêmement gras et goûteux, avec la deuxième moitié du champagne Salon 2006. Il a gagné beaucoup en largeur et devient plus glorieux. Il est, pour un champagne jeune, au sommet de son art et le gras du jambon l’épanouit.

Le plat principal sera des pommes de terre bio à la mayonnaise accompagnées d’anguilles fumées. J’ai choisi un vin qui a une certaine valeur affective. Pendant des années j’ai accompagné les vignerons de l’association Rhône Vignobles dans leur démarche de curiosité envers les vins anciens. Nous avons fait des dîners mémorables avec des vins que j’avais apportés, ainsi qu’un caviste lyonnais. Et en fin de ces belles réunions des vignerons m’offraient de leurs vins. Le Cairanne Domaine Bruno et Vincent Delubac Côtes du Rhône Villages 2014 fait partie de ces cadeaux amicaux. Je l’avais ouvert avant midi pour le cas où le « Vray Pinot Chardonnay » eût été défaillant.

Ce vin est une très agréable surprise. Il est franc, précis et extrêmement bien fait. Fluide, plaisant, on sent qu’il profite bien de son âge, et qu’il a atteint un optimum, mais qu’il saura vieillir calmement. Il est beaucoup plus élégant que ce qu’on attendrait d’un vin « Villages ». C’est une heureuse rencontre.