Dîner à l’Auberge Nicolas Flamel avec de talentueux jeunes connaisseursmardi, 18 avril 2023

Deux étudiants d’une grande école sont des fidèles de l’Académie des Vins Anciens. L’un d’entre eux travaillant pour obtenir un poste prestigieux dans l’Administration Française m’avait dit que s’il l’obtenait, il m’inviterait à dîner pour célébrer sa nomination.

Nous nous retrouvons à quatre à l’Auberge Nicolas Flamel, la plus vieille auberge de Paris, aux pierres et boiseries ancestrales et à la décoration d’une rare beauté.

Lorsque j’arrive pour ouvrir les vins, la brigade est active pour tout préparer, d’autant plus que le restaurant va recevoir ce soir le chef d’un restaurant trois étoiles historique de Paris. Tout doit donc être parfait. Le sommelier Claude qui a vécu longtemps à San Francisco me reçoit comme un prince et nous bavardons pendant que j’ouvre un vin et un champagne.

Il se trouve que les trois normaliens participent à tous les concours de dégustation proposés aux écoles européennes les plus prestigieuses. La dégustation à l’aveugle n’est pas un souci pour eux tant leur connaissance des cépages et des appellations est grande. J’ai choisi un vin qui sera caché par une housse pour qu’ils le découvrent sans savoir et j’espère bien qu’ils ne trouveront pas.

J’ai ouvert un champagne qui fera le début de repas mais il est opportun de commencer par un champagne au verre proposé par le restaurant : le Champagne Lallier Réflexion R.019. La couleur est extrêmement pâle comme celle d’une eau claire. La bulle est active et le champagne est un peu serré. On sent sa belle subtilité et son élégance, mais un peu timides.

Les amuse-bouches sont : ormeaux et crème de citron et yuzu, millefeuille de topinambour avec crème de raifort et poudre de laurier, bouchée de filet de bœuf en pastrami et caviar osciètre. Ils donnent un aperçu convaincant du talent du chef Grégory Garimbay que l’on voit dans sa cuisine, actif, attentif et souriant.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1982 a une couleur d’un or clair qui contraste avec la pâleur du jeune Lallier. C’est un champagne large, souriant, ample, d’une complexité vive et, ce qui me fait particulièrement plaisir, c’est qu’il « féconde » le Lallier en lui donnant une belle largeur. Constater que des vins se fécondent est un de mes plaisirs.

Le menu est ainsi rédigé : langoustine, herbes et fleurs, caviar Kristal / asperge blanche, cacahuète, moutarde / homard bleu, morilles, moelle, algue poivrée / poularde Culoiselle, romaine grillée, lard de Colonnata / kiwi, salicorne, piment fumé / artichaut, vanille, tonka / chocolat, algue nori, criste marine.

Les mignardises sont : crème fraiche de chèvre et fruits des bois, financier à la noisette et sucette meringuée au citron.

A côté du Mumm, Claude nous sert le Chablis 1er cru Vaillons Vincent Dauvissat 1996 que je bois sans connaître l’année. La couleur est très rose. C’est un magnifique chablis puissant et déroutant, car il varie ses messages selon les plats et les accompagnements. Sur la langoustine, à laquelle le caviar donne un sacré coup de fouet, c’est un régal absolu. Son millésime est beaucoup plus jeune que ce que j’attendais, car sa faculté adaptative est celle d’un vin d’une grande maturité.

L’asperge blanche va permettre l’entrée en scène d’un vin qui n’a aucune étiquette ni signe dont le cépage César m’est inconnu, un Côtes d’Auxerre César domaine Sorin 1969. J’ai proposé comme millésime 1986 car sa fraîcheur, et son intensité sont ceux d’un vin très jeune. Ce vin franc et direct est une belle surprise. Il emmène sur des pistes élégantes et subtiles que j’aurais placées dans d’autres régions.

Mon vin arrive masqué et mes jeunes amis cherchent sur quelle rive bordelaise il se situerait. J’ai donc réussi à les égarer, car il s’agit d’un Mas de Daumas Gassac vin de pays de l’Hérault 1980. Je suis moi-même surpris que le vin au parfum noble soit aussi éblouissant. Car l’hypothèse qu’il soit un Grand Cru Classé de Bordeaux n’est pas une hérésie. Aimé Guibert, fondateur de ce domaine, dont je fus l’ami, aurait été heureux des propositions de mes convives qui pratiquent avec succès les dégustations à l’aveugle.

Le vin est noble, solide, expressif, conquérant mais serein et il est évident que l’âge lui apporte une cohérence qui souligne sa grandeur.

La poularde est divine, fondante en bouche et met en valeur le Barolo Giacomo Borgogno 1943. A son contact, j’ai un petit frisson car on entre dans un monde de vins anciens qui est luxe, calme et volupté. On imagine des nymphes au front ceint de fleurs roses et qui pincent un luth en chantant. Car tout est délicat dans ce Barolo expressif. C’est un grand bonheur de le goûter.

La cuisine du chef est très talentueuse. Notre table est une corne d’abondance où chaque serveur vient ajouter de nouvelles saveurs au plat déposé devant nous. Ça n’arrête pas et je pense que cette forme de cuisine où la surenchère d’accompagnements est sans fin connaîtra un frein lorsque le pouvoir tyrannique du Guide Michelin s’affaiblira. Ce qui n’empêche pas que nous ayons apprécié la cuisine imaginative et talentueuse du chef.

Le sommelier Claude a le cœur sur la main. Il est d’une grande sensibilité. Le service des plats est parfait et les serveurs sont souriants. C’est une expérience gastronomique marquée par l’abondance et très réussie.

Au moment des votes, le vin à classer premier est soit le Mas de Daumas Gassac 1980, soit le Chablis 1996. Viennent ensuite le Barolo, puis le si curieux Côtes d’Auxerre et le champagne Mumm.

Quand je me suis rendu compte que deux des trois convives sont des mêmes âges que mes petits-enfants, j’ai pu mesurer comme le temps passe. Mais s’il passe avec de tels convives si charmants, ce n’est que du bonheur.

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Nous avons tellement bavardé que je n’ai pas photographié les vins de mes amis

 

le chef trois étoiles de l’Ambroisie en cuisine avec l’équipe du restaurant Nicolas Flamel

avec mes amis qui, entretemps, on gagné le concours européen de dégustation ouvert aux grands écoles de tous les pays européens.