Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner au restaurant l’Écu de France mercredi, 23 novembre 2022

Un ami néerlandais avait réussi à percer le secret du restaurant mystère dont je ne voulais pas révéler le nom. Il a donc souvent investi cet endroit et nous avons décidé que de temps à autre nous nous retrouverions au restaurant l’Écu de France. Nous sommes trois.

J’ai apporté la bouteille du Krug Rosé ouvert il y a deux jours dont il reste plus de la moitié. Ce qui m’étonne, c’est qu’en enlevant le bouchon qui est le bouchon originel de la bouteille, le pschitt est encore plus significatif que celui ressenti à l’ouverture dimanche dernier. Le champagne s’est élargi et il est encore plus large et opulent qu’il ne l’était. C’est un réel plaisir.

L’amuse-bouche est un lit de betteraves, miso et œuf de truite. Alors que la betterave rouge n’est pas franchement l’amie des vins, elle s’accorde très bien avec le champagne. Accord couleur sur couleur, cela marche assez souvent.

Le menu que je prends est : escalope de foie gras poêlé, crème de Porto blanc et nougatine croquante / filet de bœuf de Simmental, mousseline de pomme de terre truffée et petit violet / brie de Meaux aux brisures de truffe et tomme des montagnes.

Le Chablis Montée de Tonnerre Premier Cru Raveneau 2017 est précis, fluide, minéral, élégant et agréable à boire. Il est long, direct et avec un finale minéral. Je suis impressionné par sa précision. L’accord avec le foie gras poêlé se trouve naturellement.

Le Chambertin Armand Rousseau 2017 est d’une pure élégance. Si délicat et frais. Un pur délice. Ce qui me frappe, c’est l’élégance. Il est vraiment agréable à boire même si c’est un bébé.

La cuisine a fait de beaux progrès. L’accueil familial de la famille Brousse participe à l’attrait de ce restaurant traditionnel.

Déjeuner de famille avec un grand Richebourg lundi, 21 novembre 2022

Une amie américaine qui avait participé il y a deux jours au 269ème dîner vient déjeuner à la maison, « en famille ». Il y aura ma fille cadette, son compagnon, ses deux enfants et le fils de mon fils. Pour le choix des vins, je n’avais pas utilisé l’inventaire, mais c’est en me promenant dans la cave que mon regard a été attiré par un Richebourg Charles Noellat 1971. La bouteille est belle, fermée par de la cire et son niveau est superbe, à trois centimètres sous le bouchon.

Pour faire un programme sympathique je choisis un Krug Grande Cuvée à l’étiquette crème ce qui le situe dans les années 80, et un Krug Rosé à l’étiquette ancienne qui est, à mon avis, la plus belle bouteille de champagne qui existe, car le col est élancé et le vieux rose entouré d’argent de l’étiquette est d’une grande élégance.

J’ai rapporté les bouteilles choisies à la maison et dans ma cave mes yeux croisent une bouteille de Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1961. Il se trouve que Charles Viénot et Charles Noellat sont deux vignerons dont j’ai aimé les vins. Les associer serait intéressant. Hélas, le bouchon de la bouteille de Chambertin est tombé dans le vin. Il n’y aura sans doute pas de comparaison possible.

Le dimanche matin vers 9 heures, je décapsule la bouteille de Chambertin, je nettoie le goulot et je verse le vin dans une carafe. Le parfum du vin est à peine dévié. Il n’y a aucun goût de bouchon. Seul un sentiment de vieillissement existe.

La bouteille du Richebourg est fermée par de la cire rose qui est marquée du nom de Noellat. Le bouchon de très bonne qualité vient entier. Le parfum du vin est enthousiasmant.

A la suite j’ouvre les deux champagnes Krug dont les bouchons sont similaires indiquant des âges très proches, de plus de trente ans. Le Grande Cuvée n’a eu aucun pschitt alors que le rosé en a un, de discrète énergie.

Pendant ce temps, ma femme s’affaire pour préparer des plats déjà mis en œuvre la veille.

Nous sommes huit dont seulement trois buveurs du fait de la présence de petits-enfants. Le Krug Grande Cuvée à l’étiquette crème est un grand champagne, noble, complexe, d’une grande qualité. On le boit en grignotant de la poutargue, de la tête de moine, des gougères, des chips à la truffe et une tapenade originale à la réglisse. Le Krug est idéal avec les gougères et la tête de moine.

J’ai annoncé que le Chambertin Clos de Bèze Charles Viénot 1961 avait son bouchon tombé dans le vin aussi la tentation est de ne pas l’aimer alors que je suis surpris de le voir presque parfait. Le nez est acceptable et le parcours en bouche n’est pas rebutant. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Nous le laissons de côté. Il aura ainsi mis en valeur le vin qui suit.

Le Richebourg Charles Noellat 1971 est un vin immense. D’une extrême vivacité, il combine élégance et richesse. Très différent d’un Richebourg du Domaine de la Romanée Conti qui est plus délicat malgré sa force, ce vin est très puissant et a un finale de grande longueur. Il est parfait sur un Parmentier de canard, et très réactif sur un époisses. C’est un vin de haut niveau. Un abonné de mon compte Instagram m’a indiqué que ce vin fait maintenant partie du domaine Leroy, ce qui en fait un vin financièrement intouchable. Il est heureux que nous l’ayons trouvé divin.

Le Krug Rosé probablement des années 90 est un rosé élégant. Le bouchon suggère qu’il a cet âge. Il se boit avec une très belle crème au chocolat, plus noble qu’une mousse au chocolat, accompagnée de mangue et d’ananas. C’est un champagne noble.

Ce repas de famille avec notre amie américaine fut un moment de bonheur.

Déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 16 novembre 2022

Notre déjeuner de conscrits se tient dans la bibliothèque du siège du Yacht Club de France. Nous sommes six. Nous trinquons avec un Champagne Charles Collin blanc de blancs 2010 que je trouve un peu amer mais qui va se civiliser sur une confortable poutargue. Le directeur Thierry Le Luc veut tellement nous faire plaisir que les amuse-bouches sont gargantuesques. Il y a des coquilles Saint-Jacques présentées dans des rondelles d’andouille de Guémené, de délicieuses croquettes de crevettes que l’on trempe dans une sauce crémée, des toasts au ris de veau et d’autres succulentes préparations.

Le Champagne Charles Heidsieck Brut Réserve est fort agréable et vif. Il est bien construit et opulent. Il accompagne les amuse-bouches de belle façon.

Le menu conçu par Thierry Le Luc et par le chef de cuisine Benoît Fleury est : assiette de fruits de mer / rôti de lotte comme une viande, sauce béarnaise, pommes gaufrettes et légumes de saison / fromages d’Éric Lefebvre MOF / Paris Brest à la pistache, crème vanillée.

Nous passons à table où nous attendent les assiettes de fruits de mer impressionnantes. Les huîtres sont délicieuses et j’aurais aimé garder un peu de champagne pour les accompagner, car le Chablis Vieilles Vignes Jean Durup Père & Fils 2020 est trop jeune et trop faible. Les bulots, les grosses crevettes et les belles langoustines sont gourmandes.

Le Meursault Vigne de 1945 Buissson-Charles 2015 a une personnalité vivante, active, qui réveille nos papilles après la paresse du Chablis. Le rôti de lotte est très bien cuit.

Pour le fromage nous buvons un Château Smith Haut-Lafitte 1998 absolument convaincant, d’un équilibre parfait. Un grand vin, le vainqueur de ce repas, qui montre à quel point l’âge donne de la cohérence et assemble les complexités.

Le Champagne Charles Collin rosé brut est un aimable compagnon du dessert meringué. Un Cognac Godet VSOP titrant 40° met un point final à ce repas préparé avec soin et attention par l’équipe du Yacht Club, mais nos conversations animées continuent car nous sommes heureux d’être ensemble.

Dîner au restaurant du Plaza Athénée vendredi, 4 novembre 2022

Nous sommes invités ma femme et moi par des amis. Ils célèbrent l’anniversaire de Valérie avec nous au restaurant du Plaza Athénée. Depuis la fin de la gestion par Alain Ducasse, la grande salle a été rénovée. C’est parfaitement réussi. Il y a un petit côté Sissi Impératrice avec des ors partout, mais le résultat est très beau.

Le nouveau chef Jean Imbert avait été accueilli en ce lieu avec quelques tempêtes journalistiques et des avis diamétralement opposés. C’était l’occasion pour nous de voir ce que nous en penserions.

Le directeur des lieux ainsi que le sommelier sont ceux qui officient en ce lieu depuis des lustres. Ce sont de grands professionnels qui dirigent les serveurs, tous compétents et attentifs.

Valérie veut choisir un champagne dans une carte de champagnes particulièrement courte puisque les champagnes connus et célébrés sont inabordables. Par exemple un Dom Pérignon de la décennie 90 est proposé plus de vingt fois plus cher que celui que j’ai acheté.

Nous choisissons un champagne qui fait partie des champagnes proposés au verre : Champagne Pierre Péters Réserve Oubliée sans année. Il est particulièrement agréable, vif blanc de blancs fait à partir de vins de réserve, ce qui fait qu’il y a une proportion de vins de plus de vingt ans qui lui donnent une subtilité appréciable.

Les plats sont décrits avec pertinence par ceux qui nous les expliquent. Les choix sont cornéliens. On est dans la cuisine historique et gourmande. Le menu que j’ai choisi : amuse-bouche / huître au gingembre / la brioche Marie-Antoinette au caviar / surprise du chef / le Pithiviers de lièvre à la Royale / le grand dessert (qui inclut tous les desserts dont omelette norvégienne, la glace nougat et d’autres gourmandises).

Choisir des vins dans la carte des vins est un slalom pour éviter les récifs de prix impensables. Jean-Marc et Valérie choisiront un vin blanc abordable suivi d’un rouge plus ambitieux, exactement comme j’avais fait au Pavillon Ledoyen récemment.

Le Vino di Gio Clos Saint-Vincent vin de Bellet 2013 est fait de 100% rolle (vermentino). Le nez est vif, l’acidité est bien dosée et le vin d’un fruit discret se comporte très bien avec la merveilleuse entrée. La cuisson de la brioche est divine. Je suis aux anges, car ce plat est réussi. Allons-nous nous ranger dans le camp des pro-Imbert ? Ça en prend le chemin.

Le Pithiviers de lièvre à la Royale est très bien exécuté, avec une belle virilité des saveurs, mais après la première brioche, la deuxième brioche est trop copieuse pour moi. Je me serais contenté du très beau lièvre seul.

J’aurais volontiers envisagé une Turque de Guigal sur le lièvre mais pour des raisons tarifaires, la Turque bénéficiant d’une aura très supérieure, mes amis ont choisi une Côte Rôtie La Landonne Guigal 1994. Et ce choix se révèle judicieux car la douceur de cette Landonne est exactement ce qu’il faut pour calmer les ardeurs du lièvre et cela fonctionne délicieusement, cette Landonne se montrant d’un calme qui lui va bien.

Jean-Marc ayant choisi une blanquette de veau a choisi pour lui Les Granits Saint-Joseph M. Chapoutier 2017. Il l’a fini sur le fromage.

Nous avons pris, sauf ma femme, le dessert qui combine les cinq desserts. Copieux est un mot trop faible pour décrire cette débauche de saveurs inouïes qui rappellent tant de souvenirs heureux comme l’omelette norvégienne que je n’ai pas mangée depuis de nombreuses décennies.

Le chef sommelier nous a offert, à l’aveugle, le Cyprès de Climens Barsac 2016 qui est un sauternes assez sec, ce qui lui va bien, à la belle personnalité et aux tonalités de noix, de noisettes et amandes. Une très pertinente suggestion de ce grand professionnel de la sommellerie.

Disons-le clairement : nous nous sommes régalés.

Dîner au restaurant L’Écu de France samedi, 29 octobre 2022

Il est très rare que je dîne seul avec mon fils au restaurant. Ma femme est dans le sud. Nous nous rendons au restaurant L’Écu de France, lieu qui a accueilli beaucoup de réunions familiales dont mon fils a le souvenir. Monsieur Brousse propriétaire des lieux qu’il gère avec sa femme et son fils Hervé, me dit qu’il a trouvé par hasard en cave un Chambolle-Musigny Roumier 2011 qu’il n’avait jamais commandé et a sans doute pris la place d’un 2012. Pourquoi ne pas prendre ce vin ? Pour le blanc, ce sera un Hermitage Chave blanc 2012.

Nous bâtissons le menu pour ces deux vins, en choisissant : ravioles d’escargots et champignons, échalions au vin rouge, persillade / volaille fermière de Culoiseau, céleri confit, courge et oignon de Roscoff, jus de volaille.

Le vin blanc est beaucoup trop froid, aussi je commande deux coupes de Champagne Veuve Clicquot rosé sans année qui va accompagner l’amuse-bouche, un lit de betteraves, miso et œuf de truite. Le problème de la betterave rouge, c’est qu’elle écrase tout sur son passage, comme Attila roi des Huns. Le champagne est sans histoire.

L’Hermitage Chave blanc 2012 est solide, fort avec une ampleur unique. Et sa solidité, s’exprime en des milliers de subtilités discrètes. Et le goût restant en bouche est impressionnant. C’est un guerrier mais un gentleman.

Comme nous buvons lentement ce vin superbe, je commande du foie gras et arrive un pressé de foie gras, chutney de poire au Xérès, fine gelée à l’hibiscus. Bien évidemment je n’ai mangé que le foie gras, sans les ajoutes et j’ai signalé à Hervé Brousse que la cuisine qui a fait des progrès, devrait s’orienter vers des goûts cohérents lorsqu’elle accompagne des vins de si grande qualité.

La volaille est très bien traitée et les accompagnements sont très adaptés au plat et au vin. Le Chambolle-Musigny Roumier 2011 est tout en subtilités. Il a ce que la Bourgogne peut donner de mieux. Certes il n’a pas la magnificence d’un Musigny, mais il est si délicat qu’il procure un plaisir extrême. Quelle région pourrait donner un charme aussi délicat ? Il y en a, bien sûr, tant il y a de régions qui recèlent des trésors. Ce vin a la politesse d’un grand vigneron.

Nous avons fini les deux vins sur deux fromages. D’instinct j’ai eu le bon choix qui n’est pas évident : le Chambolle-Musigny se marie au brie de Meaux aux brisures de truffes et l’Hermitage blanc se marie à la tomme de Savoie. Sur le papier ce n’était pas évident, mais au palais, oui.

Nous avons eu un dîner avec mon fils au cours duquel la proximité de nos visions, de nos idées pour l’avenir me rend heureux car je sais qu’il y aura une continuité dans ce que j’ai commencé qu’il développera, y compris la collection et la dégustation du vin.

Il n’y a pas eu de gagnant entre le blanc et le rouge, juste un intense moment de partage et d’émotion.

Déjeuner au restaurant l’Assiette vendredi, 28 octobre 2022

Trois fois par an, nous nous réunissons mon frère, ma sœur, son mari et moi pour un déjeuner, chacun invitant à son tour. Ma sœur invite au restaurant l’Assiette dans le 14ème arrondissement de Paris. Le lieu devait être il y a longtemps une boucherie et le plafond très coloré doit dater d’il y a un siècle. Les tables sont très petites et nous avons peur de manquer d’espace, mais la qualité des mets va nous faire oublier ce détail.

Nous ne prenons pas tous le même menu. Le mien sera : pâté en croûte tradition, mais sans les pickles / escargots en pot et croûton doré / cassoulet maison.

Pour l’apéritif nous prenons un Champagne Drappier Grande Sendrée 2010 qui est d’une très belle construction et d’une ampleur appréciable, mais je suis un peu gêné par une acidité prononcée. On le boit quand même avec plaisir car j’apprécie son pinot noir majoritaire expressif.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine La Barroche 2015 est un grand vin. Il envahit le palais de sa générosité. Je n’attendais pas autant de complexité et de joie de vivre d’un 2015. Il est évident que les délicieux escargots le mettent en valeur.

Il y a si longtemps que je n’ai pas mangé de cassoulet que je ne boude pas mon plaisir. Ce plat si simple est un régal et le vin de Châteauneuf brille, mis en valeur par le plat. Nous avons doublé la bouteille. On ne change pas une équipe qui gagne.

Le sommelier, très attentif à nos souhaits me dit qu’il m’a reconnu pour avoir servi certains de mes dîners dans deux ou trois grands restaurants. Quand il me dit son prénom, des souvenirs me reviennent. Son plaisir de me revoir est émouvant.

La cuisine est parfaite dans sa simplicité. Le service est attentif et compétent. Je recommande vivement ce restaurant simple et authentique qui fait un sans-faute.

Deux Moët d’anthologie mardi, 25 octobre 2022

Un lecteur de mon compte Instagram et de mon blog m’écrit et me contacte pour me dire qu’il aimerait boire avec moi deux champagnes mythiques, Moët 1911 et Moët 1928. Il est de pires propositions. Celle-ci ne se refuse pas. Pour répondre à cette générosité, je propose un Pétrus 1989 que j’adore.

Nous nous retrouvons un peu avant 11 heures au restaurant Pages pour ouvrir nos bouteilles. Je commence avec le Pétrus dont le bouchon est extrêmement serré dans le goulot. Il me faudra de longues minutes pour en venir à bout. Curieusement une partie de l’encre de l’écriture sur le bouchon s’est effacée lors du frottement du bouchon sur le cylindre du goulot, légèrement pincé en haut, ce qui justifie ces éraflures. Le nez du vin est prometteur.

J’ouvre les deux champagnes. L’un des bouchons bouge lorsque j’enlève le muselet. Les deux bouchons sont d’une qualité exceptionnelle, venant entiers et d’un beau liège. On lit nettement Brut Impérial, mais l’année est beaucoup plus difficile à lire sur les deux bouchons.

Pendant ces opérations je mets au point le menu avec le chef Ken pour satisfaire des vins aussi précieux. Il reste du temps avant le déjeuner aussi nous allons boire une bière au Bistrot 116 qui appartient aux propriétaires de Pages. Il n’y avait pas d’édamamés. Quelle tristesse !

Le menu mis au point avec le chef Ken est : amuse-bouches / bar en carpaccio / salade de homard / homard entier et sauce au vin / canard et pommes de terre / bœuf wagyu. S’il y a deux fois du homard, c’est parce que nous ne nous sommes pas compris avec Ken. Il avait la salade de homard au menu, alors que j’avais en tête le homard entier tel que nous l’avions eu au 268ème repas. Nous aurons donc profité des deux.

En servant les deux champagnes il apparaît nettement que le 1911 est plus clair et qu’il a des bulles, ce qui est incroyable pour un champagne de 111 ans. Boire un 1911 à 111 ans, quelle belle coïncidence dont Maxence me dit qu’il l’avait calculée. Maxence est très jeune, 23 ans, et collectionne les vins depuis l’âge de 19 ans et il a une impressionnante collection de Dom Pérignon. Il est donc très largement en avance sur le parcours de collectionneur que j’ai pu suivre.

Nous allons avoir tout au long du repas un parcours fascinant des deux champagnes, l’un passant en tête dans nos plaisirs et l’autre le dépassant la minute qui suit. On dirait que ces champagnes jouaient avec nous.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1911 a une couleur claire et une bulle sensible. Il est profond, droit, persuasif.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1928 a une couleur plus foncée, plus dorée, sans bulle apparente mais avec un joli pétillant en bouche. Ce champagne est plus large, plus fruité, mais moins vif que le 1911. Les deux sont absolument splendides. Le 1928 se met volontiers en avant et le 1911 est plus secret, mais brille par sa complexité. Il me semble impossible de dire lequel est le plus grand, tant ils sont différents, l’intellectuel 1911 et le séducteur 1928.

Nous avons donné un verre de chacun à Ken et à son équipe. Ils ont été subjugués.

Nous nous sommes amusés avec Maxence à prédire quel champagne gagnerait sur tel plat ou telle saveur et nous avons eu quasiment chaque fois l’intuition du vainqueur, mais les champagnes se jouaient de nous et nous étions complices. Quel bonheur d’avoir de si grands champagnes dans leur meilleur état.

Le Pétrus 1989 entre en scène sur le homard entier. C’est comme l’entrée en scène de Luciano Pavarotti. Tout en lui est parfait, riche mais aussi subtil, conquérant mais civilisé, à la rémanence en bouche infinie. Il y a de la truffe mais suggérée et une richesse noble et raffinée. On comprend pourquoi Pétrus jouit d’une telle aura quand on boit ce 1989. Il est resté d’une totale perfection pendant tout le repas. L’équipe de Ken a pu l’apprécier.

J’ai la chance de connaître tous les plats (presque) du restaurant Pages, aussi est-ce le canard qui m’a le plus enthousiasmé car il est nouveau pour moi ou du moins nouveau cette année. Et c’est sur cette chair que j’ai adoré le Pétrus, même s’il est sublime sur le homard.

Nous avons beaucoup parlé. Maxence pourrait presque être mon petit-fils. Il commence très tôt dans la découverte du monde du vin. Il ira très certainement très loin. Nous aurons sans doute l’occasion de nous revoir autour de vins chargés d’histoire.

Les 80 ans d’un ami d’enfance samedi, 22 octobre 2022

J’avais organisé deux importants repas qui se suivaient, un jeudi et un vendredi. La sagesse aurait été de refuser toute invitation à la suite mais le dîner de célébration des 80 ans d’un de mes amis d’enfance ne pouvait pas être refusé, même s’il faisait suite au déjeuner du 268ème de mes repas. C’est au restaurant La Contre-Allée que nous sommes une bonne cinquantaine de personnes à fêter cet ami que j’ai connu à l’Ecole Polytechnique. Je m’aperçois qu’ici tout le monde se connaît, car il y a majoritairement des astrophysiciens et les restaurateurs les connaissent tous, comme s’il s’agissait du siège d’une confrérie.

J’ai l’idée d’apporter pour ce dîner un Domaine de Montcalmès Frédéric Pourtalié Coteaux du Languedoc jéroboam 2009. Je n’arrive pas à me souvenir de la raison pour laquelle ce flacon est entré dans ma cave mais ce devait être une bonne raison car le vin est extrêmement bon, épanoui et large, profitant bien de l’ampleur que donne le format jéroboam. Ce fut une excellente surprise, et j’ai eu de nombreux compliments.

Comme le dit la chanson, quand un astrophysicien rencontre un astrophysicien, de quoi parlent-ils, d’histoires d’astrophysiciens, chaque orateur vantant les découvertes stellaires de mon ami. Je n’ai pas eu besoin de compter beaucoup d’étoiles dans le ciel avant de m’endormir.

Déjeuner impromptu au restaurant Pages mardi, 18 octobre 2022

Il va y avoir dans quelques jours un grand repas dans l’appartement de réception de Moët Hennessy. Je vais livrer les vins aussi est-ce le prétexte pour déjeuner ensemble au restaurant Pages, avec Nicolas, le maître de maison du bel appartement et Stanislas, le responsable des relations avec les grands clients privés de Moët Hennessy. Stanislas a invité François Mauss, le créateur du Grand Jury Européen et le créateur du « Davos du Vin », qui réunit de grands vignerons chaque année à la Villa d’Este. Je suis ravi d’avoir l’occasion de revoir ce grand homme du vin qui ne partageait pas, loin s’en faut, ma vision du vin, ce qui n’empêchait pas de s’apprécier mutuellement.

Je demande à Stanislas si je peux apporter du vin. Il m’y encourage aussi je vais choisir trois vins dans des zones de goûts que François Mauss peu l’habitude de fréquenter. Un ami américain avec lequel je vais organiser un gigantesque repas, de passage à Paris, va compléter notre table.

On commence par le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame rosé 2012. La robe est très timide mais pleine de charme comme provenant d’un tableau d’Elisabeth Vigée-Lebrun. Ce rosé a déjà une belle personnalité et est agréable à boire. J’attendrais encore un peu pour le boire car il va s’épanouir.

Le Meursault Genevrières Marey-Genelat (?) 1961 a un nom difficile à lire sur l’étiquette. Sa très belle couleur est fantastique. Ce qui est fascinant, c’est le finale, si long, avec une explosion de fruits rouges, oui, oui, rouges !. Ce vin est incroyable. Avec le poisson Saint-Pierre c’est un pur délice, riche, opulent, dominant.

Etant arrivé en avance, j’avais ouvert le Cérons (domaine illisible) 1959. Le parfum était si émouvant que j’ai demandé à Ken, le chef du restaurant Pages, avez-vous des palourdes ou des coques ? Il dit oui et nous avons une combinaison du salé de la coque avec la douceur sucrée du vin absolument immense. Un ami qui buvait à l’aveugle proposa Climens, ce qui montre à quel point ce Cérons est impérial.

Le Château Canon la Gaffelière 1971 que j’ai apporté aussi est très élégant, solide et d’une parfaite sérénité. Pureté et élégance. 1971 est un millésime très abouti. Un grand plaisir de boire ce saint-émilion aussi équilibré et vif.

Le Termanthia Bodega Numanthia 2015 est largement meilleur que celui que j’avais déjà bu. Un vin espagnol solide et structuré, agréable à boire maintenant mais qui s’épanouira agréablement.

Le vainqueur, de loin, est l’incroyable Meursault 1961, suivi du si charmant Cérons 1959. Ce fut un bon déjeuner avec de bons amis. Un grand moment. Et la cuisine de Pages est toujours parfaite.

Déjeuner au restaurant Ôrtensia samedi, 15 octobre 2022

Bipin Desai est un scientifique américain d’origine indienne, grand amateur avec lequel j’ai organisé de magnifiques dîners de vignerons amis. Il vit en Californie et vient chaque année en France et pratique les plus grands restaurants français. Il n’a pas pu venir pendant le confinement et nous nous retrouvons après cette longue absence. Je lui ai proposé de le faire au restaurant Ôrtensia à déjeuner.

Nous sommes accueillis par le sommelier Romain qui est absolument brillant, gai, dynamique et va avoir réponse à tout. Bipin demande que nous prenions un champagne au verre, option qui n’est pas écrite dans la belle carte des vins.

Romain nous propose un Champagne JMSELEQUE dégorgé en novembre 2021 avec 50% de chardonnay et 50% de réserve perpétuelle. Je n’avais jamais entendu parler de ce champagne. Même si je suis habitué aux champagnes plus vieux, j’ai apprécié son acidité très bien construite. Il est agréable à boire et élégant pour des accords de gastronomie. J’ai demandé sur Instagram si certains de mes abonnés connaissent cette maison et j’ai eu beaucoup de réponses indiquant que c’est le vigneron qui monte et va jouir d’une belle notoriété.

Le chef Terumitsu Saito propose un menu unique qui est d’une belle exécution, avec des saveurs de grande qualité. Voici l’intitulé : Amuse-bouche / Tataki de rouget & gelée de crevettes, nori et radis noir / Saint-Pierre de petite pêche, tempura de cèpes, artichauts & condiment citron / Cochon ibérique, racine de lotus, figues & bao noir / Pomme & carotte / Chocolat, sarrasin & iri-bancha / Mignardises sucrées.

Sachant que l’on aurait poisson et viande, j’ai commandé deux vins que j’aime et, chose rare qui sont tous les deux de 2005. Un restaurant qui en présente mérite des compliments.

Le Clos Sainte Hune Trimbach 2005 est d’une belle couleur de blé jeune. Je considère que le Riesling est probablement le cépage le plus pointu, avec une précision unique. Il n’a pas l’extravagance du pinot noir ni l’énergie du chardonnay, mais sa précision est extrême et parmi tous les rieslings, Sainte Hune est un seigneur. Ce 2005 a une parfaite maturité. Il a la fluidité de l’eau d’une cascade et un beau fruit citronné. Il est à 17 ans d’une maturité calme. On se régale.

Le Châteauneuf du Pape Cuvée Marie Beurrier Henri Bonneau 2005 est lourd, solide, mais je ne perçois pas le charme qui appartient à ce vin d’un producteur qui me passionnait. Il était comme un vigneron du 17ème siècle. La cave a oublié d’être propre, mais Henri connaissait précisément l’évolution de chaque fût. Un magicien. Je ne ressentais pas la magie et comme en un paradoxe le vin est devenu ce que je souhaitais sur un dessert au chocolat amer. Il s’est montré royal.

Et le lendemain (j’avais gardé la bouteille), il est devenu miraculeux sur une épaule d’agneau. Tout y était, puissance, énergie et charme. Un délice.

Bipin Desai va aller demain au restaurant Plénitude pour goûter la cuisine d’Arnaud Donckele. Avant de me voir il était allé à Guy Savoy et au Taillevent. Cet homme de 87 ans est infatigable. Je le lui souhaite pour longtemps.