Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner en ma cave avec mon fils vendredi, 3 février 2023

Avant de repartir à Miami, mon fils a envie de déjeuner avec moi dans ma cave. Il s’occupe de trouver des plats simples chez un traiteur. Nous commençons par un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1969 de l’année de mon fils. Je suis en totale admiration pour ce champagne qui, lorsqu’il est vieux, devient glorieux. Il est rond, joyeux, confortable. C’est un bonheur de champagne.

J’ai ouvert ensuite un Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 dont la capsule est bombée, recouvrant un dépôt noir et terreux qui fort heureusement n’a aucune influence sur le bas du bouchon de belle qualité. C’est fréquent que les vins du domaine de cette période aient des dépôts terreux sous la capsule. Le vin est superbe, représentation emblématique de la noblesse du domaine. Le sel est élégant et la rose est subtile. Ce vin d’une année de peu de puissance montre de ce fait toutes les subtilités et la grâce du domaine. Mon fils et moi sommes émus de tant de sensibilité dans ce vin délicat.

Partager nos sensations avec mon fils est un plaisir pur.

Petite Liqueur Pétillante par Moët et Chandon lundi, 30 janvier 2023

Ray, un américain, vend du vin dans le Minnesota. Il me suit sur Instagram depuis longtemps et m’avait écrit que grâce à mes écrits il était entré dans le monde fascinant des vins anciens. Pour me remercier il voulait me faire cadeau et m’envoyer un flacon de Petite Liqueur Pétillante de Moët et Chandon. Je n’aime pas recevoir des cadeaux sans qu’il n’y ait une réciprocité aussi lui ai-je proposé, s’il venait un jour en France, que nous partagerions cette bouteille, qui est pour moi une énigme, n’ayant jamais entendu parler d’une telle liqueur. Ayant lu la présentation de Ray, je lui donnais les vertus d’une rareté extrême.

Ray faisant un voyage en France qui le conduit à passer à Montpellier, je lui propose de venir déjeuner dans notre maison du sud. Ayant à ce moment reçu une photo de la bouteille de Ray je suis allé sur Internet et j’ai pu voir que Moët avait eu l’idée au début des années 80 de faire de minuscules bouteilles de 200 millilitres de cette liqueur pétillante destinée à une clientèle de jeunes en boîtes de nuit ou autres festivités.

La lancée commerciale n’a jamais atteint les objectifs et ce nouveau produit fut arrêté en 1993. Mon rêve de rareté prenait un goût amer, mais l’invitation ayant été lancée, il n’était pas question de reculer. Le menu composé avec mon épouse serait : plateau d’huîtres de quatre origines différentes / caviar osciètre / demi-langoustes cuites au four / fromages / gâteau meringué à la framboise / financiers.

J’ai ouvert mes vins vers 10 heures pour un repas qui commencera à 12h30 et Ray avait déjà ouvert son vin rouge et rebouché pour le transport entre la maison d’hôtes où il avait dormi et notre maison.

Comme d’habitude, le bouchon du Champagne Salon 1997 résiste à tous mes efforts. Il faut pincer le bouchon avec un casse-noix pour qu’il commence à tourner mais il se cisaille, la partie inférieure restant collée au goulot. Le pschitt au moment de la levée du reste de bouchon avec un tirebouchon est de peu d’énergie. Ce champagne à la belle couleur d’un or clair est le compagnon idéal des huîtres. L’iode rend sublime ce beau Salon que j’adore, d’une personnalité extrême. L’accord est magistral et la longueur du Salon est extrême.

Le Champagne Dom Pérignon 1992 avait eu un pschitt beaucoup plus fort que celui du Salon. Sa couleur est beaucoup plus ambrée, et la bulle est abondante. Ce 1992 qui avait été négligé des amateurs après des millésimes brillants comme 1988 et 1990 se montre aujourd’hui d’un épanouissement absolu. Et je me fais cette réflexion : à quoi sert d’avoir des P2, Plénitude 2, quand on a des champagnes de trente ans d’une telle personnalité ? Car ce champagne est d’une maturité idéale. Ce n’est sans doute pas vrai pour tous les millésimes mais je suis très impressionné par ce 1992.

Et on mesure à quel point le Salon, impérial sur les huîtres, n’aurait pas vibré sur le caviar et à quel point le Dom Pérignon, sensuel sur le caviar, n’aurait pas profité de l’iode des huîtres. Ce sont deux champagnes dissemblables, qui ont brillé dans les associations qui leur ont été proposées.

Pour les langoustes nous avons deux vins rouges. Le Clos de Vougeot Grand Cru Méo Camuzet 2002 est tout en grâce et en subtilité. Il est émouvant. A côté de lui, le Cabernet Sauvignon Robert Mondavi Napa Valley 1970 est un vin solide, carré, charpenté et équilibré, mais sans grande complexité. Ce qui est étonnant, c’est qu’il paraisse aussi jeune. Quand tant d’américains pensaient, il n’y a pas si longtemps, que leurs vins ne vieillissaient pas bien, voilà un vin de 52 ans qui n’a pas la moindre ride.

Au moment des fromages j’ai eu envie de montrer à Ray que l’on peut oser des accords. Sur le fromage Jort, le Salon 1997 est brillant. Sur un agréable fromage de chèvre, le Dom Pérignon 1992 crée un accord inattendu.

On revient ensuite à des associations plus classiques en confrontant les deux rouges avec un opulent saint-nectaire. Pour le gâteau meringué à la framboise c’est le Salon 1997 qui s’impose.

Il est temps que j’ouvre le flacon de Petite Liqueur Pétillante par Moët et Chandon de # 1985. La cape qui recouvre le bouchon n’est pas celle d’un Moët mais celle d’un Dom Pérignon, fragile et qui s’éparpille en mille morceaux. Le bouchon vient facilement mais il n’y a aucun pschitt. Et la liqueur versée dans de petits verres n’a rien de pétillant.

Pour accompagner ce breuvage inconnu j’ai choisi des gâteaux secs car le pâtissier n’avait pas de financiers. Goûter cette petite liqueur qui titre 18° est un voyage dans l’inconnu. Il y a des accents de marc ou de grappa avec des suggestions végétales. Cette liqueur est « dry », sèche, et comme on est sur une piste inconnue, j’aime ce goût nouveau. Et j’aurais tendance à penser que Moët & Chandon devrait relancer cette liqueur avec un marketing remis au goût du jour, car cette petite bouteille est absolument charmante, ronde et joufflue. Cet élixir était le prétexte à notre rencontre et j’en suis très content.

Ray a annoncé le premier son classement des vins du repas : 1 – Salon 1997, 2 – Clos de Vougeot 2002, 3 – Dom Pérignon 1992, 4 – petite Liqueur vers 1985, 5 – Cabernet Sauvignon 1970.

Je partage ce classement. Instagram est à l’origine de ce repas fort agréable. A renouveler.

Krug en petit format mardi, 24 janvier 2023

Une amie vient nous saluer dans notre maison du sud. Après les réveillons, je n’avais pas regarni le réfrigérateur aussi le seul champagne disponible à bonne température est un Champagne Krug Grande Cuvée en demi-bouteille. Du fait de sa forme, la bouteille semble avoir une contenance bien inférieure à la moitié d’une bouteille.

Le champagne est plaisant, noble, et fort agréable. Nous grignotons des chips à la truffe noire. Pour deux, je peux servir à chacun deux verres, ce qui justifie pleinement ce format qui permet d’honorer un visiteur impromptu d’une agréable façon.

Des vins partagés dans le sud samedi, 21 janvier 2023

Ma fille cadette vient nous visiter dans le sud avec son compagnon. J’ouvre un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983 que j’avais envie de redécouvrir. Le bouchon et très beau et le pschitt est présent, même si de peu d’énergie. La bulle est présente, la couleur est d’un bel ambre clair. Je bois beaucoup plus souvent des blancs de blancs que des blancs de noirs aussi est-ce un plaisir d’apprécier la typicité de ce blanc de noirs. Il a une très belle énergie, il est vif, intense et combine complexité et noblesse. Tout se passe dans l’attaque car le finale est assez court.

Curieusement le dernier verre que je sers est gris, avec beaucoup plus de sédiment qu’il ne devrait avoir. Et le goût de ce dernier verre est peu plaisant. Ce qui n’empêche pas ce champagne de nous avoir séduit.

Pour le risotto à la truffe noire, j’ai ouvert un Châteauneuf-du-Pape Saint-Préfert 1990 qui est une belle surprise. On dit souvent que Château Rayas est le plus bourguignon des Châteauneuf, et je pense que ce Saint-Préfert délicieux est dans la même direction que Rayas. Et il profite du millésime exceptionnel qui lui donne une solide structure et un charme épanoui. C’est vraiment un vin de belle grandeur.

Le lendemain nous organisons un dîner qui sera fondé sur deux piliers : un plateau de fruits de mer dont chacun a donné ses requêtes et un caviar osciètre avec baguette et beurre. La presque centaine de pièces, huîtres, palourdes, crevettes, langoustines, crabes, bulots et autres est répartie sur trois plateaux. Le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum, dégorgé en 2016 est le compagnon idéal pour ce repas. L’accord le plus brillant est sur les huîtres, car l’iode excite le champagne comme la muleta mise sous le nez du taureau de combat. Sur les crustacés, le champagne est beaucoup plus doucereux et aimable. Je considère le Grand Siècle comme l’un des plus romantiques champagnes. Celui-ci est encore jeune, mais d’un charme subtil.

Des plateaux de fruits de mer aussi copieux, ça donne soif, aussi j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1990. Et c’est totalement idéal pour le caviar car Dom Pérignon semble être le meilleur compagnon possible pour le caviar car le sel du caviar appelle sa douceur. Une combinaison de rêve avec un Dom Pérignon au sommet de sa subtilité.

Un grand dîner avec deux champagnes parfaits.

La veille de la Saint-Sylvestre samedi, 31 décembre 2022

Nous avions décidé que la veille de la Saint-Sylvestre serait « à l’eau ». Au déjeuner, nous avons tenu promesse. L’après-midi se passe et vers 18 heures je lance : voulez-vous que l’on boive le champagne que vous avez apporté. C’est un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2020. Immédiatement la cuisine bruisse de toute part. Un Pata Negra est ouvert, les anchois reviennent sur table ainsi que les chips et ma femme coupe de fines tranches de truffes que l’on va étaler sur du pain et du beurre.

Sur les tartines de truffe le champagne viril, puissant, devient doux comme le tigre admonesté par son dresseur. Le Selosse est fou de complexité, fonçant comme un taureau de combat, mais sait, en même temps, comme dirait notre Président, se montrer subtil et amène.

Ma femme avait prévu pour le repas une brouillade d’œufs à la truffe et un butternut. La brouillade me fait lancer une idée : que diriez-vous si j’allais chercher en cave un Substance dégorgé en 2013, pour que nous comparions les deux ? Chacun avait en tête nos promesses de ne pas boire et l’hésitation fut longue. Mais l’envie l’emporta.

Le champagne pris en cave n’était pas assez froid aussi avons-nous attendu avant de passer à table. A l’ouverture, le bouchon m’a résisté de longues minutes car je ne voulais pas qu’il se brise à la torsion. Il est beaucoup plus long que celui dégorgé en 2020 ce qui explique sa résistance.

Suffisamment refroidi je sers le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en juillet 2013. Sa couleur est à peine plus ambrée et sa bulle est active, le champagne ayant fait un pschitt significatif à l’ouverture.

Immédiatement nous sommes éblouis comme d’une divine apparition. Le parfum du 2013 est envoûtant, subtil et caressant. En bouche, le vin est large élégant tout de grâce. Quel grand champagne. Il a même des évocations florales raffinées.

Et ce qui est intéressant, c’est que les deux champagnes se valorisent l’un l’autre. Le 2020 devient plus affirmé, plus convaincant et le 2013 est d’un charme infini, comme une déclaration d’amour courtois.

Et les deux champagnes brillent avec la brouillade ou avec le butternut, chacun à sa façon. Nous sommes sur un petit nuage de félicité.

Ce qui reste d’un délicieux camembert Jort brille avec le 2013. Nous sommes aux anges.

Lorsque nous nous sommes quittés pour aller dormir, je suis resté au salon, heureux et pensif, fier d’avoir provoqué un événement impromptu, porteur d’un bonheur d’autant plus grand qu’il n’était pas attendu.

Saint-Sylvestre J-2 vendredi, 30 décembre 2022

Deux jours avant la Saint-Sylvestre des amis nous rejoignent dans notre maison du sud. Selon une tradition bien établie, j’ouvre un champagne Salon, champagne de bienvenue. Sur la table du salon il y a des chips à la truffe, un tarama à la truffe d’été et des anchois. Le Champagne Salon 2006 a un bouchon qui vient avec effort mais ne résiste pas comme ceux de certains millésimes. Immédiatement on est conquis par ce champagne clair et limpide, fluide et plaisant. L’image qui me vient est celle d’une automobile Bentley. Ce véhicule est classé haut dans la hiérarchie et se caractérise par un grand confort. Le Salon se ressent de la même façon, grand et confortable. Il met à l’aise celui qui le boit qui n’a pas à se poser la moindre question : il est là, présent, et on en jouit.

Pour le déjeuner dont le plat principal est un cœur de saumon de Kaviari, il faut un vin blanc. J’ai choisi en cave un vin qui m’intrigue : Vray Pinot Chardonnay Le Roy négociant Appellation Bourgogne Contrôlée 1966 dont l’étiquette a été imprimée pour un distributeur italien. Le Roy est écrit Une fois Leroy et une fois Le Roy. Le niveau est très haut pour cet âge et la couleur vue à travers le verre de la bouteille est très foncée. Le vin serait-il madérisé ? La question est assez légitime. J’ouvre le vin deux heures avant le repas. Le bouchon est de belle qualité. Le parfum est engageant, vieux bien sûr, mais acceptable.

Au moment du service la couleur dans le verre est plus claire qu’elle l’est dans la bouteille. Je me dis qu’il faut boire ce vin comme il se présente et non pas comme on aimerait qu’il fût. Et lorsque l’on choisit cette voie, on se rend compte que le vin est agréable. Son nez discret est avenant, l’attaque en bouche est un peu fermée et sèche, le milieu de bouche est large et ensoleillé, l’âge étant marqué mais pas trop, et tout se joue dans le finale, long, complexe et joyeux. L’accord est meilleur sur du pain et du beurre que sur le saumon lui-même, bien qu’acceptable, mais ce qui compte c’est que ce vin est agréable et gentiment complexe, alors qu’il ne s’agit que d’un Bourgogne générique.

Ce vin aurait probablement rebuté de nombreux amateurs parce qu’ils auraient eu des attentes qu’il ne fallait pas avoir. Sur un camembert Jort affiné idéalement, le vin a trouvé un bel accord. Ce déjeuner nous a plu.

Le soir, l’apéritif se prend avec un Pata Negra Belota Belota extrêmement gras et goûteux, avec la deuxième moitié du champagne Salon 2006. Il a gagné beaucoup en largeur et devient plus glorieux. Il est, pour un champagne jeune, au sommet de son art et le gras du jambon l’épanouit.

Le plat principal sera des pommes de terre bio à la mayonnaise accompagnées d’anguilles fumées. J’ai choisi un vin qui a une certaine valeur affective. Pendant des années j’ai accompagné les vignerons de l’association Rhône Vignobles dans leur démarche de curiosité envers les vins anciens. Nous avons fait des dîners mémorables avec des vins que j’avais apportés, ainsi qu’un caviste lyonnais. Et en fin de ces belles réunions des vignerons m’offraient de leurs vins. Le Cairanne Domaine Bruno et Vincent Delubac Côtes du Rhône Villages 2014 fait partie de ces cadeaux amicaux. Je l’avais ouvert avant midi pour le cas où le « Vray Pinot Chardonnay » eût été défaillant.

Ce vin est une très agréable surprise. Il est franc, précis et extrêmement bien fait. Fluide, plaisant, on sent qu’il profite bien de son âge, et qu’il a atteint un optimum, mais qu’il saura vieillir calmement. Il est beaucoup plus élégant que ce qu’on attendrait d’un vin « Villages ». C’est une heureuse rencontre.

Le deuxième réveillon de Noël dimanche, 25 décembre 2022

Le second réveillon de Noël sera le soir du 24 décembre. Nous serons huit, ma femme, mes deux filles, leurs quatre enfants et moi. Il n’y aura que quatre buveurs. Nous attendons nos invités vers 18h00. C’est donc dès 14 heures que je commence les ouvertures des vins. Je commence par les champagnes.

Le bouchon du Moët & Chandon Brut Impérial 1980 a failli me sauter des mains tant la pression du gaz a créé un pschitt étonnamment puissant. Le bouchon est beau et de belle qualité. Le parfum est idéal, généreux, large et conquérant.

Le bouchon du Dom Pérignon 1980 se brise à la torsion et la lunule restée dans le goulot est retirée au tirebouchon. On voit que la qualité du liège est moins belle que celle du Moët. Le parfum est plus discret, subtil, prometteur lui aussi mais sur un registre plus calme.

Le Mouton-Rothschild 1967 a un niveau entre mi-épaule et basse épaule et la capsule a été abîmée ce qui peut expliquer la perte de volume. Le bouchon est un peu gras et noir sur une bonne partie de son cylindre. En sentant le vin j’éprouve un sentiment très positif. Le vin paraît au nez précis, noble et élégant. Nous devrions boire un grand vin.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 a un niveau très acceptable pour les vins de la Romanée Conti de cette époque à environ huit à dix centimètres sous le bouchon. Lorsque j’enlève la capsule, je vois un tas de poussière noire sur le haut du bouchon, ce qui m’étonne toujours. Comment le bouchon a-t-il pu exsuder toute cette poussière qui sent la terre et une poussière peu amène ? Un tel phénomène se voit très souvent sur les vins du Domaine de plus de cinquante ans. Le bouchon n’est noir que sur un quart de sa longueur, bouchon de belle qualité. Le parfum de ce vin est un miracle. Je suis tellement heureux de trouver tout ce que j’aime dans les vins de la Romanée-Conti, la rose et le sel mais poussés ici à un paroxysme de perfection. Quel bonheur. J’ai toutes les raisons d’être heureux.

Tout le monde est présent à 18 heures. Les nombreux cadeaux sont dispersés sous le sapin. Nous commençons l’apéritif devant la cheminée qui crépite avec le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1980. Sa couleur est particulièrement claire pour un champagne de 42 ans. Son parfum est généreux, large et gourmand et en bouche c’est un rayon de soleil. Voilà un champagne si agréable à boire que tous les amateurs de vins en feraient leur ordinaire, tant il est bon. La tarte à l’oignon est idéale car l’oignon est presque sucré ce qui excite la douceur du champagne. L’accord est un régal.

L’apéritif fait un intermède pour la distribution des cadeaux. Je suis toujours étonné de voir à quel point mes petits-enfants sont au courant de ce qui fait la mode. Le pull, la chaussure, le parfum qu’il faut avoir leur est offert par un membre de la famille. Et ce ne sont que des « oh » et des « ah » pour consacrer la justesse des choix des cadeaux. Tout le monde est heureux.

L’apéritif reprend sur des chips à la truffe et une autre tarte à l’oignon, avec le Champagne Dom Pérignon 1980. Ils sont totalement différents. Le nez du second est beaucoup plus discret et le vin est plus subtil, plus raffiné, plus complexe. Mais s’il est grand, il n’entraîne pas dans une farandole de plaisir.

Le Dom Pérignon va accompagner une pomme de terre à la crème et à la truffe et créer un accord magnifique. On avait annoncé que la truffe noire 2022 ne serait pas exceptionnelle, du moins c’est ce que j’avais cru entendre, mais cette truffe offerte par mon fils non présent est une merveille et le Dom Pérignon devient divin.

Nous allons nous partager en deux camps, ceux qui préfèrent le Moët et ceux qui adoptent le Dom Pérignon. Je suis dans le camp des partisans du Brut Impérial. Je voulais mettre ensemble ces deux 1980 pour voir s’ils sont proches ou lointains. Je n’imaginais pas qu’ils puissent être aussi différents.

Ma femme qui cuisinait depuis deux jours et avait fait cuire à feu doux un gigot d’agneau dans un bouillon de légumes le sert maintenant. La chair est fondante. Mes filles s’émerveillent devant le Château Mouton-Rothschild 1967 qui a un parfum précis et noble et une bouche d’une grande distinction. C’est un grand vin qui justifie le classement de premier grand cru classé qu’il n’obtiendra que six ans après ce millésime. Le vin est grand, raffiné, noble, riche et profond. Mes filles l’adorent.

J’ai tout fait pour retarder le plus possible le moment de servir le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1963 car il aurait fait de l’ombre au Bordeaux. Lorsque je le sers, c’est une explosion de bonheur. Mes filles sont conquises. Ce vin est magique. Le nez est intense, de sel et de rose clairement signifiés. En bouche c’est un festival de complexités. Ce vin a un charme inouï, imprégnant tant il est fort. Je me régale et mes filles aussi. Et l’on voit que l’on peut adorer un grand Bordeaux comme ce Mouton d’une année assez calme mais qui a trouvé un très bel équilibre, et passer ensuite à un vin qui emmène sur une stratosphère gustative.

Mes deux filles ont préféré ce 1963 au 1969 que nous avons goûté il y a cinq jours avec mon fils. Je n’ai pas le même avis, car même si le charme de ce 1963 est irréel (qui l’aurait cru de cette année), le 1969 a une charpente et une solidité qui en font un vin d’une performance un peu plus aboutie.

Les deux rouges ont pu briller selon les fromages qui ont été présents, brie à la truffe, saint-nectaire, camembert et autres.

Le dessert est de poires crues coupées en deux et recouvertes de chocolat. J’ai servi le reste du Porto Ferreira 1815 que j’avais ouvert il y a quelque temps. Ce porto m’est apparu plus ancien que ce que j’avais ressenti la première fois, mais on est loin des 207 ans annoncés sur l’étiquette. Le Porto est bon mais assez conventionnel, sans grande émotion.

Mon classement des vins de ce soir est : 1 – Richebourg 1963, 2 – Moët 1980, 3 – Mouton 1967, 4 – Dom Pérignon 1980. Tous ont été d’un charme passionnant.

Ce deuxième réveillon de Noël, comme le premier avec mon fils, a été un grand moment de joie familiale.

Déjeuner chez ma soeur jeudi, 22 décembre 2022

Avec ma femme nous nous rendons chez ma sœur et son mari. J’ai annoncé que j’apporterais les vins, ce qui serait mon cadeau. De bon matin dans ma cave j’ai ouvert les vins du déjeuner et juste avant de partir j’ai mis des bouchons pour transporter les vins. Généralement j’ouvre les vins à l’endroit où ils seront bus, mais là, il fallait les ouvrir dans ma cave et les apporter. J’ai constaté que cela n’a pas affecté les vins.

Pour l’apéritif et le somptueux plateau d’huîtres, le Bâtard-Montrachet Veuve Henri Morini 1992 est ambré et son nez est délicat. Je le trouve un peu vieux, mais avec les produits de la mer, huîtres, crevettes et langoustines, le vin va s’élargir, devenir plus gras, étoffé et retrouver une jeunesse qu’il n’avait pas au début.

Le Château La Louvière Léognan 1950 a un nez profond et incisif. En bouche il est dense, riche, truffé et d’une belle jeunesse. Il a 72 ans, mais on pourrait lui donner moins de vingt ans. Sa densité est extrême. Je suis assez surpris de sa précision. Le blanc ayant été fini assez vite, le vin rouge a cohabité avec les huîtres sans qu’il s’agisse d’une hérésie. C’est une merveille qu’il ait cette jeunesse et cette richesse.

Le Mazis-Chambertin Poulet Père & Fils 1961 a un nez qui évoque le salin des vins de la Romanée Conti. En bouche, il est d’un charme bourguignon particulier, fait de sel, de râpeux, de retenue. J’adore ces messages tout en subtilité et persuasion. Un Maroilles puissant de belle personnalité donne de la rondeur au vin de Bourgogne.

Une délicieuse mousse au chocolat conclut ce repas agréable où les trois vins ont brillé, les rouges se montrant d’une jeunesse inattendue.

Le cadeau à mon beau-frère

les vins

Réveillon de Noël anticipé mardi, 20 décembre 2022

Le lendemain, 19 décembre nous allons faire un Réveillon de Noël anticipé puisque mon fils repartira pour fêter Noël à Miami. Dès 14 heures, je veux ouvrir le magnum de Château Margaux 1947 car il y a une incertitude à son égard. J’ai eu l’opportunité d’acheter des vins de la cave de l’Institut de France, Quai Conti, et beaucoup de bouteilles avaient donné lieu à un changement de bouchon recouvert de cire. De ce fait rien ne pouvait assurer que les vins soient bons.

La cire très dense est difficile à casser et enlever. Le bouchon court et neutre doit avoir moins de vingt ans. Le nez ne me déplait pas. Je peux imaginer que ce soit bien Château Margaux et que l’aération va l’épanouir. Je n’ai donc pas besoin de prévoir de remplacer ce vin.

J’ouvre ensuite une bouteille de Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1968 à l’étiquette très déchirée, à la couleur légèrement ambrée sympathique et au niveau correct pour cet âge. Le bouchon est noir sur une petite partie haute et je peux voir la confirmation de l’année qui m’avait été annoncée, illisible sur l’étiquette et sans ambiguïté sur le beau bouchon. Le parfum est discret mais prometteur. Voilà une bonne nouvelle.

Je vais ouvrir maintenant une bouteilles d’un vin de la Romanée Conti qui n’a plus d’étiquette sauf un minuscule petit morceau dont un bout de H et un bout de E indiquent qu’il s’agit d’un Richebourg. Quant à l’année, elle a été vue par mon vendeur, qui a délicatement découpé la capsule pour la faire apparaître. Il s’agit donc d’un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 au beau niveau.

Le bouchon vient entier et la moitié supérieure est noire, ce qui ne permet pas de confirmer Richebourg, alors que l’année, au bas du bouchon, est clairement lisible. Je sens le vin et mon émotion est à son comble car c’est le parfum idéal d’un vin du Domaine, avec une senteur de sel si caractéristique. Ce vin a toutes les chances d’être le plus grand du repas.

Nous sommes onze, dont ma femme et moi, nos trois enfants plus un conjoint et cinq de nos six petits-enfants. Seulement cinq convives boivent du vin. Avant que ne débute l’apéritif mon fils boit avec moi le reste du Champagne Pol Roger sec des années 40 qui a gagné en largeur et affiche plus distinctement son caractère doux. C’est un beau champagne que le bas niveau n’avait pas abîmé. Il lui fallait seulement plus de temps pour s’assembler.

L’apéritif consiste en des chips à la truffe, délicieuses et en des boudins blancs coupés en lamelles et poêlés. Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils magnum 1992 a toujours un parfum épanoui et entraînant et une belle complexité joyeuse. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1968 a un parfum discret et une attaque discrète et tout se passe en fait dans le finale qui est d’une longueur impressionnante et d’une richesse rare. En plaisir pur, à cet instant, le Chevalier est plus fringant que le vin de la Romanée Conti. Mais son ascension va être impressionnante.

Nous passons à table pour manger du caviar osciètre de Kaviari avec les deux vins blancs. Alors que d’habitude l’accord de ce caviar se trouve avec des champagnes, je suis heureux de constater que les deux vins blancs se marient bien avec ce beau caviar au sel bien dosé. Le Montrachet commence à s’élargir alors qu’il a été ouvert cinq heures avant le repas. On s’aperçoit que des dés de saumon avaient été oubliés alors qu’ils devaient soutenir l’apéritif. Ils sont mangés maintenant et les deux blancs les acceptent.

Le foie gras apparaît maintenant. Comme pour le caviar, mon credo est : foie gras égale champagne. Mais les vins prouvent le contraire et le Montrachet a maintenant trouvé son envol. Son attaque en bouche s’est élargie. En bouche il est plein, puissant et complexe et c’est le finale qui prouve sa race, sa noblesse et sa supériorité manifeste. Il n’a pas un gramme de botrytis, il est donc sec, il n’est pas d’une année puissante, mais il a trouvé sa voie et brille comme un vin d’une complexité rare. Mes enfants sont aux anges, car c’est leur premier Montrachet du domaine.

Ma femme a fait cuire des poulets bio à basse température. La chair est tendre et une purée faite de châtaigne, de butternut et de soupçons de Cranberry l’excite gentiment. Le Château Margaux magnum 1947 qui avait un niveau entre basse épaule et mi-épaule se montre absolument brillant. Il est large et sensible, profond avec des notes à peine truffées, riche mais féminin et d’une longueur majestueuse. C’est un grand vin noble réussi. Son équilibre fait plaisir. Connaissant l’incertitude que représentait le rebouchage non fait au château, je suis plus que ravi.

C’est maintenant l’heure du Wagyu d’une tendreté opulente divine. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 subjugue mes enfants. Sa signature Romanée Conti est confondante. Il incarne le sel qui fait le talent du Domaine. C’est un vin grandiose, sensible, émouvant, d’une séduction infinie. Quel grand vin ! Nous sommes aux anges.

Nous avons tant mangé que les fromages surnuméraires ne seront pas mangés.

Ma fille aînée a apporté une buche à la meringue et au citron. Mon fils a la même idée que moi. Il y a des mois et des mois que nous n’avions pas bu le fameux Calvados que m’avait offert un chauffeur de camion de mon ancienne entreprise, qui avait toujours deux bouteilles sous son siège : une pour offrir et une autre pour sa consommation à l’époque où les tests d’alcoolémie n’existaient pas.

Nous avons voté avec mon fils pour les deux repas. Le gagnant magistral est le Richebourg 1969. Le deuxième, du fait de son originalité mais aussi de son goût est l’Hermitage 1918. Le troisième est le Montrachet 1968 à la complexité brillante. Le quatrième est le Chevalier Montrachet 1992 au charme extrême et au parfum superbe. Le cinquième est le Château Margaux 1947 noble et précis.

Le plus important sentimentalement est la chaleur de la cohésion familiale, ce qui n’a pas de prix, mais mes enfants, pourtant habitués à boire de grands vins avec moi ont été éblouis par la profusion de vins légendaires. Voilà donc un grand pré-Réveillon.

le seul indice du nom « Richebourg » et l’année par le bouchon

Dîner avec mon fils et un vin de 1918 mardi, 20 décembre 2022

Noël est proche. Je me promène dans ma cave pour trouver des vins pour les réveillons à venir et mon œil est attiré par une jolie étiquette, celle d’un Hermitage Prosper Quiot 1918 dont je n’avais pas le souvenir. En soulevant la bouteille, je vois que le niveau est bas mais la couleur belle et j’estime qu’il ne faudrait pas tarder à l’ouvrir. En consultant mon livre de cave il apparaît que c’est un achat de 2016.

Il se trouve que mon fils venu à Paris va repartir à Miami le 21 décembre. Nous avons prévu un premier réveillon de Noël le 19 décembre. Mon fils va venir chez nous le 18 décembre pour voir la finale du championnat du monde de football. Nous dînerons ensuite. C’est donc l’occasion d’ouvrir des vins que nous pourrions garder pour le réveillon du lendemain.

Mon fils arrive en plein match et la domination des argentins est inquiétante. Il faut donc se donner du courage pour supporter l’angoisse et j’ouvre un Champagne Pommery 1980. Le pschitt à l’ouverture est très significatif et énergique. La couleur est très claire et la bulle est active. On donnerait volontiers 20 ans de moins à ce champagne. Il est frais, de belle longueur et d’une acidité agréable. C’est un champagne que l’on boit avec plaisir au point qu’il aura été fini avant l’éprouvante séance des tirs aux buts, après les prolongations.

Nous passons à table pour déguster un Caviar Osciètre Prestige de Kaviari. J’avais ouvert une bouteille qui venait de m’être offerte par un ami de longue mémoire. C’est un champagne très probablement des années 40 dont le niveau avait fortement baissé. L’ami avait enlevé le bouchon d’origine qu’il a joint à l’envoi de la bouteille, et avait remis un bouchon neutre. Le Champagne Pol Roger sec années 40 a été ouvert environ quatre heures avant le repas. J’étais sans illusion. Aussi quand j’ai ouvert, sans qu’aucun pschitt ne survienne, je fus assez rassuré par cette odeur de vieux champagne mais sans réel défaut. L’aération lui ferait du bien. Et c’est le cas au service. La couleur est foncée mais pas trop et le nez est engageant. Le champagne un peu vieux est buvable et je serai plus que surpris quand en fin de repas le vin offrira un parfum délicieux et un goût d’une belle cohérence, sans signe de fatigue. Faut-il donc ouvrir de tels champagnes encore plus tôt ? Je le crois volontiers.

Pour le cœur de saumon, j’ai prévu un Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils magnum 1992. La Cabotte est une parcelle du Chevalier Montrachet qui devrait normalement être incluse géographiquement dans le Montrachet. C’est seulement en 1992 que Bouchard a décidé de vinifier à part cette parcelle et pour ce premier millésime, n’a fait que des magnums.

La couleur du vin est d’un bel or, beaucoup plus plaisant et ensoleillé que vu à travers la bouteille. Le nez était sublime à l’ouverture. Il l’est devenu encore plus au moment du service. Ce vin est noble, précieux, joyeux, large en bouche, vif et racé. C’est un vin fruité qui a toutes les qualités dont son parfum enthousiasmant. Nous n’en buvons qu’un peu pour laisser ce vin pour le réveillon de demain.

J’avais ouvert il y a six heures l’Hermitage Prosper Quiot 1918 provenant de la cave Nicolas. J’ai versé en cachette deux verres pour que mon fils déguste à l’aveugle. Il trouve que le vin est du Rhône et il suggère les années 30. Je lui dis que si je goûtais ce vin à l’aveugle j’irais plutôt vers l’Espagne ou l’Algérie car le vin un peu torréfié m’aurait suggéré ces régions. Et je pense que c’est la perte de volume qui m’a donné cette piste. Le vin est tout simplement surprenant. Il est plus qu’agréable et il offre un fruit qu’un vin de 104 ans ne devrait pas avoir. Nous sommes face à un vin étonnant, de grand charme, de grande personnalité, qui bouscule toutes les idées sur les effets de l’âge. Son équilibre, sa longueur et surtout son fruit en font un vin de première grandeur je pense au Sidi-Brahim du début des années 30 bu à l’académie des vins anciens. On est dans le même registre d’émotion. Sur un bœuf Angus le vin s’exprime magnifiquement. Il est même capable de s’accorder avec un camembert Jort.

Ce premier soir est éblouissant.

les couleurs

la lie du 1918