Réveillon de Noël anticipémardi, 20 décembre 2022

Le lendemain, 19 décembre nous allons faire un Réveillon de Noël anticipé puisque mon fils repartira pour fêter Noël à Miami. Dès 14 heures, je veux ouvrir le magnum de Château Margaux 1947 car il y a une incertitude à son égard. J’ai eu l’opportunité d’acheter des vins de la cave de l’Institut de France, Quai Conti, et beaucoup de bouteilles avaient donné lieu à un changement de bouchon recouvert de cire. De ce fait rien ne pouvait assurer que les vins soient bons.

La cire très dense est difficile à casser et enlever. Le bouchon court et neutre doit avoir moins de vingt ans. Le nez ne me déplait pas. Je peux imaginer que ce soit bien Château Margaux et que l’aération va l’épanouir. Je n’ai donc pas besoin de prévoir de remplacer ce vin.

J’ouvre ensuite une bouteille de Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1968 à l’étiquette très déchirée, à la couleur légèrement ambrée sympathique et au niveau correct pour cet âge. Le bouchon est noir sur une petite partie haute et je peux voir la confirmation de l’année qui m’avait été annoncée, illisible sur l’étiquette et sans ambiguïté sur le beau bouchon. Le parfum est discret mais prometteur. Voilà une bonne nouvelle.

Je vais ouvrir maintenant une bouteilles d’un vin de la Romanée Conti qui n’a plus d’étiquette sauf un minuscule petit morceau dont un bout de H et un bout de E indiquent qu’il s’agit d’un Richebourg. Quant à l’année, elle a été vue par mon vendeur, qui a délicatement découpé la capsule pour la faire apparaître. Il s’agit donc d’un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 au beau niveau.

Le bouchon vient entier et la moitié supérieure est noire, ce qui ne permet pas de confirmer Richebourg, alors que l’année, au bas du bouchon, est clairement lisible. Je sens le vin et mon émotion est à son comble car c’est le parfum idéal d’un vin du Domaine, avec une senteur de sel si caractéristique. Ce vin a toutes les chances d’être le plus grand du repas.

Nous sommes onze, dont ma femme et moi, nos trois enfants plus un conjoint et cinq de nos six petits-enfants. Seulement cinq convives boivent du vin. Avant que ne débute l’apéritif mon fils boit avec moi le reste du Champagne Pol Roger sec des années 40 qui a gagné en largeur et affiche plus distinctement son caractère doux. C’est un beau champagne que le bas niveau n’avait pas abîmé. Il lui fallait seulement plus de temps pour s’assembler.

L’apéritif consiste en des chips à la truffe, délicieuses et en des boudins blancs coupés en lamelles et poêlés. Le Chevalier-Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils magnum 1992 a toujours un parfum épanoui et entraînant et une belle complexité joyeuse. Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1968 a un parfum discret et une attaque discrète et tout se passe en fait dans le finale qui est d’une longueur impressionnante et d’une richesse rare. En plaisir pur, à cet instant, le Chevalier est plus fringant que le vin de la Romanée Conti. Mais son ascension va être impressionnante.

Nous passons à table pour manger du caviar osciètre de Kaviari avec les deux vins blancs. Alors que d’habitude l’accord de ce caviar se trouve avec des champagnes, je suis heureux de constater que les deux vins blancs se marient bien avec ce beau caviar au sel bien dosé. Le Montrachet commence à s’élargir alors qu’il a été ouvert cinq heures avant le repas. On s’aperçoit que des dés de saumon avaient été oubliés alors qu’ils devaient soutenir l’apéritif. Ils sont mangés maintenant et les deux blancs les acceptent.

Le foie gras apparaît maintenant. Comme pour le caviar, mon credo est : foie gras égale champagne. Mais les vins prouvent le contraire et le Montrachet a maintenant trouvé son envol. Son attaque en bouche s’est élargie. En bouche il est plein, puissant et complexe et c’est le finale qui prouve sa race, sa noblesse et sa supériorité manifeste. Il n’a pas un gramme de botrytis, il est donc sec, il n’est pas d’une année puissante, mais il a trouvé sa voie et brille comme un vin d’une complexité rare. Mes enfants sont aux anges, car c’est leur premier Montrachet du domaine.

Ma femme a fait cuire des poulets bio à basse température. La chair est tendre et une purée faite de châtaigne, de butternut et de soupçons de Cranberry l’excite gentiment. Le Château Margaux magnum 1947 qui avait un niveau entre basse épaule et mi-épaule se montre absolument brillant. Il est large et sensible, profond avec des notes à peine truffées, riche mais féminin et d’une longueur majestueuse. C’est un grand vin noble réussi. Son équilibre fait plaisir. Connaissant l’incertitude que représentait le rebouchage non fait au château, je suis plus que ravi.

C’est maintenant l’heure du Wagyu d’une tendreté opulente divine. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1969 subjugue mes enfants. Sa signature Romanée Conti est confondante. Il incarne le sel qui fait le talent du Domaine. C’est un vin grandiose, sensible, émouvant, d’une séduction infinie. Quel grand vin ! Nous sommes aux anges.

Nous avons tant mangé que les fromages surnuméraires ne seront pas mangés.

Ma fille aînée a apporté une buche à la meringue et au citron. Mon fils a la même idée que moi. Il y a des mois et des mois que nous n’avions pas bu le fameux Calvados que m’avait offert un chauffeur de camion de mon ancienne entreprise, qui avait toujours deux bouteilles sous son siège : une pour offrir et une autre pour sa consommation à l’époque où les tests d’alcoolémie n’existaient pas.

Nous avons voté avec mon fils pour les deux repas. Le gagnant magistral est le Richebourg 1969. Le deuxième, du fait de son originalité mais aussi de son goût est l’Hermitage 1918. Le troisième est le Montrachet 1968 à la complexité brillante. Le quatrième est le Chevalier Montrachet 1992 au charme extrême et au parfum superbe. Le cinquième est le Château Margaux 1947 noble et précis.

Le plus important sentimentalement est la chaleur de la cohésion familiale, ce qui n’a pas de prix, mais mes enfants, pourtant habitués à boire de grands vins avec moi ont été éblouis par la profusion de vins légendaires. Voilà donc un grand pré-Réveillon.

le seul indice du nom « Richebourg » et l’année par le bouchon