Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Rousseau et Rayas mardi, 30 novembre 2021

Un ami avait repéré il y a longtemps le restaurant secret où je trouvais de belles bouteilles à des prix incitatifs. Il a profité de cette opportunité et l’idée lui vint que nous allions ensemble en ce lieu pour partager de belles bouteilles. Nous serons trois au restaurant l’Ecu de France.

Nous commençons par un Champagne Jacques Selosse Substance dégorgé en novembre 2017. Ouvert depuis peu il montre une certaine amertume qui va s’estomper assez rapidement. C’est un champagne imposant et sans concession.

Le menu que nous prendrons est : brunoise de saumon et crémeux de poissons / volaille fermière de Culoiseau, petits légumes, jus légèrement corsé / Cantal affiné, brie de Meaux aux brisures de truffes / crème brulée, pomme paysanne, amandes au lait de coco, glace caramel au beurre salé.

Le Chambertin Armand Rousseau 2013 est frais, subtil, charmant et délicat. C’est la perfection d’un jeune chambertin.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2007 a une puissance énorme, virile. C’est un conquistador.

Je préfère nettement le chambertin pour sa subtilité. Je pensais que Rayas était le plus bourguignon des Châteauneuf-du-Pape, mais mis face à face, ils sont complètement dissemblables.

Une bonne leçon à noter : ne jamais mettre ces vins ensemble, car ils brilleraient mieux si on les boit séparément. En une autre occasion j’aurais adoré le Rayas, mais ici, le Rousseau est inapprochable.

Le déjeuner fut fort agréable dans cette maison où je me sens en famille.

Un beau champagne de 1976 dimanche, 28 novembre 2021

Ma fille viendra demain dîner à la maison avec ses deux enfants. Je cherche des vins en me promenant dans ma cave. Mon œil est attiré par la belle étiquette d’un Château La Cabanne Pomerol 1955. Je prends la bouteille en main et je constate hélas que le niveau est plus bas que le bas de l’épaule. Il est exclu que je la repose sur place aussi nous essaierons de la boire. Par précaution je prends un Clos René Pomerol 1950 au niveau superbe. Je continue à arpenter les allées de la cave et je choisis un Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant 1976 dont la bouteille biseautée est magnifique.

Le lendemain vers 16 heures je vais procéder à l’ouverture du pomerol. Je découpe la capsule et je constate que le bouchon est tombé dans le vin. Décidément, je n’ai pas de chance avec ce vin. Le parfum est particulièrement pur. Aucun signe d’acidité, de déviation ou de moisissure. A priori le vin n’est pas affecté par la chute du bouchon qui n’est peut-être apparue que lorsque j’ai soulevé la bouteille. Nous allons donc l’essayer.

Au moment de l’apéritif, j’ouvre le Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant 1976. Un tout petit pschitt salue l’ouverture du bouchon de belle qualité. Le vin est d’une belle couleur dorée et la bulle est active. Dès le premier contact on ressent la noblesse de ce champagne. Il est vif, long et intense. C’est un champagne noble mais aussi plaisant. Sa rémanence en bouche est impressionnante. Il a une belle personnalité.

Sur un plat de légumes le Château La Cabanne Pomerol 1955 se montre sans défaut. Il est riche, profond avec des notes truffées. Ma fille, à qui je n’ai pas raconté les malheurs de ce vin, l’aime beaucoup, comme moi. Il est superbe sur un fromage de chèvre de grande qualité. C’est un beau pomerol.

Pour la tarte au pomme je prélève dans l’armoire à alcools un Madère Misa probablement de 1929 puisque j’ai des madères Misa de 1929. Il est un peu moins vif que ce qu’il devrait puisqu’il a été ouvert il y a longtemps mais il a suffisamment de charme pour que nous l’appréciions.

C’est le champagne qui s’est imposé comme le meilleur de cet agréable repas.

Déjeuner de conscrits à l’Automobile Club vendredi, 19 novembre 2021

Le lendemain du déjeuner de conscrits d’école, un déjeuner me fait retrouver mes conscrits par l’âge à l’Automobile Club de France. Le site magnifique de ce club sur la place de la Concorde a été rénové avec beaucoup de goût pendant la période de confinement. L’ami qui nous invite fait servir un Champagne Ruinart 2010. Je le trouve très supérieur à l’image que je m’en faisais. Extrêmement consensuel, il représente une belle image de la Champagne.

Je voulais prendre des cèpes dont c’est la saison avec des escargots en persillade, mais le jeune serveur nous dit : en fait ce ne sont pas des cèpes. Ce ne sera pas la seule surprise. Mon choix se portera sur un foie gras poêlé et champignon farci, plat délicieux.

Le Château Montrose Saint-Estèphe 2012 est un enfant doué, mais mon Dieu qu’il est jeune ! Quand je dis que ce vin sera magnifique dans trente ans, un des amis me dit qu’il y a peu de chances que nous puissions le vérifier.

Nous sommes une majorité à avoir choisi le ris de veau croustillant aux blettes. Le Corton Château de Corton Grancey 2012 a le même âge que le bordeaux mais il dégage un charme redoutable qui fait oublier sa jeunesse. Sur le ris de veau cuit très exactement le vin dégage des complexités raffinées. Il est très agréable à boire. Nous continuerons à le boire sur un délicieux brie bien onctueux. Sa subtilité bourguignonne est entraînante.

Pour les desserts, nouvelle surprise. Il n’y a plus le traditionnel chariot de desserts mais une vitrine fixe au loin, qui ne nous donne pas envie de quitter la table pour aller voir. Pour plusieurs desserts, le serveur nous dit qu’il n’en reste plus qu’un ou qu’il n’y en a plus. J’ai pu goûter le seul millefeuille qui restait, nommé feuille à feuille chocolat au poivre Sarawak. Nous avons quand même tous eu des desserts qu’accompagnait un Château Suduiraut Sauternes 1978 absolument éblouissant, solaire, radieux d’une énergie puissante et d’une suavité extrême.

Pour continuer dans l’étonnant, la table avait été retenue par un ami, membre de l’Automobile Club alors que c’est un autre ami qui nous invitait. Vers 15 heures un serveur vient chuchoter à l’oreille du membre du club qu’il serait bon qu’il règle la note, car la caisse va se fermer. Il prévient l’ami invitant qui nous quitte le temps de payer son écot. Dans ce si beau cadre où la cuisine a fait de sensibles progrès, il y a encore des points à améliorer, fort heureusement bénins.

Le Suduiraut 1978 a été l’illumination de ce repas, suivi du Corton Grancey de haute qualité. Les soubresauts parfois délirants de l’activité internationale ne nous ont pas privés de sujets de conversation.

Champagne du 11 novembre vendredi, 19 novembre 2021

Le 11 novembre est un jour férié alors que les poilus sont depuis longtemps dans des tranchées éternelles. Ma femme a prévu des coquilles Saint-Jacques que nous mangerons d’abord crues, et ensuite légèrement poêlées avec des pommes de terre passées au four. C’est une invitation à ouvrir un champagne. Ce sera un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983. Ce champagne fait de 70% de pinot noir et de 30% de chardonnay a été dégorgé en 1989. Le muselet est fermé par un joli écusson en métal gris. Le bouchon est beau et libère un pschitt très discret.

La bulle est active et la couleur du champagne est joliment dorée. En bouche le champagne est vif, viril et cinglant. Il sait se montrer accueillant aux coquilles Saint-Jacques. C’est manifestement un champagne de gastronomie qui ne fait pas son âge tant est belle sa vivacité.

dîner au restaurant l’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula dimanche, 31 octobre 2021

Des amis sont de passage à Paris. Nous les voyons fréquemment dans le sud et ils nous invitent à dîner au restaurant l’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula, car ils ont envie de goûter le lièvre à la royale du chef David Bizet qui fut nommé champion du monde du lièvre à la royale il y a peu d’années. Leur voyage à Paris est lié à l’anniversaire de Valérie, qui se souhaitera dans plusieurs grands restaurants parisiens. Je m’enquiers discrètement de sa date de naissance.

Par ailleurs j’appelle Florent Martin, sommelier du restaurant, qui a été nommé meilleur sommelier français 2020 et que j’avais rencontré lors d’une visite dans le territoire de l’appellation Jasnières. Il m’invite à apporter du vin si je le désire.

L’idée me vient de choisir des vins qui conviendraient au lièvre à la royale dans des directions si possibles extrêmes. L’idée me plait et je cherche des vins du millésime de Valérie. J’apporterai un Vega Sicilia Unico vin solide qui créera un accord naturel, un Château d’Arlay Côtes du Jura qui peut provoquer le lièvre et enfin un Château de Cérons, vin doux des Premières Côtes de Bordeaux qui peut apporter des douceurs à un accord hors des sentiers battus.

Notre table au restaurant est dans un bel espace où nous avons une vue magnifique sur la Tour Eiffel dont les lumières scintillantes créent de beaux effets sur les nuages gris d’une soirée pluvieuse.

Pour l’apéritif, Valérie choisit un champagne de Selosse Elle demande Version Originale et Florent Martin revient de la cave et nous annonce qu’il n’a pas ce champagne mais qu’il a un Substance, non présent sur la carte, ce qui nous comble d’aise. Sur les délicieux petits amuse-bouches nous allons juxtaposer le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2020 et le Château d’Arlay Côtes du Jura 1973.

Le champagne est extrêmement vif et très sauvage comme tous les champagnes de cette grande maison. Le vin du Jura a une couleur plus ambrée que celle du champagne elle-même ambrée. Il est d’une rare puissance et d’une richesse aromatique remarquable. Je n’aurais jamais imaginé que le vin d’Arlay se montrerait plus brillant que ce champagne mythique. Tant mieux pour le Jura, car on se régale avec ce vin très long. Une palourde et un kouglof sont magnifiquement goûteux.

Nous consultons les menus et la carte. Les plats que j’ai choisis sont : tagliatelle de butternut, vieille mimolette, truffe blanche d’Alba, cappuccino fromentin / lièvre à la royale, tartare de champignon, râble rôti, diable, sénateur Couteaux/ fromages / chocolat Criollo, écume de bois de hêtre, condiment fumé, ganache chocolat.

Le plat de tagliatelle est délicieux, mais le butternut efface un peu la truffe blanche. J’aurais aimé que dans un coin de l’assiette il y ait un petit morceau de truffe pour pouvoir en croquer un peu, même s’il ne faut pas rêver tant ce champignon est hors de prix. Le vin du Jura est parfait sur ce plat.

Le lièvre à la royale a une présentation d’une rare beauté. Nous aurons les trois vins que j’ai prévus. Dès la première bouchée, je sais que je suis au sommet de l’Olympe. Ce lièvre puissant est remarquable. J’ai fait ouvrir au dernier moment le Vega Sicilia Unico 1973, oubliant que ce vin n’est plus jeune. Cela n’a pas affecté son goût superbe. Ce vin est d’un charme absolu avec une fraîcheur rare. C’est un vin que j’adore, d’une maturité idéale. Il est puissant mais tout velours. Il n’y a pas de meilleur accompagnant du lièvre.

Nous avons trois assiettes, l’une du lièvre avec sa lourde sauce au sang, la deuxième de morceaux de lièvre traités comme un gibier et la troisième d’une purée. Le vin espagnol convient parfaitement au lièvre à la royale, le vin du Jura s’associe très bien au lièvre traité en gibier et le Cérons Château de Cérons 1973 est idéal pour accompagner la purée. Passer d’un vin à l’autre en passant d’une assiette à l’autre magnifie notre plaisir. Le Cérons est assez puissant mais moins qu’un sauternes ce qui permet de passer d’un vin à l’autre. Franc, doux, typé, il a une belle personnalité. J’adore ce liquoreux expressif.

Les trois vins et le champagne trouvent des occasions d’accords avec les fromages. Nous avons hésité longtemps entre le dessert au chocolat et le dessert à la vanille. J’ai choisi celui au chocolat qui permet de trouver des accords que la vanille ne pourrait pas susciter.

La cuisine de David Bizet est d’une grande précision de saveurs comme on le remarque avec l’élégance des amuse-bouches, grands indicateurs du talent d’un chef. Le service de table et le service du vin ont été d’une grande efficacité. Cette table a tous les atouts pour connaître un grand succès.

mes trois vins dans la cave

Dîner au restaurant La Tour d’Argent samedi, 30 octobre 2021

Un ami italien qui a participé à plusieurs de mes dîners m’appelle et me demande si je serais partant pour partager avec lui au restaurant La Tour d’Argent un Ermitage Cuvée Cathelin de la maison Chave. L’idée me plait car les occasions de boire ce vin mythique sont rares.

Lorsque je me présente au restaurant, j’ai mon masque sur le nez. Le réceptionniste me dit « bonjour monsieur Audouze ». La table ayant été réservée par mon ami, je suis étonné qu’on ait pu me reconnaître. Je m’en étonne et il me répond : « si je ne vous avais pas reconnu il faudrait que je change de métier ». Voilà qui met de bonne humeur.

Lorsque je monte à l’étage du restaurant je vois mon ami qui étudie la liste des vins dans un livre d’une épaisseur qui inspire le respect. Il suggère que nous prenions un Auxey-Duresses Domaine d’Auvenay et avec le sommelier nous choisissons les millésimes, 1998 pour le vin blanc et 1995 pour le vin rouge.

Nous choisissons les plats que nous prendrons. Pour moi ce sera : cèpes confits au beurre d’ail et sarrasin torréfié, Guanciale Al Pepe voilé à l’huile de cerfeuil / ris de veau fermier doré au sautoir à l’huile de noisettes, endives braisées au pralin, jus torréfié.

Le sommelier apporte l’Auxey-Duresses Domaine d’Auvenay 1998 et se verse une belle dose dans un verre pour goûter le vin. Il nous sert et dès la première gorgée mon ami et moi sentons que le vin est plat. L’énergie qui est une des caractéristiques de ce vin fait par Lalou Bize-Leroy n’est pas au rendez-vous. Je n’ai aucune envie de discuter avec le sommelier de son diagnostic lorsqu’il a bu le vin aussi serons-nous obligés de voyager avec cet Auxey-Duresses qui ne montre qu’une pâle image de ce qu’il pourrait être.

Lorsque le sommelier avait ouvert la bouteille nous avons vu qu’il peinait et que des miettes de liège étaient tombés dans le vin, ce qui ne devrait jamais se produire avec un vin si jeune. Le bouchon humide avait donc été imprégné par le vin dans la cave du restaurant. Les amuse-bouches sont particulièrement simples et la mise en bouche de saumon fumé est très simple également.

Le plat de cèpes est délicieux et gourmand avec une sauce divine. C’est un plat simple mais bien fait qui va réveiller le vin blanc.

J’avais demandé que le vin rouge soit ouvert seulement au moment où le ris de veau serait servi. C’est ce qui fut fait et mon ami a pu constater ainsi à quel point la fraîcheur du vin qui éclot est pertinente. Le vin n’a pas le flamboyant que doit avoir un Cathelin, mais cet Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1995 est un grand vin. Le ris de veau est parfaitement cuit et sa sauce est superbe.

Les deux vins vont se révéler vraiment au moment des fromages de grande qualité. Du moins nous faisons tout pour nous persuader qu’ils retrouvent leur splendeur.

Ne prenant pas de dessert nous recevons des mignardises qui ne sont pas dignes d’un restaurant historique et emblématique de la cuisine française. Le chef Yannick Franques qui est MOF 2004 a incontestablement du talent dans une cuisine bourgeoise simple et goûteuse mais il devrait rehausser le niveau de ses ambitions culinaires. Il est très probable que ce jugement sur la cuisine est influencé par la déception pour les vins.

Nous avons passé une excellente soirée car nous étions heureux de nous revoir, mais on ne peut pas cacher un regret quand deux vins emblématiques ont offert une partie seulement de ce dont ils sont capables.

Repas du dimanche conclusion d’une trilogie lundi, 25 octobre 2021

Ma fille cadette nous rend visite pour le déjeuner dominical. Avec mon fils nous avions ouvert plusieurs bouteilles pour deux repas aussi il y aura suffisamment à boire, sauf le champagne d’apéritif.

J’ouvre un Champagne Pol Roger 1973 qui offre un pschitt discret mais réel. La couleur est joliment ambrée de peau de pêche. Le champagne est riche, large et joyeux, un peu comme le Moët 1959, généreux. Avec une rillette, c’est un accord idéal.

Le plat est un osso-buco avec des champignons qui s’accorde très bien avec les vins. Le Pétrus 1969 est encore magnifique et charpenté, ouvert il y a deux jours. Ma fille buvant les vins à l’aveugle reconnait la Romanée Conti dans le parfum du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1978. Elle est plus hésitante pour le Vougeot 1929 qui devient de plus en plus algérien. Les trois repas partagés avec mon fils dont le dernier avec ma fille nous ont permis d’explorer des vins inhabituels et magnifiques. Ressortent du lot le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1978 et le Pétrus 1969. Ce furent de grands moments.

trois repas :

Deuxième dîner avec mon fils et un grandiose Richebourg dimanche, 24 octobre 2021

Le lendemain avec mon fils nous allons à nouveau boire de grands vins. Vers 17 heures je commence à ouvrir les vins. J’avais choisi en cave un Richebourg Domaine de la Romanée Conti dont l’étiquette très abîmée ne donne aucune indication permettant de trouver l’année. Le nombre de bouteilles produites, toujours inscrit sur les bouteilles permettrait de connaître le millésime mais il est effacé. L’état de l’étiquette me fait penser aux années quarante mais le marchand qui m’a vendu la bouteille avait découpé le bas de la capsule, ce qui me permet de lire 1978. Le haut du bouchon est dur comme du bois. Je découpe donc au couteau le haut du bouchon pour mieux lever le bas avec l’espoir de lire le millésime sur le bouchon. Lorsqu’il est sorti, je peux lire 1976 ou 1978, mais le chiffre 1978 s’impose. Le nez du vin est très prometteur, si typique de la Romanée Conti.

J’ouvre ensuite un Vougeot Abel Porte 1929 dont le bouchon vient sans difficulté. Le nez est sans défaut et le vin profitera bien de quelques heures d’aération.

Pour l’apéritif, j’ouvre au dernier moment un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1991. Je n’ai bu que trois fois un champagne de 1991, millésime que beaucoup de maisons n’ont pas vinifié. La couleur est belle d’un or de blé d’été, le pschitt est actif et le vin ne fait pas du tout ses trente ans. C’est un champagne très expressif et vif. Il est tonique. Nous grignotons quelques biscuits mais très rapidement nous passons à table pour profiter du beau champagne sur un caviar osciètre prestige de Kaviari. Le caviar est exceptionnel et son côté salin colle parfaitement au champagne sérieux et noble. C’est un grand moment.

Nous passons ensuite à la viande Wagyu si tendre et suave qui est associée aux deux bourgognes que je vais faire goûter par mon fils à l’aveugle. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1978 a un nez de rose et de sel qui ne peut pas tromper mon fils qui dit Romanée-Conti. Ma femme n’avait pas entendu mon fils et quand je lui fais sentir, elle dit Romanée Conti tant ce parfum est une signature. En bouche le vin est sublime et la douceur de la viande bien grasse le met en valeur. C’est un des plus grands Richebourg de la Romanée Conti que nous buvons, si subtil, à la couleur claire, et à la longueur quasi infinie. Quel charme !

Je vais chercher ensuite le Vougeot Abel Porte 1929. Mon fils sent et goûte et exclut la Bourgogne. Il évoque du café et du chocolat, pensant à un vin étranger. L’évocation de café allume une lumière dans ma mémoire. Le café est un marqueur des vins d’Algérie. Nous sommes donc en présence d’un vin hermitagé, c’est-à-dire qui a été fortifié par un apport externe qui peut être du Rhône ou d’Afrique du Nord. Le vin est beaucoup plus sombre que le Richebourg. Il est puissant et fort agréable à boire sur le Wagyu, même s’il n’est pas authentique. Mais 92 ans plus tard, il y a prescription.

Ces deux dîners nous ont ravis. Indépendamment des deux liquoreux exceptionnels du 19ème siècle, deux vins émergent au-dessus du lot, le Richebourg 1978 et le Pétrus 1969. Les deux champagnes ont brillé et le Wagyu est un plaisir divin.

Dîner avec mon fils et des vins inhabituels dimanche, 24 octobre 2021

 Mon fils vient périodiquement en France pour s’occuper des sociétés que j’ai créées et dont il est le gérant. C’est l’occasion de dîner ensemble à la maison avec des bouteilles un peu hors norme. J’ai ouvert les vins à 16 heures. Le Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1981 a un bouchon qui me paraît un peu spongieux, comme si son liège était faible. Le nez me fait un peu peur, comme si le vin était un peu dévié. L’autre bouteille que j’ouvre fait partie de ces bouteilles non identifiables que j’ai regroupées dans un coin de la cave. Le cul de la bouteille, le fait qu’elle soit soufflée, et que le col ne soit pas droit indique une probabilité forte d’un vin du 19ème siècle. L’étiquette est illisible mais la calligraphie des lettres que l’on devine est très vieille. Je peux lire Château Be… et on devine en bas d’étiquette Julien. L’idée qu’il s’agisse d’un Beychevelle n’est pas exclue. La bouteille est surmontée d’une capsule rose qui ne colle pas au verre et peut s’enlever quand on la soulève. Le bouchon se brise comme on peut s’y attendre. Le nez est incertain à l’ouverture et quand je descends l’escalier vers la cave, je sens de plus en plus de fruit, ce qui pourrait être un bon signe.

Au moment de l’apéritif, j’ouvre un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1959. La couleur est d’un ambre rose soutenu. Le champagne est riche, rond et délicieux. Avec du jambon Pata Negra l’accord est superbe mais le meilleur accord est trouvé avec une rillette de porc, donc le gras fait frétiller le champagne.

Ma femme a cuit divinement des tranches de Wagyu bien grasses et fondantes. Le Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 2007 de la veille est un vin de grand équilibre et de belle séduction. Mon fils l’adore. Je le trouve un peu moins vibrant que la veille mais toujours joyeux et riche.

Le Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1981 me gêne aussi bien au nez qu’en bouche, car le goût typique de Châteauneuf est brouillé par une trace de ce que m’évoque la barbe des artichauts qui surplombe le cœur. Mon fils s’accommode de ce vin tout en reconnaissant ce défaut et j’ai plus de mal que lui à le trouver aimable.

Le Bordeaux inconnu que l’on pourrait appeler Probable Château Beychevelle vers 1890 est plat, aqueux, sans âme. On ne peut pas dire qu’il est mauvais, mais il ne nous apporte rien. Alors, il faut aller en cave et prendre de préférence un vin plus jeune. Je descends dans la cave et mes yeux tombent sur un Pétrus 1969 de l’année de mon fils.

Je remonte la bouteille et je l’ouvre sans que mon fils ne voie rien, car j’aimerais qu’il découvre à l’aveugle. Nous buvons ce vin juste sorti de cave et j’adore son énergie et sa jeunesse. Mon fils trouve Pomerol ce qui est excellent, et il pense à un vin plus vieux que 1969. Il est ravi qu’il soit de son année. Nous adorons tous les deux ce vin précis, sentant la truffe et d’une noblesse rare. Il est riche dense, long et ce qui est intéressant, c’est qu’il paraît beaucoup plus noble que le vin d’Henri Bonneau 2007 qui m’avait émerveillé aux Crayères. Le Pétrus se plait bien avec de beaux fromages.

Pour le Kouign-Amann je sers deux vins liquoreux dont j’avais gardé les fonds de bouteilles pour mon fils. Le Constantia Afrique du Sud vers 1862 a un parfum inouï d’une puissance inégalable.

Le Rota 1858 est plus doux, plus suave. Les deux sont très différents mais au sommet du monde des vins liquoreux.

Mon fils classera en premier le Pétrus 1969. Je mettrai en premier le Rota 1858 même si son nez n’égale pas celui du Constantia. Ouvrir ces bouteilles avec mon fils, même s’il y a parfois des bouteilles qui ne sont pas au niveau, c’est un plaisir infini pour moi.

Déjeuner au restaurant de l’hôtel les Crayères dimanche, 24 octobre 2021

Le prochain dîner de wine-dinners se tiendra à l’hôtel du Marc à Reims, propriété de la maison de champagne Veuve Clicquot. Je vais livrer les vins du dîner pour qu’ils reposent calmement dans la cave de cet hôtel. Avec le chef Christophe Pannetier nous révisons le menu que nous avions déjà mis sur pied et avec le maître d’hôtel Nicolas Saunier nous choisissons les verres et nous révisons les règles de service. La décoration de l’hôtel du Marc est toujours aussi belle, avant-gardiste comme la création de l’étiquette du champagne La Grande Dame 2012 par l’artiste japonaise Yayoi Kusama. La cave aussi est superbe et mes vins vont y dormir pendant presque un mois.

Je profite de ce voyage pour aller déjeuner avec ma femme au restaurant de l’hôtel les Crayères. Nous aimons ce lieu où tout respire la quiétude et où le temps semble s’arrêter. Nous y sommes connus ce qui facilite beaucoup de choses et nous vaut quelques attentions. Nous allons au bar et l’on m’apporte une lettre signée du directeur de l’hôtel qui, éloigné de l’hôtel aujourd’hui, me présente ses excuses et ses amabilités. Ensuite le sommelier me propose une coupe de Champagne Bollinger La Grande Année 2012 offerte par la maison. Ce champagne m’étonne par son ampleur et sa maturité. Il est excellent et gourmand. Le sommelier me dit qu’il a été dégorgé en 2020 ce qui est récent. Il est réussi.

On peut charger sur son smartphone le menu et la carte des vins mais nous préférons lire les imposants livres de cave et les menus. Ma femme prendra une entrée à base de langoustines et nous prendrons le même plat de résistance. Les plats que j’ai choisis sont : couteaux de plongée et sucs de chardonnay, choux fleurs fumés aux sarments de vigne, craie de noisette, bulles de champagne / cochon rôti doucement sur le grill de sarments, navets et choux nourris d’un sabayon à la lie de vin, pomme de terre en croûte de sel noircie dans la braise.

Il se trouve que demain nous recevrons notre fils venu de Miami et j’ai prévu d’ouvrir un Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 1981. Ce serait intéressant que je prenne une version plus jeune de ce vin. Je choisis le 2007 sur l’excellent conseil du sommelier.

Nous passons à table. La salle à manger est une invitation au plaisir de la table et le service particulièrement compétent et efficace participera à notre bonheur. Les amuse-bouches plantent le décor : le talent du chef Philippe Mille est de plus en plus affirmé. Il y a le goût, le raffinement et la prouesse technique. Je commande une demi-bouteille de Champagne Krug Grande Cuvée et après la douceur et le charme du Bollinger je suis un peu décontenancé. Il y a du lacté dans ce champagne et un manque de cohérence qui fort heureusement disparaîtra lorsqu’il sera bu avec les plats.

L’entrée me dérange un peu, car la mâche du chou-fleur cru étouffe la saveur du couteau. Le plat de porc est absolument parfait. J’ai demandé au sommelier qu’on ouvre la bouteille du Châteauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 2007 au moment où le plat est servi, pour que je profite de son éclosion en mangeant le plat. Ce vin est une pure merveille. Tout en lui est bonheur pur. Quelle prestance, quelle gourmandise. Le vin est extrêmement lisible, facile à vivre, juteux, plein de vie. Je vis un moment unique car en buvant je le trouve parfait. Rien ne pourrait être mieux dans ce que je ressens. Un bonheur absolu. Des fromages sont nécessaires pour continuer cet instant de grâce pure.

Je suis allé féliciter Philippe Mille en cuisine car sa cuisine combine talent, dextérité et créativité au profit du goût. Je lui ai signalé mon impression sur l’entrée. Nous sommes suffisamment complices pour que ces remarques soient accueillies avec le meilleur esprit. La cuisine de Philippe Mille est brillante.

Le café est accompagné de mignardises aussi épatantes que le reste. On se sent bien aux Crayères.