Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Inoubliable déjeuner avec un moelleux de Loire des années 1870 mardi, 25 mai 2021

Le déjeuner de lundi de Pentecôte pourrait être l’un des plus beaux de ma vie. Nous sommes trois, mon fils, ma femme et moi, dont deux qui boivent. Le point de départ est une bouteille qui fait partie des bouteilles illisibles entassées dans des cases de ma cave. J’avais repéré une bouteille qui me semble la plus vieille de ce groupe. Elle est de forme bourguignonne et contient un vin blanc dont la couleur me fascine, avec des notes orangées tendant vers le rose. C’est inhabituel pour un bourgogne blanc ancien mais je suis quasi sûr que ce vin sera grandiose et je mets à imaginer qu’il a le plus beau goût possible de tous les vins de ma cave. Alors, j’ai mis dans sa case un papier sous elle avec le nom de mon fils. J’ajoute deux autres vins qui me tentent en les voyant en cave.

Par une chance inouïe ma femme a prévu pour ce déjeuner du Wagyu et des pigeons. Une bonne étoile doit veiller sur ce déjeuner.

A 9h j’ouvre la bouteille inconnue dont le bouchon vient entier, d’une qualité de liège qu’on ne trouve que dans les vins très anciens du 19ème siècle, peut-être avant 1860. Le parfum est incroyable et évoque un vin doux. Ce parfum entêtant est incroyable. L’idée qui me vient immédiatement est celle d’un Vouvray ou d’un Coteaux du Layon. Et pour l’âge, la bouteille et le bouchon m’indiquent que c’est probablement de la décennie 1870, voire avant.

J’ouvre ensuite La Tâche 1957 au niveau assez bas mais convenable et de belle couleur. Le bouchon se casse en de multiples morceaux, la partie basse collée au verre résistant fortement. Le nez du vin est exactement ce que je souhaitais pour cette année que j’apprécie.

Ce n’est que vers 10h30 que j’ouvre le Mumm Cordon Rouge 1937 dont le bouchon sale se brise à la torsion. Le parfum est très engageant.

Vers 13 heures je sers le Champagne Mumm Cordon Rouge 1937. Il n’a pas de bulles mais le pétillant est préservé. La couleur est d’un bel orange. Le champagne est précis, charmant, très long et raffiné et mon fils est de mon avis, ce champagne est plus grand que le Krug Private Cuvée années 50 et que le Mercier 1949 d’hier. Il est rond, joyeux, raffiné. C’est un très grand champagne, bien sûr ancien, mais qui a gardé une énergie intacte.

Le Wagyu est fondant. Le vin blanc, appelons-le Vouvray 1877 pour avoir une année qui finit en « 7 » comme les deux autres, dont le millésime est connu, a un parfum extraordinaire d’une richesse aromatique infinie. Je ne crois pas avoir connu de vin liquoreux aussi délicat et complexe. C’est du velours. Il serait inopportun de faire des comparaisons mais je pense que ce vin moelleux atteint des sommets absolus d’excellence. L’accord avec le Wagyu est divin. Mon fils me dit qu’il n’a jamais bu de liquoreux de ce niveau.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957 a une couleur très claire, très représentative de son domaine. Le parfum est de sel, entraînant. En bouche c’est un vin d’une élégance extrême. Il est d’un millésime calme ce qui lui permet d’exprimer toutes ses subtilités. Avec les pigeons à la goutte de sang, l’accord est absolument divin. Le vin rouge s’adapte aussi élégamment au Wagyu.

J’ai l’impression qu’à chaque gorgée et qu’à chaque bouchée, on touche la perfection absolue. C’est une sensation très rare que de recevoir des saveurs parfaites et éblouissantes. C’est pour cela que je considère ce repas comme l’un des plus grands de ma vie. Un vin blanc moelleux unique de complexités et de douceur, des viandes parfaites et des accords naturellement idéaux. Ce n’est que du bonheur.

Le dessert, de poires Belle-Hélène a réussi à trouver sa voie avec le Mumm 1937. La vie est belle.

déjeuner du dimanche de la Pentecôte lundi, 24 mai 2021

Pour le déjeuner du dimanche de la Pentecôte nous recevons une de mes filles et ses deux enfants, mon fils et une amie qui fête ses cinquante ans. De bon matin j’ouvre la bouteille de Mouton Rothschild 1971 de l’année de notre amie. Le nez est discret mais prometteur.

Une heure avant l’arrivée des invités, j’ouvre le champagne Mercier 1949 au niveau plutôt bas, qui ne délivre aucun jet de gaz et offre un parfum agréable. Mon fils arrive plus tôt que prévu, aussi j’ouvre sur l’instant une bouteille de Champagne Krug Private Cuvée très ancienne, probablement des années 50 ou 60, au niveau à moitié de hauteur. La couleur est d’un or ensoleillé et des petites suspensions existent lorsque je sers les verres.

En bouche, ce champagne est brillant. S’il n’a pas de bulle, il picote la langue et offre un beau pétillant. Il est puissant, large, avec des évocations de fruits jaunes exotiques. Tout le monde arrive et nous trinquons avec ce Krug que tous apprécient. Il n’a pas du tout souffert de la baisse de volume et se montre gourmand sur une tarte à l’oignon, un cake, et un saucisson des Aldudes.

Le Champagne Mercier 1949 a presque la même couleur que le Krug, n’a pas de bulle mais est marqué aussi par un beau pétillant. Il est plus léger et plus frais que le Krug et a moins de puissance. Mes enfants préfèrent le Krug. J’ai une préférence pour le Mercier très aérien car c’est un champagne que je découvre, alors que le goût du Krug Private Cuvée m’est familier.

Le champagne va accompagner une entrée à base de petits pois et s’en acquitte très bien.

Pour le poulet, je sers le Château Mouton-Rothschild 1971 au niveau dans le goulot. Ce vin est d’un extrême raffinement. Tout en lui est élégant. Son équilibre est parfait, avec des tons de truffe légère et une densité idéale. Nous sommes impressionnés par ce vin d’un aboutissement absolu.

Ma femme a prévu pour le dessert des fruits frais, dont fraises, framboises, mûres, groseilles, cassis, joliment disposés sur des demi-bananes. Un sauternes serait inapproprié aussi buvons nous les dernières gouttes du magnum de Champagne Dom Pérignon rosé P3 1988 qui malgré trois jours d’écart est époustouflant de grâce et de pertinence. C’est un rosé de légende.

J’ouvre ensuite un Champagne Dom Pérignon rosé 1998 qui sur la première gorgée paraît moins complexe que le beau 1988, mais s’affirme progressivement pour devenir un très agréable champagne rosé qui est idéal pour les fruits de belle acidité.

Ce serait bien difficile de classer les vins de ce repas. Je pense que mon fils classerait le Mouton 1971 en premier suivi du Krug Private Cuvée. Je mettrais aussi le Mouton 1971 en premier car nous ne buvons pas assez souvent de ces grands bordeaux et je donnerais la seconde place au Mercier 1949, pour la même raison de rareté d’apparition sur notre table.

Tout fut parfait et joyeux pour ce beau déjeuner de Pentecôte.

les fraises sont un très beau début d’apéritif avec le champagne. Pour ancrer cette idée, j’ai dessiné une ancre.

ne jamais oublier l’Apibul des petits-enfants !!!

Merveilleux Hermitage 1947 mardi, 18 mai 2021

C’est un déjeuner de famille avec nos deux filles et deux de nos petites-filles. L’apéritif se prend avec un Champagne Salon 2006. Sa bulle est belle, sa couleur est claire et le pschitt d’ouverture est clairement claironnant. En bouche le champagne est agréable, calme et serein et n’a pas la vivacité tonique du 2007. C’est un champagne de consensus qui mérite qu’on le laisse tranquille pendant de nombreuses années car je pressens qu’il deviendra grand lorsque son calme deviendra une belle affirmation.

Sur une délicieuse soupe froide de petits pois, je sers un Sancerre Salmon Frères Vigneron 1973 à la très jolie couleur mais au niveau plutôt bas. C’est un vin direct, franc, agréable et très linéaire. Il ne cherche pas à briller et sa droiture en fait un vin agréable à boire, sans prétention.

Pour le veau Orloff, je sers un Hermitage Audibert & Delas 1947 qui m’avait joué un tour à l’ouverture à 9 heures ce matin : il s’est mis à bouger et à chaque fois que je piquais, il descendait d’un millimètre. Avec des ruses de sioux j’ai essayé de planter la pointe de la mèche, mais je n’ai pas pu stopper sa chute. Le vin a donc été carafé, ce qui n’est pas l’oxygénation lente.

Au service il est brillant et paré de toutes les qualités possibles. C’est un vrai vin du Rhône, mais ses complexités délicieuses me font penser aux plus grands des plus grands Grands Crus de Bourgogne. Quelle élégance et quelle subtilité ! Il est équilibré, merveilleusement charmeur, c’est une complète réussite à deux doigts d’être un vin parfait. Il faut dire que l’année 1947 brille particulièrement en ce moment. Le plat lui convient ainsi qu’un très goûteux fromage anglais de type cheddar.

La performance de l’Hermitage a marqué ce repas.

Les repas de conscrits reprennent vendredi, 7 mai 2021

Depuis le confinement, il n’y a eu aucune possibilité pour faire nos déjeuners de conscrits. L’occasion s’est présentée de faire un de ces déjeuners dans ma cave. Nous serons cinq au lieu de huit, les autres amis n’ayant pas la possibilité de venir. De bon matin j’ai ouvert les bouteilles pour qu’elles aient l’aération nécessaire. Aucun incident ne se produit. Le sauternes Domaine de la Forêt a une étiquette très peu lisible mais j’avais noté sur mes fiches son année, 1920. Illisible sur l’étiquette elle apparaît sur le bouchon. C’est bien un 1920, à la hauteur dans le goulot montrant qu’il n’y a pas eu l’ombre d’une évaporation et le parfum à l’ouverture est divin.

Les amis arrivent à des horaires décalés et nous commençons par la rituelle visite de cave. L’un des amis est un fan du champagne Delamotte aussi le premier vin que nous buvons pour l’apéritif est un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007. Il a le charme des blancs de blancs de Mesnil-sur-Oger. J’ai voulu l’associer avec le Champagne Salon 2007 nous pas pour faire une confrontation mais plutôt pour faire une association. Je préfère qu’il en soit ainsi. Si l’on constate que le Salon est plus noble et plus précis, ce n’est pas pour déprécier le Delamotte que je considère aussi comme un grand champagne.

Nous avons de petits fours salés et nous continuons avec des sushis et des sashimis de saumon et de thon. Je sers alors le Chablis Premier Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959. Mes amis sont émerveillés par la jeunesse et la richesse de ce grand chablis qui trouve avec le thon un accord magnifique. Quel grand chablis dont le finale riche de fruits est éblouissant.

Ma femme a préparé pour notre déjeuner un foie gras dont elle a le secret. Il est associé au Champagne Dom Pérignon 1973. Là aussi mes amis, peu habitués aux vins anciens, sont subjugués par l’énergie et la largeur aromatique de cet éblouissant champagne. Il est plus guerrier et conquérant que ce que j’attendais. Il est fruité, doté de belles bulles picotant agréablement le palais. L’accord est idéal.

Le Château Canon La Gaffelière Saint-Emilion 1959 est le seul vin rouge du repas, ce qui n’est pas habituel dans les déjeuners de conscrits. Il est absolument splendide, charbonneux, truffé, à la longueur extrême. Il faut dire que 1959 est une année qui en ce moment est au firmament. Il est intéressant de constater que le saint-émilion s’associe nettement mieux avec un fromage de chèvre qu’avec le saint-nectaire qui dans les livres lui conviendrait mieux.

Pour le Shropshire et le stilton, je sers maintenant le Domaine de la Forêt Sauternes Preignac 1920. Sa couleur est d’un or d’un acajou sombre. Son parfum envahit la pièce. Son goût luxuriant et charmeur est un bonheur absolu. Il est un peu sec, mais à peine, et conserve un fruit percutant. Il est parfait sur les fromages et brille aussi sur une tarte à la mirabelle.

Mes amis sont aux anges. Nous allons voter. Le Dom Pérignon a trois votes de premier et le sauternes en a deux. Le vote du consensus est : 1 – Champagne Dom Pérignon 1973, 2 – Domaine de la Forêt Sauternes Preignac 1920, 3 – Château Canon La Gaffelière 1959, 4 – Chablis Fourchaume A. Regnard & Fils 1959.

Mon vote est : 1 – Domaine de la Forêt Sauternes Preignac 1920, 2 – Champagne Dom Pérignon 1973, 3 – Chablis Fourchaume A. Regnard & Fils 1959, 4 – Château Canon La Gaffelière 1959.

Sur un menu extrêmement simple puisque je n’ai en ce local qu’un embryon de cuisine, on se rend compte que lorsque les vins sont de haut niveau, et ils le furent tous, on peut faire un repas de haute gastronomie. Le plaisir de revoir mes amis est doublé du plaisir de leur offrir une expérience gastronomique mémorable. Vive la vie qui revit.

un Dom Pérignon revenant d’Italie

le 1920 est très lisible sur le bouchon

Déjeuner aux accords audacieux sur le thème des sauternes samedi, 1 mai 2021

(les préparatifs de ce déjeuner sont racontés dans l’article qui est juste en dessous de celui-ci, à lire d’abord)

De très bon matin je vais acheter le pain pour le déjeuner et des fruits de la passion et des grenadelles. J’ouvre ensuite les vins du déjeuner. Le Château d’Yquem 1989 a un bouchon tellement comprimé dans le goulot que mon tirebouchon limonadier, malgré la possibilité de faire levier, n’arrive pas à remonter le bouchon. J’utilise alors le Durand, un tirebouchon qui combine un bilame et une mèche, ce qui permet de tirer facilement le bouchon.

Je vivrai un moment difficile avec le bouchon du Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle sans année des années 60 et 70. Il est impossible de le faire tourner à la main aussi j’essaie avec un casse-noix. Le casse-noix ne peut pas faire tourner le bouchon tant le bas du bouchon semble collé au goulot. Avec un couteau mis entre le haut du goulot et la partie renflée du bouchon j’essaie de lever le bouchon, mais il réagit comme un caoutchouc, c’est-à-dire qu’il se lève puis se contracte. Ce manège dure une bonne dizaine de minutes et à un moment, tournant un peu plus fort que d’habitude, je vois que le bouchon se déchire en haut du goulot. Je sors le reste en usant d’un tirebouchon. Un début de pschitt apparaît et une légère brume de bulles émane de la bouteille. Ce fut périlleux.

Les amis et ma fille cadette arrivent et pour l’apéritif, nous buvons le Champagne Salon 2007 que j’avais ouvert hier. Il s’est merveilleusement élargi et montre une noblesse rare. Ce qui a des chances de devenir un rite à la saison des fraises, c’est de commencer l’apéritif par un accord fraises et champagne. Ma fille m’avait regardé avec des yeux incrédules, mais cet accord est divin.

L’accord suivant est celui du Salon avec un délicieux camembert. Et c’est aussi pertinent.

Je sers maintenant le Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle sans année des années 60 et 70. Sa couleur est belle, légèrement ambrée. Les bulles sont visibles. Passant après le Salon, c’est une explosion de bonheur, de bouquets de fleurs et de paniers de fruits. Quelle richesse ! Ce champagne va accompagner des petits fours salés, une rillette, un jambon Pata Negra de bien belle façon.

Nous passons à table. Le premier plat est un poulet cuit au four à basse température. Le Château d’Yquem 1989 crée un accord absolument parfait. La continuité des goûts est idéale. L’Yquem combine une belle jeunesse et une grande maturité. Il apporte la fraîcheur mais aussi un équilibre de belles saveurs. Il n’est pas pesant mais convainquant.

Alexandre de Lur Saluces m’avait souvent dit d’associer Yquem et asperges et j’avais pu en vérifier la pertinence au château de Ferrières, propriété de l’Université de Paris, lors d’un colloque sur les accords mets et vins. L’asperge verte s’accommode de l’Yquem. Pour certains autour de la table, c’est avec la tête verte de l’asperge, plus douce, que l’accord se trouve alors que je préfère la queue blanche plus amère pour converser avec le sauternes. C’est une expérience qu’il fallait faire.

Pour le wagyu passé au four à basse température pendant quelques minutes pour chauffer le cœur, puis cuit comme un steak, j’ai choisi un Savennières Roche aux Moines Moelleux récolte du château de Chamboureau Cuvée Chevalier Buhard Pierre et Yves Soulez Viticulteurs 1989. Son nez est discret. Il m’évoque des coquilles d’huîtres et quelques vins de glace. Il hésite entre le moelleux et le sec et en bouche son attaque est fortement salée. Et c’est exactement ce qu’il faut pour accompagner la délicieuse et opulente viande bien grasse mais légère. L’accord est magnifique. Je suis tellement content d’en avoir eu l’intuition.

Les fromages sont un gouda de très longue maturation, un stilton et un Shropshire qui est comme un stilton mais à la couleur orangée. Nous pouvons essayer ces fromages soit avec l’Yquem soit avec le Château Suduiraut 1959 d’une puissance invraisemblable et d’une palette aromatique infinie. Le gouda est trop fort à mon goût et les deux autres fromages sont superbes pour le Suduiraut qui a la force pour les affronter.

Sur les grenadelles, l’accord le plus pertinent me semble être avec l’Yquem 1989, car le Suduiraut est très puissant. L’accord se trouve aussi avec le Savennières. Pour les fruits de la passion, c’est le Suduiraut qui est le plus adapté.

La tarte Tatin est si gourmande que les deux sauternes font jeu égal.

Je vais chercher une bouteille déjà ouverte depuis quelques mois d’un Madère qui est probablement d’une année autour de 1740, année estimée par la forme de la bouteille qui a été utilisée dans la première moitié du 18ème siècle. Nous en buvons chacun une goutte. Ce liquoreux offre des complexités transcendantales, tant les saveurs sont infinies et éternelles. Autant les sauternes furent brillants, autant ce vin est sur une autre planète.

Nous avons voté pour les vins du repas, le madère étant hors classement. Le consensus est : 1 – Suduiraut 1959, 2 – Yquem 1989, 3 – Savennières 1989, 4 – Grand Siècle, 5 – Salon 2007.

Mon classement est 1 – Suduiraut 1959, 2 – Yquem 1989, 3 – Grand Siècle, 4 – Savennières 1989, 5 – Salon 2007.

Ce repas sur un thème inhabituel fut une vraie réussite car tous les accords ont été pertinents et les vins se sont montrés superbes. Les accords les plus originaux sont la fraise et le Salon, le Savennières et le wagyu et l’Yquem avec les grenadelles. Il faut prendre des risques pour avoir des plaisirs nouveaux.

Symphony in blue

difficulté avec le bouchon, retiré avec le Durand

la couleur du Madère !!!

Préparatifs d’un déjeuner de sauternes vendredi, 30 avril 2021

Pour le déjeuner de mon anniversaire, des amis avaient apporté un Yquem 1989 qui n’a pas été bu, du fait de la profusion de vins. Il paraissait assez naturel que nous nous retrouvions une semaine plus tard, une nouvelle fois chez nous, pour goûter ce vin. Ma fille cadette se joindra à nous.

L’idée m’est venue que ce déjeuner soit un repas de liquoreux. On commencerait par des champagnes et ensuite, la voie serait libre pour les liquoreux. Nous avons discuté avec ma femme de ce que pourrait être le menu et j’ai cherché en cave de quoi composer un repas cohérent.

Tout est sur les rails et la veille du déjeuner, lorsque je rentre à la maison, je vois que ma femme a acheté un magnifique et imposant pavé de wagyu, parce que son boucher a eu l’occasion de s’en procurer. Ça change beaucoup de choses aussi décidons-nous de goûter ce soir le wagyu sur lequel j’essaierai un liquoreux. J’ouvre un Château Suduiraut 1959 à la couleur très foncée et au niveau parfait. Le vin embaume la pièce. Ma femme a préparé aussi des petites pommes de terre poêlées en fins disques. L’accord sauternes et pommes de terre est parfait. En revanche, même si la cohabitation entre la viande et le vin est possible, grâce au gras délicieux du wagyu, le sauternes est beaucoup trop fort et écrase la viande. Si l’on veut associer la viande avec un liquoreux, il faudra qu’il soit plus léger. J’en ai prévu un au programme.

A titre de vérification, j’ouvre le Champagne Salon 2007 normalement prévu pour l’apéritif demain. Le wagyu accepte le champagne mais il n’y aucune valeur ajoutée à leur conjonction.

Ma femme a acheté chez son marchand de fruits des fruits de la passion et des grenadelles qui ont la même forme que les fruits de la passion, à la peau lisse et jaune. Le fruit de la passion a une forte acidité que n’a pas la grenadelle plus douce. L’essai du Suduiraut avec le fruit de la passion est constructif, mais l’acidité est forte. L’accord avec la grenadelle est beaucoup plus séduisant car il se trouve en douceur. J’irai donc demain de bon matin acheter des grenadelles chez le marchand.

Ce repas et ces essais nous permettent de bâtir le programme du déjeuner de demain. Nous aurons, j’espère, de belles surprises.

Une journée de vins variés passionnants dimanche, 25 avril 2021

Le déjeuner du lendemain d’anniversaire est celui où vont s’ouvrir des vins que j’ai choisis lors d’une promenade en cave. Dans une case j’ai vu deux vins de Bourgogne de la maison Poulet négociant à Beaune depuis de 18ème siècle. Je les prends. Continuant mon vagabondage je vois un champagne Hubert Paulet. La sonorité du couple ‘Paulet Poulet’ m’amuse. Voilà les trois vins qui feront l’ossature du repas.

Pour les bourgognes anciens j’ai demandé à ma femme un gigot d’agneau. De bon matin je m’apprête à ouvrir les vins et je vois que ma femme a acheté de magnifiques fraises. J’ai envie qu’elles servent de début d’apéritif et il vaudrait mieux un champagne jeune. Il y en a un au frais.

Les bouchons des deux bourgognes viennent sans problème même s’ils se déchirent. Les parfums sont particulièrement engageants. J’ouvre ensuite le Champagne Hubert Paulet 1947 dont le haut du goulot est sale. Le bouchon se cisaille et je suis obligé de tirer le bas du bouchon avec un tirebouchon. Le parfum fait un peu vieux mais plaisant. Il y a même un embryon de pschitt.

Au moment de l’apéritif que nous prenons dans le jardin, du fait d’un soleil quasi estival, j’ouvre le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2004 à la belle couleur de jeunesse. Avec les fraises que l’on découpe en morceaux pour les marier au champagne, l’accord est entraînant. Un ami me demande d’où m’est venue cette idée. J’avais noté que fraise et champagne cohabitent dans la fraîcheur et l’idée de commencer ainsi un repas me plait.

Je sers maintenant le Champagne Hubert Paulet 1947 vigneron à Rilly. La couleur est beaucoup plus claire que ce que j’attendais, la bulle est belle. On sent que le champagne a un peu vieilli, mais il offre une personnalité et des complexités qui le rendent passionnant, beaucoup plus porteur d’émotion que le jeune Veuve Clicquot, encore puceau. Sur une tarte à l’oignon dont l’oignon a gardé de la sucrosité, l’accord avec le Paulet est superbe. Il en est de même avec une belle rillette et du fromage de tête.

Nous passons à table et le champagne de 1947 continue son parcours gagnant avec un délicieux foie gras préparé par ma femme.

Le Pommard Maison Poulet Père & Fils 1959 a une couleur très jeune et un nez expressif et délicat. En bouche il est raffiné, alors qu’il ne s’agit que d’un pommard générique. J’avais relu mes notes des Poulet que j’avais déjà bus. J’avais été souvent heureusement surpris. C’est encore le cas aujourd’hui.

Le Beaune-Teurons Premier Cru Sieurs Germain Poulet Père & Fils 1964 est très différent du 1959. Son parfum est plus viril et sa bouche puissante est plus noble que celle du pommard. Le premier est plutôt féminin, comme peuvent l’être les pommards, et le Beaune est plus masculin et c’est lui qui emporte nos faveurs car il est particulièrement brillant.

Ces deux vins jouent dans la cour des grands, le 1964 étant d’une qualité très élevée et d’une finesse remarquable, tant sur l’agneau que sur la purée de pomme de terre et céleri, délicat accompagnateur des vins.

J’avais envie d’ouvrir une bouteille rare de ma cave et je vais l’ouvrir maintenant, au moment du dessert. C’est un Rhum de Cayenne 1867. La bouteille a perdu beaucoup de son volume. Le bouchon a dû être recouvert d’une fine cire, quasiment disparue. Au lieu de pointer un tirebouchon dans le liège je coupe au couteau la partie de bouchon qui dépasse du goulot. Le bouchon qui reste glisse dans le goulot. J’essaie délicatement de piquer ce bout de bouchon, qui glisse et finit pas tomber dans le liquide. Je carafe pour récupérer le bouchon et remettre l’alcool dans son flacon d’origine.

Le parfum de ce rhum est d’une puissance incroyable. On sent le fût et l’alcool. Le liquide est clair. En bouche le premier contact montre que le rhum est un peu éventé, mais rapidement sa richesse apparaît. Il est beaucoup plus sec qu’un rhum habituel, mais il a une énorme personnalité. Quelle présence. Son bouchon embaume à des mètres et des mètres.

Ma femme avait prévu un gâteau au chocolat moelleux. L’accord se trouve facilement du fait du caractère très sec de l’alcool. Boire un alcool de cet âge aussi vivant et profond est un régal.

On se repose l’après-midi, car les agapes recommencent ce soir. En milieu d’après-midi j’ouvre un Château Léoville-Poyferré 1959 au niveau de très haute épaule. Son bouchon vient facilement et le parfum assez discret montre la belle densité de ce vin.

L’apéritif se fera avec un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en mai 2017, au moment où nous élisions un nouveau Président de la République. Le pschitt est sensible, la couleur est claire et dès la première gorgée, on sent que ça ne va pas, le champagne est acide et trop court. C’est étonnant car jamais ce grand champagne n’est apparu sous un tel jour. Qu’est-il arrivé, nous ne saurons pas.

A table nous goûtons un paleron aux carottes fondant et gourmand. C’est le pommard 1959 qui accompagne le mieux ce plat, mieux que le Beaune-Teurons 1964. Le Château Léoville-Poyferré 1959 a du mal à exister à côté des deux bourgognes, plus flexibles pour accompagner le plat. C’est sur un fromage Selles-sur-Cher que le Saint-Julien va donner toute l’étendue de ses qualités. Il est riche, large et précis, intense avec des notes de mine de crayon. Il fallait vraiment en profiter lorsqu’il est servi seul.

La tarte à la poire, joyeuse et gourmande devait donner la réplique à un Yquem 1989. D’un commun accord nous avons décidé de ne pas l’ouvrir, car nous avions déjà, fort amplement, obéi aux ordres de Bacchus.

En cette journée, la plus belle du printemps jusqu’à présent, nous avons célébré l’amitié avec des vins d’un grand éclectisme.

J’ai eu l’occasion le lendemain de goûter le Château Léoville-Poyferré 1959. Une éclatante transformation l’a rendu d’une richesse exaltante.

les fraises sont délicieuses avec le Veuve Clicquot

Champagne d’anniversaire vendredi, 23 avril 2021

Pour mon anniversaire j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1983. De jolie couleur, avec un pétillant marqué, ce champagne n’est que du bonheur, ample, joyeux et racé. Un fromage de tête crée un accord parfait et une petite soupe à la fraise l’accueille gentiment.

Dîner chez l’hôte du 248ème déjeuner dimanche, 18 avril 2021

Nous allons passer à table chez l’ami qui va réaliser chez lui demain le repas qui va accompagner un jéroboam de Romanée Conti 1961. Olivier a invité un ami fidèle de mes dîners qui sera aussi au déjeuner demain et ma fille aînée qu’il connaît mais ne sera pas avec nous demain pour l’aventure Romanée Conti.

Les sushis sont de très grande qualité. J’ai apporté trois vins. Nous commençons à trinquer sur le Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985. Quelle belle attaque, fraîche, vive et intense. C’est un grand champagne cinglant. J’ai voulu qu’on le compare au Champagne Dom Pérignon 1985. Ce champagne est plus gras, opulent, charmeur. Mes amis préfèrent le Dom Pérignon alors que je préfère le Diamant Bleu, car j’ai bu récemment des Dom Pérignon 1985 plus aboutis.

Mon troisième vin est un Vouvray Sec Clovis Lefèvre 1961. Je voulais voir si le vouvray et les champagnes se fécondent. Ce Vouvray est magique car il virevolte en bouche, ses saveurs minérales flirtant avec de passagères douceurs, comme en une danse endiablée. Et le vin est d’une longueur infinie, à mille facettes. Je suis aux anges et le vin de Loire élargit les champagnes quand il les précède. Avec le Heidsieck, c’est flagrant.

Je mettrai le Vouvray en premier, alors que mes amis et ma fille le rangent en troisième place. Je pensais que l’ami invité aurait acheté des fromages pour champagnes mais ils sont plus propices aux vins rouges. Olivier qui n’a quasiment pas de vin dans cet appartement ouvre un vin espagnol qu’il trouve tellement limité qu’il n’osera pas nous le faire goûter. Il ouvre un Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1999 fort agréable et qui s’adapte bien aux fromages.

Ma fille a apporté un gâteau qui a dû chuter dans son emballage et apparaît informe. Sa couleur verte en fait un extraterrestre dont j’aurai du mal à percevoir le langage. Alors que nous avons un déjeuner sérieux le lendemain, Olivier nous achève avec un alcool blanc redoutable. La nuit sera rude.

Un champagne révolutionnaire et un Côtes du Rhône épatant lundi, 12 avril 2021

Ma fille aînée vient avec une de ses filles déjeuner à la maison. Je sais que ma fille aime les vins du Rhône. Je cherche dans mes listings des vins de la maison un vin du Rhône assez ancien et je trouve un Côtes du Rhône A. Noirot Carrière Domaine de Fontenouille 1959 pour lequel j’avais noté « superbe », car le niveau est parfait. C’est ce vin que je choisis.

Par ailleurs, consultant ce fichier, je remarque que j’ai six bouteilles de champagne de Gosset 1982 habillées de motifs historiques tous différents, émises à l’occasion du bicentenaire de la Révolution Française. Par quel hasard ai-je acquis ces bouteilles, je n’en ai pas la moindre idée.

Prenant en main l’une des bouteilles, je peux lire deux articles de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les principaux événements des années 1792 et 1793, un dessin de la Victoire de Valmy en 1792 et un portrait de Danton. Bien sûr il y a une cocarde stylisée et le rappel que la maison Gosset est la plus ancienne maison de champagne, fondée en 1584, sous le règne d’Henri III le dernier des Valois.

De bon matin, j’ouvre le vin du Rhône. Le bouchon se brise en morceaux car le haut du goulot est pincé ce qui déchire le liège. Le nez à l’ouverture est particulièrement riche. Le vin sera bu cinq heures plus tard.

Vers 10 heures 30, j’extrais le bouchon du Gosset 1982 qui vient entier sans pschitt. C’est un bouchon plutôt court. L’odeur au goulot est fortement bouchonnée, ce qui est rare pour les champagnes. Je prévois un Plan B, mais j’ai l’espoir que le nez de bouchon disparaisse.

A l’apéritif, nous avons des chips, des petits crackers sur lesquels on peut mettre du tarama parfumé de wasabi, et de fines tartines recouvertes de confiture de fraise et de fourme d’Ambert. Le Champagne Gosset Brut 1982
a une jolie couleur d’un ambre clair et une bulle discrète. Il n’y a plus aucune trace de nez de bouchon et en sentant le bouchon on peut constater que cette vilaine odeur est restée sur le bouchon.

Ce qui est frappant, c’est la jeunesse de ce champagne. Si l’on disait 2004, rien ne le contredirait, ce qui est étonnant. Le champagne est agréable surtout sur les tartines. Il n’est pas très complexe mais il est franc et d’un bel équilibre. Sa longueur est plaisante.

Le champagne accompagne l’entrée, faite de courges sphériques passées au four et fourrées au parmesan et de fines asperges vertes poêlées, les premières de l’année. L’accord est très agréable et met en valeur le champagne.

La couleur du Côtes du Rhône A. Noirot-Carrière Domaine de Fontenouille 1959 est assez claire et à peine tuilée. Le nez est somptueux, très expressif. Dès la première gorgée, je me demande comment il est possible qu’un simple Côtes du Rhône puisse être aussi complexe et aussi grand. Cette question va me poursuivre pendant toute la dégustation de ce vin qui, bien que rhodanien, offre un niveau de sophistication qui serait celui d’un Grand Cru en Bourgogne.

Le poulet cuit à basse température avec des petites pommes de terre en robe des champs est délicieux et accompagne bien ce grand vin. Si on cherchait, on trouverait qu’il n’a pas tous les galons d’un grand cru mais il est tellement raffiné qu’il mérite d’être traité de grand. Sur un fromage de chèvre il est d’une rare subtilité.

Le dessert est une crème au chocolat et au caramel qui n’appelle aucun autre vin. Voilà deux bien belles surprises en ce déjeuner dominical.