Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner d’Instagrammeurs au restaurant Le Sergent Recruteur samedi, 9 octobre 2021

Instagram est un bel outil de communication et éventuellement de rencontres. Pablo est un mexicain qui possède plusieurs restaurants et qui est amateur de vin. Il vient en France pour diverses raisons et me demande si nous pouvons déjeuner ensemble. Mon agenda n’est pas en manque de rendez-vous, mais sa façon d’exprimer son amour du vin m’a plu. Il faut évidemment de longs échanges pour harmoniser nos agendas et nos apports. L’idée vient d’ajouter un autre convive pour goûter plusieurs vins. J’appelle Alain, un ami de l’académie des vins anciens et notre programme est constitué.

Je réserve au restaurant Le Sergent Recruteur où j’apprécie la cuisine d’Alain Pégouret que j’ai connu pendant près de vingt ans au restaurant Laurent.

J’arrive une heure avant notre rendez-vous pour ouvrir mes vins. Mon ami Alain arrive ensuite et sachant que nous aurons trop de vins pour trois, je lui demande de garder son Château Guiraud 1955 et de ne pas l’ouvrir, malgré sa beauté.

Pablo arrive et le sommelier ouvre ses deux vins. Nous bâtissons le menu, qui sera : tourteau de Roscoff en gelée de homard, crème de fenouil et corail à l’estragon / girolles juste saisies lasagne et jaune d’œuf à peine coulant relevé d’une écume poulette Yuzu et craquelin / volaille Culoiselle rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha / noix de ris de veau doré au basilic, tétragone et girolles en salade, poivrade sautée.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 de Pablo est impressionnant de complexité. Il virevolte dans des saveurs changeantes et kaléidoscopiques. Je suis impressionné par l’immense variété de ses saveurs, surtout sensible à l’attaque en bouche. Il convient bien aux amuse-bouches. Je suggère que nous buvions en même temps le Château Carbonnieux blanc 1966 que j’ai apporté, à la couleur très claire. Il est dans un état d’absolue perfection et sans âge. On dirait 1990, on aurait raison. Je suis content de montrer à mes convives à quel point le champagne et le vin blanc se fécondent. Chacun rend l’autre plus expressif, lorsqu’une gorgée de l’un est suivie par une gorgée de l’autre.

Pour les girolles qui appellent normalement un vin blanc, je pressens que c’est le moment de servir le Brunello di Montalcino Madonna del Piano 2001 que Pablo m’a longuement vanté car il a obtenu 100/100 des experts. Et ce vin jeune et riche, qui pourrait être un cousin des Vega Sicilia Unico brille avec le plat, montrant que sa puissance de fruits noirs peut s’accompagner d’une belle douceur. C’est un vin de charme.

La volaille d’une douceur fondante est maintenant mariée au Château Pichon Longueville Baron 1961 d’Alain, qui comme le Carbonnieux, est dans un état de totale perfection. Contrairement au blanc, il fait son âge, mais il a le même état de perfection, au-dessus de mon attente. L’accord est superbe et marche aussi avec le vin italien.

Le ris de veau est divin. Le Musigny Vieilles Vignes Domaine Comte Georges de Vogüé 1979 que j’ai apporté est la représentation de ce qui fait le charme de la Bourgogne, c’est-à-dire cette délicatesse qui ne cherche ni à séduire ni à convaincre. Il y a dans ce vin une finesse et une élégance qui me font me pâmer. J’adore cette expression où tout est suggéré comme un discours courtois. C’est la carte du Tendre. Et l’on voit à quel point Bordeaux et Bourgogne sont différents. Le Bordeaux affirme et le Pichon le fait magnifiquement, alors que le Bourgogne suggère et le fait aussi divinement bien.

Pour finir ces grands vins rouges nous prenons du fromage.

Il est intéressant que nous votions en classant les cinq vins. Nous sommes trois à voter et il y a trois premiers, le Carbonnieux pour Pablo, le Clos du Mesnil pour Alain et le Musigny pour moi.

Le vote global est : 1 – Pichon Baron 1961, 2 ex-æquo le Carbonnieux 1966 et le Musigny 1979, 4 – Krug Clos du Mesnil 1998, 5 – Brunelo di Montalcino 2001.

Mon vote est : 1 – Musigny de Vogüé 1979, 2 – Pichon Baron 1961, 3 – Carbonnieux blanc 1966, 4 – Brunello di Montalcino 2001, 5 – Krug Clos du Mesnil 1998.

Le Krug est probablement le plus grand vin de tous et si je l’ai mis dernier c’est qu’après un moment de grâce avec les amuse-bouches, le Krug s’est assoupi et n’a donné aucun accord vibrant tout au long du repas, alors que Brunello a été sublime sur les girolles.

A une table voisine deux personnes déjeunaient. En quittant leur table ils nous ont dit qu’ils avaient une surprise pour nous. Le sommelier nous apporte après leur départ des verres de Champagne Moët & Chandon 2002 qui tombe à point nommé pour démontrer une fois de plus que le vin, c’est le partage.

Ce déjeuner avec un abonné d’Instagram que je ne connaissais pas a été un beau moment d’amitié avec des vins qui se sont comportés au niveau idéal de leurs personnalités.

Dîner dans la ville du Mans avec des amis vendredi, 8 octobre 2021

Un ami journaliste et passionné de vins me propose de me joindre à un groupe de sommeliers de restaurants prestigieux pour visiter un domaine de Jasnières avec l’éventualité de goûter des vins très anciens, peut-être au-delà de deux siècles. Je n’ai pas la moindre hésitation, je ne demande rien, je dis oui. Le rendez-vous étant dans la matinée à environ 250 kilomètres de chez moi, il me semble opportun de passer la nuit au Mans. J’appelle un des fidèles participants de mes dîners et je l’invite avec son épouse à dîner en lui demandant de choisir l’hôtel où je coucherai et le restaurant où nous dînerons. Après avoir pris possession de ma chambre, je me dirige à pied vers le restaurant Le Grenier à Sel.

Le restaurant est dans une large maison très ancienne et la décoration est réussie, les couleurs et les éclairages étant de bon goût. Mon ami a prévenu que je viendrais avec des bouteilles. Etant en avance, j’ouvre un Château Rayne-Vigneau 1938 à la belle couleur d’un ambre clair. Au nez le vin est riche et solide, plus ample que ce que j’imaginais de ce millésime. Il y a aussi un vin rouge jeune pour lequel il me semble qu’il faudra l’ouvrir au dernier moment.

Les amis arrivent et la carte des vins m’est présentée. La carte est assez riche en vins de la région et pour les autres elle offre des vins de second plan. Le sommelier me dit qu’il y a des grands vins mais qui ne figurent pas sur la carte. Je choisis sur cette carte un Dom Pérignon 2009 et le sommelier me dit qu’il a en cave le 2010 non inscrit. C’est celui que nous prendrons.

Nous commandons des plats qui devraient convenir aux vins et la cuisine est simple et de bonne qualité. Le Champagne Dom Pérignon 2010 est aérien et j’aime son approche gracieuse. Il y a des fleurs blanches dans ses suggestions. Mais il sera beaucoup plus brillant dans une dizaine d’années.

Le Vega Sicilia Unico 2000 ouvert au moment où le plat est servi est absolument idéal avec la pièce de bœuf. Mais pourquoi avoir mis des huîtres dans la purée ? Elles créent une rupture de goût et une forte dose de salinité. Le vin est magique car il est puissant mais aussi aérien et marqué de petits fruits noirs délicats. Sa fraîcheur est idéale. Nous prenons du fromage pour continuer à profiter de ce vin velouté qui m’enchante au plus haut point.

Le Château Rayne-Vigneau 1938 à la couleur assez claire est d’une puissance que je n’attendais pas pour ce millésime. Il est plein et riche au beau fruit orangé. La tarte au citron lui convient.

A une table voisine il y a six hommes qui discutent de vins et semblent s’y connaître. Je leur fais porter un verre du sauternes. En contrepartie le sommelier me tend un verre et dit qu’il s’agit d’Yquem 1998. Je félicite la table tout en disant que je trouve cet Yquem plutôt court. Le sommelier me montre la demi-bouteille : il s’agit d’un Coteaux du Layon 2013 ou quelque chose comme ça. Etant en train de discuter avec mes amis, je n’avais pas la moindre envie de douter de ce qui m’avait été dit. J’ai fait porter aussi des verres du Dom Pérignon à cette table joyeuse.

Le point culminant de ce repas est la sublime prestation du beau vin espagnol, si frais et si sensible.

Déjeuner dominical à l’Ecu de France lundi, 4 octobre 2021

Il y a longtemps que nous n’avons pas vu les enfants de ma fille cadette. Je retiens une table pour cinq au restaurant L’Ecu de France. C’est un dimanche midi. Le restaurant est plein ce qui est une bonne nouvelle. On nous demande nos passes sanitaires, procédure qui se généralise de bon gré.

Ma femme et ma fille ont souhaité que le menu soit le plus simple possible car elles savent que le chef Peter Delaboss est d’une générosité difficile à réfréner. Lorsque je vais le saluer en cuisine, je sais que je n’aurai pas mon mot à dire, car il a déjà préparé ce qu’il nous offrirait. Je ne peux qu’écouter et j’aurai besoin de l’aide d’Hervé Brousse, qui dirige avec ses parents ce sympathique restaurant pour que nous déjeunions avec un programme raisonnable. Voilà ce que nous avons mangé : fricassée de poissons aux oignons confits / géode de langoustines et seiches au cœur coulant, jus de bouillabaisse, émulsion parmesan / baronnade de pigeonneau, jus Suzette, farandole de légumes et banane pésée / cantal affiné, vinaigrette dissociée à l’huile de truffe / gâteau vapeur, crème de yuzu, gelée vodka, glace verveine, cheveux d’ange au caramel.

Même quand il veut faire simple, le chef est exubérant, et son sourire emporte notre adhésion.

Le Champagne Dom Pérignon 2008 a un parfum raffiné et discret évoquant de l’eau qui coule et rebondit sur des galets de montagne. C’est un plaisir certain de boire ce champagne d’une des années les plus réussies qui soient. Nous en profitons avec joie sur un délicieux plat de langoustines crues associées à du poulpe et un œuf mollet. Je sens cependant que ce Dom Pérignon 2008 est dans une phase de repli avant de trouver une nouvelle plénitude. Mais son charme est toujours présent.

J’ai commandé un Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 2009 qui n’a été ouvert, à ma demande, qu’au moment où le plat de pigeon est servi. Tout en ce vin est d’une grâce infinie. Le nez est délicat et subtil. En bouche c’est une réussite absolue, de finesse, de délicatesse, accompagnée par une puissance étonnante. Je suis sous le charme de cette expressions d’une Bourgogne raffinée. Il a la précision d’un tableau de Vermeer.

Alors que je trouve dans les vins anciens des charmes inégalables, ce vin au seuil de sa vie me semble parfait, d’une noblesse subtile et d’un charme velouté rare.

L’agréable dessert au citron a accompagné le champagne. La glace passée au chalumeau a des traces de fumé trop fortes pour notre goût.

Le restaurant l’Ecu de France que je connais depuis plus de soixante ans offre une atmosphère familiale agréable. Les vins proposés sont parmi les plus grands du fait d’une politique d’achats fidèle à de grands domaines. On se sent heureux en ce lieu, où l’on mange et boit bien.

la magnifique couleur du Chambertin

Magique dîner au restaurant Plénitude Arnaud Donckele vendredi, 24 septembre 2021

Des amis fidèles de nos festivités du 15 août et de la Saint Sylvestre décident de nous inviter, ma femme et moi, à dîner au restaurant Plénitude, le restaurant gastronomique du Cheval Blanc Paris, à la Samaritaine. J’ai déjà organisé un repas avant l’ouverture officielle du restaurant. Y dîner dans son format définitif sera une expérience nouvelle.

J’arrive longtemps à l’avance du fait de l’enchaînement de mes rendez-vous aussi ai-je le temps de boire une bière au bar du rez-de-chaussée de l’hôtel Cheval Blanc. La bière est délicieuse. C’est une blonde La Parisienne, pour consommer  »local ». La clientèle est composée de parisiens et pas encore de touristes. Le service est attentif. Arnaud Donckele informé de ma présence vient me saluer au bar. Quelle gentille attention !

Je monte ensuite à l’étage du restaurant. L’accueil est souriant. Nos amis ont envie de choisir le grand dîner. Ma femme a peur que ce soit trop copieux mais la majorité, comme dans le processus des primaires à l’élection présidentielle, a le dessus. Nous prendrons le dîner Symphonie qui est libellé ainsi : sandre, tourteau, brocoli pour Vinaigrette Berlugane / gambon, artichaut, main de Bouddha pour velours mousseux « Chopin carmin » / turbot, pomme de mer, noisette, caviar, pour bouillon « ode à l’iode » / trou normand / veau, florentine, bigarade, pour fricassée « dévoyée » / 6 agrumes, 5 herbes douces et poivrées, crème lactique pour sauce pectinée et condimentée « esquisse d’endocarpe ».

A gauche du menu il y a l’explication des sauces de chaque plat qui, dans le menu, sont précédées du mot « pour ». A titre d’exemple en voici deux : la vinaigrette « Berlugane » est : endocarpe de pamplemousse, mandarine et citron vert, gingembre, miel de fleur, infusion de marjolaine, mandarine Mikan, citron vert et orange sanguine pressés, huile de Bouteilhan, huile d’olive infusée à la mandarine, poivre de Sancho.

Le velouté « Chopin Carmin », quant à lui, est : consommé de gambon, infusion de cédrat et de basilic thaï, touche de bergamote, vinaigre de Lambrusco et de chardonnay, huile des têtes grillées, liaison au corail, huile de yuzu, eau de tomate foisonnée, cédrat confit, poivre de Java.

Les autres sauces ont aussi des présentations détaillées.

Un pain à partager arrive sur la table ainsi que du beurre présenté comme les généreuses cuillerées de glaces servies en cornet. On se précipite dessus tant c’est bon.

Les amis me laissent choisir les vins. La carte est abondante et comme souvent des prix excessifs voisinent avec des prix attractifs. Il y en a beaucoup dans cette belle carte et parfois des incompréhensions : aux prix annoncés pour Yquem, quel amateur va être tenté d’en commander ? A l’heure où les sauternes se boivent de moins en moins, un coup de pouce tarifaire serait le bienvenu.

J’ai choisi trois vins qui me semblent pouvoir convenir au menu.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2010 est noble et racé, vif mais en même temps accueillant. Son mélange de puissance et de douceur est idéal pour accompagner une huître Gillardeau grillée rafraichie d’oseille, une tartine à la poutargue, avec caviar, truffe d’Alba, sur une tuile de l’anguille fumée, citron, herbes mentholées, qui aurait aussi bien côtoyé un vin rouge et un bulot grillé sauce au jambon fumé.

Le dîner commence. Je vais montrer des signes avancés de gâtisme car émerveillé par chaque plat, je n’arrête pas de dire : « mais comment peut-il faire ça ? », en pensant au chef. Je suis allé de surprise en surprise, confondu par tant de perfection. J’avais dans le passé un Dieu vivant, Joël Robuchon. Je peux dire qu’aujourd’hui, mon Dieu vivant pourrait être Arnaud Donckele, le magicien des sauces. Et j’ai pu mesurer à quel point le repas qui a été conçu pour mes vins lors du 253ème repas se situait dans des registres totalement différents de ce que nous mangeons ce soir. La logique n’est pas la même.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Dauvissat 2014 est une pure merveille. Dans le verre Zalto les parfums pétrolés sont amplifiés mille fois. Ce vin est grandiose, conquérant, solaire, et va faire jeu égal avec les deux premiers plats, l’un de tourteau et sandre et l’autre de gambon. Ce qui est génial, c’est que les sauces complexes épousent le vin. Ce chablis est au sommet de son art.

Pour le turbot, il me semble que le moment est venu de servir le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape rouge 2005. L’accord est superbe, le vin et le plat s’adaptant l’un à l’autre. Et je continue à répéter sans cesse : « mais comment peut-il faire tout ça ? ». Le Rayas a une maturité idéale, riche mais avec des subtilités bourguignonnes qui lui vont si bien. Que le Rayas s’accorde si parfaitement au bouillon « l’ode à l’iode » est assez surprenant. La facilité avec laquelle les plats et les vins se sont trouvés est aussi une grande surprise, car les plats paraissent extrêmement complexes et malgré cela ils vont vers le vin qui les accueille.

C’est ainsi que le Rayas va cohabiter tout aussi bien avec le veau qu’avec le supplément non inscrit sur le menu qui est une joue de veau cuite 72 heures, servie avec du riz pilaf et une sauce blanquette infusée à la sauge. Le Rayas est grand mais j’ai trouvé dans ce repas que le chablis est encore plus noble que lui.

A ce stade, beaucoup d’interrogations se posent. Comment le chef fait-il pour avoir un tel talent ? Comment fait-il pour que tous ses plats soient strictement parfaits, ce qui empêche de les classer puisqu’ils sont tous au sommet de l’art culinaire ? Comment se fait-il que les vins s’adaptent aussi bien aux complexités des chairs et des sauces ?

Je suis sur un petit nuage quand j’entends que l’on nous invite à goûter le dessert en cuisine.

Il y a la place pour quatre personnes ce qui tombe bien. Nous avons la vue sur les belles cuisines où le personnel adopte un rythme plus lent après l’effervescence des plats à servir. Il faut dire que nous sommes largement après minuit. Arnaud Donckele tout souriant discute avec nous mais dresse les desserts et les sauces. L’émerveillement continue.

Le service est absolument charmant et compétent. Arnaud Donckele vient en salle en cours de repas pour servir ici ou là les sauces, ce qui crée une atmosphère décontractée et amicale. Les plats sont divins au point que je ne peux pas en choisir un qui émergerait. J’ai tendance à être superlatif car j’ai une grande amitié pour Arnaud Donckele, mais je crois que nous avons passé l’un des plus beaux dîners dont je puisse avoir le souvenir.

nous allons en cuisine

Arnaud Donckele en cuisine

mignardises

Plateau de fruits de mer et Krug mardi, 14 septembre 2021

Les vacances dans le sud touchent à leur fin aussi ce soir, face à la mer nous dégusterons un joli plateau de fruits de mer préparé par l’écailler du port. Il y aura des huîtres Gillardeau numéros trois et cinq, des crevettes roses, des langoustines et des pinces de crabe. J’ouvre un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème dont les vins ont plus de 20 ans et probablement 30. Un pschitt sympathique signe l’extraction du bouchon. La couleur est d’un ambre sympathique plutôt clair. Ce champagne est aristocrate. Il est pimpant, piquant et noble. Ses complexités sont magiques, son équilibre est parfait. C’est surtout sur la chair de tourteau que je l’ai trouvé impérial. Un très grand champagne et une des dernières soirées face à la mer.

Déjeuner au restaurant Tom Cariano mardi, 14 septembre 2021

Une amie a repéré un tout nouveau restaurant, ouvert il y a trois mois qu’elle aimerait essayer avec ma femme et moi. Il s’agit du restaurant Tom Cariano au sein de l’hôtel de la mer à l’Ayguade. Comme il fait beau on déjeune dans un joli parc protégé du vent. Nous décidons de prendre le menu homard d’Atlantique avec : amuse-bouche autour du homard / homard et sa bisque, rouille, brioche toastée et orange / pour le plat principal on a le choix entre la volaille au homard : demi-homard, cuisse de volaille farcie au homard, jus de homard ou bien le demi-homard poêlé, risotto au jus de homard / fruit de nos maraîchers, sablé et crème fouettée à la vanille.

Notre amie osera l’association homard et volaille alors que ma femme et moi nous prendrons le demi-homard au risotto.

Le début de repas est accompagné d’un Champagne Dom Pérignon 2010 qui est d’une belle élégance raffinée. C’est un champagne vif qui n’est pas large mais tranchant. Il est très gastronomique.

Si la carte des champagnes offre de beaux choix, la carte des vins est pauvre, car le restaurant démarre. Je commande le seul vin dont je connais le nom, un Château Grand-Puy Ducasse Pauillac 2013 en demandant que le vin ne soit ouvert que lorsque le plat principal sera servi. Le vin arrive donc en pleine éclosion et se montre absolument convaincant, riche et pointu avec des évocations tanniques. L’accord avec le homard est parfait. Notre amie nous donne à goûter de la volaille et son association avec le homard est pertinente.

Le chef Tom Cariano a travaillé plusieurs années dans la Napa Valley. Son approche est très cohérente. Sa cuisine est de belle réalisation notamment les cuissons. Il a tous les ingrédients pour connaître le succès. Il travaillera prochainement à étoffer sa carte des vins, ce qui nous poussera à revenir.

De nouveau au restaurant l’Aventure mardi, 14 septembre 2021

Nous invitons une amie de ma femme au restaurant l’Aventure où nous nous trouvons bien. Le propriétaire du restaurant m’a autorisé à apporter un vin et j’ai choisi un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle qui doit avoir environ soixante ans. Ayant vanté les qualités des délicieuses moules que nous avons plusieurs fois mangées, quelle n’est pas ma déception de me trouver face à des moules insipides sans le moindre intérêt. La fille du propriétaire qui nous sert explique qu’il y a eu un changement de fournisseur de moules. Cela peut expliquer la déception mais je pense que la cuisson est aussi en cause. La langouste avec des tagliatelles est toujours parfaite ainsi que la glace vanille, sorte de dessert obligé lorsque je mande des produits de la mer. Le Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle années 60 a le bouchon qui se cisaille, comme d’habitude, le disque du bas sortant avec l’aide d’un tirebouchon, sans aucun pschitt. La couleur est belle. Le champagne est large et complexe, ensoleillé, mais je l’ai trouvé moins dynamique que d’autres du même lot que celui-ci. Sans moules, le plaisir était moindre.

Dîner au restaurant Le Pavyllon jeudi, 2 septembre 2021

Ma fille aînée me propose que nous dînions ensemble et suggère le restaurant le Pavyllon, créé par Yannick Alléno au rez-de-chaussée du Pavillon Ledoyen. Elle suggère que nous dînions au comptoir, face à la cuisine. Les places sont réservées.

Le jour venu, vers 17 heures, une charmante personne m’appelle et me demande si je vais apporter du vin. Je la remercie de cette charmante attention et je demande pourquoi. Elle me répond que l’on sait que j’ai l’habitude de le faire. Quelle belle proposition.

Peu avant 20 heures, j’arrive sur place et je montre au sommelier ce que j’ai apporté. N’ayant pas pris mes outils, le riesling 1983 est ouvert par le sommelier. Avec le tirebouchon limonadier classique il n’est pas étonnant que le bas du bouchon ne remonte pas et tombe dans le liquide. Le sommelier adroit a réussi à extraire le bas du bouchon. Aucune miette ne reste. Tant mieux.

Il y a un menu à sept plats et un menu à cinq plats. Nous préférons être raisonnables et le menu est ainsi rédigé : moules de chez Morisseau, en soupe froide aux pépins de tomate, crème glacée / soufflé au fromage, à la vapeur, sauce composée au vin jaune, croquant de céleri et râpée de noix de muscade / rouget à la grande friture, à la diable, concassée d’huîtres de claire à l’huile d’estragon / pigeon du pays de Racan, poché au lait d’algue kombu grillée, tanin de betterave et sabayon à l’ail des ours / des fraises des bois, fraîches et mi- confites, glace à la mascarpone et parfum de tagette.

Disons-le tout de suite, ce repas est remarquable. Ce qui m’a impressionné, c’est la pertinence des acidités. Tout est bon et réalisé avec talent. J’aurais préféré l’entrée un peu moins froide, ce qui n’aurait pas entamé sa fraîcheur et j’ai trouvé que l’huître étrangle un peu la chair si parfaite du rouget, la rendant moins lisible, alors que le pigeon est d’une réalisation idéale, la chair étant totalement mise en valeur. Les deux plats les plus brillants sont le soufflé et le pigeon. Un rêve.

Yannick Alléno est présent aussi nous avons pu bavarder avec lui et évoquer quelques idées intéressantes.

Le Champagne Dom Pérignon 1983 a été servi en même temps que le Riesling Réserve Personnelle Hugel 1983. La couleur du champagne est d’un ambre rose. Le pschitt est discret mais réel. La bulle est présente mais rare et le champagne est d’une belle complexité plaisante. Le riesling, quant à lui, a un parfum tonitruant. C’est les trompettes de la renommée. Sa couleur est très claire comme d’un riesling très jeune, et en bouche c’est un festival glorieux. Dans pratiquement toutes les situations le riesling s’est montré le plus adapté au plat. Le champagne est plus en retrait, moins partageur avec le plat. L’accord le plus saisissant est celui du soufflé avec le riesling. On a l’impression que leurs goûts se confondent, dans un prolongement parfait.

Pour le pigeon, nous avons commandé un vin au verre. Je pensais prendre un verre de Barolo et j’ai demandé ce que le sommelier conseillerait. Il m’a répondu : « vous devriez essayer le Barolo de Yannick Alléno ». Je suis émerveillé par le parcours de Yannick Alléno qui officie sous toutes les latitudes du monde, mais j’ignorais qu’il pouvait être vigneron aussi.

Le Barolo Réva 2017 a une belle attaque qui convient au pigeon, mais du fait de son âge, le finale est un peu court.

Yannick Alléno est souriant, le service est impeccable, la cuisine est de très haut niveau montrant un talent à pleine maturité. Ce fut un dîner exemplaire.

Dernier repas avant un retour à Paris dimanche, 29 août 2021

Des amis viennent dîner à la maison. Pour l’apéritif j’ai envie d’ouvrir un vin bien jeune dont l’ami qui me l’a offert en dit le plus grand bien. Le Côtes de Provence Rose et Or Château Minuty 2020 est d’une couleur très claire, a le nez d’un rosé et en bouche a tout d’un rosé jeune. Il n’est pas déplaisant mais il manque de corps. Je suis plus sensible à des rosés riches comme celui du Clos Cibonne qu’à des rosés éthérés et frêles, même si leur expressivité existe.

Pour poursuivre l’apéritif j’ai ouvert il y a une heure un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2006. Je m’attendais à mieux car j’avais le souvenir que 2006 est réussi pour ce beau champagne. Celui-ci a des notes torréfiées, pataudes, manquant de grâce. J’opte volontiers pour un accident de parcours, car je suis un grand amateur de Comtes de Champagne, ou, pourquoi pas, à une mauvaise humeur de mon palais.

Le Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole Charles Establet 1965 ouvert il y a quatre heures m’avait gratifié d’un parfum très prometteur. Sur table, le parfum est moins brillant et une petite acidité empêche d’applaudir la belle tenue d’un Châteauneuf-du-Pape expressif et typé, meilleur que ce qu’on pourrait attendre d’un 1965, année qui a été peu bénie des dieux dans beaucoup de régions.

Etait-ce le temps, était-ce moi, mais ces trois vins ne m’ont pas comblé. Il faudra passer à autre chose.

Un champagne rosé de plus de 50 ans mardi, 24 août 2021

Il y a presque deux mois j’étais allé à une dégustation des vins de la galaxie Reynaud / Rayas au restaurant La Cabro d’Or. J’avais apporté un Salon 1997 dans un sac réfrigéré pour qu’il soit à bonne température. En quittant l’aimable assemblée qui avait participé à ce bel événement, j’ai oublié de prendre ma sacoche.

L’organisateur, Frédéric, avait essayé de me rattraper mais n’avait pas réussi. Hier il m’appelle et me dit que venant rencontrer un de ses amis qui habite à proximité de ma maison d’été, il se propose de m’apporter la sacoche. Je l’invite pour le café. Il m’annonce qu’il viendra avec son ami.

Sur un gâteau au citron meringué je sers un Champagne Perrier-Jouët rosé 1969 que j’ai ouvert il y a environ deux heures. Le bouchon parfaitement cylindrique vient sans difficulté et avec un tout petit pschitt. La couleur n’est pas rose mais plutôt ambrée. Le parfum est beau et noble annonçant un champagne racé. Le goût du champagne est bien celui d’un champagne rosé. Il y a une petite amertume au premier goût, mais le champagne s’élargit et devient charmant. Le finale est sans fin. C’est champagne très cohérent, bien construit et agréable à boire. Ce n’est pas le plus grand des rosés, mais il est bien intégré et offre de belles complexités. C’est une belle expérience d’un champagne de 52 ans.

Je suis heureux d’avoir fait goûter ce champagne à deux amateurs de vins qui n’avaient jamais approché le monde des champagnes anciens.