Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Dîner au restaurant Ironside Kitchen vendredi, 4 janvier 2019

Avec des amis de mon fils et leurs enfants, nous allons dîner dans un restaurant italien Ironside Kitchen proche de Miami Downtown qui est installé en plein air à côté d’un centre de commerces qu’on baptiserait volontiers aujourd’hui un « incubateur de start-up », car ça fait plus chic. Lorsque nous sommes assis, nous apprenons que le restaurant ne vend pas d’alcool mais accepte que l’on vienne avec ses vins. Mon fils et son ami courent acheter des vins à la plus proche boutique et nous les boirons sur des pizzas.

Le Champagne Veuve Clicquot Brut sans année étiquette jaune que nous buvons me paraît moins expressif que celui que nous avons bu ce midi, mais l’atmosphère ambiante peut expliquer la baisse d’enthousiasme.

Dans les emplettes de dernière minute il y a deux vins de Coppola, un blanc et un rouge. Je ne goûterai que le Pinot Noir de Francis Coppola Diamond Collection 2015 qui titre 13,5° et je n’insisterai pas car ce vin simple est à l’image des vins parkérisés, formatés pour des amateurs internationaux qui trouveront ce goût partout. Je l’ai délaissé pour rester sur le champagne qui par contraste m’a souri de plus en plus.

J’avais acheté avec mon fils chez son fournisseur habituel quelques vins pour les repas que nous partagerions. Pour un dîner en famille chez mon fils nous ouvrons un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle sans année qui doit être d’un dégorgement récent, si on regarde le bouchon qui s’est enflé à sa sortie du goulot. Immédiatement je suis conquis, captivé par son charme et il me semble que c’est le meilleur champagne que nous ayons bu depuis mon arrivée à Miami. Ce jugement est fait sans beaucoup réfléchir mais il se justifie par le fait que ce champagne est d’un charme fou. Il est romantique, très délicat et équilibré. C’est un peu Grace Kelly au sommet de sa beauté. Tout en lui m’enchante, malgré sa jeunesse.

Dîner chez mon fils avec des amies américaines lundi, 31 décembre 2018

Le jour suivant, le soleil est très chaud. Mon fils vient chercher ma femme sur son sidecar Royal Enfield dont le moteur chante une musique élégante et racée. La journée se passe de façon quiète. Le soir mes deux amies américaines, Lilly et Sarah, qui sont les plus fidèles participantes de mes dîners, viennent dîner chez mon fils. L’une vit à Boston et fait le voyage jusqu’à Miami uniquement pour ce dîner. L’autre a vécu à Miami et vit maintenant à Charlotte. Son séjour à Miami est plus long. Elle est accompagnée d’une de ses amies, décoratrice en cette ville. Il y aura donc pour le dîner mon fils, sa femme et ses deux enfants, ma femme et les trois américaines.

Nous commençons avec un Champagne Louis Roederer Brut Nature 2009 élaboré avec Philippe Starck. Le champagne est agréable mais sans grande passion. Lilly me trouve sévère, mais le champagne suivant va confirmer mon jugement.

Le Champagne Dom Pérignon 2008 « legacy edition » dont l’étiquette porte les noms des deux chefs de cave pour affirmer la continuité de l’approche de l’ancien et du nouveau est un champagne brillant, vivant, d’une grande énergie. Sa petite acidité est adoucie par les délicieux amuse-bouches préparés par ma belle-fille, crème de petits pois, crevettes très épicées, gaufrettes au parmesan, céleri branche et crème au céleri, olives vertes et gressins, et d’autres choses sans doute. Ce champagne est promis à un bel avenir, car il va s’élargir et s’anoblir.

Le repas consiste en des poulets cuits à la perfection, accompagnés d’une purée de patates douces et de petits dés de maïs pané. L’Ermitage Le Pavillon de M. Chapoutier 2005 est un vin que j’avais acheté à Miami lors d’un de mes précédents séjours auprès de mon fils. D’emblée on sent que l’on boit grand. Le vin est doté d’un velours extrême. Tout en lui est velours, grâce et charme. Le finale est très riche en fruits noirs, comme du cassis, avec une fraîcheur quasi mentholée qui claque dans la fin du parcours de ce vin.

Hier, parmi d’autres achats, j’avais acquis un Sassicaia Tenuta San Guido Bolgheri Sassicaia 2014. Dès la première gorgée on est frappé par la noblesse de ce vin de Toscane et aussi par sa profondeur. Ce vin est impressionnant. Alors il est tentant de chercher celui que l’on préfère de ces deux vins rouges si dissemblables. Sarah est une des convives de mes dîners qui a le plus souvent des votes très comparables aux miens. Au château d’Yquem elle était la seule des convives qui avait les trois premiers de son vote identiques aux miens. Or ici, nous divergeons car je préfère l’Ermitage plus romantique à l’italien plus guerrier. Mais je vais changer d’avis deux fois lors de l’épanouissement des vins dans les verres. Ils sont fascinants tous les deux, le vin du Rhône étant velours et charme, et l’italien noblesse et profondeur.

J’avais imaginé que nous boirions trois vins rouges aussi mon fils avait ouvert un Clos-Fourtet Saint-Emilion 2000. Or ma belle-fille a servi des fondants au chocolat sur lequel est prévu un Banyuls Vial-Magnères Olivier et Chrystel Sapéras 4 ans d’âge. Je goûte rapidement un soupçon du vin de Bordeaux qui me paraît d’un niveau très élevé comme les deux vins précédents.

Le Banyuls est naturellement plus adapté que le bordelais au fondant. Mais c’est un Banyuls assez ordinaire, et, je ne sais pas pourquoi, l’image qui me vient est que la qualité des tonneaux dans lesquels ce Banyuls a vieilli n’est pas parfaite. Malgré tout, l’accord se fait et c’est ce qui compte.

Les discussions sur mille et un sujets ont été passionnantes. Nous avons même bâti des projets de futurs dîners. Mes amies américaines sont insatiables, et tant mieux. Ma belle-fille a réussi un repas de haute qualité. Il ne reste plus qu’un jour en 2018, mais ce 30 décembre fut un sommet.

Le lendemain pour le déjeuner, il faut que l’on goûte dans de meilleures conditions le Clos Fourtet 2000. Le Sassicaia 2014 dont il restait un peu va servir de témoin. Sur ce qui reste des poulets, le Clos Fourtet se présente comme un vin glorieux, impressionnant. Son nez est conquérant, sa bouche est précise, riche, altière d’un saint-émilion parfait. C’est la forme la plus aboutie de ce que peut être un saint-émilion riche en pleine possession de ses moyens. Il respire la truffe. Il est beau, équilibré, une réussite absolue. Alors, le classement des trois rouges sera : 1 – Clos Fourtet 2000, 2 – Ermitage Le Pavillon Chapoutier 2005, 3 – Sassicaia 2014.

Début de séjour à Miami lundi, 31 décembre 2018

Départ pour Miami. Dans l’avion on me propose un champagne de bienvenue. Je demande ce que c’est, car j’ai du mal à imaginer qu’il s’agisse de champagne. L’hôtesse très aimable se renseigne et me dit qu’il s’agit d’un Cava, vin effervescent espagnol. Le repas se prend peu après le décollage. J’ai demandé du poulet mais au moment du service on me dit qu’il n’y en a plus. On me propose du bœuf qui est probablement l’un des plus désagréables que j’aie eu lors d’un vol en avion.

A l’arrivée, l’écart de température avec Paris est saisissant, de plus de 25°. Mon fils nous conduit vers l’hôtel Biltmore où nous avons déjà séjourné de nombreuses fois. Cet hôtel légendaire est le fruit de la folie d’un visionnaire. Notre chambre est spacieuse, mais moins qu’en de précédents séjours. Après avoir posé nos bagages, nous nous rendons vers la maison que mon fils et sa femme ont achetée il y a quelques années et que je découvre pour la première fois. Je suis fasciné par l’agencement des maisons dans les quartiers de Corral Gables. Il n’y a pas de clôtures mais des pelouses impeccables qui prolongent les rues, sans marque de trottoir. Il y a de l’espace et c’est très reposant. On peut laisser ses affaires à la vue de tous sans craindre qu’elles soient volées ou saccagées. Tout respire la quiétude. La maison de mon fils et sa famille est relativement petite mais jolie et décorée avec goût.

La bienvenue se souhaite avec un Champagne Dom Pérignon 2009. Après une très longue journée en avion mon palais est un peu fatigué mais je reconnais avec plaisir le charme de ce Dom Pérignon très affirmé de belle personnalité.

Nous poursuivons par un champagne que je ne connais pas, le Champagne Grongnet Special Club Etoges 2009, dégorgé en 2016. C’est une suggestion du caviste de mon fils et même si ce champagne est bien fait, il y a un manque réel de finale. Ce champagne est trop court.

Il est rapidement remplacé par un Champagne Dom Pérignon 2006. Solide et rassurant, il donne le coup d’envoi d’un séjour d’affection familiale dans une ville que j’apprécie.

Le lendemain, ma belle-fille m’a inscrit à un cours de yoga. Cela fait plusieurs années que je n’ai plus de coach et je mesure à quel point le corps se rouille. Alors que les exercices sont faits avec douceur, je finis cette séance totalement épuisé.

Nous passons notre journée chez mon fils et sa famille. Il fait beau, je fais équipe à la belote avec mon petit-fils contre ma femme et ma belle-fille. Les scores – à ce stade – sont équilibrés. Le soir, sur un poulet mariné, nous buvons un Champagne Pierre Moncuit Blanc de Blancs sans année de belle construction, pur vin du Mesnil, très orthodoxe, très bon élève à qui il manque juste une petite pincée d’émotion. Fort curieusement, ce sont des marrons glacés qui vont lui donner de la rondeur et de l’entrain.

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L’hôtel Biltmore

vue de notre chambre à l’hôtel Biltmore sur le golf

le jardin de la maison de mon fils

Les deux repas de Noël mardi, 25 décembre 2018

C’est Noël à la maison. Le 24 décembre, nous serons six, ma femme et moi, mes deux filles et les deux filles de ma fille aînée. Je suis le seul mâle. Suis-je dominant, je ne le crois pas. Nous avons déjeuné sobrement car il faut se ménager pour le dîner de réveillon. La cuisine fourmille et il est opportun de ne pas s’y montrer. Les vins rouges sont ouverts en début d’après-midi. Ils sont sans histoire.

L’apéritif commence vers 19h30. Je voulais comparer deux champagnes Krug mais ma fille cadette ne souhaite pas se livrer à cet exercice intellectuel de comparaison. Je bois du petit lait en l’écoutant car je trouve que la dégustation des vins est infiniment plus riche lorsque l’on n’a pas l’obligation de comparer. Nous commençons donc par le Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette crème qui correspond à un champagne commercialisé vers la fin des années 80 et dont les champagnes assemblés sont autour de 1980. Ce qui frappe d’emblée c’est que ce champagne racé est extrêmement facile à vivre. Il est noble et franc, d’un équilibre parfait et si accessible qu’on en jouit librement. Sa couleur est ambrée vers des tons de roses et de pêches. L’apéritif consiste en de fines tranches de boudin blanc truffé avec lequel le champagne est en symbiose totale. Il y a aussi du foie gras et de petites galettes épicées.

Alors que ma fille ne voulait pas de comparaison, je triche, car je garde un verre de ce champagne pour comparer avec le Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette initiale étiquette un peu plus verte et avec un graphisme qui rappelle les Private Cuvées, prédécesseurs des Grandes Cuvées. Ce champagne date de la période 1978-1983 et correspond à des vins du début des années 70. Ce qui apparaît, c’est que le plus jeune est probablement plus précis, mais que le plus ancien est nettement plus émouvant. Il prend aux tripes. Ce champagne est d’une énergie incroyable et emporte dans une farandole de joie. Le premier est parfait, le second me séduit au-delà de tout.

Il reste du deuxième champagne pour l’entrée, des coquilles Saint-Jacques crues avec du caviar osciètre prestige de Kaviari. L’accord est superbe, le champagne réagissant aussi bien avec le sucré de la coquille qu’avec le salé magiquement dosé du caviar.

Nous poursuivons avec des suprêmes de pigeon cuits avec une purée de pomme de terre truffée et une purée de pommes de terre violettes, des vitelottes. La sauce provient de la maturation des pigeons entiers avec des carottes pendant plus d’une demi-journée. Le Château Haut-Brion rouge 1981 est un vin qui m’a toujours impressionné. Celui-ci est dans cette ligne. Il explose de truffe et se montre tout velours. Il est riche, puissant mais diablement charmeur. Et avec les suprêmes rosés à souhait, c’est un régal.

J’avais prévu un bourgogne pour faire suite mais nous avons déjà tellement festoyé qu’il ne semble pas nécessaire. Le bordeaux se comporte comme un roi avec un chèvre Sainte Maure d’affinage très avancé. Nous passons au dessert qui est une bûche créée par Cédric Grolet meilleur pâtissier du monde qui officie au Meurice. C’est une bûche au marron aussi est-ce l’occasion d’ouvrir un Xérès La Merced Solera Sherry semi-dulce Bobadilla que j’ai depuis des temps immémoriaux et qui pourrait être très ancien. L’accord entre ce Xérès et le dessert au marron est sublime. C’est pour ma fille cadette le plus bel accord du repas. Cet alcool ne titre que 19,5° alors qu’il semble en offrir plus mais son caractère extrêmement sec le rend particulièrement agréable.

Les cadeaux ont été échangés dans la bonne humeur avant le repas. La cheminée a crépité et avalé des stères de bois. Cette fête de famille a été illuminée par le pigeon et la bûche pour les plats et par le Krug le plus ancien et le Xérès pour les vins. Noël est une tradition qu’il ne faut à aucun prix manquer.

Le lendemain, le jour de Noël, le nombre des petits-enfants a doublé puisque les deux enfants de ma fille cadette nous ont rejoints. Ne le répétez à personne mais j’ai trinqué avec les petits-enfants avec du Champomy, boisson aux pommes et à bulles.

Les enfants ayant imposé le menu, ce sera poulet à la purée Robuchon, fromage et la fin de la bûche au marron de Cédric Grolet. Le Clos de Vougeot domaine Méo-Camuzet 1992 est un vin qui m’avait impressionné il y a longtemps, car c’était le premier que je buvais de ce domaine. Et je l’avais adoré malgré une année de faible renommée. Ce qui frappe dans ce vin ouvert hier en début d’après-midi, c’est son élégance. Tout en ce vin est suggéré. Sa couleur peu prononcée est celle d’un vin très jeune. Il a le charme de la Bourgogne avec une jolie râpe, il est délicat et, cadeau suprême, mes deux filles l’adorent. C’est un vin de subtilité et de finesse, qui donne un grand plaisir.

Nous avons fini la bûche au marron avec le Xérès toujours aussi pertinent, sec et de belle prestance. Noël, c’est un moment familial intense. Dans trois jours nous rejoindrons ceux qui vivent à Miami pour faire le tour complet de nos affections. Joyeux Noël.


pour l’échange des cadeaux, la cheminée crépite

la fameuse bûche de Noël avec le délicieux Sherry

les vins du dîner

la cheminée quand on va se coucher

le lendemain avec le bourgogne ouvert la veille

la tarte faite par les petits-enfants

les vins des deux repas

Deux champagnes imparfaits jeudi, 20 décembre 2018

Le séjour de mon fils touche à sa fin et nous le retrouverons à Miami pour les fêtes de fin d’année. Pour le dernier dîner, j’ai acheté à la Manufacture Kaviari du caviar osciètre prestige et du cœur de saumon. Ma femme cuit à la poêle des tranches de boudin blanc qui vont servir d’apéritif.

J’avais apporté la veille deux bouteilles de champagne mises au réfrigérateur. Quand je les saisis, les collerettes semblent très humides et me font imaginer que le réfrigérateur est en dégivrage. J’ouvre les deux bouteilles et les bouchons sont noirs sur la partie au contact du goulot. Mes mains sont noires. Le plan de travail sur lequel j’opère est très mouillé. En fait ce n’est pas de l’eau de dégivrage mais une coulure pour les deux bouteilles, qui ont perdu significativement du volume. Malgré cela, le pschitt est très sensible pour les deux bouteilles.

Le Champagne Veuve Clicquot 1969 a une couleur légèrement ambrée. L’attaque est belle, de champagne ancien, avec une jolie amertume, mais le plaisir est gâché en milieu de bouche par une imprécision quasi métallique qui pourrait être dû à un contact du champagne avec la cape.

Le Champagne Veuve Clicquot rosé 1969 a une robe beaucoup plus intense, d’un joli rose foncé. L’impression est assez similaire à celle du champagne brut, mais avec beaucoup moins de défauts. Mon fils, qui est du millésime de ces deux champagnes préfère, comme moi, le rosé.

Les deux champagnes accueillent avec plaisir le boudin blanc truffé. Je pensais que le rosé aurait du mal avec le caviar mais, même s’il n’est pas aussi pertinent que le blanc pour ce délicieux caviar, il est possible du fait qu’il s’agit d’un rosé âgé, aux suggestions florales élégantes.

Pour le saumon délicieux à la mâche parfaite, c’est l’accord couleur sur couleur qui fonctionne le mieux, et le rosé est à son aise. Globalement, nous avons bu deux champagnes imparfaits qui du fait d’une réaction violente dans le réfrigérateur, ont perdu du volume en salissant le champagne. Mon fils étant tolérant comme je le suis, cela n’a pas gâché ce dernier soir en famille.

les hauts des deux bouteilles sont identiques

le bouchon du rosé est plus long

Dîner de famille aux beaux vins blancs mercredi, 19 décembre 2018

Ma fille vient dîner à la maison avec ses enfants. Elle ne savait pas que mon fils serait là et la surprise est belle. J’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1995. Ce champagne est étonnant d’accomplissement. Il est plein, volumineux, ensoleillé, de bonne mâche. Il est très au-dessus de ce que j’attendais alors que j’attendais du bon. Sur les petits gâteaux d’apéritif que l’on grignote et sur du foie gras, ce blanc de blancs est un régal.

Nous déjeunons simplement d’un poulet au riz saupoudré de pignons. Nous allons boire des restes ce qui est devenu une habitude. Le Château Grillet 1982 a encore profité de son aération. Il est solide, carré, impressionnant d’équilibre. Je continue à penser qu’il n’est pas assez canaille et un pru trop bon élève.

Le Vin de l’Etoile Philippe Vandelle 1964 a lui aussi profité d’avoir été ouvert il y a deux jours. Il est plus vif et plus incisif que le vin de la région de Condrieu. J’ai un faible pour ce vin expressif et frais.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1945 est toujours aussi serein et équilibré, puissant mais sans forcer. Il trouve son bonheur sur un Comté de dix-huit mois remarquable de qualité. Le fait d’avoir eu ensemble quatre vins blancs aussi disparates est une belle expérience, car les comparer est enrichissant. Si je devais voter, ce serait : 1 – vin de l’Etoile 1964, 2 – Comtes de Champagne 1995, 3 – Château Chalon 1945, 4 – Château Grillet 1982. Mais chacun des quatre est de très haute qualité dans son appellation.

Il restait encore suffisamment du vin de Chypre 1870 et du Malaga 1872 pour que ma fille puisse goûter à ces vins divins. Comme mon fils et moi, ma fille a préféré le Malaga. Elle a été éblouie par la longueur de ces vins. Les restes sont finis. Noël apportera d’autres découvertes.

centre de table

Dîner dans un salon du Pré Catelan mercredi, 19 décembre 2018

Un ami, qui l’est devenu depuis plus de cinquante ans – ça existe – fête son anniversaire dans un salon du Pré Catelan. Le lieu est d’une grande beauté, la salle est d’une belle décoration. Le Champagne Lenôtre est assez simple mais de bonne soif. Sur de très bons canapés, il se comporte bien.

Le menu du dîner est : le tourteau et tartare de mangue, quinoa soufflé / le homard en pétales de radis blancs, brunoise de céleri et jus de truffe / le filet de bœuf aux cèpes, cannelloni de cèpes et foie gras / géométrie d’une tarte au chocolat, l’alliance subtile des chocolats Tanzanie, Ghana et Sao Tomé, glace au foin, et sauce au chocolat. On peut faire confiance au groupe Lenôtre de réaliser un dîner de grande qualité.

Le Chablis Jean Pierre Grossot 2016 est très agréable à boire et le Château des Fougères, Graves 2009 est une solide valeur. On peut aussi faire confiance aux choix d’Olivier Poussier, meilleur sommelier du Monde, qui gère la cave du groupe Lenôtre.

Le dessert au chocolat est accompagné d’un Maury Mas Amiel en bouteille trapue dont je n’ai pas vu l’année mais qui est d’un charme fou et d’une belle densité. De belle longueur il donne un rayon de soleil au chocolat. Ce fut une belle célébration, familiale et amicale.

Dîner à quatre mains à l’Espadon de l’hôtel Ritz mercredi, 12 décembre 2018

Ma femme et moi, nous aimons les dîners à quatre mains, car mettre en commun les talents de deux grands chefs, cela peut créer des étincelles de génie. Par Instagram, j’apprends qu’Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de Reims vient faire la cuisine à l’hôtel Ritz, à la Table de l’Espadon, aux côtés de Nicolas Sale. Je réagis au plus vite pour obtenir une table et j’ai bien fait car lorsque nous arrivons à l’hôtel, nous apprenons que le restaurant a fait le plein de réservations.

Le Ritz a pris de longues années pour faire sa rénovation et ça ne se voit pas dans ce que nous visitons. La salle à manger aux décors de stucs très chargés fait très Sissi Impératrice. Il ne manque que les crinolines. Au centre de la grande pièce le grand lustre surplombe un énorme bouquet aux couleurs d’automne qui ne va pas du tout avec le lustre. Les tables sont bien espacées ce qui est un luxe appréciable. Le personnel qui nous reçoit est souriant et tout au long du repas nous constaterons qu’ils sont décontractés et ouverts ce qui est agréable. Je revois avec plaisir Estelle Touzet chef de la sommellerie, qui a confié à Victor le service des vins de notre table, qui se révèle d’une très grande compétence.

Lorsque l’on se met à table, on a devant soi une assiette marron sur laquelle sont imprimés des motifs en or assez chargés. Tout-à-coup, deux serveuses arrivent, prennent les deux assiettes devant nous, et par une pirouette les retournent. Nous avons alors une assiette toute blanche joliment dessinée qui sera prête à recevoir les amuse-bouches. C’est amusant.

Pour le menu à quatre mains on peut choisir de suivre les accords mets-vins proposés par Estelle Touzet, mais je préfère choisir sur la carte des vins. Nous sommes au Ritz donc les prix se situent au deuxième ou troisième étage d’une fusée Ariane, c’est-à-dire très haut. Mon choix est un champagne.

Le menu conçu pour les deux chefs plus le pâtissier du lieu est : la potée champenoise, selon la grande tradition de Champagne (Arnaud Lallement) / la langoustine en trois services. L’appât : eau de langoustine, pamplemousse, caramel d’ail – à cru, caviar impérial, citron frais et crème poivrée évolutive – rôties aux agrumes, énoki à la pistache, nage de coco-citron vert (Nicolas Sale) / le turbot breton, oignon Benoit Deloffre confit à la feuille de poivrier, sauce au vin jaune (Arnaud Lallement) / le chevreuil, le dos rôti aux dragées, le fil : le coing confit, croquant et purée acidulée, jus au poivre noir de Kâmpôt (Nicolas Sale) / le chocolat Jamaya, la touche : meringue fondante au cacao, granité au vinaigre de framboise. Le dessert : de Jamaïque en ganache intense, parfait, dentelle croustillante, poivre et sel. La sucrerie : en éclat et légèreté (François Perret).

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est d’une grande délicatesse, mise en valeur par un verre Riedel quasi idéal. Le champagne est raffiné et va accompagner quasiment tous les plats avec brio. J’ai toutefois commandé un demi-verre de Château Ducru-Beaucaillou 2000 servi à l’aide d’un Coravin, outil qui soutire du vin par une longue seringue, sans que l’on soit obligé d’extraire le bouchon. Ce Saint-Julien très lourd et très riche, extrêmement truffé est de grand plaisir et accompagne le chevreuil de façon parfaite.

Les deux chefs et le pâtissier sont de grand talent. Nos émotions sont passées par des hauts et des bas, car certaines saveurs sont enthousiasmantes, comme l’eau de langoustine, la langoustine quasi crue et la chair du chevreuil, mais d’autres sont moins précises comme les morceaux de coing trop vinaigrés ou la mâche du plat est difficile comme la dentelle croustillante de chocolat qui ne serait pas recommandée pour un premier dîner de speed dating. Globalement, le souvenir est très positif car Arnaud et Nicolas sont des chefs de talent et souriants qui sont venus bavarder aimablement à chaque table.

Le service a été de grande qualité. Le lieu est d’un luxe assumé. Le menu a été bien conçu. Vive les quatre mains.

l’assiette qui se retourne et devient blanche – motif

Champagne Contraste Jacques Selosse lundi, 10 décembre 2018

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison. Il y aura du poulet avec des pommes de terre en robe des champs. Pour l’apéritif il y aura une crème à tartiner à la truffe noire et aux olives puis des chips à la truffe. J’ouvre un Champagne Contraste Jacques Selosse dégorgé le 3 octobre 2007. Anselme Selosse le qualifie : « variété d’attitudes et de positions ». Il a assemblé exceptionnellement pour les récoltes 2002 et 2003 les pinots noirs d’Ay et d’Ambonnay pour produire 2500 bouteilles par année. A partir de 2004 chacun des deux crus est présenté séparément. C’est donc un champagne rare.

Le premier contact est assez rude, car l’acidité est forte. Et les blancs de noirs sont généralement plus ardus que les blancs de blancs. Le champagne s’élargit et devient beaucoup plus sociable. Il est même très approprié sur le poulet. Il est vif, cinglant et tranchant. C’est, comme souvent chez Selosse, un champagne sans concession. Ce qui m’a agréablement surpris c’est que mon verre, resté sur table quelques heures, m’a donné un vin sans bulle de bien belle matière, sans aucune amertume. Il faut donc ouvrir les champagnes de ce type très longtemps à l’avance. Malgré sa rigueur, ce champagne est une belle expérience.

Déjeuner de grands vins au restaurant Michel Rostang mercredi, 5 décembre 2018

C’est par Instagram qu’un comédien célèbre m’a contacté par curiosité de ce que je fais. J’ai eu envie de le faire entrer dans ‘mon’ monde des vins anciens. Nous serons quatre à déjeuner au restaurant Michel Rostang, le comédien qui m’avait contacté, un autre comédien de ses amis, un ami belge du premier comédien et moi. Je suis arrivé à 10h45 au restaurant pour ouvrir mes quatre bouteilles de vins qui ne sont pas des vins d’étiquettes, et qui ont des années comprises entre 1927 et 1943. J’aime prendre des risques. J’ai aussi apporté les fonds de bouteilles des deux Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 2003 et des deux Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962 que j’avais fait goûter hier dans un atelier du salon Vinapogée. Ayant fini les ouvertures à 11h20 j’attends en me promenant dans le quartier l’arrivée de mes convives.

Avant que le déjeuner ne démarre vraiment, je fais apporter des morceaux de pâté en croûte pour que nous goûtions les fonds des quatre bouteilles de Beaune Grèves. Ce qui me frappe instantanément, c’est que les vins ont fortement profité de l’aération qu’a donnée ce jour supplémentaire. Les deux 2003 sont larges et souriants et les deux 1962 sont glorieux, le nez imprécis de l’une des bouteilles ayant disparu, les deux vins se montrant également brillants. Mes convives sont subjugués par la grandeur de ces Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962.

J’avais eu le temps de réfléchir avec le chef du restaurant Nicolas Beaumann au menu qui sera : langoustines / jarret de veau / foie gras poché. Le dessert sera choisi plus tard. Le chef du restaurant, spontanément, et cela m’a plu, a proposé de simplifier les recettes des plats de la carte pour les vins.

Nous commençons par un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2005, apporté par Stéphane, qui avait créé le contact avec moi. Le parfum du 2005 est diabolique. Quelle présence dans ce nez. Ce Comtes de Champagne, dans cette année, est une vraie réussite. Il est très flexible avec les amuse-bouches aux goûts variés.

Le Meursault Aligoté Magnien Frères 1927 avait un bouchon qui est venu entier, d’une totale perfection. J’imagine que la bouteille a été reconditionnée, mais qui s’amuserait à reboucher un meursault aligoté de 1927 ? La couleur du vin est très ambrée et très jolie. Le nez est vif et racé. En bouche l’acidité est d’une folle jeunesse. Le vin est vif, jeune, intemporel et d’une mâche agréable grâce à la délicatesse de ses complexités de fruits jaunes et dorés. Ce vin est assez irréel. Il s’adapte très bien à la langoustine reconstituée dont le croquant n’est pas assez affirmé. J’avais mis ce vin sans savoir ce qu’il donnerait, car c’est une inconnue, et il s’est révélé d’un niveau très au-dessus de mes attentes.

Le jarret de veau est généreux et remarquablement cuit. Le Musigny 1929 de producteur ou plutôt négociant inconnu (on ne lit sur l’étiquette que « Les Vins de Bourgogne », en plus de Musigny) est d’une superbe couleur rouge sang. Le nez est intemporel et riche et en bouche on boit un Musigny hyper puissant, riche, à qui on donnerait volontiers cinquante ans de moins. Il se trouve que j’ai eu l’occasion de boire ce même vin à l’académie des vins anciens il y a une quinzaine d’années avec Aubert de Villaine qui lui reprochait d’être hermitagé. Il l’est évidemment, mais il y a prescription et ce qui est dans le verre est guerrier, puissant et plaisant.

A côté de lui, il y a le Corton Clos du Roi L.A. Montoy 1929. Je connaissais déjà ce vin que j’adore. Celui-ci est encore plus brillant que la mémoire que j’en ai. Il a l’opulence joyeuse que donne l’année 1929 mais il est d’une sensualité rare, très féminine, avec un fruit rouge que le Musigny n’a pas. Les deux rouges de 1929 cohabitent très bien sans se nuire, mais mon cœur va tout droit vers la délicatesse infinie du Corton. Nous buvons une bouteille sans le moindre défaut qui ferait pâlir d’envie tous les vins de moins de trente ans classés à 100 points par Robert Parker.

Le quatrième de mes apports au-delà des quatre fonds de Beaune Grèves est un Châteauneuf-du-Pape Paul Etienne 1943. Voilà une bouteille très rare et d’une grande beauté. Lui aussi n’a, dans sa couleur, aucune trace de tuilé. Il est rouge et beau. Le nez est aussi précis que celui des vins précédents, et la bouche est généreuse, directe, franche, solide. C’est un vin droit, courtois et de plaisir. Mes convives qui sont de solides amateurs de vins sont assez subjugués par le fait que mes quatre vins sont parfaits. François-Xavier qui pratique les bons restaurants et les bons vignerons est étonné par ce tir groupé de vins excellents. Alors, nous bâtissons tous les projets possibles pour nous retrouver atour de tels vins.

Pour les fromages nous goûtons à l’aveugle l’apport de François Xavier. Reconnaître Sauternes n’est pas difficile. L’année pose plus de problème mais je lance au troisième essai la bonne réponse. Le Sauternes Nicolas 1959 est un sauternes d’assemblage fait par la cave Nicolas. Sa couleur d’un ambre doré peu foncé et le vin est particulièrement agréable et serein. Il se boit sur des fromages aux pâtes persillées. Il est suivi par un Muscat Clos Saint Landelin Vorbourg Sélection de Grains Nobles René Muré 2001. Si l’Alsace se reconnaît tout de suite jamais je n’aurais donné une année aussi jeune, car ce vin fait plus ancien. Sa jolie fluidité le rend charmant et frais, malgré ses 13,5°. Là aussi il s’agit d’un très joli vin. On ne boit pas assez de vins d’Alsace, si cristallins.

Le dessert est choisi en fonction du Porto Graham’s Vintage 1977. Il sera au chocolat. Le Porto est agréable et frais, fluide comme les grands portos. Il titre 20,7°.

Il me restait un fond de bouteille de Marc du domaine d’Ott 1929 que j’ai ajouté pour que mes apports de 1929 soient de trois. Il est toujours aussi exceptionnel de douceur, ce qui n’est pas la qualité première des marcs.

Le service du restaurant Michel Rostang a été exemplaire pendant les plus de quatre heures qu’a duré ce déjeuner. Baptiste a fait un travail de sommellerie d’une exactitude parfaite.

Mes trois nouveaux amis se sont montrés des convives passionnants. Nous avons parlé de vins essentiellement et j’ai senti à quel point ils sont attentifs à ce qu’ils boivent. Je suis très content de cette rencontre et bien sûr de la performance de mes vins mais aussi de la performance de leurs vins. L’idée de faire un prochain dîner sur la scène d’un théâtre que possède l’un des trois est amusante. Explorer de nouvelles ambiances sera un plaisir de plus. Vite, remettons le couvert !


Mes apports photographiés en cave

pour les Beaune Grèves ce n’était que des fonds de bouteilles