Les deux repas de Noëlmardi, 25 décembre 2018

C’est Noël à la maison. Le 24 décembre, nous serons six, ma femme et moi, mes deux filles et les deux filles de ma fille aînée. Je suis le seul mâle. Suis-je dominant, je ne le crois pas. Nous avons déjeuné sobrement car il faut se ménager pour le dîner de réveillon. La cuisine fourmille et il est opportun de ne pas s’y montrer. Les vins rouges sont ouverts en début d’après-midi. Ils sont sans histoire.

L’apéritif commence vers 19h30. Je voulais comparer deux champagnes Krug mais ma fille cadette ne souhaite pas se livrer à cet exercice intellectuel de comparaison. Je bois du petit lait en l’écoutant car je trouve que la dégustation des vins est infiniment plus riche lorsque l’on n’a pas l’obligation de comparer. Nous commençons donc par le Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette crème qui correspond à un champagne commercialisé vers la fin des années 80 et dont les champagnes assemblés sont autour de 1980. Ce qui frappe d’emblée c’est que ce champagne racé est extrêmement facile à vivre. Il est noble et franc, d’un équilibre parfait et si accessible qu’on en jouit librement. Sa couleur est ambrée vers des tons de roses et de pêches. L’apéritif consiste en de fines tranches de boudin blanc truffé avec lequel le champagne est en symbiose totale. Il y a aussi du foie gras et de petites galettes épicées.

Alors que ma fille ne voulait pas de comparaison, je triche, car je garde un verre de ce champagne pour comparer avec le Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette initiale étiquette un peu plus verte et avec un graphisme qui rappelle les Private Cuvées, prédécesseurs des Grandes Cuvées. Ce champagne date de la période 1978-1983 et correspond à des vins du début des années 70. Ce qui apparaît, c’est que le plus jeune est probablement plus précis, mais que le plus ancien est nettement plus émouvant. Il prend aux tripes. Ce champagne est d’une énergie incroyable et emporte dans une farandole de joie. Le premier est parfait, le second me séduit au-delà de tout.

Il reste du deuxième champagne pour l’entrée, des coquilles Saint-Jacques crues avec du caviar osciètre prestige de Kaviari. L’accord est superbe, le champagne réagissant aussi bien avec le sucré de la coquille qu’avec le salé magiquement dosé du caviar.

Nous poursuivons avec des suprêmes de pigeon cuits avec une purée de pomme de terre truffée et une purée de pommes de terre violettes, des vitelottes. La sauce provient de la maturation des pigeons entiers avec des carottes pendant plus d’une demi-journée. Le Château Haut-Brion rouge 1981 est un vin qui m’a toujours impressionné. Celui-ci est dans cette ligne. Il explose de truffe et se montre tout velours. Il est riche, puissant mais diablement charmeur. Et avec les suprêmes rosés à souhait, c’est un régal.

J’avais prévu un bourgogne pour faire suite mais nous avons déjà tellement festoyé qu’il ne semble pas nécessaire. Le bordeaux se comporte comme un roi avec un chèvre Sainte Maure d’affinage très avancé. Nous passons au dessert qui est une bûche créée par Cédric Grolet meilleur pâtissier du monde qui officie au Meurice. C’est une bûche au marron aussi est-ce l’occasion d’ouvrir un Xérès La Merced Solera Sherry semi-dulce Bobadilla que j’ai depuis des temps immémoriaux et qui pourrait être très ancien. L’accord entre ce Xérès et le dessert au marron est sublime. C’est pour ma fille cadette le plus bel accord du repas. Cet alcool ne titre que 19,5° alors qu’il semble en offrir plus mais son caractère extrêmement sec le rend particulièrement agréable.

Les cadeaux ont été échangés dans la bonne humeur avant le repas. La cheminée a crépité et avalé des stères de bois. Cette fête de famille a été illuminée par le pigeon et la bûche pour les plats et par le Krug le plus ancien et le Xérès pour les vins. Noël est une tradition qu’il ne faut à aucun prix manquer.

Le lendemain, le jour de Noël, le nombre des petits-enfants a doublé puisque les deux enfants de ma fille cadette nous ont rejoints. Ne le répétez à personne mais j’ai trinqué avec les petits-enfants avec du Champomy, boisson aux pommes et à bulles.

Les enfants ayant imposé le menu, ce sera poulet à la purée Robuchon, fromage et la fin de la bûche au marron de Cédric Grolet. Le Clos de Vougeot domaine Méo-Camuzet 1992 est un vin qui m’avait impressionné il y a longtemps, car c’était le premier que je buvais de ce domaine. Et je l’avais adoré malgré une année de faible renommée. Ce qui frappe dans ce vin ouvert hier en début d’après-midi, c’est son élégance. Tout en ce vin est suggéré. Sa couleur peu prononcée est celle d’un vin très jeune. Il a le charme de la Bourgogne avec une jolie râpe, il est délicat et, cadeau suprême, mes deux filles l’adorent. C’est un vin de subtilité et de finesse, qui donne un grand plaisir.

Nous avons fini la bûche au marron avec le Xérès toujours aussi pertinent, sec et de belle prestance. Noël, c’est un moment familial intense. Dans trois jours nous rejoindrons ceux qui vivent à Miami pour faire le tour complet de nos affections. Joyeux Noël.


pour l’échange des cadeaux, la cheminée crépite

la fameuse bûche de Noël avec le délicieux Sherry

les vins du dîner

la cheminée quand on va se coucher

le lendemain avec le bourgogne ouvert la veille

la tarte faite par les petits-enfants

les vins des deux repas