Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Les deux repas de Noël mardi, 25 décembre 2018

C’est Noël à la maison. Le 24 décembre, nous serons six, ma femme et moi, mes deux filles et les deux filles de ma fille aînée. Je suis le seul mâle. Suis-je dominant, je ne le crois pas. Nous avons déjeuné sobrement car il faut se ménager pour le dîner de réveillon. La cuisine fourmille et il est opportun de ne pas s’y montrer. Les vins rouges sont ouverts en début d’après-midi. Ils sont sans histoire.

L’apéritif commence vers 19h30. Je voulais comparer deux champagnes Krug mais ma fille cadette ne souhaite pas se livrer à cet exercice intellectuel de comparaison. Je bois du petit lait en l’écoutant car je trouve que la dégustation des vins est infiniment plus riche lorsque l’on n’a pas l’obligation de comparer. Nous commençons donc par le Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette crème qui correspond à un champagne commercialisé vers la fin des années 80 et dont les champagnes assemblés sont autour de 1980. Ce qui frappe d’emblée c’est que ce champagne racé est extrêmement facile à vivre. Il est noble et franc, d’un équilibre parfait et si accessible qu’on en jouit librement. Sa couleur est ambrée vers des tons de roses et de pêches. L’apéritif consiste en de fines tranches de boudin blanc truffé avec lequel le champagne est en symbiose totale. Il y a aussi du foie gras et de petites galettes épicées.

Alors que ma fille ne voulait pas de comparaison, je triche, car je garde un verre de ce champagne pour comparer avec le Champagne Krug Grande Cuvée à étiquette initiale étiquette un peu plus verte et avec un graphisme qui rappelle les Private Cuvées, prédécesseurs des Grandes Cuvées. Ce champagne date de la période 1978-1983 et correspond à des vins du début des années 70. Ce qui apparaît, c’est que le plus jeune est probablement plus précis, mais que le plus ancien est nettement plus émouvant. Il prend aux tripes. Ce champagne est d’une énergie incroyable et emporte dans une farandole de joie. Le premier est parfait, le second me séduit au-delà de tout.

Il reste du deuxième champagne pour l’entrée, des coquilles Saint-Jacques crues avec du caviar osciètre prestige de Kaviari. L’accord est superbe, le champagne réagissant aussi bien avec le sucré de la coquille qu’avec le salé magiquement dosé du caviar.

Nous poursuivons avec des suprêmes de pigeon cuits avec une purée de pomme de terre truffée et une purée de pommes de terre violettes, des vitelottes. La sauce provient de la maturation des pigeons entiers avec des carottes pendant plus d’une demi-journée. Le Château Haut-Brion rouge 1981 est un vin qui m’a toujours impressionné. Celui-ci est dans cette ligne. Il explose de truffe et se montre tout velours. Il est riche, puissant mais diablement charmeur. Et avec les suprêmes rosés à souhait, c’est un régal.

J’avais prévu un bourgogne pour faire suite mais nous avons déjà tellement festoyé qu’il ne semble pas nécessaire. Le bordeaux se comporte comme un roi avec un chèvre Sainte Maure d’affinage très avancé. Nous passons au dessert qui est une bûche créée par Cédric Grolet meilleur pâtissier du monde qui officie au Meurice. C’est une bûche au marron aussi est-ce l’occasion d’ouvrir un Xérès La Merced Solera Sherry semi-dulce Bobadilla que j’ai depuis des temps immémoriaux et qui pourrait être très ancien. L’accord entre ce Xérès et le dessert au marron est sublime. C’est pour ma fille cadette le plus bel accord du repas. Cet alcool ne titre que 19,5° alors qu’il semble en offrir plus mais son caractère extrêmement sec le rend particulièrement agréable.

Les cadeaux ont été échangés dans la bonne humeur avant le repas. La cheminée a crépité et avalé des stères de bois. Cette fête de famille a été illuminée par le pigeon et la bûche pour les plats et par le Krug le plus ancien et le Xérès pour les vins. Noël est une tradition qu’il ne faut à aucun prix manquer.

Le lendemain, le jour de Noël, le nombre des petits-enfants a doublé puisque les deux enfants de ma fille cadette nous ont rejoints. Ne le répétez à personne mais j’ai trinqué avec les petits-enfants avec du Champomy, boisson aux pommes et à bulles.

Les enfants ayant imposé le menu, ce sera poulet à la purée Robuchon, fromage et la fin de la bûche au marron de Cédric Grolet. Le Clos de Vougeot domaine Méo-Camuzet 1992 est un vin qui m’avait impressionné il y a longtemps, car c’était le premier que je buvais de ce domaine. Et je l’avais adoré malgré une année de faible renommée. Ce qui frappe dans ce vin ouvert hier en début d’après-midi, c’est son élégance. Tout en ce vin est suggéré. Sa couleur peu prononcée est celle d’un vin très jeune. Il a le charme de la Bourgogne avec une jolie râpe, il est délicat et, cadeau suprême, mes deux filles l’adorent. C’est un vin de subtilité et de finesse, qui donne un grand plaisir.

Nous avons fini la bûche au marron avec le Xérès toujours aussi pertinent, sec et de belle prestance. Noël, c’est un moment familial intense. Dans trois jours nous rejoindrons ceux qui vivent à Miami pour faire le tour complet de nos affections. Joyeux Noël.


pour l’échange des cadeaux, la cheminée crépite

la fameuse bûche de Noël avec le délicieux Sherry

les vins du dîner

la cheminée quand on va se coucher

le lendemain avec le bourgogne ouvert la veille

la tarte faite par les petits-enfants

les vins des deux repas

Deux champagnes imparfaits jeudi, 20 décembre 2018

Le séjour de mon fils touche à sa fin et nous le retrouverons à Miami pour les fêtes de fin d’année. Pour le dernier dîner, j’ai acheté à la Manufacture Kaviari du caviar osciètre prestige et du cœur de saumon. Ma femme cuit à la poêle des tranches de boudin blanc qui vont servir d’apéritif.

J’avais apporté la veille deux bouteilles de champagne mises au réfrigérateur. Quand je les saisis, les collerettes semblent très humides et me font imaginer que le réfrigérateur est en dégivrage. J’ouvre les deux bouteilles et les bouchons sont noirs sur la partie au contact du goulot. Mes mains sont noires. Le plan de travail sur lequel j’opère est très mouillé. En fait ce n’est pas de l’eau de dégivrage mais une coulure pour les deux bouteilles, qui ont perdu significativement du volume. Malgré cela, le pschitt est très sensible pour les deux bouteilles.

Le Champagne Veuve Clicquot 1969 a une couleur légèrement ambrée. L’attaque est belle, de champagne ancien, avec une jolie amertume, mais le plaisir est gâché en milieu de bouche par une imprécision quasi métallique qui pourrait être dû à un contact du champagne avec la cape.

Le Champagne Veuve Clicquot rosé 1969 a une robe beaucoup plus intense, d’un joli rose foncé. L’impression est assez similaire à celle du champagne brut, mais avec beaucoup moins de défauts. Mon fils, qui est du millésime de ces deux champagnes préfère, comme moi, le rosé.

Les deux champagnes accueillent avec plaisir le boudin blanc truffé. Je pensais que le rosé aurait du mal avec le caviar mais, même s’il n’est pas aussi pertinent que le blanc pour ce délicieux caviar, il est possible du fait qu’il s’agit d’un rosé âgé, aux suggestions florales élégantes.

Pour le saumon délicieux à la mâche parfaite, c’est l’accord couleur sur couleur qui fonctionne le mieux, et le rosé est à son aise. Globalement, nous avons bu deux champagnes imparfaits qui du fait d’une réaction violente dans le réfrigérateur, ont perdu du volume en salissant le champagne. Mon fils étant tolérant comme je le suis, cela n’a pas gâché ce dernier soir en famille.

les hauts des deux bouteilles sont identiques

le bouchon du rosé est plus long

Dîner de famille aux beaux vins blancs mercredi, 19 décembre 2018

Ma fille vient dîner à la maison avec ses enfants. Elle ne savait pas que mon fils serait là et la surprise est belle. J’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1995. Ce champagne est étonnant d’accomplissement. Il est plein, volumineux, ensoleillé, de bonne mâche. Il est très au-dessus de ce que j’attendais alors que j’attendais du bon. Sur les petits gâteaux d’apéritif que l’on grignote et sur du foie gras, ce blanc de blancs est un régal.

Nous déjeunons simplement d’un poulet au riz saupoudré de pignons. Nous allons boire des restes ce qui est devenu une habitude. Le Château Grillet 1982 a encore profité de son aération. Il est solide, carré, impressionnant d’équilibre. Je continue à penser qu’il n’est pas assez canaille et un pru trop bon élève.

Le Vin de l’Etoile Philippe Vandelle 1964 a lui aussi profité d’avoir été ouvert il y a deux jours. Il est plus vif et plus incisif que le vin de la région de Condrieu. J’ai un faible pour ce vin expressif et frais.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1945 est toujours aussi serein et équilibré, puissant mais sans forcer. Il trouve son bonheur sur un Comté de dix-huit mois remarquable de qualité. Le fait d’avoir eu ensemble quatre vins blancs aussi disparates est une belle expérience, car les comparer est enrichissant. Si je devais voter, ce serait : 1 – vin de l’Etoile 1964, 2 – Comtes de Champagne 1995, 3 – Château Chalon 1945, 4 – Château Grillet 1982. Mais chacun des quatre est de très haute qualité dans son appellation.

Il restait encore suffisamment du vin de Chypre 1870 et du Malaga 1872 pour que ma fille puisse goûter à ces vins divins. Comme mon fils et moi, ma fille a préféré le Malaga. Elle a été éblouie par la longueur de ces vins. Les restes sont finis. Noël apportera d’autres découvertes.

centre de table

Dîner dans un salon du Pré Catelan mercredi, 19 décembre 2018

Un ami, qui l’est devenu depuis plus de cinquante ans – ça existe – fête son anniversaire dans un salon du Pré Catelan. Le lieu est d’une grande beauté, la salle est d’une belle décoration. Le Champagne Lenôtre est assez simple mais de bonne soif. Sur de très bons canapés, il se comporte bien.

Le menu du dîner est : le tourteau et tartare de mangue, quinoa soufflé / le homard en pétales de radis blancs, brunoise de céleri et jus de truffe / le filet de bœuf aux cèpes, cannelloni de cèpes et foie gras / géométrie d’une tarte au chocolat, l’alliance subtile des chocolats Tanzanie, Ghana et Sao Tomé, glace au foin, et sauce au chocolat. On peut faire confiance au groupe Lenôtre de réaliser un dîner de grande qualité.

Le Chablis Jean Pierre Grossot 2016 est très agréable à boire et le Château des Fougères, Graves 2009 est une solide valeur. On peut aussi faire confiance aux choix d’Olivier Poussier, meilleur sommelier du Monde, qui gère la cave du groupe Lenôtre.

Le dessert au chocolat est accompagné d’un Maury Mas Amiel en bouteille trapue dont je n’ai pas vu l’année mais qui est d’un charme fou et d’une belle densité. De belle longueur il donne un rayon de soleil au chocolat. Ce fut une belle célébration, familiale et amicale.

Dîner à quatre mains à l’Espadon de l’hôtel Ritz mercredi, 12 décembre 2018

Ma femme et moi, nous aimons les dîners à quatre mains, car mettre en commun les talents de deux grands chefs, cela peut créer des étincelles de génie. Par Instagram, j’apprends qu’Arnaud Lallement, le chef trois étoiles de Reims vient faire la cuisine à l’hôtel Ritz, à la Table de l’Espadon, aux côtés de Nicolas Sale. Je réagis au plus vite pour obtenir une table et j’ai bien fait car lorsque nous arrivons à l’hôtel, nous apprenons que le restaurant a fait le plein de réservations.

Le Ritz a pris de longues années pour faire sa rénovation et ça ne se voit pas dans ce que nous visitons. La salle à manger aux décors de stucs très chargés fait très Sissi Impératrice. Il ne manque que les crinolines. Au centre de la grande pièce le grand lustre surplombe un énorme bouquet aux couleurs d’automne qui ne va pas du tout avec le lustre. Les tables sont bien espacées ce qui est un luxe appréciable. Le personnel qui nous reçoit est souriant et tout au long du repas nous constaterons qu’ils sont décontractés et ouverts ce qui est agréable. Je revois avec plaisir Estelle Touzet chef de la sommellerie, qui a confié à Victor le service des vins de notre table, qui se révèle d’une très grande compétence.

Lorsque l’on se met à table, on a devant soi une assiette marron sur laquelle sont imprimés des motifs en or assez chargés. Tout-à-coup, deux serveuses arrivent, prennent les deux assiettes devant nous, et par une pirouette les retournent. Nous avons alors une assiette toute blanche joliment dessinée qui sera prête à recevoir les amuse-bouches. C’est amusant.

Pour le menu à quatre mains on peut choisir de suivre les accords mets-vins proposés par Estelle Touzet, mais je préfère choisir sur la carte des vins. Nous sommes au Ritz donc les prix se situent au deuxième ou troisième étage d’une fusée Ariane, c’est-à-dire très haut. Mon choix est un champagne.

Le menu conçu pour les deux chefs plus le pâtissier du lieu est : la potée champenoise, selon la grande tradition de Champagne (Arnaud Lallement) / la langoustine en trois services. L’appât : eau de langoustine, pamplemousse, caramel d’ail – à cru, caviar impérial, citron frais et crème poivrée évolutive – rôties aux agrumes, énoki à la pistache, nage de coco-citron vert (Nicolas Sale) / le turbot breton, oignon Benoit Deloffre confit à la feuille de poivrier, sauce au vin jaune (Arnaud Lallement) / le chevreuil, le dos rôti aux dragées, le fil : le coing confit, croquant et purée acidulée, jus au poivre noir de Kâmpôt (Nicolas Sale) / le chocolat Jamaya, la touche : meringue fondante au cacao, granité au vinaigre de framboise. Le dessert : de Jamaïque en ganache intense, parfait, dentelle croustillante, poivre et sel. La sucrerie : en éclat et légèreté (François Perret).

Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est d’une grande délicatesse, mise en valeur par un verre Riedel quasi idéal. Le champagne est raffiné et va accompagner quasiment tous les plats avec brio. J’ai toutefois commandé un demi-verre de Château Ducru-Beaucaillou 2000 servi à l’aide d’un Coravin, outil qui soutire du vin par une longue seringue, sans que l’on soit obligé d’extraire le bouchon. Ce Saint-Julien très lourd et très riche, extrêmement truffé est de grand plaisir et accompagne le chevreuil de façon parfaite.

Les deux chefs et le pâtissier sont de grand talent. Nos émotions sont passées par des hauts et des bas, car certaines saveurs sont enthousiasmantes, comme l’eau de langoustine, la langoustine quasi crue et la chair du chevreuil, mais d’autres sont moins précises comme les morceaux de coing trop vinaigrés ou la mâche du plat est difficile comme la dentelle croustillante de chocolat qui ne serait pas recommandée pour un premier dîner de speed dating. Globalement, le souvenir est très positif car Arnaud et Nicolas sont des chefs de talent et souriants qui sont venus bavarder aimablement à chaque table.

Le service a été de grande qualité. Le lieu est d’un luxe assumé. Le menu a été bien conçu. Vive les quatre mains.

l’assiette qui se retourne et devient blanche – motif

Champagne Contraste Jacques Selosse lundi, 10 décembre 2018

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison. Il y aura du poulet avec des pommes de terre en robe des champs. Pour l’apéritif il y aura une crème à tartiner à la truffe noire et aux olives puis des chips à la truffe. J’ouvre un Champagne Contraste Jacques Selosse dégorgé le 3 octobre 2007. Anselme Selosse le qualifie : « variété d’attitudes et de positions ». Il a assemblé exceptionnellement pour les récoltes 2002 et 2003 les pinots noirs d’Ay et d’Ambonnay pour produire 2500 bouteilles par année. A partir de 2004 chacun des deux crus est présenté séparément. C’est donc un champagne rare.

Le premier contact est assez rude, car l’acidité est forte. Et les blancs de noirs sont généralement plus ardus que les blancs de blancs. Le champagne s’élargit et devient beaucoup plus sociable. Il est même très approprié sur le poulet. Il est vif, cinglant et tranchant. C’est, comme souvent chez Selosse, un champagne sans concession. Ce qui m’a agréablement surpris c’est que mon verre, resté sur table quelques heures, m’a donné un vin sans bulle de bien belle matière, sans aucune amertume. Il faut donc ouvrir les champagnes de ce type très longtemps à l’avance. Malgré sa rigueur, ce champagne est une belle expérience.

Déjeuner de grands vins au restaurant Michel Rostang mercredi, 5 décembre 2018

C’est par Instagram qu’un comédien célèbre m’a contacté par curiosité de ce que je fais. J’ai eu envie de le faire entrer dans ‘mon’ monde des vins anciens. Nous serons quatre à déjeuner au restaurant Michel Rostang, le comédien qui m’avait contacté, un autre comédien de ses amis, un ami belge du premier comédien et moi. Je suis arrivé à 10h45 au restaurant pour ouvrir mes quatre bouteilles de vins qui ne sont pas des vins d’étiquettes, et qui ont des années comprises entre 1927 et 1943. J’aime prendre des risques. J’ai aussi apporté les fonds de bouteilles des deux Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 2003 et des deux Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962 que j’avais fait goûter hier dans un atelier du salon Vinapogée. Ayant fini les ouvertures à 11h20 j’attends en me promenant dans le quartier l’arrivée de mes convives.

Avant que le déjeuner ne démarre vraiment, je fais apporter des morceaux de pâté en croûte pour que nous goûtions les fonds des quatre bouteilles de Beaune Grèves. Ce qui me frappe instantanément, c’est que les vins ont fortement profité de l’aération qu’a donnée ce jour supplémentaire. Les deux 2003 sont larges et souriants et les deux 1962 sont glorieux, le nez imprécis de l’une des bouteilles ayant disparu, les deux vins se montrant également brillants. Mes convives sont subjugués par la grandeur de ces Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1962.

J’avais eu le temps de réfléchir avec le chef du restaurant Nicolas Beaumann au menu qui sera : langoustines / jarret de veau / foie gras poché. Le dessert sera choisi plus tard. Le chef du restaurant, spontanément, et cela m’a plu, a proposé de simplifier les recettes des plats de la carte pour les vins.

Nous commençons par un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2005, apporté par Stéphane, qui avait créé le contact avec moi. Le parfum du 2005 est diabolique. Quelle présence dans ce nez. Ce Comtes de Champagne, dans cette année, est une vraie réussite. Il est très flexible avec les amuse-bouches aux goûts variés.

Le Meursault Aligoté Magnien Frères 1927 avait un bouchon qui est venu entier, d’une totale perfection. J’imagine que la bouteille a été reconditionnée, mais qui s’amuserait à reboucher un meursault aligoté de 1927 ? La couleur du vin est très ambrée et très jolie. Le nez est vif et racé. En bouche l’acidité est d’une folle jeunesse. Le vin est vif, jeune, intemporel et d’une mâche agréable grâce à la délicatesse de ses complexités de fruits jaunes et dorés. Ce vin est assez irréel. Il s’adapte très bien à la langoustine reconstituée dont le croquant n’est pas assez affirmé. J’avais mis ce vin sans savoir ce qu’il donnerait, car c’est une inconnue, et il s’est révélé d’un niveau très au-dessus de mes attentes.

Le jarret de veau est généreux et remarquablement cuit. Le Musigny 1929 de producteur ou plutôt négociant inconnu (on ne lit sur l’étiquette que « Les Vins de Bourgogne », en plus de Musigny) est d’une superbe couleur rouge sang. Le nez est intemporel et riche et en bouche on boit un Musigny hyper puissant, riche, à qui on donnerait volontiers cinquante ans de moins. Il se trouve que j’ai eu l’occasion de boire ce même vin à l’académie des vins anciens il y a une quinzaine d’années avec Aubert de Villaine qui lui reprochait d’être hermitagé. Il l’est évidemment, mais il y a prescription et ce qui est dans le verre est guerrier, puissant et plaisant.

A côté de lui, il y a le Corton Clos du Roi L.A. Montoy 1929. Je connaissais déjà ce vin que j’adore. Celui-ci est encore plus brillant que la mémoire que j’en ai. Il a l’opulence joyeuse que donne l’année 1929 mais il est d’une sensualité rare, très féminine, avec un fruit rouge que le Musigny n’a pas. Les deux rouges de 1929 cohabitent très bien sans se nuire, mais mon cœur va tout droit vers la délicatesse infinie du Corton. Nous buvons une bouteille sans le moindre défaut qui ferait pâlir d’envie tous les vins de moins de trente ans classés à 100 points par Robert Parker.

Le quatrième de mes apports au-delà des quatre fonds de Beaune Grèves est un Châteauneuf-du-Pape Paul Etienne 1943. Voilà une bouteille très rare et d’une grande beauté. Lui aussi n’a, dans sa couleur, aucune trace de tuilé. Il est rouge et beau. Le nez est aussi précis que celui des vins précédents, et la bouche est généreuse, directe, franche, solide. C’est un vin droit, courtois et de plaisir. Mes convives qui sont de solides amateurs de vins sont assez subjugués par le fait que mes quatre vins sont parfaits. François-Xavier qui pratique les bons restaurants et les bons vignerons est étonné par ce tir groupé de vins excellents. Alors, nous bâtissons tous les projets possibles pour nous retrouver atour de tels vins.

Pour les fromages nous goûtons à l’aveugle l’apport de François Xavier. Reconnaître Sauternes n’est pas difficile. L’année pose plus de problème mais je lance au troisième essai la bonne réponse. Le Sauternes Nicolas 1959 est un sauternes d’assemblage fait par la cave Nicolas. Sa couleur d’un ambre doré peu foncé et le vin est particulièrement agréable et serein. Il se boit sur des fromages aux pâtes persillées. Il est suivi par un Muscat Clos Saint Landelin Vorbourg Sélection de Grains Nobles René Muré 2001. Si l’Alsace se reconnaît tout de suite jamais je n’aurais donné une année aussi jeune, car ce vin fait plus ancien. Sa jolie fluidité le rend charmant et frais, malgré ses 13,5°. Là aussi il s’agit d’un très joli vin. On ne boit pas assez de vins d’Alsace, si cristallins.

Le dessert est choisi en fonction du Porto Graham’s Vintage 1977. Il sera au chocolat. Le Porto est agréable et frais, fluide comme les grands portos. Il titre 20,7°.

Il me restait un fond de bouteille de Marc du domaine d’Ott 1929 que j’ai ajouté pour que mes apports de 1929 soient de trois. Il est toujours aussi exceptionnel de douceur, ce qui n’est pas la qualité première des marcs.

Le service du restaurant Michel Rostang a été exemplaire pendant les plus de quatre heures qu’a duré ce déjeuner. Baptiste a fait un travail de sommellerie d’une exactitude parfaite.

Mes trois nouveaux amis se sont montrés des convives passionnants. Nous avons parlé de vins essentiellement et j’ai senti à quel point ils sont attentifs à ce qu’ils boivent. Je suis très content de cette rencontre et bien sûr de la performance de mes vins mais aussi de la performance de leurs vins. L’idée de faire un prochain dîner sur la scène d’un théâtre que possède l’un des trois est amusante. Explorer de nouvelles ambiances sera un plaisir de plus. Vite, remettons le couvert !


Mes apports photographiés en cave

pour les Beaune Grèves ce n’était que des fonds de bouteilles

Dîner au restaurant Pages avec une merveilleuse Romanée Conti lundi, 26 novembre 2018

Luc est un ami de longue date qui a pour le vin des talents de dégustateur assez exceptionnels. Il organise pour ses amis un dîner d’anniversaire. Je lui avais suggéré le restaurant Pages et pour qu’il s’imprègne de la cuisine, je l’avais invité au déjeuner récent que j’avais organisé avec un ami au cours duquel nous avons ouvert des vins mythiques comme le Corton H. Cerf Père & Fils à Nuits 1911. Luc a conçu avec l’équipe du restaurant le menu en fonction de ses vins, qu’il a apportés hier.

Il m’a proposé gentiment d’ouvrir les vins du dîner, que je ne connais pas. Il a interdit aux amis d’apporter du vin pour le repas car il veut assurer la cohérence totale du menu et des vins. Le dîner se tient le jour où les Gilets Jaunes manifestent à Paris aussi ai-je pris une énorme marge de sécurité puisque j’arrive à 15h30 au restaurant alors que Luc n’est prévu qu’à 17 heures. Je patiente en buvant du café puis du thé au bistrot 116 Pages. Luc annonce qu’il aura un peu de retard aussi Lumi fait monter les bouteilles que je range dans l’ordre qui me paraîtrait naturel. L’ordre prévu par Luc est différent mais j’approuve très volontiers ses choix. Je commence à ouvrir les blancs et j’envoie un message à Luc lui disant que je n’ouvrirai aucun rouge avant son arrivée. Je fais des photos des vins. Mais Luc stocke ses vins dans les caves de Marly très humides aussi beaucoup de ses bouteilles sont sous cellophane, ce qui ne fait pas de jolies photos. Mais je ne me permettrais pas d’enlever les cellophanes, car c’est une opération risquée dont je ne veux pas prendre la responsabilité.

La couleur du Domaine de Chevalier Blanc 1958 est peu engageante, d’un ocré sale, mais le nez, après extraction d’un vilain bouchon brisé, donne de l’espoir alors que 95% des amateurs videraient la bouteille à l’évier. Les vins de Jadot et de Coche-Dury ont des parfums magnifiques. Il y a une bouteille dont je n’arrive pas à savoir ce qu’elle est, car elle n’a ni étiquette ni capsule et le bouchon est illisible à travers le verre. Le bouchon enlevé m’indique Jurançon 1970 et Luc me dira qu’il s’agit de Clos Joliette. Le nez est engageant. Le Suduiraut a un parfum diabolique.

Luc arrive et je vais pouvoir ouvrir les rouges. Il y aura énormément de brisures parmi tous les bouchons des rouges, et aussi, pour les blancs comme pour les rouges beaucoup de bouchons extrêmement serrés qui résistent particulièrement à mes efforts pour les remonter. C’est probablement lié aux conditions atmosphériques. Les parfums des bordeaux sont un peu incertains, mais sans trop de crainte et les parfums des bourgognes sont plutôt engageants dont celui de la Romanée Conti qui est un petit miracle tant il a exactement ce que l’on souhaite sentir.

Ayant ouvert beaucoup de vins de 1958, je disposais d’une piste possible pour l’âge de Luc, mais jamais je n’aurais imaginé qu’il ait cet âge tant il paraît jeune. Naoko, la femme du chef Teshi m’a fait porter une bière et des edamame pour soutenir le moral de l’ouvreur. Les invités de Luc arrivent en vagues successives en fonction des aléas créés par les manifestations qui ont fait peur à Naoko lorsque des feux ont démarré dans une rue avoisinante. Nous serons neuf dont ma femme, qui est la seule femme et la seule à ne pas boire. Je connais beaucoup des invités et tous sont des dégustateurs extrêmement avertis, dont j’ai pu mesurer la science et l’expérience dans leurs commentaires pertinents. C’est agréable d’avoir d’aussi bons amoureux des vins auprès de soi.

Le Champagne Taittinger Collection Vasarely 1978 est d’une bouteille totalement opaque aussi n’avons-nous aucune indication sur le niveau ou la couleur. Dans nos verres la couleur a de nettes tendances de rose. C’est un acajou clair et rose. Le pschitt est quasi inexistant mais la bulle est vive dans le verre. Le nez est doux et en bouche ce qui frappe c’est la rondeur et la douceur. C’est un champagne de plaisir. Les trois amuse-bouches consistent en un poisson cru, une composition de topinambour et une boulette de cabillaud. C’est le premier poisson qui me semble coller le mieux au champagne qui en fait n’a besoin de rien pour exposer son charme. Je l’adore car il est dans la ligne des champagnes anciens de plaisir. Je m’aperçois seulement maintenant en écrivant qu’il est quand même plus vieux que son âge.

Le menu mis au point par Luc avec Lumi et Ken le cuisinier en chef sous l’autorité de Teshi est : caviar, carpaccio de Saint-Jacques, coques / raviole de foie gras, consommé de crustacés / turbot, sauce au vin jaune / homard, bisque et Comté / pigeon, sauce salmis / ris de veau, noix de pécan, girolles, jus de veau / vieux Comté, vielle mimolette / Saint-honoré aux fruits exotiques.

Le Champagne Geismann & Cie Brut 1970 est une coquetterie de Luc. Il en est entiché. Il le débouche et veut verser mais rien ne sort car le disque de liège du bas de bouchon est resté collé au verre et comme il semble brisé en deux si je pique mon tirebouchon je pourrais faire tomber les deux moitiés. Mais en fait le disque vient. La couleur du champagne est plus jeune que celle du 1978 et le champagne est beaucoup plus vif et racé. Il profite à plein du délicieux carpaccio de Saint Jacques mais s’accorde moins avec les coques plus vives et acides. Les deux champagnes se complètent bien, l’un dans le charme alangui d’une odalisque et l’autre dans la vivacité. Luc a raison d’être fier de son Geismann.

Luc savait que je n’avais jamais été à ce jour conquis par le Clos Joliette. Je vais enfin l’apprécier car ce Clos Joliette Jurançon 1970 est d’une expression très exotique inhabituelle, un peu comme la Coulée de Serrant ou le Château Grillet. Il a une belle âpreté tout en ayant des notes douces, et l’image qui me vient est celle d’un melon chauffé par le soleil. Les amis trouvent de la truffe blanche qui me marque moins, mais enfin j’ai trouvé du charme dans ce vin énigmatique, aux multiples facettes, bien disposé pour le consommé mais qui trouve son envol surtout avec le foie gras.

Le Domaine de Chevalier Blanc 1958 est un vin pour les amateurs que nous sommes, car nous savons découvrir toutes ses subtilités sous le message fragile à la forte acidité. Quand on lit entre les lignes, on a un vin extrêmement loquace et subtil. Il faut dire que le turbot est une merveille qui doit se manger seul, sans la lourde sauce.

Avec le Corton-Charlemagne Jean François Coche Dury 1994 on trouve toute la force de persuasion de ce vigneron si attachant et travaillant si miraculeusement et le fait de boire une année peu tonitruante donne encore plus de plaisir. Le homard avec sa bisque est une pure merveille. Je suis tellement content que mes amis profitent d’une cuisine qui a choisi la simplicité dans la mise en valeur des produits, simplicité qui n’exclut pas la sophistication. Le vin et le plat sont un moment fort du repas.

Avec le pigeon, nous avons deux vins de 1958. Le Château Ausone 1958 a une approche assez discrète malgré une belle mâche et le Château Latour 1958 me semble plus serein. Les deux vins sont nobles, avec de beaux grains, mais sont assez discrets comme leur année. La résonnance avec le pigeon est idéale pour les deux, Ausone pour le suprême et Latour pour la patte.

Le Vosne-Romanée Bernard de Chalancey 1958 était prévu comme une respiration. Il apparaît sans plat, posé là pour recalibrer les palais. Luc n’en attendait rien mais sa franchise et son joli fruit le rendent très attachant tout en sachant bien qu’on ne l’attend pas aux plus hauts niveaux de complexité.

C’est le rôle des deux suivants. Dès que je sens la Romanée-Conti Domaine de la Romanée-Conti 1969 je n’ai qu’une envie, c’est de me recueillir sous ma tente pour me laisser envahir par ce parfum divin. Tous les codes de la Romanée Conti sont là. En bouche, le vin est grand et bon, mais le parfum du vin dépasse nettement la bouche. Il faut dire que le ris de veau est un peu fort et c’est pour cela que je préfère généralement mettre avec ce vin un foie gras poché. L’accord marche mais sans mettre en valeur le vin d’une délicatesse et d’un romantisme magiques. C’est une grande Romanée Conti.

Le Richebourg Domaine de la Romanée-Conti 1981 est beaucoup plus soldat de l’Empire. C’est un guerrier solide qui jouit d’une année qui convient au domaine de la Romanée Conti. Ce solide gaillard est un vin gratifiant, et les deux rouges si différents ne se combattent pas.

Le Montrachet Louis Jadot 2003 est bien placé à ce moment du repas, car sa puissance joyeuse et épanouie va s’exprimer pleinement sur les fromages, plus sur le comté que sur la mimolette. Ce montrachet est tellement naturellement grand qu’on en ferait son ordinaire quand on cherche un grand vin élégant et facile à vivre.

Le Château Suduiraut 1958 est d’un or glorieux. Son parfum et sa bouche sont parfaits. Quand un sauternes est grand, il est impossible de lui trouver le moindre défaut, et c’est le cas avec ce vin splendide, séduisant, gouleyant, riche et équilibré qui trouve avec le Saint-Honoré aux fruits exotiques un accord absolument pertinent.

Ken et l’équipe de cuisine ont fait un travail parfait car le produit est mis en avant et traité avec une rare sensibilité. Le service des vins a été très facilité par Matthieu très compétent mais Luc a tenu à ce que chacun de ses amis serve aux autres un vin et c’est très convivial. Luc a été d’une générosité invraisemblable. Combien d’amateurs ouvriraient aujourd’hui pour leurs amis des vins de cette qualité ? Ce que je retiens surtout, au-delà d’une superbe Romanée Conti, c’est la générosité et l’amitié qui ont marqué ce repas d’anthologie.


Quand j’entre au restaurant, on pense déjà au dîner : on peut jouer du chapeau, au jeu de Go ou aux dames

le Clos Joliette est entre le Richebourg et le Suduiraut sur la photo mais pas dans l’ordre de service des vins

ce haut de capsule appartient à l’un des deux vins de la Romanée Conti

les amuse-bouches

les plats

Dîner au restaurant Le Conty à Beaune vendredi, 16 novembre 2018

Le 17 novembre aura lieu le traditionnel dîner au château de Beaune où la maison Bouchard Père & Fils invite des amis juste avant la vente aux enchères des Hospices de Beaune. C’est la même date qui a été choisie par le mouvement spontané des « gilets jaunes » pour manifester sous une forme encore inconnue contre la politique du gouvernement. N’ayant aucune envie de me trouver bloqué sur les autoroutes par des manifestations non contrôlées j’ai préféré venir la veille du dîner prévu.

Heureusement j’ai une chambre, mais il n’y a rien d’inscrit à mon agenda. Les événements des jours qui précèdent se succédant si vite, je n’ai pas eu le temps de passer les coups de fil qui m’auraient permis de me joindre à des manifestations programmées par d’autres maisons. J’arrive donc à l’hôtel de la Paix vers 16h30 avec un agenda vide jusqu’au dîner du lendemain. Le concierge me dit que tous les grands restaurants vont être complets. Par un froid d’hiver je me dirige vers le centre-ville tout proche. Je passe saluer le patron du restaurant Ma Cuisine qui est très affairé et ne pourra pas m’inclure en passager clandestin à l’une des tables. Je vais alors rendre visite aux délicieux propriétaires de l’hôtel des Remparts où j’ai été maintes fois logé et avec qui j’entretiens des relations très amicales. Une collaboratrice de l’hôtel passe un coup de fil et réserve une table au restaurant Le Conty.

Bien qu’ayant la réservation, et ne connaissant pas du tout ce restaurant, je préfère m’y rendre. Il est autour de 18 heures. Le lieu est simple mais sympathique et je demande la carte des vins. Elle est très fournie et certains vins sont à des prix très convenables. Je scrute et mon choix sera un Clos de Tart 2009. Je demande à Johan de payer tout de suite la bouteille pour qu’on puisse l’ouvrir et je reviendrai dans une heure et demie la boire. Johan ouvre la bouteille et le parfum de ce vin est émouvant. Il y a une race sauvage dans ce vin tellement jeune. Je paie la bouteille et je retourne à mon hôtel heureux d’avoir trouvé ce que j’estime un bon plan.

Les rues de la ville sont très animées car partout c’est la fête. Les stands de dégustation se sont installés dans les rues que l’on a condamnées. Ainsi le restaurant Le Conty qui possède deux entrées distantes de quarante mètres sur la même façade, l’une pour le caveau et l’autre pour le restaurant a installé entre les deux portes, le long de la façade, une broche qui doit bien faire entre quatre et cinq mètres. Sur la broche, on cuit le « bœuf de Beaune » qui a été élevé à la gêne de raisins des hospices de Beaune. Je ne connaissais pas la gêne et on m’explique que c’est l’ensemble des résidus secs résultant du pressurage ou du foulage des raisins. C’est la rafle, mais un peu plus.

Je m’assieds à ma table réservée et décide de prendre douze escargots de Bourgogne, puis le bœuf de Beaune rôti à la broche par le chef Laurent Parra. Le Clos de Tart 2009 servi à la température idéale est un vin de grande race. Il a une belle râpe qui évoque le fait que des rafles seraient restées dans le vin et n’aurait pas été utilisées pour élever le bœuf de Beaune. Il soutient très bien la force convaincante des escargots et même leur tient tête. Pour la viande trois sauces sont possibles heureusement servies dans des pots et ne se mélangent pas à la viande délicieuse, goûteuse et fondantes. Je n’en utiliserai aucune.

Ayant pris pour dîner une très belle bouteille, le chef a ajouté pour moi des lamelles de truffe qui conviennent bien au vin. La générosité a toujours une réplique et j’offre au chef un verre de mon vin. Il est sympathique et bon vivant et passe son temps ce soir à la broche car des passants de passage peuvent eux aussi s’offrir des tranches de cette belle viande.

Ce Clos de Tart est un grand vin magnifiquement fait, précis, droit, généreux et de grande longueur et la râpe lui donne de la noblesse. Je suis aux anges. Etant seul, il reste beaucoup dans la bouteille, aussi je commande un demi-pigeon cuit avec une sauce aux vins de Beaune et avec des giroles. Ce qui arrive sur table n’est pas un demi-pigeon mais un pigeon entier car le chef voulait me gâter. La viande est goûteuse, mais la sauce effarouche le vin. Je finis calmement le vin qui reste sans plat et sans dessert et j’en profite au moins autant qu’avec un plat car le vin est de cette Bourgogne noble et sauvage que j’adore. Sa longueur est la signature d’un très grand vin.

En rentrant à l’hôtel, j’ai un sourire de contentement profond, car le hasard m’a souri. J’aurai très certainement le sommeil des gens heureux.

Repas dominicaux en famille mardi, 13 novembre 2018

Par une rare conjonction de planètes, mes trois enfants se retrouvent à déjeuner à la maison avec quatre de nos petits-enfants. J’avais suggéré à ma femme de faire un pot-au-feu avec des saucisses de Morteau et l’immense casserole mijotait depuis plus d’une journée. J’avais senti le bouillon et les choux et j’hésitais entre vin blanc et vin rouge, n’ayant pas en cave au domicile de vin jaune qui serait le compagnon idéal du plat.

Il se trouve que peu de jours avant j’avais regardé des vins dans la cave de ma maison, qui n’est qu’un embryon comparé à la cave principale. Je décidai d’essayer deux vins, un blanc et un rouge, ouverts deux heures avant l’arrivée de mes enfants.

L’apéritif se prend avec deux champagnes. Le premier est un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1988. Le pschitt est faible, la couleur est ambrée. Au premier contact, le champagne fait plus de trente ans, selon l’une de mes filles mais on prend conscience de sa rectitude, d’une puissance certaine et d’une grande solidité. C’est un grand blanc de blancs, rassurant et convainquant. Il y a des biscuits salés, des crevettes et des dés de saumon qui se grignotent avec enthousiasme.

A la suite, c’est un Champagne Dom Pérignon 1983 au pschitt absent et à la couleur encore plus ambrée que celle du Taittinger, ce qui fait qu’on pourrait le confondre avec un champagne rosé. Ce qui frappe immédiatement, c’est le charme et la longueur de ce champagne au fruit délicat. Il joue sur son charme et il est évident que le Taittinger est masculin, un Comte en armure sur son destrier, alors que le Dom Pérignon est féminin, lascif, jouant sur un fruit et une fleur des plus délicats. Et je ne peux m’empêcher de penser à tous ceux qui spéculent sur le nombre astronomique de bouteilles vendues sous le nom de Dom Pérignon, car je me trouve en face d’un champagne de l’aristocratie du champagne. Les deux champagnes sont grands, tous deux au sommet de leur art.

Nous passons à table et pour la saucisse de Morteau délicieuse et les légumes qui l’accompagnent, il y a un Clos Fornelli Vin Corse blanc Vermentino 2009 qui a obtenu une médaille d’argent au concours général agricole et qui titre 13,5°. Je n’ai pas de souvenir précis sur l’origine de ce vin qui est très probablement un cadeau. Le vin est jeune, droit, précis, mais manque quand même de vibration.

Le Clos de la Roche Cuvée Vieilles Vignes Domaine Ponsot magnum 2004 a beaucoup de caractère, vin bourguignon subtil, mais il manque un peu de joie de vivre, surtout sur le plat qui n’est pas un faire-valoir pour ce vin. Il retrouve du rythme et de l’énergie sur des fromages bien affinés comme un Brie et un saint-nectaire.

Pour le dessert fait de meringues diverses, nous finissons le Bonnezeaux Yves Baudriller 1937 qui a gardé une belle présence et beaucoup de charme. Ce repas de famille avait un avant-goût de Noël.

Le dîner se fait à trois avec ma femme et mon fils. Le menu sera simple : coquilles Saint-Jacques crues et caviar / caviar seul / meringues aux pépites de chocolat. Le caviar sera l’osciètre prestige de Kaviari. Nous buvons la fin du Dom Pérignon 1983 toujours ambré et toujours aussi fruité et fleuri, de grande élégance.

Vient ensuite le Champagne Substance de Selosse dégorgé en 2013. Il est fait selon la technique de la solera et comprend des champagnes de plusieurs années depuis 1986, avec sans doute une moyenne d’âge aujourd’hui de onze ou douze ans. Il est idéal pour le caviar délicieux au sel magnifiquement dosé. Il est droit, strict, précis, et d’une grande complexité. Il est vif, cinglant et très long. C’est le partenaire parfait du caviar que j’ai préféré associé aux coquilles crues légèrement sucrées plutôt que consommé seul, avec du pain et du beurre Bordier. Nous avons profité de trois belles expressions du champagne avec le Taittinger, le Dom Pérignon et le Selosse.

 

ce matin j’ai pu photographier un martin-pêcheur sur l’étang de ma maison. Une chance inouïe car ce petit oiseau est véloce et toujours en mouvement

la décoration centrale de la table

mon bonheur

le soir