Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Deux Moët d’anthologie mardi, 25 octobre 2022

Un lecteur de mon compte Instagram et de mon blog m’écrit et me contacte pour me dire qu’il aimerait boire avec moi deux champagnes mythiques, Moët 1911 et Moët 1928. Il est de pires propositions. Celle-ci ne se refuse pas. Pour répondre à cette générosité, je propose un Pétrus 1989 que j’adore.

Nous nous retrouvons un peu avant 11 heures au restaurant Pages pour ouvrir nos bouteilles. Je commence avec le Pétrus dont le bouchon est extrêmement serré dans le goulot. Il me faudra de longues minutes pour en venir à bout. Curieusement une partie de l’encre de l’écriture sur le bouchon s’est effacée lors du frottement du bouchon sur le cylindre du goulot, légèrement pincé en haut, ce qui justifie ces éraflures. Le nez du vin est prometteur.

J’ouvre les deux champagnes. L’un des bouchons bouge lorsque j’enlève le muselet. Les deux bouchons sont d’une qualité exceptionnelle, venant entiers et d’un beau liège. On lit nettement Brut Impérial, mais l’année est beaucoup plus difficile à lire sur les deux bouchons.

Pendant ces opérations je mets au point le menu avec le chef Ken pour satisfaire des vins aussi précieux. Il reste du temps avant le déjeuner aussi nous allons boire une bière au Bistrot 116 qui appartient aux propriétaires de Pages. Il n’y avait pas d’édamamés. Quelle tristesse !

Le menu mis au point avec le chef Ken est : amuse-bouches / bar en carpaccio / salade de homard / homard entier et sauce au vin / canard et pommes de terre / bœuf wagyu. S’il y a deux fois du homard, c’est parce que nous ne nous sommes pas compris avec Ken. Il avait la salade de homard au menu, alors que j’avais en tête le homard entier tel que nous l’avions eu au 268ème repas. Nous aurons donc profité des deux.

En servant les deux champagnes il apparaît nettement que le 1911 est plus clair et qu’il a des bulles, ce qui est incroyable pour un champagne de 111 ans. Boire un 1911 à 111 ans, quelle belle coïncidence dont Maxence me dit qu’il l’avait calculée. Maxence est très jeune, 23 ans, et collectionne les vins depuis l’âge de 19 ans et il a une impressionnante collection de Dom Pérignon. Il est donc très largement en avance sur le parcours de collectionneur que j’ai pu suivre.

Nous allons avoir tout au long du repas un parcours fascinant des deux champagnes, l’un passant en tête dans nos plaisirs et l’autre le dépassant la minute qui suit. On dirait que ces champagnes jouaient avec nous.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1911 a une couleur claire et une bulle sensible. Il est profond, droit, persuasif.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1928 a une couleur plus foncée, plus dorée, sans bulle apparente mais avec un joli pétillant en bouche. Ce champagne est plus large, plus fruité, mais moins vif que le 1911. Les deux sont absolument splendides. Le 1928 se met volontiers en avant et le 1911 est plus secret, mais brille par sa complexité. Il me semble impossible de dire lequel est le plus grand, tant ils sont différents, l’intellectuel 1911 et le séducteur 1928.

Nous avons donné un verre de chacun à Ken et à son équipe. Ils ont été subjugués.

Nous nous sommes amusés avec Maxence à prédire quel champagne gagnerait sur tel plat ou telle saveur et nous avons eu quasiment chaque fois l’intuition du vainqueur, mais les champagnes se jouaient de nous et nous étions complices. Quel bonheur d’avoir de si grands champagnes dans leur meilleur état.

Le Pétrus 1989 entre en scène sur le homard entier. C’est comme l’entrée en scène de Luciano Pavarotti. Tout en lui est parfait, riche mais aussi subtil, conquérant mais civilisé, à la rémanence en bouche infinie. Il y a de la truffe mais suggérée et une richesse noble et raffinée. On comprend pourquoi Pétrus jouit d’une telle aura quand on boit ce 1989. Il est resté d’une totale perfection pendant tout le repas. L’équipe de Ken a pu l’apprécier.

J’ai la chance de connaître tous les plats (presque) du restaurant Pages, aussi est-ce le canard qui m’a le plus enthousiasmé car il est nouveau pour moi ou du moins nouveau cette année. Et c’est sur cette chair que j’ai adoré le Pétrus, même s’il est sublime sur le homard.

Nous avons beaucoup parlé. Maxence pourrait presque être mon petit-fils. Il commence très tôt dans la découverte du monde du vin. Il ira très certainement très loin. Nous aurons sans doute l’occasion de nous revoir autour de vins chargés d’histoire.

Les 80 ans d’un ami d’enfance samedi, 22 octobre 2022

J’avais organisé deux importants repas qui se suivaient, un jeudi et un vendredi. La sagesse aurait été de refuser toute invitation à la suite mais le dîner de célébration des 80 ans d’un de mes amis d’enfance ne pouvait pas être refusé, même s’il faisait suite au déjeuner du 268ème de mes repas. C’est au restaurant La Contre-Allée que nous sommes une bonne cinquantaine de personnes à fêter cet ami que j’ai connu à l’Ecole Polytechnique. Je m’aperçois qu’ici tout le monde se connaît, car il y a majoritairement des astrophysiciens et les restaurateurs les connaissent tous, comme s’il s’agissait du siège d’une confrérie.

J’ai l’idée d’apporter pour ce dîner un Domaine de Montcalmès Frédéric Pourtalié Coteaux du Languedoc jéroboam 2009. Je n’arrive pas à me souvenir de la raison pour laquelle ce flacon est entré dans ma cave mais ce devait être une bonne raison car le vin est extrêmement bon, épanoui et large, profitant bien de l’ampleur que donne le format jéroboam. Ce fut une excellente surprise, et j’ai eu de nombreux compliments.

Comme le dit la chanson, quand un astrophysicien rencontre un astrophysicien, de quoi parlent-ils, d’histoires d’astrophysiciens, chaque orateur vantant les découvertes stellaires de mon ami. Je n’ai pas eu besoin de compter beaucoup d’étoiles dans le ciel avant de m’endormir.

Déjeuner impromptu au restaurant Pages mardi, 18 octobre 2022

Il va y avoir dans quelques jours un grand repas dans l’appartement de réception de Moët Hennessy. Je vais livrer les vins aussi est-ce le prétexte pour déjeuner ensemble au restaurant Pages, avec Nicolas, le maître de maison du bel appartement et Stanislas, le responsable des relations avec les grands clients privés de Moët Hennessy. Stanislas a invité François Mauss, le créateur du Grand Jury Européen et le créateur du « Davos du Vin », qui réunit de grands vignerons chaque année à la Villa d’Este. Je suis ravi d’avoir l’occasion de revoir ce grand homme du vin qui ne partageait pas, loin s’en faut, ma vision du vin, ce qui n’empêchait pas de s’apprécier mutuellement.

Je demande à Stanislas si je peux apporter du vin. Il m’y encourage aussi je vais choisir trois vins dans des zones de goûts que François Mauss peu l’habitude de fréquenter. Un ami américain avec lequel je vais organiser un gigantesque repas, de passage à Paris, va compléter notre table.

On commence par le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame rosé 2012. La robe est très timide mais pleine de charme comme provenant d’un tableau d’Elisabeth Vigée-Lebrun. Ce rosé a déjà une belle personnalité et est agréable à boire. J’attendrais encore un peu pour le boire car il va s’épanouir.

Le Meursault Genevrières Marey-Genelat (?) 1961 a un nom difficile à lire sur l’étiquette. Sa très belle couleur est fantastique. Ce qui est fascinant, c’est le finale, si long, avec une explosion de fruits rouges, oui, oui, rouges !. Ce vin est incroyable. Avec le poisson Saint-Pierre c’est un pur délice, riche, opulent, dominant.

Etant arrivé en avance, j’avais ouvert le Cérons (domaine illisible) 1959. Le parfum était si émouvant que j’ai demandé à Ken, le chef du restaurant Pages, avez-vous des palourdes ou des coques ? Il dit oui et nous avons une combinaison du salé de la coque avec la douceur sucrée du vin absolument immense. Un ami qui buvait à l’aveugle proposa Climens, ce qui montre à quel point ce Cérons est impérial.

Le Château Canon la Gaffelière 1971 que j’ai apporté aussi est très élégant, solide et d’une parfaite sérénité. Pureté et élégance. 1971 est un millésime très abouti. Un grand plaisir de boire ce saint-émilion aussi équilibré et vif.

Le Termanthia Bodega Numanthia 2015 est largement meilleur que celui que j’avais déjà bu. Un vin espagnol solide et structuré, agréable à boire maintenant mais qui s’épanouira agréablement.

Le vainqueur, de loin, est l’incroyable Meursault 1961, suivi du si charmant Cérons 1959. Ce fut un bon déjeuner avec de bons amis. Un grand moment. Et la cuisine de Pages est toujours parfaite.

Déjeuner au restaurant Ôrtensia samedi, 15 octobre 2022

Bipin Desai est un scientifique américain d’origine indienne, grand amateur avec lequel j’ai organisé de magnifiques dîners de vignerons amis. Il vit en Californie et vient chaque année en France et pratique les plus grands restaurants français. Il n’a pas pu venir pendant le confinement et nous nous retrouvons après cette longue absence. Je lui ai proposé de le faire au restaurant Ôrtensia à déjeuner.

Nous sommes accueillis par le sommelier Romain qui est absolument brillant, gai, dynamique et va avoir réponse à tout. Bipin demande que nous prenions un champagne au verre, option qui n’est pas écrite dans la belle carte des vins.

Romain nous propose un Champagne JMSELEQUE dégorgé en novembre 2021 avec 50% de chardonnay et 50% de réserve perpétuelle. Je n’avais jamais entendu parler de ce champagne. Même si je suis habitué aux champagnes plus vieux, j’ai apprécié son acidité très bien construite. Il est agréable à boire et élégant pour des accords de gastronomie. J’ai demandé sur Instagram si certains de mes abonnés connaissent cette maison et j’ai eu beaucoup de réponses indiquant que c’est le vigneron qui monte et va jouir d’une belle notoriété.

Le chef Terumitsu Saito propose un menu unique qui est d’une belle exécution, avec des saveurs de grande qualité. Voici l’intitulé : Amuse-bouche / Tataki de rouget & gelée de crevettes, nori et radis noir / Saint-Pierre de petite pêche, tempura de cèpes, artichauts & condiment citron / Cochon ibérique, racine de lotus, figues & bao noir / Pomme & carotte / Chocolat, sarrasin & iri-bancha / Mignardises sucrées.

Sachant que l’on aurait poisson et viande, j’ai commandé deux vins que j’aime et, chose rare qui sont tous les deux de 2005. Un restaurant qui en présente mérite des compliments.

Le Clos Sainte Hune Trimbach 2005 est d’une belle couleur de blé jeune. Je considère que le Riesling est probablement le cépage le plus pointu, avec une précision unique. Il n’a pas l’extravagance du pinot noir ni l’énergie du chardonnay, mais sa précision est extrême et parmi tous les rieslings, Sainte Hune est un seigneur. Ce 2005 a une parfaite maturité. Il a la fluidité de l’eau d’une cascade et un beau fruit citronné. Il est à 17 ans d’une maturité calme. On se régale.

Le Châteauneuf du Pape Cuvée Marie Beurrier Henri Bonneau 2005 est lourd, solide, mais je ne perçois pas le charme qui appartient à ce vin d’un producteur qui me passionnait. Il était comme un vigneron du 17ème siècle. La cave a oublié d’être propre, mais Henri connaissait précisément l’évolution de chaque fût. Un magicien. Je ne ressentais pas la magie et comme en un paradoxe le vin est devenu ce que je souhaitais sur un dessert au chocolat amer. Il s’est montré royal.

Et le lendemain (j’avais gardé la bouteille), il est devenu miraculeux sur une épaule d’agneau. Tout y était, puissance, énergie et charme. Un délice.

Bipin Desai va aller demain au restaurant Plénitude pour goûter la cuisine d’Arnaud Donckele. Avant de me voir il était allé à Guy Savoy et au Taillevent. Cet homme de 87 ans est infatigable. Je le lui souhaite pour longtemps.

Dîner avec mon fils à la maison vendredi, 14 octobre 2022

Après la session de travail au Plénitude, je rejoins ma femme et mon fils au restaurant du Pavillon de la Reine dont la cuisine est inspirée par le chef Matthieu Pacaud, fils du propriétaire historique de l’Ambroisie. Sylvain le directeur de salle est très sympathique. La cuisine est très avenante. Nous avons bu de la bière, car le soir même, nous allons festoyer avec mon fils à la maison.

Le soir donc, l’apéritif commence avec une bouteille reçue il y a quelques jours qui me pose beaucoup de questions. Avant les vacances, un fournisseur occasionnel m’avait proposé un Krug 1969 au niveau bas mais selon lui, de belle couleur. Le prix étant attrayant, j’ai payé et la bouteille a été livrée plus de deux mois plus tard. Dans une boîte en polystyrène on voit que la bouteille a fui. Elle est entourée au niveau du goulot d’un tissu de protection fermé par des rubans adhésifs, et le tissu est humide. Ceci prouve que mon fournisseur savait que la bouteille fuyait. Je sens le tissu et il pue la vinasse. Je m’en veux d’avoir acheté ce champagne si vilain. Il n’y a qu’avec mon fils que je peux boire un tel vin grabataire. Deux jours après, même en ayant enlevé le linge, l’odeur de vinasse subsiste et c’est seulement cinq jours après que l’odeur a disparu. Nous allons donc l’essayer.

A l’ouverture le Champagne Krug millésime 1969 a surtout une odeur d’âge avancé. Il semble fade. Au moment du service, environ deux heures après, l’odeur est plus normale. La couleur du champagne est presque orangée comme s’il s’agissait d’un champagne rosé. Le bouchon ne collait plus au goulot, ce qui explique la perte de volume. Nous le buvons et mon fils, fort poliment, ne le critique pas. On ressent que c’est un Krug, mais un Krug fatigué et en fin de vie. Quand je dis à mon fils que je vais ouvrir autre chose, il est soulagé.

J’avais acheté il y a quelques années un lot de Champagne Krug Private Cuvée années 60 ou 70. Mon fournisseur fidèle avait goûté une des bouteilles et m’avait conseillé le lot. J’avais assez rapidement après goûté l’une des bouteilles et j’avais été conquis. Celle que j’ouvre a un bouchon parfait, un joli pschitt et une bulle abondante. Dès la première gorgée, on sait qu’il était inutile de continuer avec le Krug 1969, car l’écart de qualité est impressionnant. Ce Grande Cuvée est magistral, vif, fin, ciselé et noble. C’est un Krug majestueux. Un grand bonheur. Avec du saucisson et des chips à la truffe, on se régale.

Pour un filet de bœuf j’ai ouvert il y a quatre heures un Hermitage M. de la Sizeranne Chapoutier 1949 au beau niveau dans la bouteille. La capsule est en plastique et le verre de la bouteille est enfermé dans un filet métallique. Le bouchon vient normalement et l’odeur à l’ouverture est engageante. Le vin est servi à l’aveugle pour mon fils et spontanément il pense Bourgogne et va même jusqu’à suggérer domaine de la Romanée Conti. Autant je comprends l’idée de la Bourgogne car le vin est d’une subtilité rare qui pousse vers cette région, autant j’approuve moins le choix de la Romanée Conti car il n’y a aucune suggestion de sel.

Pour l’âge, mon fils suggère 1981 ou 1983 et je le comprends car ce vin qui n’a pas d’âge pourrait très bien être situé dans cette période. Si je pense à l’Hermitage La Chapelle 1949, que je trouve presqu’aussi grand que le légendaire 1961, ce 1949 de Chapoutier n’est pas au même niveau, mais il est grand, d’une sensible générosité et d’une belle franchise. C’est un grand vin abouti. Nous avons passé une bien belle soirée et boire des vins avec mon fils est un plaisir particulier, car nous nous comprenons instinctivement.

Déjeuner au restaurant Pages mardi, 11 octobre 2022

Un organisateur d’événements rares pour des touristes étrangers crée le contact avec le propriétaire d’un château historique français qui veut organiser des diners de haut niveau dans son magnifique château. Nous nous retrouvons au restaurant Pages pour bavarder de projets possibles. Je suis arrivé une demi-heure avant mes invités pour ouvrir les vins que j’ai apportés avec l’intention de proposer des goûts qui ne sont pas habituels. J’ai le temps de bavarder avec le chef Ken pour que les plats s’adaptent par leurs sauces à mes vins.

Le Champagne Rare de Piper Heidsieck 1979 est celui que j’avais ouvert il y a deux jours dont il restait suffisamment. La couleur s’est un peu assombrie mais le champagne offre un fruit abondant et généreux. Il a encore une très belle énergie et accompagne avec succès une daurade royale en carpaccio.

Le Chablis Grand Cru Blanchot Domaine Vocoret 1988 est d’une jolie maturité. La couleur est d’un or clair et le vin est large et presque gras. Il est magnifiquement épanoui et subtil. Sur le turbot à la sauce claire assorti de coques, c’est un régal.

Le Château Léoville Poyferré Saint-Julien 1959 a un fort parfum de truffe. Il est dense et puissant, concentré et large. Ce millésime réussi lui donne une belle longueur. Le veau à la chair délicate a été d’une sauce qui crée un bel accord.

Ce déjeuner exploratoire pourrait conduire à de beaux événements. A suivre.

Repas de conscrits au Polo de Paris lundi, 10 octobre 2022

Notre club de conscrits ne s’était pas réuni depuis presque quatre mois. Nous sommes huit, au complet, ce qui est rare. L’ami qui invite a choisi le Polo de Paris pour nous recevoir. Les espaces fleuris sont magnifiques et la salle de restaurant est vaste.

Notre ami a apporté deux champagnes dont il connait le propriétaire. Le reste est pris sur la carte du restaurant. Le Champagne Taittinger Brut sans année est simple mais joue son rôle. Nous grignotons des cacahuètes et des petits biscuits salés.

Les champagnes de la maison Champagne Gautherot, l’un simple et l’autre millésimé 2015, apportés par mon ami sont fort agréables.

Les huîtres qui sont proposées sont superbes, vivantes et salées. Un régal. Le Montagny Premier Cru Joseph Drouhin 2020 a une jeunesse qui ne me rebute pas. Il s’accouple avec les huîtres aimablement.

Le Saint-Joseph Le Grand Pompée Paul Jaboulet Ainé 2021 est peut-être le premier 2021 que je bois. On fait maintenant des vins prêts à boire qui passent facilement en bouche, mais il leur manque quand même de la matière. Elle apparaîtra plus tard. Le cabillaud est bon et accepte le vin.

Pour les fromages nous avons Château Citran Haut-Médoc 2016 et un Château Labégorce Margaux 2013. Nos discussions étaient tellement animées que je les ai bus sans en ressentir tous les atouts.

Ce sont surtout les échanges avec les débatteurs dynamiques de mon âge qui sont le point le plus gratifiant de ces repas d’amitié.

Repas d’anniversaire dimanche, 9 octobre 2022

C’est le déjeuner d’anniversaire de ma fille cadette. Nous sommes huit dont quatre buveurs. L’apéritif est composé de gougères et de deux tartes à l’oignon. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 a eu un beau pschitt à l’ouverture et sa couleur ne montre aucun signe d’âge. Ce champagne est d’une belle sérénité. Il est rassurant. Il n’a pas l’émotion et la vibration du 1996 que j’adore, mais il est très agréable.

Le Champagne Rare de Piper-Heidsieck 1979 a une bouteille d’une grande beauté et de belle élégance. Le pschitt était présent à l’ouverture mais discret. La couleur est nettement ambrée. La première gorgée est saisissante. L’acidité est vive et entraînante. Et les goûts se succèdent en strates. C’est un festival de complexités. Ça bouge en bouche ! Quel grand champagne aux saveurs inconnues. On se régale.

Le menu est simple : poulet rôti et écrasé de pommes de terre / fromages camembert Jort, saint-nectaire, époisses, brebis / mangues crues et dessert au chocolat et aux noisettes.

Le Corton Renardes Michel Gaunoux 1974 est un vin que je connais par cœur et qui me surprend toujours par sa pertinence. Il a des accents salés très proches de ceux du domaine de la Romanée Conti et il est rêche comme savent l’être les bons vins bourguignons des années discrètes. J’adore ce vin qui est une des plus belles réussites de ce millésime en Bourgogne. Avec le poulet l’accord est parfait, la belle sauce lui apportant de l’énergie.

Le Grignolino S. Astibarbera 1974 est un vin de table de la région d’Asti. Je l’ai choisi pour son année qui est celle de ma fille. Il titre 12,3° d’alcool et sa bouteille est de 72 centilitres. Originalité des chiffres. Sa couleur est assez foncée et en bouche on ressent un degré d’alcool plus élevé que celui annoncé. Ce qui me frappe, c’est que ce vin italien a tout d’un vin algérien, car le goût de café est très marqué. Ce vin simple me plait beaucoup. Il va s’accorder avec les fromages de belle façon. C’est une belle surprise.

Il reste dans le réfrigérateur des vins doux qui avaient été ouverts avant les vacances d’été. Pour le dessert au chocolat c’est tentant de les essayer. Le Madère Sec Joâo Marcello Gomez probablement des années 50 a gardé une belle énergie et se boit bien.

En revanche le Sherry du Cap 1862 s’est affadi et a perdu son caractère brillant. Il est temps d’oublier cette bouteille. Ce repas d’anniversaire, empli de rires et d’affection est un grand bonheur.

Dîner au restaurant Maison Rostang samedi, 8 octobre 2022

Un fournisseur occasionnel m’avait proposé avant les vacances un Krug avec cette indication : « niveau bas ». Les photos de mauvaise qualité ne permettaient pas de vraiment juger le vin, mais j’ai donné mon accord. La bouteille m’a été livrée et le vendeur m’avait annoncé avoir réservé une surprise. Lorsque je déballe le colis je vois que le champagne est beaucoup plus bas que ce que j’imaginais mais ce qui me rebute, c’est que le vilain chiffon qui entoure le haut du goulot et n’arrive pas à stopper la perte de volume dégage une odeur insupportable. Il est probable que le vin est en grande difficulté.

Le cadeau qui est joint aurait normalement tout pour plaire puisqu’il s’agit d’un Meursault les Tessons, Clos de Mon Plaisir Guy Roulot et Fils 1978. C’est un grand vin, mais le niveau a baissé de quinze centimètres environ et la couleur vue à travers le verre est très sombre. Je m’en veux d’avoir été aussi imprudent et je ne crois pas que le Meursault pourra compenser mon imprudence.

Il se trouve que j’invite à dîner un ami fidèle de mes dîners qui me demande chaque année d’organiser un repas pour ses amis. Nous aurons un repas prochainement à la Maison Rostang. Il me paraît opportun d’inviter mon ami au restaurant Maison Rostang ce qui me permettra de mettre au point le menu du futur repas avec le chef Nicolas Beaumann. Je sais que mon ami aime les vins anciens aussi, ayant envie d’en avoir le cœur net au sujet de ce Meursault qui a tant souffert, je le prends pour le boire avec lui. Nous verrons bien. La carte des vins du restaurant est telle que nous pourrons toujours remplacer ce vin.

Très en avance au restaurant, j’ai le temps de mettre au point le menu du futur déjeuner avec le chef, car nous nous comprenons extrêmement facilement et nous composons même le menu de ce soir.

Sortant le 1978 de ma besace, je montre le vin au sommelier Jérémie, et je lui demande s’il veut l’ouvrir, alors que j’ai mes outils avec moi. Jérémie me dit qu’il va prendre son bilame et part en cuisine avec le vin. Ne le voyant pas revenir après de longues minutes, je m’inquiète et je vais en cuisine. Là, je suis prêt à m’évanouir. Je vois la bouteille, une carafe avec le vin, un verre et les outils. En fait Jérémie a fait tomber quelques miettes dans la bouteille, a essayé de les récupérer, et n’y arrivant pas, a transvasé le vin dans une carafe et s’apprêtait à remettre le vin dans la bouteille qu’il avait lavée de ses impuretés. Mon dieu que la couleur du vin est terreuse. Il y a un risque majeur, mais allons jusqu’au bout.

Mon ami arrive et avec Jérémie, l’idée vient de prendre de la cave du restaurant un jeune Meursault de Roulot. Jérémie suggère un Meursault Clos du Haut Tesson A Mon Plaisir domaine Roulot 2014. Ce vin a un parfum magnifique, glorieux et puissant. En bouche, il est évidemment très jeune, vif et tranchant.

Le Meursault les Tessons, Clos de Mon Plaisir Guy Roulot et Fils 1978 a une couleur tuilée et terreuse qui rebuterait la quasi-totalité des amateurs, mais mon ami, habitué de mes dîners, sait qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Il goûte le vin avec moi et lui trouve une largeur et une consistance beaucoup plus plaisante que celle du 2014. Je dois lui tirer mon chapeau, car beaucoup d’amateurs auraient été influencés par la fatigue du vin. Il est fatigué, mais il a gardé une belle consistance et un gras fort sympathique.

Notre repas, conçu par Nicolas Beaumann est : langoustine, homard et pigeon. Les amuse-bouches permettent de comparer les deux vins, le jeune au parfum envoûtant et à l’acidité présente et le ‘vieux’, si l’on peut dire, plus large avec plus de gras et une belle présence, si l’on sait passer au-dessus de ses petits défauts.

La langoustine est présentée avec des coques qui lui donnent une bouffée d’iode et le 1978 est le plus à son aise avec le plat, gagnant en largeur. Le homard bleu breton est parfaitement cuit et les deux vins s’adaptent à lui formant deux accords assez différents, le jeune dans la vivacité et l’ancien dans le confort.

Pour le pigeon délicieux, Jérémie m’avait conseillé un Châteauneuf-du-Pape domaine Charvin 2009, me vantant une similitude avec les vins d’Henri Bonneau. Je n’avais à ce jour jamais bu de Châteauneuf de ce domaine. Il est bon, a un fruit fort et plaisant, mais c’est un vin qui va en profondeur plus qu’en largeur, ce qui limite mon plaisir. Il manque quelque chose pour mon palais, mais le pigeon est tellement bon que l’ensemble se conçoit.

Nous poursuivons avec de délicieux fromages. J’ai pris un époisses, un salers très affiné et un fromage de brebis. Avec ces fromages forts, le vin rouge devient beaucoup plus intéressant.

La cuisine est de haute qualité et la présentation des plats est esthétiquement réussie. Jérémie a bien accompagné notre repas et je ne peux pas lui en vouloir d’avoir compliqué l’ouverture du 1978. Dans une ambiance très conviviale avec le personnel du restaurant, nous avons, mon ami et moi, vécu un très beau repas. Et je ne féliciterai jamais assez mon ami qui a su comprendre un vin fatigué et en tirer une expérience positive. Il l’a même désigné premier des trois vins du repas.

dîner au restaurant Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen jeudi, 6 octobre 2022

Nous invitons des amis à dîner au restaurant Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen. À la confirmation de la réservation on m’a demandé l’empreinte de ma carte bleue et quelques jours avant le repas, un maître d’hôtel s’est proposé pour m’aider à préparer cette expérience gastronomique. Cela part d’un bon sentiment mais il m’a semblé plus pertinent que nous fassions les choix avec nos amis.

Le jour venu, quand je donne mon nom, une aimable hôtesse m’indique que nous sommes attendus en cuisine. Nous descendons des escaliers étroits et nous arrivons dans une salle immense où une brigade importante travaille. Tout ce monde s’affaire, ce qui n’empêche pas les sourires et la gentillesse de l’accueil. Yannick Alléno arrive et nous propose un apéritif impromptu en cuisine. Quelle aimable attention ! Il nous fait croquer des châtaignes originales, un petit plat au lait et un tempura de cèpe. Nous sommes tellement heureux de nous revoir. Un membre de l’équipe nous sert une coupe de Champagne Diebolt Vallois fort plaisant. Ce moment imprévu est un beau geste d’amitié.

Nous montons à l’étage du restaurant gastronomique et la décoration est originale. Les murs et le plafond de cette salle sont classés et immuables et des paravents légers séparent les tables sans que cela donne l’impression d’être isolés.

Chacun de nous quatre reçoit un menu personnalisé par son prénom, ce qui est, une fois de plus, une délicate attention. Nous choisissons le menu collection découverte dont seul le plat central est optionnel. Voici mon menu : primeur, cueillette improvisée, extraction en gelée délicate / royale d’oursin en texture, beignets de crevettes bouquet / tourteau dit dormeur, cuit à la cheminée sur une tranche de chou-fleur au curry, sauce liée aux parties crémeuses / pigeon mariné puis soufflé et poché au « lait de Sakura », cerises au jus de presse anis, caillé et roquette sauvage / figue de chez monsieur Baud au curry, confiture / anneaux croustillants de feuilletage glacés au café, gelée d’extraction de topinambour et raisins gorgés au Paradis.

Le choix des vins dans le livre de cave est un chemin périlleux, car dès que mes yeux se posent sur un vin qui me fait envie, la colonne des prix me fait faire la grimace. Je vais donc jouer « petit bras » pour deux vins et me « lâcher » pour le troisième.

Le Champagne Chartogne-Taillet Cuvée Sainte Anne Brut est un champagne que quinze ans auparavant j’aurais ignoré, car ces champagnes très nature, relativement simples n’étaient pas dans ma démarche. Mais celui-ci, pur, franc, direct et de belle acidité est un appel à la gastronomie. Il a besoin de se confronter à des saveurs franches et il se révèle d’une souplesse qu’il n’a pas sans un plat. Avec l’entrée l’accord se trouve et j’apprécie ce champagne.

J’ai choisi dans la carte des vins un Bourgogne Blanc Coche-Dury 2017 car j’ai le souvenir d’avoir eu une immense surprise en buvant le Bourgogne Rouge Coche Dury au restaurant La Cagouille, démontrant que sur un vin sans appellation ce magicien de Jean-François Coche-Dury est capable de faire des miracles. Là, au premier abord, je n’éprouve pas le sentiment de prodige car le vin est assez calme. Mais le miracle que j’attendais va se produire avec le plat d’oursin qui est une merveille. Le vin s’élargit, s’anime, et devient grand. C’est cela que je désirais.

L’Hermitage Jean- Louis Chave 2006 est un grand Hermitage. Il paraît tellement facile et accessible. En lui tout est judicieusement équilibré. Ce n’est peut-être pas la plus grande des années de cet Hermitage, mais à ce niveau de qualité, peu importe. Alors on est à l’aise et heureux. Avec le pigeon l’accord est parfait et même avec les petites cerises si expressives, le vin jubile.

Au cours du repas, deux des chefs que nous avions vus en cuisine sont venus expliquer leurs plats et ils savent en parler comme personne ne le ferait. On sent leur implication et leur enthousiasme. Les deux plats que j’ai considérés comme les plus brillants sont les deux premiers servis, la cueillette improvisée et la royale d’oursin.

Dans ce temple de la gastronomie, nous avons passé avec nos amis une excellente soirée.