Deux Moët d’anthologiemardi, 25 octobre 2022

Un lecteur de mon compte Instagram et de mon blog m’écrit et me contacte pour me dire qu’il aimerait boire avec moi deux champagnes mythiques, Moët 1911 et Moët 1928. Il est de pires propositions. Celle-ci ne se refuse pas. Pour répondre à cette générosité, je propose un Pétrus 1989 que j’adore.

Nous nous retrouvons un peu avant 11 heures au restaurant Pages pour ouvrir nos bouteilles. Je commence avec le Pétrus dont le bouchon est extrêmement serré dans le goulot. Il me faudra de longues minutes pour en venir à bout. Curieusement une partie de l’encre de l’écriture sur le bouchon s’est effacée lors du frottement du bouchon sur le cylindre du goulot, légèrement pincé en haut, ce qui justifie ces éraflures. Le nez du vin est prometteur.

J’ouvre les deux champagnes. L’un des bouchons bouge lorsque j’enlève le muselet. Les deux bouchons sont d’une qualité exceptionnelle, venant entiers et d’un beau liège. On lit nettement Brut Impérial, mais l’année est beaucoup plus difficile à lire sur les deux bouchons.

Pendant ces opérations je mets au point le menu avec le chef Ken pour satisfaire des vins aussi précieux. Il reste du temps avant le déjeuner aussi nous allons boire une bière au Bistrot 116 qui appartient aux propriétaires de Pages. Il n’y avait pas d’édamamés. Quelle tristesse !

Le menu mis au point avec le chef Ken est : amuse-bouches / bar en carpaccio / salade de homard / homard entier et sauce au vin / canard et pommes de terre / bœuf wagyu. S’il y a deux fois du homard, c’est parce que nous ne nous sommes pas compris avec Ken. Il avait la salade de homard au menu, alors que j’avais en tête le homard entier tel que nous l’avions eu au 268ème repas. Nous aurons donc profité des deux.

En servant les deux champagnes il apparaît nettement que le 1911 est plus clair et qu’il a des bulles, ce qui est incroyable pour un champagne de 111 ans. Boire un 1911 à 111 ans, quelle belle coïncidence dont Maxence me dit qu’il l’avait calculée. Maxence est très jeune, 23 ans, et collectionne les vins depuis l’âge de 19 ans et il a une impressionnante collection de Dom Pérignon. Il est donc très largement en avance sur le parcours de collectionneur que j’ai pu suivre.

Nous allons avoir tout au long du repas un parcours fascinant des deux champagnes, l’un passant en tête dans nos plaisirs et l’autre le dépassant la minute qui suit. On dirait que ces champagnes jouaient avec nous.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1911 a une couleur claire et une bulle sensible. Il est profond, droit, persuasif.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1928 a une couleur plus foncée, plus dorée, sans bulle apparente mais avec un joli pétillant en bouche. Ce champagne est plus large, plus fruité, mais moins vif que le 1911. Les deux sont absolument splendides. Le 1928 se met volontiers en avant et le 1911 est plus secret, mais brille par sa complexité. Il me semble impossible de dire lequel est le plus grand, tant ils sont différents, l’intellectuel 1911 et le séducteur 1928.

Nous avons donné un verre de chacun à Ken et à son équipe. Ils ont été subjugués.

Nous nous sommes amusés avec Maxence à prédire quel champagne gagnerait sur tel plat ou telle saveur et nous avons eu quasiment chaque fois l’intuition du vainqueur, mais les champagnes se jouaient de nous et nous étions complices. Quel bonheur d’avoir de si grands champagnes dans leur meilleur état.

Le Pétrus 1989 entre en scène sur le homard entier. C’est comme l’entrée en scène de Luciano Pavarotti. Tout en lui est parfait, riche mais aussi subtil, conquérant mais civilisé, à la rémanence en bouche infinie. Il y a de la truffe mais suggérée et une richesse noble et raffinée. On comprend pourquoi Pétrus jouit d’une telle aura quand on boit ce 1989. Il est resté d’une totale perfection pendant tout le repas. L’équipe de Ken a pu l’apprécier.

J’ai la chance de connaître tous les plats (presque) du restaurant Pages, aussi est-ce le canard qui m’a le plus enthousiasmé car il est nouveau pour moi ou du moins nouveau cette année. Et c’est sur cette chair que j’ai adoré le Pétrus, même s’il est sublime sur le homard.

Nous avons beaucoup parlé. Maxence pourrait presque être mon petit-fils. Il commence très tôt dans la découverte du monde du vin. Il ira très certainement très loin. Nous aurons sans doute l’occasion de nous revoir autour de vins chargés d’histoire.