Déjeuner dominicalvendredi, 14 avril 2023

Ma fille cadette vient déjeuner à la maison avec trois de mes petits-enfants, qui ne sont pas ses enfants (ce n’est pas une énigme à trouver). J’ai acheté un cœur de filet de saumon de Kaviari qui sera pris en apéritif, aussi un vin blanc semble le plus pertinent.

Au frais, il y a un Hermitage Chante Alouette Chapoutier 1945. Lorsque je soulève la bouteille, je m’aperçois que le niveau est très bas, qu’un catalogue de vente de vins qualifierait de « vidange ». La couleur est ambrée mais acceptable. Par précaution je saisis aussi une autre bouteille sans étiquette, d’un vin blanc de Faiveley Négociant, de très belle couleur et de meilleur niveau, qui semble beaucoup plus ancien.

La bouteille du 1945 est cernée d’une résille métallique qui a permis aux étiquettes décollées de rester en place. Le bouchon se brise mais vient sans perdre de miettes dans la bouteille. Je sens le vin et à mon grand étonnement, le parfum est très pur. Aucun défaut n’apparaît.

Je fais sentir à ma femme qui juge le vin un peu sucré et comme moi ne sent aucun défaut. Comme nous serons deux ou trois seulement à boire, je n’ouvre pas le Faiveley.

Nos invités arrivent trois heures après l’ouverture du vin blanc. L’Hermitage Chante Alouette Chapoutier 1945 a un parfum doux et discret très agréable. Le saumon cohabite avec le vin en parfaite harmonie, le gras du saumon mettant en valeur l’acidité conservée du vin. On peut dire que ce vin est agréable, combinant des tendances de vin sec avec des instants de douceur. Il peut passer de tendances de sauternes sec à des évocations de vins du Jura.

Lorsque nous passons à table, le vin est bu avec le poulet et les pommes de terre et l’accord se trouve mais moins percutant qu’avec le saumon.

Je vais chercher un vin rouge en cave et c’est au hasard que je choisis un Château Haut-Marbuzet 1989. Lorsque je dirigeais un groupe de sociétés dont le siège social était à La Courneuve, j’allais déjeuner parfois dans un cercle d’entrepreneurs du Bourget et je choisissais toujours du Haut-Marbuzet, bordeaux atypique, très riche, franc et plaisant. C’était il y a quarante ans et en buvant ce 1989 de nombreux souvenirs me reviennent. Ce vin est riche, franc, cohérent, de belle puissance puisqu’on sent la lourde truffe et un fort grain. Voilà un vin rassurant qui plairait à tout amateur.

Il accompagne bien les pommes de terre et provoque de beaux accords avec les fromages et même un Brillat-Savarin qui n’est pourtant pas l’ami naturel des bordeaux.

Le dessert d’une tarte aux pommes et de mini éclairs aux divers chocolats s’est pris sans vin.

C’est encore une fois un beau repas de famille. La grande leçon est qu’il faut toujours laisser sa chance au vin, car le Chante Alouette 1945 aurait probablement été éliminé ou délaissé par des amateurs qui n’auraient cru en lui. Il faut faire confiance aux vins, capables de belles surprises.