Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

157ème dîner de wine-dinners – les vins mercredi, 25 avril 2012

Champagne mousseux de Moët & Chandon sans année vers 1980

Moët pense que cette bouteille est un faux, notamment avec cette photo qui montre deux accents sur le mot « fondéé ».

Mais alors, pourquoi le goût était-il aussi bon ?

Champagne Bollinger R.D. 1988

Chambolle-Musigny Chanson Père & Fils 1955

Chapelle-Chambertin Clair Daü 1976

La Tâche domaine de la Romanée Conti 1983

Grands-Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1989

Clos de Vougeot Bouchard Père & Fils 1961

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961

Côtes de Nuits vigneron inconnu 1947

Bourgogne très vieux vers 1900

Gevrey-Chambertin de Lavoyepierre négociant 1949

Château Haute-Sage 1ères Côtes de Bordeaux 1960 #

Château Lafaurie Peyraguey 1964

157ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent mercredi, 25 avril 2012

Le 157ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. C’est un américain que je rencontre chaque année lors de la présentation des vins du domaine de la Romanée Conti qui m’avait demandé d’accueillir son club de vins lors d’un de mes dîners. Et il avait ajouté : « pas de bordeaux, et une majorité de rouges ».

A 17h30 je suis à pied d’œuvre au restaurant pour ouvrir les bouteilles dans l’ordre de service. Pour faire plaisir à ce groupe, alors qu’il y avait déjà deux vins du domaine de la Romanée Conti, j’avais ajouté une autre bouteille du domaine, de niveau assez bas, qui devait se boire. Hélas, je constate que la couleur a complètement viré depuis que je l’avais mise en caisse il y a une semaine. La raison est simple : le bouchon a dû tomber dans le liquide pendant le transport entre ma cave et le restaurant. Le Grands-Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1956 que je goûte a une attaque possible, mais le verdict est sans appel. Il est mort. J’envisage avec Ghislain que l’on puisse le goûter à table en prenant la précaution de recracher ce que l’on boit. Mais cette hypothèse évoquée avec mes convives ne sera pas concrétisée : pourquoi se faire mal alors qu’on boit si bien. J’avais prévu deux vins de réserve. Je les ajoute et commence alors la cérémonie d’ouverture.

Le bouchon du Chambolle-Musigny Chanson Père & Fils 1955 se brise en mille morceaux. L’odeur est incertaine. Nous verrons. Lorsque j’enlève la capsule du La Tâche domaine de la Romanée Conti 1983, une puanteur forte assaille mes narines. C’est un pourrissement qui s’est produit par le petit trou qui existe au sommet de la capsule. Heureusement, seul le haut du bouchon est blanc de moisissure. Le reste est impeccable et l’odeur du vin est délicieusement celle des vins du domaine.

Le bouchon de l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1989 est parfait et le parfum aussi. Qui dirait que le bouchon du Clos de Vougeot Bouchard Père & Fils 1961 est beaucoup plus long que celui de l’Echézeaux ? Je ne l’aurais jamais parié. Les deux bouchons des deux 1961 viennent sans histoire et les senteurs sont pures. Le bouchon du vin de 1947 vient en charpie, celui du supposé 1900 est noir comme du cambouis, celui du Gevrey-Chambertin de Lavoyepierre négociant 1949 se brise à peine. Il est bien souple et le vin promet. Le sauternes de 1964 a un parfum de fruits lourds à se damner et le Premières Côtes de Bordeaux a un parfum délicat.

Le doute n’existe que pour le 1955. Les autres vins ont des parfums conformes à mes attentes. Je suis serein.

Nous sommes dix autour de la table, dix mâles dont huit américains, un français de leur groupe et moi. Ils sont tous passionnés de vins mais n’ont pas une grande expérience des vins anciens. Ils vont aller de surprise en surprise.

Dans la rotonde et sur de délicieux petits snacks de bienvenue, nous dégustons un vin qui est première pour moi, c’est un Champagne mousseux de Moët & Chandon sans année vers 1950. Je l’avais annoncé début des années 80 mais en regardant le bouchon tout chevillé et la couleur invraisemblable, il est très probable que ce champagne soit des années 50. Il est d’une couleur acajou, il n’a pas de bulle, et il faut de l’attention pour percevoir le pétillant, presque disparu. En bouche, je crois que je n’ai jamais bu un champagne aussi dosé. On a l’impression de boire un muscat. Ce champagne est absolument délicieux, et avec les beignets de merlan, c’est un bonheur. Je me délecte de ce vin suave, doucereux, que l’on classerait plus dans les vendanges tardives que dans les champagnes. Un régal.

Nous passons à table dans la belle salle à manger. Le menu créé par Alain Pégouret est ainsi organisé : Beignet de merlan, sauce tartare / Homard rôti au beurre de sauge, petits pois, bisque légère / Fricadelle de tête de veau servie tiède, pousses de moutarde et condiments / Pigeon à peine fumé et rôti, pissaladière de jeunes légumes, sauce piquante / Pièce de bœuf rissolée et servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent » jus aux herbes / Noix de ris de veau dorée au sautoir, morilles / Tarte sablée aux agrumes / Café, mignardises et chocolats.

Le Champagne Bollinger R.D. 1988 crée un choc important après le Moët. Nous avons l’impression de commettre un infanticide tant il paraît trop jeune en comparaison de l’autre. Il est bon, mais la force de sa bulle paraît excessive après la douceur suave du « mousseux » de Moët. Le homard est délicieux mais ne crée pas de synergie avec le champagne.

Mes convives ayant peu d’expérience de vins très anciens, je leur fais moult recommandations pour ne pas juger trop vite. Aussi lorsque nous commençons à boire le Chambolle-Musigny Chanson Père & Fils 1955, le français de leur groupe m’envoie un regard qui en dit long et que j’interprète ainsi : « vous avez bien fait de nous prévenir, car votre vin est malade ». Il se fonde en effet sur le parfum du vin, assez animal, qui annonce une fatigue certaine. Mais le goût du vin est complètement à l’opposé de son odeur. Aucune trace animale ou de vieillesse n’existe et au contraire, le vin est vif, profond, d’une trame très riche. C’est un vin excellent et l’auteur de l’œillade sera particulièrement fair-play, car après ce jugement hâtif, il votera pour ce vin et le classera premier. C’est d’une objectivité remarquable. A côté de lui sur la fricadelle, le Chapelle-Chambertin Clair Daü 1976 est un vin agréable, plus léger que le 1955, « propre sur lui » comme on dirait, mais qui ne crée pas autant d’émotion. Le plat est superbe pour les deux vins.

Nous avons maintenant deux vins de la Romanée Conti, à l’opposé l’un de l’autre. La Tâche domaine de la Romanée Conti 1983 est follement Romanée Conti. Qui dirait qu’il s’agit d’une année faible. Car il a tous les attributs des vins du domaine. Conversant avec l’un des convives je lui dis que ce vin a les deux caractéristiques des vins du domaine : la rose et le sel. Et son sourire s’illumine comme si je venais de lui donner les clefs d’un paradis. Ce La Tâche est brillant. A côté, l’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1989 est son opposé. C’est un solide guerrier, tout en conviction. C’est un vin qui passe en force, solide, percutant, à la force tranquille. Il est agréable mais n’a pas le caractère noble et raffiné de La Tâche. Le pigeon est une merveille et s’entend aussi bien avec les deux vins.

C’est maintenant à deux vins de 1961 d’apparaître. Le Clos de Vougeot Bouchard Père & Fils 1961 est solide comme les vins de Bouchard et magnifié par cette année sublime, mais j’avoue que mon cœur balance pour le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 que je connais comme ma poche et qui est toujours exceptionnellement charmant. En lui rien n’est excessif et tout est juste. C’est le vin facile, gourmand par excellence, archétype du bourgogne de plaisir. Et je ne le boude pas ! L’accord avec la viande rouge est superbe. La viande pulse et propulse les deux 1961 à des hauteurs de richesse et de bonne vie.

Nous entrons maintenant dans l’inconnu. La bouteille sans étiquette porte une autour du cou une petite ficelle blanche qui tient une étiquette qui indique Côtes de Nuits 1947. Le vigneron est donc inconnu. J’adore ces bouteilles qui sont des énigmes et souvent elles me rendent au centuple la foi que j’ai eue en elles. Ici ce sera miraculeux, car le vin sera le premier de mon vote. Comment décrire ce vin ? Il est riche, il est pur. Il est sans doute d’une extraction assez modeste, mais il a cette pureté de message, avec un fruit fluide, bien dessiné qui me ravit d’aise. On n’est pas dans les vins raffinés, au pédigrée de compétition. On est plutôt dans le festif joyeux. Cette force naturelle est ce que j’aime dans la Bourgogne. A côté de lui, aussi une bouteille mystère. Le verre est opaque, couvert de terre sur une partie, et ce qui ne l’est pas est irisé, comme cela se passe pour des bouteilles qui sont restées sur ou dans la terre, le verre se marquant de l’acidité du sol. Le bouchon noir enfoncé et poussiéreux pourrait indiquer une bouteille du 19ème siècle. Par prudence, j’ai nommé ce vin Bourgogne très vieux vers 1900. Là, mes convives sont en pleine découverte et réalisent que des vins de plus d’un siècle peuvent être très vivants. Ce vin original est difficile à définir, mais il est franc, un peu touché par l’âge et d’un grand intérêt. Il est de la Côte de Nuits, quasi certainement.

J’ai ajouté le Gevrey-Chambertin de Lavoyepierre négociant 1949 car j’ai eu un petit coup d’envie en voyant cette bouteille à l’étiquette montrant une scène médiévale dans un château, au niveau superbe et à la couleur du vin parfaite. Et j’ai eu raison comme le montreront les votes. Ce vin est un beau bourgogne franc joyeux, dans un état de conservation exceptionnel. La pureté de son message est extrême. Dans ce repas de découverte de bourgognes largement inconnus, soit parce qu’ils n’ont plus d’étiquette, comme le 1947 et le supposé 1900, soit parce qu’ils sont d’un négociant dont le nom m’est inconnu, je suis content d’avoir pris des risques qui se révèlent gagnants, car ces vins sont francs, naturels, simples, lisibles, mais gourmands, ensoleillés et rassurants.

J’étais si content des performances de mes « enfants » que je n’ai pas proposé que l’on essaie le Grands-Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1956 qui rejoindra le plus proche évier.

Je n’ai plus aucun souvenir du troisième vin ajouté, le Château Haute-Sage 1ères Côtes de Bordeaux 1960 # qui m’avait fait de l’œil dans ma cave. J’adore ces vins « fantassins », mais à l’heure où j’écris, je n’en sais plus rien. Le Château Lafaurie-Peyraguey 1964 suffisait à mon bonheur car j’adore ce vin solide, goulûment fruité, au fruit lourd et au botrytis généreux. C’est un grand sauternes au sommet de sa pétulance.

Le moment des votes est toujours intéressant. Dix vins sur treize ont eu des votes, ce qui est intéressant. Mais plus encore est le fait que six vins ont eu des votes de premier ce qui est énorme. Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 a eu quatre votes de premier, le Côtes de Nuits vigneron inconnu 1947 a eu deux votes de premier et quatre vins ont eu un vote en première place : Chambolle-Musigny Chanson Père & Fils 1955, Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1989, Gevrey-Chambertin de Lavoyepierre négociant 1949 et La Tâche domaine de la Romanée Conti 1983. Cette variété me fait plaisir. Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 a recueilli neuf votes des dix votants et se place en première position. Il est à noter que j’ai inclus ce vin dans sept de mes dîners et qu’il a recueilli, dans le vote du consensus exprimé six fois, trois places de premier et deux places de second. C’est donc un fidèle parmi les fidèles dans la constance dans mes dîners.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 2 – Gevrey-Chambertin de Lavoyepierre négociant 1949, 3 – La Tâche domaine de la Romanée Conti 1983, 4 – Côtes de Nuits vigneron inconnu 1947, 5 – Echézeaux domaine de la Romanée Conti 1989.

Mon vote est : 1 – Côtes de Nuits vigneron inconnu 1947, 2 – Gevrey-Chambertin de Lavoyepierre négociant 1949, 3 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 4 – La Tâche domaine de la Romanée Conti 1983.

Nous avons abondamment parlé de ma méthode d’ouverture des vins, car mes convives passionnés ont remarqué à quel point les vins étaient dans un état d’épanouissement spectaculaire. L’ambiance fut amicale, enjouée. Le service du restaurant est toujours impeccable et attentionné, celui des vins est parfait. La cuisine d’Alain Pégouret est d’une maturité remarquable. Ce fut un grand diner.

de gauche à droite et de haut en bas : le 1955 / Echézeaux 89 à côté du Clos de Vougeot 61 / le Chapelle Chambertin 76 et La Tâche 83 /

Le Chambertin 61, le Côtes de Nuits 47 / le Bourgogne 1900 /

Le 1ères Côtes de Bordeaux, le Lafaurie Peyraguey 64 / le Gevrey-Chambertin 49.

le jugement de Pétrus jeudi, 5 avril 2012

Pour authentifier le Pétrus 1952 plus que suspect, rien de tel que de le mettre au sein d’autres Pétrus lors d’un repas. Nous serons neuf, chacun apportant au moins un Pétrus. Il y aura : 1934 de ma cave, 1952 d’un ami, 1952 mise Van der Meulen de ma cave, 1952 suspecte, 1962, 1964, 1966 (venant directement de Pétrus), 1975, 1998.

Pétrus 1934 l’année n’est pas visible mais une autre bouteille du même lot a été bue le 17 janvier 2007 au 81ème dîner de wine-dinners.

Le précédent bu :

celle à venir, du même achat

Pétrus 1952 d’un ami (mise du château)

Pétrus 1952 litigieuse

Pétrus 1952 mise Van der Meulen

les trois Pétrus 1952

Pétrus 1962 (de ma cave)

Pétrus 1964

Pétrus 1966 (venant directement de la cave de Pétrus)

Pétrus 1975 provenant d’un achat que j’ai fait récemment.

Pétrus 1998 d’un ami

Je pense que nous allons nous régaler !

Pour information, voici quelques photos de Pétrus que j’ai bus :

Pétrus 1947 des caves Nicolas, et mise du chateau :

Pétrus 1950

Pétrus 1958

Pétrus 1967

Pétrus 1969

Pétrus 1972

Pétrus 1974

cette bouteille étant attribuée à Chateau Estate à New York, j’ai photographié une autre Pétrus 1974

Pétrus 1976

Pétrus 1978

Pétrus 1981

double magnum de Pétrus 1975 que j’ai eu la chance de boire avec Alexandre de Lur Saluces. Cette bouteille provient d’échanges que se font les châteaux.

155ème dîner avec un éblouissant magnum de Lafite 1919 jeudi, 29 mars 2012

Le 155ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent, dans le magnifique salon lambrissé du premier étage. A 17h30, les bouteilles sont alignées dans l’ordre de service pour la photo de famille. J’ouvre les vins dans l’ordre de service, les champagnes étant mis au frais. Le Haut-Brion blanc 1975 a une odeur explosive et promet d’être une merveille. Le Cheval-Blanc 1943 a une odeur poussiéreuse tellement intense que mon verdict est instantané : le vin est mort. Et lorsque je sens le vin quelques minutes plus tard, il me semble que le retour à la vie sera trop long pour que le vin se retrouve. J’en goute un peu, et même si ce n’est pas franchement mauvais, mon verdict ne change pas. Le bouchon du Pétrus 1952 n’a aucune inscription. Il est court et tellement serré qu’il me faut de la force pour l’extraire. Il vient entier, à peine imbibé. Il n’est pas possible que le bouchage soit des années 50. Cette bouteille vient de la même caisse que celle bue au réveillon de l’an dernier qui nous avait fait douter de son authenticité. Je me verse un peu de vin et l’évidence éclate : ce vin n’est pas du Pétrus. Autant le doute était permis au 31 décembre, autant ici, ce vin trop jeune pour un 1952 n’a rien de Pétrus. Deux vins à problèmes coup sur coup, cela m’agace. J’ouvre le magnum de Lafite 1919 et là, un sourire barre mon visage, car le parfum de ce vin est sublime. N’aimant pas que mes vins aient des défauts, je décide d’ouvrir un Pétrus 1969 que j’avais en réserve. Il est comme un coup de poignard pour le 1952 car l’évidence du faux est encore plus criante. Ce 1969 promet d’être grand. Le vin du Jura et les deux liquoreux ont des parfums à se damner. Ce sont des merveilles. Alain Solivérès, le chef avec lequel j’ai déjà fait onze de mes dîners vient me saluer. Je lui fais sentir les deux sauternes et il devient évident que la vanille et l’esquisse de Grand Marnier prévus pour le dessert seront sans objet. Matthieu Bijou, le pâtissier, vient me rejoindre et fait la même constatation. Du pamplemousse rose sera ajouté à la préparation de mangue prévue.

Nous sommes dix, dont huit habitués et deux nouveaux. La table est très jeune. Le menu créé par Alain Solivérès est : Parfait de foie gras de canard, pomme cannelle (brioche) / Bar de ligne étuvé, poireaux et caviar osciètre / Quasi de veau rôti aux légumes caramélisés / Filet de bœuf du Limousin poêlé, pomme de terre fondantes, sauce bordelaise à la moelle / Canard de Challans doré aux épices, cuisses en parmentier / Vieux Comté / Douceur de mangue et de pamplemousse rose.

Le Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992 est bu debout sur des gougères. Sa couleur est d’un joli blé de début de printemps, son nez est délicat. En bouche, sa jeunesse est belle. Les évocations sont de pâtisserie, de brioche, de miel et de crème de lait. L’un des convives dit qu’il est cérébral et c’est vrai, car il faut se concentrer pour le comprendre, car il se livre peu. C’est un beau champagne mais qui sera éclipsé par les deux suivants.

Le Champagne Cristal Roederer 1996 est une heureuse surprise. Son nez est envoûtant, disons parfait. Son acidité est superbe, son fruit est délicat et sa persistance en bouche est remarquable. Il s’associe merveilleusement au foie gras qui l’amplifie, alors que le Champagne Salon 1988 magnifique, est à contremploi sur le foie gras, trouvant cependant un écho avec la crème de pomme et cannelle. Lorsque le plat est enlevé le Salon montre à quel point il est impérial. C’est un champagne immense pour lequel j’ai une adoration coupable. Il accompagne avec précision le bar.

Le Château Haut-Brion blanc 1975 promettait des merveilles avec son parfum explosif à l’ouverture. Il a toujours le même nez mais, grosse surprise, en bouche il est plat. C’est évidemment un bon vin, mais pas du tout au niveau qu’il devrait avoir. Dommage.

Mes capacités divinatoires sont à nouveau mises en défaut par le Château Cheval Blanc 1943. Je l’avais annoncé mort à mes convives et voici qu’il se montre brillant. A la lecture, on pourrait penser que l’annonce d’un vin faussement mort serait une coquetterie de ma part, pour faire « genre », comme on dit. Mais en fait je l’avais réellement jugé incapable de revenir à la vie. Or c’est fait et si j’ai cru que des blessures résiduelles apparaîtraient, j’avais tort. On lira plus loin sa performance dans les votes finaux que jamais je n’aurais imaginée. Le vin a un parfum de fruit roses et de fleurs. En bouche il a un velouté délicat. Il a une belle puissance. C’est un vin fort agréable et qui tient bien sa place, aidé par le quasi de veau exemplaire.

Quelques amis arrivés en avance avaient eu mes confidences sur les pépins à l’ouverture. Un ami qui n’avait rien entendu déclare : « j’ai un problème avec ton Pétrus 1952. Sa robe me fait penser à un vin de 2000, et ce vin ne peut pas être de 1952 ». Nous y voilà. Ce faux Pétrus 1952 n’est pas désagréable. Il est même bon à boire, mais on le situerait dans les années 80, et ce qui est certain, c’est qu’il ne s’agit pas du même vin que celui de la bouteille bue il y a trois mois. Je vais devoir traiter deux problèmes : me faire rembourser cet achat, et faire en sorte que les bouteilles restantes ne se retrouvent pas à nouveau dans un circuit commercial.

Le Pétrus 1969 est d’un parfum vibrant, séducteur, charmant. En bouche, si l’on a pas le côté truffe qui signe souvent Pétrus on a son âme dans une année frêle. Pétrus excelle dans ces années là et la puissance de ce vin est supérieure à ce que 1969 donne normalement. Le fruit rouge est beau, la vibration du vin est rare. Il est extrêmement tactile et enjôleur. Un grand Pétrus, moins resplendissant que le 1981 bu récemment, mais de grande facture.

Le Château Lafite Rothschild magnum 1919 est un hymne à l’amour. Son parfum évoque les baies rouges qui sont comme des taches des sang dans des prairies d’été. En bouche, le vin est soyeux, velouté, charmant. Beaucoup signalent son caractère bourguignon, tant les fruits rouges délicats sont ceux des bourgognes anciens. Je signale sa marque profonde d’un authentique Lafite et progressivement, quand le vin s’installe bien dans le verre, cette marque « Lafite » devient évidente pour tous. C’est un vin exceptionnel de fraîcheur, de jeunesse avec une empreinte gigantesque. On n’est pas loin de la perfection absolue. Son score dans les votes est presque un carton plein, ce qui est rare. En écrivant ces lignes le lendemain, j’ai encore en bouche la pureté d’un grand Lafite.

Le Château Chalon Jean Bourdy 1911 est un roc, que dis-je un roc, c’est une péninsule. Car il est d’une solidité que l’on ressent inébranlable. On l’ouvrirait dans cent ans, il serait au même stade d’accomplissement. C’est la perfection du Château Chalon. Le Comté lui va comme un gant, mais il n’en a même pas besoin tant il trace sa route gustative de façon impérieuse. Quand un vin atteint ce stade d’épanouissement (il a 101 ans le bougre), c’est un régal.

La juxtaposition de deux sauternes quasiment opposés est un bonheur sans égal. Le Château Gilette doux Sauternes 1947 est un océan de félicité calme. Son empreinte est moelleuse et confortable. Cela n’empêche pas la complexité, mais c’est sa douceur calme qui est remarquable. A côté le Château d’Yquem 1949 est un soleil radieux. Ses fruits sont plus lourds, plus confits, et sa complexité est inégalable. C’est un très grand Yquem très archétypal.

Après tant de délices, je demande s’il est opportun d’ouvrir le Cognac Lucien Foucauld circa 1890 que j’ai apporté. Mais je connais d’avance la réponse car il y a à la table de solides gaillards. Ce cognac correspond à mes goûts. Il a un équilibre que seuls les cognacs de plus d’un siècle peuvent atteindre. S’il évoque le caramel, c’est en trace. Il est d’une plénitude ensoleillée. C’est un très grand cognac et les financiers à l’amande sont parfaits pour l’accompagner, ainsi que des macarons à la mirabelle.

Nous sommes dix à voter pour nos quatre vins favoris. Sur douze vins, neuf reçoivent des votes, ce qui me fait toujours plaisir. Pour une fois, car c’est très rare, un vin obtient huit places de premier, c’est le Lafite 1919. Les deux autres places de premier sont attribuées au Château Chalon 1911 et à l’Yquem 1949.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Lafite Rothschild Pauillac 1919, 2 – Château d’Yquem Sauternes 1949, 3 – Château Petrus Pomerol 1969, 4 – Château Cheval Blanc 1943, 5 – Château Chalon Domaine Jean Bourdy 1911.

Mon vote est : 1 – Château Lafite Rothschild Pauillac 1919, 2 – Château d’Yquem Sauternes 1949, 3 – Cognac Lucien Foucauld circa 1890, 4 – Château Petrus Pomerol 1969.

Si le Cheval Blanc 1943 a recueilli trois places de second et une place de quatrième, cela montre à quel point, le vin, organisme vivant, est capable de se régénérer, même quand il paraît définitivement perdu. Cette leçon vaut bien un Cheval Blanc, sans doute et je suis prêt à jurer qu’on ne m’y reprendra plus, de déclarer mort un vin qui ne l’est pas.

Le restaurant Taillevent a réussi une fois de plus une prestation de grand niveau. Le service des plats sous l’autorité de Jean-Claude et des vins par Nicolas a été parfait. La cuisine d’Alain Solivérès est solide, pure pour les vins, sereine, et c’est ce qu’il faut pour ces dîners de grande gastronomie.

le vilain bouchon du Cheval Blanc 1943 et l’année très visible de l’Yquem 1949

Le bouchon du Pétrus 1952 est en haut à gauche. Celui du Pétrus 1969 en haut à droite. On voit la différence de longueur.

le bouchon du cognac (en miettes) et notre table

155ème dîner du 28 mars 2012, les vins mercredi, 28 mars 2012

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992, Champagne Cristal Roederer 1996, Champagne Salon 1988, Château Haut-Brion blanc 1975, Château Cheval Blanc 1943, Pétrus 1952, Château Lafite Rothschild magnum 1919, Château Chalon Jean Bourdy 1911, Château Gilette Sauternes doux 1947, Château d’Yquem 1949, Cognac Lucien Foucauld circa 1890.

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1992

Champagne Cristal Roederer 1996

Champagne Salon 1988

Château Haut-Brion blanc 1975

Château Cheval Blanc 1943

Pétrus 1952

Pétrus 1969 (rajouté après avoir ouvert le 1952 qui est un faux)

Château Lafite Rothschild magnum 1919

Château Chalon Jean Bourdy 1911

Château Gilette Sauternes doux 1947 (il y a de drôles de petits bonhommes sur la capsule)

Château d’Yquem 1949 (la bouteille, vendue par Cruse probablement à l’étranger, a un bandeau qui cachait le millésime gravé dans la capsule. Je l’ai fait apparaître)

Cognac Lucien Foucauld circa 1890

154ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen mardi, 28 février 2012

Le 154ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. A 17 heures, je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les vins. Le premier est un Bâtard-Montrachet de producteur inconnu de 1990. Son nez est prodigieux. Lorsque je veux lever avec un limonadier le bouchon du magnum de Pétrus 1983, il reste collé et le bouchon se déchire. Avec une curette, je constate que le bouchon s’émiette tout en restant collé. A l’aide d’un bilame, je le décolle des parois. Il me faut utiliser à la fois la mèche longue et la curette pour arriver à bout de ce bouchon. Le parfum du Pétrus, follement truffe, est la récompense de mes efforts. La Romanée Saint-Vivant 1991 a tout du parfum si caractéristique des vins du domaine de la Romanée Conti. Des deux La Tâche, l’une, la 1956, a un beau niveau et une couleur clairette. Le nez est magnifique. Le bouchon de la 1955 qui a un niveau bas exhale une odeur horrible de bois trempé dans du vinaigre. C’est affreux. Je m’attends au pire. Je sens le vin par le goulot et l’odeur est assez poussiéreuse. Et de seconde en seconde, avec une rapidité surprenante, le fruit apparaît en une éclosion éclair. Est-ce qu’une telle évolution pourrait se reproduire, mais en sens inverse, conduisant le vin à défaillir. Nous verrons. Le nez de La Mouline 1979 est incroyablement bourguignon. J’avais ajouté un vin inconnu de Jacques Bouchard & Cie non prévu au programme, car en le prenant en main en cave, j’avais remarqué que le bouchon flottait. C’est une ajoute pour partager avec mes amis les affres du collectionneur. Le nez n’est pas affecté par la chute du bouchon. Il n’est pas très brillant. Le vin est transvasé dans une carafe pour enlever le bouchon qui ne comporte que le mot Bouchard écrit deux fois. Je ne saurai jamais ce que renferme cette bouteille sans étiquette. A l’occasion du transvasement, j’ai goûté un peu de lie, et ce n’est pas folichon.

L’Yquem 1929 à la couleur acajou très foncée a un nez qui promet une explosion d’agrume. Ce vin au bouchon d’origine m’excite beaucoup. Le Climens 1964 a un nez d’une folle jeunesse. Le vin inconnu étant purement anecdotique donnera ce qu’il pourra. La seule incertitude est pour La Tâche 1955. Compte tenu de l’ampleur du programme, je suis serein.

Nous serons treize à table dont douze buveurs, car l’une des deux femmes ne peut pas boire du fait de son état. Il y a six nouveaux et sept habitués. La profession d’avocat n’est pas majoritaire, mais presque.

Le menu créé par Christian Le Squer est : Huître Belon, huile de sésame / Pâté en croute de Volaille et Foie Gras / Concentré iodé : Saint-Jacques à cru & Tarama d’oursins givré / Feuilleté brioché de truffe noire en gros morceaux / Cochon de lait confit, jus caramélisé d’oignons doux / Filet de Chevreuil frotté d’épices & Confits de Fruits et Légumes / Stilton / Île flottante aux agrumes. Sa mise au point n’a pas pris longtemps, car le chef et Patrick Simiand savent bien ce que je souhaite.

Pour attendre d’éventuels retardataires, j’ai ajouté à la liste des vins un Champagne Dom Ruinart 1990. Mais je n’avais bien lu l’étiquette, car c’est en fait un Champagne Dom Ruinart rosé 1990. Quand je m’en aperçois, je me demande si l’on pourrait le mettre plus tard dans le repas mais aucune solution n’apparaît. Nous le buvons sur de délicieux canapés montrant la dextérité du chef et ce champagne rosé est joyeux, plein, de bonne mâche. Et il se justifie bien à ce stade.

Nous passons à table avec le Champagne Krug magnum 1982 que nous avions commencé à boire debout. La transformation du champagne avec l’huître est saisissante. Avant, il était strict, janséniste, dans des saveurs un peu grises. Avec l’huître il prend du corps, de l’assurance et l’huile de sésame lui donne de l’épaisseur. Comme le fait remarquer un des convives, lorsque le plat est parti, ce sont les saveurs pâtissières qui dominent dans ce grand champagne à la longueur extrême.

Dès qu’on me sert le Champagne Dom Pérignon 1964, je sens que nous tenons là un des plus grands Dom Pérignon qui soient. Sa couleur est presque rose au point que Tomo me demande si je n’ai pas mis un champagne rosé. Mais c’est bien un blanc, charmeur, sensuel, aux complexités infinies. C’est avec la gelée que l’accord est délicat. Ce grand champagne est porteur de joie, de saveurs douces et élégantes. C’est un de mes plus grands Dom Pérignon.

J’avoue volontiers que je ne connais pas les auteurs du Bâtard Montrachet Guy Fontaine et Jacky Vion 1990. Son parfum m’avait surpris par sa classe extrême. Elle est toujours là. En bouche, c’est du bonheur pur qui va se conjuguer aussi bien avec le doucereux de la coquille – et dans cet accord, le vin domine – qu’avec la virilité de l’oursin qui domine mais laisse ce beau Bâtard s’exprimer. Il est d’une grande puissance maîtrisée et d’une jeunesse flamboyante. Jamais je n’aurais imaginé une aussi belle prestation.

La truffe en feuilleté est divinement gourmande. Elle est associée à deux vins prestigieux de deux régions bien différentes. Le Pétrus Magnum 1983 est fantastique. Il est Pétrus, tout en force et en truffe, mais aussi tout en distinction, élégance et raffinement. Inutile de dire qu’avec lui, l’accord est paradisiaque.

La Romanée saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1991 a le nez des vins du domaine, à peine dévié par un léger goût de bouchon que nous sommes quelques uns à avoir remarqué, mais qui n’altère pas le goût du vin. Il est plus puissant que ce que son année suggère. Il se marie bien avec la truffe. Certains amis avaient pensé que le bourguignon serait le plus adapté à la truffe, mais en fait le Pétrus a la combinaison gagnante. Si l’on devait donner une définition du luxe le plus pur, ce serait de manger une truffe en croûte cuisinée par un chef trois étoiles avec un magnum de Pétrus et un vin de la Romanée Conti. On sent dans l’atmosphère de notre groupe que nous en sommes pleinement conscients.

Mais il y a encore mieux ! Car sur le cochon de lait, ce n’est pas une mais deux La Tâche qui nous sont servies. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955 et La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 ont des parfums très proches, celui du 1955 étant sans doute un peu plus accentué. Et ces parfums ont l’ADN du domaine : la rose et le sel. En bouche, c’est celui qui avait le niveau le plus bas, le bouchon à l’horrible odeur qui triomphe, du moins pour une bonne partie de notre groupe. Les deux vins ont tout ce que j’aime dans la Romanée Conti, cette empreinte bourguignonne sans concession. Un convive dira qu’ils évoquent la poudre d’une cartouche fraîchement tirée. Et c’est vrai. Ces deux La Tâche sont parfaites à mon goût, avec un peu plus de profondeur dans le 1955 et un peu plus de grâce pour le 1956. La comparaison des deux est un temps fort du dîner. On verra dans les votes qu’il y eut ballotage.

Le chevreuil est superbe et convient comme un gant à la Côte Rôtie La Mouline Guigal 1979 dont les accents bourguignons sont saisissants. C’est une Côte Rôtie « calme », qui joue sur l’élégance et que j’apprécie énormément. Du fait qu’elle pianote en douceur, sa longueur est encore plus sensible. A côté, le Vin de Bourgogne de Jacques Bouchard, années 50 n’est pas stupide du tout. Il n’a pratiquement pas de défaut, mais il est un peu limité. Il pourrait très bien être de 1947 car ce serait cohérent avec des achats que j’ai faits. Il ne suscite pas vraiment l’intérêt, tant le Guigal suffit à notre bonheur.

Le stilton est parfait. Le Château Climens 1964 malgré ses 47 printemps peut être considéré comme un sauternes « jeune ». Il a la patte de Climens, avec une allégresse et un équilibre particuliers. C’est un grand Barsac.

Le Château d’Yquem 1929 se présente avec sa robe sombre et opaque. Que dire ? Il est tout simplement divin. Un ami rappelle que nous avions déjà bu ensemble un Yquem 1929 au bouchon remplacé. La différence est saisissante. Cet Yquem est parfait, plein, à l’agrume précieux et fort heureusement au caramel quasi inexistant. Devant tant de perfection, je suis confondu. Et je ne suis pas le seul. Il nous plombe de bonheur.

Après tant de merveilles nous sommes abasourdis. Nous votons pour nos quatre vins préférés. Les votes sont disparates mais les directions sont claires. Si dans un tel dîner le magnum de Krug 1982 n’a aucun vote, ni le Climens 1964, cela situe la hauteur de la performance des autres. Cinq vins ont été classés premier : l’Yquem 1929 sept fois, les deux La Tâche deux fois chacune, et le Pétrus et le Bâtard une fois chacun. L’Yquem figure sur les douze feuilles de vote, La Tâche 1955 sur onze, Pétrus 1983 sur neuf et Dom Pérignon 1964 sur huit.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1929, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955 , 3 – Pétrus Magnum 1983, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956.

Mon vote est le même : 1 – Château d’Yquem 1929, 2 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955 , 3 – Pétrus Magnum 1983, 4 – Champagne Dom Pérignon 1964.

La cuisine réalisée par Christian Le Squer a été d’une évidence exemplaire. Le talent paraît si simple ! Tout fut juste et les vins ont naturellement brillé sur cette cuisine, dont le plat de truffe émerge par son excellence absolue. Coraline a fait un service du vin de haute qualité.

Dans le grand salon qui surplombe le parc qui marque le début de la remontée des Champs Elysées, nous avons passé un moment exceptionnel.

la table avant de repas :

et après le repas. Peu de vins sont encore remplis !

les plats

154ème dîner – les vins mardi, 28 février 2012

Champagne Dom Ruinart rosé 1990

Champagne Krug magnum 1982

Champagne Dom Pérignon 1964

Bâtard Montrachet Fontaine et Vion 1990

Pétrus Magnum 1983

le bouchon très émietté du Pétrus

Romanée saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1991

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1955

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956

les trois bouchons des vins du domaine de la Romanée Conti

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1979

Vin de Bourgogne de Jacques Bouchard, années 50

Château Climens 1964

Château d’Yquem 1929

le bouchon de l’Yquem

les bouchons ainsi que mes instruments

153ème dîner de wine-dinners au restaurant Michel Rostang mercredi, 14 décembre 2011

C’est la première fois en 153 dîners, puisque ce soir se tient le 153ème dîner de wine-dinners, que nous aurons la chance de profiter du talent de Michel Rostang. Maintes fois l’idée m’en était venue et puis enfin c’est le moment.

J’arrive à 16h30 au restaurant Michel Rostang pour ouvrir les vins en compagnie d’Alain, le sympathique et compétent sommelier, attentif à ma méthode. J’avais, avant de venir, de petits doutes pour le Pernand Vergelesses Domaine Joseph Drouhin 1955, mais c’est en fait lui qui a l’odeur la plus charmante, et sur le Vouvray demi-sec Domaine Albert Moreau 1955 dont la bouteille est peu engageante. Mais le parfum de ce vin est superbe. Aucun problème réel de bouchon ne survient, même si nombreux sont ceux qui se brisent en morceaux. Le parfum de la Romanée Conti est impérialement Romanée Conti et comme s’il s’agissait d’une tradition, le haut de son bouchon, lorsqu’on enlève la capsule, est noir et sent fortement la terre de la cave ancienne de la Romanée Conti. Ce qui est étonnant, c’est que le haut du bouchon de ce 1983 fait au moins trente ans plus vieux, alors que le corps du bouchon est superbe. Le parfum de l’Yquem 1966 est tonitruant. C’est le plus glorieux de tous.

J’ai réservé une surprise à mes amis, et je ne vais pas la dévoiler maintenant, mais son odeur est d’un raffinement unique. Compte-tenu de son âge, va-t-il tenir ? Nous verrons.

Pendant que j’officie je vois en cuisine toute la brigade qui s’affaire et chacun sait que ce soir, ce sera un grand dîner. Quand Caroline Rostang, la fille de Michel, passe au restaurant, elle est au courant de tout ce qui se trame et ses yeux brillent. Elle aurait aimé se joindre à nous et je l’y aurais invitée, mais elle est retenue ailleurs.

Nous sommes installés dans un salon au fond de la salle qui convient parfaitement pour dix convives. Trois femmes et sept hommes dont un seul bizut à notre table. Un couple canadien fidèle et des convives chevronnés ont permis une atmosphère souriante, enjouée voire chahuteuse et taquine.

Michel Rostang a conçu le menu suivant : Les Œufs de Caille pochés en Coque d’Oursin / La langoustine royale rôtie, Beurre de Caviar / Le Sandwich à la Truffe noire / La trilogie des trois Gibiers à Plume, le premier en Parmentier / Le second rôti à l’ail confit / Le dernier en feuilleté chaud / Le Saint-nectaire / La Mangue compotée et craquante, Dacquoise Noisette, Blancs en Neige passionnés / Panettone.

C’est probablement l’un des plus beaux repas que nous ayons connus en 153 dîners.

L’apéritif se prend à table et le Champagne «Rare» de Piper Heidsieck 1979 à la très jolie bouteille est à l’âge voluptueux où l’on sent aussi bien la jeunesse gaillarde que la maturité sensuelle. Ce champagne est très carré, solide, combinant la fluidité d’un vin blanc avec le compoté et le confit discret des champagnes anciens.

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est totalement indissociable de la magnifique langoustine car l’accord est certainement l’un des plus grands que nous ayons vécus. La couleur du champagne est rose, comme le dos de la large langoustine, créant, comme je les aime, un accord couleur sur couleur. Et la mâche « pullman » de la langoustine crée une vibration avec le vin qui est d’une sensualité infinie. Il y a du tactile dans cet accord, comme le fait remarquer ma voisine. Il y a cinq jours, j’ai bu le Dom Pérignon Œnothèque 1966 qui est complètement différent de celui-ci. Le 1966 de ce soir a été dégorgé au moment de sa commercialisation. L’Œnothèque est résolument plus tendu, claquant comme un fouet, alors que ce 1966 est plus langoureux, dans des esquisses d’agrumes confits. Il faut aimer les deux, bien sûr, mais mon cœur va pencher ce soir vers le vin que nous buvons, à cause de l’accord exceptionnel avec cette diabolique langoustine, et de l’excitation que provoque le caviar.

Le sandwich à la truffe de Michel Rostang, c’est une institution. Il n’y a pas de façon plus gourmande de s’enivrer de truffe. Et dans cette combinaison, c’est le plat qui est dominant par rapport au Chevalier Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 1988. Le vin se présente avec un peu d’oxydation, fermé, mais dès qu’il s’ébroue dans le verre, on trouve un vin élégant, au fruit devenu joyeux et au final de belle mâche. Le sandwich m’a donné envie de l’essayer plutôt avec un fort vin rouge et j’ai pensé à un Châteauneuf d’Henri Bonneau. Ce sera un prétexte pour revenir ici.

Les trois oiseaux sont le point culminant de ce repas, avec des chairs extraordinaires et des mâches viriles tant ils sont gibiers. Le premier se mange avec deux vins. Le Grands Echézeaux Domaine Henry Lamarche 1979 est clairet avec de petites notes grisées. Le nez est d’un bourguignon viril. Le vin très puritain, très droit, est sans concession, presque militaire et d’un rêche bourguignon militant. J’adore ces bourgognes qui dérangent. A côté de lui, le Pernand Vergelesses Joseph Drouhin 1955 joue plutôt les odalisques. On est dans le charme oriental et un des plus anciens de mes dîners soupçonne un baptême du pinot noir par des ajoutes méditerranéennes. Il ne faut pas l’exclure, mais 1955 est une année de vins riches et capiteux. Toujours est-il que le vin est charmeur, de belle consistance et convient à ravir à la chair du volatile. Combiner le plat aussi bien avec un vin ascète qu’avec un vin paillard, c’est un bonheur de plus.

Lorsque j’avais ouvert les 1961, ils avaient montré tous les deux des odeurs de poussière. L’évolution rapide des parfums m’avait rassuré. Et maintenant, les vins sentent spectaculairement bon. Le Pommard 1er Cru Rugiens Domaine Pierre Clerget 1961 me fait me pâmer d’aise. Quel grand vin racé, viril, ce qui est étonnant pour un pommard, gaillard et insistant comme le regard d’un psychanalyste. Il pénètre le cœur en force. A côté, le Gevrey Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Domaine Clair Daü 1961 est très différent. Il se cherche un peu et à un moment je le préfère au pommard car il est plus accessible. Mais il est moins incisif et je finis par préférer le pommard, trouvant toutefois dans le Gevrey un charme envoûtant. La sérénité des deux vins est extrême, et cela tient à l’année, mais aussi à l’aération lente créée par l’ouverture plus de cinq heures auparavant.

C’est maintenant le temps fort du dîner, la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983 sur un oiseau en feuilleté chaud, avec une farce que Michel Rostang m’avait fait goûter vers 18 heures. Une des convives avait regardé dans les archives que 1983 est une année difficile pour la Romanée Conti. Mais lorsque j’avais senti vers 18 heures le parfum de ce vin que j’ai déjà bu plusieurs fois, je n’avais pas le moindre souci : je savais qu’il serait grand. Pour apprécier ce parfum gigantesque et émouvant, il fallait que le plat ne soit pas servi, car dès que l’assiette est posée, c’est impossible d’en saisir toutes les nuances, les odeurs de gibier envahissant la pièce. Cette Romanée Conti, que l’on ne peut pas classer dans les puissantes, est d’une émotion totale. Je vibre comme jamais et je suis étonné que mes amis parlent et parlent, alors que je me recueille, pour essayer de capter toute la subtilité de ce grand vin. On pourrait se dire que mon émotion est liée au prestige de l’étiquette, mais ce n’est pas le cas, et la démonstration est surtout fournie par le vin qui suivra. Cette Romanée Conti, saline, délicate, racée, élégante avec des évocations de roses séchées, d’ardoise, fait vibrer en moi tous les souvenirs de ce vin que je révère.

Le Chambertin Grand Cru Vieilles Vignes Domaine Rossignol Trapet 1990 qui fait suite a bien du mal à trouver sa place. C’est un beau chambertin d’une très grande année, qui brillerait sans doute, mais l’écart de complexité et de raffinement avec le 1983 est trop fort. De plus le Saint-nectaire qui lui est associé n’est pas ce qui le mettrait réellement en valeur. Très jeune, gouleyant, il mériterait un meilleur sort que celui qu’il a trouvé à cette place et avec ce fromage.

Le Vouvray demi-sec Domaine Albert Moreau 1955 est devenu une triste surprise. Car le vin dont le parfum à l’ouverture m’avait agréablement convaincu a perdu de sa superbe. Il est buvable bien sûr et on devine ce qu’il a envie de nous dire, mais une vilaine fatigue l’empêche de nous plaire. Il aura seulement apporté un témoignage fugace de sa belle Loire.

Le Château d’Yquem Sauternes 1966 est d’un or magnifique, très acajou clair. Ce millésime est beaucoup plus foncé que le 1967, et cela lui va bien. En bouche, c’est un vin gourmand, très abricot et mangue. L’alcool est sensible et lui donne une puissance rare. J’aime beaucoup ce millésime qu’on a mis un peu à l’ombre de 1967 et qui mérite une place de grand Yquem. C’est le plus beau parfum généreux et sa persistance aromatique n’est que de plaisir.

Il est temps maintenant d’apporter mon cadeau, car c’est bientôt Noël et c’est le dernier dîner de l’année 2011. Alain montre à tous une bouteille sans étiquette, au verre transparent et sans couleur, dont le liquide est d’une couleur châtaigne. Instantanément, le plus fidèle des fidèles dit Sigalas-Rabaud, et précise même l’année, tant il me connait bien, ce qui surprend les autres convives. Le Château Sigalas Rabaud Sauternes 1896 est émouvant. Son nez est d’une subtilité rare. Il a mangé un peu de son sucre, donc le parfum est un peu strict, mais élégamment délicat. En bouche c’est un bonheur insaisissable, avec de légères évocations de thé et d’agrumes séchés. Finir le dernier dîner sur un vin de 115 ans, c’est tout droit dans la ligne de ces dîners.

Nous procédons au classement, chacun selon ses critères, l’une de mes voisines choisissant en fonction des accords avec les plats. Dix vins sur douze sont dans les classements alors que seulement les quatre premiers sont nommés, ce qui est pour moi très plaisant. Les deux sans vote sont le Vouvray, ce qui est logique et le chambertin, du fait de sa place dans le repas. Cinq vins ont des votes de premier, ce qui est aussi plaisant : le Pommard Rugiens quatre fois, le Dom Pérignon et le Clos Saint-Jacques deux fois, et la Romanée Conti et le Sigalas Rabaud chacun une fois. Deux vins sont dans les dix feuilles de vote, le pommard et la Romanée Conti. Je suis très étonné d’être le seul à avoir mis la Romanée Conti en numéro un.

Le vote du consensus serait : 1 – Pommard Rugiens Pierre Clerget 1961, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 3 – Champagne Dom Pérignon 1966, 4 – Clos Saint Jacques Gevrey Chambertin Clair Daü 1961, 5 – Château d’Yquem 1966.

Mon vote est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Pommard Rugiens Pierre Clerget 1961, 3 – Château d’Yquem 1966, 4 – Champagne Dom Pérignon 1966.

La belle salle à la table ronde est propice aux échanges. On avait ouvert les paravents de la salle pour éviter que nous soyons gênés par le bruit des tables de la grande salle toutes réservées à un groupe. Mais j’ai bien l’impression que les paravents ont surtout protégé les autres clients, tant nos rires et nos plaisanteries fusaient. Le service a été exemplaire, ainsi que le service du vin. La cuisine a été brillantissime et quand Michel Rostang, qui était venu plusieurs fois nous donner des conseils pour déguster ses plats, est venu nous dire au revoir, nous l’avons applaudi chaudement, tant ce repas fut magistral.

Le plus bel accord est celui de la langoustine avec le Dom Pérignon, grâce à cette mâche unique. Et l’accord de la Romanée Conti avec le feuilleté fait partie des accords dont on se souviendra toute sa vie. Après un 150ème dîner de folie avec des vins rarissimes, ce153ème dîner entrera dans le top 10 des plus beaux dîners que j’ai l’honneur d’organiser.

notre table

la forêt de verres en fin de repas

153ème dîner de wine-dinners – les vins mercredi, 14 décembre 2011

Champagne «Rare» de Piper Heidsieck 1979

Champagne Dom Pérignon 1966

Chevalier Montrachet Domaine Bouchard Père & Fils 1988

Pernand Vergelesses Joseph Drouhin 1955

Grands Echézeaux Domaine Henry Lamarche 1979

Pommard 1er Cru Rugiens Domaine Pierre Clerget 1961

Gevrey Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Domaine Clair Daü 1961

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1983

Chambertin Grand Cru Vieilles Vignes Domaine Rossignol Trapet 1990

Vouvray demi-sec Domaine Albert Moreau 1955

Château d’Yquem Sauternes 1966

Château Sigalas-Rabaud 1896

150è dîner – les vins jeudi, 17 novembre 2011

Plusieurs bouteilles sont sous cellophane. Je ne les ai pas touchées pour la photo.

Champagne Moët & Chandon magnum 1959

Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1966

Hermitage blanc La Tour Blanche Jaboulet Vercherre 1947

Château Mouton d’Armailhacq Pauillac 1947

Château l’Angélus Saint Émilion 1947

Château Lafleur Pomerol 1947

Pétrus Pomerol 1947

Château Latour Pauillac 1947

Château Lafite-Rothschild 1947

Champagne Moët & Chandon 1928 dégorgement à la volée

Château Latour Pauillac 1947

Gevrey-Chambertin R.Vinzent négociant 1947

Châteauneuf-du-Pape Réserve des Chartes 1947

Champagne Moët & Chandon Millésime 1911

Vin de Paille Jean Bourdy 1947

Red Port Collection Massandra 1947

Vin de Chypre 1845 (elle est morte, hélas, cassée au château de Saran)

la voici, cadavre qui a embaumé la pièce

les vins offerts au journaliste et au photographe « en mission »

les vins rassemblés au château de Saran. Il manque les Moët 1928 et 1911 qui seront dégorgés à la volée

les bouchons