Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

Homage to Mouton in a dinner to make in 2011 mardi, 22 mars 2011

This is a mad dinner. I hope to make it in 2011 with wines of 50 years, 100 years and 200 years of age.

And with two wines of 1900.

Champagne Salon 1964

Chateau Mouton-Rothschild 1911

Chateau Mouton-Rothschild 1900

Chateau Mouton-Rothschild 1928

Chateau Mouton-Rothschild 1945

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet aîné 1961

Chateau d’Yquem 1900

Cognac réserve de l’Empereur au chateau de Fontainebleau 1811

dîner chez Tomo – photos samedi, 12 mars 2011

Champagne Egly-Ouriet 1999

le groupe de vins

Champagne Jacques Selosse 1999

Champagne Krug Clos du Mesnil 1990

Champagne Dom Pérignon 1949

Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1957

Corton Charlemagne Coche Dury 2000 (je n’ai pas pris de photo individuelle – voir photo de groupe ci-dessus)

Château Margaux 1947

Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915

Chateau Guiraud 1891 – le bouchon est extrêmement rétréci sur une grande partie de la longueur

j’ai tiré le bouchon à la main, sans tirebouchon !

le débouchage ne fut pas sans surprises

les préparatifs du repas, les chefs et les produits

les plats

Paris nous a regardé pendant ce beau repas

145ème dîner de wine-dinners au domicile de mon ami Tomo samedi, 12 mars 2011

Tomo est le plus charmant ami que l’on puisse imaginer. Il est fou de vin et il cuisine. Jean-Philippe est aussi amoureux de vin et cuisine comme un Dieu. Nous avions fait il y a deux ou trois semaines une reconnaissance des lieux et un inventaire des ustensiles et appareils. Nous avions bâti la trame principale du dîner et des vins. Les deux chefs devaient se coordonner et se répartir les approvisionnements aux meilleures sources de Paris. Ce fut fait. Compte tenu de sa forme, ce dîner sera compté dans les dîners de wine-dinners, avec le numéro 145.

Un peu avant 17 heures, je me présente au domicile de Tomo avec un grand bouquet de fleurs que ma femme offre à la femme de Tomo. Elle nous rejoindra plus tard. J’ouvre les bouteilles du dîner. Le Corton Charlemagne Coche Dury 2000 a un bouchon qui sent le bouchon. L’odeur du vin est désagréable. Elle est poussiéreuse et coincée. Nous essayons une goutte qui confirme que le vin n’est pas bouchonné, mais qu’il est coincé. Laissons-lui du temps, mais il n’est pas normal que ce grand vin soit aussi coincé.

En revanche, le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1957 explose de fruit dans nos narines, autant que le bouchon a explosé en miettes en sortant. Malgré une couleur très ambrée, il se présente bien.

Le Château Margaux 1947 est insolent de perfection. Son bouchon superbement élastique est venu en une pièce, et le parfum est à se damner tant il est grand. Le Clos de la Perrière Fixin premier cru que je date d’avant 1920 du fait de la bouteille soufflée, sans exclure plus vieux encore, a un bouchon court sous une cire qui s’est solidifiée. La partie basse du bouchon ne veut pas monter aussi suis-je obligé de faire des mouvements de torsion dans tous les sens. Dès que le bouchon est dégagé, c’est une odeur exceptionnellement belle et profonde qui se dégage. Ce vin est "forcément" d’une grande année du fait de l’extrême puissance olfactive. Ce pourrait être 1915 par exemple, ou 1899.

Tomo me fait remarquer que le haut du bouchon du Guiraud, que je date d’avant 1900 car il fait partie d’un lot du 19ème siècle, est rétréci sous son chapeau. Le haut du bouchon est si dur que je n’ose pas piquer mon tirebouchon, aussi vais-je essayer de sortit le bouchon en tirant à la main. Il me faut plusieurs minutes et j’arrive à sortir le bouchon entier par des petites secousses répétées. Ce bouchon est incroyable, car il est resserré sur 90% de sa hauteur, et seule la base est évasée, d’une largeur plus importante que celle du goulot, quand l’élasticité lui permet de s’élargir. Comment un tel bouchon a-t-il permis pendant plus d’un siècle au liquide de se conserver intact, avec un niveau haute épaule qui défie l’entendement quand on voit le bouchon ? Le parfum du vin est d’une rare complexité, les agrumes dominant. Nous essayons de lire l’année sur le bouchon. Je crois reconnaître 1891 date qui est très probable car j’en ai achetés de cette année.

Pendant l’ouverture, Tomo me fait goûter un Champagne Egly-Ouriet 1999 ouvert la veille qui est noble, mais se ressent de sa nuit blanche.

Jean-Philippe arrive avec des victuailles à ajouter à celles qui s’amoncèlent dans la cuisine. Prévoyant que je puisse trouver le temps long pendant que les deux cuisiniers s’affairent, il a apporté une andouille de campagne qui, je le précise, est une charcuterie. J’en découpe des tranches qui vont accompagner un Champagne Selosse 1999 qui est absolument délicieux. Dégorgé en janvier 2009, il a une couleur déjà soutenue d’un or clair, sa bulle est forte et ce champagne au goût joyeux est très académique, tranchant avec le style habituel de Selosse qui est normalement beaucoup plus sauvage. Mais nous aimons beaucoup ce champagne bu debout dans la cuisine.

Ma fille cadette et mon gendre arrivent. Le dîner va pouvoir commencer. Le menu composé par Tomo et Jean-Philippe est : foie gras poêlé au navet caramélisé / consommé de homard, homard grillé, ormeaux et poireaux grillés / sole en croûte de sel, purée de céleri rave sauce beurre noisette aux herbes / ris de veau à l’arbousier panais et radis japonais / carré d’agneau de lait et chanterelles / veau basse température carottes violettes / ravioles de mangues et pamplemousses roses.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1990, cadeau de Jean Philippe, fait pousser des "oh" et des "ah" à mon gendre, tant il est conquis par ce champagne parfait. Plus clair que le Selosse, d’une grande jeunesse de robe, il a une bulle très fine et très élégante. Sa complexité est infinie. Il décline des notes florales autant que de fruits et de pâtisseries. On aurait du mal à en explorer toutes les variations. Et l’on sent qu’il est un compagnon de gastronomie sans limite. L’association du foie gras poêlé avec des navets confits est très pertinente et le navet excite le Krug avec brio.

Avant que le second plat n’arrive, Tomo, qui joue le rôle du sommelier me verse un peu du Champagne Dom Pérignon 1949 et en levant mon verre, j’ai peur pour ce champagne qui passe après une merveille. Et un sourire vient immédiatement sur mes lèvres : ce 1949 est encore plus grand que le Clos du Mesnil. Les votes seront d’ailleurs sans appel. La robe est légèrement ambrée, la bulle a disparu, ce qui nous met en présence d’un "autre" champagne, puisque la comparaison avec des champagnes actuels n’est pas signifiante, mais ce vin est d’un charme diabolique. C’est très difficile de décrire un vin aussi complexe, partant dans toutes les directions gustatives. Il est strict sur les ormeaux, presque sucré sur la chair du homard, et prend une longueur extrême sur le consommé. Je suis heureux car je n’avais jamais bu cette année mythique et rare de Dom Pérignon. La partager dans cet état de perfection est un immense bonheur.

Tomo a offert le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1957 à la robe ambrée qui pourrait faire craindre une évolution excessive, mais ce n’est pas le cas. Le vin est très agréable, l’évolution est là, mais n’empêche pas le parfum d’être riche et affirmé et le goût d’être profond et fruité. Le vin est magnifié par un accord que je considère comme le plus grand de ce repas, réalisé par Tomo. Car la sauce aux herbes qui accompagne la sole et la purée de céleri est d’une complexité qui réveille le Chevalier en fanfare. C’est un accord sublime et d’une rare pertinence.

Même s’il s’agit d’un très bon vin, le Corton Charlemagne Coche Dury 2000 de Tomo joue vraiment "en dedans". Il est comme rétréci. Bien sûr, on devine ce qu’il pourrait nous raconter, mais on sent trop qu’il est entravé. Le ris de veau est magnifique. Tomo, dans sa générosité, nous propose d’apporter une autre bouteille du même vin. Nous refusons tout en le remerciant.

Le Château Margaux 1947 est un vin parfait. Sa couleur est d’un rouge sang glorieux, sans la moindre trace d’âge. Le nez est un parfum glorieux, raffiné comme il n’est pas permis. Et en bouche, c’est la gloire absolue. Il serait impossible de noter le moindre petit défaut au vin qui a tout pour lui. Un velouté extrême, une mâche sereine et une longueur infinie. C’est réellement impressionnant. Le carré d’agneau bien rose lui convient totalement.

Alors que va donner le Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915 ? Tomo me sert et là encore, je suis stupéfait que l’on puisse aller encore plus loin. Car ce vin résume toute la qualité des vins de Bourgogne. Sa robe est moins pure que celle du Margaux, mais n’a quasiment aucun tuilé. Le nez est charmeur comme le sont les vins d’années puissantes. Et en bouche le vin décline toute la beauté des vins que j’aime. Et la sauce du veau basse température exhale les parfums de rose et le goût de rose de ce très grand vin, que je classerai devant le Margaux. Un Fixin de ce calibre impose le respect.

Le Château Guiraud Sauternes 1891 est la définition la plus pure d’un sauternes du 19ème siècle. Sa robe est d’un acajou radieux, le nez est impérial, évoquant aussi bien les agrumes que les fruits confits. Et en bouche tout est délicieusement mesuré, le pamplemousse, les fruits exotiques, une petite trace de thé vert, le tout sur un fond de délicatesse qui n’exclut pas une profondeur extrême. C’est le sauternes idéal, très différent des Yquem de la même période, et je serais bien embarrassé de dire lesquels je préfère, car celui-ci est ciselé comme peu de sauternes le sont.

Pour finir le repas, Tomo confectionne une glace à la truffe qui est merveilleuse. Cet ami a des trésors de cuisine qui ne demandent qu’à s’exprimer.

Nous sommes cinq à voter pour quatre vins préférés parmi les huit vins et seulement cinq vins auront des votes. Deux seulement auront des votes de premier, le Guiraud trois fois et le Dom Pérignon deux fois.

Le classement du consensus serait : 1 – Champagne Dom Pérignon 1949, 2 – Château Guiraud Sauternes 1891, 3 – Château Margaux 1947, 4 – Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915, 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1990.

Mon classement est : 1 – Château Guiraud Sauternes 1891, 2 – Clos de la Perrière Fixin premier cru # 1915, 3 – Champagne Dom Pérignon 1949, 4 – Château Margaux 1947. A la lecture des votes, Jean-Philippe est convenu que mon vote est le plus proche de la réalité. Mais y en a-t-il une ? Le fait que le Clos du Mesnil ne soit que cinquième en dit long sur la performance des autres vins.

Je voulais associer les talents culinaires de deux amis, et force est de constater que ce fut particulièrement brillant. Tomo, qui jouait sur son terrain, a réussi des plats exemplaires. J’ai eu plaisir à constater que les quatre vins que j’avais apportés, qui tous me tiennent à cœur, étaient dans un état exceptionnel. Ajoutons à cela la chaude amitié, et nous tenons l’équation d’un dîner parfait.

144ème dîner de wine-dinners – les vins mardi, 22 février 2011

Champagne Bollinger Grande Année magnum 1982

Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1943

Château Laville Haut-Brion blanc 1943

Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2000

Château Palmer margaux 1959 (le millésime est très difficile à lire mais c’est bien 1959)

Château Haut-Brion 1er Grand Cru classé de Graves 1918 (on note la fraîcheur de la capsule)

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 (de retour de Sainte Hélène !!!! )

Chambertin Domaine Armand Rousseau 1990

Château Rayne-Vigneau Sauternes 1964

Château d’Yquem 1967

144ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent mardi, 22 février 2011

Le 144ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Les bouteilles sont remontées de la cave de Taillevent après avoir été mises debout la veille. Je commence les ouvertures à 17 heures. Le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2000 a un bouchon extrêmement serré qui demande une force herculéenne pour l’extirper. L’odeur est puissante et d’une jeunesse folle. Le soufre et le pétrole envahissent le nez. Le vin devrait être une bombe d’arômes. Le Laville Haut-Brion 1943 a une couleur un peu gris vert. Je n’avais pas remarqué un détail qui compte : le verre de la bouteille est bleu, comme pour les années de guerre, par manque de plomb. Et ceci explique la couleur du vin. Le bouchon est magnifique et sort entier. Le parfum est riche et les arômes d’agrumes abondent. Il semble d’une grande subtilité. C’est un vin riche au nez.

Le Palmer 1959 a un beau bouchon. Le nez est impérial, fidèle à la réputation du margaux. Le haut du bouchon du Haut-Brion 1918 est poussiéreux et sent la terre. Le bouchon se brise en trois morceaux mais tout se lève avec mes outils miraculeux. Alors que je suis seul dans la belle salle qui va abriter notre dîner, voilà que je me mets à parler. "Ça c’est sublime" sort instantanément de mes poumons, car le parfum du vin est quasi irréel. Il est tout en fruits rouges subtils.

Les bouchons des deux bourgognes sont parfaits, celui de La Tâche 1986 étant d’un diamètre plus grand. Il n’y a rien de plus dissemblable que les fragrances de ces deux vins. La Tâche 1986 est toute en subtilité gracile et gracieuse. Alors que le Chambertin Domaine Armand Rousseau 1990 est tout en muscles, ce qui n’exclut pas le raffinement.

Les bouchons des deux sauternes sont sans histoire car il s’agit de jeunots, et à mon étonnement, il y a une grande similitude entre les nez du Rayne-Vigneau 1964 et de l’Yquem 1967. Le plus vieux est un peu plus simple, mais les deux jouent sur des registres très proches, dans les mêmes gammes d’arômes, ce qui va me pousser à les faire servir ensemble, très probablement.

Alain Solivérès souriant vient me présenter Matthieu Bijou, le nouveau pâtissier, dont j’avais appris l’arrivée par la presse. Il est jeune mais déjà très affirmé et me présente les mignardises qui pourraient accompagner les liquoreux. Il revient sans cesse me faire goûter de nouveaux essais. Tout semble en ordre. Il me reste à attendre mes amis.

Dans la salle de l’étage que je considère comme la plus belle de Paris, nous sommes onze dont neuf buveurs, car deux jolies femmes ne boivent pas. C’est un diner d’habitués puisque seules deux personnes n’avaient jamais participé à l’un de ces dîners.

Le menu créé par Alain Solivérès est : Huîtres Ecailles d’Argent en gelée d’eau de mer / Epeautre du pays de Sault en risotto au homard / Suprême de volaille de Bresse rôti, salsifis truffés / Pigeon de Racan en chausson feuilleté, fois gras et chou / Mignon de Veau du Limousin, légumes d’hiver caramélisés à la truffe noire / Duo de roquefort, marmelade d’orange / Pomme fondante et saveurs confites. Ce repas classique n’exclut pas les audaces d’un chef au registre solide et rassurant. C’est exactement ce qui convient à des vins de première grandeur.

Le Champagne Bollinger Grande Année magnum 1982 est d’un bel or clair qui est signe de jeunesse. La bulle est très active et le vin montre à la fois des signes de grande jeunesse mais aussi de maturité. Il est épanoui, assis, avec des notes de fruits compotés mais c’est aussi un champagne de soif, car il glisse allégrement en bouche. Prévu pour l’apéritif, il accueille de goûteuses gougères et sera puissamment fouetté par l’huître à l’iode envahissant.

Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1943 et d’un ambre rosé, et je précise que le champagne n’est pas rosé. La première gorgée a une légère trace poussiéreuse qui s’estompe très vite, et le champagne à l’exacte température développe la complexité de ses arômes dans les fruits rouges et roses. L’huître est tellement typée qu’on pourrait craindre un rejet du champagne, mais en fait, quand le palais s’habitue, l’huître, qui convient mieux au Bollinger au premier abord, élargit et étoffe le 1943 par une compensation que je n’aurais pas imaginée.

Le Château Laville Haut-Brion blanc 1943 est l’un des deux blancs associés à l’épeautre. C’est lui qui profite le plus de l’association avec la sauce réduite du plat. Une des convives, experte en vins, soupçonne que j’ai placé le Chevalier Montrachet La Cabotte Bouchard Père & Fils 2000 pour mettre en valeur le 1943, tant le bourguignon est d’une jeunesse folle, débridée, aux parfums brutaux de son âge mais à la bouche policée et joyeuse, car il respire la rondeur. Le Laville est parfait, et c’est un régal sur le plat, l’accord étant un des plus beaux du repas. Son or est brillant et épanoui, formant dans le verre un contraste saisissant avec la couleur du vin dans la bouteille bleue. Son parfum est raffiné, et en bouche, son élégance est éclatante, faisant dire à certains que ce Laville surpasse beaucoup de Haut-Brion blancs. Nous sentons tous l’importance de cette rencontre avec un vin de 67 ans.

Si l’association des deux blancs se justifiait, puisqu’aucun ne faisait de l’ombre à l’autre, le Château Palmer Margaux 1959 impérial et glorieux va mettre un peu d’ombre à un vin qui sait se défendre, le Château Haut-Brion 1er Grand Cru classé de Graves 1918. Ce qui frappe d’emblée, c’est la couleur des deux vins. Le Palmer est d’un rouge sang d’une rare pureté, et le Haut-Brion est d’un rouge plus noir, plus concentré. Aucun des deux vins n’a la moindre trace de tuilé. Au nez, ma préférence va au Haut-Brion, qui a conservé la fraîcheur de fruits rouges et noirs. En bouche, le Palmer est parfait, sans le moindre défaut, plein d’un équilibre exceptionnel. Il est à fois juteux et racé. Sa profondeur de trame est un modèle. La question s’est souvent posée : est-ce 1959 ou 1961 qui est le meilleur des Palmer ? Il y a vingt ans, je répondais 1959 et une confrontation des deux millésimes faite à l’académie des vins anciens a donné l’avantage au 1961. Cette bouteille va faire pencher le balancier vers 1959, sauf preuve contraire à provoquer très vite.

Le Haut-Brion 1918 serait adoré s’il ne cohabitait pas avec le Palmer. Car on accepterait sans hésiter sa trame parfaite, son goût truffé, sa profondeur, s’il n’avait à ses côtés un vin qui chante plus fort que lui. J’ai adoré ce vin car il est rare aujourd’hui d’avoir des témoignages de cette année de fin de guerre aussi brillants que celui-ci, car nul ne pourrait trouver le moindre défaut à ce beau Haut-Brion de 92 ans.

La volaille est copieuse, trop copieuse même, et son accord le plus pertinent est avec les vins blancs précédents, pour ceux qui avaient eu la prévoyance d’en garder. Pour les bordeaux rouges, l’accord n’est que poli.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986 a un nez d’un raffinement extrême. Ce parfum me fait fondre de bonheur, car il allume toutes les lampes qui évoquent le domaine que je chéris tant. On sent le sel que j’aime dans les vins du domaine. Le pigeon est parfait pour tirer tous les accents subtils de ce vin raffiné, séducteur, qui cumule les œillades, les petits coups d’éventail et les mouchoirs parfumés pour mieux nous attirer. Je me régale avec ce vin très représentatif d’un domaine de la Romanée Conti qui séduit, ce qui n’est pas toujours le cas, quand la rigueur académique prend le dessus.

J’avais expliqué à mes amis que j’ai déjà bu tous les vins de ce dîner, sauf un, celui qui va venir. C’est dans ce millésime que je ne l’ai pas bu, je n’en ai qu’un seul exemplaire, celui-ci. J’en attends énormément, et je leur fais part de mon inquiétude créée par le fait que l’odeur de La Tâche était plus excitante à l’ouverture.

On me sert en premier un verre du Chambertin Domaine Armand Rousseau 1990. Comme je suis incapable de maquiller mes sentiments, toute la table voit éclore un large sourire sur mon visage : ce vin est parfait. Au nez je le voyais très différent de La Tâche, mais en bouche, je retrouve des notes salines très proches. Cela peut paraître lancinant de lire que je trouve tant de vins parfaits, mais il faut convenir que ce soir, le tir groupé est assez exceptionnel. Et ce chambertin est absolument parfait. Il est même réconfortant, tant on a du plaisir à savoir le lire. Quel beau vin, serein, joyeux, pertinent. Je suis aux anges devant un tel équilibre serein qui pianote ses charmes à chaque instant. Le mignon de veau est divin et exactement ciblé pour le chambertin, mais nous avons été tellement gâtés par des quantités gargantuesques, que nous sommes prêts à rendre l’âme.

On me fait goûter les deux liquoreux, et contrairement à l’idée esquissée il y a sept heures, ils seront servis décalés, car le second pourrait faire de l’ombre au premier. Le Château Rayne-Vigneau Sauternes 1964 est riche et joyeux. Son or est acajou clair, son nez est puissant et il apprécie la marmelade d’orange qui accompagne deux roqueforts. Ce vin rassurant et juteux est sans histoire, naturellement agréable.

Le dessert conçu par Matthieu Bijou est idéal pour le Château d’Yquem 1967. Tout le monde attendait cet Yquem dont la réputation est prestigieuse. Il est grand, au parfum plein, à l’or idéalement bronzé. Il est beaucoup plus subtil que le précédent, mais, est-ce la fatigue due à l’heure tardive, je n’ai pas l’émotion que ce sauternes magistral devrait créer. C’est un grand Yquem un peu scolaire. Il est bien, mais ce soir, pas dans mon Panthéon.

Les mignardises mises au point avant le repas sont d’une grande justesse. Le macaron à la vanille de Tahiti que Matthieu a tenu à ajouter va beaucoup mieux avec le cognac tentateur de Taillevent qu’avec l’Yquem.

Il est l’heure de voter et sur les dix vins, huit figurent sur au moins trois feuilles de votes. Trois vins seulement ont eu des votes de premier. Le Château Palmer Margaux 1959 quatre fois, le Chambertin Domaine Armand Rousseau 1990 aussi quatre fois, et le Château Haut-Brion Graves 1918 une fois.

Le classement du consensus serait : 1 – Château Palmer Margaux 1959, 2 – Chambertin Domaine Armand Rousseau 1990, 3 – Château Haut-Brion 1er Grand Cru classé de Graves 1918, 4 – Château Laville Haut-Brion blanc 1943, 5 – Château d’Yquem 1967.

Mon classement est : 1 – Chambertin Domaine Armand Rousseau 1990, 2 – Château Palmer Margaux 1959, 3 – Château Laville Haut-Brion blanc 1943, 4 – Château Haut-Brion 1er Grand Cru classé de Graves 1918, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1986.

Le fait marquant de ce repas, c’est le niveau qualitatif des vins. Non seulement aucun ne fut faible ou fatigué, mais en plus on ne pourrait dire d’aucun qu’il eût pu être d’une meilleure présentation. Ajoutons à cela une cuisine sereine et pertinente. Le service est d’une extrême qualité et sait être présent quand il le faut comme le montre cette anecdote : un ami affirme que tout collectionneur de vins doit avoir cassé au moins une fois une bouteille de valeur. Il raconte son anecdote et je lui signale que c’est une bouteille cassée de Margaux 1900 qui fait la couverture de mon livre. Cet ami proche n’avait jamais vu mon livre. Quelques minutes plus tard, l’un des serveurs apporte à notre table une photocopie de la couverture du livre. On savait que Taillevent a le meilleur service du monde. En voici une preuve de plus, sans oublier les performances de Jean-Claude, Diane, sommelière attentionnée, et toute l’équipe.

Le dernier point à signaler, c’est l’ambiance joyeuse et souriante d’un groupe de passionnés qui se retrouveront bien vite à cette table ou à l’une des autres belles tables de Paris.

143ème dîner – les vins mercredi, 15 décembre 2010

Champagne Laurent Perrier 1973

Champagne Krug Clos du Mesnil 1988

Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 (étiquettage pour la livraison par Bouchard, rebouchage déjà ancien)

Château Mouton-Rothschild 1944

Château Ausone 1959

Echézeaux Henri Jayer 1984

Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981

Richebourg Morin Père & Fils 1923

Hermitage La Sizeranne Grande Cuvée sans année

Château d’Yquem 1874 (année très lisible sur le bouchon d’origine)

Château d’Yquem 1967 (ajouté de peur que l’Yquem 1874 ne soit pas à la hauteur)

Vin de Chypre 1845 (ajouté de peur que l’Yquem 1874 ne soit pas à la hauteur)

143ème dîner – photos mercredi, 15 décembre 2010

photos de groupe

les vins rouges

le bouchon du Montrachet 1939 est curieux, car le haut est "brûlé"

le bouchon de la Romanée Conti montre un problème en haut de boucho, mais qui n »a pas affecté le bas du bouchon

le magnifique bouchon de l’Ausone 1959 et le bouchon du vin d’Henri Jayer

les bouchons des deux Yquem, le 1967 et le 1874

ce bouchon minuscule est celui du Chypre 1845. Il a parfaitement joué son rôle

tous les bouchons

Tomo et Akiko qui sont venus en kimonos en honneur de ce repas

Les plats

Les ors et les stucs

143ème dîner de wine-dinners au restaurant Les Ambassadeurs du Crillon mardi, 14 décembre 2010

Lorsque Jésus-Christ a ressuscité Lazare, on peut imaginer assez volontiers qu’il ait éprouvé une certaine fierté en pensant : "ce pouvoir, c’est moi qui l’ai". Toutes proportions gardées j’ai ressenti une immense fierté lorsque des vins que tout le monde eût rejetés, écartés, vidés à l’évier ont non seulement vécu mais brillé au firmament. Les vignerons ont fait des vins. Leur mort était annoncée au moment de l’ouverture. Et par le miracle de l’oxygénation lente, ils ont ressuscité. Ce sera le signe majeur du 143ème dîner de wine-dinners qui se tient au restaurant Les Ambassadeurs de l’hôtel de Crillon.

L’ouverture des vins commence à 17 heures. Les odeurs du Mouton 1944 et de l’Ausone 1959 sont rassurantes et subtiles. Celle du vin d’Henri Jayer est prometteuse, et je jubile en sentant la Romanée Conti 1981, car elle sera brillante ce soir. Les fragrances du Montrachet 1939 sont encore incertaines. Lorsque je coupe le haut de la capsule du Richebourg 1923, le bouchon est recouvert de poussière noire, et la bouteille exhale une odeur de terre, de la terre riche et lourde. J’enlève le bouchon et l’examen olfactif dans la bouteille est faussé, car le col est encore imprégné de cette forte odeur de terre, qui pourrait avoir marqué le vin.

Lorsque j’avais fait les photos des bouteilles en cave il y a une semaine, j’avais remarqué une goutte perlant sur la capsule de l’Yquem 1874. Je l’avais portée à mes lèvres, et ce n’était pas franchement engageant. De peur d’une contreperformance de ce vin qui m’avait intéressé puisqu’il a encore son bouchon d’origine, ce qui promet généralement des goûts plus purs, j’avais ajouté dans ma livraison pour ce dîner un Yquem 1967 et un vin de Chypre 1845. Ouvrant le 1874, j’ai hélas la confirmation que mes craintes étaient fondées, car la puanteur qui se dégage n’a aucune chance de se résorber. Un nouveau participant de mes dîners, venu assister à l’ouverture des vins, constate l’ampleur des dégâts olfactifs. C’est le seul vin pour lequel je verse un peu dans un verre. Le nez est détestable, l’attaque en bouche est assez agréable, mais le final est affreux, laissant une trace en bouche très désagréable. Pour moi, la cause est entendue. L’Yquem 1967 est glorieux, le vin de Chypre 1845 est un péché mignon. Je replie mes outils en pensant à l’incertitude du Montrachet 1939, à la trace de terre du Richebourg 1923 et à la déroute annoncée de l’Yquem 1874.

Mes amis japonais arrivent en avance, habillés tous les deux en kimonos. Celui d’Akiko est d’une rare beauté. Je fais goûter à Tomo l’Yquem 1874 et il est quasi certain que le final du vin ne se reconstituera pas.

Les convives se regroupent dans la magnifique salle presque aussi haute que large, aux stucs et marbres caramel. Nous sommes dix dont deux seulement sont des nouveaux.

Le menu composé par Christopher Hache est ainsi énoncé : Amuse bouche: Le suprême de caille au foie gras / Le saumon bio cuit à l’étouffée, chips de salsifis et sabayon aux épices / Le Saint-Pierre doré, carottes grenailles étuvées au gingembre / Le Ris de veau, poêlée de champignon de saison / La Tourte de Gibier, accompagnée de coulis de truffe noire / Plateau de vieux fromages affinés / Ile flottante gaspacho de mangue, passion et pamplemousse rose / Financiers parfumés à la réglisse.

Le Champagne Laurent Perrier 1973 a une couleur d’un ambre légèrement grisé, la bulle est peu active, le nez délicat et le vin a le charme de l’âge, belle démonstration de la richesse évocatrice des champagnes anciens. Je ne le trouve pas tout à fait parfait, car il a un léger manque d’équilibre, mais cela ne semble gêner personne. L’amuse-bouche lui donne une ampleur certaine et finalement ce champagne est porteur de plaisir.

Quand arrive le Champagne Krug Clos du Mesnil 1988 on ne peut que faire "wow", car c’est une explosion de jeunesse. Ce champagne est à l’apogée de ce que peut être un champagne encore jeune, ou plutôt toujours jeune. Son acidité est exceptionnelle. Le saumon bio a été cuit à basse température. Christopher nous dira plus tard : "à température du corps". Il est moelleux et fondant mais c’est avec le sabayon discrètement acidulé que nos goûterons l’un des accords les plus réussis de ce dîner. Le Krug est immense, puissant, fruité, joyeux et à l’acidité bien trempée. Le repas démarre bien.

Je suis servi des premières gouttes du Montrachet Bouchard Père & Fils 1939 et instantanément je sais que ce sera le plus grand des 1939 que j’ai bus de ce vin. Le nez est plein de charme et en bouche, c’est la sérénité qui en impose. Il est fruité, bien construit, et comme il est d’une année froide, c’est par sa précision qu’il emporte notre adhésion. L’accord avec le saint-pierre divinement cuit fait partie, avec le précédent, des deux plus beaux.

Jamais je n’aurais imaginé qu’un Château Mouton-Rothschild 1944 puisse être aussi brillant. Sa couleur est d’un rouge rubis intense, sans trace de vieillissement. Qui dirait qu’un 1944 puisse avoir cette puissance, cette charpente solide ? C’est un beau Mouton très Pauillac, à un niveau que nous n’attendions pas. A côté de lui, le Château Ausone 1959 a une couleur noire, un parfum impératif et révèle un goût proche de la perfection absolue. C’est un très grand vin riche, très rive droite, qui ne fait pas d’ombre au Mouton, les deux reprenant les caractéristiques archétypales de leurs terroirs. La texture du ris de veau, un peu molle, n’a pas permis un accord enrichissant les vins.

Comme chaque fois lorsque les bordeaux sont parfaits, on se demande si les bourgognes vont supporter le choc. Nous allons en aligner trois sur une tourte magnifiquement exécutée, mais dont la sauce lourde serait plus adaptée à des vins du Rhône qu’a des bourgognes délicats. L’Echézeaux Henri Jayer 1984 a une robe d’un joli rose pâle. Le nez est distingué et tout en ce vin révèle le talent de celui qui l’a fait. C’est le pinot noir dans sa gloire. Il est fluide, distingué, strict et élégant.

Le premier contact avec la Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981 m’a donné, j’ose le dire, des frissons. Le plaisir de rencontrer une Romanée Conti parfaite devient physique. Le nez est noble et les roses sont d’une évidence criante. En bouche, les roses et le sel sont le socle du discours courtois et élégant. Tout en ce vin est d’une exquise séduction.

Les évocations de terre ont complètement disparu lorsque l’on sent le Richebourg Morin Père & Fils 1923. Le temps d’oxygénation a fait son œuvre. Les nouveaux sont consternés et se demandent comment il est possible qu’un vin de 87 ans puisse avoir une telle jeunesse. Ce 1923 est le plus puissant et le plus fruité des trois vins, avec une mâche gourmande de jeune vin. Il est brillant et me rappelle les joies que j’ai eues avec les Nuits Cailles du même Morin de 1915. La tourte serait nettement appréciée si elle avait été seule sans sauce. Elle aura voyagé seule sans entraîner les trois vins splendides. Un des piliers de mes dîners, volontiers taquin, plus porté vers l’humour qui chambre que sur le compliment a salué la série des huit vins bus jusqu’alors en signalant leur niveau extrême. Un sans faute.

J’ai ajouté dans le programme un Hermitage La Sizeranne Grande Cuvée sans année que je subodore être des années 70. Facile à lire, serein, sans la moindre complication, il est extrêmement plaisant. Il accompagne les fromages, pour moi un saint-nectaire.

Mes avertissements de début de repas sur la mort certaine de l’Yquem 1874 sont renouvelés, aussi, quand on me sert le Château d’Yquem 1874, chacun attend le verdict. Je n’en crois ni mon nez ni mon palais, car le vin n’a plus le moindre défaut dans son final. C’est à peine croyable. Un des convives qui en est à son deuxième dîner me soupçonne de cultiver un effet de style, car chez Patrick Pignol, La Tâche 1982 avait été annoncée morte et avait aussi montré un spectaculaire retour à la vie. Heureusement, le nouvel ami qui avait assisté à l’ouverture a confirmé que l’Yquem tout à l’heure était vraiment mort. Le vin que nous buvons a un vrai nez d’Yquem. Il n’est pas flamboyant, mais il est précis. Et en bouche, c’est un bel Yquem, onctueux, dont le fruit est en partie masqué par des traces de caramel. Le dessert est très adapté à ce vin.

Le Château d’Yquem 1967 est d’une insolente jeunesse et d’une perfection qui nous nargue. Il n’y a pas une fausse note et c’est "le" bel Yquem dont on rêve, à la longueur infinie. Mais ce jeunot ne fait pas ombrage au 1874 qui continue de briller et de s’assembler encore. La succession des sans faute est saisissante.

Ne me demandez pas d’être objectif envers le Vin de Chypre 1845, je ne peux pas. Rien dans mon firmament ne brille autant. Ce vin lourd comme un parfum, capiteux comme aucun autre est en fait un vin sec. Il a une fraîcheur désarmante, un poivre raffiné, et cette petite touche de réglisse qui ajoute à son élégance. A ce stade, nous sommes tous impressionnés de constater que tout a fonctionné sans faute.

Les votes ne sont pas faciles. Ils sont extrêmement variés, ce qui me plait. Sur douze vins dix ont eu des votes sur les bulletins comprenant cinq vins. Je jubile de constater que six vins ont eu au moins un vote de premier pour neuf votants. L’Yquem 1874 a eu quatre votes de premier, ce qui est renversant lorsqu’on songe à son ouverture. Cinq autres vins ont été couronnés d’un vote de premier : Ausone 1959, Romanée Conti 1981, Richebourg 1923, Yquem 1967 et Chypre 1845.

Alors que je m’attendais à ce que tout le monde me suive pour couvrir le vin de Chypre de lauriers dorés, il fut très peu choyé dans les votes, ce qui montre bien que mon enthousiasme n’influence pas les votes des convives aux préférences variées et différentes.

Le vote du consensus est : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981, 2 – Château d’Yquem 1874, 3 – Château d’Yquem 1967, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Vin de Chypre 1845.

Mon vote est : 1 – Vin de Chypre 1845, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981, 3 – Montrachet Bouchard Père & Fils 1939, 4 – Château Ausone 1959, 5 – Château d’Yquem 1874.

Les vins de ce soir ont été très brillants, avec de divines résurrections. La cuisine de Christopher Hache est très assurée et agréable, car elle est naturellement compréhensible. Il y a encore des accords à améliorer mais deux ou trois furent de belles réussites. Le service est toujours aussi attentionné, celui du vin étant exemplaire. En nous quittant, nous savions que nous avions vécu un moment unique avec des saveurs inoubliables.