Le jury de champagnes du Spectacle du Monde va diner chez Dom Ruinart vendredi, 30 septembre 2005

Un car affrété par la maison Ruinart prenait en charge ce joyeux groupe, qui n’avait pas fini ses explorations de la champagne. Nous sommes accueillis chaleureusement dans une magnifique salle où, dans un calme rassurant, nous allons goûter de magnifiques champagnes. Avant cela, j’avais visité les crayères à 35 mètres sous le niveau du sol où mûrit le champagne (voir photo). C’est beau et impressionnant à la fois. Le Dom Ruinart 1996 a un nez très intense, profond, très vineux. En bouche il est élégant, évoque la pamplemousse quand il devient plus chaud. A ce propos, j’ai constaté avec tous ces champagnes à quel point mon plaisir se situe entre la deuxième minute et la quatrième minute dans le verre. Le vin a besoin de s’installer dans le verre. Ensuite, il cumule la force de la bulle, la fraîcheur, et les arômes qui s’expriment. Au bout de quatre minutes, le réchauffement épaissit la bulle, empâte les arômes et le champagne perd de sa longueur. J’ai généralement tendance à aimer les champagnes moins frais que ce qui est servi dans les restaurants. Ici je me rends compte que la fenêtre de tir des températures pour les champagnes Ruinart est très étroite, phénomène que j’avais déjà constaté pour le Haut-Brion blanc, qui s’exprime avec le maximum de charme dans une plage de température qui n’excède pas deux degrés. Le Dom Ruinart 1993 a un nez déjà plus évolué. Il est très mûr, développé, expressif. Le 1990 est beaucoup plus doré, au nez avancé pas trop agréable. En bouche, il est exactement complet. On ne peut s’empêcher de penser à Roxane Debuisson, l’aficionado de Ruinart qui ne jure que par le 90, mais en magnum seulement. Le 1988 est moins doré que le 90, plus citron. Le nez est plutôt minéral. Au début, il est un peu coincé, un peu en dedans. Puis il s’ouvre et devient intéressant par une jeune agressivité. C’est lui que mes amis préférèrent des blancs. Le 1981 est ambré, déjà bronzé. Le nez me plait, fait de beurre et de pêche. En bouche, nettement évolué, il est intéressant car sa bulle est belle. Un champagne pour accompagner une belle cuisine. Je me suis rendu compte de l’autorité dont jouit Richard Juhlin, expert mondialement reconnu en champagnes, auteur de plusieurs livres qui font référence. Il a signalé que le 1981 ne lui convenait pas et immédiatement la bouteille fut doublée par un 1981 ravissant que je fus le seul à classer en premier des blancs, le 1988 étant acclamé par ces juges, même si le 1990 impose le respect. Alors que je suis assez peu fanatique des champagnes rosés, je suis interdit comme sur un uppercut par le Dom Ruinart rosé 1990. le nez est incroyablement séducteur et en bouche, quelle élégance après les blancs ! Passionnant. Mais le rosé 1988 allait me plaire plus encore par un fruité excitant. Je l’ai préféré au 1990, contre l’avis de mes amis qui ont plébiscité le 1990. Mais ce fruité m’allait bien. Le rosé 1986 moins ouvert, plus conventionnel, fut vite doublé, sur un froncement de cil de Richard Juhlin, par un magnum du même millésime. Malgré une nette amélioration, ce champagne ne me fit pas vibrer. L’impression générale qui restait en bouche, c’est que l’on avait bu de grands champagnes. Mais mon palais allait vivre une de ces excitations que j’adore. Après deux jours assez intenses, l’iode et le sel d’huîtres Gillardeau bien calibrées ont formé avec le blanc de blancs non millésimé Ruinart un accord absolument renversant. La bouche appelle cette combinaison où les deux composantes, l’iode et la bulle publient les bans pour une union où, selon le code civil, chacun doit apporter au mariage selon ses capacités contributives. Et ça contribuait.

J’ai l’air songeur en écoutant Philippe Faure Brac pendant ce dîner chez Ruinart

Dans une belle salle voûtée dont les murs sont ornés des panneaux de support des bouteilles en vieillissement, un dîner fort élégant : salade de homard au parmesan, poularde en demi-deuil et sa petite purée truffée, fromages frais et affinés, poire aux épices, tuile aux éclats d’amandes et sa glace au gingembre confit. Belle cuisine au homard résolument carpacchique, à la truffe délicatement et goûteusement glissée sous la peau, et au gingembre très consensuel. Sur ce beau menu Dom Ruinart 1996, évidemment plus vivant qu’en salle de dégustation, Dom Ruinart 1990 magnifique, « R » de Ruinart bien fait pour apaiser le fromage et le Dom Ruinart rosé 1990 qui marche évidemment très bien avec la poire et surtout le gingembre, mais que je verrais volontiers sur d’autres audaces. Il est certain que deux dîners de suite où il n’y a que du champagne, même d’une qualité irréprochable, donnent des envies de vins rouges, pour « mâcher » du vin. Une générosité remarquable de deux maisons de champagne, totalement libre puisque le jury a jugé à l’aveugle, sans possibilité de se tromper, comme j’en fus le témoin. Il faudra lire cette brillante analyse dans « le Spectacle du Monde », qui consacre séparément des grandes maisons de champagne et des petits propriétaires, dont un primé qui était inconnu de tout le jury, quand on a révélé son nom ! Ça fait plaisir qu’on consacre des vignerons discrets qui font bien. Pendant que je rentrais fourbu à Paris, mes compères infatigables ont poussé la chansonnette dans des karaokés endiablés jusqu’à l’heure du laitier. Ces deux jours m’offrirent de grands moments d’amitié.

déjeuner au restaurant Laurent avec un Cros Parantoux Henri Jayer jeudi, 29 septembre 2005

Déjeuner au restaurant Laurent. On le sait, c’est ma « cantine », donc il n’est plus question de juger. J’y ai un rond de serviette virtuel. Un manzanilla léger, c’est un agréable apéritif, mettant en ordre les papilles pour une belle aventure gustative. J’avais l’intuition que le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976 serait le compagnon du pied de cochon, et ce fut le cas. Intéressant quand il est seul, il vibre avec émotion quand il est associé au plat. Toute évocation descriptive serait restrictive. Avec le pied de porc, c’est un bonheur de soleil, de gouleyant, d’expressivité intelligente.
Le pigeon est un beau pigeon. La chair est traitée comme elle doit l’être. Je pense au responsable des monuments historiques de la capitale, conscient des dégâts de ce diarrhéique volatile. Il a sans doute décidé que l’éradication de l’espèce passerait chez Laurent. Alors, on a le pigeon le plus pur, qui a décapé les statues de Charlemagne ou de Saint-Louis, qui exprime son authenticité historique dans notre assiette. Et là, le Vosne-Romanée Cros Parantoux de Henri Jayer 1994 est la démonstration du pouvoir de l’homme sur cette liane rebelle qui se pare à l’automne naissant de pulpeuses grappes juteuses. Ce vin est grand sans être éblouissant, fine démonstration d’un savoir faire unique. Tout est subtil dans ce vin. Le navet est d’un charme extrême, mais c’est le cèpe, croustillant comme un cèpe puceau qui donne au Cros Parantoux un accent bourguignon incommensurable.
Après le Clos Sainte Hune Trimbach 1976 et le Cros Parantoux Henri Jayer 1994, solides institutions, les judicieux conseils de Patrick Lair et Philippe Bourguignon vont permettre de finir le repas sur de jolies notes. Un champagne de Montgueux, à l’extrême sud de l’appellation, champagne Alexandre brut nature de Jacques Lassaigne 1999, et un Banyuls du docteur Parcé 1996, « la Coume » comme on dit aussi à Maury, bois de cèdre, pruneau, tout ce qui embellit la bouche en fin de repas. Laurent est une grande table de pur confort.

Le jury de champagnes du Spectacle du Monde dine au Cinq avec Billecart-Salmon jeudi, 29 septembre 2005

Le jury qui analyse les plus grands champagnes pour l’étude annuelle que publie « Le Spectacle du Monde » m’a gentiment invité à me joindre à nouveau à ses travaux (les bulletins 120 et 121 parlent des sélections de 2004). Il a procédé aux premières éliminations sans moi, car j’étais retenu ailleurs. Je les rejoins au restaurant le Cinq pour un dîner consacré aux champagnes de Billecart-Salmon.
Le menu est extrêmement élaboré : langoustines bretonnes au cédrat et au caviar Osciètre, turbot rôti au caramel d’algue, homard mi-fumé aux châtaignes, canard croisé aux épices, macaron glacé au fromage blanc et citron vert, framboise à l’hibiscus, autour du chocolat. Une dextérité exceptionnelle, surtout pour le canard à la chair lourde et intense. La châtaigne du homard est un petit prodige de dosage et de goût.
Le Billecart Salmon 1989 est extrêmement imprégnant, lourd, puissant, mais il est relativement court en bouche. Le 1986 est provocant, ce que j’adore. Très aromatisé et complexe, puissant et long. Les champagnes qui suivent vont faire apparaître d’extrêmes variations entre la première gorgée peu amicale et la dernière toute en charme, quand le vin s’est épanoui dans le verre. Le 1982 est un peu amer au premier contact, puis devient très floral, fraise des bois, fruits blancs. Il est d’une subtilité rare et l’iode du turbot ne l’avantage pas.
Le 1966 est passionnant, sauvage, viril, s’imposant en force. A coté, le 1961 qu’Eric Beaumard annonce voilé démarre par un goût un peu déstructuré, imparfait. Puis tout s’assemble, et si l’on a la patience de bien lire son message, c’est le plus grand de tous, fait d’une noblesse de corps invraisemblable. Richard Juhlin sera de mon avis ou plutôt je serai du sien. Le champagne rosé Billecart-Salmon 1988 ne parle pas beaucoup à mon palais. Les délicats desserts l’excitent, mais la magie du 1961 reste en ma mémoire.
Le plus bel accord, celui qui émerveille, est celui du homard au goût délicieux avec le Billecart Salmon 1966. Le plus beau plat intrinsèquement, du fait de son originalité, est le canard.
A notre table le plus grand expert en champagnes, Richard Juhlin, et son compatriote de Stockholm Andreas Larsson, meilleur sommelier d’Europe 2004, Denis Garret, organisateur des événements et des travaux du jury, deux dirigeants de la maison Billecart Salmon. Une belle tablée où les souvenirs de grandes bouteilles fusent avec passion. Une grande soirée.
A la fin du repas, visite de la cave du Cinq, presque en même temps sans doute qu’on la voit sur Envoyé Spécial de France 2 consacré à Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde 2004, membre de la prestigieuse équipe du Cinq. En prenant l’ascenseur, j’ai la surprise de voir que les parois sont ornées de photos de bouteilles de ma collection. Ce clin d’œil me fait évidemment plaisir.

visite rendue à la maison Bichot à Beaune mardi, 27 septembre 2005

Depuis de longues années j’achète quand il y en aux catalogues des ventes les vins anciens de la maison Bichot. Ayant rencontré Jean Marc Bichot en de nombreuses occasions, il me fut dit : « vous devriez venir nous voir, nous avons de vieux millésimes ». C’est une chanson douce à laquelle je serais fou de ne pas succomber. Jean Marc Bichot est un jeune senior fort sympathique dont le coté rêveur timide le rend encore plus attachant.
J’arrive à l’heure de l’apéritif pour voir les vignes en cours de vendange, et pour une visite de la cuverie fort convaincante. Dans une cave historique, je goûte les 2003, précédés d’un 2004. Le Chablis 2004 de la maison Bichot est chaleureux, ensoleillé, encore vert de jeunesse. Le Chablis premier cru Vaucoupins Long Dépaquit 2003 est plus construit, élégant, avec un beau final. Le Chablis Moutonne Grand Cru 2003 a un nez plus floral. Il est joli en bouche, mais cet élégant jeune homme a encore besoin de mûrir.
Le meursault Domaine Pavillon 2003 a un nez explosif. Il est manifestement plus compliqué à comprendre. C’est un vin qui se cherche. La fin est très alcoolique, laissant une forte trace en bouche. Le Meursault les Charmes premier cru 2003 a un vrai nez de Meursault. L’attaque en bouche est superbe Il est grand, élégant, de belle trace. La petite amertume finale va se corriger avec quelques mois de plus. Le vin sera grand.
Quand on passe au rouge avec un Mercurey premier cru les champs Martin 2003, mon palais crie « à l’aide », tant la transition après les blancs n’est pas naturelle. On sent quand même que le vin est bien construit. Le Pommard « Clos des ursulines » 2003 a un nez violent. Le vin est en pleine révolution soixante-huitarde. En bouche il est ensoleillé, tout en compote de fruits noirs. Le Gevrey Chambertin les Corvées 2003 a un nez proche de celui du Pommard. Plus civilisé il est élégant, soutenu par un poivre marquant. Le Nuits Saint Georges Bichot 2003 est plus léger, moins dense. Facile à boire, mais plus limité. J’y ai senti de la noix fraîche. Le Vosne Romanée 2003 a un nez austère. En bouche il est très coloré et raconte des histoires. C’est un vin dont j’aime l’incivilité. Le Corton Clos des Marèchales 2003 est magnifique. Totalement en devenir, il est beau. Il y a du tannin !
Nous nous rendons au domicile du frère de Jean Marc Bichot pour un déjeuner familial. Nous goûtons à table les vins débouchés en cave, le Meursault Charmes 2003 et le Corton 2003. Manifestement plus à l’aise qu’en cave, ils montrent paradoxalement encore mieux combien de temps il leur faudra pour s’exprimer. Le neveu de Jean Marc ouvre sur table un Pommard Clos de Ursulines 2002 et je commence à me demander où sont les vins anciens que l’on m’avait fait miroiter. Je reprends de la viande – délicieuse – en me disant qu’il en viendra peut-être. C’est au fromage qu’un Meursault 1955 Bichot, déjà ambré et fort élégant me donnera un aperçu des vins anciens du domaine, avec une belle rondeur et une acidité porteuse de longévité. Nous allons ensuite visiter la maison d’un collectionneur d’objets précieux à la décoration d’un raffinement rare, qui cache en ses entrailles la cave des vieux millésimes dont on m’avait parlé. Nous débouchons un Marc des Hospices de Beaune d’environ 50 ans absolument délicieux. Ce déjeuner fut extrêmement intéressant puisque je retrouvai des souvenirs de mon ancien métier (on se dit dans ce cas que le monde est petit), et j’ai pu mieux connaître ce domaine qui fait et a fait des vins qui m’ont fait rêver et me feront encore rêver.

un grand format de Romanée Conti samedi, 24 septembre 2005


6 litres, est-ce Mathusalem ? En bordelais c’est impériale. Cette bouteille est de 1979. Avec qui la partager?

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Dîner de wine-dinners au restaurant Le Pré Catelan jeudi, 22 septembre 2005

Dîner de wine-dinners du 22 septembre 2005 au restaurant Le Pré Catelan
Bulletin 153

Les vins de la collection wine-dinners
Magnum de champagne Dry Monopole, Heidsieck 1952
Vouvray sec Clovis Lefèvre 1961
Fonsalette, Chateauneuf du Pape blanc de Rayas 1980
Château Mouton-Rothschild 1979
L’Angélus, Saint-Emilion 1959
Hermitage rouge Chave 1997
La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 1965
Château Doisy, Barsac 1966
Château Monteils, Sauternes 1934

Le menu composé par Frédéric Anton
La Betterave. Fines lamelles parfumées à la muscade, vieux Comté en copeaux, jus gras
La Fregola « Sarda », cuite dans un bouillon, recouverte de copeaux de truffe et parmesan
L’ Os à Moelle, l’un parfumé de poivre noir et grillé en coque, l’autre farci de girolles et d’une compotée de chou à l’ancienne mijotée dans un jus de rôti
Le Ris de Veau cuit en casserole, cèpes poêlés aux herbes fraîches, jus gras
Le Pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, semoule au brocoli préparée comme un couscous, cuisses en petites merguez, quelques pois chiches
Le Cantal de Salers, le Bleu des Causses
Le Citron Confit, sorbet au basilic, feuilleté caramélisé et pâte de fruit légèrement sucrée
Café et Mignardises

dîner de wine-dinners au Pré Catelan jeudi, 22 septembre 2005

Nouveau repas de wine-dinners au Pré Catelan. J’arrive pour ouvrir les bouteilles alors qu’une grande table est encore en pleine discussion. Joël Robuchon est là, et à sa sortie de table nous bavarderons aimablement, évoquant sans insister la critique que j’avais faite de l’ouverture des vins à ce qui était annoncé comme le dîner du siècle, qu’il avait organisé au Japon avec Robert Parker. Il pense que tout a été bien fait. Les images montraient le contraire. C’est sur le terrain qu’il faudra confronter les méthodes. Frédéric Anton se détend un peu entre deux services, ce qui nous donne l’occasion de bavarder de gastronomie pendant que j’ouvre les bouteilles du dîner avec un sympathique sommelier, Jérémie.
Un phénomène qui méritera des investigations supplémentaires me fait toujours autant d’impression. Quand je découpe la capsule de La Tâche 1965, sous la capsule et sur le bouchon, un noir sédiment sent la terre et ressemble à celle de la cave de la Romanée Conti. J’ai fait sentir cette odeur lourde à Frédéric Anton. Aubert de Villaine, à qui j’avais relaté les constatations précédentes m’avait demandé de prélever cette terre pour l’examiner. En fait, c’est difficile et dans le feu de l’action, faute d’outil de laborantin, j’oublie le prélèvement. Mais quelle constance dans ce qui devient presque une signature du Domaine ! Le seul vin qui m’inquiète au nez est l’Angélus 1959. Nous le goûtons avec Frédéric. Un peu léger il me laisse de l’espoir alors qu’il rebute Frédéric Anton. On verra plus loin les miracles que peut accomplir l’oxygène, quand il est judicieusement sollicité. Le bouchon de La Tâche accuse un problème de stockage, car la première moitié de sa longueur est comme brûlée d’une sécheresse excessive, l’autre moitié, bien souple, puant même généreusement.
La mise au point du menu s’était faite par un dialogue que j’ai eu avec Frédéric Anton et Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde au savoir encyclopédique sans limite. Et c’est ce que j’aime. Je commenterai plus loin ce programme absolument exceptionnel : la Betterave, fines lamelles parfumées à la muscade, vieux Comté en copeaux, jus gras / La Fregola « Sarda », cuite dans un bouillon, recouverte de copeaux de truffe et parmesan / L’ Os à Moelle, l’un parfumé de poivre noir et grillé en coque, l’autre farci de girolles et d’une compotée de chou à l’ancienne mijotée dans un jus de rôti / Le Ris de Veau cuit en casserole, cèpes poêlés aux herbes fraîches, jus gras / Le Pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, semoule au brocoli préparée comme un couscous, cuisses en petites merguez, quelques pois chiches / Le Cantal de Salers, le Bleu des Causses / Le Citron Confit, sorbet au basilic, feuilleté caramélisé et pâte de fruit légèrement sucrée / Café et Mignardises. Il y a une intelligence et une sensibilité dans ce repas que je vais largement tam-tamer par la suite.
La table est artistiquement dressée par un personnel joyeux avec qui nous évoquons des souvenirs de vins. Le plateau rond est si grand que j’ai peur que l’on ne discute pas avec son vis-à-vis. Or en fait tout le monde a participé aux échanges, et nous avons vécu la même aventure, ce qui n’arrive pas toujours quand la forme de la table divise les clans. Un grand chroniqueur gastronomique, une journaliste japonaise à la grande culture française et gastronomique, une femme auteur de best-seller, des amateurs gourmets, c’est le cocktail idéal pour de passionnantes discussions. L’ambiance fut agréablement enjouée.
Le magnum de champagne Dry Monopole, Heidsieck 1952 est d’une immense beauté. Le liquide qui m’est servi pour goûter a encore de la bulle qui, comme le génie de la lampe, va s’évanouir pour conquérir d’autres cieux. La couleur est d’un miel ensoleillé, le nez est profond et distingué. Et si l’on admet – ce que fit toute la table – que la faiblesse de la bulle ne doit pas gêner la dégustation, on prend connaissance d’un délicieux « champagne-vin » qui décline des saveurs complexes où les agrumes, les fruits roses et le thé ne sont qu’une faible partie de ce qui est exposé. Le plus spectaculaire, c’est la longueur. La betterave est osée. Elle est merveilleusement traitée, sans franchement ajouter au plaisir de ce très rare champagne.
Le plat suivant est joyeux, chantant le sud, mais ne met pas en valeur le Vouvray sec Clovis Lefèvre 1961 qui m’a profondément étonné. J’avais le souvenir d’un vin sec, âpre, et voilà que celui-ci, sec objectivement, y ajoute un doucereux et une intensité rares. Pénétrant, expressif, il damnerait tous les dégustateurs à l’aveugle. Là encore plat et vin ne s’ajoutaient rien, l’un à l’autre, la semoule freinant le vin quand la truffe l’accélérait.
Le Fonsalette, Chateauneuf du Pape blanc de Rayas 1980 montrait, bouteille encore fermée, une couleur qui annonçait un vieillissement. Il fallait donc boire ce vin comme il venait, sans penser trouver un Chateauneuf du Pape comme on le boirait aujourd’hui. Et si l’on admet de déguster ainsi, on entre dans un de ces plaisirs culinaires qui marquent une vie. Je n’ai jamais mangé un os a moelle de cette qualité. C’est le traitement qui en fait le génie. Et le vin se met à transformer tout cela avec une propulsion invraisemblable. Le vin donne au plat de la consistance et le plat modèle le vin qui atteint des longueurs infinies. Et chaque convive voit bien la différence énorme qui se crée quand le vin et le plat se parlent, se séduisent et s’enlacent. Ce moment fut d’une intensité rare. Il va expliquer ce qui suit.
Le ris de veau d’une chair, d’une densité, d’une expressivité sans pareilles accueille deux vins, le Château Mouton-Rothschild 1979 et L’Angélus, Saint-Emilion 1959. Et immédiatement, à la première bouchée et la première gorgée de chaque vin, on se sent bien, étonnamment rassuré. C’est comme ces publicités pour des marques de matelas qui imagent leur élasticité par des sauts de trampolines. On est dans un confort pullman, on a des saveurs qui sont toutes lisibles. Les bordeaux sont de grands garçons bien élevés. Ils nous font le baisemain. L’Angélus est tellement époustouflant, balayant d’un revers de main les craintes de l’ouverture, que l’on aurait du mal à imaginer bordeaux plus sensuel que cela. C’est rond, chaleureux, séduisant, emplissant la bouche comme la couronne de frangipaniers orne le cou des vahinés. Alors, le Mouton parait plus strict, plus linéaire lors du premier contact. Mais le Mouton étend son charme et le charme agit. C’est un Mouton d’une année faible, mais ici d’une subtilité appréciable. Et l’Angélus est immense de la première à la dernière goutte. Ce ris de veau est un bonheur.
Le pigeon a une chair savoureuse (rien n’est plus savoureux que le pigeon). Alors, l’Hermitage rouge Chave 1997 s’en réjouit et s’exhibe de la plus belle façon. C’est évidemment un petit choc de revenir sur des goûts très actuels, mais cette virilité contrôlée est tellement conquérante qu’on se laisse aller. Les merguez faites avec les cuisses du pigeon sont à se damner. C’est l’exacte munition que réclame le Chave ! Le spectacle est beau quand le vin et la chair se provoquent comme cela.
Nous venions d’avoir à la suite trois plats où le vin et le plat chantaient à l’unisson. Quel bonheur !
Il fallait cela pour l’enterrement qui allait suivre. La Tâche, Domaine de la Romanée Conti 1965 dont le nez ne m’avait pas trop alerté, était manifestement trop usé pour représenter sa légendaire lignée. Ce qui me conduit à une remarque. Je croyais avoir suffisamment étalonné les senteurs d’ouverture. Or j’avais peur pour l’Angélus qui fut sublime, et j’avais confiance dans La Tâche qui fut absent au rendez-vous. Les diagnostics à l’ouverture ne sont donc pas toujours parfaits. Le Salers était délicieux. Le vin racontait quand même un peu l’histoire de La Tâche ce qui lui valut de recevoir les votes de deux convives. Belle solidarité.
Le Château Doisy, Barsac 1966, déjà présent à plusieurs dîners, a toujours cette couleur orangée et dorée, cette senteur profonde et ce goût rassurant du liquoreux sage, sûr de son effet. Sur un bleu bien gras, c’est un accord sécurisant.
Le Château Monteils, Sauternes 1934 m’est inconnu. Où est ce domaine, je ne le sais. Le vin que l’on découvre d’un bel or rosé et d’une odeur toute en finesse n’a pas la puissance des plus grands, mais il en a l’élégance. Ces Sauternes de 70 ans gagnent en rondeur et en expressivité de façon remarquable. Et je recommande aux amateurs d’acheter ces vins moins connus dans des années anciennes, car il y a une gratification énorme. Le sorbet méritait de l’eau, car il est goûteux comme pas deux, mais trop explosif. Le Barsac va bien avec la fine et délicate pâtisserie, belle comme la jolie pâtissière qui l’a faite. Mais on ne peut pas dire que les deux, le feuilleté et le Barsac ont des choses à se raconter.
Les cigares fusèrent dès que ce fut permis et l’on vota. L’Angélus 1959 a fait un carton, sans doute l’un des plus beaux de tous les dîners, avec sept places de premier sur dix convives, et deux places de second. Les plus votés ensuite furent le champagne Dry Monopole et le Vouvray sec.
Mon vote fut le suivant : Angélus 1959, champagne Dry Monopole 1952, Vouvray sec Clovis Lefèvre 1961, Fonsalette 1980. Tous les vins, sauf un eurent au moins un vote dans les quartés, ce qui est toujours réconfortant pour mes choix et ma cave.
On parla abondamment de ces trois plats de rêve, dont tout le monde dit qu’il valent trois étoiles, en classant en un l’os à moelle en deux le pigeon et en trois le ris de veau. Trois plats de souvenir éternel, illuminés par des vins qui leur collaient au cœur pour un pur ravissement.
Le service fut exemplaire, tout ici fleurait bon la très grande cuisine. Lorsque Frédéric Anton m’appela le lendemain (c’est toujours agréable de se parler le lendemain quand il s’agit d’une victoire), le débriefing fut un moment de bonheur tant ça fait du bien de disséquer ce qui fut grand.

déjeuner d’amis au bistrot du sommelier mercredi, 21 septembre 2005

Avec un petit groupe de conscrits, pas copains de régiment mais c’est tout comme, nous soignons périodiquement nos cholestérols dans d’appétissantes ripailles. Comme j’invite, je fais appel à mon ami Philippe Faure-Brac pour concocter un moment de bonheur au bistrot du sommelier.
Le champagne Pol Roger 1993 pur Chardonnay est une leçon de choses. On ne se lasse pas de ces saveurs aux accents sépia. La calligraphie chinoise se lit dans chaque gorgée précise, florale, romantique. Le tartare de saumon et de haddock est justement adapté car le saumon adoucit un haddock qui fouette la bulle pour la rendre encore plus active. L’émulsion caresse le tout.
Le magnum de Mission Haut-Brion 1972 est mis en valeur par un maquereau dont j’ai fait enlever tout accompagnement. La chair exquise et brutale fait ressortir toute la valeur de ce vin au nez bourguignon, à la fatigue de façade, mais qui révèle une personnalité immense. Ce vin ne laisse pas indifférent, bouscule tous les repères que l’on a sur l’année, et donne un velouté qui ferait pâlir quelques Chambertin.
Le magnum de Château Margaux 1970 court après un col vert fort goûteux et le rattrape. Ils copinent avec le sourire. Le Margaux annonce tout de suite le message : il veut que l’on reconnaisse qu’il est Château Margaux Et on le reconnaît. En légèreté, en subtilité élégante mais jouant un peu en dedans, son charme conquiert mes amis.
Le comté de dix mois, sage choix, propulse un passionnant Côtes du Jura blanc Jean Bourdy 1967 dans des dimensions canailles. Ce vin a des saveurs d’après match, quand on a gagné, et qu’on lance au patron « fais péter tes truffes ». C’est ça ce vin du Jura, l’appel à la folie gastronomique, quand on se laisse aller au goût pur. Chaque fois, cet appel purement ésotérique me ravit l’âme.
Philippe Faure-Brac, dont nous étrennions la carte d’automne qu’il lance aujourd’hui a un dessert au chocolat parfaitement calibré. C’est tellement léger qu’on jouit des cèpes mariés au chocolat avec un à propos certain. Le Rivesaltes Pierre Granger 1959 qui titre 16,5° fait la balance avec la légèreté du chocolat. Expressif mais manquant d’exubérance, il a quand même ponctué par un sourire un repas au raffinement amical. Toute l’équipe de Philippe veut bien faire, et c’est un plaisir de construire avec un personnel souriant un repas de belle et heureuse gastronomie.
Un expert en vins venu me rejoindre sur place pour préparer les abondantes ventes aux enchères actuelles goûta avec moi les fonds de Mission et le Margaux. Malgré la petitesse de l’année, le Mission est redoutablement intéressant et racé quand le Margaux pétule de charme.

galerie 1925 mardi, 20 septembre 2005

Quatre hommes en habit sont dans les chais. A quelle légende cela correspond-il ? On m’a dit que ce serait lié à la fête de Pâques ?

Pour quoi cette étiquette très anglicisante pour ce Banyuls Ermitage de Consolation 1925 ?

Four men are in the cellar. For which conspiracy ? To which legend does it correspond ? I was told that it has something to do with a Christian ceremony.

Why does the label looks very British ? This Banyuls Ermitage de Consolation 1925 has a marvellous taste.