déjeuner d’amis au bistrot du sommeliermercredi, 21 septembre 2005

Avec un petit groupe de conscrits, pas copains de régiment mais c’est tout comme, nous soignons périodiquement nos cholestérols dans d’appétissantes ripailles. Comme j’invite, je fais appel à mon ami Philippe Faure-Brac pour concocter un moment de bonheur au bistrot du sommelier.
Le champagne Pol Roger 1993 pur Chardonnay est une leçon de choses. On ne se lasse pas de ces saveurs aux accents sépia. La calligraphie chinoise se lit dans chaque gorgée précise, florale, romantique. Le tartare de saumon et de haddock est justement adapté car le saumon adoucit un haddock qui fouette la bulle pour la rendre encore plus active. L’émulsion caresse le tout.
Le magnum de Mission Haut-Brion 1972 est mis en valeur par un maquereau dont j’ai fait enlever tout accompagnement. La chair exquise et brutale fait ressortir toute la valeur de ce vin au nez bourguignon, à la fatigue de façade, mais qui révèle une personnalité immense. Ce vin ne laisse pas indifférent, bouscule tous les repères que l’on a sur l’année, et donne un velouté qui ferait pâlir quelques Chambertin.
Le magnum de Château Margaux 1970 court après un col vert fort goûteux et le rattrape. Ils copinent avec le sourire. Le Margaux annonce tout de suite le message : il veut que l’on reconnaisse qu’il est Château Margaux Et on le reconnaît. En légèreté, en subtilité élégante mais jouant un peu en dedans, son charme conquiert mes amis.
Le comté de dix mois, sage choix, propulse un passionnant Côtes du Jura blanc Jean Bourdy 1967 dans des dimensions canailles. Ce vin a des saveurs d’après match, quand on a gagné, et qu’on lance au patron « fais péter tes truffes ». C’est ça ce vin du Jura, l’appel à la folie gastronomique, quand on se laisse aller au goût pur. Chaque fois, cet appel purement ésotérique me ravit l’âme.
Philippe Faure-Brac, dont nous étrennions la carte d’automne qu’il lance aujourd’hui a un dessert au chocolat parfaitement calibré. C’est tellement léger qu’on jouit des cèpes mariés au chocolat avec un à propos certain. Le Rivesaltes Pierre Granger 1959 qui titre 16,5° fait la balance avec la légèreté du chocolat. Expressif mais manquant d’exubérance, il a quand même ponctué par un sourire un repas au raffinement amical. Toute l’équipe de Philippe veut bien faire, et c’est un plaisir de construire avec un personnel souriant un repas de belle et heureuse gastronomie.
Un expert en vins venu me rejoindre sur place pour préparer les abondantes ventes aux enchères actuelles goûta avec moi les fonds de Mission et le Margaux. Malgré la petitesse de l’année, le Mission est redoutablement intéressant et racé quand le Margaux pétule de charme.