YQUEM 2001 AU GRAND PALAIS jeudi, 17 novembre 2005

Bon, je n’ai pas eu mon Beaujolais Nouveau, alors je vais au cercle dont je suis familier. Au bar, mon barman préféré me dit : « mais monsieur, ici on n’a que du vin ». Déçu de l’avoir à nouveau raté, je me rends au Grand Palais à une visite privée de l’exposition de peintres de Vienne, Klimt, Kokoschka, Schiele et Moser. C’est LVMH qui est le mécène de l’exposition et je retrouve une foule ciblée, d’amis de Cheval Blanc et Yquem. La combinaison d’une chaude sensualité et d’une froide sophistication des tableaux de Klimt, dont cette Judith II qui glace les sangs quand la femme à la voilette appelle les sens, les délires proches de la folie de Egon Schiele dont un autoportrait quasi insoutenable, tout cela provoque de belles émotions commentées par une guide passionnante et sensible. Au buffet, décidément, je n’aurai pas mon beaujolais nouveau ! On goûte Cheval Blanc 1995 qui est d’une belle maturité. Chaud, rond, au bois intelligent, il m’étonne d’être déjà si chaleureux. Je discute avec des visiteurs que je ne connais pas et je saisis un verre d’Yquem 2001. Je fais « ah ! », et mes voisins se demandent si je viens d’avoir une attaque. Cet Yquem qui agite tous les acheteurs du monde est d’une beauté redoutable. Le nez est encore peu affirmé, même s’il est élégant, mais c’est en bouche que tout se passe. Un milieu de bouche rempli de fruits confits, de pâtes de fruit et d’agrumes, envoûte le palais. Je ne peux m’empêcher d’aller le dire à Sandrine Garbay, cette jolie vigneronne qui « fait » Yquem. Pierre Lurton m’avait raconté que ce bébé était si précoce qu’il avait décidé que son stage en fût de vieillissement serait raccourci. Ce fut une bonne décision si j’en juge par l’extrême personnalité de cette future légende. Retenez Yquem 2001, car il vaudra mieux l’oublier et le boire vers 2040, en résistant à sa séduction avant cette date, car il serait, dès maintenant, déjà éblouissant.

DES VINS DU LANGUEDOC CHEZ UN CAVISTE jeudi, 17 novembre 2005

Un ami m’ayant attiré sur ses terres dans le 14ème arrondissement, me suggère d’aller visiter un caviste qui présenterait de l’intérêt. C’est le jour du Beaujolais nouveau, je me dis : pourquoi pas ? J’arrive dans une belle petite boutique, mais là, pas de beaujolais, on est dans les terres du Languedoc. Des tables de ferme accueillantes, un vin ouvert, un pâté qu’on fait ouvrir, et le courant se met à passer. Le Clos Sorian, Coteaux du Languedoc 2003 d’Alain Martin a un parfum délicieux. Des arômes de poivre, de coulis de fruits rouges. En bouche, ça jute gentiment. On est bien. La bouteille fait marée basse à une rapidité folle. Il faut vite ouvrir un nouveau pâté pour accueillir « les calcinaires » vin de pays des côtes catalanes du Domaine Gauby blanc 2004. Le vin est assez élégant mais l’image qui me vient immédiatement, c’est que le vin a appuyé sur les freins. On sent qu’il fait tout pour ne pas se livrer.

dégustation de champagnes à l’Intercontinetal mardi, 15 novembre 2005

Un site de vente de vins par internet, dirigé par deux tenaces et efficaces jeunes entreprenants organise une soirée de dégustation de champagnes. Je cite ce site parce que leur démarche mérite d’être encouragée, c’est 1855.com. La réunion se tient à l’hôtel Intercontinental dans le magnifique salon Opéra où, semble-t-il Garnier s’est fait la main avant de construire l’Opéra. Cette salle spectaculaire est l’écrin parfait pour goûter de beaux champagnes, les bruts non millésimés de grandes maisons. On rencontre des gens connus et j’ai le plaisir de bavarder avec un grand collectionneur de vins, avec qui je me suis souvent battu pour acquérir des vins uniques. Dans le domaine des vins très rares et historiques, c’est-à-dire de 1780 à 1870, je suis en culottes courtes par rapport à lui, car il a bu des vins rarissimes dont il me raconte à quel point il les a aimés. Cela donne encore plus de motivation à ma démarche. Nous nous sommes promis de partager quelques raretés chez un restaurateur ami des deux. J’en salive d’avance. De stand en stand on goûte de beaux vins. Je ne citerai que quelques uns qui m’ont particulièrement attiré : le Gosset d’une belle pureté, le Charles Heidsieck, le Pol Roger et le Veuve Cliquot. Quand on a le palais marqué par ces non millésimés, l’arrivée du Dom Pérignon 1998, vraie raison de cette foule abondante, se passe comme sur un tapis rouge. L’expression et la délicieuse note d’agrumes en milieu de bouche emportent l’adhésion. On parle, on retrouve des amis et on boit de beaux champagnes dans un lieu magique. Belle initiative.

soirée Grand Siècle au Pavillon d’Armenonville lundi, 14 novembre 2005

Le champagne Laurent-Perrier organise chaque année un dîner où est remis le trophée ou plutôt le Prix Grand Siècle, qui couronne une personnalité aux qualités humaines remarquables. J’avais raconté une précédente cérémonie dans le bulletin 97. Simone Veil sera ce soir la femme de l’année.
Au Pavillon d’Armenonville les voitures se succèdent pour libérer des beautiful people en habit de soirée. L’aboyeur qui annonce les noms à Bernard de Nonancourt, son épouse, ses filles et Yves Dumont et son épouse, alignés pour nous accueillir, cela a un petit air « hors d’âge » pour les jeunes loups et louves qui rajeunissent la soirée. Le champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle en magnum, servi à profusion, est un champagne de charme. Il se boit bien, il est expressif, et il a un goût de revenez-y redoutable. On bavarde avec des gens connus ou moins connus. L’ambiance est chaleureuse.
Le menu est le suivant, pour plus de 400 personnes : tarte fine aux cèpes et bolets, gâteau moelleux et crème de persil / salmis de palombe, gratin florentine / tomme crayeuse / vacherin d’automne, coulis de poire d’automne. Ce fut remarquablement exécuté, les cuissons furent précises pour les deux plats. Le chef d’un restaurant deux étoiles de Toulouse, Michel Sarran, présent à notre table, goûtait avec son sens critique aiguisé ce qui se présentait dans nos assiettes. Il opina, d’autant que le chef du Pavillon est un de ses amis et camarade de rugby.
Il est intéressant de constater que le repas fut grand, marqué par une générosité évidente, mais le dialogue des plats et des vins fut assez limité. La correspondance n’était pas facile. Les cèpes allaient évidemment très bien avec le Grand Siècle en magnum que nous avions adoré à l’apéritif, mais la crème de persil lui limait le plaisir.
Imaginez une brigade de soixante serveurs en gants blancs qui portent chacun un magnum de château Latour 1988. C’est extrêmement impressionnant de largesse. Cela me remémora l’entrée en scène, quasi identique, d’une cinquantaine d’Yquem 1967 lors d’un dîner au château d’Yquem (bulletin 148). Mais le Latour 1988 est un vin difficile. Celui de mon verre est surboisé, brutal, amer, rude, et comme Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde 2004 était à la table voisine, je suis allé lui porter mon verre pour qu’il le sente. Nous échangeâmes nos verres et incontestablement le sien était plus chaleureux, élégant. Il est donc probable que l’accord avec la délicieuse palombe était meilleur pour lui que pour moi.
La couleur du champagne Laurent-Perrier rosé Alexandra 1997, du nom de la ravissante fille de Bernard de Nonancourt, est d’une sensualité rare. Ce sont des pétales de rose qui volent au vent des bulles vagabondes. Avec le chef galonné de notre table, nous avons parlé des accords liés à la couleur. Le dessert a des couleurs d’automne, alors que le champagne délicieux a des couleurs de printemps. On aurait bien vu des fruits roses puisque la couleur du vin les appelle. Le dessert fut bon, le champagne fut bon, chacun de son coté.
L’essentiel est bien sûr la générosité de Laurent-Perrier et la nomination de Simone Veil. Jeanne Moreau, d’une voie sépulcrale fit son hagiographie. La réponse de Simone Veil fut plus amène. On se leva deux fois pour applaudir ces admirables personnes. Après le dîner, sur un Porto Taylor Old Tawny de 20 ans d’âge, les discussions avec les nouveaux amis de notre table se poursuivirent au-delà du couvre-feu. Ce fut une grande, belle et généreuse soirée.

interview sur France Info jeudi, 10 novembre 2005

Je suis interviewé à France Info au sujet de mes dîners entre les motions du parti socialiste et les drames qui émaillent l’actualité des banlieues. Je passe après un Arnaud Montebourg qui piaffe comme un pur sang. L’information est par nature fast food. Elle est dévorante. Impression étrange en quittant les lieux : j’ai délivré mon message, donc je n’existe plus. Car la seule info qui a de l’intérêt, c’est la suivante. Fort heureusement, une avalanche de visites sur le site wine-dinners et des messages nombreux m’ont montré l’efficacité de ce média.

je retrouve David Van Laer, ancien chef du Maxence jeudi, 10 novembre 2005

David van Laer, chef qui a atteint une étoile au Maxence est un ami avec lequel j’ai organisé les premiers dîners de wine-dinners. Ils étaient deux au tout début, Maxence et le restaurant Laurent. Le Maxence a disparu, David a trouvé de nouvelles activités, et nous nous sommes revus pour étudier comment faire un jour un de mes dîners avec lui aux fourneaux. On bavarde, on bavarde, il est temps de dîner. Il me suggère un restaurant près de l’Opéra. Quelle idée lui a pris ? Le nom du lieu est résolument branché, comme les nouveaux noms de ces grandes entreprises françaises dont on ne sait plus si elles vendent de l’eau, des canons, des avions ou du téléphone, tant ils sont éloignés de l’objet social de l’entreprise qu’ils sont sensés désigner. Le lieu a la décoration qui cible le cadre de 35 ans qui lit encore Libération. Et le chef a mis dans un chapeau toutes les saveurs qui sont à la mode, a mélangé le tout et a extrait une poignée de saveurs pour chacun des plats de hasard qui nous sont proposés. La belle pièce de bœuf est parfumée de lambeaux de sardines. J’ai supporté, car il n’est pas interdit de s’encanailler. Mais des ajoutes d’épices inutiles et qui ne se parlent pas, c’est plus dur.
C’est une jolie et souriante serveuse qui vient expliquer ce qu’il y a dans l’assiette en montrant du doigt les composantes du plat, et en récitant son texte. Comme son joli nombril doré (mode oblige) est à hauteur de nos yeux, on aimerait que le chef ait encore multiplié les épices, juste pour le plaisir de la récitation. Un verre de Roussette de Dupasquier, la même que celle bue chez Marc Veyrat, mais ici de 2001 est vraiment très agréable, même sortie de sa région. Voilà des vins expressifs qu’il faudrait plus souvent explorer. Le Morgon 2002 Cuvée Corcelette de Jean Foillard est franchement agréable. Ce qui est amusant, c’est que les premières gorgées transportent d’aise. On est heureux de se promener en Beaujolais. Evidemment, après deux verres, on voit les limites de ce vin, et nous avons abandonné la moitié de la bouteille en espérant que finie en coulisse, elle ne vienne pas détruire l’harmonie de ce joli petit nombril délicat.
Le nom du restaurant ? Inutile de citer un nom. La moitié des tables vides, c’est une punition suffisante.

j’ai obtenu un prix décerné par l’académie amorim mercredi, 9 novembre 2005

Dans les locaux solennels du Sénat, l’Académie Amorim remet ses prix annuels qui encouragent des études sur le vin. Amorim est un producteur portugais de bouchons. Le grand prix échoit à un universitaire qui a étudié les causes de l’apparition d’odeurs terreuses dans le vin. Un prix coup de cœur est décerné à une jeune et jolie chercheuse qui a analysé l’image du vin pour la génération des 20 à 25 ans. Mon étude sur les messages et enseignements des bouchons des vins anciens est couronnée d’un prix « chêne liège ». L’Académie m’a demandé de faire, lors de la cérémonie de remise des prix, un exposé sur les vins anciens devant un parterre de scientifiques et de personnes éminentes du monde du vin. Je retrouve avec plaisir Jacques Puisais, cet esthète qui a écrit des pages essentielles et poétiques sur le goût. Nous nous sommes promis de renouveler des expériences comme celle avec Alain Senderens où j’avais apporté un Barsac 1929 et un Langoiran 1949 (bulletin 47). Le professeur Denis Dubourdieu nous offre à goûter et commente Doisy Daëne 2002 et 1990. On mesure ainsi, même sur deux vins très jeunes, l’influence du temps, ce qui était l’objet de l’expérience. J’ai trouvé le 2002 fort expressif et particulièrement agréable car son sucre mesuré le rend frais, rafraîchissant et presque léger. Le 1990 s’assied déjà dans une position sénatoriale. Il entre dans son trajet historique. Les discussions passionnantes fusent avec des chercheurs, universitaires et officiels du vin.

un dîner de la confrérie du lièvre à la royale mardi, 8 novembre 2005

Un académicien (de l’Académie des Vins Anciens) m’envoie un mail à réponse immédiate : « demain réunion de la Confrérie du lièvre à la Royale. Veux-tu en être ? ». J’en fus. Chez Michel, rue de Belzunce, cela se passe en sous-sol dans une cave voûtée qui est synonyme, lorsqu’on mange avec appétit, d’une élévation substantielle de la température ambiante. La confrérie est nombreuse, sympathique, cercle d’amis d’âges qui dépassent souvent celui de la ménagère convoitée des télés, et dont le tour de taille est une carte de visite vivante des objectifs de la confrérie. Nous étions serrés comme des sardines et la voracité allait bon train.
Le Cerdon rosé, pétillant naturel de Bugey a peu de points communs avec un vin. On pense à un Kir pétillant à la framboise, mais quand on le goûte associé à une diabolique tourte de canard servie à l’apéritif, on voit que l’accord fonctionne. Titrant 7,5°, cette originalité a de l’allure. La tourte annonce la couleur : il s’agira ce soir de casse-croûtes de sumotori.
Arrive un Jurançon sec « cuvée Marie » Charles Hours 2002 qui est diablement intéressant. Les notes citronnées chantent. Et le tartare de Saint-Jacques de la baie de Morlaix, huître de Prat ar Coum, caviar de hareng forme avec lui une délicieuse combinaison. L’acidulé et l’acide se marient à ravir. L’huître est goûteuse comme pas deux.
L’objet de la réunion couvre une assiette abondante, accompagnée d’une cassolette de Parmentier d’épaule au céleri. Le lièvre à la royale de Thierry Breton est excellent. Goûteux, dosé comme il convient, sans aucune lourdeur. Et la purée de céleri adoucit merveilleusement la construction d’ensemble. On lui a associé un Château la Galiane, Margaux annoncé de 2000 mais qui est en fait de 1999. Ce vin n’a rien pour lui. Pas d’intérêt. Ne sachant qui je rencontrerais et quelle ambiance je trouverais, j’avais pris dans ma musette un Ermitage de Consolation Hors d’Age, Banyuls de peut-être 50 ans, pour le cas où… Mon coin de table consulté dit oui. Je l’ouvre. Il est bouchonné. Fort heureusement la bouche est à peine affectée et l’oxygène fait le reste. Le dernier quart de la bouteille n’a plus de souffrance. L’accord se fait très bien, si l’on prend soin de ne pas laisser l’alcool dominer. C’est comme les fromages persillés avec les sauternes, il ne faut pas que l’alcool prenne le dessus.
J’eus la chance que le dessert soit idéal pour le Banyuls, un petit pot de chicorée, couverture tiède de chocolat et langues de chat. Mariage idéal, et c’est bien que le dessert qui suit le lièvre soit presque aussi pondéreux que lui. Le Kouign Amann comme au pays servi tiède appellerait un vieil alcool.
Belle expérience d’un lièvre à la royale convaincant. Mes amis d’un soir l’ont classé assez haut dans l’échelle de leurs expériences passées, significativement nombreuses.

un foudre emblématique de la Mouline de Guigal lundi, 7 novembre 2005



Les trois grandes Côtes Rôties de Guigal sont des vins éblouissants que je bois avec un infini bonheur. Leur prix ne cesse de croître, rejoignant ceux des vins les plus rares de la planète.

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visite chez Marcel Guigal lundi, 7 novembre 2005

Un ami avait parlé de mes dîners à Marcel Guigal, et l’idée d’une rencontre avait été lancée. Sur le conseil d’un ami connu du monde du vin, je l’appelle et j’arrange un rendez-vous sur la route de retour du Sud après l’escapade chez Marc Veyrat (bulletin 158). Un déjeuner en commun est prévu.
Nous nous annonçons à une dame à la réception qui fait une moue dubitative et va en parler à une autre dame qui s’approche. Je dis que je viens voir Marcel Guigal et qu’il est question d’un déjeuner. La réponse claque comme un revers de Roger Federer : « ah, ça, ça m’étonnerait ». Nous attendons ma femme et moi, et quelques minutes plus tard, Marcel Guigal m’apprend qu’il a énormément de travail, qu’il ne s’appartient plus, que son fils Philippe rentre du Canada. Philippe est en train de faire goûter les vins récents à des acheteurs britanniques importants. Marcel nous suggère de nous joindre au petit groupe qui déguste. Mais de déjeuner point. Sa femme, puisque c’est sa femme qui m’avait smashé du fond du comptoir, avait vu juste. Les femmes ont toujours raison.
En cave, Philippe Guigal arbore une superbe casquette de joueur de base-ball et commente de façon fort agréable et souriante les vins de cette splendide propriété et ceux de son négoce. Mes notes sont au lance-pierre, car elles furent prises sur ma paume et sur mon palm.
Je goûte Saint-Joseph 2003 blanc, puis Saint-Joseph de Saint-Joseph 2004, mais j’avais mangé des petits bonbons qui arrachent la bouche lors du trajet en voiture. C’est donc une prise de connaissance aussi efficace que de lire un annuaire dans le noir. Le Condrieu 2004 recale mon palais, juste à temps pour le Condrieu la Doriane 2004 qui manifestement monte en densité. L’Hermitage blanc 2002 a un peu de grappes d’ex voto 2002 en lui puisque l’ex-voto ne fut pas millésimé en 2002. Il a une belle acidité et une fraîcheur remarquable.
Les rouges : Cotes du Rhône 2003 nez poivré, jolie bouche simple, Crozes Hermitage 2002 paradoxalement moins agréable, très poivré. Le Saint-Joseph 2002 est plus fin, plus délicat. Le Saint-Joseph vignes de l’hospice 2002 a 30 mois de fût neuf. Un nez boisé et dense très coulant et frais en bouche. Le Saint-Joseph de Saint-Joseph 2003 : nez de poivre, agressif, joli en bouche, viril, cassis. C’est sec, écorce de noix, anis étoilé, menthe.
Le Gigondas 2001 est flatteur et joyeux ! Il est court, mais riant et très épicé. Le vin sent la rafle. Le Châteauneuf du Pape 2001 a un nez fermé. En bouche il est un peu fermé, mais il sera bon. Très épicé. La Côte Rôtie brune et blonde 2001 est vraiment encore fermée, mais agréable, dotée d’un beau final bien frais. A ce stade, on sent des constantes : il y a dans tous ces vins des finales de cassis et d’épices. L’Hermitage 2002 est très joli. Un vin comme ça, ça me plait. La Côte Rôtie château d’Ampuis 2002 possède un beau nez d’une élégance rare. Le vin est beau et son final est un peu aqueux.
La Côte Rôtie la Mouline 2001 est bue très froide. Le vin est très épicé, de belle structure mais il ne se livre pas encore, à ce stade de son évolution. La Côte Rôtie La Turque 2001 a un nez plus cassis plus dense, plus agréable, plus chaleureux. Mais quand La Mouline s’ouvre, quelle élégance ! La Landonne 2001 apparait comme un vin plus vieux, plus mûr un peu plus léger, plus assis. A ce stade, et Dieu sait si je ne suis pas expert de ces bambins, c’est La Turque 2001 qui a le plus de charme maintenant pour moi, le vin au nez plus avancé montrant une belle élégance en bouche. Cela ne présage pas des évolutions futures. Philippe fit à ses visiteurs et à moi-même l’honneur d’une Côte Rôtie La Landonne 1982, beau vin déjà mur que l’on devrait boire à table plutôt qu’en cave. Mais on imagine sa valeur intense.
Pour nous être agréables, nous sommes retenus à déjeuner au restaurant Le Cloître à Vienne par un jeune responsable administratif de l’export de la maison Guigal. Alors que le restaurant a un nom fort pieux et se situe au pied d’une magnifique église, la décoration tient plus de la trattoria que du cloître. La cuisine est honnête, et le ravioli de homards, le sandre, sauce à la Syrah et une tarte à la noix accompagnent un Hermitage 1995 Guigal qui a vraiment le style maison. Un peu amer et court, il est tout de même plaisant.
Marcel et Philippe Guigal, sentant que ce déjeuner n’était pas forcément ce dont nous avions rêvé, ont tenu à nous voir quitter leur domaine avec des mots fort amicaux et porteurs de promesses de se revoir en prenant le temps. Cela nous a ravis.
Je comprends que ces vignerons aux vins redoutablement bons ont des agendas contraignants. Ça me plait assez que les vins de Guigal se fassent désirer. Seraient-ils des vins féminins ? Ce n’est pourtant pas comme cela qu’on les aurait décrits.