212ème dîner de wine-dinners au restaurant Akrame vendredi, 21 avril 2017

Le 212ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Akrame. J’étais venu déjeuner en ce lieu il y a quelques semaines pour étudier la cuisine du chef Akrame Benallal en insistant sur la nécessité de la cohérence des goûts présents dans les plats qui accompagnent les vins anciens. Autant ne pas laisser de place au suspense, pour un coup d’essai, Akrame a fait un coup de maître. Ce dîner fait partie des plus intelligents dîners que j’aie eu la chance d’organiser avec des chefs.

J’arrive au restaurant un peu avant 17 heures et je suis accueilli par Marion, sympathique, souriante qui se met immédiatement à ma disposition. Rapidement Yohann Vallade le directeur de salle nous rejoint, qui lui aussi est attentif à tous mes désirs. Je peux donc ouvrir les bouteilles et toutes les odeurs sont de belles promesses. Le Cos d’Estournel 1919 a un parfum de fruits rouges tellement généreux que je décide de mettre un bouchon pour conserver précieusement cette richesse olfactive. L’Yquem 1928 a un parfum si expressif que je le fais sentir à Laurie qui officie en cuisine afin qu’elle capte ces senteurs pour composer le dessert prévu sur ce vin et je le fais sentir à Akrame avec le même objectif. Tout se présente bien. Il ne me reste plus qu’à attendre mes convives.

Il y aura quatre couples autour de la table ce qui fait que nous serons neuf. Il y a six habitués et trois nouveaux. J’avais prévu que nous prendrions l’apéritif dans la jolie cour intérieure qui est devant l’entrée du restaurant mais le froid est vite tombé aussi l’apéritif se prend à notre table.

Les amuse-bouche sont : ananas fumé / cracker d’avocat kiwi / brioche tomate mimolette / papier végétal et anguille fumée. Le Champagne Bollinger Grande Année Magnum 1985 est d’une jolie couleur encore claire mais qui commence à s’ambrer. La bulle est très active et le champagne est extrêmement confortable. Il est franc, pâtissier, avec des évocations de beurre. L’ananas fumé est une entrée en matière très originale qui fait ressortir le miel du champagne. La brioche à la tomate est idéale pour le champagne qui s’embourgeoise. C’est à mon goût le papier végétal et l’anguille qui excitent le mieux ce beau champagne très consensuel. Une des convives regrette que dans sa famille on se soit débarrassé à vil prix de champagnes anciens, car on croyait qu’un champagne ancien n’a aucun intérêt. Sa famille n’est pas la seule à avoir commis une telle erreur.

Le menu mis au point avec le chef Akrame Benallal et réalisé par lui avec son équipe est : L’iode : caviar, huître et feuille d’argent / Le fond marin : homard poché minute et jus de homard / La mer : bar animal et sa peau / L’oiseau : pigeon au vadouvan / La terre : bœuf et beurre de cacao sauce betterave / Le plaisir sucré : nuage de mangue et orange confite, fleur de souci. J’ai rarement vécu un dîner avec une telle lisibilité des plats. La mise au point que nous avions faite avec le chef a donné des résultats spectaculaires, grâce à son talent.

Le caviar au gros grain gris est très doux et c’est l’huître qui apporte l’iode qui se confronte au Champagne Krug 1982. Ce champagne est un guerrier. Il est vif, explosif, conquérant. C’est un très grand champagne que j’adore mais qui passe assez difficilement après le caractère tranquille et bienveillant du Bollinger. Il aurait fallu peut-être un plat plus riche pour que le Krug se batte avec des saveurs qui s’opposent à lui. Mais l’accord de l’huître avec le Krug est magnifique si l’on accepte la vivacité du Krug.

Le homard arrive cru dans un petit vase en verre et Akrame verse un bouillon qui va lentement cuire le crustacé. Lorsque le homard à peine cuit est posé sur la réduction, on nous sert les deux vins blancs. Le Château Haut-Brion blanc 1960 crée ce moment magique où tout le monde se demande comment un vin blanc de 56 ans peut avoir une telle énergie. C’est assez fascinant et si la chair du homard est divinement tendre car elle cuite avec une exactitude absolue, c’est la réduction faite avec des éléments de chair et de carcasse qui crée un accord stupéfiant avec le vin de Graves.

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1989 a un nez très franc et direct, envahissant et charmeur. En bouche, c’est le « gendre idéal ». Il est tellement intégré, lisible, construit et attendu que c’est un régal mais ce n’est pas lui qui crée l’accord avec le homard, c’est le Haut-Brion.

Le bar est associé à deux bordeaux et il deviendra tout à fait naturel pour tout le monde qu’un poisson puisse se marier avec des vins rouges. Le Château Certan de May de Certan Pomerol 1955 a une couleur de vin jeune exceptionnel. C’est un rouge-sang opulent. En bouche le vin est d’une mâche parfaite. Je sens en lui de la truffe que l’on croque. Akrame a fait pour le bar une sauce viande qui crée un accord naturel avec le pomerol.

Le Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1919 qui avait à l’ouverture un fort parfum de fruits rouges l’a toujours. La couleur du vin est moins nette et plus rose. En bouche, il faut se concentrer pour bien saisir les nuances de ce vin subtil et tout en finesse. Il sait aussi être charmeur avec du velours bien esquissé et je suis content car mes convives ont su comprendre ce vin au point de lui donner des votes généreux. C’est lui qui sera nommé premier le plus grand nombre de fois. L’association du bar et aussi de la peau craquante est naturelle avec ces deux vins. C’est un grand moment.

Nous allons quitter maintenant les couples de vins, chacun des suivants apparaissant seul sur un plat. Le Beaune-Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Bouchard Père & Fils 1988 est associé à un pigeon expressif et tendre mais aussi fort en goût. Le Beaune est si jeune mais déjà si brillant. Tout en lui est confort et le vin se fortifie au sang du pigeon. C’est de la gourmandise pure.

Le Chambertin Bouchard Père & Fils 1971 est associé à un bœuf magistral. Celui qui l’a préparé est venu nous en parler. C’est un bœuf français maturé 32 jours, au goût profond, imprégnant et avec le chambertin si féminin, jouant sur la luxure l’accord est d’une pertinence rare. Le vin entoure la viande de ses sept voiles et la dompte au point qu’elle fond en bouche délicieusement. Les notes de chocolat et de betterave, juste suggérées, ajoutent au plaisir de ce vin d’un équilibre rare. Ça paraît si naturel qu’un vin de 46 ans paraisse en avoir moins de 20.

La mangue et son orange amère confite est un plat absolument idéal pour un vin légendaire, le Château d’Yquem 1928. Ce vin a son bouchon d’origine, parfait, et le goût de mangue et de fruits exotiques est d’une pureté absolue. Je serai le seul à le mettre premier dans mon vote, car j’ai un indéfectible amour des sauternes quand ils sont parfaits. Ce vin est de l’or fondu qui coule dans le gosier.

Autant j’avais demandé à Akrame que pour l’Yquem le dessert ne soit pas un dessert mais un goût, c’est-à-dire que le goût doit l’emporter sur la « façon », autant pour le Banyuls Grand Cru SIVIR 1929 j’ai suggéré qu’on se lâche et qu’on abuse des gourmandises, ce qui donne ces après-desserts : dattes Medjoul / pâte d’amande – café réglisse / pruneaux – truffe chocolat, truffe blanche / figue confite – oseille. Le Banyuls a vieilli en fût 71 ans et a été mis en bouteille en 2000. Il est extraordinaire car il a des saveurs infinies de pruneaux, de chocolat, de vin cuit. C’est un régal de jouissance et nous croquons les mignardises avec envie malgré un repas très copieux.

C’est le moment des votes. Nous sommes neuf à voter pour nos quatre préférés parmi les dix vins. Le vote est très difficile et va nous montrer une fois de plus à quel point nos goûts sont différents. Tous les vins figurent dans au moins un vote sauf un, le Corton Charlemagne qui est pourtant un très grand vin, mais c’est celui qui est le moins déroutant alors on l’oublie dans les votes. Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premiers, le Cos d’Estournel 1919 trois fois, le Haut-Brion blanc 1960 et le Chambertin 1971 deux fois chacun et le Château Certan 1955 et l’Yquem 1928 une fois chacun. Tous les votes sont différents et mon vote est très différent de celui du consensus.

Le vote du consensus, compilant les votes de chacun donne : 1 – Château Haut-Brion blanc 1960, 2 – Cos d’Estournel Saint-Estèphe 1919, 3 – Chambertin Bouchard Père & Fils 1971, 4 – Château Certan de May de Certan Pomerol 1955, 5 – Château d’Yquem 1928, 6 – Champagne Bollinger Grande Année Magnum 1985.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1928, 2 – Château Certan de May de Certan Pomerol 1955, 3 – Chambertin Bouchard Père & Fils 1971, 4 – Château Haut-Brion blanc 1960.

Il est très difficile de désigner un accord qui serait le meilleur, car tous ont été d’une pertinence parfaite. Le homard a collé au Haut-Brion grâce au jus de homard, le bar a été divin pour le pomerol, la viande de bœuf a idéalement épousé le Chambertin 1971 et comme je suis un amoureux d’Yquem, j’ai applaudi l’accord avec la mangue, sublimé par la trace d’orange amère confite. Du génie.

L’ambiance était souriante. Akrame a goûté tous les vins, nous l’avons félicité à chaque plat pour la pertinence de sa cuisine orientée vers le goût majeur du plat. Yohann a fait un service parfait, Laurie a fait une cuisine épurée, de talent, sous l’inspiration d’Akrame.

Merci Akrame d’avoir accepté mes suggestions insistantes qui ont permis un repas d’anthologie. Tous les ingrédients sont là pour que l’on recommence au plus vite.

tous les bouchons dans l’ordre de service des vins de gauche à droite et de haut en bas

la cour du 7 de la rue Tronchet et l’entrée et le chef sur bois peint

l’entrée, c’est là

le chef c’est lui !

les plats. Hélas j’ai oublié de photographier le bar et sa peau

les verres en fin de repas

Le chef fait toujours un croquis qui explique ses recettes. Voici le menu

l’incroyable diversité des votes

Déjeuner au restaurant Laurent mercredi, 19 avril 2017

Nous envisageons avec mon ami Tomo que j’organise un dîner au Japon à l’occasion d’une tournée annuelle à Tokyo du chef et du directeur de son restaurant Garance. Pour cela, bien sûr, il faut en parler en déjeunant. Nous nous retrouvons au restaurant Laurent avec l’espoir de déjeuner dans le jardin, mais un rafraîchissement des températures après une période caniculaire nous oblige d’être à l’intérieur du restaurant. J’arrive en avance pour ouvrir mes vins et qui vois-je au seuil, Christian de Billy, qui va participer à un déjeuner de l’académie des gastronomes, congrégation fondée il y a près d’un siècle par Curnonsky, le prince des gastronomes. Il est rapidement rejoint par d’autres membres et au lieu d’ouvrir mes vins, je bavarde avec les arrivants. J’ouvre toutefois mes vins dont les parfums sont à se damner.

Tomo arrive et je le présente aux académiciens que je connais .Christian de Billy me tend un verre du Champagne Pol Roger sans année que je trouve particulièrement agréable, frais et typé, ce qui est ce qu’on lui demande. Nous passons à table. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 de Tomo est d’une couleur très ambrée pour son âge. Aux premières gorgées on sent l’acidité et un manque évident de volume. Nous commandons l’un et l’autre le même menu à la carte : des morilles en entrée pour le Clos du Mesnil , un pigeon pour mon vin rouge et un soufflé pour le liquoreux que j’ai apporté.

La cuisine d’Alain Pégouret est toujours aussi appréciée mais à la carte elle n’est pas orientée vers les vins. Car morilles et asperges qui peuvent s’associer pour un plat ne font pas bon ménage pour les vins et le pigeon ne se conçoit que sans sauce si l’on veut profiter du vin. Mais nous sommes capables de faire le tri et cette cuisine nous ravit.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 connaît avec les morilles une résurrection spectaculaire, comme cela se produirait avec un vin jaune. L’acidité disparaît, le vin retrouve du volume et de la largeur et nous avons devant nous ce qui fait la gloire de cette cuvée miraculeuse du champagne Krug. Ce vin est immense, et la morille prend une mâche gourmande à son contact, titillée par la belle bulle vive et cinglante.

Lorsque j’ai ouvert le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1981, son parfum m’a enthousiasmé. Si l’on veut savoir ce qu’est l’âme de la Romanée Conti, il suffit de sentir ce vin-là. Le niveau était superbe ainsi que la couleur. Au moment où nous le sentons ensemble, Tomo et moi, nous nous regardons car nous savons que nous sommes en face de ce qui fait que la Romanée Conti jouit d’une telle aura. Ce vin est l’archétype des vins du domaine et aussi la signature de la Bourgogne. Il y a tout dans ce vin, la discrétion, la politesse, l’énergie, la salinité, la gourmandise bien contrôlée. Quel bonheur. Avec le pigeon, surtout la cuisse avec la peau, le vin est un régal. J’en verse un verre à Ghislain, le si aimable sommelier, pour qu’il en profite et aussi à un journaliste qui déjeune à la table voisine avec une vigneronne champenoise. Ce vin est un régal, d’un équilibre parfait sans une ombre d’exagération. C’est un velours mais qui n’est pas sensuel. Il est dans la dignité. Et son côté salin le rend gastronomique.

Comme il reste du vin et du champagne nous prenons un saint-nectaire pour le Richebourg et un Reblochon pour le Krug qui créent de beaux mariages.

Tomo a apporté un Suntory Tomi No Oka Winery Tomi 2003 Noble d’Or. A l’aveugle je suis bien incapable de trouver d’où il vient. Ce vin doux et liquoreux est fortement typé réglisse et évoque un peu les vins de Chypre. Il ne titre que 9° mais il est puissant. Pour le soufflé il vaut mieux prendre le Château d’Yquem 1981 en demi-bouteille que j’ai apporté, vin fort agréable et joyeux, très caractéristique d’Yquem mais à qui il manque vingt ans pour que nous nous pâmions. Il a trente-six ans mais je ne peux pas m’y faire, c’est trop jeune pour moi.

Nous avons défini un programme japonais qui était l’objet du déjeuner et nous avons rejoint les solides gastronomes après leur banquet. Ces académiciens sont insatiables car nous avons trinqué avec un Cognac Alfred Morton Family Reserve extrêmement agréable, avec un caramel bien contrôlé qui m’a rappelé des cognacs Hardy centenaires qui ont enchanté ma jeunesse.

Il se passe toujours quelque chose au restaurant Laurent.

Deux vins sublimes dans le sud samedi, 15 avril 2017

Dans le sud, notre fille cadette vient nous rejoindre pour Pâques. Elle est d’humeur, comme moi, à boire bien. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1983. Le pschitt est très sensible à l’ouverture du bouchon. Dans des verres à vins de bonne dimension le parfum qui s’exhale est d’une puissance et d’un charme qui surprennent. La couleur du champagne est d’un ambre presque rose, évoquant un peu la peau d’une pêche dorée. En bouche, le premier contact est comme un coup de massue. Je m’attendais à du grand et je suis face à de l’exceptionnel. Il a un charme et un romantisme qui sont confondants. Mais il a aussi de la puissance, des fruits rouges esquissés, et la douceur de confitures de fruits rouges. C’est le premier contact. Ensuite le charme, le romantisme et la douceur s’installent. On est face à un champagne de pur plaisir. Ce n’est que plus tard qu’apparaîtra le caractère vineux. Chaque gorgée de ce champagne est vécue comme un cadeau que nous fait la nature.

La poutargue est ce qui convient le mieux à ce champagne plus que l’anchoïade et la tapenade. On se régale. C’est amusant qu’à la première gorgée nous nous sommes regardés, ma fille et moi, avec une connivence qui signifiait le privilège de boire un champagne aussi accompli et parfait.

Pour le gigot d’agneau bio cuit à basse température et accompagné d’une semoule aux fleurs fraîches, j’ouvre au dernier moment une Côte Rôtie La Mouline Guigal 1996. Le niveau est si haut dans la bouteille qu’en tirant le bouchon, la dépression fait gicler du vin. La couleur du vin est foncée, presque noire. Le nez est intense et puissant, comme un vin de l’année. En bouche, le vin combine étonnamment la puissance et la fluidité. Le vin est fort mais frais. Il est d’une précision diabolique et nous sommes d’avis, ma fille et moi que les deux vins de ce repas sont des 100 points Parker, si l’on veut par-là exprimer qu’ils sont parfaits. Et cela bouscule beaucoup d’idées reçues, car la Mouline a plus de vingt ans et a la puissance d’un vin de cinq ans tout en ayant le velours et le charme d’un vin de quarante ans. Il reste un peu des deux vins à vérifier demain. Mais la fraîcheur, le charme et l’équilibre des deux vins de ce soir sont confondants.

Le lendemain, sur des coquilles Saint-Jacques, le champagne qui a perdu un peu de bulles, est toujours aussi glorieux et joyeux. Les fruits évoqués sont jaunes, la noix est présente mais c’est dû à la coquille et le caractère vineux est plus prononcé. Toujours puissant et de belle longueur ce champagne est hors normes. Sur les coraux des coquilles, la Côte Rôtie est puissante. Elle n’a plus la même vivacité mais elle a l’ampleur d’un grand vin, créant un accord divin avec les coraux. Ce qui me plait beaucoup, c’est qu’apparaît en fin de bouteille la fraîcheur mentholée que j’aime tant. Un vin puissant, aux accents de garrigue, qui dans le finale offre tant de fraîcheur mentholée, que demander de plus ? On est au ciel.

Dinner at restaurant Pages with wines of 1945 dimanche, 9 avril 2017

My eldest daughter sets up in Paris the French subsidiary of an American law firm. One of the American partners in the headquarters of the parent company is in Paris. My daughter tells me he loves wine. I propose a dinner with this partner, his wife, my daughter and me at the restaurant Pages. The idea comes to me to choose wines from 1945, a year that solidified the ties between our two countries. The wines were delivered three days ago and I open them at 5 pm. No problem arises so I will read a book at 116, the bar next to Pages and is a subsidiary. I drink a Japanese beer Asahi with a plate of Edamame. It is a preparation of soybeans still green, of Japanese origin, in their pods covered with salt, which is sucked to extract the beans. It’s delicious with beer and it increases the turnover because you have to order a new beer!

Vicky and Ben from Washington DC arrive on time and Ben brought a wine to share without knowing my program. The Champagne Vilmart & Cie Brut 1945 is from Rilly, south of Reims. The level is low because the bottle has lost nearly 20% of its volume. There is no pschitt because the cork is too narrow and the color is very amber. This makes us fear the worst, but if the attack is very tired, the finish is of a beautiful refreshing presence that suggests that the champagne will wake up. And that’s what happens, the champagne becoming more and more joyful and golden, even if objectively it is a tired champagne. The end of the bottle is very nice.

The Riesling Schlumberger 1945 presents itself in an extremely dusty bottle so that one does not see what is written on the thin collar at the top of this bottle very tapered. But the main label is clearly legible. The glass is blue as it existed during the war. What a surprise to see that the liquid that Thibault the sommelier pours me is a light yellow color of a young wine. The opaque bottle did not allow to see that. The nose is very expressive, sharp and lively, and the Riesling is tall, pure, expressive. On Ozaki beef in tartare, this wine is a treat. It is a wine of amazing accomplishment and serenity.

As we are told that there is a fish that will follow a dish made with squid, I let open the wine of Ben, a Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Domaine François Raveneau 2001. The nose of the wine is of a great wealth. The fruit is joyous. This wine is the archetype of good chablis. It is brilliant but does not under any circumstances shade the delicious riesling which one would have difficulty to give an age as it is of infinite precision.

The Château Beychevelle Saint-Julien 1945 is of a color that does not have a gram of tile. The wine is of a glorious bright red. The nose is intense, deep and I see notes of truffle. On the palate, it is confusing of vivacity, richness and nobility. It is a perfect wine. We look at each other amazed and for our American guests we feel that certainties are faltering about wine aging. At the menu that is common to all the tables, Chef Teshi has added for us a pigeon with a sauce where dips of wood strawberries. The harmony is miraculous. The wine will continue to shine by offering other facets on two pieces of absolutely delicious matured beef. It is one of the greatest Beychevelle that I had the opportunity to drink.

For dessert, I brought a Château Gerbay « Grandes Côtes » 1945 from Castillon on the Dordogne. At the opening, the sweet white wine had a delicate nose of sweet wine that would have swallowed its sugar. Now, the nose is charming, floral, light, discreet sweet. On the palate the wine is incredibly fresh, especially in the final. The dessert is a test that I had developed with Dorian the highly skilled pastry cook of the Pages team, who only had red fruit offered bananas and hazelnuts. The dessert does not work but the sweets are of extraordinary charm. It is so delicate, fresh, so fluid in the mouth that I would be tempted to make it the winner of the dinner wines, even if the Beychevelle is of another stature. What is certain is that all the wines have delighted us. So many subtle coolnesses in a Bordeaux Superieur delight me.

As usual the Pages team under Teshi’s authority has made a remarkable menu with three very high-level dishes, fish, pigeon and beef pieces that are well worth two Michelin stars. Our American hosts were conquered by the wines and the meal to the point that Ben insisted to pay the bill while he was my guest. The strawberries that accompany the pigeon and the incredible Côtes de Castillon are still on my tongue as I finish writing this review.

(pictures are on the following article in French)

Dîner au restaurant Pages avec des vins de 1945 dimanche, 9 avril 2017

Ma fille aînée installe à Paris la filiale française d’un cabinet d’avocats américain. Un des associés américains du siège de la maison-mère est de passage à Paris. Ma fille me dit qu’il aime le vin. Je propose un dîner avec cet associé, son épouse, ma fille et moi au restaurant Pages. L’idée me vient de choisir des vins de 1945, année qui a solidifié les liens entre nos deux pays. Les vins ont été livrés il y a trois jours et je les ouvre à 17 heures. Aucun problème ne survient aussi vais-je lire un livre au 116, le bar qui jouxte Pages et en est une filiale. Je bois une bière japonaise Asahi avec une assiette d’Edamame. Il s’agit d’une préparation de fèves de soja encore vertes, d’origine japonaise, dans leurs gousses recouvertes de sel, que l’on suce pour en extraire les fèves. C’est délicieux avec la bière et cela augmente le chiffre d’affaires car on est obligé de commander une nouvelle bière !

Vicky et Ben, de Washington DC arrivent à l’heure et Ben a apporté un vin à partager sans connaître mon programme. Le Champagne Vilmart & Cie Brut 1945 est de Rilly, au sud de Reims. Le niveau est bas car la bouteille a perdu près de 20% de son volume. Il n’y a pas de pschitt car le bouchon est trop rétréci et la couleur est très ambrée. Cela fait craindre le pire, mais si l’attaque est très fatiguée, le finale est d’une belle présence rafraîchissante qui laisse penser que le champagne va se réveiller. Et c’est ce qui se produit, le champagne devenant de plus en plus joyeux et doré, même si objectivement c’est un champagne fatigué. La fin de la bouteille est très agréable.

Le Riesling Schlumberger 1945 se présente dans une bouteille extrêmement poussiéreuse ce qui fait que l’on ne voit pas ce qui est écrit sur la fine collerette en haut de cette bouteille très effilée. Mais l’étiquette principale est bien lisible. Le verre est bleu comme cela existait pendant la guerre. Quelle n’est pas ma surprise de voir que le liquide que Thibault le sommelier me verse est d’une couleur jaune clair d’un vin jeune. La bouteille opaque ne le laissait pas prévoir. Le nez est très expressif, tranchant et vif, et le riesling est grand, pur, expressif. Sur le bœuf Ozaki en tartare, ce vin est un régal. C’est un vin d’un accomplissement et d’une sérénité étonnants.

Comme on nous annonce qu’il y a un poisson qui suivra un plat à base d’encornet, je fais ouvrir le vin de Ben, un Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Domaine François Raveneau 2001. Le nez du vin est d’une grande richesse. Le fruit est joyeux. Ce vin est l’archétype du bon chablis. Il est brillant mais ne fait en aucun cas ombrage au riesling délicieux auquel on aurait du mal à donner un âge tant il est d’un infinie précision.

Le Château Beychevelle Saint-Julien 1945 est d’une couleur qui n’a pas un gramme de tuilé. Le vin est d’un rouge vif glorieux. Le nez est intense, profond et j’y vois des notes de truffe. En bouche, il est confondant de vivacité, de richesse et de noblesse. C’est un vin parfait. Nous nous regardons stupéfaits et pour nos convives américains on sent que les certitudes vacillent. Au menu qui est commun à toutes les tables, le Chef Teshi a ajouté pour nous un pigeon avec une sauce où trempent des fraises des bois. L’accord est miraculeux. Le vin va continuer de briller en offrant d’autres facettes sur les deux morceaux de bœufs maturés absolument délicieux. C’est un des plus grands Beychevelle que j’aie eu l’occasion de boire.

Pour le dessert, j’ai apporté un Château Gerbay « Grandes Côtes » 1945 de Castillon sur Dordogne. A l’ouverture, le vin blanc doux avait un nez délicat de liquoreux qui aurait mangé son sucre. Maintenant, le nez est charmeur, floral, léger, de liquoreux discret. En bouche le vin est d’une incroyable fraîcheur, surtout dans le finale. Le dessert est un essai que j’avais mis au point avec Dorian le très compétent pâtissier de l’équipe du Pages, qui n’ayant que des fruits rouges a proposé des bananes et des noisettes. Le dessert ne fonctionne pas mais le liquoreux est d’un charme extraordinaire. Il est si délicat, frais, si fluide en bouche que je serais tenté d’en faire le gagnant des vins du dîner, même si le Beychevelle est d’une autre stature. Ce qui est sûr c’est que tous les vins nous ont ravis. Tant de fraîcheurs subtiles dans un Bordeaux Supérieur me ravit.

Comme d’habitude l’équipe de Pages sous l’autorité de Teshi a fait un menu remarquable avec trois plats d’extrêmement haut niveau, le poisson, le pigeon et les pièces de bœuf qui valent bien deux étoiles Michelin. Nos hôtes américains ont été conquis par les vins et le repas au point que Ben a tenu à payer l’addition alors qu’il était mon invité. La fraise des bois qui accompagne le pigeon et l’incroyable Côtes de Castillon sont encore sur ma langue au moment où je finis d’écrire ce compte-rendu.

chose étonnante, quand on découpe la capsule, l’empreinte des lettre existe sur le haut du bouchon et je l’ai découpée

préparatifs en cuisine avec inscriptions sur un tableau mural

211st wine-dinners dinner at the Guy Savoy restaurant vendredi, 7 avril 2017

The 211st wine-dinners dinner is held at the Guy Savoy restaurant on the first floor of the Hôtel de la Monnaie. My wines were delivered a week ago and at 5 pm I am ready to open the wines. The Japanese journalist with whom I had lunch at l’Archeste is present to take pictures of the opening session. All bottles have exceptional levels, almost in the neck for all. All the corks are original and when they break in two or three pieces, it is due to the irregularity of the glass inside the neck. This is the case of the Carbonnieux blanc 1952, the Gruaud-Larose Sarget 1928, and the oldest wine, the Sigalas-Rabaud 1917, which is just one hundred years old and whose bottle is not industrial but blown. When the glass is pinched inside the neck, the term « bottleneck » is better understood, because the cork does not want to go out. But everything goes well and the aromas that emerge from the wines are all promising and sometimes timid as the one of the Chevalier-Montrachet 1981. The scent of the Sigalas-Rabaud 1917 is so breathtakingly aromatic complex that I take the bottle in the kitchen to let the pastry chef smell the wine, so that he can soak up these paradisiac scents to create a dessert with mango. One cannot dream better as an opening session, with absolute faultlessness.

We are nine diners around the pretty table where all the glasses were placed. There are two American people, one Japanese person and six French people. There are three new and six regulars. There is a female majority of five for four. For this dinner I wanted to launch with the complicity of Guy Savoy a novelty. Yquem Y wine sometimes contains botrytised grapes. Also, instead of putting this Y with the dry white wines that precede the reds, I want to put it just before the end of meal finishing with a sauternes. Guy Savoy for his part would like us to try a Saint-Nectaire and champagne agreement. He would like to have a champagne at the end of the meal. For the Y, I would like a poached foie gras which I love, and we decide Guy and I a madness that will put the poached foie gras right after the cheese. It is daring, but we must know how to explore new adventures.

The menu composed by Guy Savoy, which we have developed together, is: Lobster Surprise / A piece of enormous turbot cooked simply / Pigeon grilled on the barbecue / Sweatbread browned with morels, juice under the crust / Saint-Nectaire cheese, crust and champagne in jelly / Duck foie gras as a spring pot-au-feu / Honey from here and mangoes.

This menu is particularly exciting because everything has been done to enhance the product. Thus, the pigeon will be served without any accompaniment and poached foie gras will be served without its pot-au-feu, to have it in its purity.

As a champagne was placed at the end, I added a champagne for the aperitif. The Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 is very reassuring and consensual. Readily, he drinks with joy on the diabolical little sticks of toast with foie gras. It has a little caramel in the middle of the mouth.

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999 is more difficult to understand. It is a white of blacks (Blanc de Noirs) coming from prephylloxeric vines, sophisticated, of great race but it is a champagne that is nevertheless intellectual.

When the lobster is served to us, like my neighbor, I waited for a hot dish especially for the sauce creme. The Château Carbonnieux blanc 1952 surprises everyone because how is it possible for a 65-year-old wine to have such a presence, such a balance? It is a very gourmand, subtle, spicy wine that is well suited to the flesh of lobster. The dish if served hot would be even better for wine.

The Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1981 has an explosive and generous perfume. In the mouth it is round and powerful. He’s an incredible presence. He occupies the front of the stage. It fits well with the turbot.

The pigeon is associated with two bordeaux whose difference of age makes that there is no competition. The pigeon is served without accompaniment which will create superb combinations as the tenderness of the flesh is highlighted. The Château Bel-Air Marquis d’Aligre 1976 is a margaux of a beautiful youth rich and truffle that profits full of the pigeon’s chew. It is an ideal wine of balance and accuracy.

But next to him, the 1928 Gruaud-Larose Sarget Chateau, of a quite astonishing level in the neck, has a rare pigeon’s blood colored robe. The wine is elegant. It is lively, round and you feel it brings a little more than the margaux. The year 1928 is so exceptional that this wine would be considered blind as a wine of the sixties. This racy wine must be associated with the word « elegance » which suits it perfectly. He has the highest number of votes: 8 out of 9 possible. It is hard to imagine that at almost 90 years he has this presence.

The Corton Grancey Domaine Louis Latour 1964 makes us enter the world of burgundy, all in sensuality. He does not deviate from this reputation, sensuous, almost sweet, sweet as if sugared and the sweetbread suits him, with a purée of morels that Guy Savoy has adjusted with a grain of mustard so that it excites the combination.

The Clos de Vougeot Domaine Méo-Camuzet 1991 is the wine that made me discover the Domaine Méo Camuzet twenty years ago and I have a special love for this one, full and racy with small accents of Rhône wines, so rich is he. In spite of its beautiful youth one is more attracted on the sweetbread with the Corton.

We will now enter into gastronomic audacity. Guy Savoy invented a Saint-Nectaire treatment for a champagne. So I changed the original place of Champagne Dom Pérignon 1988 which was at the beginning of the meal so that it is served now. This champagne is pure glory. It is in a state of ideal growth. It is wonderful with small honeyed notes of the color of the Saint-Nectaire. We will be some to prefer the pure Saint-Nectaire, rather than with its champagne jelly, even if agreement is possible. This interlude at this time of the meal is awesome.

When I am shown the cassolette where the lobe of foie gras rests in a pot-au-feu, I ask that absolutely we serve only the poached foie gras, without further additions. And the harmony with the Y of the Château d’Yquem 1985 is simply phenomenal. It is so good that I ask Guy Savoy to come and take a little liver from my plate to associate it with a sip of the Y. It’s divine and where I’m proud is that Guy Savoy is considering putting this poached liver into his new menu card. If he gives it my name, as Jean-Marie Ancher of Taillevent had done for scallops, I would be proud as Artaban. Y 1985 is for me one of the biggest Y. It is less botrytised than what I had as a memory, but it is of a roundness and a charm which enchant me. To put a poached foie gras after a cheese, you had to dare. The whole table is conquered by this audacity.

And our palate is ready, what I wanted, to welcome an absolute wonder, the Château Sigalas Rabaud Sauternes 1917. Its color is black, or caramel. While in the bottle the wine is opaque, in the glass it is nicely gilded. Its perfume is to be damned. More than others I have the eyes of Chimene for the old sauternes and there I am conquered. The fragrance is so complex with exotic fruits, mango but also pepper, spices and autumn fruits. I could stay for hours intoxicated by this perfume. In the mouth the wine is a sun. The dessert with the mango is very conform to the taste necessary for the sauternes but what it lacks is the chew. It’s a dessert that we nibble more than we bite. I would have liked dice of mango much thicker and fleshed so that one bites before tasting the absolute nectar centenary to infinite length.

We are nine voters and for once we will vote for the best five wines instead of four usually. What is extremely pleasant is that all the wines have had at least one vote which means that each of the eleven wines was deemed worthy to be in the top five by at least one guest. The disparity of votes is extreme. Gruaud-Larose appears on eight voting sheets, the Chevalier-Montrachet has seven votes and the Sigalas-Rabaud six votes.

Five wines had the honor of being named first, the Sigalas-Rabaud 1917 four times, the Corton Grancey 1964 twice and then three wines were named first once, Gruaud Larose 1928, Y d’Yquem 1985 and The Dom Pérignon 1988.

The classification compiling the votes of each one is: 1 – Château Sigalas-Rabaud Sauternes 1917, 2 – Château Gruaud-Larose Sarget 1928, 3 – Champagne Dom Pérignon 1988, 4 – Corton Grancey Domaine Louis Latour 1964, 5 – Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1981, 6 – Y of the Château d’Yquem 1985.

My vote is: 1 – Château Sigalas-Rabaud Sauternes 1917, 2 – Champagne Dom Pérignon 1988, 3 – Y of Château d’Yquem 1985, 4 – Chateau Gruaud-Larose Sarget 1928, 5 – Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1981.

It should be noted that the consensus vote places first and second the two oldest wines of the dinner.

We spoke informally about the best combinations. It is the foie gras poached with the Y d’Yquem 1985 that wins. Then comes the pigeon with the Gruaud Larose 1928 and then the veal sweetbread is put together with the Corton Grancey 1964 and the Saint-Nectaire with the Dom Pérignon 1988, the latter having the palm of originality after the poached liver. I also have a weakness for salty foie gras that is served as a stick for an aperitif on arrival. This is a must for me.

Everyone was impressed by the involvement of Guy Savoy who came five or six times to gather our opinions, make remarks, always smiling and positive. The service of the wines and dishes was impeccable even though the service of the first dishes was too slow.

The dinner setting is ideal. We had an absolutely memorable dinner.

(the pictures of this dinner are in the following article in French. See below)

211ème dîner de wine-dinners au restaurant Guy Savoy vendredi, 7 avril 2017

Le 211ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Guy Savoy situé au premier étage de l’Hôtel de la Monnaie. Mes vins avaient été livrés il y a une semaine et à 17 heures je suis à pied d’œuvre pour l’ouverture des vins. La journaliste japonaise avec qui j’avais déjeuné à l’Archeste est présente pour photographier la séance d’ouverture. Toutes les bouteilles ont des niveaux exceptionnels, quasiment dans le goulot pour tous. Tous les bouchons sont d’origine et lorsqu’ils se brisent en deux ou trois morceaux, c’est dû à chaque fois à l’irrégularité du verre à l’intérieur du goulot. C’est le cas du Carbonnieux blanc 1952, du Gruaud-Larose Sarget 1928, et du plus ancien des vins, le Sigalas-Rabaud 1917 qui a juste cent ans et dont la bouteille est soufflée. Quand le verre est pincé à l’intérieur du goulot on comprend mieux l’expression « goulot d’étranglement », parce que le bouchon ne veut pas sortir. Mais tout se passe bien et les odeurs qui se dégagent des vins sont toutes prometteuses et parfois encore timides comme celles du Chevalier-Montrachet 1981. Le parfum du Sigalas-Rabaud 1917 est tellement époustouflant de complexité aromatique que j’emporte la bouteille en cuisine pour faire sentir le vin au chef pâtissier, afin qu’il s’imprègne de ces senteurs paradisiaques pour créer le dessert à la mangue. On ne peut pas rêver mieux comme séance d’ouverture, avec un sans-faute absolu.

Nous sommes neuf convives autour de la jolie table où tous les verres ont été placés. Il y a un américain et une américaine, une japonaise et six français. Il y a trois nouveaux et six habitués. Il y a une majorité féminine de cinq pour quatre. Pour ce dîner j’ai voulu lancer avec la complicité de Guy Savoy une nouveauté. Le vin Y d’Yquem contient parfois des grains de raisin botrytisés. Aussi, au lieu de mettre cet Y avec les vins blancs secs qui précèdent les rouges, j’ai envie de le mettre juste avant le sauternes de fin de repas. Guy Savoy de son côté aimerait que nous essayions un accord saint-nectaire et champagne. Il aimerait donc qu’un champagne soit mis en fin de repas. Pour l’Y j’aimerais un foie gras poché dont je raffole, et nous décidons Guy et moi d’une folie qui sera de mettre le foie poché juste après le fromage. C’est osé mais il faut savoir explorer de nouvelles pistes.

Le menu composé par Guy Savoy, que nous avons mis au point ensemble, est : Surprise de homard / Un morceau d’énorme turbot cuisiné tout simplement / Pigeon grillé au barbecue / Ris de veau rissolé aux morilles, jus sous la croûte / Saint-nectaire, la croûte et le champagne en gelée / Foie gras de canard comme un pot-au-feu de printemps / Miel d’ici et mangues.

Ce menu est particulièrement passionnant car tout a été fait pour mettre le produit en valeur. Ainsi, le pigeon sera servi sans aucun accompagnement et le foie gras poché sera servi sans son pot-au-feu, pour l’avoir dans sa pureté.

Un champagne ayant été placé à la fin, j’ai ajouté un champagne pour l’apéritif. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1998 est très rassurant et consensuel. Lisible, il se boit avec joie sur les diaboliques petits sticks de toasts au foie gras. Il a un peu de caramel dans le milieu de bouche.

Le Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999 est plus difficile à comprendre. C’est un blanc de noirs issu de vignes préphylloxériques, sophistiqué, de grande race mais c’est un champagne qui est quand même intellectuel.

Lorsque le homard nous est servi, comme ma voisine, j’attendais un plat chaud surtout pour la sauce crémée. Le Château Carbonnieux blanc 1952 surprend tout le monde car comment est-il possible qu’un vin de 65 ans ait une telle prestance, un tel équilibre ? C’est un vin très gourmand, subtil, épicé, qui convient bien à la chair du homard. Le plat s’il était servi chaud conviendrait encore mieux au vin.

Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1981 a un parfum explosif et généreux. En bouche il est rond et puissant. Il est d’une présence incroyable. Il occupe crânement le devant de la scène. Il s’accorde bien au turbot.

Le pigeon est associé à deux bordeaux dont la différence d’âge fait qu’il n’y a pas compétition. Le pigeon est servi sans accompagnement ce qui va créer des accords superbes tant la tendreté de la chair est mise en valeur. Le Château Bel-Air Marquis d’Aligre 1976 est un margaux d’une belle jeunesse riche et truffée qui profite à plein de la mâche du pigeon. C’est un vin idéal d’équilibre et de justesse.

Mais à côté de lui, le Château Gruaud-Larose Sarget 1928 d’un niveau tout-à-fait étonnant dans le goulot a une robe sang de pigeon d’une rare beauté. Le vin est élégant. Il est vif, rond et on sent qu’il apporte un peu plus que le margaux. L’année 1928 est tellement exceptionnelle que ce vin serait considéré à l’aveugle comme un vin des années 60. Ce vin racé doit être associé au mot « élégance » qui lui convient parfaitement. C’est lui qui aura le plus grand nombre de votes : 8 sur 9 possibles. On a du mal à imaginer qu’à presque 90 ans il ait cette prestance.

Le Corton Grancey Domaine Louis Latour 1964 nous fait entrer dans le monde des bourgognes, tout en sensualité. Il ne déroge pas à cette réputation, vin gourmand sensuel, presque sucré tant il est doux et le ris de veau lui convient, avec une purée de morilles que Guy Savoy a ajustée d’un grain de moutarde pour qu’elle excite l’accord.

Le Clos de Vougeot Domaine Méo-Camuzet 1991 est le vin qui m’a fait découvrir il y a vingt ans le domaine Méo Camuzet et j’ai un amour particulier pour celui-là, plein et racé avec des petits accents de vins du Rhône tant il est riche. Malgré sa belle jeunesse on est plus attiré sur le ris de veau par le Corton.

Nous allons maintenant entrer dans l’audace gastronomique. Guy Savoy a inventé un traitement du saint-nectaire pour un champagne. J’ai donc changé la place initiale du Champagne Dom Pérignon 1988 qui était en début de repas pour qu’il soit servi maintenant. Ce champagne est de la gloire pure. Il est dans un état d’épanouissement idéal. Il est merveilleux avec des petites notes miellées de la couleur du saint-nectaire. Nous serons quelques-uns à préférer le saint-nectaire pur, plutôt qu’avec sa gelée au champagne, même si l’accord est possible. Cet intermède à ce moment du repas est génial.

Lorsqu’on me montre la cassolette où le lobe de foie gras repose dans un pot-au-feu, je demande que surtout on ne serve que le foie gras poché, sans autre ajoute. Et l’accord avec l’Y du Château d’Yquem 1985 est tout simplement phénoménal. C’est tellement bon que je demande à Guy Savoy de venir prendre un peu de foie de mon assiette pour l’associer à une gorgée de l’Y. C’est divin et là où je suis fier, c’est que Guy Savoy envisage d’inscrire ce foie poché dans sa nouvelle carte. S’il lui donnait mon nom, comme Jean-Marie Ancher de Taillevent l’avait fait pour une recette de coquilles Saint-Jacques, je serais fier comme Artaban. L’Y 1985 est pour moi l’un des plus grands Y. Il est moins botrytisé que ce dont j’avais le souvenir mais il est d’une rondeur et d’un charme qui m’enchantent. Mettre un foie gras poché après un fromage, il fallait oser. Toute la table est conquise par cette audace.

Et notre palais est fin prêt, ce que je souhaitais, pour accueillir une merveille absolue, le Château Sigalas Rabaud Sauternes 1917. Sa couleur est noire, ou caramel. Alors que dans la bouteille le vin est opaque, dans le verre il est joliment doré. Son parfum est à se damner. Plus que d’autres j’ai les yeux de Chimène pour les vieux sauternes et là je suis gâté. Le parfum est si complexe avec des fruits exotiques, de la mangue mais aussi du poivre, des épices et des fruits d’automne. Je pourrais rester des heures enivré par ce parfum. En bouche le vin est un soleil. Le dessert à la mangue est très conforme au goût nécessaire pour le sauternes mais ce qui lui manque c’est la mâche. C’est un dessert que l’on grignote plus qu’on ne le mord. J’aurais aimé des dés de mangue beaucoup plus épais et charnus pour que l’on morde avant de déguster le nectar absolu centenaire à la longueur infinie.

Nous sommes neuf votants et pour une fois nous allons voter pour les cinq meilleurs vins au lieu de quatre habituellement. Ce qui est extrêmement plaisant c’est que tous les vins ont eu au moins un vote ce qui veut dire que chacun des onze vins a été jugé digne d’être dans les cinq premiers par au moins un convive. La disparité des votes est extrême. Le Gruaud-Larose figure sur huit feuilles de vote, le Chevalier-Montrachet a sept votes et le Sigalas-Rabaud six votes.

Cinq vins ont eu l’honneur d’être nommés premier, le Sigalas-Rabaud 1917 quatre fois, le Corton Grancey 1964 deux fois et ensuite trois vins sont nommés premier une fois, le Gruaud Larose 1928, l’Y d’Yquem 1985 et le Dom Pérignon 1988.

Le classement compilant les votes de chacun est : 1 – Château Sigalas-Rabaud Sauternes 1917, 2 – Château Gruaud-Larose Sarget 1928, 3 – Champagne Dom Pérignon 1988, 4 – Corton Grancey Domaine Louis Latour 1964, 5 – Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1981, 6 – Y du Château d’Yquem 1985.

Mon classement est : 1 – Château Sigalas-Rabaud Sauternes 1917, 2 – Champagne Dom Pérignon 1988, 3 – Y du Château d’Yquem 1985, 4 – Château Gruaud-Larose Sarget 1928, 5 – Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1981.

On notera au passage que le vote du consensus met en premier et en second les deux vins les plus vieux du dîner.

Nous nous sommes prononcés de façon informelle sur les meilleurs accords. C’est le foie gras poché avec le Y d’Yquem 1985 qui emporte les suffrages. Vient ensuite le pigeon avec le Gruaud Larose 1928 puis on mettrait ex-aequo le ris de veau avec le Corton Grancey 1964 et le saint-nectaire avec le Dom Pérignon 1988, ce dernier ayant la palme de l’originalité après le foie poché. J’ai par ailleurs un faible pour le foie gras salé que l’on sert en stick pour l’apéritif à l’arrivée. C’est pour moi un must.

Tout le monde a été impressionné par l’implication de Guy Savoy qui est venu cinq ou six fois recueillir nos avis, faire des remarques, toujours souriantes et positives. Le service des vins et des plats a été impeccable même si le démarrage des premiers plats a été trop lent. Le cadre du dîner est idéal. Nous avons vécu un dîner absolument mémorable.

on note ci-dessus qu’il est écrit « Grand premier Crû »

la vue de la fenêtre

les vins rangés en salle

la table

les bouchons

l’énorme turbot

les verres à la fin

Dîner de 4 chefs japonais au restaurant Pages jeudi, 6 avril 2017

Pourquoi ne pas faire la présentation façon camelot : mesdames et messieurs, ce soir vous n’aurez pas un dîner avec un chef, ni même avec deux chefs. Mesdames et messieurs, ce soir vous n’aurez pas un dîner avec trois chefs, je vous le dis bien, ce soir ce sera un dîner avec quatre chefs, oui, mesdames et messieurs ce sera un dîner à huit mains.

Au restaurant Pages, le chef Teshi reçoit trois chefs japonais dont un qui a obtenu une étoile dans son restaurant de sushis, un autre qui pratique la cuisine chinoise et un autre qui a semble-t-il une renommée très importante au Japon et une cave aussi importante, spécialisé comme Teshi dans les viandes les plus rares, qui exerce son activité sous un nom pour le moins original, Wagyumafia.

Ce soir nous serons une table de sept dont mon ami Tomo qui a rassemblé notre petit groupe, un de ses amis, un couple d’amis que je retrouverai demain à un dîner de wine-dinners et un autre ami fidèle de mes dîners venu avec sa femme dont je fais la connaissance. Les quatre chefs avaient fait un dîner hier en ce lieu. Nous participons donc au deuxième et dernier dîner à huit mains.

Laure vient nous proposer l’option du menu, celle du caviar pour laquelle nous acquiesçons. Voici le menu, avec entre parenthèse l’auteur du plat : bœuf séché (Wagyumafia) / Temaki au thon rouge de wakayama (chef Sato) / soupe Syantan (chef Shinohara) / cromesquis de foie gras (chef Teshi) / caviar à l’avocat et au gras de bœuf wagyu (Wagyumafia) / asperge verte à l’œuf mariné (chef Teshi) / duo de tartare de thon et d’ormeaux à la vapeur (chef Sato) / mérou à la vapeur, purée de tofu (chef Shinohara) / sushi de thon, chinchard, oursin, congre (chef Sato) / wagyu wassant (Wagyumafia) / pigeon de Pornic grillé sauce salmis (chef Teshi) / bœuf Shabu Shabu façon carbonara (Wagyumafia) / « Shiogama » chateaubriand de bœuf de Kobe en croûte de sel (Wagyumafia) / dessert cinq saveurs (chef Shinohara) / Paris banana (chef Teshi) / chocolat au tofu et thé vert Gyokuro de Yame (Wagyumafia) / mousse Sakura, chocolat blanc, chartreuse (chef Teshi).

Il y a dans la cuisine japonaise une inventivité qui est spectaculaire. Tout est fait avec grâce, élégance, sens artistique. Nous somme embarqués sur un petit nuage de perfection gastronomique dont nous ne descendrons pas pendant cinq heures. Car tout ceci prend du temps. Cela explique aussi la quantité astronomique de vins que nous avons bus.

J’étais arrivé en avance, un peu après 19h pour ouvrir des bouteilles de notre table. Tomo était déjà là et me propose de partager avec lui une demi-bouteille de Champagne Krug Grande Cuvée très ancienne, probablement du début des années 70. A l’ouverture le vin est très ambré, et le nez fait très madérisé. Il est assez désagréable à boire, mais le temps est un magicien et l’on assiste à une éclosion rapide qui rend ce champagne un peu fatigué mais extrêmement séduisant. J’ouvre le Château Chalon Jean Bourdy 1947 que j’ai apporté et le Château Chalon Jean Bourdy 1937 de Tomo. Le 1947 a un bouchon qui doit dater des années 60 et se brise car imbibé dans sa partie basse. Son parfum a l’ouverture est aussi madérisé et ressemble étrangement au parfum du Krug. Le 1937 a un bouchon récent, de moins de vingt ans et son parfum qui évoque la noix est beaucoup plus prometteur. J’ouvre aussi l’Yquem 1961 de Tomo à la belle couleur orangée.

Nous passons à table et chaque chef va servir lui-même le plat qu’il a exécuté. On nous sert le Champagne Jacques Selosse Les Carelles à Mesnil-sur-Oger et le Champagne Jacques Selosse Le Bout du Clos à Ambonnay. Le premier est un blanc de blancs et le second un blanc de noirs. Le Carelles est un beau champagne très précis et très vif, mais je préfère le Bout du Clos plus large, plus charmeur, et de mâche plus agréable. Mais ce sont deux magnifiques champagnes. Sur le sushi au thon rouge, la séduction du blanc de noirs s’exprime divinement.

C’est volontairement que nous avons apporté deux magnums de champagne de 1998, pour comparer le Champagne Dom Ruinart magnum 1998 que j’ai fourni et le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1998 fourni par l’ami champenois qui œuvre dans le groupe Moët-Hennessy. Le parfum du Dom Ruinart me prend par surprise et me fait un choc majeur. Jamais je ne pouvais imaginer que ce champagne puisse avoir un nez d’une telle séduction. C’est d’une folie extrême et c’est ce parfum qui donne la palme au Dom Ruinart alors que le Veuve Clicquot a une majesté et une matière exemplaires. On dira pour faire consensus que les deux champagnes se valent mais le souvenir le plus éclatant est le diabolique parfum du Dom Ruinart.

L’apparition de l’asperge donne envie de passer aux deux Château Chalon. Le temps est de nouveau un magicien, car le Château Chalon Jean Bourdy 1947 que j’imaginais mort se révèle vivant, manquant un peu de vivacité mais très pur alors que le Château Chalon Jean Bourdy 1937 est plus guerrier. Mais c’est le 1947 qui, contre toute attente, est le plus gastronomique. C’est lui qui va le mieux avec l’asperge et lui aussi avec les ormeaux d’une chair magique. Quel beau plat du chef Sato, le prince des sushis, mais pas seulement des sushis.

Le Champagne Krug Collection magnum 1985 de Tomo est une merveille de race et de distinction. Quel grand champagne plein, qui s’accorde bien à tous les plats. A côté de lui, le Champagne Veuve Clicquot 1989 est une très belle réussite du millésime 1989, jouant sur sa féminité à côté du Krug.

Le Champagne Salon 2004 est lui aussi une valeur sûre, avec une longueur inextinguible et une personnalité marquée de grand Salon.

Pour les viandes il est quand même préférable d’aller vers le Pommard Clos des Épeneaux Monopole Domaine Comte Armand 2005 offert par un ami, vin qui est bien épanoui et de bonne mâche avec un beau velours.

Le Château d’Yquem 1961 est un bel Yquem par son gras et sa mâche joyeuse, mais je suis un peu gêné par le côté glycériné un peu insistant qui limite le plaisir. Il est grand, mais la trace me rebute au point de ne pas insister.

Dans cette profusion de vins apportés par les uns ou choisis sur la carte des vins du restaurant, il est assez difficile de faire les classements. Les deux Selosse très différents sont de grands champagnes avec une petite préférence pour le Bout du Clos. Les deux 1998 sont à un beau moment de leur vie où la jeunesse très vive n’a pas laissé la place aux signes de maturité. Les deux vins jaunes sont excellents et c’est le plus blessé à l’ouverture qui se montre le plus gastronomique. Ensuite, nous sommes partis dans plusieurs directions, le Krug Collection 1985 dominant, alors que Tomo avait peur qu’il ne soit pas brillant, peur injustifiée. Le Pommard a bien tenu sa place de seul rouge dans ce panel. On ne peut qu’être satisfait de ce joli programme.

Pour les plats, nous sommes allés d’enchantement en émerveillement. J’ai un faible pour la cuisine du chef Teshi et j’ai trouvé que globalement ses plats sont plus aboutis que certains autres plats comme par exemple l’association caviar, avocat et gras de bœuf wagyu qui manquait un peu de cohérence dans la mâche. Le chef Sato a fait des plats extrêmement brillants comme le tartare de thon associé aux ormeaux, le sushi de thon avec le congre. Les viandes furent superbes, le bœuf cuit sous croûte de sel est fondant, le pigeon est fondant lui aussi avec une belle personnalité et une présence folle. Il serait impossible de classer des plats si disparates. Je garde en souvenir le goût du premier sushi de thon, de la confiture de rhubarbe qui met en valeur le foie gras du cromesquis, l’œuf qui se marie à l’asperge, l’ormeau si goûteux avec le Château Chalon 1937, le congre bien gras, le pigeon et sa sauce, le bœuf de Kobe. Quel festival.

En fin de service on peut parler avec les chefs et avec les tables voisines qui ont vécu ce même moment de grâce.

Je ne renierai évidemment pas mon amour pour la cuisine française traditionnelle et inventive mais il y a dans la cuisine japonaise un supplément d’âme et supplément d’art qui m’enchantent. L’ambiance entre les chefs, les sourires mais aussi le sérieux au moment de servir ont fait de ce dîner à huit mains un très grand moment de plaisir gastronomique. Merci aux amis et surtout à Tomo pour leurs générosités.

Et dire que demain soir j’ai un dîner de wine-dinners ! Vite sous la couette.

les chefs à l’oeuvre

les plats

ce sont des petits pains qui vont lever (voir avec le pigeon)

Déjeuner au restaurant Archeste mercredi, 5 avril 2017

Une journaliste japonaise a déjà assisté à deux dîners de wine-dinners et va participer au prochain dîner au restaurant Guy Savoy. Je vais déjeuner avec elle au restaurant Archeste. Ce restaurant très récent vient d’obtenir une première étoile grâce à son chef Yoshiaki Ito, un ex de Hiramatsu. Nous prenons le menu dégustation en cinq étapes (le soir, c’est sept étapes) avec l’option truffe, dont il faut profiter car c’est la fin de saison. Benoît Vayssade directeur de salle m’a envoyé juste après mon départ le menu par mail.

Le voici : chips de riz et encre de seiche, mousseline de haddock / seiche de Méditerranée, foie gras, betterave noire, Castel Franco et sauce gribiche à la truffe noire / velouté de topinambour, huile d’oseille, curry madras, huître Utah Beach no1 pochée / rouget de Bretagne, tombée d’épinards et shungiku, coques de Normandie, basilic et émulsion à la livèche / filet de cochon Kintoa, chou de Bruxelles, asperge verte du Domaine de Roques Hautes, émincé de champignon rose, graines de moutarde, jus au beurre d’anchois de Guéthary et romarin / fraises Dely et hibiscus de Gascogne, crème de mascarpone, meringue et sorbet litchi.

Il est indéniable que les chefs japonais ont envahi Paris, et ils ont bien raison car leur approche de la restauration est artistique, esthétique et éthique puisqu’on mange léger. Si je voulais comparer avec le chef Teshi du restaurant Pages dont j’adore la cuisine, je dirais que Teshi est beaucoup plus sur le produit alors que Yoshiaki est encore sur l’addition des goûts comme le montre le premier plat qui additionne la seiche, le foie gras, la betterave et la sauce gribiche. C’est délicieux, mais dans la démarche qui est la mienne, de créer des accords mets et vins, un tel plat est une difficulté. Le chips est très goûteux, la mousseline étant très prononcée pour notre plaisir, les huîtres sont excellentes sous un velouté un peu marqué, le rouget est superbe, on y reviendra, le cochon est un peu ferme et un peu gras mais le plat est excellent. Le dessert est aérien et subtil. Globalement c’est un repas de haute tenue et de saveurs superbes, dont je suis très satisfait. Une évolution vers le produit pur irait plus vers mes préférences.

Le Champagne William Deutz 2006 est d’un bel or. Le premier contact est sur le beurre. Ensuite les saveurs vont s’élargir au fur et à mesure des plats et l’on aura un peu de noix, et une largeur convaincante. C’est manifestement un grand champagne mais qui souffre d’un petit manque d’émotion. Il faut dire que je mets la barre très haut, car il fait un sans-faute montrant une matière précise qu’aucun plat ne mettra en défaut.

J’ai apporté une Côte-Rôtie La Mordorée M. Chapoutier 1991. Le niveau est à moins de cinq millimètres sous le bas de la capsule. Le bouchon est superbe et le premier parfum est comme l’apparition d’un ange. En sentant ce vin on est incapable d’analyser mais on se dit : « c’est ce vin là que je veux ». Il a tout pour lui. Ne connaissant pas le menu, je ne sais pas quand apparaîtra le vin rouge mais quand je vois arriver le rouget, d’instinct je sens que le vin ira sur le rouget seul, sans accompagnement. Et c’est divin. Le mot qui caractérise ce vin, c’est « velours ». Ce vin est velours. Il est riche, gourmand, équilibré, vin facile à comprendre, direct sans aucune énigme. Il est bon et on l’aime. Son grain est de bonne mâche. La truffe qui accompagne le cochon Kintoa lui sied à merveille. Comme avec le rouget il faut chasser les saveurs parasites, qui se justifient par ailleurs, si l’on veut créer un accord de pureté. Nous demandons du fromage pour finir le vin et le champagne.

Dans une ambiance très agréable, avec un service compétent mais un peu trop juste pour autant de couverts, nous avons passé un déjeuner de très haute qualité. La Côte-Rôtie est dans un état de grâce absolue, la cuisine est de très haut niveau. Ce restaurant a tout pour réussir et l’étoile qui couronne le chef n’est peut-être que la première. Benoît Vayssade est bien d’accord qu’il faudra un peu étoffer la carte en vins de haut niveau. Ce déjeuner fut un grand plaisir.