210ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent mercredi, 1 mars 2017

L’histoire commence à l’hôtel Shangri La où se tenaient les deuxièmes « rencontres de vins matures », mouvement initié par Hervé Bizeul avec quelques vignerons. Pour aider cette initiative que j’approuve, j’avais tenu un stand où les visiteurs pouvaient goûter quelques vins anciens de ma cave.

Un client d’Hervé Bizeul, vigneron du Clos des Fées, attiré par mon stand et les vins que je présentais, me demanda d’organiser pour lui un dîner professionnel où il réunirait une dizaine de personnes avec lesquelles il entretient des relations de travail. La liste des vins a été mise au point en tenant compte de ses désirs et nous nous retrouvons ce soir à onze dont dix buveurs dans le merveilleux salon lambrissé du premier étage du restaurant Taillevent pour le 210ème dîner de wine-dinners. Il y dans notre groupe neuf hommes et deux femmes.

J’arrive un peu après 17 heures au restaurant pour ouvrir les bouteilles. Le parfum du Haut-Brion blanc 1966 est incertain car il a une petite trace de poussière, mais pour les vins suivants, je vais d’enchantement en enchantement, chacun des parfums se situant au-dessus de ce que j’attendais. Le bouchon du Corton 1926 vient en miettes mais c’est normal pour un vin de cet âge. Le bouchon de l’Echézeaux 1974 vient avec beaucoup de difficultés car le verre à l’intérieur du goulot présente des irrégularités qui empêchent la remontée du bouchon. La bouteille du Filhot 1891 ayant une étiquette illisible, la capsule indique nettement Filhot et l’année 1891 est très clairement lisible sur le bouchon. Tout se présente bien ce qui me permet d’attendre sereinement les invités.

Ils sont tous à l’heure, se connaissent tous et sont d’humeur joyeuse et taquine. L’envie de profiter de chaque instant du repas se lit sur leurs visages.

L’apéritif se prend debout avec des gougères et le Champagne Dom Pérignon 1975. Sa couleur est légèrement ambrée, la bulle est chiche mais le pétillant est intact et ce qui frappe, c’est la douceur de ce champagne. On dirait un sauternes qui aurait eu des liaisons extra-conjugales avec un champagne. Il a une belle présence et une belle richesse. Il est très coordonné. C’est un champagne de grand plaisir. J’aime sa mâche gourmande qui fait entrer dans le monde si particulier des champagnes anciens.

Nous passons à table. Le menu composé par Alain Solivérès pour les vins du repas est : copeaux de jambon Bellota / huîtres Gillardeau en gelée d’eau de mer / langoustines croustillantes, céleri truffé / épeautre du pays de Sault en risotto à la truffe noire / tournedos de bœuf Rossini, pomme de terre soufflées / suprême de pigeon de Racan en feuilleté, foie gras, chou-vert et truffe noire / fromages affinés / Pavlova aux fruits exotiques.

Le Champagne Krug 1982 est d’une couleur claire. Sa bulle est très active. Il est d’une vivacité extrême propulsée par l’iode de l’huître. Et c’est la gelée qui lui donne une longueur infinie. Ce champagne est éblouissant et l’on sent que l’accord avec l’huître crée un supplément d’âme et de persistance aromatique. Sa trace en bouche est infinie. C’est l’aristocratie absolue du champagne. Beaucoup de convives se demandent comment il sera possible désormais de boire un champagne récent.

Le Château Haut-Brion blanc 1966 a un parfum glorieux et épanoui qui contraste avec l’odeur un peu poussiéreuse que j’avais sentie à l’ouverture. Le vin est riche, solide, construit, guerrier bien campé sur ses jambes. La langoustine est accompagné d’un céleri à la truffe et d’une crème truffée qui résonnent bien avec le vin orthodoxe et carré. C’est un vin solide, sûr, plus réconfortant qu’émouvant. Sa longueur et son acidité sont belles.

Le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2000 est l’expression parfaite d’un lourd et capiteux bourgogne blanc jeune. Il a toute la fougue de la jeunesse mais aussi une complexité infinie. Ce vin est un régal et son association avec l’épeautre le propulse à des sommets. Il est riche et convaincant. C’est un très grand vin jeune cohérent.

Le tournedos Rossini présenté comme une tour de château-fort est accompagné de deux vins. La couleur du Château Ausone Saint-Emilion 1955 est d’un sang de pigeon d’une rare beauté. C’est incroyable pour un vin de plus de soixante ans et je suis très impressionné par cette robe. Il y a une légère impression de poussière en bouche mais qui ne gêne pas trop ce vin sanguin et truffé de bonne mâche et qui donne une bonne réplique au bœuf vigoureux.

Le Château Batailley Pauillac 1929 a une couleur un peu plus claire mais d’un beau rouge vif. Le nez est à se damner. Il y a des évocations de fruits rouges et roses comme la framboise qui envahissent à la fois le nez et la bouche. Ce vin de 88 ans a une vivacité exceptionnelle, une harmonie confondante. Il emplit la bouche de beaux fruits. C’est un vin qui porte la marque d’une année de légende. La sauce réduite à la truffe du tournedos fait briller les deux bordeaux, le bel Ausone expressif mais dominé par la joie de vivre et le fruit insolent du Batailley 1929 que les votes couronneront.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1974 a une couleur noire qui ne laisse pas beaucoup de place au rouge. Le nez est très discret mais agréable. En bouche le vin est assez strict. Et c’est dommage d’avoir associé deux bourgognes sur le délicieux pigeon, car l’Echézeaux Leroy 1966 à la couleur claire va faire de l’ombre au 1974 pourtant intéressant. Le vin de Leroy est fluide, aérien et avec ma charmante voisine nous convenons que le Leroy est féminin, tout en charme quand le vin de Conti est masculin, solide mais court sur jambes. On cherche ses évocations mais il est plutôt rigide. L’Echézeaux Leroy est une merveille de fluidité et de charme. C’est un vin très long en bouche. Le vin de la Romanée Conti aurait été beaucoup plus apprécié s’il avait été servi seul.

Le Corton Bouchard Aîné 1926 accompagne un plateau de fromages avec un Salers, un saint-nectaire et un Cîteaux. Le Cîteaux est une merveille et va mettre en valeur un bourgogne totalement exceptionnel. Comme le Batailley 1929, il a des fruits roses et rouges, une douceur extrême et une longueur infinie. Ce vin n’a pas d’âge tant son équilibre le rend éternel. Je suis conquis au point que je le nommerai premier dans mon vote. Les deux vins de 1926 et 1929 sont tous les deux exceptionnels.

Quand le Château d’Yquem 1967 se présente, c’est un peu comme « Put the blame on me » de Rita Hayworth dans Gilda. Son or est triomphant. Tout en lui est sensuel et l’accord est merveilleux avec la mangue du dessert. Cet Yquem est encore d’une jeunesse folle et on sent qu’il va continuer de progresser et de se complexifier. Son bouquet de fruits exotiques est large et passionnant. Le dessert est parfait de mangue et de meringue.

Quel dommage que le Château Filhot Sauternes 1891 soit associé à cet Yquem. J’aurais dû le goûter à l’ouverture et lui trouver un plat pour lui seul avant l’Yquem. Car ce Filhot a « mangé » son sucre, est devenu sec et l’Yquem le surclasse. Mais en fait quand on ne se consacre qu’à lui on voit poindre des complexités extrêmes, toutes en subtilité, et j’ai même senti des traces de fruits rouges malgré sa couleur. C’est un vin très pur, sans trace d’âge, qui a seulement perdu son sucre. Ses 126 ans imposent le respect.

Il est temps de passer aux votes. Dix personnes votent. Sur les onze vins, dix figureront dans au moins un bulletin de vote, ce qui est spectaculaire. Une chose est très intéressante c’est que le vin qui n’a aucun vote est le Bâtard Montrachet 2000 qui est un vin exceptionnel. La raison est simple, c’est qu’il s’agit d’un vin jeune et dans un dîner de vins anciens, on vote plus spontanément pour les vins anciens. Cinq vins ont été nommés premiers, le Batailley 1929 quatre fois, l’Echézeaux 1966 et le Corton 1926 deux fois, et enfin l’Ausone 1955 et l’Yquem 1967 sont premiers une fois.

Le classement tenant compte de tous les votes est : 1 – Château Batailley 1929, 2 – Corton Bouchard Aîné 1926, 3 – Champagne Krug 1982, 4 – Château d’Yquem 1967, 5 – Echézeaux Leroy 1966, 6 – Château Ausone 1955.

Mon vote est : 1 – Corton Bouchard Aîné 1926, 2 – Echézeaux Leroy 1966, 3 – Château Batailley 1929, 4 – Champagne Krug 1982.

Ce n’est pas un hasard si les deux vainqueurs pour l’ensemble de la table sont de la décennie des années 20. Car 1926 et 1929 sont deux années exceptionnelles dont les vins bravent le temps.

Les plus beaux accords du repas sont pour moi en premier l’huître sur le Krug 1982, le Cîteaux sur le Corton 1926 et la mangue sur l’Yquem 1967. La cuisine d’Alain Solivérès mérite les compliments et nous avons été gâtés de truffes généreuses. L’ambiance du repas a été rieuse, blagueuse, avec une belle communion de tous à ces merveilles. Nous nous sentions si bien que personne ne voulait quitter la table, pour ne pas perdre une seule seconde de ce repas hors du commun. Pratiquement tous les vins ont été au sommet de ce qu’ils pourraient offrir. Ce 210ème dîner fut une grande réussite.

lorsqu’on enlève la capsule le nom du château est en relief sur le bouchon

61 Krug mag, 98 DRC Montrachet, 43 Romanée Conti, 37 DRC Richebourg samedi, 25 février 2017

My friend Tomo and I receive offers from the same wine supplier. He sends us very frequent emails proposing us beautiful bottles. He has become more than a supplier since we have shared very fine wines together at friends’ meals. It is thanks to his findings that we could taste a mythical bottle, Les Gaudichots Domaine de la Romanée Conti 1929. A few months ago I see a mail proposing a bottle of Romanée Conti 1943. I drank several times La Tâche 1943 and the Richebourg of the Domaine de la Romanée Conti 1943 but never the Romanée Conti of my year of birth. The price proposed is such that I class this message without following. Shortly after, I meet Tomo who asks me if I received this offer. I tell him that I did not follow it and he tells me: « we buy it the two together ? « . I answer yes. We inform the supplier who answers us with a question: « Do you agree that we drink it at three? « . We accept without hesitation.

The decor is planted. Tomo takes delivery of the bottle, each proposes to add a bottle to the program. The wines are delivered a few days before the dinner at the restaurant Taillevent. Tomo joined me at 5:30 pm for the opening of the bottles. I first open my complementary contribution, a Montrachet from the Domaine de la Romanée Conti 1998. The cork is splendid and the smell that emanates from the bottle is imperial and glorious. This wine promises wonders.

The bottle of Romanée Conti 1943 has an illegible label but fortunately one reads « ti » at the place where Conti can only appear if it is a Romanée Conti. The wax at the top of the neck is very cracked and non-existent on the top of the cork but the age of the cork makes it possible to think that the bottle has not been unclogged and plugged. Through the glass, one reads clearly the year and in big letter the indication Romanée Conti. I very slowly lift a nice long cork and the inscriptions are very legible. The first smell is engaging. Feeling more intensely I think the perfume is that of a Romanée Conti who would have a very light start of roasting. We are therefore oriented towards suggestions of truffle. Tomo is less reserved than me but the bottle that follows will justify my remark.

The bottle of the Richebourg of the Domaine de la Romanée Conti 1937 has a very beautiful level as that of Romanée Conti. The color is more sustained but this is normal for a Richebourg. The label is very readable with the year torn but reprinted, and a counter-label indicates a bottling by Joseph Drouhin, as was done at that time. The cork is almost impossible to lift because the glass of the neck is not cylindrical but constricted, which prevents the cork from rising easily. It breaks into three or four large pieces and many small pieces. The perfume is enchanting. It has a magisterial fruit. These scents are promising of a great rich wine. We therefore have two very distinct perfumes, the Romanée Conti tending towards a discrete truffle, a fine distinction but no fruit and the Richebourg of the Domaine de la Romanée Conti generously distributing beautiful red fruits.

Once the bottles are opened, we discuss the menu with Jean-Marie Ancher the restaurant manager. For Romanée Conti, I would like to go to truffle as pure as possible and I suggest truffles under pastry. Jean-Marie will check the supplies in the kitchen and reserve three truffles of 50 grams each which will be cooked under the crust. For the Richebourg, I ask for a pigeon. Jean-Marie suggests to us for the Montrachet a lobster cooked in cocotte lutée (hermetically closed with pastry) and for the champagne I ask for scallops just pan-fried « turn and return ». Jean-Marie asks me what accompaniment and I answer: « nothing. »

Two hours later our friend who had added the bottle of 1937 arrived. Stéphane Jan the chief sommelier of the Taillevent opens in front of us the Champagne Krug Vintage magnum 1961, wine offered by Tomo. The cork breaks and Stéphane pulls out the bottom with a corkscrew. We do not hear a pschitt. The bottle is amazing because the label has the mention « Champagne Vintage » which is not followed by the year which is just indicated by a typewriter inscription, very small on the bottom left corner of the label. And, even more surprising, the bottle top collar says basically « Vintage », but the year is not mentioned. It is very curious and fortunately the year is clearly legible on the cork.

The color of the champagne is very clear. The bubble is weak but the bubbly is there. The attack is joyful, clear and it is between the middle and the end of the mouth that one feels a bit of bitterness and a little dust that cuts the final. This impression where the attack is splendid and the final dusty will last a long time but I indicate that for me, everything will go back into order when we eat the appetizers because what is lacking in this champagne is dishes, which would correct its dusty side. We go to the table. The gougeres of Taillevent are legendary and round the champagne. A plate of ham very tasty and greedy will appear on table as by a turn of an illusionist. Our wine seller friend is impressed by the fact that champagne does not show any trace of dosage. The scallops arrive, just pan-fried and without any accompaniment and the agreement with the champagne is sublime because the sweetness of the shell almost completely erases the impression of dust. The champagne is good at this point and we will keep the rest of the magnum for dessert.

On the very rich lobster, the Montrachet of the Domaine de la Romanée Conti 1998 has the unforgettable perfume of the great montrachets with a breadth and opulence of dream. In the mouth it combines a nice minerality, a good fat aloi but what impresses me most is the sensation of total perfection. This wine is built according to the number of gold, giving on all its perspectives perfect architectures. Full, rich, round, deep, infinitely long, it is one of the biggest montrachets I have ever had. I am delighted, carried by the ultimate gluttony of this wine.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1943 appears now. The color is beautiful, of an intense pink. The nose is rather discreet but very pleasant. The tasting will be done in a very intellectual way because all three we want to find in this wine what makes the charm and exclusivity of Romanée Conti. I look, and like when you make a puzzle, you always find pieces to place. There is saline in this Romanée Conti, but I do not see the rose faded. I notice the truffle side which is not unpleasant at all. But I lack that extra soul that creates the extreme emotion that one expects. What I also miss is the typical character of prephylloxeric wines, but afterwards I think that it was in what I considered to be roasted that the prephylloxeric roots of wine were found. I had the last glass with the dregs which gives a richer, more coherent wine and closer to what I expected. The truffle superb and pure under its crust is a remarkable dish that matches wine very well.

When the Richebourg of Domaine de la Romanée Conti 1937 is served to us a smile illuminates our faces because the scent of red fruits is superb. A wine of superior essence is held there, thanks to this fruit so expressive. The wine is full, rich and full of happiness. But something totally unexpected is going to happen. For the pigeon, the sauce is too reduced and the dish is too salty. And this excess of salt to which I am sensitive will inhibit, for me, the Richebourg which is then more coarse or heavy. And the unbelievable happens: by tasting the Richebourg, then, after her, the Romanée Conti, it is she who suddenly becomes sublime and romantic, just as I love the Romanée Conti. This wine of 1943 whose limits I saw, followed by a triumphant Richebourg at its entrance, becomes divine, the true Romanée Conti as I love it. I returned at least a dozen times on the chain Richebourg then Romanée Conti and I realized that the Richebourg so triumphant was inhibited by the salt of the dish and Romanée Conti on the contrary became without the slightest defect. This incredible feeling left me in deep astonishment. How is such a reversal possible?

For me, the Richebourg had its moment of glory before the dish did not hinder it and conversely the Romanée Conti had her moment of glory when she already had in our plans left the scene.
We finished the Krug on the dessert, showing good qualities but also small traces of dust, weaker than at the beginning.

Discussions were going on and what is unbelievable is the lack of consensus. Each has his favorite wine and defends it tooth and nail. For the supplier friend, it was the Richebourg 1937 that he brought by far the best. For Tomo, it is the Romanée Conti 1943 which is his favorite wine because he did not feel the reserves that I could have. For me it is the Montrachet 1998, with its absolute perfection, which is my hero. As often everyone has the eyes of Chimene for the wines he brought. The main thing is that we wanted to taste legendary wines together. And we all agree that we drank very fine wines. If I have pointed out here or there small weaknesses, each of the wines has brought us happiness. Tasting a Romanée Conti 1943 is a privilege and the emotions she has given us are considerable. The Richebourg, valiant warrior has offered us fruits of great wealth. This is a dinner that we can be proud of, because finding that a wine is not totally perfect does not prevent intense emotion.

I asked Jean-Marie Ancher to print the menu. As he likes to make jokes, here is how he called it: scallops grilled according to Audouze fashion / blue lobster lentil, chestnuts, apples and olives Taggiasches / black truffle puff, fried duck foie gras Roasted Racan pigeon, truffle sauce, soufflé potatoes / ripened cheeses / caramelized apple, creamy acacia honey, spiced bread ice cream.
The service of the Taillevent is exemplary and the complicity with the extravagant meals that I ask them to do is total. Overall the food was perfect. We lived at three a meal that will count in our memories.

(pictures of this dinner are in the article just below)

Romanée Conti 1943 et autres grands vins au Taillevent samedi, 25 février 2017

Mon ami Tomo et moi recevons les offres d’un même fournisseur de vins. Il nous envoie de très fréquents emails nous proposant de belles bouteilles. Il est devenu plus qu’un fournisseur puisque nous avons partagé ensemble de très beaux vins lors de repas d’amis. C’est grâce à ses trouvailles que nous avions pu goûter une bouteille mythique, Les Gaudichots Domaine de la Romanée Conti 1929. Il y a quelques mois, je vois passer un mail proposant une bouteille de Romanée Conti 1943. J’ai bu plusieurs fois La Tâche 1943 et le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1943 mais jamais la Romanée Conti de mon année de naissance. Le prix proposé est tel que je classe ce message sans suite. Peu de temps après, je croise Tomo qui me demande si j’ai reçu cette offre. Je lui indique que je ne l’ai pas suivie et il me lance : « on l’achète à deux ? ». Je réponds oui. Nous informons le fournisseur qui nous répond par une question : « acceptez-vous qu’on la boive à trois ? ». Nous acceptons sans hésiter. Le décor est planté. Tomo prend livraison de la bouteille, chacun propose d’ajouter une bouteille au programme. Les vins sont livrés quelques jours avant au restaurant Taillevent. Tomo me rejoint à 17h30 pour l’ouverture des bouteilles. J’ouvre d’abord mon apport complémentaire, un Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 1998. Le bouchon est splendide et l’odeur qui se dégage de la bouteille est impériale et glorieuse. Ce vin promet des merveilles.

La bouteille de Romanée Conti 1943 a une étiquette illisible mais fort heureusement on lit bien « ti » à l’endroit où Conti ne peut figurer que si c’est une Romanée Conti. La cire du haut du goulot est très craquelée et inexistante sur le haut du bouchon mais la vétusté du bouchon permet de penser que la bouteille n’a pas été débouchée et rebouchée. A travers le verre, on lit nettement l’année et en grosses lettre l’indication Romanée Conti. Je soulève très lentement un beau bouchon assez long et les inscriptions sont très lisibles. La première odeur est engageante. En sentant plus intensément je pense que le parfum est celui d’une Romanée Conti qui aurait un très léger début de torréfaction. On s’oriente donc vers des suggestions de truffe. Tomo est moins réservé que moi mais la bouteille qui suit va justifier ma réserve.

La bouteille du Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1937 a un très beau niveau comme celle de la Romanée Conti. La couleur est plus soutenue mais c’est normal pour un Richebourg. L’étiquette est très lisible avec l’année déchirée mais réimprimée, et une contre-étiquette indique une mise en bouteille par Joseph Drouhin, comme cela se faisait à l’époque. Le bouchon est quasi impossible à lever car le verre du goulot n’est pas cylindrique mais resserré, ce qui empêche le bouchon de se lever aisément. Il se brise en trois ou quatre gros morceaux et beaucoup de petits morceaux. Le parfum est enchanteur. Il a un fruit magistral. Ces senteurs sont prometteuses d’un grand vin riche. On a donc deux parfums très distincts, la Romanée Conti tendant vers une truffe discrète, une belle distinction mais aucun fruit et le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti distribuant généreusement de beaux fruits rouges.

Une fois les bouteilles ouvertes, nous discutons du menu avec Jean-Marie Ancher le directeur du restaurant. Pour la Romanée Conti, j’aimerais que l’on aille vers la truffe la plus pure possible et je suggère des truffes sous croute. Jean-Marie va vérifier en cuisine les approvisionnements et nous réserve trois truffes de 50 grammes chacune qui seront cuites sous la croûte. Pour le Richebourg, je demande un pigeon. Jean-Marie nous suggère pour le Montrachet un homard cuit en cocotte lutée et pour le champagne je demande des coquilles Saint-Jacques juste poêlées « tourne et retourne ». Jean-Marie me demande quel accompagnement et je réponds : « rien ».

Deux heures plus tard notre ami fournisseur qui avait ajouté la bouteille de 1937 arrive. Stéphane Jan le sommelier chef du Taillevent ouvre devant nous le Champagne Krug Vintage magnum 1961, vin offert par Tomo. Le bouchon se sectionne et Stéphane extirpe le bas avec un tirebouchon. Nous n’entendons pas de pschitt. La bouteille est étonnante car l’étiquette a la mention « Champagne Vintage » qui n’est pas suivie de l’année qui est juste indiquée par une inscription à la machine à écrire, en tout petit sur le coin en bas à gauche de l’étiquette. Et, plus surprenant encore, la collerette de haut de bouteille indique en gros « Vintage », mais l’année n’est pas mentionnée. C’est très curieux et fort heureusement l’année est clairement lisible sur le bouchon.

La couleur du champagne est bien claire. La bulle est faible mais le pétillant est là. L’attaque est joyeuse, claire et c’est entre le milieu et la fin de bouche que l’on ressent une amertume et un peu de poussière qui coupe le finale. Cette impression où l’attaque est splendide et le finale poussiéreux va perdurer longtemps mais j’indique que pour moi, tout va rentrer dans l’ordre lorsque nous mangerons les amuse-bouche car ce qui manque à ce champagne, c’est des mets qui corrigent son côté poussiéreux. Nous passons à table. Les gougères de Taillevent sont légendaires et arrondissent le champagne. Une assiette de jambon très goûteux et gourmand apparaîtra sur table comme par un tour de prestidigitateur. Notre ami vendeur de vins est impressionné par le fait que champagne ne montre aucune trace de dosage. Les coquilles Saint-Jacques arrivent, juste poêlées et sans aucun accompagnement et l’accord avec le champagne est sublime car le sucré de la coquille gomme presque complètement l’impression de poussière. Le champagne est bon à ce stade et nous garderons le reste du magnum pour le dessert.

Sur le homard très riche, le Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 1998 a le parfum inoubliable des grands montrachets avec une largeur et une opulence de rêve. En bouche il combine une belle minéralité, un gras de bon aloi mais ce qui m’impressionne le plus, c’est la sensation de totale perfection. Ce vin est construit selon le nombre d’or, donnant sur toutes ses perspectives des architectures parfaites. Plein, riche, rond, profond, à la longueur infinie, il fait partie des plus grands montrachets que j’aie bus. Je suis aux anges, porté par la gourmandise ultime de ce vin.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1943 apparaît maintenant. La couleur est belle, d’un rose soutenu. Le nez est assez discret mais très agréable. La dégustation va se faire d’une façon toute intellectuelle car tous les trois nous avons envie de trouver en ce vin ce qui fait le charme et l’exclusivité de la Romanée Conti. Je cherche, et comme lorsqu’on fait un puzzle, on trouve toujours des pièces à placer. Il y a le salin dans cette Romanée Conti, mais je ne vois pas la rose fanée. Je constate le côté truffé qui n’est pas désagréable du tout. Mais il me manque ce supplément d’âme qui crée l’émotion extrême que l’on attend. Ce qui me manque aussi, c’est le caractère typique des vins préphylloxériques mais après coup, je me dis que c’était dans ce que je considérais comme torréfié que se trouvaient les racines préphylloxériques du vin. J’ai eu le dernier verre avec la lie qui donne un vin plus riche, plus cohérent et plus proche de ce que j’attendais. La truffe superbe et pure sous sa croûte est un plat remarquable qui s’accorde très bien au vin.

Lorsque le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti 1937 nous est servi un sourire illumine nos visages car le parfum de fruits rouges est superbe. On tient là un vin d’essence supérieure, grâce à ce fruit si expressif. Le vin est plein, riche et porteur de bonheur. Mais il va se passer quelque chose de totalement inattendu. Pour le pigeon, la sauce est trop réduite et le plat est trop salé. Et cet excès de sel auquel je suis sensible va inhiber, pour moi, le Richebourg qui se montre alors plus grossier ou lourd. Et l’incroyable se produit : en goûtant le Richebourg puis, à sa suite, la Romanée Conti, c’est elle qui devient tout-à-coup sublime et romantique, exactement comme j’aime les Romanée Conti. Ce vin de 1943 dont je voyais les limites, suivi par un Richebourg triomphal à son entrée en scène, devient divin, la vraie Romanée Conti comme je l’aime. Je suis revenu au moins une dizaine de fois sur l’enchaînement Richebourg puis Romanée Conti et je me suis rendu compte que le Richebourg si triomphal était inhibé par le salin du plat et la Romanée Conti au contraire devenait sans le moindre défaut. Cette sensation incroyable m’a laissé dans un étonnement profond. Comment un tel retournement est-il possible ?

Pour moi, le Richebourg a eu son moment de gloire avant que le plat ne l’entrave et à l’inverse la Romanée Conti a eu son  moment de gloire alors qu’elle avait déjà dans nos plans quitté la scène.

Nous avons fini le Krug sur le dessert, montrant de belles qualités mais aussi des petites traces de poussières, plus faibles qu’au début.

Les discussions allaient bon train et ce qui est incroyable c’est l’absence de consensus. Chacun a son vin préféré et le défend bec et ongle. Pour l’ami fournisseur, c’est le Richebourg 1937 qu’il a apporté qui est de loin le plus grand. Pour Tomo, c’est la Romanée Conti 1943 qui est son vin préféré car il n’a pas ressenti les réserves que je pouvais avoir. Pour moi c’est le Montrachet 1998, avec sa perfection absolue, qui est mon héros. Comme souvent chacun a les yeux de Chimène pour les vins qu’il a apportés. L’important c’est surtout que nous voulions goûter ensemble des vins de légende. Et nous sommes tous d’accord sur le fait que nous avons bu de très grands vins. Si j’en ai signalé ici ou là de petites faiblesses, chacun des vins nous a apporté du bonheur. Goûter une Romanée Conti 1943 est un privilège et les émotions qu’elle nous a données sont considérables. Le Richebourg, vaillant guerrier nous a offert des fruits de grande richesse. C’est donc un dîner dont nous pouvons être fiers, car constater qu’un vin n’est pas totalement parfait n’empêche pas l’émotion intense.

J’ai demandé à Jean-marie Ancher de nous imprimer le menu. Taquin comme il sait l’être, voici comment il l’a intitulé : noix de coquilles Saint-Jacques poêlées façon Audouze / homard bleu en cocotte lutée, châtaignes, pommes grenailles et olives Taggiasches / truffe noire en feuilletage, foie gras de canard poêlé / pigeon de Racan rôti, sauce à la truffe, pommes de terre soufflées / fromages affinés / pomme caramélisée, crémeux au miel d’acacia, glace au pain d’épices.

Le service du Taillevent est exemplaire et la complicité avec les repas extravagants que je leur demande de faire est totale. Globalement la cuisine fut parfaite. Nous avons vécu à trois un repas qui comptera dans nos mémoires.

voici les coquilles Saint-Jacques « façon Audouze »

elles ont créé ce qui est peut-être le meilleur accord du repas. Qui sait ?

Yquem 1994 samedi, 25 février 2017

Depuis des années je conversais sur un forum puis par internet avec une femme professeur de lettres à Libourne et auteur d’un roman documenté sur le vin. Elle vient à Paris voir sa fille et me rend visite au restaurant Taillevent où se tiendra un dîner de vins anciens entre amis. Elle est accompagnée d’une pétulante femme de 86 printemps. J’ouvre pour elles une demi-bouteille de Château d’Yquem 1994. La couleur du vin est d’un or abricot. Le nez est plaisant, discret, très différent de la bouche qui a beaucoup plus de joie de vivre. Ce vin complexe lance des évocations dans des myriades de directions. Je vois des abricots mélangés à des abricots secs, des fruits exotiques frais ou confits, et des saveurs d’automne comme celles d’un mendiant avec des noix et noisettes. Le vin est glorieux et serein. C’est un bel Yquem qui est loin d’avoir atteint son apogée et vieillira bien. Pour la souriante octogénaire c’était son premier Yquem, ce qui ajoute au plaisir d’avoir partagé ce vin.

ne rêvons pas, ce n’est pas 1894

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 22 février 2017

Une fois de plus notre rencontre de conscrits se passe autour d’un déjeuner au Yacht Club de France. L’imagination débordante de Thierry Le Luc, le directeur de la restauration et du chef Benoît Fleury est sans limite y compris pour nos capacités d’absorption car l’apéritif fut un ballet incessant de mille merveilles. Charcuteries, poutargue, brochette de sole et citron confit, ris de veau et giroles, homard sur toast, d’autres encore et une invraisemblable mini-fondue où chacun trempe un petit bout de pain avec un petit stick en bois ont représenté l’équivalent d’un repas en un apéritif. Tout est d’une imagination certaine et cela me plait sauf peut-être la coquille Saint-Jacques enveloppée d’une tranche d’andouille, ou quelque chose d’approchant, où l’accord terre-mer ne fonctionne pas du tout.

Nous passons à table pour ce menu : assiette de fruits de mer / rôti de filet de bœuf charolais entier, pommes château, pommes farcies, haricots verts, asperges, jus de viande, sauce Choron / fromages d’Éric Lefebvre MOF / craquant au chocolat.

Nous commençons l’apéritif avec le Champagne Delamotte 2007 que tout le monde de notre groupe apprécie pour sa fluidité, sa vivacité et sa fraîcheur. C’est le champagne de belle soif par excellence.

Le Saint-Aubin Premier Cru les Cortons domaine Larue 2011 s’il est frais et fruité, ne va pas beaucoup plus loin. Il manque de longueur, d’épaisseur et de profondeur. Mais il se boit quand même sur le plateau copieux. Pour les huîtres, je redemande un peu de Delamotte.

Le Château Les Carmes Haut-Brion 2002 est joyeux, souriant, de belle mâche et de belle largeur. Sur la viande d’une tendreté exceptionnelle, goûteuse à souhait, il est parfaitement adapté, n’ayant pas la puissance d’une grande année mais une cordialité de bon aloi.

Le Château Smith-Haut-Lafitte 1998 est plus dense, plus profond, plus riche de sensations de truffes noires, mais il n’a pas le charme du Pessac-Léognan. Il est un peu trop strict même s’il est bon.

Le Champagne Ruinart rosé est agréable et se boit pour lui-même car l’accord avec le dessert au chocolat ne se trouve pas. Il rafraîchit agréablement nos palais après cette abondance de mets de grande qualité. Une fois de plus nous avons passé en ce lieu de marins un bien agréable déjeuner.

les amuse-bouche

le repas

Dictionnaire encyclopédique des cépages mercredi, 22 février 2017

Voici le message que j’ai reçu que je m’empresse de transférer à tous les amateurs de vin.

 

Sujet : Réédition du Dictionnaire encyclopédique des cépages et de leurs synonymes de Pierre Galet

 

 

Nous sommes l’éditeur du Dictionnaire encyclopédique de cépages de Pierre Galet. Peut-être ne l’avez-vous pas encore acquis ?

 

Cet ouvrage vient d’obtenir le Grand Prix de l’Organisation internationale de Ia vigne et du vin, le jury l’ayant reconnu comme une œuvre unique et indispensable à toute personne de la filière viticole.

 

Paru mi-2015, il a été très vite épuisé, et il nous a semblé primordial de le rééditer. Comme vous pouvez vous en douter, l’impression d’un tel ouvrage entraîne des frais très importants.

 

C’est pourquoi nous avons décidé de lancer une souscription vous permettant de l’acquérir à un prix très avantageux, soit 80,00 € au lieu de 98,00 €, et 70,00 € si vous en commandez 5 exemplaires ou plus. Ce qui une très bonne occasion de l’obtenir à des conditions exceptionnelles !

 

Voici notre annonce (https://libre-solidaire.fr/epages/e02491b5-ce3a-4c00-b187-dc9ff39194fc.sf/fr_FR/?ObjectPath=/Shops/e02491b5-ce3a-4c00-b187-dc9ff39194fc/Categories/Dictionnaire_encyclopedique_des_cepages_souscription … …)

 

Bien cordialement,

 

Les éditions Libre & Solidaire

 

Présentation des vins du groupe Vega Sicilia mardi, 21 février 2017

Comme chaque année la société Vins du Monde invite à venir déguster les derniers vins mis en bouteilles de la Bodega Vega Sicilia. Les vins seront présentés Gonzalo Itturiagga le nouveau directeur de l’œnologie des cinq domaines du groupe présidé par Pablo Alvarez, qui représente un volume de l’ordre de 1,5 million de bouteilles.

L’Oremus Dry Mandolas Hongrie 2015 fait de furmint a un nez de vin jeune où pointe le caramel. Il a une belle attaque de réglisse et fleurs blanches. Il est consistant et a un finale solide. Ce qui frappe c’est la solidité et la cohérence. Il a une belle fraîcheur qui combine les fleurs blanches et le caramel. Je connaissais déjà ce vin qui est une très agréable surprise à un prix très doux.

Le Macan Clasico Rioja 2013 a un nez chaud de raisins très mûrs. C’est un vin très accueillant et peu complexe. Dans le final il y a du fenouil et de l’artichaut ce qui le rend agréable, voire chaleureux. Il a un très bel équilibre et peu de complexité. Il a l’aspect sauvage de la jeunesse, de belle râpe. J’aime ce vin gourmand paysan.

Le Macan Rioja 2013 est à 100% en tempranillo. Il a un nez charmeur et doux. Il est sensuel et beaucoup plus consensuel. Le finale est de jus de cassis. Il raconte moins de choses que le Clasico. Fluide c’est un vin de table gratifiant, mais on trouverait de par le monde beaucoup de vins de ce calibre. Je préfère l’équilibre du Clasico.

Le Pintia Toro 2012 a un nez très élégant et profond. Il est très enjôleur et son parfum est prometteur. Il est servi frais et c’est volontaire car il est plutôt lourd en bouche, voire lourdaud, ce qui contraste totalement avec l’impression olfactive. Il est trop gourmand, pas assez fluide et je ne l’aime pas.

Le Alion Ribera del Duero 2013 a un nez plus ferme, noble et affirmé. C’est un vin raffiné, mis en valeur par le précédent. Il a de beaux fruits rouges et noirs et un finale très beau, de cassis et de fruits frais. Il claque en bouche. Il est très long et porte 14,5° d’alcool. Il est très fruité, tannique mais il sait ajouter de la fraîcheur, avec un peu d’anis dans le finale. Gonzalo nous dit qu’il aime travailler les vins des années fraîches comme 2013.

Le Valbuena 5° Ribeira del Duero 2012 a un nez riche et noble. Le nez accueillant donne envie. La bouche est douce, doucereuse et le finale a de la pâte de fruit, du poivre et de la framboise. Tout en ce vin est doucereux. Ce vin agréable qu’aime beaucoup Gonzalo manque de tension. On dirait un porto sec. On le sent gastronomique mais il faudra l’attendre au moins dix ans pour qu’il gagne en vivacité. L’année 2012 est la première où ce vin a été fait sans merlot, avec 100% de tempranillo. Dans le finale, il reste du poivre sur la langue.

Le Vega Sicilia Unico Ribera del Duero 2005 a un nez magique. Je reconnais ce vin que j’adore, l’emblème du groupe Vega Sicilia. Quel raffinement ! Il a la fraîcheur, la finesse, des petites baies fines de cassis que l’on croque. Quelle promesse ! Il est encore trop jeune et tout fou et l’on sent qu’il va se renfermer bientôt, mais quel bonheur. Il est fluide et ne donne aucune impression d’alcool. Il a une belle acidité et un finale frais et fluide. C’est un très grand vin qu’il faut attendre au moins dix ans. Il est follement sensuel, il donne soif ! On a envie d’en reprendre.

L’Oremus 3 Puttonyos Tokaji 2010 a un nez de citron et de pomelos. Il est très beau, avec un beau fruit sucré, du litchi. Le finale est sucré avec la belle acidité d’un bonbon acidulé. C’est un vin de belle fraîcheur qui dans sa jeunesse est gastronomique.

On sent que Gonzalo le nouveau directeur de l’œnologie est un passionné. Les vins sont intéressants mais mon cœur est sélectif. Si certains vins sont à 100% tempranillo, mon cœur est 100% Vega Sicilia Unico, vin exceptionnel.

Tasting at Krug, Krug lunch at the Crayères dimanche, 19 février 2017

1 – champagne tasting at Krug’s headquarters

For years I met Margareth Henriquez, the president of the Maison Krug, in various wine events and we promised to meet at the Krug headquarters to taste the champagnes of her prestigious house together. Finally, the opportunity presents itself. It is planned that I will go to the headquarters one Friday at 11 am and then we will have lunch at the restaurant of the hotel Les Crayères. The idea comes from extending the stay at the hotel with my wife. As she does not drink, she will not go to Krug’s house but will share the planned lunch with the president who is commonly known as Maggie.

On the appointed day, after taking my wife to the hotel, I was greeted at the headquarters of the Krug House by Maggie, Eric Lebel the oenology director and cellar master and by Olivier Krug who will not stay with us because he will be traveling. In the reception room we have a Champagne Krug Grande Cuvée 163rd edition which logically must have been marketed after a disgorgement in 2013. This champagne enjoys a nice acidity. He is round, noble and rich.

We then go into the tasting room, Maggie, Eric and me, to taste seven wines from a high level program. The list of wines is written in chalk on a board with their identification number, which first contains the number of the quarter of the year of disgorgement, then the two digits of the disgorgement year and finally three figures which are certainly representing a lot.

The Champagne Krug Clos d’Ambonnay Blanc of Noirs 2000 has for identification 4 13 063. It was therefore disgorged in the fourth quarter 2013. It has a very discrete nose. In the mouth I feel rather shy, but it will assert itself. It is of great finesse and a beautiful elegance, all in suggestion.

The Champagne Krug Clos du Mesnil Blanc de Blancs 2000 has for identification 2 13 033. I recognize myself much more in this wine of nice acidity and in the finale very surprising of red fruits. More used to the wines of the Côte des Blancs, I am more at ease with this superb champagne.

L’Ambonnay is an aesthetic wine, very subtle. It is difficult but great. Le Mesnil is very noble with charm. It has a nice salty side and a beautiful citrus signature.

The Champagne Krug 2000 has an identifier 1 14 009. The nose is superb. It combines minerality and a toasted side. Its complexity is extreme. It is wide. It is nice for me to taste without Maggie or Eric imposing what I have to find in each wine, which does not prevent discussion. Eric says of the Krug 2000 that it is characterized by balance and precision. Its breadth and width are more assertive than for the previous two 2000. He has everything for him. I love it.

What fascinates me is that the evocation of red fruits of the Clos du Mesnil is that of the raspberry that is sometimes found in very old burgundy of the 10s, of the 20th century of course. And even more curious, the glass of Eric does not have this evocation of red fruits. The fullness of the Krug 2000 is impressive.

Thanks to her phone, Maggie can order on the Krug website the music that accompanies each of the champagnes. The association music and wine is very subjective and personal but one can really feel when a music is in harmony with a champagne and when it is not, which occurs little since musicians worked with the winemakers to arrive at these musical suggestions. We compared our emotions with pleasure.

The Champagne Krug Grande Cuvée 156th edition has an identifier 4 06 001. It is made on the basis of champagnes of 2000 which makes its presence consistent with previous champagnes. It’s immense. It is very beautiful, accomplished with evocations pastry, It is very sharp.

The Champagne Krug Grande Cuvée 157th edition has an identifier 3 07 001. It has much less volume and width. I definitely prefer the 156th. If we are to compare them we could say that the 157th is romantic and the 156th is a warrior.

The Champagne Krug 2002 has a superb nose. It is a comfortable and brilliant champagne. It has a nice fluidity and a great ease. For this champagne I suggested a dance by Fred Astaire and Ginger Rogers. The musical accord was relevant.

The Champagne Krug Grande Cuvée 158th edition has an identifier 1 08 002. It is joyous, glorious. It evokes a bolero. Its fruit is superb, gilded. It is done on a 2002 basis.

My ranking of this brilliant series would be: 1 – Krug 2000, 2 – Clos du Mesnil 2000, 3 – Great Cuvée 158th and 4 – Krug 2002. But each champagne is a marvel.

I am very impressed with the way Krug’s president, who ran South American LVMH companies, appropriated the history and philosophy of Krug House. She bases her vision of the champagnes of her house on the principles erected by Joseph Krug more than a century and a half ago. Eric Lebel is also in this guideline and the champagnes I have tasted are located in the Champagne elite. There are undoubtedly more sensual champagnes but we are here in the aristocracy of Champagne.

Eric abandons us because he is busy with other programs. We go Maggie and I to the Hotel des Crayères for a lunch prepared by the house Krug and Philippe Jamesse, to which I will add some surprises of my cellar.

2 – lunch at the Crayères restaurant

After the tasting at Krug House we will have a lunch, Margareth Henriquez, President of Krug, and I at the restaurant of the Hotel Les Crayères. My wife will attend lunch, but she will not drink. I told Maggie I would bring some surprises but I had not specified anything. When I go to the table I see that a menu is printed and includes the following wines: Krug 2003, Krug Grande Cuvée 159th edition, Krug rosé and Krug Collection 1990.

It happens that this morning, before the visit to the headquarters of Krug, I had given my wines to Philippe Jamesse the sommelier of Les Crayères. Seeing them, he told me that with what was planned, it was going to cause problems. We are therefore faced with a choice between the four wines on the menu and the three that I brought, which are a Krug Grande Cuvée of the 90s, another Krug Grande Cuvée of the 80s and a very rare bottle, a Krug Private Cuvée vintage 1964.

Moreover, we brought from the tasting made at the headquarters, the bottle of Clos du Mesnil 2000 and that of the Krug 2000. Four and three make seven and two make nine. Nine wines for two is excluded. The choice is difficult. I suggest that we drink: Clos du Mesnil 2000, Krug 2000, Krug Collection 1990, the Krug Grande Cuvée of the 80s and the Krug Private Cuvée vintage 1964.

As we completely change the champagnes of a meal made for other wines, I suggest that the champagnes will all be served together, each of us choosing to drink those he wants and compare them as he pleases. The program is launched, Maggie having a little trouble imagining that we drink all the wines at the same time.

There is also the problem of glasses. Philippe Jamesse, sommelier but also creator of glasses has put on table his biggest glasses. Maggie and I would be more favorable to smaller glasses. At our convenience we can taste the champagnes in the two glasses. The Clos du Mesnil 2000 will be much better in the large glass, which reinforces the suggestion of Philippe Jamesse but for the Private Cuvée 1964 it is the small glass that suits the best.

The menu prepared for the initial list of wines is: tartare locust lobster, iodized caviar plum juices / black truffle squash risotto, shells gently grilled / salmon cod pickled in half-salt butter, mosaic Beets and truffles / pig’s back cooked gently on the grill, organic vegetables cooked in salt crust under the embers / crispy chestnuts, fresh grapefruit, brown emulsion and maple syrup.

It is an impressive menu, intended to show the gastronomic flexibility of champagne wines.

The Champagne Krug Clos du Mesnil Blanc de Blancs 2000 is much more lively and dynamic when it is drunk with dishes than when it was tasted in the tasting room. It is more fruity in the large glass than in the small one. It has a sovereign charm, magic on the langoustine tartare. Its aerial complexities give it a certain romanticism.

The Champagne Krug 2000 confirms the richness he delivered in the tasting room a short time ago. He is powerful, assertive, righteous and noble. It is solid as a rock.

The three other champagnes will bring us into the fascinating world of champagnes at maturity. The Champagne Krug Collection 1990 was disgorged two years ago. It is wonderful because it has a crazy youth combined with material of high maturity. His balance is splendid. It is fluid, its fruit is asserted. It twirls in the mouth like fireworks.

Philippe Jamesse opens my wines. He shows me the corks of rare beauty. The smooth, clean and healthy cylinders are a pleasure to see. The Champagne Krug Grande Cuvée of the early 80’s is miraculous. It has a charm and a chew that pianote exotic fruits that are confusing. Its fullness on the palate is spectacular. It was with this champagne that I wanted to convince Maggie, the president of Krug, of the necessity of letting the « Grande Cuvée » grow older than any standard for having sublime wines. The evidence is there, in our glasses. This Champagne is at the top of what Champagne can give.

When Philippe pours into my glass the first drops of the Champagne Krug Private Cuvée vintage 1964, I know that it is won. The color of the champagne is of a rare purity, magically gilded. In the mouth this wine fills me with ease and pride. Not that I have any responsibility in making this champagne, but I am glad that it allows me to show to the one who decides the future of Krug how well age makes successful champagnes. This joyful plenitude with its beautiful golden fruit is a consecration.

I have Philip taste the two champagnes I brought. For me, the 1964, because of its rarity and perfection, won the vote, with a generous and opulent fruitiness and extreme complexity. But like Philippe I am obliged to note that it is the Krug Grande Cuvée of the 80s which is the most glorious, the most sensual, the most joyfull champagne.

It is interesting to make some considerations about this meeting and this experience. I wanted to meet Margareth Henriquez to show her by example that the Krug house should make his Grande Cuvée grow old much longer to offer them to wine lovers in their fullness. The wines that I brought here are the brilliant demonstration. But I could see that the movement is moving. From the moment that Krug writes on the labels the order number of the edition of the Grande Cuvée, we will differentiate all the Grandes Cuvées and obviously the wine market will seize it. Prices will inevitably explode, as the 158th edition will be worth more than the 163rd, for example, but the amateur will be able to favor the editions that he wants to drink. The market will bubble with this revolution. Maggie will pursue a policy of stock retention which, paradoxically, was virtually non-existent. Beautiful days are expected for this champagne, except perhaps for our wallets. But taste will triumph.

There is another teaching in the opposite direction for me. I came to defend the thesis of the constitution of stocks of champagnes with disgorgement of origin, so that we keep the champagnes in the version of their first delivery to the market. I am in fact more favorable to the initial disgorgements than to the recent disgorgements. During this meal, the Champagne Krug Collection 1990, which was disgorged two years ago, showed a vivacity and vigor that justifies that Krug should also make these champagnes « Collection » which rejuvenate Champagnes preserved on lees. It is probably necessary in the long-term storage policy to encourage the storage of the two versions, in similar proportions.

During this meal we discussed a thousand things. My ranking would be: 1 – Grande Cuvée year #80, 2 – Private Cuvée 1964, 3 – Collection 1990, 4 – Clos du Mesnil 2000, 5 – Krug 2000. But I would gladly ex-aequo the first and the second because the 1964 is very dear to my heart, and ex aequo the fourth and fifth because Krug 2000 is a wonderful achievement.

The food is brilliant, the service is attentive and competent. Philippe Jamesse makes a perfect wine service. This meal with immense wines will be a very great memory.

3 – dinner at the Crayères

It was not necessary to pray for a long time so that I would take a nap after these feasts. At twenty o’clock precisely we went down my wife and I to dine in the beautiful dining room of the Hotel Les Crayères. The choice of the wines will be quite easy since it remains of almost all the champagnes of the lunch.

The menu says « royal lobster in tartare and black truffle, fritot and creamy truffle with walnut water », but my wife and I prefer as at lunch to see this dish treated with caviar. We then take the pigeon of Onjon Lacquered Coteaux Champenois, the second filet under a roast of filling au gratin.

The four wines that remain, since the Clos du Mesnil 2000 was finished at lunch, have grown in size and are still as dashing, but it is me who is less dashing so it seems to me more judicious than the team of Crayères takes advantage of what remains of these miraculous champagnes.

Of the two meals, the dish that emerges and undoubtedly deserves the status of three stars, is the pigeon, gourmand, firm, original and tasty. Philippe Mille has created a pigeon that deserves to be in the annals of gastronomy.

After a night filled with beautiful dreams and a breakfast of good food I still had beautiful bubbles of joy that sang in my head the memory of this communion with the champagnes of a great maison de champagne.

(pictures are in the article just below)

Dégustation chez Krug, déjeuner de Krug aux Crayères dimanche, 19 février 2017

1 – dégustation de champagnes au siège de Krug

Cela faisait des années que je rencontrais Margareth Henriquez, la présidente de la maison Krug, dans diverses manifestations du vin et nous nous promettions de nous retrouver au siège de Krug pour goûter ensemble les champagnes de sa prestigieuse maison. L’occasion se présente enfin. Il est prévu que je me rende au siège un vendredi à 11 heures et qu’ensuite nous déjeunions au restaurant de l’hôtel Les Crayères. L’idée me vient de prolonger le séjour à l’hôtel avec mon épouse. Comme elle ne boit pas, elle n’ira pas au siège de Krug mais partagera le déjeuner prévu avec celle que l’on surnomme communément Maggie.

Le jour dit, après avoir conduit mon épouse à l’hôtel, je suis accueilli au siège de la maison Krug par Maggie, Eric Lebel le directeur de l’œnologie et chef de cave et par Olivier Krug qui ne pourra rester avec nous car il part en voyage. Dans le salon de réception, nous trinquons avec un Champagne Krug Grande Cuvée 163ème édition qui doit logiquement avoir été commercialisé après un dégorgement en 2013. Ce champagne jouit d’une belle acidité. Il est rond, noble et riche.

Nous passons ensuite dans la salle de dégustation, Maggie, Eric et moi, pour goûter sept vins d’un programme de haut niveau. La liste des vins est écrite à la craie sur un tableau avec leur numéro d’identification qui comporte en premier le numéro du trimestre de l’année de dégorgement, puis les deux chiffres de l’année de dégorgement et enfin trois chiffres qui sont sans doute ceux d’un lot.

Le Champagne Krug Clos d’Ambonnay Blanc de Noirs 2000 a pour identifiant 4 13 063. Il a donc été dégorgé au quatrième trimestre 2013. Il a un nez très discret. En bouche je le ressens assez timide, mais il va s’affirmer. Il est d’une grande finesse et d’une belle élégance, tout en suggestion.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil Blanc de Blancs 2000 a pour identifiant 2 13 033. Je me reconnais beaucoup plus en ce vin de belle acidité et au finale très étonnant de fruits rouges. Plus habitué aux vins de la Côte des Blancs, je suis plus à l’aise avec ce champagne superbe.

L’Ambonnay est un vin d’esthète, très subtil. Il est difficile mais grand. Le Mesnil est très noble avec un charme fou. Il a un joli côté salin et une belle signature d’agrumes.

Le Champagne Krug 2000 a un identifiant 1 14 009. Le nez est superbe. Il combine minéralité et un côté toasté. Sa complexité est extrême. Il est large. Il est agréable pour moi de déguster sans que ni Maggie ni Eric ne m’imposent ce que je dois trouver dans chaque vin, ce qui n’empêche pas de discuter. Eric dit du Krug 2000 qu’il se caractérise par équilibre et précision. Son ampleur et sa largeur sont plus affirmées que pour les deux 2000 précédents. Il a tout pour lui. Je l’adore.

Ce qui me fascine, c’est que l’évocation de fruits rouges du Clos du Mesnil est celle de la framboise que l’on trouve parfois dans de très vieux bourgognes des années 10, du 20ème siècle bien sûr. Et plus curieux encore, le verre d’Éric n’a pas cette évocation de fruits rouges. La plénitude du Krug 2000 est impressionnante.

Grâce à son téléphone, Maggie peut commander sur le site de Krug les musiques qui accompagnent chacun des champagnes. L’association musique et vins est très subjective et personnelle mais on peut vraiment sentir quand une musique est en harmonie avec un champagne et quand elle ne l’est pas, ce qui se produit peu puisque des musiciens ont travaillé avec les vignerons pour arriver à ces suggestions musicales. Nous avons comparé nos émotions avec plaisir.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 156ème édition a un identifiant 4 06 001. Il est fait sur la base de champagnes de 2000 ce qui rend sa présence cohérente avec les champagnes précédents. Il est immense. Il est très beau, accompli avec des évocations pâtissières, Il est très fin.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 157ème édition a un identifiant 3 07 001. Il a beaucoup moins d’ampleur. Je préfère nettement le 156ème. Si l’on doit les comparer on pourrait dire que le 157ème est romantique et le 156ème guerrier.

Le Champagne Krug 2002 a un nez superbe. C’est un champagne confortable et brillant. Il a une belle fluidité et une grande aisance. Pour ce champagne j’ai suggéré une danse de Fred Astaire et Ginger Rogers. L’accord musical s’est montré pertinent.

Le Champagne Krug Grande Cuvée 158ème édition a un identifiant 1 08 002. Il est joyeux, glorieux. Il m’évoque un boléro Son fruit est superbe, doré. Il est fait sur une base de 2002.

Mon classement de cette série brillante serait : 1 – Krug 2000, 2 – Clos du Mesnil 2000, 3 – Grande Cuvée 158ème et 4 – Krug 2002. Mais chaque champagne est une merveille.

Je suis très impressionné par la façon dont la présidente de Krug, qui gérait des sociétés d’Amérique du Sud du groupe LVMH, s’est approprié l’histoire et la philosophie de la maison Krug. Elle fonde sa vision des champagnes de sa maison sur les principes érigés par Joseph Krug il y a plus d’un siècle et demi. Eric Lebel est lui aussi dans cette ligne directrice et les champagnes que j’ai goûtés se situent dans l’élite de la Champagne. Il y a sans doute des champagnes plus sensuels mais on est ici dans l’aristocratie de la Champagne.

Eric nous abandonne car il est occupé à d’autres programmes. Nous nous rendons Maggie et moi à l’hôtel des Crayères pour un déjeuner préparé par la maison Krug et Philippe Jamesse, auquel je vais ajouter quelques surprises de ma cave.

2 – déjeuner au restaurant des Crayères

Après la dégustation faite au siège de la maison Krug nous allons déjeuner, Margareth Henriquez, présidente de Krug, et moi au restaurant de l’hôtel les Crayères. Ma femme participera au déjeuner, mais elle ne boit pas. J’avais dit à Maggie que j’apporterais des surprises mais je n’avais rien précisé. En passant à table je vois qu’un menu est imprimé et prévoit les vins suivants : Krug 2003, Krug Grande Cuvée 159ème édition, Krug rosé et Krug Collection 1990.

Il se trouve que ce matin, avant la visite au siège de Krug, j’avais donné mes vins à Philippe Jamesse le sommelier des Crayères. Les voyant, il m’avait dit qu’avec ce qui était prévu, cela allait poser des problèmes. Nous sommes donc face à un choix entre les quatre vins prévus sur le menu et les trois que j’ai apportés, qui sont un Krug Grande Cuvée des années 90, un autre Krug Grande Cuvée des années 80 et une bouteille très rare, un Krug Private Cuvée millésimé 1964.

De plus, nous avons apporté de la dégustation faite au siège, la bouteille de Clos du Mesnil 2000 et celle du Krug 2000. Quatre et trois font sept et deux font neuf. Neuf vins pour deux, c’est exclu. Le choix est cornélien. Je suggère que nous buvions : Clos du Mesnil 2000, Krug 2000, Krug Collection 1990, le Krug Grande Cuvée des années 80 et le Krug Private Cuvée millésimé 1964. Comme nous changeons complètement les champagnes d’un repas fait pour d’autres vins, je suggère que les champagnes soient tous servis ensemble, chacun de nous choisissant de boire ceux qu’il veut et de les comparer à sa guise. Le programme est ainsi lancé, Maggie ayant un peu de mal à imaginer que l’on boive tous les vins en même temps.

Se pose aussi le problème des verres. Philippe Jamesse, sommelier mais aussi créateur de verres a fait poser sur table ses plus grands verres. Maggie et moi serions plus favorables à des verres plus petits. A notre convenance nous pourrons goûter les champagnes dans les deux verres. Le Clos du Mesnil 2000 sera nettement meilleur dans le grand verre, ce qui conforte la suggestion de Philippe Jamesse mais pour le Private Cuvée 1964 c’est le petit verre qui convient le mieux.

Le menu préparé pour la liste initiale des vins est : langoustine de casier en tartare, les sucs de pinces iodés de caviar / risotto de courge à la truffe noire, Saint-Jacques dorée au sautoir / cabillaud saisi au beurre demi-sel, mosaïque de betteraves et truffes / dos de cochon cuit doucement sur le grill, légumes bio cuits en croûte de sel sous la braise / croustillant à la châtaigne, fraîcheur de pamplemousse, émulsion de marron et sirop d’érable.

C’est un impressionnant menu, destiné à montrer la flexibilité gastronomique des vins de champagne.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil Blanc de Blancs 2000 est très nettement plus vif et dynamique lorsqu’il est bu avec des mets que lorsqu’il a été dégusté en salle de dégustation. Il est plus fruité dans le grand verre que dans le petit. Il a un charme souverain, magique sur le tartare de langoustine. Ses complexités aériennes lui donnent un romantisme certain.

Le Champagne Krug 2000 confirme la richesse qu’il avait délivrée en salle il y a peu de temps. Il est puissant, affirmé, racé et noble. Il est solide comme un roc.

Les trois autres champagnes vont nous faire entrer dans le monde fascinant des champagnes à maturité. Le Champagne Krug Collection 1990 a été dégorgé il y a deux ans. Il est merveilleux car il a une folle jeunesse combinée à matière de haute maturité. Son équilibre est splendide. Il est fluide, son fruit est affirmé. Il virevolte en bouche comme un feu d’artifice.

Philippe Jamesse ouvre mes vins. Il me montre les bouchons d’une rare beauté. Les cylindres bien lisses, propres et sains sont un plaisir à voir. Le Champagne Krug Grande Cuvée du début des années 80 est miraculeux. Il a un charme et une mâche qui pianote des fruits exotiques qui sont confondants. Sa plénitude en bouche est spectaculaire. C’est avec ce champagne que je voulais convaincre Maggie, la présidente de Krug, de la nécessité qu’il y aurait à laisser vieillir les « Grande Cuvée » au-delà de toute norme pour avoir des vins sublimes. La preuve est là, dans nos verres. Ce Champagne est au sommet de ce que peut donner la Champagne.

Lorsque Philippe verse dans mon verre les premières gouttes du Champagne Krug Private Cuvée millésimé 1964, je sais que c’est gagné. La couleur du champagne est d’une pureté rare, magiquement dorée. En bouche ce vin me remplit d’aise et de fierté. Non pas que j’aie une quelconque responsabilité dans la confection de ce champagne, mais je suis heureux qu’il me permette de montrer à celle qui décide de l’avenir de Krug à quel point l’âge réussit aux champagnes bien faits. Cette plénitude joyeuse au beau fruit doré est une consécration.

Je fais goûter à Philippe les deux champagnes que j’ai apportés. Pour moi, le 1964, du fait de sa rareté et de sa perfection, emporte les suffrages, avec un fruité généreux et opulent et une complexité extrême. Mais comme Philippe je suis obligé de constater que c’est le Krug Grande Cuvée des années 80 qui est le champagne le plus glorieux, le plus sensuel, le plus joyeux.

Il est intéressant de faire quelques considérations sur cette rencontre et cette expérience. Je voulais rencontrer Margareth Henriquez pour lui montrer par l’exemple que la maison Krug devrait faire vieillir sa Grande Cuvée beaucoup plus longtemps pour offrir aux amateurs des vins dans leur plénitude. Les vins que j’ai apportés en sont la démonstration éclatante. Mais j’ai pu constater que le mouvement est en marche. A partir du moment où Krug écrit sur les étiquettes le numéro d’ordre de l’édition de la Grande Cuvée, on va différencier toutes les Grandes Cuvées et bien évidemment le marché du vin va s’en emparer. Les prix vont forcément exploser, car la 158ème édition vaudra beaucoup plus que la 163ème, par exemple, mais l’amateur saura privilégier les éditions qu’il a envie de boire. Le marché va bouillonner avec cette révolution. Maggie va mener une politique de rétention de stock qui, paradoxalement, était quasi inexistante. De beaux jours s’annoncent pour ce champagne, sauf peut-être pour nos portemonnaies. Mais c’est le goût qui triomphera.

Il y a un autre enseignement en sens inverse pour moi. Je venais défendre la thèse de la constitution de stocks de champagnes au dégorgement d’origine, pour que l’on garde les champagnes dans la version de leur commercialisation. Je suis en effet plus favorable aux dégorgements initiaux qu’aux dégorgements récents. Or au cours de ce repas, le Champagne Krug Collection 1990 qui a été dégorgé il y a deux ans s’est montré d’une vivacité et d’un vigueur qui justifient que l’on fasse aussi ces champagnes « Collection » qui rajeunissent des champagnes conservés sur lies. Il faut sans doute dans la politique de stockage à long terme encourager le stockage des deux versions, dans des proportions voisines.

Au cours de ce repas nous avons discuté de mille choses. Mon classement serait : 1 – Grande Cuvée année 80, 2 – Private Cuvée 1964, 3 – Collection 1990, 4 – Clos du Mesnil 2000, 5 – Krug 2000. Mais je mettrais volontiers ex-aequo le premier et le second car le 1964 est très cher à mon cœur, et ex-aequo le quatrième et cinquième car Krug 2000 est une magnifique réussite.

La cuisine est brillante, le service est attentionné et compétent. Philippe Jamesse fait un service du vin parfait. Ce repas avec des vins immenses sera un très grand souvenir.

3 – dîner aux Crayères

Il n’a pas fallu me prier longtemps pour que je fasse une sieste après ces agapes. A vingt heures précises nous descendons ma femme et moi pour dîner dans la belle salle du restaurant de l’hôtel les Crayères. Le choix des vins sera assez facile puisqu’il reste de presque tous les champagnes du déjeuner.

Le menu indique « langoustine royale en tartare et truffe noire, fritot et crémeux de truffe à l’eau de noix », mais ma femme et moi préférons comme au déjeuner de voir ce plat traité avec du caviar. Nous prenons ensuite le pigeon d’Onjon laqué de Coteaux Champenois, le deuxième filet sous une rôtie de farce à gratin.

Les quatre vins qui restent, puisque le Clos du Mesnil 2000 a été fini au déjeuner, ont pris de la largeur et sont toujours aussi fringants, mais c’est moi qui le suis moins aussi me paraît-il plus judicieux que l’équipe des Crayères profite de ce qui reste de ces champagnes miraculeux.

Des deux repas, le plat qui émerge et mérite sans aucun doute possible le statut de trois étoiles, c’est le pigeon, gourmand, ferme, original et savoureux. Philippe Mille a créé un pigeon qui mérite d’être dans les annales de la gastronomie.

Après une nuit peuplée de beaux rêves et un petit déjeuner de bonne gourmandise j’avais encore de belles bulles joyeuses qui chantaient dans ma tête le souvenir de cette communion avec les champagnes d’une grande maison.

Le carnet de Joseph Krug

le tableau donnant le programme (en anglais) qui ne sera pas suivi à la lettre

les verres dans la salle de dégustation

le Krug Grande Cuvée années 80

Le Krug Private Cuvée 1964

le repas initialement prévu

le repas que nous avons eu

le dîner

les vins du midi

le pigeon

le petit déjeuner du lendemain

déjeuner au restaurant Prunier mercredi, 15 février 2017

Un journaliste gastronomique qui a suivi mon parcours et m’a donné de-ci de-là de bons conseils me pousse à écrire un livre. Nous avions prévu d’en discuter avec un éditeur mais au dernier moment j’apprends que nous ne serons que tous les deux. Le déjeuner est maintenu au restaurant Prunier où ce journaliste est suffisamment connu pour que j’aie la possibilité d’apporter un vin. Nicolas m’avait vanté les mérites d’un plat de pâtes au caviar, goûteux et copieux.

J’arrive en avance et donne un champagne que j’avais dans ma musette à rafraîchir. Le lieu me plaît toujours autant, avec ses mosaïques noires et or et une décoration de boutique presque centenaire. Mon choix de menu sera : Pappardelles de Fernando Pensato au caviar Prunier (45 grammes ) / Brandade de morue « façon Prunier » / soufflé à la Chartreuse. Le caviar est vraiment copieux et les pâtes légèrement crémées sont délicieuses. Il vaut mieux manger les pâtes et le caviar en des bouchées séparées, pour profiter de la longueur du goût délicieusement salé du caviar. Inutile de dire que sur le caviar, le Champagne Salon 1997 est mis en valeur. Ce champagne a deux qualités : vivacité et douceur. Il a en effet une très belle énergie et en même temps il a le calme souverain d’un Teddy Riner. Il a presque vingt ans et se révèle d’une magnifique maturité. C’est un grand champagne.

J’avais demandé au chef Eric Coisel de viriliser un peu la brandade que par tradition on prive un peu d’ail pour ne pas indisposer l’entourage de ceux qui travaillent l’après-midi. La brandade ainsi dynamisée est d’un goût que j’adore. Le champagne ne crée aucun accord particulier avec la brandade. Il s’accorde beaucoup mieux avec le soufflé.

Nous avons bavardé avec le chef sympathique qui fait une cuisine fondée sur de beaux produits. Nicolas Barruyer, le directeur du restaurant est extrêmement sympathique lui aussi. Il y a en ce lieu que je pratique depuis plus de 45 ans une atmosphère qui me plait.