Dîner au restaurant Pages avec des vins de 1945dimanche, 9 avril 2017

Ma fille aînée installe à Paris la filiale française d’un cabinet d’avocats américain. Un des associés américains du siège de la maison-mère est de passage à Paris. Ma fille me dit qu’il aime le vin. Je propose un dîner avec cet associé, son épouse, ma fille et moi au restaurant Pages. L’idée me vient de choisir des vins de 1945, année qui a solidifié les liens entre nos deux pays. Les vins ont été livrés il y a trois jours et je les ouvre à 17 heures. Aucun problème ne survient aussi vais-je lire un livre au 116, le bar qui jouxte Pages et en est une filiale. Je bois une bière japonaise Asahi avec une assiette d’Edamame. Il s’agit d’une préparation de fèves de soja encore vertes, d’origine japonaise, dans leurs gousses recouvertes de sel, que l’on suce pour en extraire les fèves. C’est délicieux avec la bière et cela augmente le chiffre d’affaires car on est obligé de commander une nouvelle bière !

Vicky et Ben, de Washington DC arrivent à l’heure et Ben a apporté un vin à partager sans connaître mon programme. Le Champagne Vilmart & Cie Brut 1945 est de Rilly, au sud de Reims. Le niveau est bas car la bouteille a perdu près de 20% de son volume. Il n’y a pas de pschitt car le bouchon est trop rétréci et la couleur est très ambrée. Cela fait craindre le pire, mais si l’attaque est très fatiguée, le finale est d’une belle présence rafraîchissante qui laisse penser que le champagne va se réveiller. Et c’est ce qui se produit, le champagne devenant de plus en plus joyeux et doré, même si objectivement c’est un champagne fatigué. La fin de la bouteille est très agréable.

Le Riesling Schlumberger 1945 se présente dans une bouteille extrêmement poussiéreuse ce qui fait que l’on ne voit pas ce qui est écrit sur la fine collerette en haut de cette bouteille très effilée. Mais l’étiquette principale est bien lisible. Le verre est bleu comme cela existait pendant la guerre. Quelle n’est pas ma surprise de voir que le liquide que Thibault le sommelier me verse est d’une couleur jaune clair d’un vin jeune. La bouteille opaque ne le laissait pas prévoir. Le nez est très expressif, tranchant et vif, et le riesling est grand, pur, expressif. Sur le bœuf Ozaki en tartare, ce vin est un régal. C’est un vin d’un accomplissement et d’une sérénité étonnants.

Comme on nous annonce qu’il y a un poisson qui suivra un plat à base d’encornet, je fais ouvrir le vin de Ben, un Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Domaine François Raveneau 2001. Le nez du vin est d’une grande richesse. Le fruit est joyeux. Ce vin est l’archétype du bon chablis. Il est brillant mais ne fait en aucun cas ombrage au riesling délicieux auquel on aurait du mal à donner un âge tant il est d’un infinie précision.

Le Château Beychevelle Saint-Julien 1945 est d’une couleur qui n’a pas un gramme de tuilé. Le vin est d’un rouge vif glorieux. Le nez est intense, profond et j’y vois des notes de truffe. En bouche, il est confondant de vivacité, de richesse et de noblesse. C’est un vin parfait. Nous nous regardons stupéfaits et pour nos convives américains on sent que les certitudes vacillent. Au menu qui est commun à toutes les tables, le Chef Teshi a ajouté pour nous un pigeon avec une sauce où trempent des fraises des bois. L’accord est miraculeux. Le vin va continuer de briller en offrant d’autres facettes sur les deux morceaux de bœufs maturés absolument délicieux. C’est un des plus grands Beychevelle que j’aie eu l’occasion de boire.

Pour le dessert, j’ai apporté un Château Gerbay « Grandes Côtes » 1945 de Castillon sur Dordogne. A l’ouverture, le vin blanc doux avait un nez délicat de liquoreux qui aurait mangé son sucre. Maintenant, le nez est charmeur, floral, léger, de liquoreux discret. En bouche le vin est d’une incroyable fraîcheur, surtout dans le finale. Le dessert est un essai que j’avais mis au point avec Dorian le très compétent pâtissier de l’équipe du Pages, qui n’ayant que des fruits rouges a proposé des bananes et des noisettes. Le dessert ne fonctionne pas mais le liquoreux est d’un charme extraordinaire. Il est si délicat, frais, si fluide en bouche que je serais tenté d’en faire le gagnant des vins du dîner, même si le Beychevelle est d’une autre stature. Ce qui est sûr c’est que tous les vins nous ont ravis. Tant de fraîcheurs subtiles dans un Bordeaux Supérieur me ravit.

Comme d’habitude l’équipe de Pages sous l’autorité de Teshi a fait un menu remarquable avec trois plats d’extrêmement haut niveau, le poisson, le pigeon et les pièces de bœuf qui valent bien deux étoiles Michelin. Nos hôtes américains ont été conquis par les vins et le repas au point que Ben a tenu à payer l’addition alors qu’il était mon invité. La fraise des bois qui accompagne le pigeon et l’incroyable Côtes de Castillon sont encore sur ma langue au moment où je finis d’écrire ce compte-rendu.

chose étonnante, quand on découpe la capsule, l’empreinte des lettre existe sur le haut du bouchon et je l’ai découpée

préparatifs en cuisine avec inscriptions sur un tableau mural