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228ème dîner de wine-dinners au restaurant Akrame vendredi, 12 octobre 2018

Le 228ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Akrame. J’avais vu le chef il y a une dizaine de jours pour mettre au point le menu avec lui. Les vins avaient été livrés il y a une semaine et mis debout, dans des armoires à bonne température, la veille par Benjamin.

Je ne fais quasiment jamais de dîners à thèmes sur une région, une année ou un domaine car ce qui m’intéresse, c’est de faire de « vrais » dîners, dont le thème est le dîner lui-même. Le 150ème dîner comportait douze vins de 1947. C’était la seule fois. L’envie m’a pris pour ce dîner de mettre des 1978, en pensant que s’il est vrai que « quand on aime on a toujours 20 ans », pourquoi ne pourrait-on pas dire que « quand on aime on a toujours 40 ans » ? Comme nous sommes onze au lieu de dix j’ai rajouté un vin au programme qui avait été donné à l’inscription de chacun. Par caprice, j’ai ajouté un 1979 au lieu d’un 1978, pour échapper à la contrainte d’une règle intangible.

Le jour venu, un journaliste norvégien qui va participer au dîner est présent à 17 heures pour que Nina, la photographe qui l’accompagne puisse photographier l’opération d’ouverture des vins. A cette heure alors que nous sommes presque à la mi-octobre, il fait 26° et brille un beau soleil. Trois des bouchons ont tendance à s’enfoncer dès que je pique le tirebouchon. J’ai une petite incertitude sur le parfum de l’Ausone 1978. Les trois parfums exceptionnels sont ceux du Chambertin, de l’Hermitage et de l’Yquem.

Dans la salle très étroite, la table qui nous est réservée est toute en longueur, selon un plan ou le nombre de sièges pour chacun des côtés du rectangle est : 5 – 1 – 5 – 0. Un tel plan tout en longueur créera trois zones de discussion, à une aile, à l’autre et au centre. Or il est intéressant que tout le monde parle avec tout le monde. Il fait beau, pourquoi ne pas utiliser les tables qui sont dans la cour pour créer une table beaucoup plus carrée qui sera selon un plan : 4 – 2 – 3 – 2. Ça ressemble à la construction du plan de jeu d’une équipe de football mais il s’agit du nombre de sièges par côté du rectangle de la table. Benjamin regarde la météo sur son Smartphone et il y a 30% de chances de pluie. Benjamin affirme : « à 30% on peut prendre le risque ». On dresse donc la table avec quatre verres pour chaque place, et les premières gouttes de pluie tombent. Dans la cour il y a un grand store et deux grands parasols. Ces trois abris ne permettent pas de couvrir la table et les sièges. Le chef Akrame arrive et dit : « dîner à l’intérieur ». Mais la forme de la table est franchement dissuasive. Benjamin regarde à nouveau la météo avec Alissa et le jeune serveur Marc qui fera un service de grande qualité des plats et aussi des vins et il nous dit : « c’est le dernier nuage vu du ciel, et après ce nuage il n’y aura qu’un ciel dégagé ». La tentation est donc grande de dîner à l’extérieur. Mais pour être sûr que tout le monde soit à l’abri sous ses toiles de surfaces insuffisantes, il faut faire tourner la table de 90°, ce qui protégera mieux nos têtes. Il faut donc débarrasser la table et la dresser à nouveau. L’implication de l’équipe du restaurant est exceptionnelle. Pendant que toute l’équipe s’anime je vois un autre site météo ouvert par un des convives arrivé en avance qui indique : « de 20h à 23h, pluie ». Changer à nouveau n’est plus possible. Nous serons dans la cour.

Notre table est particulièrement cosmopolite. Il y a le journaliste norvégien, un ami hollandais qui vivait à Londres et s’installe à Paris, un américain globetrotter qui vit dans l’Oregon, un américain d’origine indienne qui vit en Californie avec son amie américaine, un allemand d’origine israélienne qui vit à Londres et il y a cinq français. Cela promet une ambiance sympathique.

L’apéritif avait été prévu debout mais la fine pluie l’interdit aussi le discours de présentation du dîner se fait tandis que nous sommes assis. J’avais ouvert une heure avant le repas le Champagne Dom Pérignon 1978 et fort curieusement un liquide noir a sali mes mains quand j’ai décollé la cape, et le bouchon lui-même s’est brisé au moment où je l’ai tourné pour l’ouvrir. C’est donc avec un tirebouchon que je l’ai extrait, sans apparition de pschitt. Une telle présentation de la bouteille ne devrait pas exister pour un champagne de cet âge. En bouche, le champagne est agréable, sans être tonitruant. Il n’a pas de défaut mais il n’a pas assez de personnalité. J’avais dit à Akrame pour les amuse-bouches « tu fais ce que tu veux, tu te lâches ». C’est ce qu’il a fait car nous avons aussi bien de l’anguille que des fruits rouges et des saveurs de pamplemousse. Tout est agréable à grignoter.

Le menu composé par le chef Akrame Benallal est : carpaccio de Saint-Jacques légèrement fumé fine feuille de foie gras / queue de homard et riso’huitre’ / anguille marinée sauce matelote framboise / pigeon rôti feuille et figue / filet et mijoté de biche pruneau amande et jus de grenade / Stilton brut / avocat pamplemousse.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 est l’intrus de ce dîner du fait de son millésime. Il est accompagné sur le plat de Saint-Jacques par un Verzellino Pino Zardetto Italie 1978. Ce vin est le ‘fantassin’ de ce repas, vin de table italien qui m’est inconnu. A l’ouverture son nez était délicatement doucereux alors que c’est un vin sec. En bouche il a un doucereux discret et ce qui m’étonne, c’est la forte impression de café dans le finale du vin. Malgré tout, il a peu de choses à raconter. Le champagne a un message beaucoup plus cohérent et vif. J’aime beaucoup ce Mumm.

Pendant que nous dînons, la pluie redouble de force. Lorsqu’il y a un store en tissu qui présente une pente, l’eau s’écoule. Et où s’écoule-t-elle ? Sur l’épaule d’un des convives. Son voisin de table éponge la toile comme le fait le soigneur d’un boxeur entre les rounds, et je me sens impuissant puisqu’il est exclu que l’on reconstitue la table ailleurs.

Akrame avait prévu ensuite des langoustines mais celles qu’il a reçues lui sont apparues d’une qualité insuffisante aussi a-t-il choisi de faire le plat avec du homard, absolument délicieux. Un convive particulièrement gastronome a remarqué que le ‘riso’ était calibré pour la langoustine plus que pour le homard, ce qui n’a pas empêché le plat de briller sur deux beaux vins blancs.

Le Côtes du Jura blanc Maison des Vignerons 1978 est légèrement trouble mais cela n’a aucune incidence sur le goût qui est splendide. C’est un blanc du Jura ensoleillé et vif qui a beaucoup de points communs, notamment l’acidité, avec l’autre blanc, le Château Haut Brion Blanc 1978. Ce vin est magnifique de complexité et il en joue avec bonheur. La différence de noblesse, en faveur du bordelais se fait surtout sur le finale, particulièrement affirmé. Ce Haut-Brion est grand.

Vient maintenant le plat et l’accord qui m’ont le plus enthousiasmé. L’anguille est divine et la trace de framboise canaille. Le Château Bel-Air Canon Fronsac 1978 est joyeux et sans complexe. Il s’affirme crânement face à son voisin. Le Château Ausone 1978 m’a fait un peu peur car à l’attaque il a un léger nez de bouchon. Mais le finale montre que le goût n’est pas du tout affecté. Par moments, j’ai eu des fulgurances de la noblesse d’Ausone, mais globalement le vin n’a pas donné le meilleur de lui-même. Il faut dire que comme nous sommes en octobre, les 26° de l’après-midi se fanent très vite, et il fait vraiment froid maintenant. Et comme les vins sont servis froids, leurs performances sont bridées.

Un ami a changé de place pour ne plus être mouillé. L’ami hollandais rince consciencieusement l’eau qui s’écoule de la toile perfide, la pluie est forte et tout ceci commence à me porter sur les nerfs. Aussi prends-je la parole pour dire que toute la table sera invitée à un autre dîner au printemps, dont j’apporterai tous les vins, car je ne supporte pas que mes convives ne puissent pas boire les vins dans les meilleures conditions. Un convive présent qui est d’un groupe de maisons de champagnes annonce qu’il accueillera volontiers ce futur dîner. Promesse est faite que ce dîner aura lieu.

Là-dessus la pluie s’arrête, ce qui n’annule pas ma promesse, et nous entrons maintenant dans une deuxième partie du repas où tout devient miraculeux. Sur le pigeon au goût parfait auquel la figue n’apporte pas grand-chose, le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau Père et Fils 1978 est au sommet de sa grâce. C’est la Bourgogne portée au firmament gustatif. Quel régal.

La biche en deux services accompagne deux vins du Rhône eux aussi au sommet de leur gloire. Le Château de Mont-Redon Châteauneuf du Pape 1978 que je connais bien, est généreux, simple mais flamboyant. C’est la force tranquille, sereine.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1978 est certainement le meilleur de ce vin et de cette année que je bois. Il atteint maintenant une plénitude évidente. Il est beaucoup plus complexe que le Mont-Redon, avec des accents très proches de ceux du vin bourguignon en matière de complexité.

Comme souvent, j’indique le mode opératoire qu’il faut adopter pour créer un accord superbe entre le stilton et le Château d’Yquem 1978. Le stilton est de toute première qualité et l’Yquem est d’un accomplissement parfait. C’est le Golden Boy de Wall Street.

Le dessert n’est pas tout à fait adapté au sauternes aussi trouve-t-il sa voie avec le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1978 qui s’ouvre avec un beau pschitt et se montre puissant et typé. Il est une divine surprise pour les hommes de Champagne de notre dîner.

Les cinq derniers vins ont permis de finir en fanfare ce dîner comme le montreront les votes puisque onze personnes votant pour les quatre meilleurs parmi douze vins, cela représente 44 votes dont 36 sont allés aux cinq derniers vins soit plus de 80%.

Au total, neuf vins sur douze ont eu des votes et parmi eux seulement quatre ont eu des votes de premier. Le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1978 a eu cinq votes de premier, l’Yquem 1978 a eu quatre votes de premier, l’Ausone et le Mont-Redon ont eu un vote de premier.

Le vote du consensus de ces 1978 serait : 1 – Château d’Yquem, 2 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau Père et Fils, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné, 4 – Château de Mont-Redon Châteauneuf du Pape, 5 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame, 6 – Château Ausone.

Mon vote est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau Père et Fils, 2 – Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame, 3 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné, 4 – Château de Montredon Châteauneuf du Pape.

Que dire de ce repas ? Tout d’abord, la variété des origines et des parcours de tous les convives a contribué à la qualité des échanges. Ensuite le fait de braver les éléments comme sur un frêle rafiot a donné du piment à l’expérience, nous mettant en danger en permanence. L’adrénaline montait, surtout pour moi car je bouillais de voir qu’on ne goûtait pas les vins dans les meilleures conditions. Il aurait fallu que la température ambiante ait quatre ou cinq degrés de plus et les vins un ou deux degrés de plus pour que ce soit idéal, et ça me chagrinait. Ensuite il est clair que le chef Akrame a un talent brillant et que les audaces culinaires qu’il prend se montrent justifiées. Ensuite encore que le service des vins et des plats ne peut pas être assuré par une seule personne même si Marc a été performant et astucieux. Ensuite encore, que si le réchauffement climatique est une réalité, il faut savoir ne pas braver les éléments.

Enfin, que les mails que j’ai reçus de tous à la suite du dîner montrent que cette folle aventure a été vécue comme un rare moment d’amitié et que tout le monde a envie de recommencer. Il n’y a en fait que des bons souvenirs.

Alors, s’il faut donner un titre à ce dîner, pour paraphraser Gene Kelly, ce sera : « drinking in the rain ». Et le dîner de compensation, je m’y engage, se tiendra à l’intérieur, quel que soit le climat du moment.


La cour du restaurant

le store et les parasols vont jouer un rôle crucial dans ce dîner :

mes outils

les vins

photo de groupe avant que je n’ajoute le Mumm Cuvée René Lalou 1979

les vins dans la cour du restaurant

227ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages jeudi, 4 octobre 2018

Charles est un des plus fidèles de mes dîners. Il me demande de faire un dîner pour ses amis. Nous serons onze. Il est un habitué du restaurant Pages aussi est-ce en ce lieu que se tiendra le dîner. Il y a plus d’une semaine, j’ai rencontré Lumi, la directrice de salle, Ken, le chef de cuisine qui est l’adjoint de Teshi, le chef étoilé du lieu et Matthieu, le sommelier, pour définir le menu. Ken comprend très bien que je souhaite une cuisine fondée sur les produits purs. Le projet est en place, validé par Teshi. Mes vins sont arrivés il y quelques jours au restaurant.

Charles m’apprend que plusieurs de ses amis ne seront pas présents avant 20h30 aussi est-il décidé de reporter à 20h30 l’arrivée de tous les convives. Nous allons nous coucher tard !

Etant au restaurant à 17 heures j’ouvre les bouteilles et je constate un phénomène curieux. Pour presque tous les vins rouges, des traces noires de lie couvrent le goulot lorsque le bouchon est sorti. Dans d’autres dîners, les bouchons collaient pratiquement tous aux parois de verre du goulot alors qu’aujourd’hui aucun bouchon ne colle au goulot. S’agit-il d’un hasard ou les conditions atmosphériques jouent-elles un rôle ? Il faudra que je vérifie sur de nouveaux dîners si la concordance des comportements des bouchons est le fruit du hasard ou le fruit des saisons. Le seul vin qui pourrait poser un problème est le Chypre 1869 dont le nez est très sec, presque camphré ou glycériné. Le plus beau parfum est celui de La Tour Blanche 1923 ainsi que celui du chablis.

La serviette qui me sert à essuyer et nettoyer les goulots est presque totalement noire, ainsi que mes doigts. Il me reste beaucoup de temps avant que les convives ne se présentent aussi ai-je le temps de boire une bière japonaise en grignotant des édamamés, fèves délicieuses et apéritives. J’écoute la séance de pilotage du service du soir entre tous les participants de la cuisine et du service qui révisent ce qu’ils doivent faire. Cela montre une implication professionnelle et une motivation de tous.

Les convives arrivent et nous prenons le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum (fait sur base de 1999 1997 1996) sur le trottoir du restaurant tant il fait bon en ce soir d’octobre. Nous sommes onze dont cinq femmes, ce qui est particulièrement agréable. Les petits amuse-bouches sont raffinés et délicieux. L’un est de poisson et l’autre de veau et c’est celui-ci qui fait le mieux vibrer le champagne au nez invraisemblable de personnalité. Quel grand champagne racé, vif, conquérant. Il sera le gagnant de nos votes et il est extrêmement rare que le premier vin soit premier dans les votes car il est facilement oublié quatre à cinq heures plus tard et douze vins plus tard. Sa prestation est donc exceptionnelle. Il est noble et gastronomique.

Nous passons à table et le menu est ainsi composé : Risotto aux cèpes et girolles / Saint-Pierre en deux façons, pur et avec un jus de volaille / Homard bleu breton grillé sur le Bincho, bisque avec du comté et du vin jaune / Pigeon de Vendée en deux façons, suprême nature, pattes farcies aux abats et au foie gras / Trois viandes de bœuf de maturation, de Normandie 11 semaines, de Galice 20 semaines et Wagyu Ozaki / Stilton / Cake aux agrumes, suprêmes de pamplemousse poêlés et marmelade de Kumquat / Financiers réglisse et nature.

J’ai bien fait de conseiller aux convives d’écouter le message du vin car le Champagne Gonet Père & Fils 1961 fait un contraste important avec le précédent champagne. Il fait plus assagi, plus discret offrant des saveurs d’automne que les champignons soulignent. C’est le plat qui nous fait aimer ce blanc de blancs de Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs.

Trois vins blancs vont accompagner les deux services du saint-pierre. Que j’aime quand on a le produit pur dans l’assiette ! Le Château Olivier blanc 1957 avait à l’ouverture un nez assez doux, suggérant un vin au botrytis affirmé. Le vin est riche et plaisant, gouleyant et franc et la bordelaise de notre table l’adore. C’est un vin joyeux.

Le Chassagne-Montrachet Marcel Toinet 1972 est une heureuse surprise, car il a une personnalité que je n’attendais pas à ce niveau. Il est simple bien sûr et profite bien du saint-pierre servi avec son jus de volaille. Ce vin très lisible a une belle longueur.

Le Chablis Grand cru Valmur Robert Vocoret 1971 est tonitruant. Son  parfum est invasif, puissant, et le vin est racé, cinglant, montrant bien qu’il est un grand cru. C’est le chablis à la maturité idéale, sans le moindre signe d’âge tant il est solaire.

Pour beaucoup autour de la table, c’est une grande surprise que le homard soit associé à un vin rouge. Le Château Branaire 1943 est un saint-julien de belle mâche. C’est une force tranquille, sereine. Il joue comme le regretté Jean Piat, éternel jeune premier. Il n’a pas d’âge, intemporel, équilibré, velouté et truffé. C’est un grand vin.

Le pigeon accueille deux vins. Le Gevrey-Chambertin Bouchard Père & Fils 1971 est simple, direct, très doux. Par contraste, le Clos de Vougeot Louis Latour 1971 fait sauvage, canaille, très bourguignon dans l’âme. J’ai tendance à préférer le plus provoquant des deux mais en fait chacun trouve son terrain d’excellence : le Gevrey avec les suprêmes et le Clos de Vougeot avec la farce délicieuse. Il n’y a aucune bataille entre ces deux 1971 et les deux paraissent largement plus jeunes que leurs 47 ans. Le chef Ken m’a fait un beau cadeau car lors du briefing avant le service, l’équipe avait énuméré les plats du repas des autres tables, dont une grouse. J’avais souhaité la goûter et elle fut discrètement ajoutée sur mon assiette. C’est une chair magnifique et vibrante, sans concession, cohabitant sans problème avec le délicieux pigeon.

Encore une fois deux vins pour le plat suivant, celui des trois bœufs si différents. Le Châteauneuf-du-Pape Les Cèdres Jaboulet 1969 est très typé et se place bien après les bourgognes. J’aime son aspect plutôt rugueux qui convient bien à la viande normande.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 1979 est beaucoup plus vif, racé et noble et c’est lui qui soutient le mieux le choc du gras généreux du wagyu. Pour les viandes, les deux vins du Rhône sont des vins de plaisir.

Le Domaine de Roustit Sainte Croix du Mont 1945 est doux et épicé. Il forme un accord parfait avec le fromage annoncé comme stilton mais dont je ne reconnais pas la croûte habituelle. Il est parfait, très salé, et excite bien ce vin qui aurait sa place dans la cour des grands liquoreux.

Le Château La Tour Blanche  1923 est mon bonheur. Il a tout pour lui. Un parfum à se damner, un gras dans le doucereux, avec des épices par milliers et des agrumes qui jouent avec le dessert. La marmelade de kumquat fait rebondir ce sauternes. Je suis aux anges. Curieusement ce vin premier pour moi ne sera pas dans le classement final de l’ensemble des convives.

Le Vin de Chypre 1869 a perdu une partie de ses senteurs camphrées mais il reste très sec. On sent toutes les complexités qu’il offre, avec réglisse, poivre et des concentrés de mélasse de fruit. Les financiers sont délicieux. Ce n’est pas le plus grand vin de Chypre que j’aie bu de cette année.

Pour les votes, nous allons ce soir battre des records. C’est assez invraisemblable, voire inouï. Nous sommes onze et nous votons pour nos quatre vins préférés sur treize vins. Les treize vins vont figurer dans au moins un vote. Chaque vin a donc été jugé digne de figurer dans les quatre premiers d’au moins un convive.  Ensuite et c’est incroyable pour onze votants, il y a neuf premiers ! Je n’ai jamais vu ça. Le Grand Siècle et le Clos Vougeot ont eu deux votes de premier et sept autres vins ont eu un vote de premier.

Les votes de premier féminins sont deux fois le Grand Siècle, le Gonet 1961, l’Olivier blanc 1957 et el Châteauneuf les Cèdres 1969. Les votes de premier masculins sont le Chassagne 1972, le Chablis 1971, le Branaire 1943, les deux votes pour le Clos de Vougeot et La Tour Blanche 1943. Les femmes sont donc plus champagne et les hommes plus pour les rouges charpentés.

Le classement du consensus serait : 1 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum (fait sur base de 1999 1997 1996), 2 – Château Branaire 1943, 3 – Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 1979, 4 – Champagne Gonet Père & Fils 1961, 5 – Clos de Vougeot Louis Latour 1971, 6 – Château Olivier blanc 1957.

Mon classement est : 1 – Château La Tour Blanche  1923, 2 – Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 1979, 3 – Chablis Grand cru Valmur Robert Vocoret 1971, 4 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum (fait sur base de 1999 1997 1996).

La cuisine a été superbe, lisible, centrée sur les produits purs. Tous les accords ont été réussis, le homard étant le plus bel accord et le risotto aux champignons étant celui qui a mis en valeur un champagne 1961 qui n’aurait pas brillé sans lui. Le service du vin et des plats fut attentif et pertinent. Charles fêtait ses dix années de mariage avec son épouse. Un couple présent a annoncé son proche mariage. L’ambiance était amicale, souriante et festive. Tout en ce dîner fut réussi.

 

 

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum (fait sur base de 1999 1997 1996)

Champagne Gonet Père & Fils 1961 Blanc de Blancs Mesnil s/ Oger

le bouchon du 1961 est au dessus du bouchon du grand siècle

Château Olivier blanc 1957 cru classé de Graves

Chassagne-Montrachet Marcel Toinet 1972

Chablis Grand cru Valmur Robert Vocoret 1971

Château Branaire 1943 Saint-Julien

Gevrey Chambertin Bouchard P & F 1971

Clos de Vougeot Louis Latour 1971

Châteauneuf-du-Pape Les Cèdres Paul Jaboulet Aîné 1969

Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 1979 Paul Avril

Domaine de Roustit Sainte Croix du Mont 1945

La Tour Blanche 1923

Vin de Chypre 1869

je ne savais pas que la tour de Pise était à Chypre !!!

la serviette pour nettoyer les goulots :

le briefing avant le service

les votes incroyablement dispersés !

Déjeuner au château d’Yquem mardi, 2 octobre 2018

Deux jours après le déjeuner avec Ed et Lisa au restaurant le Gaigne je prends la route de bon matin en direction du château d’Yquem pour y livrer les vins d’un futur dîner et préparer le menu avec le chef du château. Il y a des bouteilles fragiles dont notamment de 1872, 1878, 1889 et 1891, aussi n’avais-je d’autre solution que la voiture, car des valises sur roulettes sur des sols irréguliers sont un danger pour les vins. Le GPS de ma voiture me fait découvrir le sauternais par les moindres petits chemins aussi, ayant raté l’entrée du château je prends un chemin de terre qui me conduit directement devant la porte où livrer mes vins sans être passé par la voie officielle. J’ouvre la vieille porte en bois qui me fait entrer dans l’aile ouest du château. Qui vois-je en entrant, Pierre Lurton qui est occupé par un déjeuner officiel. A la cuisine, je salue les deux personnes qui font le service et ont déjà œuvré pour de précédents dîners que j’avais organisés. Je salue le nouveau chef de cuisine du château, qui est occupé à préparer les plats du déjeuner de Pierre Lurton et ses convives. Avec de l’aide je peux ranger mes vins dans la cave du château. Ils auront deux mois de repos dans les meilleures conditions.

On me propose de déjeuner dans la petite salle qui jouxte la cuisine, créée à l’intérieur de la tour du château. C’est en cette salle que j’ai ouvert les vins des trois dîners que j’ai eu le privilège de réaliser au château. Mon menu sera le même que celui des invités de Pierre Lurton. Une dorade royale est présentée avec de fines tranches de mangue et des pignons. Le plat est agréable et se marierait parfaitement au Y d’Yquem qui est prévu au menu, mais ses goûts très complexes et très affirmés ne conviendraient pas à des vins anciens.

La poularde qui suit est un plat plus cohérent. Mais là aussi une palette plus calme de goûts conviendrait mieux au futur dîner. Mon repas se fait à l’eau mais pour le fromage et le dessert, on m’apporte deux verres d’Yquem, de 2006 et 2016. Le Château d’Yquem 2006 a un botrytis un peu sec mais il a une belle ampleur. Le Château d’Yquem 2016 m’évoque ces mots : « Royal Baby ». C’est l’enfant qui est né avec une cuiller en argent. Il est pur, profond, magnifique à cet âge. Il est dans une phase valorisante alors que le 2006 est dans une phase plus ingrate, un peu refermée. Le 2016 a la concentration typique d’Yquem, mais il n’a pas une des caractéristiques que j’aime, lorsque l’on a l’impression de croquer des grains de raisins.

Lorsque le chef a fini le service, nous travaillons sur le menu du prochain dîner. Ce qui m’a impressionné, c’est que nous nous sommes immédiatement compris sur les spécificités d’un repas fait ‘pour’ les vins et qui plus est, pour des vins anciens. Nous avons défini une trame et Le chef va travailler sur les plats possibles dont nous discuterons ensuite.


Le long de la route on voit le botrytis qui progresse

quelques vues du château d’Yquem que j’adore

on m’a réservé une place dans la tour ronde

Beau déjeuner au restaurant Akrame mercredi, 19 septembre 2018

De retour à Paris, je suis pris dans la spirale d’un monde qui bouge. C’est la première fois que je vois, au retour du sud, les figues du jardin parisien mûres comme celles du jardin du sud. On peut imaginer que lorsqu’il fera 30° à Paris à Noël, il y aura encore des gens qui nieront le réchauffement climatique. Devant faire un des prochains dîners au restaurant Akrame, j’ai réservé une table pour le déjeuner, avec l’intention de voir le chef Akrame en fin de repas pour mettre au point le menu du futur dîner. J’ai invité ma fille cadette à partager ce repas. Etant en avance, j’ai le temps d’ouvrir le vin que j’ai apporté, un Châteauneuf-du-Pape Château de Montredon 1985, parce que j’adore cette année de plénitude à Châteauneuf. Dans la cour du restaurant, Akrame discute avec quelqu’un. Je l’embrasse et je me prépare à ouvrir le vin. Pour me donner du cœur à l’ouvrage, je commande un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle sans année. L’attaque est belle et généreuse et ce champagne est comme le baume du Tigre : il pourrait guérir de tous les accidents de la vie, tant il exsude une joie de vivre conquérante. Il est complexe, mais tellement accueillant. Ce n’est que du bonheur. J’apporte deux verres à la table où Akrame travaille et nous trinquons. Pour Akrame, un champagne ne se conçoit que s’il est de cette générosité.

J’ouvre mon vin et le tirebouchon limonadier ne lève qu’un bouchon poreux qui se déchire en bribes. Il faut que j’utilise la longue mèche en faisant bien attention pour que le bouchon sorte entier. Le parfum est divin, riche et joyeux.

Akrame est un homme pressé aussi la séance de travail que nous avions prévue à la fin du repas devra se tenir maintenant. Il vaut mieux tenir que courir. Entretemps ma fille arrive et s’assied, trinquant avec Akrame et moi. Nous étudions la liste des vins et c’est toujours un régal de discuter d’un menu avec un chef qui comprend instantanément ce qui va convenir. Nous trinquons au champagne qui plait beaucoup à Akrame et nous ravit, ma fille et moi. Comme un marteau-piqueur officie dans la cour de l’immeuble qui jouxte la cour du restaurant, nous décidons de prendre une table à l’intérieur. Je dis à Akrame de faire ce qu’il veut pour ce déjeuner.

L’équipe du restaurant est jeune, intelligente, souriante et comprend à demi-mot nos souhaits. Ils ont senti que je me chargerai du service du vin. On nous apporte deux beurres travaillés par le chef pour accompagner le pain. Je résiste car il n’est pas question que les efforts de trois mois dans le sud se perdent dès le premier jour. Le menu, tel qu’il m’a été donné en fin de repas, dans son expression minimaliste, ne rend pas compte de l’extrême générosité de la cuisine du chef : Audace : tourteau, carotte, navet / force : homard barbecue, menthe / marin : Skrei (cabillaud), champignon, noisette / terre : pigeon, Kamut / fraîcheur : apéro Ricard, cacahuète / jouissance : tomate, framboise, meringue, mousse chocolat d’antan, coulis fumé.

La sobriété en forme d’épure du menu du chef correspond sans doute à sa recherche mais elle ne rend pas compte de l’incroyable complexité de ses plats, dont la logique est percutante. La fine pâtisserie qui entoure le tourteau est sublimée par une sauce d’une rare justesse. Le homard est divinement cuit et convient aux deux vins, au Châteauneuf quand la chair est seule, et au champagne quand on associe le pesto à la menthe. Mais on s’aperçoit que le Châteauneuf-du-Pape Château de Montredon 1985 est tellement généreux qu’il arrive aussi à cohabiter avec la sauce crémée à la menthe. La chair du homard est cuite à la perfection.

Le vin rouge combine puissance et velours. Il est d’une force envahissante, mais il expose aussi un velours rassurant. Ce vin est magnifique. Le cabillaud est traité avec douceur et a perdu un peu de son aspect sauvage, tendance morue. Aussi est-ce le champagne qui lui convient le mieux. La raviole champignon noisette avec une sauce à la moutarde est délicieuse, sans doute à peine trop moutardée.

Le plat le plus étonnant est le pigeon qui apparaît dans une sorte d’omelette norvégienne qui ne se mange pas. La chair du pigeon est fondante, absolument parfaite. C’est, avec le homard, le couple gagnant de ce repas. Nous sommes rassasiés, aussi la suite du repas, avec le sorbet au Ricard et cacahuète, au goût suffisamment mesuré pour qu’il ne heurte pas le palais, et les desserts qui suivent n’éveillent plus notre enthousiasme.

Alors que les deux vins sont superbes, dont ce Châteauneuf-du-Pape puissant et velouté, qui devient presque doux en fin de repas, ce sont les plats qui ont eu la vedette. Akrame est en pleine possession de ses moyens qui sont grands et réussit une cuisine d’un très haut niveau. Le homard et le pigeon sont parmi les meilleurs que j’aie eu l’occasion de manger. Les chairs sont sublimes, et les accompagnements généreux ne leur nuisent pas.

Ajoutons à cela un service joyeux et compétent. Je sens que le dîner que nous ferons en ce lieu sera une réussite.

le vin du Rhône a un bouchon poreux collé au verre, très difficile à extirper

la table dans la cour de l’immeuble

les beurres travaillés de l’accueil à table

Akrame image toujours sa démarche culinaire

226th Wine-Dinners Dinner at the Exceptional Cellar of the Hotel de Crillon mercredi, 6 juin 2018

The 226th Wine-Dinners Dinner is held at the Exceptional Cellar of the Hotel de Crillon. It is a large room whose walls are windows where the greatest wines are exposed, with a brightness that does not harm their conservation. During the dinner at the Kaviari factory I had wanted to explore the marriage between old spirits and champagnes on caviar dishes. In this dinner, at two moments, we will explore the cohabitation of very old sauternes with rather sweet champagnes on dishes. It is with the chef Christopher Hache that I want to do it because I have the memory of nice dinners that we made before the renovation of the hotel de Crillon.
During a lunch at the hotel’s brasserie we had developed the menu with Christopher and his team including Pablo the pastry chef. All the logistical aspects were developed with the director of the restoration and I was able to measure to what extent all the teams of kitchen, table service and sommellerie are involved. It’s nice to feel such a motivation.
I had delivered my wines almost a week ago and they were set up the day before by Xavier, the excellent sommelier who will follow us all night with Elise, sommelier. Gautier, will manage the service and will be accompanied by Manon. And the chef will come several times to cover our plates with delicious sauces.
At 16:30 I am hard at work to open the bottles. I had brought two bottles of Yquem 1918 to be able to choose at the last moment the one that would be suitable, the lower one having a more sympathetic color. I opened the lowest and the perfection of its rich and flawless perfume reassured me. The 1955 Cheval Blanc perfume is extremely pure and the cork is beautiful.
Due to a tightening at the top of the neck, the cork of La Tâche 1959, very healthy, comes in several pieces. Its promising but still closed odor indicates that aeration will do him good. The cork of Vega Sicilia Unico 1959 comes in many crumbs because the top of the neck tightened and sharp, forbidden to go up the whole. The 1894 Yquem is the only bottle that does not have its original cap. It is marked on the new stopper that reconditioning dates from 1989 but I cannot believe, while it is written, that this cap is so young, because it is blackened in places and splits like old plugs. This is an enigma. The perfume of wine is magic of complexity. The Yquem 2001 opened just after, the darling of victory since he has won all the best ratings since birth, has a fragrance that seems discreet alongside the 1894 which is paradoxical. The wax of the 1869 Cyprus bottle is so thick that I would need a jackhammer to remove it. The scents at the opening are very smoked, even old cabinet. We feel that after aeration it will be big. The most beautiful smell, by far, is that of Rhum 1864, olfactory bomb combining power and incredible sweetness.
While I open the bottles a dialogue is formed with the cooks who prepare the dishes. I will taste sauces, I suggest some attenuations and when we talk about the avocado that would accompany the poached foie gras, I would tend to want to forget it, but Christopher Hache who will join us later, will convince me to keep it.
After the wines are opened and at 18:15, I open the first champagnes. The magnum of Krug Grande Cuvée has a blackened cap that breaks when I turn the top. I get the bottom with the tirebouchon. The perfume is promising and as the format is a magnum, I allow myself to taste this Krug which is divine. Xavier enjoys my glass. He is delighted. The 1962 Krug Collection will need air to flourish and the 1978 Veuve Clicquot Rosé is so powerful, with an explosive bubble that Xavier makes a suggestion that I immediately approve: instead of putting this rosé on the lobster, it would be worth better put it on the pigeon, because there will be no fight with la Tâche and the Spanish wine.

Everything seems on track, I will not need the two spare bottles that I brought. I can change and wait for the guests. We will be twelve, including a woman. The eleven guests all know each other professionally and nine of them have already participated in dinners, the tenth attended a session of the academy of old wines and the eleventh is the only « rookie ».
The aperitif is taken upright. Appetizers are: Quejo Pan & Quail Egg – Tamarind / Gaspacho Sphere / Frog Gyosa. The Magnum Champagne Krug Private Cuvée from the 60ies is rather from the 50ies when we take into consideration the cork and taste. The bottle is beautiful and of great rarity. The champagne is a little amber. In the mouth it plunges all of us into the world of ancient wines because there is no resemblance to current champagnes. It is powerful, sweet, round and offers both red fruits and salt. It has no bubble but a beautiful sparkling, it is very gastronomic and goes very well with the varied tastes of finger foods, the most beautiful agreement being with small tomatoes reconstituted that we bite at once.
We sit down to table. The menu composed by Christopher Hache is: pie – vegetables / shell – coriander / blue lobster – bisque / chicken – broth / pikeperch – meat sauce / pigeon – stuffing au gratin / poached foie gras – avocado / stilton / grapefruit – mango / financial / chocolate – declination.
The Yquem Y 1960 is a beautiful clear gold. The nose is very close to that of a Yquem and in the mouth, while it is a dry wine, this wine of Graves has a lot of kinship with Yquem. It looks more like a light Yquem than a dry wine. It is delicious, round and full but the agreement probably a little too conventional that I proposed with the pie will deprive it of votes at the end of the meal which is unfair because it is a wine of great pleasure.
The soup of shells coriander is accompanied by the Château d’Yquem 1918 because I remembered a successful marriage with a shell soup and Yquem. I probably did not explain enough, I do not know, but even if the agreement was found, it should have avoided coriander and make a broth rather than a cream. We will have to redo the test.
The Château d’Yquem 1918 will now coexist with the Champagne Krug Collection 1962 on the wonderful lobster. The very rare Champagne is completely different from the Krug Private Cuvée of the aperitif. The 1962 is sharp and of great depth. It is an intense and educated champagne. He inspires respect. The 1918 Yquem is of rare elegance. She is a very feminine Yquem who walks around twirling her crinolines and vertugadins. The demonstration is made that a great noble champagne can cohabit with an elegant Sauternes. What is impressive is that the trace of the Yquem in the mouth never ends and never goes out.
And this is where the absolute weapon appears, advised by Alexandre de Lur Saluces, chicken broth, served in a cup, which recalibrates the palate and makes it ready to face the reds. It’s really effective.
We will all be touched by lightning, as the agreement that arrives is out of the ordinary. The Château Cheval Blanc Heirs Fourcaud-Laussac 1955 merges with the zander (pikeperch) in a symbiosis unheard. It is undoubtedly the incredible perfection of the agreement that will propel this wine in first place in the final ranking. The grain of the wine is heavy, truffled like the most beautiful bordeaux of the right bank. I would put this wine on top of the recent Cheval Blanc 1947 that I had the opportunity to drink. This wine is glorious, balanced, rich and full of serenity.
On the pigeon, we will taste three wines because to the two red wines I added the champagne that should have been served on the lobster and that Xavier and I decided to move. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959 had at the opening a fragrance that required aeration but promised. He is now subtly Burgundian. It has the beautiful bitterness of the wines of the Romanée Conti estate. He may be a little shy next to Spanish wine. The supreme pigeon showcase it.

Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé 1978 is a bubble bomb after the previous champagnes that had almost no. It is adapted to the pigeon and finds its place without quarreling of borders with the two reds. It is large and long trace in the mouth, in pink tones that suggest the blood of the pigeon. It is very gastronomic.

The Vega Sicilia Unico 1959 is the quiet strength. His nose was strikingly balanced at the opening. He still is. It’s a Frank Sinatra. Despite his ease he has a rare power that allows him to be most suited to pigeon paw and especially the succulent stuffing. It looks like this « farce » was designed for the Spanish wine.

We will now explore the second challenge of combining an old Yquem with sweet champagnes on the same dish. I put two bottles of Cordon Vert CH.Mumm & Co 1930, one almost full and the other half only. We start with the most evaporated which is an incredible surprise because the champagne is lively, precise, measured sugar, the sweet is elegant. And I’m going to suggest something that I never do, the fuller bottle will be served in the same glass. It turns out that it works and this champagne delights me as it is precise and lively. We would not have given three cents to these tired, torn and stained bottles, but in the glass it’s a marvel.

Beside, the Champagne Moët & Chandon « Mousseux » from the 1930ies that I would rather see from the 50ies is a little clumsy, heavy sugar. It is interesting but the Cordon Vert is much more lively. The Sparkling wine »Mousseux » is not lacking in interest because the sublime poached foie gras enhances it.

Christopher Hache was right to have me keep in the recipe the burnt avocado, sweet as a candy, because it marries wonderfully with the Château d’Yquem 1894 absolutely glorious. This wine has incredible power. While I’m not a foolish lover of reconditioned wines, this Yquem rebouched in 1989 is a perfection and an incredible richness and poached liver enhances it. Complexity, aromatic richness, length and power make it an immense wine that will be the first of my vote.

What is paradoxical is that the Château d’Yquem 2001, a magnificent expression of a Yquem young and one of the greatest in history is almost « pale » next to the former 107 years his eldest. The agreements with stilton then with grapefruit and mango work fully with the 2001.

The Cyprus Wine 1869 is strange because it has smoky accents, but under this envelope it reveals beautiful spices and a beautiful pepper. It is a confusing but charming wine, very interesting for its taste that has nothing comparable. The very successful financiers suit him exactly.

We are twelve to vote for the five favorite among 13 wines since Rhum is not part of the vote. 12 wines out of 13 had votes which makes me extremely happy. Six wines had the honor of being named first. The Yquem 1894 and the 2001 Yquem each had three first votes, L’Yquem 1918 and Cheval Blanc 1955 each had two first votes. La Tâche 1959 and Vega 1959 each had a first vote. The Cheval Blanc who has been on eleven voting sheets with two first and five second votes is the winner of this evening.

The vote of the consensus is: 1 – Château Cheval Blanc Fourcaud-Laussac Heirs 1955, 2 – Vega Sicilia Unico 1959, 3 – Yquem Castle 1894, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959, 5 – Château d’Yquem 2001 , 6 – Yquem Castle 1918.

My vote is: 1 – Château d’Yquem 1894, 2 – Château Cheval Blanc Fourcaud-Laussac Heirs 1955, 3 – Vega Sicilia Unico 1959, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959, 5 – Champagne Krug Collection 1962.

The most beautiful chords are pike-perch and Cheval Blanc then stuffing the pigeon « farce » with the Vega Sicilia Unico.

We take a seat in the courtyard of the hotel. I brought cigars over thirty years old, from the time I smoked. Xavier had put the cigars to hydrate in the cigar cellar of the hotel. For the first time in 27 years I smoked a Cohiba while drinking a Rhum of Saint Martin 1864 absolutely exceptional presence and sweetness, stubborn perfection.

In a friendly and cheerful atmosphere, with an attentive and motivated service, on a kitchen of a talented chef and also motivated, we lived a dinner of very great wines. I wanted to try old Yquem with champagnes on two courses. The experiment succeeded. Off to new adventures.

(pictures are in the article in French. See below)

226ème dîner de wine-dinners à la Cave d’Exception de l’Hôtel de Crillon lundi, 4 juin 2018

Le 226ème dîner de wine-dinners se tient à la Cave d’Exception de l’Hôtel de Crillon. Il s’agit d’une grande salle dont les murs sont des vitrines où les plus grands crus sont exposés, avec une luminosité qui ne nuit pas à leur conservation. Lors du dîner à la manufacture Kaviari j’avais voulu explorer le mariage entre de vieux alcools et des champagnes sur des plats au caviar. Dans ce dîner, à deux moments, nous allons explorer la cohabitation de très vieux sauternes avec des champagnes plutôt doux sur des plats. C’est avec le chef Christopher Hache que j’ai envie de le faire car j’ai le souvenir de beaux dîners que nous avons faits avant la rénovation de l’hôtel de Crillon.

Lors d’un déjeuner à la Brasserie de l’hôtel nous avions mis au point le menu avec Christopher et des personnes de son équipe dont Pablo le pâtissier. Tous les aspects logistiques ont été mis au point avec la directrice de la restauration et j’ai pu mesurer à quel point toutes les équipes de cuisine, de salle et de sommellerie sont impliquées. Ça fait plaisir de sentir une telle motivation.

J’avais livré mes vins il y a près d’une semaine et ils ont été mis à la verticale la veille par Xavier, l’excellent sommelier qui va nous suivre toute la soirée avec Elise, sommelière. Gautier, prenant en charge le service de salle sera accompagné de Manon. Et le chef plusieurs fois viendra napper lui-même nos assiettes.

A 16h30 je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les bouteilles. J’avais apporté deux bouteilles d’Yquem 1918 pour pouvoir choisir au dernier moment celle qui conviendrait, la plus basse ayant une couleur plus sympathique. J’ai ouvert la plus basse et la perfection de son parfum riche et sans défaut m’a rassuré. Le parfum du Cheval Blanc 1955 est d’une pureté extrême et le bouchon est beau.

Du fait d’un resserrement en haut du goulot, le bouchon de La Tâche 1959, très sain, vient en plusieurs morceaux. Son odeur prometteuse mais encore fermée indique que l’aération lui fera du bien. Le bouchon du Vega Sicilia Unico 1959 vient en miettes nombreuses car le haut du col resserré et tranchant, interdit de le remonter entier. L’Yquem 1894 est la seule bouteille qui n’a pas son bouchon d’origine. Il est marqué sur le nouveau bouchon que le reconditionnement date de 1989 mais je n’arrive pas à croire, alors que c’est écrit, que ce bouchon soit aussi jeune, car il est noirci par endroits et se fend comme de vieux bouchons. Voilà une énigme. Le parfum du vin est magique de complexité. L’Yquem 2001 ouvert juste après, l’enfant chéri de la victoire puisqu’il a raflé toutes les meilleures notes depuis sa naissance, a un parfum qui paraît discret à côté du 1894 ce qui est paradoxal. La cire de la bouteille de Chypre 1869 est tellement épaisse qu’il me faudrait un marteau-piqueur pour l’enlever. Les senteurs à l’ouverture sont très fumées, voire de vieille armoire. On ressent qu’après aération il sera grand. La plus belle odeur, et de loin, est celle du Rhum de 1864, bombe olfactive combinant puissance et une douceur incroyable.

Pendant que j’ouvre les bouteilles un dialogue se noue avec les cuisiniers qui préparent les plats. On me fait goûter les sauces, je suggère des atténuations et lorsque nous parlons de l’avocat qui accompagnerait le foie gras poché, j’aurais tendance à vouloir l’oublier, mais Christopher Hache qui nous rejoindra plus tard, me convaincra de le garder.

Après les vins et dès 18h15, j’ouvre les premiers champagnes. Le magnum de Krug Grande Cuvée a un bouchon noirci qui se brise quand on tourne le haut. Je récupère le bas au tirebouchon. Le parfum est prometteur et comme le format est un magnum, je m’autorise à goûter ce Krug qui est divin. Xavier profite de mon verre. Il est enchanté. Le Krug Collection 1962 aura besoin d’air pour s’épanouir et le Veuve Clicquot rosé 1978 est si puissant, avec une bulle explosive que Xavier fait une suggestion que j’approuve immédiatement : au lieu de mettre ce rosé sur le homard, il vaudrait mieux le mettre sur le pigeon, car il n’y aura pas de lutte avec La Tâche et le vin espagnol.

Tout me paraît sur de bons rails, je n’aurai pas besoin des deux bouteilles de réserve que j’ai apportées. Je peux me changer et attendre les convives. Nous serons douze dont une femme. Les onze convives se connaissent tous professionnellement et neuf d’entre eux ont déjà participé à des dîners, le dixième a assisté à une séance de l’académie des vins anciens et le onzième est le seul « rookie ».

L’apéritif est pris debout. Les amuse-bouches sont : Pan de Quejo & oeuf de caille – tamarin / sphère gaspacho / Gyosa de grenouille. Le Magnum Champagne Krug Private Cuvée années 60 est plutôt années 50 quand on prend en considération le bouchon et le goût. La bouteille est magnifique et d’une grande rareté. Le champagne est un peu ambré. En bouche il plonge chacun d’entre nous dans le monde des vins anciens car il n’y a aucune ressemblance avec des champagnes actuels. Il est puissant rond et offre tout à la fois des fruits rouges et du sel. Il n’a pas de bulle mais un beau pétillant, il est très gastronomique et se marie très bien avec les goûts variés des amuse-bouches, le plus bel accord étant avec des petites tomates reconstituées que l’on croque en une fois.

Nous passons à table. Le menu composé par Christopher Hache est : pâté en croûte – légumes / coque – coriandre / homard bleu – bisque / poule – bouillon / sandre – jus de viande / pigeon – farce à gratin / foie gras poché – avocat / stilton / pamplemousse – mangue / financiers / chocolat – déclinaison.

L’Y d’Yquem 1960 est d’un bel or clair. Le nez est très proche de celui d’un Yquem et en bouche, alors qu’il s’agit d’un vin sec, ce vin de Graves a beaucoup de parenté avec Yquem. On dirait plus un Yquem léger qu’un vin sec. Il est délicieux, rond et plein mais l’accord sans doute un peu trop conventionnel que j’avais proposé le privera de votes en fin de repas ce qui est injuste car c’est un vin de grand plaisir.

La soupe de coques à la coriandre est accompagnée par le Château d’Yquem 1918 car j’avais le souvenir d’un mariage réussi avec une soupe de coques et Yquem. Me suis-je mal exprimé, je ne sais pas mais même si l’accord s’est trouvé, il aurait fallu éviter la coriandre et faire un bouillon plutôt qu’une crème. Il faudra refaire l’essai.

Le Château d’Yquem 1918 va maintenant cohabiter avec le Champagne Krug Collection 1962 sur le merveilleux homard. Le Champagne très rare est complétement différent du Krug Private Cuvée de l’apéritif. Le 1962 est vif et d’une grande profondeur. C’est un champagne intense et docte. Il inspire le respect. L’Yquem 1918 est d’une rare élégance. C’est un Yquem très féminin qui se promène en faisant virevolter ses crinolines et ses vertugadins. La démonstration est faite qu’un grand champagne noble peut cohabiter avec un élégant sauternes. Ce qui est impressionnant c’est que la trace de l’Yquem en bouche ne s’éteint jamais.

Et c’est là qu’apparaît l’arme absolue, que m’avait conseillée Alexandre de Lur Saluces, le bouillon de poule, servi dans une tasse, qui recalibre le palais et le rend prêt à affronter les rouges. C’est vraiment efficace.

Nous allons tous être touchés comme par la foudre, tant l’accord qui arrive est hors du commun. Le Château Cheval Blanc Héritiers Fourcaud–Laussac 1955 se confond avec le sandre dans une symbiose inouïe. C’est sans doute l’invraisemblable perfection de l’accord qui propulsera ce vin en première place du classement final. Le grain du vin est lourd, truffé comme les plus beaux bordeaux de la rive droite. Je mettrais ce vin au-dessus des récents Cheval Blanc 1947 que j’ai eu l’occasion de boire. Ce vin est glorieux, équilibré, riche et de totale sérénité.

Sur le pigeon, nous allons goûter trois vins car aux deux vins rouges j’ai ajouté le champagne qui aurait dû être servi sur le homard et que Xavier et moi avons jugé opportun de déplacer. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959 avait à l’ouverture un parfum qui demandait de l’aération mais promettait. Il est maintenant subtilement bourguignon. Il a les belles amertumes des vins du domaine de la Romanée Conti. Il est peut-être un peu timide à côté du vin espagnol. Les suprêmes de pigeon le mettent en valeur.

Le Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé 1978 est une bombe de bulle après les champagnes précédents qui n’en avaient quasiment pas. Il est adapté au pigeon et trouve sa place sans querelle de frontières avec les deux rouges. Il est grand et de longue trace en bouche, dans des tons rosés qui suggèrent le sang du pigeon. Il est très gastronomique.

Le Vega Sicilia Unico 1959 c’est la force tranquille. Son nez était d’un équilibre saisissant à l’ouverture. Il l’est toujours. C’est un Frank Sinatra. Malgré son aisance il a une puissance rare qui lui permet d’être le plus adapté à la patte de pigeon et surtout à la succulente farce. On dirait que cette farce a été conçue pour l’espagnol.

Nous allons maintenant explorer le deuxième challenge qui est d’associer un vieil Yquem avec des champagnes doucereux sur un même plat. J’ai mis deux bouteilles de Champagne Cordon Vert CH.Mumm & Co années 1930, une quasiment pleine et l’autre à moitié seulement. Nous commençons par la plus évaporée qui est une incroyable surprise car le champagne est vif, précis, au sucre mesuré, le doucereux étant élégant. Et je vais suggérer une chose que je ne fais jamais, la bouteille plus pleine sera servie dans le même verre. Il se trouve que ça marche et ce champagne me ravit tant il est précis et vif. On n’aurait pas donné trois sous à ces bouteilles fatiguées, déchirées et tachées, mais dans le verre c’est une merveille.

A côté, le Champagne Moët & Chandon « Mousseux » années 1930 que je verrais plutôt des années 50 fait un peu pataud, au sucre lourd. Il est intéressant mais le Cordon vert est beaucoup plus vif. Le Mousseux ne manque pas d’intérêt car le sublime foie gras poché le met en valeur.

Christopher Hache a bien eu raison de me faire garder dans la recette l’avocat brûlé, doux comme un bonbon, car il se marie à merveille avec le Château d’Yquem 1894 absolument glorieux. Ce vin a une puissance incroyable. Alors que je ne suis pas un amoureux transi des vins reconditionnés, cet Yquem rebouché en 1989 est d’une perfection et d’une richesse incroyable et le foie poché le met en valeur. Complexité, richesse aromatique, longueur et puissance en font un vin immense qui sera premier de mon vote.

Ce qui est paradoxal c’est que le Château d’Yquem 2001, magnifique expression d’un Yquem jeune et l’un des plus grands de l’histoire fait presque « pâlot » à côté de l’ancien de 107 ans son aîné. Les accords avec le stilton puis avec pamplemousse et mangue fonctionnent pleinement avec le 2001.

Le Vin de Chypre 1869 est étrange car il a des accents fumés, mais sous cette enveloppe il révèle de belles épices et un beau poivre. C’est un vin déroutant mais charmeur, très intéressant par son goût qui n’a rien de comparable. Les financiers très réussis lui conviennent exactement.

Nous sommes douze à voter pour les cinq préférés des 13 vins puisque le rhum ne fait pas partie du vote. 12 vins sur 13 ont eu des votes ce qui me fait extrêmement plaisir. Six vins ont eu l’honneur d’être nommés premiers. L’Yquem 1894 et l’Yquem 2001 ont eu chacun trois votes de premier, L’Yquem 1918 et le Cheval Blanc 1955 ont eu chacun deux votes de premier. La Tâche 1959 et le Vega 1959 ont eu chacun un vote de premier. Le Cheval Blanc ayant figuré sur onze feuilles de vote avec deux votes de premier et cinq votes de second est le vainqueur de cette soirée.

Le vote du consensus est : 1 – Château Cheval Blanc Héritiers Fourcaud–Laussac 1955, 2 – Vega Sicilia Unico 1959, 3 – Château d’Yquem 1894, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959, 5 – Château d’Yquem 2001, 6 – Château d’Yquem 1918

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1894, 2 – Château Cheval Blanc Héritiers Fourcaud–Laussac 1955, 3 – Vega Sicilia Unico 1959, 4 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959, 5 – Champagne Krug Collection 1962.

Les plus beaux accords sont sandre et Cheval Blanc puis farce du pigeon avec le Vega Sicilia Unico.

Nous montons prendre place dans la cour intérieure de l’hôtel. J’ai apporté des cigares de plus de trente ans, de l’époque où je fumais. Xavier avait mis les cigares à hydrater dans la cave de cigares de l’hôtel. Pour la première fois depuis 27 ans j’ai fumé un Cohiba tout en buvant un Rhum de Saint Martin 1864 absolument exceptionnel de présence et de douceur, entêtant de perfection.

Dans une ambiance amicale et enjouée, avec un service attentif et motivé, sur une cuisine d’un chef talentueux et lui aussi motivé, nous avons vécu un dîner de très grands vins. Je voulais essayer de vieux Yquem avec des champagnes sur deux plats. L’expérience a réussi. En route pour de nouvelles aventures.

Magnum Champagne Krug Private Cuvée années 60

le bouchon s’est cassé, le bas extrait au tirebouchon

‘Y’ d’Yquem 1960

Champagne Krug Collection 1962

Champagne Veuve Clicquot Cave Privée rosé 1978

Château d’Yquem 1918 – j’ai prévu deux bouteilles pour le cas où il y aurait un problème

rapprochement des bouchons de l’Y 1960 et de l’Yquem 1918

Château Cheval Blanc Héritiers Fourcaud -Laussac 1955

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1959

Vega Sicilia Unico 1959

Champagne Moët & Chandon « Mousseux » années 1930

Champagne Cordon Vert CH.Mumm & Co années 1930 (j’ai mis deux bouteilles)

Château d’Yquem 1894

Château d’Yquem 2001

Vin de Chypre 1869

Rhum de Saint Martin 1864

les vins dans la cave, sans le Veuve Clicquot rosé

les vins dans la cave d’exception

les bouchons avec de gauche à droite et de haut en bas : Y 60, Yquem 18 / Cheval Blanc 55, La Tâche 59 / Vega 59 / Krug Private Cuvée // Rhum 1864 / Chypre 1869 / Yquem 1894, Yquem 01 / Veuve Clicquot 78 rosé / Krug Collection 1962

notre table

les plats (j’ai oublié le pigeon et le foie gras poché)

les verres en fin de repas

les votes des 12 participants de ce dîner

225th dinner of Wine-Dinners at Pages Restaurant vendredi, 1 juin 2018

The 225th dinner of Wine-Dinners is held at Pages Restaurant. Given the smallness of the restaurant’s cellar, I deliver the wines on the day of the dinner, at 2 pm. Then chaining appointments, I find myself with a friend and a winemaker at the bistrot 116 Pages, drinking a Champagne Rosé Selosse disgorged in 2015. Arrived too cold, it is more cider than champagne and gradually it will flourish finally offering what should be Selosse rosé champagne, strong, impregnating and vivacious.

I am hard at work to open the bottles of dinner at 5 pm. An Englishman who will attend dinner tonight and recently attended the 30th session of the Academy of Ancient Wines is by my side to observe what I am doing. Even if some corks break in a few pieces, I do not have any major problems. Some perfumes are of stunning nobility, like Cyprus 1870, bomb of pepper and spices, the Fargues 1949 which has the majesty of very large Sauternes and the Petrus 1976, which is in the definition of the perfect Petrus. I said before opening the wines to Lewis that what best represents my passion for wine is the Grand Chambertin 1929. When I open the bottle, the sensuality of the discreet but promising fragrance moves me. We will see later what it is at the time of the votes. The white Haut-Brion 1990 has a rather discreet nose compared to what I expected. The only uncertainty is the Rausan-Ségla 1934 which could have a hint of cork. We will see.

We are ten, three of whom are new, with an overwhelming male majority against my will. The only woman registered phoned an hour before the meal to announce to the restaurant that she could not come because of a robbery she had just suffered. I almost got her to come anyway, but after saying yes she said no. She was replaced at short notice by a young American student at Le Cordon Bleu School whose director is at our table. There is an American, an English, a Belgian, a Lyonnais and six Parisians around the table.

The menu was developed with Chef Teshi and his team a few days ago and my suggestions were accepted. It is on the realization that the dinner was prodigious. The appetizers are: ceviché of ‘lieu jaune’ / iced carrot / chervil tuber / parmesan and beetroot.

The menu is: Royal sea bream carpaccio, caviar Daurenki, lemon caviar / ‘pouces-pieds’, mayonnaise with parsley and garlic / abalone, risotto, sea lettuce / red mullet, red wine sauce / lobster blue breton, sauce civet / veal sweetbreads, chanterelles / pigeon from Vendée, salmis, artichoke with barigoule, cherry / stilton / mangoes, fresh / financial almonds.

It’s warm weather so it is nice to have an aperitif on the sidewalk, Naoko, Teshi’s wife, coming to bring us appetizers. Champagne Dom Pérignon Magnum 1992 when served is a bit imprecise and short, as if he had a tiny trace of cork. But in fact it snorts, warms quickly because it is very warm in Paris and the champagne takes off and really looks like a beautiful Dom Pérignon, long, with a well-controlled acidity and generous yellow fruit flavors. It’s especially the sweet ice cream carrot that expands the champagne.

We go to the table and on the sea bream carpaccio we drink Champagne Pol Roger 1959. Its color is beautiful light amber, the bubble is almost invisible but the sparkling is there. This champagne combines with happiness unparalleled sweetness with a rare energy. He is noble and conquering and the agreement is good. We did not all have the same proportion of lemon caviar. My plate had a lot and others little and lemon caviar in high doses fights against champagne. But overall this champagne is exciting and joyful.

Château Haut-Brion Blanc 1990 is a legendary wine. I expected a lot and I find a real lack of power. It remains big with the beautiful bitterness of the wines of Graves, but it is not flamboyant and the demonstration will be given by the white who will follow it. The ‘pouces-pieds’ are delicious, original and it’s not the mayonnaise that suits them best, but a delicate vinaigrette that excites the Haut-Brion.
What abalone, these abalone! A marvel of taste. So, the Corton Charlemagne Bouchard Father & Son 1959 is totally at ease, glorious, serene, the real crooner. It is for my taste the risotto that propels Burgundy to an exceptional level of emotion.
It’s one of my quirks to associate Pétrus with red mullet. This will be the case again. The nose of Pétrus Pomerol 1976 was magical at the opening. He is even more so. And this rich pomerol is heavy with truffles and charcoal. It is a glorious and distinguished Petrus. The mullet is beautifully cooked, its skin is a treat and the agreement shows once again its relevance. What a beautiful Petrus!
I made suggestions for lobster and did not expect that they would be followed with such talent. I said that I much prefer the lobster body to the claws and now there is the body alone, without the slightest flourish, placed on a heavy sauce. And we are going to live one of those rare moments that I cherish: Château Rauzan-Ségla Margaux 1934is‘ the sauce of lobster, like lobster sauce ‘is‘ Margaux 1934. The continuity of taste is total. And the wine, for which I dreaded a possible taste of cork, is glorious. It is balanced, serene like the Corton-Charlemagne and all this is due to the long period of aeration of the wine. Powerful wine has no age, it is timeless. I would never have imagined that this wine that was reconditionned probably forty years ago would reach such a new perfection.
The Grand Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 is a wine of Jules Régnier, owner of the estate Sosthène de Grésigny. My heart belongs to him because it is in the line of my passion to look for curiosities which can be placed on a par with, even above much more capped wines. This wine is charm and subtlety. Everything is velvet in him. The nose has charm and the mouth is of a total sweetness. It is at once the odalisque of Ingres for mad seduction and d’Artagnan for persuasion. The perfect calf sweetbread is discreet, because on a stage, it is appropriate to be able to emphasize the first role, the star of the show. How this wine does stir my heart! I’m thrilled and Banana Republic votes will show that I was not the only one.
The pigeon is a marvel, the artichokes are sweets and the cherry is the touch of genius that will excite the Côte Rôtie The Landonne Guigal 1991. This wine is a lord, heavy but freshness minty. This is the most successful year for this Landonne and since we have just gone back 62 years since the Chambertin, all this seems an absolute natural. We are all dazzled by so much culinary perfection.
Château de Fargues 1949 is so brown that it is almost black. At the opening he had a perfume of incredible complexity. It still has it and this warm wine is madly complex in the mouth. The agreement with stilton fat is superb and while we have already eaten well, we would have wished more. Sauternes is also paired with a mango and fresh almond dessert that showcases other facets of wine with incredible charm.

The Porto Burmester 1920 had a discreet nose at the opening. The nose is a little more radiant and it is in the mouth that everything is played. This port is all in refinement. He is delicate despite his power. He surfs on the tongue to show his fluidity. The financiers accompany him with happiness. He has palpitations of rare elegance.

The financiers will also accompany the 1870 Cyprus Wine and there is no better tenet than these little pastries. Cyprus is a pepper bomb. While it is rich in spicy flavors, it can give the impression of being dry. But the most mesmerizing is that it takes us to territories of unknown flavors. We find ourselves lying on a beach next to vahinés wearing fragrant flowers that sing soft and enveloping melodies like their perfumes. I like this trip in another dimension.

It is time to vote and we all have stars that shine in our eyes as we lived a unique moment. Each of the ten participants must vote for five favorite wines out of the eleven of the meal and what fills me with joy is that the eleven wines appear in at least one vote. The Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 has an insolent score that I think I never had at one of my dinners: nine first-in-ten votes. Never. The other wine that was voted first is the Petrus by a single voter.

The consensus vote would be: 1 – Chambertin Grand Cru Sosthenes Grésigny 1929, 2 – Pétrus Pomerol 1976, 3 – Château Rausan-Ségla Margaux 1934, 4 – Corton Charlemagne Castle Beaune Bouchard Father & Son 1959, 5 – Champagne Pol Roger 1959, 6 – Wine of Cyprus 1870.

My vote is: 1 – Chambertin Grand Cru Sosthenes Grésigny 1929, 2 – Wine of Cyprus 1870, 3 – Pomerol Pétrus 1976, 4 – Champagne Pol Roger 1959, 5 – Château de Fargues 1949.

All the guests who have already participated in my dinners say that we are at a higher level than anything they have known. It must be said that all agreements have worked through the simplification of the recipies, which does not hinder talent. The presence of pouce-pieds and abalone at dinner was a pleasure because it is not every day that we eat. The most beautiful agreement was the symbiosis of Rausan-Ségla 1934 with the lobster sauce, so beautiful in its simplicity, followed for me by the risotto with Corton-Charlemagne 1959. The cherry on La Landonne is a whim I love and financiers on Porto and Cyprus are a piece of happiness.

The attentive guests brilliantly animated this meal held most often in English so that Lewis could participate in the debates. I am still amazed at the absolute success of this beautiful meal.

(see pictures on the following article)

225ème dîner de wine-dinners au restaurant Pages mercredi, 30 mai 2018

Le 225ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Pages. Compte-tenu de la petitesse de la cave du restaurant, je livre les vins le jour du dîner, à 14 heures. Enchaînant ensuite des rendez-vous, je me retrouve avec un ami et un vigneron au bistrot 116 Pages, buvant un Champagne Selosse rosé dégorgé en 2015. Arrivé trop froid, il est plus cidre que champagne et progressivement il va s’épanouir offrant enfin ce que doit être le champagne Selosse rosé, fort, imprégnant et de grande vivacité.

Je suis à pied d’œuvre pour ouvrir les bouteilles du dîner à 17 heures. Un anglais qui participera ce soir au dîner et avait assisté récemment à la 30ème séance de l’académie des vins anciens est à mes côtés pour observer ce que je fais. Même si certains bouchons se brisent en quelques morceaux, je ne rencontre aucun problème majeur. Certains parfums sont d’une noblesse renversante, comme le Chypre 1870, bombe de poivre et d’épices, le Fargues 1949 qui a la majesté des très grands sauternes et le Pétrus 1976, qui est dans la définition du Pétrus parfait. J’avais dit avant d’ouvrir les vins à Lewis que ce qui représente le mieux ma passion, c’est le Chambertin 1929. Lorsque j’ouvre la bouteille, la sensualité du parfum discret mais prometteur m’émeut. On verra par la suite ce qu’il en est au temps des votes. Le Haut-Brion blanc 1990 a un nez plutôt discret par rapport à ce que j’attendais. La seule incertitude est le Rausan-Ségla 1934 qui pourrait avoir un soupçon de liège. Nous verrons.

Nous sommes dix dont trois nouveaux, avec une écrasante majorité masculine, contre mon gré. La seule femme inscrite a téléphoné une heure avant le repas pour annoncer au restaurant qu’elle ne pourrait pas venir du fait d’un vol qu’elle venait de subir. J’ai failli obtenir qu’elle vienne quand même, mais après avoir dit oui elle a dit non, bien fol est qui s’y fie. Elle fut remplacée au pied levé par une jeune américaine étudiante à l’école Le Cordon Bleu dont le directeur est à notre table. Il y a autour de la table une américaine, un anglais, un belge, un lyonnais et six parisiens.

Le menu avait été mis au point avec le chef Teshi et son équipe il y a quelques jours et mes suggestions avaient été acceptées. C’est sur la réalisation que le dîner fut prodigieux. Les amuse-bouches sont : ceviché de lieu jaune / carotte glacée / cerfeuil tubéreux / sablé parmesan et betterave. Le menu est : carpaccio de daurade royale de ligne, caviar Daurenki, citron caviar / pouces-pieds, mayonnaise au persil et à l’ail / ormeau, risotto, laitue de mer / rouget, sauce vin rouge / homard bleu breton, sauce civet / ris de veau, girolles / pigeon de Vendée, salmis, artichaut à la barigoule, cerise / stilton / mangues, amandes fraîches / financiers.

Il fait beau aussi prenons-nous l’apéritif sur le trottoir, Naoko, la femme de Teshi, venant nous apporter les amuse-bouches. Le Champagne Dom Pérignon Magnum 1992 au moment d’être servi est un peu imprécis et court, comme s’il avait une infime trace de bouchon. Mais en fait il s’ébroue, se réchauffe vite car il fait très lourd à Paris et le champagne prend son essor et ressemble alors vraiment à un beau Dom Pérignon, long, avec une acidité bien contrôlée et des saveurs de fruits jaunes généreux. C’est surtout la carotte glacée doucereuse qui élargit le champagne.

Nous passons à table et sur le carpaccio de daurade nous buvons le Champagne Pol Roger 1959. Sa couleur est d’un bel ambre clair, la bulle est quasiment invisible mais le pétillant est bien là. Ce champagne combine avec bonheur une douceur sans pareille avec une rare énergie.  Il est noble et conquérant et l’accord se trouve bien. Nous n’avons pas eu tous la même proportion de citron caviar. Mon assiette en avait beaucoup et d’autres peu et le citron caviar à haute dose lutte contre le champagne. Mais globalement ce champagne est enthousiasmant et joyeux.

Le Château Haut-Brion Blanc 1990 est un vin de légende. J’en attendais beaucoup et je lui trouve un réel manque de puissance. Il reste grand avec les belles amertumes des vins de Graves, mais il n’est pas flamboyant et la démonstration en sera donnée par le blanc qui va le suivre. Les pouces-pieds sont délicieux, originaux et ce n’est pas la mayonnaise qui leur conviennent le mieux, mais une vinaigrette délicate qui excite le Haut-Brion.

Quels ormeaux, ces ormeaux ! Une merveille de goût. Alors, le Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1959 est totalement à son aise, glorieux, serein, le vrai crooner. C’est pour mon goût le risotto qui propulse le bourgogne à un niveau d’émotion exceptionnel.

C’est un de mes caprices d’associer Pétrus à du rouget. Ce sera le cas une nouvelle fois. Le nez du Pétrus Pomerol 1976 était magique à l’ouverture. Il l’est encore plus. Et ce riche pomerol est lourd de  truffe et de charbon. C’est un Pétrus glorieux et racé. Le rouget est magnifiquement cuit, sa peau est un régal et l’accord montre une fois de plus sa pertinence. Quel beau Pétrus !

J’avais fait des suggestions pour le homard et je ne m’attendais pas à ce qu’elle suivies avec un tel talent. J’avais dit que je préfère nettement le corps du homard aux pinces et voilà que se présente le corps seul, sans la moindre fioriture, posé sur une lourde sauce. Et nous allons vivre un de ces moments rares que je chéris : le Château Rauzan-Ségla Margaux 1934 ‘est’ la sauce du homard, comme la sauce de homard ‘est’ le Margaux 1934. La continuité de goût est totale. Et le vin, pour lequel je redoutais un éventuel goût de bouchon, est glorieux. Il est équilibré, serein comme le Corton-Charlemagne et tout ceci est dû à la longue période d’aération du vin. Le vin puissant n’a pas d’âge, il est intemporel. Jamais je n’aurais imaginé que ce vin qui a été reconditionné il y a probablement quarante ans atteindrait un tel nouveau de perfection.

Le Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 est un vin de Jules Régnier, propriétaire du domaine Sosthène de Grésigny. Mon cœur lui appartient car il est dans la ligne de ma passion de rechercher des curiosités qui peuvent se situer à l’égal, voire au-dessus de vins beaucoup plus capés. Ce vin est charme et subtilité. Tout est en velours en lui. Le nez  a du charme et la bouche est d’une suavité totale. C’est à la fois l’odalisque d’Ingres pour la folle séduction et d’Artagnan pour la persuasion. Le ris de veau parfait se fait discret, car sur scène, il faut savoir mettre en valeur le premier rôle, la vedette du spectacle. Que ce vin remue mon cœur ! Je suis aux anges et les votes de république bananière montreront que je ne fus pas le seul.

Le pigeon est une merveille, les artichauts sont des bonbons et la cerise est la petite touche de génie qui va exciter la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991. Ce vin est un seigneur, lourd mais de grande fraîcheur mentholée. C’est l’année la plus réussie pour cette Landonne et alors qu’on vient de remonter le temps de 62 ans depuis le chambertin, tout cela paraît d’un naturel absolu. Nous sommes tous éblouis par tant de perfection culinaire.

Le Château de Fargues 1949 est tellement brun qu’il est presque noir. Il avait à l’ouverture un parfum d’une incroyable complexité. Il l’a encore et ce vin chaleureux est follement complexe en bouche. L’accord avec le stilton bien gras est superbe et alors que l’on a déjà bien mangé, on en redemanderait. Le sauternes est aussi associé à un dessert à la mangue et aux amandes fraîches qui mettent en valeur d’autres facettes du vin d’un charme fou.

Le Porto Burmester 1920 avait un nez discret à l’ouverture. Le nez est un peu plus épanoui et c’est en bouche que tout se joue. Ce porto est tout en raffinement. Il est délicat malgré sa puissance. Il surfe sur la langue pour montrer sa fluidité. Les financiers l’accompagnent avec bonheur. Il a des palpitations d’une rare élégance.

Les financiers vont aussi accompagner le Vin de Chypre 1870 et il n’y a pas de meilleur faire–valoir que ces petites pâtisseries. Le Chypre est une bombe de poivre. Alors qu’il est riche de saveurs épicées, il arrive à donner l’impression d’être sec. Mais le plus envoûtant c’est qu’il nous emmène sur des territoires de saveurs inconnues. On se voit allongé sur une plage à côté de vahinés coiffées de fleurs odorantes qui chantent des mélodies douces et enveloppantes comme leurs parfums. J’aime ce voyage dans une autre dimension.

Il est temps de voter et nous avons tous des étoiles qui brillent dans nos yeux tant nous avons vécu un moment unique. Chacun des dix participants doit voter pour cinq vins préférés sur les onze du repas et ce qui me remplit de joie c’est que les onze vins apparaissent dans au moins un vote. Le Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 a un score insolent que je crois n’avoir jamais eu à l’un de mes dîners : neuf votes de premier sur dix. Jamais. L’autre vin qui a été voté premier est le Pétrus par un seul votant.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929, 2 – Pétrus Pomerol 1976, 3 – Château Rausan-Ségla Margaux 1934, 4 – Corton Charlemagne du Château de Beaune Bouchard Père & Fils 1959, 5 – Champagne Pol Roger 1959, 6 – Vin de Chypre 1870.

Mon vote est : 1 – Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Pétrus Pomerol 1976, 4 – Champagne Pol Roger 1959, 5 – Château de Fargues 1949.

Tous les convives qui ont déjà participé à mes dîners disent que nous sommes à un niveau supérieur à tout ce qu’ils ont connu. Il faut dire que tous les accords ont fonctionné grâce à la simplification des recettes, ce qui n’entrave en aucun cas le talent. La présence de pouces-pieds et d’ormeaux au dîner a fait plaisir car ce n’est pas tous les jours qu’on en mange. Le plus bel accord a été la symbiose du Rausan-Ségla 1934 avec le homard, si beau dans sa simplicité, suivi pour moi du risotto avec le Corton-Charlemagne 1959. La cerise sur La Landonne est un caprice que j’adore et les financiers sur le Porto et sur le Chypre sont des morceaux de bonheur.

Les convives attentifs ont animé avec brio ce repas tenu le plus souvent en anglais pour que Lewis puisse participer aux débats. Je suis encore émerveillé de la réussite absolue de ce beau repas.


Magnum Champagne Dom Pérignon 1992

Champagne Pol Roger 1959

Château Haut-Brion Blanc 1990

Corton Charlemagne du Château de Beaune Bouchard Père & Fils 1959

Pétrus Pomerol 1976

Château Rausan-Ségla Margaux 1934 (certainement reconditionné)

Chambertin Grand Cru Sosthène de Grésigny 1929 Jules Régnier

Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991

Château de Fargues 1949

Porto Burmester 1920

Vin de Chypre 1870

photo de groupe en cave

de gauche à droite et de haut en bas : capsule rouge du chambertin 1929, morceau du Corton Charlemagne 1959 dont le reste est plus bas, haut du bouchon du chambertin, bouchon du chambertin / capsule verte et bouchon du Corton Charlemagne 1959 , bouchon du Rausan Ségla 1934 (reconditionné), capsule rouge du 1934 / capsule jaune du Fargues 1949 à côté du bouchon du Haut-Brion 1990, bouchon du Fargues 1949 / en haut entre deux capsules rouges bouchon du Pétrus 1976, en dessous capsule du Pétrus, puis bouchon du Porto 1920 (mis en bouteilles il y a une trentaine d’années). En bas, capsule du Haut-Brion, bouchon de La Landonne 1991 et capsule de La Landonne.

quelques vues des bouchons

le bouchon du Pol Roger 1959

carpaccio de daurade et pouces-pieds

ormeau et risotto (caché par l’ormeau) et la mayonnaise aillée

Je n’ai pas photographié le rouget et je le regrette. Mais un des convives est venu à mon secours avec sa photo de ce plat merveilleux

J’ai mis en plus grand le homard car il représente ce que je souhaite : une simplicité sophistiquée. Ce fut grandiose

ris de veau et pigeon

les verres

les bouteilles vides

un détail raffiné : la cuisine est ouverte sur la salle. Lorsque le service est terminé, il y a une fleur au centre du plan de travail.

Déjeuner à la Brasserie de l’hôtel de Crillon avec le chef Christopher Hache vendredi, 11 mai 2018

Pour préparer un prochain dîner de wine-dinners, j’ai rendez-vous à l’hôtel de Crillon avec Christopher Hache le chef de la restauration des différents restaurants de l’hôtel.

Par un beau jour ensoleillé nous déjeunons dans une belle cour attenante à la brasserie. Il y a autour de la table Christopher le chef, Justin, responsable de la brasserie et Pablo le pâtissier de l’hôtel. J’ai apporté un Champagne Krug années 70 qui ne porte pas la mention « Private Cuvée », ni « Grande Cuvée », cette deuxième mention n’étant apparue que beaucoup plus tard. Elise, sommelière que je connais depuis longtemps, ouvre le champagne dont le bouchon évoque les années 70. Le nez du champagne est extrêmement complexe et expressif.

Je suis étonné qu’en bouche il paraisse, à la première gorgée, comme assez court. Mais cela ne va pas durer car très vite sa longueur rejoint sa complexité. Il est vif, au pétillant subtil même si la bulle est chiche et mes convives qui n’ont jamais approché des champagnes aussi vieux sont impressionnés par sa qualité. Il est peut-être un peu moins typé que les Private Cuvées de Krug, mais il a un tel charme qu’il se montrera gastronomique tout au long du repas.

A l’initiative de Christopher, nous goûtons trois caviars iraniens d’une maison qui s’appelle « Caviar de Beluga ». Le Beluga se présente assez gras, opulent, de belle longueur. Il est d’un grand charme. Le Royal Beluga est plus vif, plus profond et je l’aime encore plus sachant que ces deux versions sont parfaites et radicalement différentes. Le Sévruga au grain plus petit me plait beaucoup moins. Mais si j’avais commencé par celui-ci, il est certain que je l’aurais aimé, car ce caviar iranien est grand mais moins que les deux Belugas. Sur les trois caviars le champagne est délicieusement titillé et devient beaucoup plus complexe.

Dans la brasserie un jeune homme joue le rôle d’écailler mais pas seulement. Il m’avait fait l’article sur les huîtres qu’il présente et nous allons essayer deux huîtres numéro 3, une grasse et une maigre. Ma femme adore les grasses et j’adore les maigres. Il faudra que je l’invite en ce lieu car les huîtres sont de toute première qualité. Et c’est la grasse qui me paraît la plus goûteuse, avec une longueur en bouche que je n’ai sans doute jamais rencontrée à ce niveau. Le champagne brille encore plus.

J’essaie un accord de l’huître grasse avec le caviar le plus gras, le beluga, et ça ne marche pas, car l’huître est trop dominante. Justin fait une remarque pertinente : il faudrait que l’huître soit tiède pour que l’accord fonctionne.

Nous goûtons ensuite le pâté en croûte qui est délicieux et léger grâce aux petits pickles et à la gelée délicate. Le champagne se régale de cet accord. Le ris de veau croustillant avec une déclinaison d’artichauts est un plat massif et imposant qui réclamerait un vin rouge très lourd. Le champagne l’accompagne, mais la valeur ajoutée est plus faible.

Pendant ce repas nous avons mis au point le menu du dîner qui aura lieu dans moins d’un mois. Christopher Hache est motivé et nous avons pu concevoir l’ordonnancement du repas dans une compréhension mutuelle que je trouve extrêmement agréable et positive. Et le déjeuner fut bon, ponctué au final par des chocolats délicieux sur le café. Que demander de plus ?

Caviar, antique alcohols and rare champagnes, a trip in the unknown dimanche, 15 avril 2018

The caviar house Kaviari has in the 4th arrondissement of Paris a « factory » which is very nicely decorated. From time to time Kaviari invites chefs to come and design lunches on their caviars. Thus, responding to the invitation of chef Valerie Costa to come to lunch when it was her turn to be in the kitchen, I discovered Caviars Kaviari and met the General Manager Karin Nebot.

The idea came to me to associate my champagnes and my spirits for one dinner. The dinner of tonight is held at the Manufacture Kaviari. We will be twelve, one of the faithful friends of my dinners having invited ten people to constitute the table. Philippe Turquet is a cook who from time to time participates in the development of menus for caviar. I came here a few weeks ago to do some testing, and I asked him that the priority be pure products rather than the « façon » of presenting them. It is always a little frustrating for a chef to fade in front of the product, but Philippe has lent himself with a success that should be noted. Pascale Karin’s efficient collaborator made the purchases and the products were of high quality.

I arrive at 5 pm to open the wines and later the champagnes. Several ideas came up for me to compose this dinner. The first is that caviar must play a major role in more than half of the meal and it then fades when we arrive at cheeses and desserts. Indeed the fact to want to marry the caviar at every moment of the dinner in improbable agreements will not suit my wines.

The second idea is to take risks to try agreements and perhaps to create wonders. So in the program there are three wines or spirits that I have never tasted. The third idea is to check how can behave alcohol that is served at the same time as champagnes or wines. It is therefore a pioneering, adventurous experience that I wish to share with the guests of the meal.

There is in the program a Vodka of 1867, perhaps from Macedonia, which came from the Parisian cellar of the Duke of Windsor. I had asked a Russian-speaking friend to explain the Cyrillic label. She had trouble reading because it is not Russian but she confirmed two things: the date of 1867 is a vintage and not the date of creation of the distillery (as the Chateldon water that we drink is not vintage 1650) and it is probably a vodka fruit (?). I fact due to some people who saw the picture, it could be a Serbian plum Slivovitz. But at that time I thought of vodka. When I want to open it, a very hard concretion exists at the cork top. I try to break it without pushing the cork down but irresistibly it falls into the liquid. I decant the liquid very amber and with a string I manage to get out the cork while contracted, which impresses Napal who works in the kitchen and is watching me do. I clean any dust from the bottle and I can put the alcohol in its bottle. I did not want to take the risk that the cork would disintegrate in the liquid by polluting it. I open the wines between 5pm and 6pm, some Champagnes young around 6pm and the oldest at 7pm. Among the wines there is a totally unknown wine of 1916 for which I was without illusion. His nose delights me. Everything is fine.

When the guests have arrived we take the aperitif standing with a Champagne Dom Ruinart 1988 and we take at will caviar with small wooden spoons. The caviar is Transmontanus which is the blackest caviar of this house. The slightly amber champagne is of a magnificent fullness. It is tasty and the salt well measured caviar makes it even more greedy. The year 1988 succeeds in champagnes and this Dom Ruinart reaches a level of great excellence.

The menu that I composed – for once it’s me alone who composed it – and made with talent by Philippe Turquet is: caviar osciètre with oyster, caviar osciètre with warm oyster / caviar osciètre and scallops in carpaccio / osciètre caviar and saint-pierre cooked at low temperature, new candied turnips, white butter, turnip juice / Comté 18 months / Stichelton of the house Bellevaire / mango dessert just seized / mango gingerbread / lukewarm financial with nuts and hazelnuts.
The first dish with the two oysters hosts two champagnes. Champagne Substance Jacques Selosse disgorged in 2013 is a beautiful champagne noble who ideally enjoys being disgorged five years ago. It is noble and lively, but the competition is tough with the Champagne Krug Clos du Mesnil 1985 which is in a state of absolute perfection. What nobility. If we were to make a watch comparison this champagne would be like a tourbillon watch, the complication much sought after by amateurs. Noble, tall, seigniorial, this champagne is in a state of grace.
With the delicious raw scallops, we will try an alcohol and a champagne. What I suggest to my guests is to make a path « dish – champagne – dish – alcohol – dish » so that we do not telescope the two beverages. We always have the dish in between. The Champagne Moët & Chandon Brut Imperial 1964 is extremely amber. It is soft because it is dosed but it is well sparkling. It has accents of sauternes. He is very sensual. The agreement with the shell and the caviar is magical. I had tried during my preparatory meal in this place the Eau-de-vie Kummel 1943 and I was conquered. We take a little caviar and a little shell and the extremely fresh alcohol, aniseed chili and cumin taste form a splendid agreement. But the most alive is the following. When you take the shell right after the alcohol, you have in your mouth the memory of cumin and it’s great. The sugar in the shell cannot prevent the Kummel’s flashback. I check with joy that the alcohol does not crush neither the dish nor the champagne. This scheduling is convincing. This is a convincing experience.
Now, there is something unreal about having three drinks in front of us from 1915, 1916 and 1867. Two are over a hundred years old and one is over a hundred and fifty years old. They are associated with the saint-pierre.
The Blanc Vieux d’Arlay Jean Bourdy 1915 is a wine that I cherish in this sublime year. It breathes the nut and in the mouth it combines density and lightness. It would be impossible to give it an age as its fluidity exceeds time. I love this beautiful and so fluid expression of Jura wine.
Carcin Wine 1916 is a complete unknown. I had met a collector of antique empty bottles who has in his house in the center of France a real museum of the history of glasses and bottles. In a Breton castle he had acquired dozens of antique empty bottles and had also taken full bottles which he sold me several rarities including this one and some wines of the 18th century. I searched on internet and could not find anything that really explains this wine. Here is what I took off from the Web: what we read is rather Carcin, but it could be Larcin. Carcin can be a synonym for Quercynian. Larcin is a Bergerac wine. We would be in the wines of Cahors. But the glass of the bottle is engraved Birmenstorfer Wein which is a Swiss wine from Birmenstorf north-west of Zürich. It would then be a Swiss wine. But it could have been bottled by a merchant with any wine.

Through the very nice bottle I could see a very clear liquid. I had added this stranger to our meal, accepting in advance that the wine is tasteless. At the opening, the very pure perfume seemed pretty close to that of the Jura wine of 1915. The proximity of date had also played in my choice but it is especially the exploration of the unknown that animated me. On the palate I am so captivated that this wine will be the one I will put in number one in my vote. This wine, which I am unable to guess the region is a dry wine, resolutely dry. The Swiss track is plausible. But what is crazy is that it has a minty freshness in the finish that I have never met so well for a white wine. It is fresh, has no age in taste, enigmatic and good and its final freshness. On the caviar is a magic moment. I would not bet on this wine and this feeling of an unknown taste enchants me.

The Probable Vodka with Macedonian fruit 1867, from the parisian cellar of the Duke of Windsor, is incredibly amber. His taste clearly evokes a taste of vodka. But it seems to be a Serbian Slivovitz that is a plum schnapps. Everyone can be wrong, especially with alcohol of this age. The alcohol is there, but not very strong. There is a bit of rough in the taste but overall this alcohol is delicious. It is enigmatic, complex and twirling and appreciable, we can go from one to the other of the three wines and alcohol without feeling the slightest taste break. This improbable juxtaposition is one of the curiosities I like to inspire.

We now close the door to the dishes around the caviar to return to a more conventional part of the dinner. The Comté is excellent but a bit dry. He is very tasty. Chateau Chalon Jean Bourdy 1929 is a divine nut but I find it a little less powerful, a little more fluid than the 1929 that I already drank of this excellent wine.

Château d’Yquem 1946 is a beautiful amber color with almost pink tones. His nose is rich with a thousand complexities and sweet as rare pleasures. With the creamy Stichelton the agreement is superb. And what is confusing is that another chord is found with the perfect slices of mango pan-fried with a trace of honey. This Yquem is magnificent of accomplishment. And its adaptability is remarkable. The trace in the mouth of this wine is indelible, joyful and greedy.

The gingerbread was considered with the Yquem but I thought it preferable that the Yquem only rubs the mango and it is a Champagne Dom Pérignon 1978 that closes the meal. He is divine, magically accomplished. His serenity and balance make him a great Dom Pérignon that I could have included in my vote.

It is time to vote and it is very difficult as the wines and spirits are different. What gives me great pleasure is that the eleven wines have had at least one vote, which means that everyone has been deemed worthy to be in the top five by at least one guest. The other satisfaction is that six out of eleven wines were deemed worthy of being first by at least one of the guests. The Yquem had five first votes, the 1915 Blanc d’Arlay and the 1978 Dom Pérignon each had two first votes and three wines had a first vote, the 1985 Krug Clos du Mesnil, Carcin Wine 1916 and Vodka 1867. In my vote if I had retained the pure quality I would have put the Clos du Mesnil first, but the Wine of Carcin 1916, complete enigma surprised me so much that it is him that I have retained.

The vote of consensus is: 1 – Château d’Yquem 1946, 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 3 – Old White d’Arlay 1915, 4 – Probable vodka with fruit of Macedonia 1867, 5 – Vin de Carcin 1916, 6 – Champagne Dom Pérignon 1978.

My vote is: 1 – Vin de Carcin 1916, 2 – Château d’Yquem 1946, 3 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1985, 4 – Eau-de-vie Kummel 1943, 5 – Probable vodka fruit of Macedonia 1867.

What to say about this dinner? The Manufacture agreed to host one of my dinners and contributed to the success of the experience. The purchase of high quality products and a chef who agrees to play simplicity to deliver pure products without unnecessary façon, these are two major assets. We had not planned a sommelier and I had to take on this role. It is imperative for a sommelier to ensure the service of the wine if we imagine new experiences.

I wanted to take risks with wines or alcohol that I did not know, because it seemed to me to be part of the experience. We were lucky that all the wines were good. It gives me a furious desire to start again. I will try to convince those who have itching to mix caviar, rare alcohols and large champagnes.

With particularly nice and open diners, we had an anthology dinner. 1867, 1915, 1916, 1929, 1943, 1946 …. time has no hold on great wines.

(pictures are in the article in French concerning this dinner)